Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
MM. Alain Dufaut, Jean-Noël Guérini.
3. Décision du Conseil constitutionnel
4. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi
5. Dépôt de rapports du Gouvernement
Mme Nathalie Goulet, M. le président.
MM. Jack Ralite, le président.
MM. Jean-Pierre Bel, le président.
7. Communication audiovisuelle. – Nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public. – Discussion d'un projet de loi et d’un projet de loi organique déclarés d’urgence
Discussion générale commune : Mmes Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; MM. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
MM. David Assouline, Hervé Maurey, Jack Ralite, Mme Catherine Dumas.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
9. Communication audiovisuelle. – Nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public. – Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence
Discussion générale commune (suite) : M. Jean-Pierre Plancade, Mme Catherine Tasca, M. Pierre Hérisson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Ladislas Poniatowski, Mme Catherine Tasca, MM. Serge Lagauche, Jean-Paul Virapoullé, Robert del Picchia.
Clôture de la discussion générale commune.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Dépôt d'une proposition de loi
12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
13. Dépôt d'un avis
14. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 décembre 2008
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. Jean-Noël Guérini.
1
Procès-verbal
M. le président. Le procès-verbal de la séance du lundi 22 décembre 2008 a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Janine Bardou, qui fut sénateur de la Lozère de 1994 à 2001.
3
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. J’ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre du 29 décembre 2008, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour 2008.
Acte est donné de cette décision.
Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.
4
Déclaration de l'urgence d'un projet de loi
M. le président. Par lettre en date du 5 janvier 2009, M. le Premier ministre m’a fait connaître que, en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (n° 501, 2007-2008).
5
Dépôt de rapports du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
- en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-491 du 26 mai 2008 relative aux conditions de commercialisation et d’utilisation de certains engins motorisés ;
- en application de l’article 34 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, le rapport relatif à l’utilisation des ressources du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage et à la mise en œuvre des contrats d’objectifs et de moyens visant au développement de l’apprentissage en 2007 ;
- en application de l’article D. 114-4-3 du code de la sécurité sociale, le rapport pour l’année 2008 du Haut Conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale ;
- en application de l’article 2 du décret n° 2004-967 du 7 septembre 2004, le rapport de l’Observatoire des territoires pour 2008 ;
Acte est donné du dépôt de ces quatre rapports.
Le premier sera transmis à la commission des lois, les deux suivants à la commission des affaires sociales et le dernier à la commission des affaires économiques. Ces quatre documents seront disponibles au bureau de la distribution.
6
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, depuis une douzaine de jours, nous assistons, et la communauté internationale avec nous, totalement impuissants aux attaques israéliennes sur Gaza, où la situation humanitaire est absolument catastrophique, comme l’est la disproportion des forces.
Il serait tout à notre honneur et à celui de notre assemblée d’avoir un débat sur la situation à Gaza.
Aussi, me fondant sur l’article 29 de notre règlement, j’exprime le souhait que la conférence des présidents examine ma demande tendant à l’organisation d’un débat sur une situation d’une urgence absolue dans un Moyen-Orient si prompt à s’enflammer.
M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La conférence des présidents, qui se réunira ce soir, à dix-neuf heures, examinera cette demande en même temps qu’elle permettra des échanges, notamment avec le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur ce problème douloureux pour chacune et chacun d’entre nous et qui appelle une solution véritable, s’agissant d’une situation qui peut être de nature à déstabiliser non pas seulement l’ensemble du Moyen-Orient, mais le monde.
La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons aborder l’important débat sur la nouvelle télévision publique, réforme historique, a dit le Président de la République…Historique, on verra ; hystérique, on a déjà vu ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous sommes le 7 janvier ; il est un peu plus de seize heures. Avant-hier, le 5 janvier, à vingt heures trente-cinq, la loi était appliquée ; de fait, imposée. (Exclamations indignées sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Ainsi, le fait accompli passe avant l’examen minutieux et l’étude contradictoire des textes par notre assemblée. C’est très grave.
C’est d’abord une manière de dédaigner, d’insulter, d’humilier les sénatrices et les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C’est ensuite une incivilité du pouvoir, une pratique gouvernementale que je n’hésite pas à qualifier de délinquante.
C’est enfin un tripatouillage, un déchirement du droit, un basculement du travail législatif à partir d’une pensée unique et dominatrice.
On avait vu, au temps du CPE, une loi votée et promulguée, mais pas appliquée ; aujourd'hui, on voit une loi appliquée, mais ni votée ni promulguée ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
J’espère que l’on entendra ici autre chose qu’une indignation timorée, autre chose qu’un tonnerre de silence.
Le Gouvernement agit de telle manière que, si l’on se taisait, on laisserait en effet s’installer l’habitude de se passer du Sénat.
La présidence du Sénat, qui affiche son désir de changement, doit s’exprimer publiquement, fortement et sans lacune. Autrement, nous serions des élus hallucinés et orphelins de légitimité…Mais nous n’en serions pas moins décidés à nous battre jusqu’au bout ! (Applaudissements vifs et prolongés sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Bel. Mon rappel au règlement se fondera sur l’article 42, mais je veux auparavant apporter mon soutien à la demande de Nathalie Goulet en vue de l’organisation d’un débat, à nos yeux également absolument indispensable, sur la situation au Proche-Orient.
Monsieur le président, il n’est pas dans mes habitudes de rappeler la Constitution, plusieurs de mes collègues étant bien plus aptes que moi à le faire, mais c’est cependant à elle que je me référerai ici.
En son article 24 elle prévoit en effet clairement que le Parlement vote la loi et qu’il comprend l’Assemblée nationale et le Sénat.
Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, l’article 34 précise en outre – précision ajoutée, contre l’avis du Gouvernement, sur l’initiative de notre collègue David Assouline — que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».
Comme vient de le dire Jack Ralite, il est donc bien de la compétence du législateur de fixer les règles qui concernent l’indépendance des médias, notamment dans le secteur audiovisuel. Or l’indépendance, pour les médias, c’est aussi leur capacité à se financer, pour ne pas dépendre du bon vouloir du pouvoir.
Madame la ministre, dans le texte que vous allez nous présenter, s’agissant de l’indépendance de médias, vous avez fait plusieurs choix.
D’abord, vous avez choisi de soumettre la nomination du président de France Télévisions et du président de Radio France à une décision du Président de la République.
Ensuite, vous avez choisi de supprimer la publicité pour les chaînes publiques.
Certains d’entre nous ont pu dire que nous entrions dans une forme de « berlusconisation » du système audiovisuel français.
Mais je n’ouvre pas le débat de fond, il viendra tout à l’heure, tenant simplement, au travers de ce rappel au règlement, à m’élever contre une pratique sans précédent : on nous demande de débattre d’un texte dont l’une des principales dispositions est d’ores et déjà en application,…
M. Guy Fischer. C’est honteux !
M. Jean-Pierre Bel. …puisque, à la suite des directives données par le Gouvernement, la publicité est en effet supprimée des chaînes publiques depuis le 5 janvier !
