M. David Assouline. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. Mon cher collègue, à cet égard, les faits vous donneront tort !
M. David Assouline. On verra !
M. Henri de Raincourt. Prenons rendez-vous sur ce sujet, il n’y a pas de problème !
M. David Assouline. Oui !
M. Henri de Raincourt. Troisièmement, comment organiser la gouvernance de l’audiovisuel public ?
J’ai également entendu sur ce sujet des choses tout à fait excessives.
Que se passera-t-il pour le président de France Télévisions ? Tout simplement ce qui est prévu dans la réforme de la Constitution que nous avons votée au mois de juillet 2008. Jamais un texte n’a apporté autant de garanties qu’aujourd’hui.
M. David Assouline. Non !
M. Henri de Raincourt. Vous pouvez toujours prétendre que c’est le fait du prince,…
M. David Assouline. Oui, c’est le fait du prince !
M. Henri de Raincourt. … mais il y aura plusieurs princes,…
M. David Assouline. Non, il y en aura un seul !
M. Henri de Raincourt. … car il faudra l’avis conforme du CSA et la majorité qualifiée des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cela signifie que celui qui franchira ces étapes saura réunir et rassembler autour de son projet,…
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Henri de Raincourt. … et certainement pas sur la base d’une inscription dans un parti politique !
M. David Assouline. Pas pour la nomination !
M. Henri de Raincourt. Par ailleurs, c’est un gage de clarté, car on sait très bien comment les choses se passaient auparavant, même avec le CSA. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler certains événements.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Nous regrettons, il est vrai, de n’avoir pas pu débattre en amont de la suppression de la publicité, pour des raisons de calendrier tout à fait évidentes. Mais c’est la longueur du débat à l’Assemblée nationale et non le Gouvernement qui en est responsable. Cela ne nous a pas fait plaisir, certes, mais toutes choses étant égales par ailleurs, les piliers de la République ne me semblent pas avoir encore tremblé.
M. David Assouline. Ils sont fissurés !
M. Henri de Raincourt. Le travail est loin d’être terminé, nous le savons bien. Nos collègues qui feront partie de la commission mixte paritaire devront convaincre, avec les arguments échangés au cours de nos débats, une majorité de députés pour qu’un accord soit trouvé sur un texte – le service public de l’audiovisuel ne peut en effet se passer de texte – et pour que la plus grande partie des dispositions votées par la Haute Assemblée trouve un écho favorable.
Il y a certes encore des questions relatives à la gouvernance, au financement. Quant à la suppression de la publicité, contrairement à ce que j’ai entendu, elle est aujourd’hui plébiscitée par les Français. Là aussi, je prends rendez-vous, chers collègues de l’opposition : je ne suis pas certain que, une fois revenus aux affaires, vous supprimiez cette loi ; je crois même le contraire.
M. David Assouline. Ce n’est pas le sujet !
M. Henri de Raincourt. Pour conclure, je dirai que nous allons concrétiser ce que d’autres ont rêvé, mais qu’ils n’ont pas pu faire.
On nous accuse de vouloir en finir avec la télévision publique. Nous allons, dans les prochains mois, vous faire exactement la démonstration contraire en permettant à la télévision publique de marquer sa singularité, de faire valoir son identité et de se consacrer réellement à ses missions. L’audiovisuel va pouvoir emprunter les chemins nouveaux de la création et, je l’espère, du succès.
Telle est la raison pour laquelle le groupe UMP, dans son immense majorité, contrairement à ce que j’ai lu dans les journaux – une fois de plus les oiseaux de mauvais augure se seront trompés – votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir sur le déroulement de nos débats pour regretter le peu de présence de nos collègues de l’UMP, à l’exception peut-être de l’examen de quelques articles phares du projet de loi.
L’affront fait au Sénat que, pour notre part, nous n’avons toujours pas « digéré » méritait une réaction vive sur toutes les travées de la Haute Assemblée. Il faut croire que certains de nos collègues de la majorité ont préféré les commentaires feutrés des couloirs aux prises de position publiques dans notre hémicycle. C’est tout à fait regrettable, car, ne nous y trompons pas, cela crée un précédent, lequel s’inscrit en outre dans un contexte plus large d’une tendance lourde de présidentialisation à outrance et de corsetage de tous les contre-pouvoirs, tout à fait préjudiciable à notre vie démocratique.
