M. Thierry Repentin. Cette bonne performance est due à une attention constante à l’évolution des charges supportées par les locataires, ainsi qu’à la qualité et au bon entretien du patrimoine.
Quant à la construction neuve, de nouveaux programmes de logements sociaux bénéficient déjà du label de haute performance énergétique.
Comme vous le voyez, monsieur le ministre d’État, les élèves dont le bulletin de notes mériterait de comporter l’appréciation « doit mieux faire » ne sont pas forcément ceux que l’on croit !
Toutefois, après avoir rectifié cette erreur de diagnostic, je dois m’étonner d’une grave lacune du projet de loi : les financements publics pour la rénovation du parc HLM sont, pour l’heure, introuvables !
En effet, tous les acteurs concernés conviennent que 800 000 logements sociaux, les plus énergivores, méritent d’être mis à niveau. Mais les financements publics font défaut. Monsieur le ministre d’État, pourquoi la rénovation du logement pour tous devrait-elle bénéficier de moins d’aides que celle du logement réservé à certains ? Cela est inéquitable et, à ce stade, inacceptable pour nous ! Dans les HLM aussi, il faut diminuer la facture pour réduire la fracture énergétique !
Je veux croire que l’État n’entend pas se désintéresser de la durabilité du logement pour tous. Aussi je vous demande, sur ce dossier qui est crucial à nos yeux, de faire concorder les annonces volontaristes du Gouvernement et les actes qu’il pose.
En ce qui concerne les moyens, le groupe socialiste proposera notamment, en toute responsabilité, une hausse du plafond de dépôt du livret A, afin de dégager, à défaut d’effort budgétaire, de nouvelles sources de financement en faveur de l’amélioration de l’habitat social.
En ce qui concerne maintenant l’urbanisme, l’urgence est à l’aménagement durable du territoire et à la ville compacte.
Toutefois, il ne suffit pas de définir des objectifs de lutte contre l’étalement urbain, il nous faut aussi faire œuvre de pédagogie et de persuasion.
J’en appelle donc à une réconciliation affective des Français avec la ville. Le choix de la vie urbaine doit être guidé non pas uniquement par la raison, mais également par le désir, ce qui sera possible à condition que nous travaillions à créer une ville conviviale, respectueuse et mixte. Je pense ici à toutes les mixités, d’usage et sociales, que nous n’obtiendrons qu’à une double condition : la responsabilisation des acteurs locaux et la vision intercommunale.
Il sera donc nécessaire de doter les autorités locales d’outils puissants pour atteindre les objectifs en matière de lutte contre l’étalement urbain et le changement climatique.
À ce titre, l’approche urbanistique sous-tendant le projet de loi est trop timide.
Par exemple, le volet concernant les transports, qui constituent pourtant le poumon de la vie urbaine, est très insuffisant. Le désenclavement des quartiers et l’amélioration de toutes les mobilités – géographiques, sociales, symboliques – exigent des transports collectifs performants.
Responsabiliser les territoires, c’est donc trouver des financements pour les infrastructures de transports afin de compléter les subsides de l’État, qui sont aujourd'hui en régression.
Avec les collègues de mon groupe, je proposerai, en particulier, la création d’une taxe de valorisation immobilière : par exemple, lorsqu’un projet de tramway entraînera la valorisation de biens ou de terrains situés à proximité de la future ligne, le produit de cette taxe permettra aux collectivités de financer d’autres projets d’infrastructures ou d’assurer le portage d’emprises foncières.
Par ailleurs, les élus locaux ont besoin de documents d’urbanisme plus incitatifs et plus précis qu’ils ne le sont aujourd’hui et que ne le prévoit le projet de loi. Bref, il est nécessaire d’assurer une compatibilité active des documents prospectifs élaborés par les différents niveaux de collectivités.
Les membres du groupe socialiste prennent à cœur leur rôle de législateur. Nous ferons, au cours du débat, de très nombreuses propositions d’amélioration du projet de loi, outre celles que je viens d’évoquer rapidement. Nous attendons en retour, de la part du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, le même esprit constructif, sans lequel le débat ne pourra déboucher sur aucun vote favorable : le rendez-vous serait alors manqué.
À cet instant, je me tourne plus particulièrement vers vous, monsieur le ministre d’État, et j’en appelle à vos souvenirs.