Nous sommes donc placés devant le fait accompli et notre rôle consistera à entériner des décisions déjà prises.
Il y a là, monsieur le président, mes chers collègues, une atteinte aux droits fondamentaux du législateur, aux droits du Parlement et, j’ose le dire, à des principes fondamentaux de notre République.
Madame la ministre, vous n’avez pas voulu nous entendre sur un sujet qui, vous le savez, est essentiel pour tous les démocrates. C’est pourquoi, dans un instant, en nous retirant de l’hémicycle, nous marquerons notre refus de vous écouter vous-même, mais, soyez rassurée, vous pouvez compter sur nous pour revenir ensuite participer aux débats ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Monsieur Ralite, je voudrais vous renvoyer, puisqu’il a été question de lacune, non pas au système lacunaire, qui, en biologie, est un système interstitiel, mais aux propos que j’ai tenus sur une radio hier matin.
J’ai dit à cette occasion que la loi était votée par le Parlement, et par le Parlement seul.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a contradiction !
M. le président. C’est donc à un débat serein, constructif et positif que nous sommes appelés dans les prochains jours sur un texte qui, une fois enrichi de la contribution du Sénat et après un examen des représentants de notre assemblée et de l’Assemblée nationale, deviendra la loi. Mais c’est à vous de décider.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est déjà fait ! C’est déjà fait !
M. le président. C’est ce à quoi nous consacrerons les jours qui viennent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
7
Communication audiovisuelle
Nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public
Discussion d'un projet de loi et d’un projet de loi organique déclarés d’urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence. (nos 145, 144, 150, 152 et 151)
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.-Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste se lèvent et quittent l’hémicycle.)
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, messieurs les rapporteurs, il y a presque un an, le 8 janvier 2008, le Président de la République a annoncé sa volonté de porter une grande réforme de la télévision publique, certainement la plus importante depuis plus de vingt ans.
Un vaste débat s’est alors engagé, dans les médias et dans toute la société. Une commission a été constituée, la commission pour la nouvelle télévision publique, présidée par Jean-François Copé et rassemblant des personnalités très diverses, des professionnels de l’audiovisuel et des parlementaires. Certains d’entre vous ont contribué activement à cette réflexion, je tiens à les en remercier.
Les conclusions, vous le savez, ont été rendues au mois de juin dernier. Un certain nombre de lignes directrices ont alors été annoncées par le Président de la République : affranchir France Télévisions de la logique commerciale en supprimant la publicité d’abord partiellement, puis totalement ; compenser la perte de ressources publicitaires, avec la mise en place par l’État d’un système de financement approprié ; créer une entreprise unique avec différentes antennes ; enfin, réformer la gouvernance des sociétés de l’audiovisuel public.
Les deux projets de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui mettent en œuvre cette grande mutation de la télévision publique. Ils portent également plusieurs autres grandes réformes pour tout le secteur de l’audiovisuel et le cinéma : la création de la société Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF, afin de regrouper et de renforcer les médias français et francophones diffusés à l’étranger ; la transposition de la directive européenne « Services de médias audiovisuels », ou directive SMA ; enfin, une grande réforme du Centre national de la cinématographie, le CNC, et du droit du cinéma.
Tout d’abord, la réforme de France Télévisions vise à donner à la télévision publique, à la télévision de tous les Français, une singularité, une identité plus fortes encore au sein d’un paysage audiovisuel de plus en plus diversifié et en constante mutation.
France Télévisions, qui est déjà une société de grande qualité, doit avoir les moyens de se différencier encore plus nettement des chaînes privées, par ses missions, par son exigence et notamment par sa grande ambition culturelle.
Pour cela, le Président de la République a souhaité libérer la télévision publique de la pression publicitaire et donc de la contrainte de l’audimat, et ce en deux étapes : en soirée, dans un premier temps, puis sur l’ensemble de la journée, au moment de l’extinction de l’analogique.
En juin dernier, lorsque la commission pour la nouvelle télévision publique a rendu son rapport, il a été décidé de fixer l’arrêt partiel de la publicité à janvier 2009. C’était une demande forte de France Télévisions que de travailler sur l’année calendaire. Les équipes s’y sont préparées et ont défini de nouvelles grilles. Les annonceurs publicitaires, qui travaillent toujours avec des mois d’avance, l’ont anticipée dès le mois de septembre.
Malheureusement, l’obstruction rencontrée pendant près de quatre semaines lors du débat parlementaire à l’Assemblée nationale a relancé la question du calendrier. Il a semblé important de maintenir la date initiale en demandant au président de France Télévisions de prendre une décision de gestion consistant à ne plus commercialiser les espaces publicitaires à partir de vingt heures. Cette décision était d’ailleurs rendue possible grâce au vote par le Parlement, à la fin de l’année dernière, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, d’une dotation budgétaire de 450 millions d’euros pour France Télévisions.
Cette évolution importante de France Télévisions semble d’ores et déjà très appréciée de tous les Français.
La seconde étape, la suppression totale de la publicité sur les antennes de France Télévisions, en métropole comme outre-mer, interviendra donc au moment de l’extinction définitive de l’analogique sur l’ensemble du territoire.
Conformément aux conclusions de la commission pour la nouvelle télévision publique, cette suppression ne sera pas générale.
Tout d’abord, elle ne s’appliquera pas aux décrochages régionaux et locaux de France 3. Ensuite, seule la publicité commerciale sera interdite : la publicité dite « publicité collective » demeure autorisée, de même que le parrainage. Enfin, les campagnes d’intérêt général, puisqu’elles ne revêtent pas un caractère publicitaire, pourront évidemment continuer d’être diffusées.
Le projet de loi pose le principe de la compensation, par des ressources publiques, du manque à gagner causé par la suppression de la publicité.
Pour fixer son montant, le Gouvernement s’est appuyé sur les travaux menés par la commission pour la nouvelle télévision publique, qui l’a estimé à 450 millions d’euros. Comme je le disais tout à l’heure, cette somme est désormais garantie par la loi de finances pour 2009 que votre assemblée a votée à la fin de l’année dernière. Je le souligne, le PLF 2009, qui s’inscrit dans un cadre triennal, a également consacré le principe de cette ressource pour les années 2010 et 2011.
Par ailleurs, le projet de loi institue deux nouvelles taxes : une première taxe sur les recettes publicitaires des services de télévisions ou leurs régies, dont le taux sera modulé entre 1,5 % et 3 %, en fonction du surplus effectif de recettes publicitaires des chaînes de télévision ; une seconde taxe sur le chiffre d’affaires des services de communications électroniques fournis par les opérateurs déclarés auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, taxe dont le taux est fixé à 0,9 %. Dans les deux cas, un abattement permet d’exempter les plus petits opérateurs.
Enfin, je me félicite que, dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif pour 2008, le législateur ait fait en sorte que la redevance cesse de diminuer, en l’indexant sur le taux de l’inflation dès cette année.
Au-delà de cette réforme, qui va permettre un changement éditorial majeur, le projet de loi modifie également l’organisation interne de France Télévisions, ce qui est également très important.