Contrairement à ce qui a pu nous être opposé à tort, nous n’avons pas procédé à de l’obstruction voilée. Nous avons défendu pied à pied nos principes et notre vision de l’avenir de l’audiovisuel public. À ce titre, nous estimons avoir rempli notre rôle de législateur en débattant toujours de nos propositions sur le fond.
Ce préalable étant posé, abordons maintenant le fond tel qu’il résulte de nos débats.
Lors de la discussion générale, j’avais indiqué les impératifs sur lesquels notre groupe ne transigerait pas : le principe démocratique d’indépendance, la garantie d’un financement adéquat et pérenne et, enfin, la promotion de la diversité et de la création.
Nous avons obtenu quelques améliorations sur ces trois principes avec l’adoption de nos amendements sur l’autonomie des rédactions, l’indépendance des journalistes, la place des unités de programmes dans la garantie de la diversité des programmes au sein des cahiers des charges, l’appréciation de cette diversité dans toutes les catégories de programmes ou bien encore sur la sortie du GIP France Télé numérique de la redevance, désormais dénommée « contribution à l’audiovisuel public ».
Ne boudons pas notre plaisir, même si force est de reconnaître qu’il s’agit là de dispositions secondaires au regard des deux piliers du texte que sont le mode de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et le mécanisme de financement de France Télévisions, censé compenser la suppression de la publicité pour cette dernière.
Ainsi, la timide avancée opérée sur la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, grâce à la proposition de la commission des affaires culturelles, n’en rend pas plus démocratique le mode de nomination par l’exécutif.
Quant au financement, le Sénat s’est honoré en votant la hausse de la contribution à l’audiovisuel public, traduisant en espèces sonnantes et trébuchantes le principe selon lequel la redevance renommée constitue le financement naturel et logique de l’audiovisuel public, principe sur lequel la Haute Assemblée a accepté de nous suivre.
Reste à savoir quel sort sera réservé à cette disposition en commission mixte paritaire, étant donné l’avis défavorable du Gouvernement et l’opposition farouche du président du groupe UMP de l’Assemblée nationale à toute augmentation. Sa disparition constituerait un second affront à l’égard de la Haute Assemblée et, en outre, un sérieux camouflet pour le groupe centriste. De même, nous nous interrogeons sur le maintien de la publicité sur RFO que nous avons obtenu.
Quelle que soit l’issue de la commission mixte paritaire, le mécanisme général de compensation de la suppression de la publicité demeure, ainsi que le caractère aléatoire de ce financement.
Une de nos préoccupations majeures tout au long de nos débats a été de préserver l’avenir de France Télévisions : nous voulions assurer la stabilité de sa présidence et de ses contrats d’objectifs et de moyens, afin de garantir la visibilité nécessaire au développement de notre télévision publique, d’avoir les moyens d’une vision stratégique des enjeux dans un cadre stable à l’opposé d’une vision à court terme dans un climat incertain ; nous ne voulions pas nous lier aujourd’hui pour 2011 en adoptant dès maintenant la suppression totale de la publicité sur le secteur public concomitamment à la fin de la diffusion analogique.
Entériner dès aujourd’hui la suppression totale de la publicité sur nos chaînes publiques pour 2011 constitue une faute politique majeure : c’est créer dès aujourd’hui les conditions d’une nouvelle marche forcée indépendamment de la réalité économique du secteur audiovisuel et d’un nouveau « concours Lépine » d’expédients.
Nous assistions déjà à un bouleversement du marché de la publicité du fait de la révolution numérique ; vous y ajoutez des changements réglementaires importants, et ce dans un contexte de crise économique et sans aucune visibilité sur la restructuration à venir de ce marché. Vous vous engagez donc à l’aveugle pour l’avenir, de surcroît en pleine récession. C’est irresponsable ! Vers quel avenir nous conduisez-vous avec cette disposition ? Tout bonnement au renouvellement de l’épisode que nous venons de vivre, parce que vous vous serez liés trois ans auparavant !
Dans un contexte d’expression minimaliste du groupe majoritaire, des voix se sont exprimées, y compris sur les travées de l’UMP, pour une clause de revoyure. C’est dire ! Comme nous, certains membres de la majorité estiment dangereux de s’engager de la sorte.
Le pouvoir législatif peut demander tous les rapports possibles : ils ne présenteront aucune garantie, et le Parlement sera lié, demain comme aujourd’hui, par l’entêtement de l’exécutif. Quel recours aurez-vous alors, mesdames, messieurs de la majorité, à part vous enferrer dans l’erreur d’un exécutif fermé à la réalité économique du secteur audiovisuel et du marché publicitaire, à qui vous aurez offert un boulevard ?