Le projet de loi portant engagement national pour le logement comprenait onze articles lorsqu’il fut déposé sur le bureau du Parlement, à l’automne 2005. Après son adoption définitive, au terme du processus législatif, il en comptait plus de cent, fruits du travail parlementaire. Je souhaite que vous puissiez à nouveau, cette semaine, permettre aux membres de la Haute Assemblée d’accomplir la tâche pour laquelle ils ont été élus : légiférer,…
M. Charles Revet. Nous le faisons toujours !
M. Thierry Repentin. … avec audace, dans un esprit de responsabilité, avec une liberté que le Sénat doit revendiquer s’agissant d’un texte portant sur un sujet essentiel, qui place une fois de plus les acteurs locaux en première ligne !
Les collectivités territoriales représentées dans cet hémicycle n’en ont que plus de légitimité pour exiger une amélioration du contenu du texte qui nous est proposé : c’est le seul chemin qui pourrait nous permettre de nous retrouver le jour du vote sur l’ensemble de ce projet de loi. Vous avez les cartes en mains, nous avons nos convictions : il est de votre responsabilité de trouver les voies de notre rapprochement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous commençons donc la discussion au Sénat de ce projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement : c’est un texte fondateur pour les temps à venir.
Je veux rappeler la tenue de ces assises de l’environnement qui ont fait suite à l’élection présidentielle, et leur heureux aboutissement, grâce à l’esprit qui a animé les participants tout au long de ces semaines de discussions du second semestre de 2007. Vous avez, monsieur le ministre d’État, avec vos secrétaires d’État et tous vos collaborateurs, réussi à réunir et à faire dialoguer des personnes dont la sincérité n’est pas en cause, mais qui n’avaient pas l’habitude de se parler. Vous avez permis de dégager un consensus qui va guider l’action politique en la matière pendant longtemps.
Au total, le Grenelle de l’environnement a débouché sur 263 engagements, dont l’échéance est certes plus ou moins proche, et la mise en œuvre plus ou moins facile. Néanmoins, un tel résultat était impensable il y a deux ans !
Il va s’ensuivre une longue période de débats, afin qu’émerge dans l’opinion publique une prise de conscience permettant de soutenir une volonté politique qui devra être durable si nous voulons être fidèles aux engagements pris lors de ces assises, en 2007.
Nous sommes aujourd'hui engagés dans une période d’évolution où nous devons faire montre d’une forte dose de pédagogie. Il faut réussir à faire passer l’idée que, pour l’avenir de la planète, et donc de la France, les problèmes environnementaux, au sens large, sont prioritaires et doivent progressivement être traités comme tels dans tous les secteurs où les décisions engagent de manière irréversible.
Le Gouvernement a choisi d’atteindre ces objectifs en plusieurs étapes. Comme le permet la Constitution, il a d’abord élaboré un projet de loi de programme, qui se borne à afficher des objectifs sans comporter de dispositions normatives d’application directe qui rendraient leur mise en œuvre rapidement effective. Viendront ensuite, nous le savons, d’autres textes, pour lesquels il sera sans doute beaucoup plus difficile de réunir une majorité, d’autant que le calendrier, marqué notamment par un télescopage avec la crise économique, amplifiée par la crise financière, n’est pas favorable. Nous n’avons pas choisi !...
Vous devrez résister, monsieur le ministre d’État, à ceux qui continueront à vous dire que la réflexion sur l’environnement est réservée aux périodes fastes dans les pays riches, que l’écologie et le développement économique ne sont pas compatibles. Cela est faux, et vous en êtes convaincu.
La vérité, c’est que la France, qui compte au nombre des pays les plus riches du monde et les plus avancés sur le plan scientifique, a un devoir de solidarité et d’exemplarité.
Il faut le redire, il existe un chemin vers un développement économique et des créations d’emplois obtenus grâce à une véritable croissance, nouvelle, fondée sur la promotion de technologies émergentes plus respectueuses de l’environnement. Des études réalisées par différentes instances le confirment, je n’y insisterai pas.
Pour convaincre les plus réticents, il faut mettre en valeur les conclusions du rapport de sir Nicholas Stern, qui démontrent que si l’on ne fait rien, cela coûtera, à terme, largement plus cher qu’agir, et que conduire une politique de développement durable, en y consacrant une part du PIB tout à fait raisonnable, est à notre portée.
Tous ceux qui trouvent que le Gouvernement en fait trop en matière environnementale vous diront que les actions à mener devront être compatibles avec nos équilibres budgétaires. On trouve dans ce texte toutes les réponses propres à dissiper leurs inquiétudes.