Sur le modèle de Radio France, France Télévisions deviendra donc une société nationale de programme composée de plusieurs antennes – France 2, France 3, France 4, France 5 et Réseau France Outre-mer, ou RFO – dont les identités seront renforcées. C’était l’une des propositions phare de la commission pour la nouvelle télévision publique et une demande ancienne des dirigeants de France Télévisions.
Le groupe public pourra également développer d’autres services, notamment des services de médias audiovisuels à la demande, ou SMAD. L’identité et les caractéristiques de ces différents services seront définies par le cahier des charges fixé par décret après avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Lors de l’élaboration du projet de loi, le Gouvernement a été particulièrement attentif à la garantie de la diversité des programmes, qui est consubstantielle à la diversité des antennes. Je sais que la commission des affaires culturelles formulera des propositions allant aussi dans ce sens. J’y serai particulièrement attentive.
Cette réforme de structure, qui va permettre de réaliser des synergies nécessaires, s’accompagne d’une réforme de la gouvernance. Le Président de la République l’a clairement annoncé le 25 juin dernier : l’État est l’unique actionnaire de France Télévisions et son financeur à plus de 90 %. C’est l’État qui définit les missions de service public. Il est donc légitime qu’il prenne ses responsabilités en nommant le dirigeant -ou la dirigeante - qui sera chargé de les porter.
Le projet de loi modifie ainsi le mode de désignation des présidents des sociétés nationales de programme. Mais le secteur public de l’audiovisuel, c’est évident, n’est pas un secteur public comme un autre. La nomination par l’État est donc soumise, d’une part, à l’avis conforme du CSA et, d’autre part, à l’avis des commissions chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire, ainsi que le prévoit le projet de loi organique qui accompagne le projet de loi ordinaire.
En conséquence, les dirigeants de l’audiovisuel public nommés selon cette procédure auront une triple légitimité, celle de l’État actionnaire, celle du CSA et celle du Parlement.
L’État assume ses responsabilités, le CSA contrôle et le Parlement se prononce et rend le débat public.
En ce qui concerne les modalités de retrait des mandats des présidents des entreprises publiques de l’audiovisuel, vous le savez, les députés ont souhaité que le parallélisme des formes s’applique. Nous aurons aussi ce débat au sein de la Haute Assemblée.
Autre sujet de réforme : l’audiovisuel extérieur. Le Président de la République a annoncé dès la fin de l’année 2007 sa volonté de réformer l’audiovisuel extérieur de la France, afin de mieux diffuser la culture française et francophone, mais aussi le regard français sur l’actualité, dans le monde entier.
Sur ce sujet également, la Haute Assemblée a toujours eu le souci de faire en sorte que la voix de la France et de la francophonie rayonne grâce à des médias qui soient autant de relais pour notre culture, notre langue et notre vision du monde.
Le projet de loi vise à améliorer la cohérence de notre politique audiovisuelle extérieure, la lisibilité de ses orientations stratégiques et l’efficacité de chacune de ses entités, Radio France Internationale, ou RFI, France 24 et TV5 Monde.
Des étapes importantes ont d’ores et déjà été franchies, notamment la création, au printemps dernier, de la société dénommée Audiovisuel extérieur de la France, AEF. Elle a vocation à devenir une société holding rassemblant les participations publiques dans RFI, France 24 et TV5 Monde.
À ce titre, le capital de RFI actuellement détenu par l’État est intégralement transféré à AEF par l’article 51 du projet de loi.
Le projet de loi tire les conséquences de cette réforme et remplace, dans la loi du 30 septembre 1986, RFI par AEF, cette dernière étant désormais chargée du pilotage stratégique et de la coordination des sociétés concernées.
AEF devient donc la société nationale de programme chargée de l’audiovisuel extérieur de la France dont la gouvernance est déterminée par la loi de 1986, à l’instar de celle de France Télévisions et de Radio France. À ce titre, AEF et ses filiales, répondant à des missions de service public, seront soumises à des obligations définies par un cahier des charges fixé par décret. La négociation d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État devrait débuter prochainement.
Je le redis, à aucun moment le projet de loi ne remet en cause l’existence et le rôle de RFI, France 24 et TV5 Monde, qui restent les acteurs essentiels du dispositif de l’audiovisuel extérieur de la France.
Au contraire, le projet de loi renforce les moyens de ces sociétés : intégrées à un groupe sur lequel elles pourront s’adosser, elles pourront développer des synergies, dans le respect de leurs identités. Par exemple, la rédaction en arabe de RFI a vocation à se rapprocher de celle de France 24 qui peine, faute de moyens financiers, à augmenter ses temps d’antenne dans cette langue. Ces rapprochements permettront ainsi de développer une vision française de l’actualité dans le monde arabe.
Il s’agit bien d’aboutir, dès cette année, à un dispositif plus cohérent, lisible et efficace grâce à la rénovation de la ligne éditoriale et la mise en commun des moyens de RFI, France 24 et TV5 Monde.
Au-delà de la réforme de l’audiovisuel public, ce projet de loi est la clé de voûte d’une réforme d’ensemble du secteur audiovisuel.
L’objectif est de renforcer globalement la compétitivité des chaînes de télévision, publiques comme privées, dans un univers médiatique en pleine mutation.
Pour cela, nous voulons donner aux chaînes plus de souplesse en matière de publicité, en nous appuyant sur la directive européenne « Services de médias audiovisuels ».
Le régime de la publicité télévisée résultant du décret de 1992 prend désormais en compte les nouvelles règles européennes et je vous propose, dans le texte que vous allez examiner, d’autoriser, dans le même esprit, une seconde coupure publicitaire dans les œuvres. Je le souligne, c’est une mesure très favorable au secteur cinématographique et aux fictions audiovisuelles de longue durée.
En effet, nous l’avons tous remarqué, les chaînes programment de moins en moins de films depuis plusieurs années. Si nous augmentons les recettes tirées de leur diffusion, nous les rendrons beaucoup plus attractifs.
Enfin, la nouvelle directive offre aussi la possibilité de recourir au placement de produits, en excluant bien évidemment les émissions destinées à la jeunesse. Je souhaite qu’il puisse être autorisé et que le CSA en fixe les modalités pratiques. Le placement de produits existe déjà au cinéma, les créateurs et les producteurs savent y recourir sans excès, et il permettrait de trouver des ressources supplémentaires pour la création audiovisuelle.
Il faut en être bien conscient, aujourd’hui, les chaînes de télévision font vivre un grand nombre d’entreprises de production, d’auteurs, de scénaristes, d’artistes et de techniciens, tant dans le monde de l’audiovisuel que dans celui du cinéma, et ce grâce au système des obligations de production, obligations qui sont la juste compensation de l’attribution gratuite des fréquences hertziennes aux chaînes de télévision.
Les chaînes de télévision – publiques comme privées – sont donc aujourd’hui les principaux financeurs de la création dans notre pays. C’est grâce à elles que nous avons le troisième cinéma du monde, après les États-Unis et l’Inde. C’est grâce à elles que notre production audiovisuelle est aussi innovante et dynamique.