Ayant toujours cherché à créer les meilleures conditions de gestion de France Télévisions, en vue d’une télévision de qualité s’adressant au plus grand nombre, susceptible de se développer comme un média moderne sur tous les supports, nous ne pouvons accepter de préjuger sa situation en 2011.
Personnellement, je salue le ralliement du groupe UMP à l’idée de la hausse de la contribution à l’audiovisuel public : malgré l’opposition de MM. Sarkozy et Copé, ce groupe a décidé de suivre la proposition unanime de la commission des affaires culturelles d’une augmentation – très modeste – de la redevance, présentée depuis plusieurs années.
Nous reconnaissons également que les rapporteurs, dans un cadre très contraint et avec fort peu de latitude, ont tenté de tempérer l’entêtement présidentiel. Malheureusement, ces tentatives restent bien timides face à l’ampleur de la fragilisation économique et sociale de notre audiovisuel public, et à la mise sous tutelle gouvernementale de ce dernier.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objectif du groupe de l’Union centriste au travers de ce texte était de garantir un service public audiovisuel attractif, rationalisé et autonome.
Le service public audiovisuel doit tout d’abord être attractif par ses programmes.
Le nouveau cahier des charges, issu des travaux de la Commission Copé, définit les missions de service public qui s’imposent à France Télévisions. Il réaffirme la nécessité pour France Télévisions d’intéresser sans ennuyer, de distraire et d’amuser sans jamais être vulgaire ou complaisant, en gardant toute sa dimension populaire. L’audiovisuel public doit toucher le plus grand nombre de téléspectateurs possible, jouer de tous les genres et n’abandonner aucun public.
Madame la ministre, l’un de vos illustres prédécesseurs, André Malraux, avait distingué deux types de télévisions : « une télévision pour passer le temps et une autre pour comprendre le temps ». France Télévisions a vocation à appartenir à la seconde catégorie.
La suppression de la publicité sur ses antennes lui permettra de poursuivre sa politique de programmation très différente de celle de ses concurrentes privées, en s’affranchissant des contraintes des annonceurs.
Le service public audiovisuel doit être attractif également par ses supports. France Télévisions doit devenir un média global, ainsi que le prévoit le projet de loi. Cela signifie que les programmes seront diffusés sur tous les types de supports, aussi bien la télévision qu’internet et la téléphonie mobile personnelle afin de s’adapter à tous les usages et à tous les publics.
Le service public audiovisuel doit être rationalisé dans son organisation. À l’heure actuelle, le groupe France Télévisions regroupe quarante-neuf sociétés dans son périmètre, ce qui est un frein important aux économies d’échelle, à la mutualisation d’un certain nombre de services, à l’émergence d’une véritable « marque » France Télévisions
En outre, cette situation conduit à une multiplicité d’accords sociaux. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’organisation de France Télévisions en entreprise unique organisée en unités de programmes transversales.
La commission Copé a chiffré à 140 millions d’euros par an les économies engendrées par cette réforme. Il est indispensable d’engager cette dernière, si l’on veut un service public audiovisuel performant pouvant un jour rivaliser avec la BBC.
Le service public audiovisuel doit enfin être autonome. C’était là le cœur du débat, car l’autonomie d’un groupe, c’est d’abord celle de sa gouvernance.
Nous sommes donc très satisfaits des modifications apportées par le Sénat à l’article 9.
L’article 8, relatif à la nomination des présidents des sociétés nationales de programme, découle de la réforme de la Constitution que nous avons votée l’été dernier.
En outre, le fait que le Parlement soit partie intégrante du processus décisionnel peut conduire le Président de la République à évincer d’emblée des candidats qui ne seraient pas crédibles pour le poste.
Mais la garantie de son autonomie, c’est aussi le fait que la procédure de révocation soit très strictement encadrée. Les députés avaient déjà calqué la procédure de révocation sur la procédure de nomination. Le Sénat a encore durci les conditions de révocation en adoptant un amendement du groupe de l’Union centriste prévoyant que le CSA doit rendre son avis à la majorité des membres le composant et non à la seule majorité des membres présents.
Nous avons également adopté un amendement des deux rapporteurs, Catherine Morin-Desailly et Michel Thiollière, prévoyant que le mandat ne peut être retiré que lorsque l’addition des votes positifs dans chaque commission représente moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Ces avancées sont très significatives et bordent véritablement la procédure de révocation.