Je voudrais saluer au passage le travail considérable fourni par le rapporteur, Bruno Sido, que je remercie pour tous ses apports au texte déjà riche issu des travaux de l'Assemblée nationale. Je n’ai pas le temps de parler du contenu du texte dans le détail.
J’ai été le rapporteur d’une proposition de résolution du Sénat sur le paquet « énergie-climat ». Le Gouvernement français a fait adopter par les Vingt-Sept, le 12 décembre dernier, au cours de sa présidence semestrielle de l’Union européenne, une position qui nous convient. Les orientations du texte qui nous est soumis aujourd’hui sont tout à fait en phase avec cette position européenne : le programme est ambitieux, puisqu’il est déjà question des objectifs à l’horizon de 2020.
Je veux néanmoins rappeler la nécessité d’améliorer le système d’échanges de quotas d’émission de CO2, et notamment de préciser les règles d’affectation des produits des enchères.
J’insisterai également sur la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières, afin d’éviter que les secteurs exposés aux fuites de carbone ne soient éventuellement pénalisés, ce qui aggraverait nos problèmes d’emploi.
S’agissant des énergies renouvelables, je rappellerai que la France s’est engagée à porter leur part dans le bouquet énergétique à 23 %. Si nous voulons atteindre ce pourcentage, nous devons tenir les objectifs assignés à l’éolien. Cela étant, le véritable enjeu est le développement important de la biomasse, particulièrement de la « raffinerie verte », qui aplanira notamment la voie pour la deuxième génération de biocarburants.
D’une manière générale, il faut lever tous les obstacles au développement des différentes filières en matière d’énergies renouvelables si nous voulons mettre toutes les chances de notre côté et, bien sûr, accentuer les efforts de recherche, notamment en ce qui concerne les technologies de captage et de stockage du carbone.
J’évoquerai maintenant la sobriété en matière de consommation d’énergie – c’est mon dada ! : je parle bien de sobriété, et non de privation. Ce qui coûte le moins cher en CO2, c’est de consommer moins.
Élu de la Picardie, je suis conduit à vous rappeler, du fait de mes préoccupations environnementales, que la ville d’Amiens n’a toujours pas de TGV, que le projet du canal Seine-Nord Europe mérite d’être accéléré au moyen d’un financement original, que la ligne ferroviaire Amiens-Boulogne attend d’être électrifiée, de même que le raccordement d’Amiens avec Roissy. Il est possible de réaliser ces chantiers tout en tenant vraiment compte de l’environnement.
L’agriculteur retraité que je suis sait combien l’agriculture française se prépare à prendre le virage d’une véritable agriculture durable à travers la certification « haute valeur environnementale », dont l’un des objectifs doit être de montrer que les agriculteurs français n’ont pas attendu le Grenelle pour s’occuper d’environnement.
Lorsque nous aurons bien intégré dans nos comportements toutes les mesures que comprend ce texte en matière d’énergie, de bâtiments, de transports et de biodiversité, et forts des progrès réalisés à Poznań, il nous faudra préparer sérieusement Copenhague, pour en faire le point de départ d’une ère de prospérité mondiale à fondements différents. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre d’État, pour satisfaire cette grande ambition en menant à bien le chantier qui est ouvert. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, dès les années quatre-vingt-dix, la région Réunion s’est résolument engagée dans une stratégie de développement durable, notamment avec la maîtrise de l’énergie, la recherche et l’utilisation d’énergies renouvelables, la préservation de la biodiversité et la lutte pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre.
Cette situation n’est pas le fait du hasard, puisque le président de la région, Paul Vergès, ancien sénateur, est l’auteur de la proposition de loi tendant à conférer à la lutte contre l’effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale, adoptée ici même, à l’unanimité, en 2001, puis par l’Assemblée nationale. Aussi l’environnement est-il devenu un axe fort de son action régionale.
Dès 1999, lors du colloque organisé par le syndicat des énergies renouvelables au siège de l’UNESCO, la région s’est fixé pour objectif l’autonomie énergétique de l’île dès 2025. Ce projet ambitieux, exemplaire au niveau mondial, qui vise à atteindre l’autosuffisance en matière de production d’électricité a suscité une nouvelle politique énergétique fondée sur l’utilisation de la biomasse, des énergies solaire et éolienne et la recherche sur les énergies marines, ainsi que la géothermie. Cet objectif est au cœur du plan régional de développement durable adopté en novembre 2006. Il a aussi inspiré l’an dernier le programme GERRI lancé par le Gouvernement et le projet « Réunion Île verte » porté par l’association La Réunion économique.