Il est donc important, dans le contexte de crise du marché publicitaire français, de faire en sorte que les recettes publicitaires de France Télévisions se reportent sur les autres chaînes et sur les médias producteurs et diffuseurs de contenus.
Le marché publicitaire français est très atypique en Europe : le hors médias et l’affichage y sont en effet particulièrement développés, au détriment des médias traditionnels.
Une des raisons en est une réglementation de la publicité à la télévision particulièrement contraignante par rapport aux normes européennes, pourtant exigeantes et soucieuses de la protection du téléspectateur.
Si nous n’assouplissons pas ces règles, le risque est à la fois que le prix des espaces publicitaires à la télévision augmente considérablement, évinçant alors les plus petits annonceurs, et qu’une partie importante des investissements se reporte sur le « hors médias », l’affichage et internet, ou même qu’ils disparaissent.
Cet assouplissement est donc indispensable pour que notre industrie des programmes et de la création conserve la place qui est la sienne aujourd’hui et puisse se développer dans les années à venir en France et en Europe. Je le répète, c’est sur leur chiffre d’affaires qu’est assise la contribution des chaînes à la production cinématographique et audiovisuelle européenne et française. Tout le monde a donc intérêt à ce qu’elles soient en bonne santé.
Par ailleurs, en contrepartie de ces assouplissements, les chaînes ont consenti des efforts importants en faveur des œuvres patrimoniales. C’est le sens des accords interprofessionnels venus récemment remplacer les décrets pris en 2001 par Catherine Tasca. Ces accords recentrent les obligations des chaînes privées en matière de financement de la production indépendante. Ils permettent, en outre, de mieux prendre en compte l’apport économique des chaînes à la production des œuvres qu’elles financent, de reconnaître et d’encourager davantage le travail des auteurs, et de tenir compte de la constitution de groupes constitués de plusieurs chaînes.
C’est donc bien toute l’économie de la filière audiovisuelle qui va se trouver renforcée. J’ai déposé plusieurs amendements pour permettre la mise en œuvre complète de ces accords dès l’année prochaine.
Par ailleurs, j’ai demandé à Dominique Richard et à David Kessler, à qui j’avais confié cette mission sur les chaînes historiques, de la poursuivre avec les nouveaux acteurs de la TNT.
Toutes les chaînes doivent en effet contribuer à l’enrichissement de l’offre de programmes de qualité.
Le projet de loi vise également à rendre les médias davantage accessibles aux personnes handicapées.
Depuis plusieurs années, des efforts importants ont été réalisés en faveur des personnes sourdes et malentendantes, grâce au développement du sous-titrage et de la langue des signes.
Le projet de loi entend favoriser l’accessibilité de la télévision aux personnes aveugles et malvoyantes, par le développement de l’audiodescription. Cette technique consiste à insérer un commentaire oral descriptif dans un programme audiovisuel. Elle est aujourd’hui très peu utilisée en France comme à l’étranger.
Dans le cadre du plan « Handicap visuel », lancé le 2 juin dernier par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et la secrétaire d’État chargée de la solidarité, la Direction du développement des médias a élaboré un rapport sur l’audiodescription. Il a été présenté le 19 juin 2008 à la commission nationale Culture et handicap, que je préside.
J’ai organisé une consultation publique, afin d’associer à cette réflexion les associations de personnes aveugles et malvoyantes et les professionnels du secteur de l’audiovisuel. À la suite de cette consultation, deux séries de dispositions ont été intégrées dans le projet de loi : le renvoi aux conventions conclues entre les chaînes privées et le CSA et aux contrats d’objectifs et de moyens des chaînes publiques, pour fixer les proportions de programmes qui devront être accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Pour les chaînes privées, seules celles dont l’audience dépasse 2,5 % seront assujetties à cette obligation. Les chaînes les plus regardées seront donc concernées : TF1, Canal Plus, M6 et, demain, W9, TMC, NT1 et Gulli. Par ailleurs, il sera possible de valoriser les dépenses d’audiodescription dans le cadre de la contribution des chaînes à la production cinématographique et audiovisuelle. Ce sera une incitation vertueuse, j’en suis convaincue.
Le cinquième grand chantier de modernisation prévu par ce projet de loi est l’adaptation de la réglementation aux nouveaux services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD.
La télévision a connu ces dernières années des transformations majeures : télévision numérique terrestre, télévision sur internet, télévision haute définition, télévision en mobilité, pour n’en citer que quelques-unes. Le développement des services à la demande modifie les usages en profondeur, permettant aux téléspectateurs de s’affranchir des programmes linéaires traditionnels, de visionner des contenus au moment où ils le souhaitent.
L’objectif est de permettre à l’ensemble de nos concitoyens de profiter pleinement de ces nouveaux services, comme de faire en sorte que ces derniers fassent toute sa place à la création originale européenne et de langue française.
Cela suppose tout d’abord de moderniser la réglementation audiovisuelle.
Transposant la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels », le projet de loi prévoit d’introduire logiquement les SMAD dans le champ d’application de la loi du 30 septembre 1986.
Il assure ainsi l’extension adaptée de notre régime traditionnel aux services les plus créatifs issus d’internet, en proposant une définition qui couvre les services de vidéo à la demande permettant de visionner des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, mais également les services dits « de télévision de rattrapage » récemment mis en place par les principaux éditeurs de chaînes de télévision français, qui permettent de voir ou de revoir pendant une période donnée les programmes diffusés par les chaînes de télévision.
À l’inverse, et conformément aux termes de la directive SMA, les contenus créés par les utilisateurs et mis à disposition par des sites internet hébergeurs, sont clairement exclus.
Afin de ne pas freiner le développement de ces services nouveaux de vidéo à la demande et de télévision de rattrapage, nous avons privilégié une réglementation et une régulation souples, légères et progressives. Cette souplesse est d’ailleurs la plus appropriée à la nature très évolutive de ces services.
Je rappelle en effet que la France est, avec près de cinquante services existants, à la pointe des pays européens en la matière.
En prenant soin d’éviter toutes les distorsions de concurrence entre opérateurs, il s’agit donc à la fois de tenir compte de certaines conséquences du développement de ces services à fort potentiel économique et d’éviter de l’entraver.
Trois séries de dispositions s’appliqueront à ces services.
Il s’agit tout d’abord d’assurer la protection des mineurs. Face à l’explosion des contenus pornographiques disponibles sur internet, l’action du CSA, dont chacun s’accorde à reconnaître l’efficacité, s’exercera pleinement sur les SMAD.
Il s’agit ensuite de favoriser la promotion des œuvres européennes. En effet, ces services mettent aujourd’hui à disposition des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Ils doivent donc prendre, selon des modalités adaptées, leur part dans le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique, à l’instar des services dits « traditionnels » de télévision.