L’autonomie, c’est ensuite et surtout l’autonomie financière.
Le groupe de l’Union centriste prône depuis de nombreuses années la revalorisation de la redevance audiovisuelle. Mme Morin-Desailly, aujourd’hui rapporteur du projet de loi, a eu maintes fois l’occasion de plaider en ce sens dans cet hémicycle. Un audiovisuel public fort appelle un financement indépendant. Or la redevance est la garantie d’une indépendance financière.
Nous sommes donc particulièrement satisfaits du vote, à la quasi-unanimité du Sénat, de l’amendement n° 215 rectifié du groupe de l’Union centriste. La redevance, qui assure, avec 2 milliards d’euros, l’essentiel du financement de France Télévisions, n’avait pas évolué depuis 2001 ; son montant avait même quelque peu diminué, passant de 116,50 euros à 116 euros depuis 2004.
Le rebasage que nous avons adopté, permettant de porter la redevance, hors inflation, à 120 euros en 2010, est donc tout à fait primordial. Le montant de la redevance représentera l’équivalent de dix euros par mois, soit une somme modique par comparaison à un abonnement aux chaînes cryptées ou aux offres triple play des fournisseurs d’accès à internet.
Ce rebasage – il s’agit non pas d’une augmentation, mais bien d’un rattrapage de l’inflation – reste extrêmement faible, mais il marque une véritable rupture avec la position qui prévalant depuis dix ans. Il est normal que le montant de la redevance évolue si nous voulons une télévision publique ambitieuse. Je vous rappelle enfin qu’un euro supplémentaire de redevance représente 20 millions d’euros pour France Télévisions.
Je me félicite également de l’adoption des amendements de la commission permettant un élargissement de l’assiette de la redevance aux ordinateurs et une réaffectation de son produit aux seules sociétés de l’audiovisuel public.
En outre, à l’issue de l’examen de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a proposé la création d’un groupe de travail chargé de réfléchir à la modernisation de la redevance. Si le Sénat a commencé dès maintenant à moderniser la redevance audiovisuelle, il n’en demeure pas moins qu’il est indispensable de poursuivre la réflexion ; nous suivrons avec attention les travaux de ce groupe de travail.
Enfin, nous nous félicitons que le Sénat ait amendé l’article 21 relatif à la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques dans un sens qui satisfasse les attentes légitimes des habitants en matière de couverture de leur territoire en téléphonie mobile et internet haut débit.
Les opérateurs pourront ainsi déduire de l’assiette de la taxe l’amortissement des équipements et réseaux destinés à améliorer la couverture numérique du territoire. La première action retenue par le plan Numérique 2012 prévoit que chaque Français, où qu’il habite, bénéficiera avant 2010 d’un droit d’accès internet haut débit à un tarif abordable. Nous espérons que le vote de cet amendement permettra d’atteindre cet objectif le plus rapidement possible.
Nous nous félicitons aussi de l’adoption des amendements qui permettront la diffusion rapide de la TNT outre-mer.
Ces avancées notables permettent d’emporter l’adhésion de la grande majorité des membres du groupe de l’Union centriste.
À l’issue de ce débat, je tiens enfin à saluer le travail des deux rapporteurs de la commission des affaires culturelles, Catherine Morin-Desailly et Michel Thiollière, ainsi que des deux rapporteurs pour avis, Bruno Retailleau et Joseph Kergueris, sans oublier les collaborateurs des trois commissions.
Je me félicite enfin de la qualité de nos débats, qui ont permis à la Haute Assemblée, au-delà d’un calendrier regrettable pour tout sénateur, de faire évoluer sur le fond les dispositions de ce texte, et surtout d’adopter une position commune sur la redevance audiovisuelle.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’interviendrai plus particulièrement sur le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, qui a été débattu voilà quelques jours.
Il est vrai que ce projet de loi organique découle de la révision constitutionnelle, contre laquelle, je le rappelle, nous avons voté.
La révision constitutionnelle entérine le fait que le Président de la République est le seul chef de l’exécutif. Il en résulte qu’il est plus interpellé, voire critiqué, que n’ont pu l’être d’autres présidents de la République dans des contextes voisins. Toutefois, cette situation est normale, car c’est lui qui a voulu ce projet de loi organique.