Plus récemment, le comité français de l’Union mondiale pour la nature, l’UICN, a organisé à la Réunion, en juillet 2008, une conférence internationale intitulée « l’Union européenne et l’outre-mer - Stratégies face au changement climatique et à la perte de la biodiversité ». À cette occasion, la Réunion s’est engagée à réduire de 100 %, d’ici à 2050, le taux de pollution en CO2 dans l’île. Dans le même temps, le G8, réuni en Europe, a fixé, pour la même échéance, son objectif de réduction à 50 % seulement.
Au-delà de ces proclamations, la Réunion peut déjà afficher un certain nombre de résultats de nature à prouver qu’elle est en mesure d’atteindre ces objectifs.
La Réunion détient l’une des plus importantes fermes nationales de panneaux photovoltaïques d’une capacité de 1,5 mégawatt. Grâce à des aides substantielles d’abord de la région, puis de l’État, la Réunion possède l’un des meilleurs taux d’équipement en chauffe-eau solaire au monde. Ainsi, 36 % de la production d’électricité dans notre île sont obtenus à partir d’énergies renouvelables : l’énergie hydraulique, solaire, éolienne, ainsi que la biomasse, avec deux centrales thermiques bagasse et charbon. Ce pourcentage devrait encore s’accroître à l’avenir avec les projets d’énergie solaire en cours de réalisation.
Le Grenelle de l’environnement accorde une importance particulière à la préservation de la biodiversité et aux services qui y sont associés.
De ce point de vue, la Réunion dispose encore d’une biodiversité riche et unique au monde. L’Union européenne, lors de la conférence avec l’UICN, que j’ai évoquée précédemment, a déjà souligné la contribution importante de notre département au patrimoine mondial de la biodiversité et l’urgence de mener des actions de masse pour préserver la richesse de ce patrimoine gravement menacé.
Dans cette optique, la Réunion a décidé de créer une réserve naturelle marine et un parc national couvrant 42 % de son territoire. L’importance de cette superficie soumise aux contraintes qui s’imposent pour sanctuariser ce périmètre montre l’intérêt que portent les Réunionnaises et les Réunionnais à leur patrimoine.
La sauvegarde de ce patrimoine et la mise en œuvre de ce projet nécessitent toutefois la création de milliers d’emplois. À ce sujet, nous avons eu l’occasion de proposer M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté la création, dans ce domaine, d’un vrai service public, qui entrerait dans le champ d’application du RSA, le revenu de solidarité active.
À la Réunion, la prise en compte de l’urgence écologique constitue donc une volonté politique forte et concrète. Elle se traduit déjà par des résultats qui ont d’ailleurs été soulignés au plus haut niveau de l’État, même si beaucoup reste encore à faire.
Monsieur le ministre d’État, votre projet de loi est un outil qui pourrait aider la Réunion dans les efforts qu’elle accomplit en la matière, mais il convient de l’amender pour qu’il ne soit pas en deçà de la volonté affichée par notre département.
C’est ainsi que l’article 49 du projet de loi limite à 50 % le taux de pénétration des énergies renouvelables pour l’ensemble de l’outre-mer, alors que la Réunion, qui s’est inscrite dans une démarche d’autonomie énergétique fondée sur la maîtrise de la demande en énergie, table sur un taux de 100 %.
En outre, le programme relatif à la maîtrise des consommations semble se limiter à l’adoption d’un plan climat-énergie territorial dans chaque collectivité en 2012. Or cet axe est prioritaire et mérite, dès maintenant, la mise en œuvre d’actions concrètes, notamment la fixation d’une date pour la mise en place de la réglementation thermique par décret interministériel. Ces mesures doivent cependant tenir compte des niveaux d’engagement différents dans chaque département d’outre-mer, afin de ne pénaliser aucun d’entre eux.
Votre projet de loi affiche des ambitions certaines. Tout en se distinguant par son caractère innovant, il dénote toutefois quelques insuffisances, notamment pour ce qui concerne les moyens financiers et leur répartition entre tous les partenaires, l’État et les collectivités locales, notamment. Au-delà, le développement durable implique une remise en cause des comportements actuels ainsi que des modèles de développement qui conduisent à des catastrophes économiques, sociales et écologiques. Par ailleurs, il doit conduire à faire surgir chez chacun d’entre nous une nouvelle façon de penser, fondée sur la solidarité des humains entre eux et avec toutes les espèces animales et végétales de la planète.