Enfin, les SMAD se verront également appliquer les principes généraux issus de la directive « Services de médias audiovisuels », par exemple ceux qui sont relatifs au respect de la dignité humaine ou à la déontologie des communications commerciales.
À l’occasion de ce projet de loi, je vous propose également de moderniser nos outils de politique publique en faveur du cinéma.
Avec une télévision publique volontariste, un système de contribution au financement de la création élargi à tous les diffuseurs et un puissant soutien de l’État à la création audiovisuelle et cinématographique, administré par le CNC, nous pouvons nous honorer, en France, d’une politique engagée et ambitieuse en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique.
Depuis sa création avec l’instauration d’une taxe spéciale sur le prix des billets de cinéma au lendemain de la guerre, le compte de soutien du CNC n’a cessé d’être adapté aux évolutions du secteur de la création. Il a été étendu peu à peu aux différentes branches du cinéma – de l’écriture à l’aide à la diffusion en vidéo à la demande, mais aussi à la production audiovisuelle puis à la création multimédia et au jeu vidéo –, couvrant ainsi toutes les dimensions de la création patrimoniale d’images animées.
Son mode de financement a été modifié en conséquence par des contributions prélevées sur tous les marchés de l’image et redistribués à l’ensemble de la chaîne de la création et de la diffusion.
Il est important aujourd’hui de renforcer les bases juridiques de ce dispositif unique en son genre, dont les plus anciennes, c'est-à-dire celles qui en portent les racines, sont antérieures à la Constitution de la Ve République !
Pour cela, je vous demande d’autoriser le Gouvernement à rénover par ordonnances son statut juridique et à consolider, en les actualisant, les normes qui régissent le droit du cinéma. La voie par ordonnances est apparue préférable en raison de l’aspect très technique des dispositions, mais aussi de la nécessité de ne pas différer plus longtemps la réforme du CNC attendue par tous.
Le premier projet d’ordonnance renforce l’organisation et le fonctionnement du Centre national de la cinématographie, qui devient un établissement public à part entière, doté d’un conseil d’administration. Par ailleurs, vous avez bien voulu, en loi de finances pour 2009, renforcer l’assise financière du CNC en lui affectant directement les recettes fiscales dont il ne bénéficiait jusqu’à présent que par l’intermédiaire d’un compte d’affectation spéciale. Le CNC voit enfin ses missions adaptées à ce qu’est aujourd’hui le paysage médiatique, avec notamment le soutien à la vidéo à la demande ou à la production d’œuvres conçues pour internet, qu’il a déjà mis en œuvre. Il s’agit donc de réconcilier le droit avec les faits.
Cette première ordonnance a aussi pour objet de réécrire un ensemble de dispositions techniques du droit du cinéma, pour partie inchangées depuis 1946. L’objectif est de les rendre plus intelligibles et conformes à la hiérarchie des normes. Pour renforcer leur efficacité, ces dispositions seront rassemblées dans un même code. Le droit du cinéma, édifice précieux et unique en son genre, qui participe pleinement à l’exception culturelle française, y gagnera en lisibilité.
En outre, une seconde ordonnance permettra de perfectionner à la marge certains outils de régulation de l’industrie du cinéma qui ont fait leurs preuves, comme l’institution du médiateur du cinéma, notamment dans le but de permettre une régulation de la concurrence adaptée aux spécificités de ce secteur et conforme aux objectifs de politique publique en faveur de la création et de sa diffusion à tous les publics.
Il s’agit de la mise en œuvre de propositions formulées dans le rapport intitulé « Cinéma et concurrence » d’Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc. Ces réformes n’appellent que des modifications d’ampleur limitée et ponctuelle en ce qui concerne les aménagements à la législation en vigueur.
Bien entendu, la rédaction de ces deux ordonnances se fera dans le dialogue et la concertation la plus large. Il me semble naturel que les commissions parlementaires compétentes y soient associées, avant que les deux ordonnances soient soumises au Parlement pour ratification, dans un délai de six mois pour la première et de huit mois pour la seconde.
Alors même que vient de s’achever une année particulièrement brillante pour le cinéma français, avec un nombre record d’entrées pour les films français en salles jamais atteint depuis vingt-cinq ans – pas seulement, d’ailleurs, grâce au film Bienvenue chez les Ch’tis –, il convient maintenant que nos instruments de politique publique à l’égard du cinéma, qui font de la France le troisième pays producteur de films au monde, puissent accompagner pleinement la dynamique de ses succès.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est une réforme d’ensemble de l’audiovisuel, de l’audiovisuel public, de l’audiovisuel extérieur, mais aussi du cinéma. C’est une grande réforme culturelle. Ce texte est porté par une grande ambition qui aura des conséquences fortes sur la vie quotidienne des Français, sur le territoire national comme à l’étranger. Le Gouvernement apporte des réponses cohérentes, responsables, à des débats anciens et récurrents. Je pense, par exemple, à la question de la part de la publicité sur le service public, débat ouvert depuis des décennies et qui a trouvé une expression partielle au moment de la loi de 2000.
Le Gouvernement a la volonté de porter cette grande réforme culturelle et de société.
Cette réforme prend en compte le nouveau paysage audiovisuel, dans sa luxuriance, avec le développement d’une offre toujours plus riche, toujours plus diverse et de plus en plus accessible.
Dans trois ans en effet, tous les Français auront accès aux dix-huit chaînes gratuites de la TNT. Au-delà du nombre de chaînes, nos concitoyens s’habituent petit à petit à visionner librement leurs programmes favoris, à l’heure où ils le souhaitent, et passent sans cesse de la télévision à internet. Le paysage audiovisuel change donc aussi vite que les usages.
Il s’agit également d’une réforme qui cherche non pas à opposer le public et le privé, mais à favoriser le développement du service public comme des chaînes privées. Tous concourent à la création et au financement de l’audiovisuel et du cinéma.
Ces deux projets de loi portent bien une réforme globale qui donne à l’ensemble du paysage audiovisuel les moyens de miser sur les contenus, leur qualité, leur originalité, leur accessibilité, et ce au bénéfice de tous.
Tel est l’esprit des textes que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui mesdames, messieurs les sénateurs ;
Je sais que la Haute Assemblée a toujours été particulièrement impliquée sur les questions culturelles, sur le secteur de l’audiovisuel. Nous avons tous en mémoire les personnalités très importantes qui, au cours des dernières décennies, ont beaucoup contribué à son ambition et à son exigence de qualité.
Je suis sûre que ce débat apportera beaucoup au projet de loi. Le Gouvernement aborde cette discussion dans un esprit extrêmement ouvert, persuadé que nous allons travailler de concert pour aboutir à un audiovisuel public dans son ensemble qui soit encore plus conforme aux attentes des Français et à l’idée élevée que nous nous faisons de la télévision publique, en France comme à l’étranger. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « l’organisation du service public de l’audiovisuel est un devoir de l’État. [...] Cette phrase n’insulte aucun avenir ; elle n’interdit aucune réforme en profondeur du service public. Elle interdit sa lente agonie [...]. L’essentiel est d’inscrire le principe de la télévision publique dans les piliers de l’identité française. L’essentiel, c’est vrai, consiste à sacraliser la télévision publique en France. »
Par ces mots, Catherine Clément, philosophe et écrivain, dans son rapport sur l’évaluation, l’analyse et les propositions concernant l’offre culturelle sur France Télévisions remis au ministre de la culture en 2002, a énoncé des principes qui me semblent aujourd’hui prophétiques.