Chacun aura retenu du projet de loi organique et de ses conséquences figurant à l’article 8 du projet de loi ordinaire que le Président de la République s’arroge le droit de faire et de défaire les responsables de l’audiovisuel public.
Le respect du pluralisme, qui constitue une garantie des libertés fondamentales pour les citoyens, est ici bafoué par le fait que les médias ne sont pas indépendants. Ne nous payons pas de mots, nous l’avons répété à maintes reprises, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Mais faut-il la changer pour faire pis, avec la charge symbolique que constitue la nomination directe du président de France Télévisions par le Président de la République ? Non !
Certes, le Parlement – en dépit de quelques grognements, je ne doute pas que la majorité vote ces textes – pourra s’opposer à la révocation du titulaire du poste, et nous espérons que cette disposition, qui est une bonne chose, sera maintenue. Mais cela ne suffit pas pour la mise en œuvre par le Parlement d’une politique ambitieuse en matière d’audiovisuel public, qui appelle d’autres choix, notamment pour assurer au service public des moyens pérennes ! Or, vous le savez très bien, nous n’en sommes pas là.
Qui plus est, nous sommes partisans – Jack Ralite a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises – d’une loi globale, qui assure une responsabilité publique sur l’ensemble de la télévision, car la situation de l’audiovisuel public contraste pour le moins avec celle de l’audiovisuel privé. Il n’est nullement question pour nous de remettre ici en cause la qualité des dirigeants – ce sont d’ailleurs les assemblées d’actionnaires qui les nomment –, et le peu que la puissance publique peut exiger de ces entreprises, par le biais du cahier des charges, n’entraîne que fort peu de sanctions, et ce quelles que soient les actions des dirigeants.
Tout au plus doit-on constater de temps à autre que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, l’un des grands perdants de ce projet de loi, peut émettre quelques recommandations pour rappeler aux opérateurs de télévision privée leurs obligations, pourtant limitées.
Tout se passe en fait – et c’est là notre intime conviction ! – comme si l’on préparait la mise en œuvre d’un grand meccano industriel de l’audiovisuel, un meccano dont certains groupes favorisés sont appelés à tirer profit. À Bouygues, à Vivendi, à Bolloré, à Lagardère, la liberté de s’acoquiner, de se partager le marché, d’investir le segment de la télévision locale, du câble, du numérique terrestre, avant que leur prédominance ne leur permette de peser définitivement sur les contenus, les supports, les programmes, et de dicter la nouvelle rédaction du cahier des charges des concessions d’exploitation !
Qu’ils trouvent dans cette démarche l’appui de quelques opérateurs de téléphonie, également opérateurs de télévision parfois, comme de certains groupes de presse influents à la recherche de « baronnies » : voilà ce qui est programmé dans le projet de loi organique comme dans le projet de loi ordinaire.
La récupération de la publicité perdue par le secteur public va sans aucun doute permettre une franche et nette valorisation du capital, c'est-à-dire de la dot des chaînes privées promises à un mariage doré.
Le groupe Bouygues pourra alors tirer grand profit de cette dot et céder d’autant mieux ses parts, puisqu’il doit racheter une part significative du capital d’AREVA, opérateur du nucléaire dans notre pays, au moment où le plan de relance prévoit expressément de développer la filière.
Dans le même temps, le groupe Bolloré attend, pour sa part, de prendre plus nettement pied dans le domaine des médias où, pour l’heure, il ne paie que les dettes de ses journaux gratuits et celles d’une télévision dont la rentabilité a peine à se manifester.
Mes chers collègues, la télévision publique et privée mérite mieux. Nos concitoyens méritent mieux ! Ils paient et la publicité et la redevance ! Ils devraient pouvoir compter sur le Parlement pour défendre les libertés publiques, la qualité du service public et la qualité de la télévision.
Aussi voterons-nous résolument contre les deux projets de loi qui nous sont soumis.
Mme Catherine Tasca. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. À l’issue des nombreuses journées consacrées à l’examen de ces deux projets de loi, je veux, avec Catherine Morin-Desailly, remercier nos collègues qui ont accepté de débattre avec nous de ces questions essentielles pour notre pays.
Dès lors que la commission des affaires culturelles a décidé de nous nommer rapporteurs – et je tiens à remercier le président et les membres de cette dernière qui nous ont confié cette mission –, nous avons travaillé dans un état d’esprit constructif et de façon moderne, à parité, puisque nous étions co-rapporteurs. Nous avons voulu que ce débat soit une œuvre collective. En séance publique, nous nous sommes exprimés en tant que rapporteurs d’une équipe qui a travaillé à nos côtés souvent depuis de nombreuses années – alors même que Jacques Valade présidait la commission des affaires culturelles et que Louis de Broissia était rapporteur des projets de loi relatifs à l’audiovisuel –, accompagnés par toutes celles et tous ceux qui nous ont aidés à élaborer ce rapport.
