M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission considère que cet amendement pose un principe absolument essentiel, qui est en totale adéquation avec les travaux passés et présents de la commission. Nous avons formulé un certain nombre de préconisations concernant la redevance, notamment depuis 2004. Je tiens particulièrement à citer notre ancien collègue Louis de Broissia, qui a été le plus ardent défenseur du principe d’indexation de la redevance.
M. David Assouline. Avec Jacques Valade !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. En effet !
La commission considère que la redevance doit constituer le financement majoritaire de l’audiovisuel public et, par là même, nous permettre d’avoir une télévision publique et non une télévision d’État. C’est d’ailleurs bien le cas aujourd'hui puisque la redevance finance, aux deux tiers, l’audiovisuel public. Il nous semble important d’inscrire ce principe dans la loi.
Lors de l’examen de l’article 19, nous aurons un certain nombre de discussions sur la redevance, notamment sur la revalorisation de son montant, mais aussi de son image. C'est la raison pour laquelle Michel Thiollière et moi-même proposons un changement d’appellation : nous voulons que nos concitoyens comprennent bien à quoi sert cette « participation à une action commune ». C’est la définition du mot contribution, qui nous semble beaucoup plus valorisant et compréhensible pour nos concitoyens. Ces derniers ne savent pas toujours que la redevance participe au financement de neuf chaînes de radio, de cinq chaînes de télévision et de quatre orchestres, qui ne sont d’ailleurs jamais cités. Il est important qu’ils l’apprennent. En effet, si 70 % de nos concitoyens pensent que le produit de la redevance est affecté à l’État, ils ne savent pas ce qu’il est précisément destiné à financer.
Monsieur Assouline, j’ai cru comprendre que vous étiez finalement d’accord avec le nom proposé par la commission : « contribution pour la télévision et la radio publiques ». Il est évident que, dans ces conditions, si votre amendement est adopté, comme la commission le souhaite, la rectification nécessaire sera apportée ultérieurement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. J’adhère à l’idée selon laquelle la redevance est la ressource naturelle et majoritaire de l’audiovisuel public. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 314.
Sur l’appellation qui est proposée par la commission, je comprends bien qu’il soit intéressant que les Français aient davantage conscience de ce qu’ils contribuent à financer en acquittant la redevance. Mais la redevance, que la commission souhaite appeler « contribution pour la télévision et la radio publiques », finance aussi l’INA. Il est vrai que la « redevance audiovisuelle » ne fait pas non plus explicitement mention de l’INA. Nous pourrions peut-être l’appeler « contribution à l’audiovisuel public », expression qui me semble moins ciblée sur les télévisions et les radios, à l’exclusion d’autres institutions.
M. le président. En tout état de cause, madame la ministre, les éventuelles modifications terminologiques seront débattues plus tard dans l’examen du texte.
Je mets aux voix l'amendement n° 314.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La société France Télévisions adhère à la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle ainsi qu'à l'avenant audiovisuel de la convention collective nationale de travail des journalistes. Lors de la fusion-absorption par France Télévisions, tous les contrats en cours subsistent entre l'employeur et le personnel de la nouvelle société. La société France Télévisions assure la continuité de gestion des activités sociales à travers le comité inter-entreprises des radios de l'audiovisuel public.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Depuis de nombreuses années, les personnels de France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO adhèrent à la convention collective de la communication et de la production audiovisuelles, qui concerne les techniciens et les administratifs, ainsi qu’à l’avenant audiovisuel de la convention collective nationale de travail des journalistes. Le projet de fusion-absorption des sociétés de programmes ne doit pas être prétexte à la remise en cause de ces conventions.
Soucieux de l’intérêt des salariés, qui manifestent leurs légitimes inquiétudes, nous proposons d’amender ce texte afin que France Télévisions, qui accueillera demain les personnels de l’ensemble des sociétés de programme actuelles, adhère à cette convention collective ainsi qu’à celle qui est liée à l’avenant audiovisuel de la convention intéressant les journalistes.