Il faut sacraliser la télévision publique, car elle est un support extraordinaire de transmission de culture et de valeurs. C’est notre patrimoine commun, un outil au service du plus grand nombre. Elle est la première pratique culturelle contemporaine, la quasi-totalité de nos concitoyens la regardant. Pour ce faire, face à un paysage audiovisuel qui a profondément changé ces dernières années et qui va continuer à le faire, il est urgent de moderniser France Télévisions.
Il n’y a pas d’autre solution que le changement : la suppression de la publicité est une chance pour la télévision publique, une chance de sortir des émissions formatées et segmentées, une chance d’accroître son indépendance et sa spécificité, une chance de développer des projets audacieux sans pour autant tomber dans l’élitisme.
Les deux premiers titres du projet de loi visent ainsi, d’une part, à donner à la télévision publique les moyens juridiques et financiers de ce changement, et cela comporte plusieurs aspects, et, d’autre part, à l’inciter à mettre en œuvre les ambitions que l’on a pour elle, à s’emparer de la réforme de l’audiovisuel public.
Ce qui est certain, c’est que la réforme ne se fera pas sans le groupe France Télévisions. Ce groupe a d’ailleurs su prendre en main son destin, ayant déjà, par exemple, opéré un virage éditorial significatif ces dernières années et encore plus ces derniers mois. Reste que le chantier est important et France Télévisions peut, mieux que quiconque, donner un visage et une voix au service public.
Ce visage aura de multiples facettes qui correspondront aux lignes éditoriales des antennes, autant de marques à ne pas confondre avec l’entreprise ; mais il devra être aussi le reflet d’une politique exemplaire du groupe, respectueuse des diversités dans les modes de représentation au sein de la maison mais aussi sur les antennes. Quand je parle de « diversité », c’est, bien sûr, dans une large acception : je vise bien évidemment la diversité culturelle et sociale, mais aussi la diversité des origines et la diversité des sexes qui, toutes, font partie des exigences que l’on doit avoir pour notre audiovisuel public.
Un recensement effectué par le monitorage des médias montre qu’au niveau mondial la présence médiatique des femmes est de 21 %, contre 79 % pour celle des hommes. Selon ce même recensement, la France se situe en dessous de cette moyenne mondiale puisque la place qu’elle accorde aux femmes atteint 17,7 %, contre 82,3 % aux hommes. Elle dispose donc d’une certaine marge de progression !
La suppression de la publicité – mesure la plus emblématique du texte – ne doit pas pour autant occulter d’autres enjeux tout aussi fondamentaux. L’avenir passe aussi, bien évidemment, par la mise en place d’un média global. Les modes de communication et les usages médiatiques sont aujourd’hui déjà bouleversés.
Il faut bien mesurer que, s’il est vrai que la « consommation » de la télévision restera demain largement familiale, la délinéarisation permettra à chacun de faire un usage autonome et personnel de cet outil. L’écran du Net favorisera la recherche d’informations ainsi que le dialogue et le mobile sera aussi un écran de services et d’alerte.
De nouveaux produits seront proposés en amont et en aval de la chaîne premium sur tous les supports, déclinant ainsi une offre interactive pour tous les publics.
On pourra regarder – c’est déjà le cas – des émissions de manière différée. Nos jeunes, qui consomment beaucoup d’images et de fictions sur le haut débit et se constituent ainsi leur propre télévision, ont déjà compris le système.
L’essentiel est de pouvoir retrouver sur l’ensemble des supports médiatiques l’image et la voix du service public, avec des programmes spécifiques et un ton reconnaissable.
Donne-t-on à la télévision publique les moyens juridiques et financiers de réaliser ces projets ?
Je ne m’appesantirai pas sur les modalités de mise en place de l’entreprise unique France Télévisions qu’évoquera mon collègue Michel Thiollière, avec lequel j’ai mené un travail de collaboration. Je partage avec lui la conviction que des garanties doivent être apportées à l’entreprise en matière d’indépendance, de pluralisme et de vision à long terme.
Pour ce qui concerne le financement, constitué d’un panachage de ressources, mon collègue évoquera la création des taxes. J’aborderai, quant à moi, une question qui me paraît être au cœur du débat sur la télévision publique : celle de la redevance.
Nous estimons, en effet, que la question du financement de France Télévisions ne peut se passer d’un débat sur la redevance, qui est son financement le plus naturel, le plus dynamique et le plus pérenne. Un financement majoritairement assuré par la redevance, c’est ce qui différencie une télévision publique d’une télévision d’État.
Ce débat, que nous avions tenu à aborder lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2008, se poursuit et se développe ainsi aujourd’hui.
Je souhaite vous exposer, mes chers collègues, les différents arguments en présence.
La commission pour la nouvelle télévision publique a longuement réfléchi sur le modèle de développement et le modèle culturel de France Télévisions. Nous nous félicitons, à ce titre, que nombre de propositions qu’elle a émises aient été reprises à la fois dans le présent projet de loi et dans le projet de cahier des charges élaboré par le ministère de la culture. Le groupe de travail sur le modèle de financement a également œuvré, et de manière importante, notamment sur l’impact de la suppression de la publicité après vingt heures sur les ressources de France Télévisions, en l’estimant assez précisément à 450 millions d’euros.
S’agissant du coût du nouveau modèle de développement envisagé pour France Télévisions, le groupe de travail l’a chiffré à 200 millions d’euros, estimation reposant sur plusieurs ressources, dont les économies et les indexations de la redevance. Ce travail n’a pu que rester approximatif, car il faut reconnaître qu’il paraît difficile de réellement anticiper la totalité des conséquences de la mise en place de l’entreprise unique dans toutes ses dimensions.
De la même manière, la mesure précise de l’impact financier des missions de service public confiées à France Télévisions ne pourra être définitive qu’à l’issue de l’adoption de la loi.
Le groupe est, bien sûr, susceptible de réaliser des économies importantes, mais à quelle hauteur précisément, notamment pour ce qui concerne les trois prochaines années ?
Enfin, la question des possibilités qu’offrirait la modernisation de la redevance n’a pas été étudiée.
Ainsi, ni le coût du développement de France Télévisions, ni celui de la programmation de la nouvelle grille, ni celui de la mise en place de l’entreprise unique, encore moins les gains liés aux synergies mises en place n’ont pu faire l’objet d’une estimation approfondie et documentée.
L’indexation de la redevance prévue par la dernière loi de finances rectificative, âprement obtenue après que notre commission des affaires culturelles l’a défendue sans relâche ces dernières années, devrait permettre d’assurer un financement à euros constants de France Télévisions si l’intégralité de l’augmentation est affectée au groupe.