Cette prise de conscience collective passe aussi par des actions ponctuelles collectives ou individuelles. Même si nous sommes dans une petite île, monsieur le ministre d’État, nous souhaitons apporter notre modeste contribution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste, du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le ministre d’État, ce projet de loi de programme est issu d’une démarche quasi unique, qui marque une rupture avec les modalités habituelles de concertation et que je n’hésiterai pas à aller jusqu’à qualifier de « révolutionnaire ».
Non seulement votre démarche est innovante, mais vous avez la volonté d’aboutir, en proposant un texte prospectif, qui séduit tant par son architecture que par son contenu. Nous voudrions parfois aller plus loin – je fais partie des sénateurs qui vous feront des propositions en ce sens –, mais il ne faudrait pas, sous prétexte que le contenu ne nous convient pas totalement, mésestimer l’ampleur du défi qui est ici relevé d’une manière, j’y insiste, tout à fait novatrice.
À cet égard, je tiens à adresser toutes mes félicitations au Président de la République et aux membres du Gouvernement, notamment à M. Borloo, pour l’importance de l’entreprise et la détermination avec laquelle ils se sont, les uns et les autres, engagés pour faire en sorte que le Grenelle de l’environnement soit une réussite. Oui, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d’État, je suis fier d’appartenir à un groupe politique qui soutient l’action de ce gouvernement.
J’ai été, dans ma jeunesse, comme d’autres, militant au sein de mouvements environnementaux, puis j’ai participé pendant trente ans à la vie publique en tant qu’élu, notamment en qualité de responsable de l’environnement au sein de l’ex-UDF. Mais je dois à la vérité de dire que nous n’étions, ni à droite ni à gauche, à la hauteur de la tâche qui est ici menée sous l’impulsion du Président de la République, Nicolas Sarkozy.
Même si votre action, monsieur le ministre d’État, est sans doute dictée par l’urgence et l’ampleur des défis que nous avons à relever, il me faut souligner qu’elle est unique et réhabilite le politique, en lui redonnant ses lettres de noblesse. En effet, la politique ne consiste pas à juxtaposer purement et simplement les actions ; elle doit donner un sens au « vivre ensemble ». Or les mesures proposées dans le domaine du développement durable sont à ce titre fondamentales.
Toutefois, je formulerai quelques remarques sur un certain nombre de défis qui sont devant nous encore.
Le premier de ces défis concerne l’infinitésimal. Au cours de ces dernières années, on s’est attaqué aux grandes pollutions visibles, c'est-à-dire, par exemple, à ces grandes cheminées qui crachent leurs fumées. Lutter contre les pollutions visibles, nous savons faire ! Mais, aujourd'hui, se pose un autre problème, celui des particules fines, invisibles, elles, et qui entraînent pourtant le décès de 350 000 personnes par an en Europe, une surmortalité qui n’est pas mince, mes chers collègues.
Les nanoparticules ont des conséquences monstrueuses pour la planète, notamment dans le domaine sanitaire. On n’a même pas encore pris en considération l’air l’intérieur de nos maisons, alors que l’on y trouve des émanations dues au traitement des murs, des bois, des sols ou encore des meubles, avec les composés organo-volatils, les hydrocarbures aromatiques polycycliques ou autres substances.
Le deuxième défi a trait à la persistance des polluants. Il en a été question ces derniers jours, on retrouve dans les eaux traitées par les stations d’épuration tous les médicaments que nous absorbons, notamment la pilule contraceptive, lesquels ne sont pas transformés et ont des conséquences sur les animaux et sur toute la chaîne alimentaire. La concentration des polluants dans les sols, la sédimentation en strates des rejets atmosphériques font que l’on dépasse ce que l’on appelle les « charges critiques », contribuant ainsi à la disparition de certaines espèces végétales, dont nous pensons pourtant qu’elles sont remarquables. Cette situation conduira à une stérilisation des milieux sensibles.
Le troisième défi est relatif aux interactions et aux transformations. L’ozone n’est pas un polluant habituel, c’est un polluant secondaire que nous ne parvenons pas à maîtriser. La tâche en la matière est de plus en plus délicate.