Il est essentiel que le projet de loi garantisse le respect de ces conventions dans le cadre de la nouvelle structure. C’est le sort de milliers de salariés qui est en jeu. Il serait inhumain et socialement injuste que les conventions et accords collectifs qui sont applicables au sein des sociétés qui seront absorbées soient rendus caducs par la création de l’entreprise unique.
Il s’agit de respecter ceux qui font la télé, en ne bradant pas leurs droits. Plus le projet de loi sera clair et sans équivoque, plus le personnel sera rassuré quant à son avenir au sein du groupe.
Ces conventions collectives, qui ont fait l’objet de négociations entre les salariés et la direction de France Télévisions, sont plus avantageuses que le droit commun du code du travail.
Comme certains esprits chagrins déplorent toujours les prétendus privilèges des salariés alors qu’ils ne s’offusquent guère du bouclier fiscal, par exemple, nous souhaitons avoir la garantie que la fusion-absorption ne conduira pas à un nivellement par le bas, mais bien par le haut.
Puisque vous envisagez de nouvelles négociations entre partenaires sociaux, il est important pour les salariés que le projet de loi garantisse sans ambiguïté que les conventions collectives resteront le socle de l’entreprise unique et qu’elles ne pourront en aucun cas être moins favorables aux personnels.
Cet amendement vise donc à écarter toute remise en cause des conventions collectives de l’audiovisuel public. En effet, nous ne pouvons accepter que le principe de la création d’une société unique ait des conséquences sociales préjudiciables aux salariés.
La simple justice veut que le niveau social garanti par les deux conventions collectives actuelles soit maintenu et étendu aux autres services publics audiovisuels. Cela doit être le fil conducteur des nouvelles négociations.
Alors que les personnels de France Télévisions sont déjà fortement éprouvés depuis un an, la moindre des choses est que le passage à l’entreprise unique ne se traduise pas par une dégradation de leurs droits et de leurs conditions salariales. D’autant que, à rebours de bien des préjugés, le coût de ces conventions, loin d’être excessif, reste sans commune mesure avec le coût exorbitant de la suppression de la publicité que vous vous refusez pourtant à remettre en question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Il ne revient évidemment pas au législateur de préempter les décisions de la société France Télévisions, a fortiori lorsque celles-ci concernent la politique sociale de l’entreprise. Aussi n’est-il pas opportun de prévoir l’adhésion de France Télévisions à telle ou telle convention collective.
Par ailleurs, la commission des affaires culturelles se doit de rappeler que l’Assemblée nationale a précisé explicitement dans le projet de loi, à l’article 51, que l’article L. 2261-14 du code du travail s’appliquait à la fusion-absorption réalisée par la loi. En l’absence de conclusion de tout nouvel accord collectif, les salariés de France Télévisions conserveront donc individuellement les avantages qu’ils avaient acquis sous l’empire de leur précédente convention collective.
Je rappelle au demeurant que les différentes chaînes du groupe France Télévision n’avaient pas adhéré aux mêmes conventions collectives.
S’agissant du maintien des contrats existants, l’amendement est d’ores et déjà satisfait, l’Assemblée nationale ayant précisé à l’article 51 que l’article L. 1224-1 du code du travail était applicable en l’espèce.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Comme vient très justement de le rappeler Mme le rapporteur, toutes les conventions et accords collectifs conclus au sein des sociétés absorbées continueront à produire leurs effets pendant un certain temps.
Je le répète, une grande négociation collective va bientôt s’ouvrir et les contrats de travail des salariés des sociétés absorbées seront automatiquement transférés, selon les dispositions que vient de mentionner Mme Morin-Desailly.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de Mme la ministre, qui souhaite s’exprimer devant la presse pour rendre hommage à Claude Berri, dont nous venons d’apprendre le décès, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Article additionnel après l'article 1er ou après l’article 1er bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 118, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 43-11 de la même loi est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles s'engagent à garantir le maintien d'unités de programmes et de décisions qui leur sont propres et spécifiques afin de veiller à ce que leurs lignes éditoriales, en particulier en matière d'œuvres patrimoniales, contribuent à l'expression de la diversité des regards et de la création française. »
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Avant de présenter cet amendement, qui concerne les unités de programmes et la diversité patrimoniale, je voudrais revenir sur la réponse de Mme la ministre à ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin.