Si nécessaire soit-elle, cette indexation n’aura cependant qu’un impact de 40 millions d’euros en 2009. La commission des affaires culturelles vous proposera un amendement visant à renforcer le dynamisme de l’indexation en prévoyant que le montant sera arrondi à l’euro supérieur après indexation. Cela reste cependant modeste.
De même, en raison de l’arrivée du média global et de l’utilisation grandissante de l’ordinateur comme récepteur de télévision, la commission vous présentera un amendement visant à étendre la redevance à tout type de terminal. Le but est d’éviter que ne prospère une situation dans laquelle les personnes ayant choisi un mode de réception autre que l’écran traditionnel échappent à cette juste contribution.
Ce sont des premières étapes. Pour aller plus loin, il faut désormais que le législateur bénéficie de moyens dont il ne dispose pas aujourd’hui ; ces éléments n’ont pas été spécifiquement étudiés en détail par la commission Copé. Il faut que tous les aspects de la question évoquée désormais de la nécessaire modernisation de la redevance soient étudiés.
Du fait du manque de données objectives, il ne peut y avoir aujourd’hui de consensus ou d’accord politique ambitieux sur cette question. Nous l’admettons mais, dans ce cas, il est absolument impératif que l’on donne les moyens au Parlement d’étudier de manière plus approfondie la question du financement de France Télévisions.
C’est toute la tâche à laquelle s’est attelée la commission, soucieuse de se donner les conditions nécessaires pour entamer ce travail pour l’année 2009 afin d’aborder la prochaine loi de finances avec tous les éléments adéquats.
Il convient donc tout d’abord de confier au CSA le soin de rendre un rapport au Parlement sur le financement de France Télévisions avant l’examen de chaque projet de loi de finances. La commission a, d’ailleurs, renforcé ses moyens d’enquête afin que le Conseil puisse avoir des données précises et fiables et élaborer son avis de manière indépendante.
En Allemagne, une autorité indépendante spécifique évalue les besoins de financement de l’audiovisuel public. En France, nous avons estimé que le régulateur, autorité administrative indépendante, était le mieux placé pour mener à bien un audit régulier et pertinent de l’entreprise.
Par ailleurs, il faut aussi que le Parlement s’engage dès maintenant à définir le meilleur mode de financement des chaînes publiques. C’est la raison pour laquelle la commission propose la mise en place d’un comité de suivi de la loi, notamment sur le financement, composé de parlementaires et chargé de faire les propositions adéquates, après une enquête précise. Avec l’aide du rapport du CSA publié avant l’examen du projet de loi de finances, l’idée est de faire des propositions précises lors de la discussion du prochain projet de loi de finances afin – pourquoi pas ? –, de relever, si nécessaire, de manière importante le montant de la redevance ou de le baisser si des économies majeures sont réalisables.
Ainsi, nous donnons à France Télévisions les moyens de remplir ses missions à court terme et nous nous engageons, à moyen terme, à lui trouver un mode de financement satisfaisant et conforme à ses missions, un mode de financement qu’il faudra concevoir de manière pluriannuelle : tout chef d’entreprise a besoin d’un suivi sur le long terme.
Par ailleurs, afin de renforcer dès maintenant sa légitimité, nous proposons de mensualiser la redevance, de reconnaître un droit de regard sur la programmation aux téléspectateurs, qui sont aussi les premiers contributeurs de la télévision publique, d’affecter la redevance uniquement aux principaux opérateurs de l’audiovisuel public et même de changer sa dénomination : elle deviendrait la « contribution à la télévision et la radio publiques ». Je rappelle que, si nos propositions étaient adoptées, le montant de la redevance serait porté à 10 euros par mois, ce qui représente trois fois moins qu’un abonnement à un opérateur satellitaire proposant quelques chaînes supplémentaires, et dix fois moins que les dépenses moyennes mensuelles d’un ménage en matière de téléphonie. C’est également moins que le montant de redevance que les Français ont le sentiment de payer et qui s’établit, en moyenne, à 140 euros annuels.
Nous insistons néanmoins sur le fait que cette revalorisation de la redevance ne sera pleinement acceptée que si les programmes évoluent dans le sens d’une plus grande originalité, d’une plus large diversité et d’une meilleure qualité. Il faut donc que France Télévisions s’empare pleinement de la réforme.
C’est l’un des axes sur lequel s’est penchée la commission Copé, notamment le groupe de travail sur le modèle culturel auquel j’ai eu l’honneur de participer. J’insiste, à cet égard, sur la qualité du travail effectué par cette commission grâce à la rigueur et à la pertinence des interventions des professionnels du secteur, auxquels je souhaite aujourd'hui rendre un hommage appuyé. Pour ce qui me concerne, ils ont ouvert une large fenêtre sur la richesse et la complexité de la création et de la production audiovisuelles françaises. La plupart de leurs préconisations ont été reprises dans le projet de cahier des charges, comme le renforcement du soutien à la diversité et à la création, la définition d’une nouvelle ambition culturelle et l’incitation à la mise en place du média global, notamment par la mise en œuvre de nouvelles manières de produire des contenus.
Ce cahier des charges fait ainsi de France Télévisions une télévision exemplaire en matière d’accessibilité aux personnes handicapées, d’accès à la culture, de promotion de la citoyenneté, d’éducation de la jeunesse, de sensibilisation à notre environnement, à l’Europe. Je vous y renvoie parce qu’il serait fastidieux en cet instant de vous en décliner le contenu.
C’est bien, c’est même très bien, mais l’on peut encore faire mieux. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a élargi le champ des missions de service public. C’est aussi la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles vous proposera de promouvoir le multilinguisme dans les programmes de France Télévisions, en rendant systématiquement accessible la version originale des œuvres étrangères diffusées,…
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. …et, surtout, de rendre gratuite la télévision de rattrapage sur les sites internet de France Télévisions.
Il est capital, selon moi, que les programmes financés par la contribution à la télévision et à la radio publiques soient accessibles gratuitement dans un certain délai après leur diffusion à l’antenne. Cette disposition rajeunira l’audience des chaînes de France Télévisions et donnera une justification supplémentaire à la revalorisation de la redevance.
Si l’on veut une réforme de l’audiovisuel réussie, il faut de nouveaux services pour les citoyens. Voilà deux services qui nous ont semblé être au cœur de la mission de service public.
Par ailleurs, la commission pour la nouvelle télévision publique a décrypté les raisons du succès des chaînes publiques étrangères comme la BBC. Je constate que le projet de loi permet une adaptation pertinente du modèle de l’audiovisuel public français. Cette évolution s’inscrira dans une mutation européenne globale accompagnée par une transposition équilibrée de la directive « Services de médias audiovisuels », la directive SMA. Ce rapprochement des régimes juridiques en Europe devrait permettre de répondre aux impératifs de protection des mineurs, d’accessibilité des programmes et de développement des nouvelles méthodes de production et de diffusion.