Pour conclure, j’émettrai trois souhaits.
Premièrement, n’oublions pas que, dans « développement durable », il y a « développement ». À cet égard, je me félicite de ce que nous continuions tout de même ici à parler de développement. En effet, sans développement, il n’y a pas de création de richesse. Il faut donc développer, tout en tenant compte de l’environnement et de l’équilibre nécessaire en termes de solidarité. Nous ne devons pas aller trop loin dans la satisfaction des demandes de certains ayatollahs de la décroissance.
Deuxièmement, comme je l’ai déjà souvent indiqué, il est impératif aujourd'hui de considérer le réchauffement climatique non pas en tant que tel, mais par rapport à ses conséquences sanitaires. C’est au nom de cette transversalité que nous, législateurs, devrons systématiquement prendre en compte l’air, le climat et l’énergie dans les textes que nous élaborons ; je vous proposerai d’ailleurs quelques amendements en ce sens.
Ainsi, je relève que, dans le chapitre consacré à l’énergie, il n’est nullement fait allusion au climat, ni à l’air. Pourtant, cela devrait être systématique et nous devrions retrouver ces points dans le texte.
Enfin, troisièmement, il serait important à l’avenir de tenir compte des conséquences des décisions qui sont prises.
Pour prendre le secteur automobile, par exemple, la création du bonus-malus m’a fait très mal ! (Sourires.) Outre qu’elle nous a coûté quelque 200 millions d’euros, cette décision a surtout pour résultat de favoriser l’importation de voitures étrangères plus polluantes, parce qu’elles émettent davantage de particules fines. C’est dommage, d’autant plus qu’un autre plan arrive maintenant, qui a pour objet de relancer… le secteur automobile !
Il faut faire preuve de plus de cohérence dans les décisions qui sont prises et, surtout, bien considérer leurs conséquences sur le plan environnemental.
Cela dit, je ne voudrais pas que ces quelques suggestions fassent oublier les propos que j’ai tenus en commençant : monsieur le ministre d’État, cet engagement extraordinaire témoigne d’un changement de stratégie par rapport au développement durable. C’est une belle illustration de ce que nous sommes capables de faire lorsque nous acceptons de nous écouter et de travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, le texte de loi que nous avons à examiner tend à marquer une prise de conscience collective, à imposer un changement radical des modes de vie, de production, de consommation, et il s’inscrit dans le long terme.
Toutefois, on peut regretter que le projet de loi ne contienne aucune disposition normative.
Ce texte, qui se situe donc dans la durée, fait honneur à notre assemblée. Monsieur le ministre d’État, je vous remercie de l’avoir proposé, car il fait l’objet d’un large consensus. Nous, radicaux, nous sentons particulièrement concernés, car l’humanisme, la qualité de vie et le sort réservé aux générations futures sont des préoccupations qui nous sont particulièrement chères.
Au-delà de ces objectifs largement partagés, je considère que nous devons engager quelques réflexions en profondeur, afin d’éviter les écueils auxquels, sinon, nous n’allons pas manquer de nous heurter à un moment ou à un autre.
Au travers de ce texte, je voudrais que nous fassions appel à la « pédagogie du bon sens », sans toutefois donner à l’expression plus d’importance qu’elle ne mérite. Pour illustrer ce que j’entends par là, permettez-moi de prendre quelques exemples.
Des salades cultivées en Roussillon sont acheminées à Rungis pour être vendues le lendemain à Montpellier ou à Béziers. On peut sans doute avoir des pratiques plus intelligentes !
Dans le même ordre d’idées, pourquoi ne pas lancer de grandes campagnes en faveur d’une consommation de fruits et de légumes de saison, ceux qui ne le sont pas étant fortement consommateurs d’énergie ?
Tout le monde s’accorde à dire que la consommation d’énergie doit baisser, mais, sachant la corrélation extrêmement étroite qui existe entre consommation d’énergie et développement, il ne faudrait pas que l’on en vienne à faire payer aux populations pauvres le prix du sous-développement !
Outre ces écueils, je me dois de mentionner certains effets pervers, au risque peut-être de faire grincer des dents, mais cela n’a aucune importance.
Tout le monde est favorable à l’agriculture biologique, mais sait-on que les rendements de ce type d’agriculture sont divisés par deux, voire par trois ? Une agriculture biologique très développée parviendra-t-elle à nourrir les populations, …