Lorsque les choses changent, les personnels demeurant en fonction conservent leurs droits le temps que la négociation aboutisse à un accord. Cependant, lorsque des personnels partent en retraite, ceux qui les remplacent n’ont pas les mêmes droits. C’est à ces derniers qu’il nous semblait nécessaire d’offrir des garanties.
Lorsque nous avons débattu de la liberté des journalistes, certains ont objecté qu’il n’était pas nécessaire de faire figurer dans la loi les précisions demandées sous prétexte que tout le monde était pour la liberté des journalistes. Je constate que, lorsqu’il s’agit des droits des travailleurs, ceux-là restent bouche cousue !
Pour ce qui est de l’amendement n° 118, nous souhaitons assurer à France Télévisions les moyens d’être à la hauteur de l’exigence de pluralisme et de diversité culturelle constitutive de ses missions. Cependant, une chose est de parler de diversité et de pluralisme, une autre est d’imaginer et de construire les conditions financières et structurelles de leur développement.
Le nouvel alinéa introduit par l’Assemblée nationale à l’article 1er, disposant que « France Télévisions veille à ce que sa nouvelle organisation garantisse l’identité des lignes éditoriales de ses services » et précisant que « cette organisation assure le pluralisme et la diversité de la création » ne nous semble donc pas suffisant, particulièrement dans le contexte actuel de sous-financement de l’audiovisuel public.
Si ceux qui ont proposé l’entreprise unique avaient pour seul objectif de réaliser des économies, nous redoutons, pour notre part, que ces économies ne portent avant tout sur la création. Cela risque d’être la première conséquence non seulement de la suppression de la publicité mais également de la transformation en société unique. En effet, cette transformation, conduite au nom du sacro-saint principe de rationalisation, fait craindre une réduction des lieux de décision éditoriale. Cette crainte est fondée puisqu’il s’agit là de l’une des propositions de la commission Copé. Les auteurs, les professionnels et leurs organisations, telles la SACD – société des auteurs et compositeurs dramatiques – et la SCAM, – société civile des auteurs multimédia –, n’ont eu de cesse d’alerter la représentation nationale sur le risque d’un formatage généralisé encouru en raison du « guichet » unique.
De ce point de vue, maintenir des unités de programmes identifiées distinctes, c’est préserver les capacités de création et la diversité. C’est pourquoi il est proposé de compléter le deuxième alinéa de l’article 43-11 par une phrase ainsi rédigée : « Elles s’engagent à garantir le maintien d’unités de programmes et de décisions qui leur sont propres et spécifiques afin de veiller à ce que leurs lignes éditoriales, en particulier en matière d’œuvres patrimoniales, contribuent à l’expression de la diversité des regards et de la création française. » Qui oserait se dire opposé à l’expression de la diversité des regards ?
Je voudrais maintenant évoquer la façon dont les œuvres patrimoniales doivent être considérées. Elles ne sont pas les seules diffusées à la télévision. Parmi les œuvres culturelles en général figurent les œuvres d’auteurs, fruits de la création artistique. De ce point de vue, il convient d’observer la plus grande prudence lorsque la question de l’organisation est abordée.
Le risque de s’enfermer dans le filet de l’utilité est effectivement toujours réel. Or l’utilité est la négation de l’art, voire, lorsqu’il y est systématiquement recouru, sa mort.
S’agissant de la question des connaissances qu’il s’agit d’apporter, je me ferai l’écho d’un témoignage, à mon avis éblouissant, d’une institutrice. Elle déclarait que sa première tâche était d’aider les enfants, dès leur plus jeune âge, à accéder à l’arbitraire du signe. Voilà qui n’est pas du domaine du rationnel, mais qui ressort de celui de l’intuition.
Vous voyez bien comment on ne peut pas en déduire qu’il faudrait le suffrage universel pour choisir les créations. J’ai toujours à l’esprit cette phrase : « La différence entre un artiste et un politique, c’est que l’artiste n’a pas besoin de majorité. »
Récemment, je relisais l’Abécédaire de Deleuze. Il y explique que la force de la gauche est de décider qu’un être, s’il est pour la liberté et la création, doit d’abord être « au-delà du mur de soi ».