Je tiens également à remercier Mme la ministre de la qualité de son écoute. Le dialogue que nous avons pu instaurer nous a permis, chaque fois que cela était nécessaire, de mieux comprendre les points de vue des uns et des autres.
À travers leurs interventions, nos collègues ont salué toutes les avancées réalisées au cours du débat. Avec Catherine Morin-Desailly, nous étions convenus d’enrichir ce texte, et ce quelles que soient les moqueries extérieures, parfois les interventions, voire les pressions extérieures, car nous souhaitions que le Sénat soit indépendant, autonome et fort. C’est ainsi qu’il est utile à notre pays et qu’il a pu ici, en l’occurrence, contribuer à faire évoluer les deux projets de loi qui nous ont été présentés.
Depuis le début, notre seul objectif a été de satisfaire tous les téléspectateurs, ceux du service public comme ceux du service privé. C’est à eux que nous avons en permanence pensé pour définir une ligne de conduite cohérente et saine au sens où nous voulions tracer l’avenir de l’audiovisuel pour plusieurs années et non pas simplement pour les quelques jours qui viennent.
Le rendez-vous de la commission mixte paritaire nous obligera bien sûr à défendre auprès de nos collègues députés les positions retenues par le Sénat pour faire en sorte que le texte, dans sa rédaction finale, soit fondateur pour l’audiovisuel dans notre pays.
Je renouvelle nos remerciements à tous nos collègues qui ont compris notre position.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Je tiens, pour ma part, à remercier mon collègue Michel Thiollière, car nous avons réalisé, me semble-t-il, un bon travail. À deux, nous avons été plus créatifs pour formuler des propositions.
Madame la ministre, je reprendrai une citation du philosophe Henri Bergson, « l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire », pour y ajouter : « ensemble. »
Comme Michel Thiollière vient de le rappeler, la commission des affaires culturelles a fait non pas des propositions de circonstance, mais – il est aujourd'hui important de le rappeler – des propositions qui s’inscrivent dans l’histoire de sa réflexion sur les questions de l’audiovisuel public. En tout cas, nous avions la volonté de faire en sorte que le débat vive au sein de notre assemblée. Ce débat démocratique en fait sa légitimité et sa spécificité.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Un débat s’achève, que d’aucuns prédisaient difficile et chaotique. Or le Sénat, sur l’ensemble de ses travées, s’est honoré en examinant ces questions au fond et en exprimant une certaine vision de la culture et de la liberté, car il n’y a pas de liberté sans culture.
Tout au long de ces débats, j’ai été frappé de constater que tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, éprouvent une passion et un intérêt pour la culture. L’intérêt pour la culture n’est l’apanage de personne. Nous avons dialogué pour chercher un point d’équilibre. Mais comment ne pas être passionné lorsqu’il s’agit, cinquante ans après l’introduction de la publicité dans l’audiovisuel – on a commencé à en débattre en 1959 –, de saisir la chance donnée aux téléspectateurs de ne pas être sous la dictature de l’audimat ?
On en a beaucoup parlé pendant longtemps, mais on n’était jamais parvenu à le faire. Quelles qu’aient pu être les raisons de cet état de fait, il importait de saisir l’occasion qui nous était donnée et de proposer aux citoyens un service public de télévision leur permettant de choisir entre les chaînes vivant de la publicité et les chaînes qui en sont libres. Pour que nous ne soyons pas taxés d’hypocrisie, il fallait également que ce service public dispose réellement des moyens d’atteindre ces objectifs.
Telle a été la préoccupation constante de la commission des affaires culturelles mais aussi celle d’autres commissions du Sénat. Nous avons ainsi apprécié l’apport des réflexions de la commission des affaires économiques, et de son rapporteur pour avis, M. Bruno Retailleau, et de la commission des affaires étrangères.
Aujourd’hui, nous pouvons au moins, je crois, nous accorder sur la qualité du débat qui s’est tenu au Sénat. Il fera obligation à tous les sénateurs membres de la commission mixte paritaire de traduire au cours des travaux de cette dernière la volonté exprimée par la Haute Assemblée.