La décision constitue une difficulté. Prenons l’exemple de l’actuelle exposition Picasso. Tous les visiteurs, quelles que soient leurs connaissances artistiques, en ressortent heureux. Or, il y a trente ans, on se moquait de Picasso : des mères de famille commentaient les gribouillis de leurs enfants en bas âge en disant que c’était « du Picasso » !
M. Pierre Fauchon. L’exposition ne présente pas que des tableaux de Picasso ! Elle s’appelle Picasso et les maîtres !
M. Jack Ralite. Je le sais, mais ce n’en est pas moins une merveilleuse exposition !
M. Pierre Fauchon. Sous bénéfice d’inventaire !
M. Jack Ralite. Lorsque Picasso peignait son chien Kasbek, ses amis lui disaient que cela ne ressemblait pas à un chien. Il leur répondait que le mot « chien » qu’ils employaient ne « ressemblait » pas non plus à un chien.
Catherine Tasca et moi nous sommes rendus dans une commune de mon département, Le Blanc-Mesnil. Les subventions allouées au Forum y sont contestées au motif que ce lieu artistique n’est pas fréquenté par la moitié de la population. Nous avons l’un et l’autre répondu que ce critère n’était pas pertinent.
Méfions-nous donc des structures fermées. Méfions-nous de l’application de la loi de la majorité en ces matières-là. Si, dans ces domaines, les décisions ne reposent pas sur l’intuition, nous courons le risque de décisions formatées.
Sans vouloir faire assaut de citations, je rappellerai le mot de Braque : « L’art est une blessure avant d’être une lumière. » Où va-t-on si nous votons sur les blessures et les lumières, d’autant que l’art est tour à tour, au fil de la vie, blessure puis lumière ? Autant la démocratie a besoin d’art, autant l’art ne se décide pas démocratiquement. C’est là un principe fondamental.
La question des œuvres patrimoniales doit donc être traitée au niveau de chaînes, et non dans le cadre de quelque organisation préétablie. C’est une question décisive.
M. le président. L'amendement n° 251, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles s'engagent à garantir le maintien d'unités de programmes et de décisions qui leur sont propres et spécifiques afin de veiller à ce que leurs lignes éditoriales, en particulier en matière d'œuvres patrimoniales, contribuent à l'expression de la diversité des regards et de la création française. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Permettez-moi d’apporter ma modeste contribution après les considérations fort élevées de notre collègue Jack Ralite.
L’amendement n° 251 porte sur le risque que nous font courir le pilotage centralisé de France Télévisions et le refus d’inscrire la notion positive d’autonomie éditoriale. Nous devons désormais progresser sur ce texte par critères partagés pour garantir la mise en œuvre de la diversité des regards.
Comme chacun le mesure bien, l’écueil de l’uniformisation nous guette. Cela dit, certaines chaînes privées n’ont su éviter cet autre écueil qu’est la confusion entre diversité et sectorisation des modes d’expression audiovisuels par canaux. À telles chaînes reviennent les émissions sportives, à telles autres les jeux, et la société se trouve ainsi soumise à la tentation d’un morcellement, chaque chaîne reflétant les intérêts de groupes particuliers. S’ensuit la mort du dialogue et de l’ouverture.
L’amendement n° 251 vise donc à protéger la diversité des regards, mais aussi à éviter que le service public ne se mette à sectoriser, par chaînes, cette diversité. Pour ce faire, chaque antenne doit pouvoir programmer une diversité de programmes et de modes d’expression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Ce débat est fort intéressant, et je remercie notre collègue Jack Ralite de le porter à une telle hauteur. Cela dit, la commission doit se prononcer sur les amendements, ce qui nous oblige à revenir au texte même.
La commission est défavorable à l’amendement n° 118, qui tend à dessiner une administration de France Télévisions qui n’est pas celle du projet de loi et contrevient à son esprit. En particulier, elle ne s’inscrit pas dans la perspective de l’entreprise unique.
L’amendement n° 251 procède du même esprit, quoiqu’il l’exprime différemment. C’est pourquoi la commission y est également défavorable.
Notre collègue Jack Ralite nous invitait tout à l’heure à la réflexion ; je vous livrerai donc brièvement la mienne. Il est évident que le cahier des charges d’une œuvre, quelle qu’elle soit, doit être établi dans un dialogue confiant entre celui qui commande et l’artiste. Aucun cahier des charges ne peut définir en soi une œuvre d’art, nous en sommes parfaitement d’accord. Sinon, nous nous dirigerions vers une culture d’État ou, en l’espèce, une culture de la télévision publique.
Comme elle l’a exprimé à travers ses amendements, la commission a estimé qu’il était important que les acteurs de France Télévisions, donc les dirigeants de la future entreprise publique, puissent faire confiance à des groupes de travail, à des collèges. Ils pourront ainsi définir les cahiers des charges des commandes passées à l’extérieur auprès des acteurs de la création, mais aussi recevoir de façon plurielle les œuvres d’art télévisuelles qui leur seront présentées.
C’est la raison pour laquelle je souscris au fond de votre démarche, monsieur Ralite, mais malheureusement pas à sa déclinaison concrète et pratique dans l’administration future de l’entreprise France Télévisions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.
La société unique porte une logique de différentes unités de programmes. Il serait tout à fait contraire à son esprit d’avoir des unités de programmes dans chacune des antennes, alors qu’elles ont justement été fusionnées.
J’observe qu’il existe d’ores et déjà une seule direction des sports et une seule unité de programmes jeunesse, communes à France 2 et à France 3.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Nous faisons fausse route si nous opposons l’exigence de diversité artistique à la bonne gestion de l’entreprise commune. Ces deux notions ne me semblent pas contradictoires, sauf en cas de conflit déclaré entre les professionnels qui, au sommet de l’entreprise, auront à définir sa stratégie et les professionnels qui vont faire vivre le formidable projet de la création audiovisuelle à travers les unités de programmes. Non seulement il n’y a pas d’opposition en l’une et l’autre, mais l’une peut même nourrir l’autre.
C’est dans la mesure où l’entreprise commune France Télévisions donnera toutes ses chances à la création audiovisuelle, à travers une grande diversité de propositions, qu’elle remplira pleinement sa mission et gagnera la bataille des programmes audiovisuels.
À mon avis, et je le dis amicalement à M. le rapporteur, qui a porté la plus grande attention à l’élaboration de ce texte, il n’y a pas de contradiction. Si l’entreprise commune se donne pour objectif de vivifier la production audiovisuelle à travers une grande diversité, elle n’a rien à craindre de la richesse des propositions des différentes unités.
C’est la raison pour laquelle nous allons soutenir les amendements nos 118 et 251.
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Dans le domaine de la création, on ne peut pas dire qu’il existe un accord généralisé.
Il faut entendre les attaques contre l’élitisme ! À l’inverse, on vante le caractère prétendument « populaire » de certaines émissions alors qu’il ne s’agit que populisme ! Cette campagne « désubstantialise » autant l’œuvre populaire que l’œuvre d’élite. Ce n’est donc pas une petite question.
Je rappelle une nouvelle fois les termes figurant dans la lettre de mission du Président de la République adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication : « veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public ». Une mission ainsi définie est antinomique de l’art et de ses développements dans le pluralisme ou dans les différentes branches évoquées par notre collègue Marie-Christine Blandin.
Vous voyez qu’il y a un risque et qu’il n’est pas inutile de prévoir dans la moi les moyens d’y parer. C’est comme lorsqu’il a été question de la redevance ou de l’indépendance des journalistes.
Nous ne sommes pas en période de mer calme, en ce moment : il n’y a pas que dans le Vendée Globe que ça tempête ! En France, c’est le mot « liberté » qui se trouve, ici ou là, d’abord écorné, puis limé.
Je continue donc à penser qu’il est utile d’appeler les choses par leur nom et de les inscrire dans cette loi. Sinon, nous laisserons s’épanouir un courant qui est préjudiciable à l’art, donc préjudiciable aux hommes et aux femmes que nous sommes.
M. Pierre Fauchon. Il est tout de même piquant d’entendre un communiste parler de liberté !
M. Jack Ralite. Vous n’aimez ni les artistes ni les travailleurs !