Après avoir évoqué les conditions du succès de la présente réforme, je souhaite enfin dissiper quelques inquiétudes qui apparaissent ici et là.
Tout d’abord, nous nous attachons à ce que le secteur de la création sorte renforcé de ce projet de loi. Le risque est qu’une plus grande diversité n’engendre pas plus de création
Je veux maintenant dire quelques mots, mes chers collègues, sur le formidable secteur qu’est l’industrie de la création, source de nombreuses richesses et de nombreux emplois, elle qui fait travailler en partenariat des producteurs, des auteurs, des créateurs, des techniciens, ainsi que des réalisateurs, autant de métiers artistiques qui font vivre cette industrie et qui en vivent.
Notre pays peut s’enorgueillir de cette industrie culturelle. Rappelons que la moitié des films nommés aux César en 2008 étaient coproduits par France 2 Cinéma et par France 3 Cinéma. Il faut avoir cela à l’esprit lorsque l’on envisage une réforme profonde du paysage audiovisuel français. La richesse des métiers de la production pourra d’autant mieux s’exprimer, selon moi, que les regards des différentes chaînes du paysage audiovisuel français seront multiples, différents, singuliers.
Au cours des auditions qu’ils ont conduites, vos rapporteurs ont pu constater que l’idée de constituer des unités de programme au sein de l’entreprise unique éveillait l’intérêt mais suscitait aussi un certain nombre de craintes.
Mes chers collègues, tout en maintenant le principe des unités de programme, la commission des affaires culturelles vous proposera donc des amendements visant à assurer la collégialité des décisions prises par France Télévisions, afin que la mise en place de l’entreprise unique ne signifie pas qu’une seule personne tiendra dans ses mains l’ensemble de la programmation des chaînes publiques.
Garantir le financement de l’audiovisuel public, c’est préserver l’économie de ce secteur face à la concurrence du marché américain.
En outre, nous souhaitons renforcer l’identité des différents réseaux, et notamment de France 3, dite « la chaîne des régions ». J’évoquerai en quelques mots ce sujet auquel, mes chers collègues, je vous sais sensibles.
La chaîne préférée des Français doit sortir dynamisée de l’examen de ce texte. À cet égard, la commission des affaires culturelles a proposé de confirmer l’existence législative de France 3 et de préciser ses missions, au premier rang desquelles figure la dimension régionale, qui doit être renforcée.
Les temps de décrochage sont aujourd’hui largement insuffisants. Sans se départir de sa dimension nationale, France Télévisions devra non seulement diffuser plus – c’est évident –, mais aussi concevoir des programmes en région.
France 3 dispose en effet d’un énorme potentiel : elle est la seule chaîne qui puisse, jour après jour, refléter la richesse de la vie culturelle, économique, sociale et politique de nos territoires.
Avec la mondialisation, les Français aspirent à un ancrage territorial. Il faut donc laisser plus de place sur les antennes, y compris nationales, aux programmes conçus et réalisés dans les régions.
De même, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France devra trouver un équilibre pertinent qui soit à la hauteur des ambitions que nous avons conçues pour elle. Les amendements que nous proposerons viseront principalement à améliorer le contrôle du Parlement sur cet organisme et à stabiliser son conseil d’administration.
Mes chers collègues, malgré ma satisfaction d’ensemble, qui ne sera entière que si le Sénat accepte de suivre les propositions de la commission dont j’ai l’honneur d’être le co-rapporteur, je souhaiterais vous faire part d’un regret personnel.
La commission Copé avait proposé que la suppression de la publicité après vingt heures ne soit effective qu’en septembre prochain, ce qui aurait permis de laisser plus de temps au débat et à l’analyse, ainsi que d’apaiser les esprits. Cette proposition n’a pas été retenue : le conseil d’administration de France Télévisions a dû accéder à la requête du Gouvernement et appliquer cette mesure dès le 5 janvier dernier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Boutant. Caporalisme !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. J’en prends acte, par réalisme et pragmatisme, mais je ne pouvais, à ce moment de la discussion, faire taire en moi la voix du regret.
Avant de conclure, je soulignerai que nous allons vivre une période d’innovation passionnante, dont nous devons nous emparer.
Au cœur du paysage nouveau, le service public doit jouer un rôle central et exemplaire ; il doit être le moteur de la recherche, du développement et de la créativité des programmes.
Mes chers collègues, c’est un TGV que nous lançons. Il faut donc veiller – et nous comptons sur vous à cet égard, madame la ministre – à lui offrir, pour les années qui viennent, des moyens qui ne soient pas ceux d’un train corail !
Enfin, je me félicite de l’avis favorable émis par la commission sur ce projet de loi, sous réserve de l’adoption des amendements ambitieux, mais propres à conforter l’équilibre du texte, qu’elle vous proposera tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après Mme Catherine Morin-Desailly, je vous livrerai à mon tour quelques éléments de réflexion puisés dans les travaux de la commission des affaires culturelles.
Catherine Morin-Desailly soulignait à l’instant que nous lancions un TGV. Or, comme vous l’aurez remarqué, un tel train, pour bien fonctionner, doit posséder une cabine de tête et une cabine de queue ! (Sourires.)
M. Ivan Renar. Et des caténaires !
M. Michel Thiollière, rapporteur. C’est ainsi que nous avons travaillé, ensemble, afin de faire avancer notre TGV !
Mes chers collègues, rarement projets de loi auront fait couler autant d’encre que ceux que nous examinons aujourd’hui.
Sur l’origine de la réforme qui nous occupe, tout a été dit, ou presque, depuis un an. La grande comme la petite histoire auront été scrutées, analysées et parfois même inventées. En effet, nous entamons l’examen de ces textes presque un an jour pour jour après le discours du Président de la République sur la réforme de l’audiovisuel public.
Mes chers collègues, nous avons l’impression que tout a été dit, mais je veux souligner que rien n’est encore fait.
M. Jean-Pierre Bel. En effet !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Au contraire même, tout reste à faire pour lancer la réforme de l’audiovisuel public.
Certes, le 5 janvier dernier – voilà donc deux jours –, une réforme importante est intervenue, à savoir la suppression de la publicité, qui modifie considérablement la grille des programmes.
Nous avons eu l’occasion d’en discuter entre nous et de nous exprimer à cet égard. Nous estimons qu’il s’agit d’une réforme utile, même s’il est vrai que son calendrier, c'est-à-dire le télescopage de son entrée en vigueur avec l’examen de ce texte au Sénat, a heurté un certain nombre d’entre nous.
Il nous appartient à présent de nous exprimer sur ce projet de loi, car, je le répète, la suppression de la publicité n’épuise pas le débat sur l’audiovisuel public, loin s’en faut, tant sont considérables les enjeux auxquels nous sommes confrontés.
D'ailleurs, le 5 janvier dernier au soir, France 2 a programmé une très belle émission, Rendez-vous en terre inconnue, qui a rencontré un grand succès d’audience. De nombreux Français ont pu l’apprécier sans coupure publicitaire. C’est l’occasion pour nous de rendre hommage à ceux qui conçoivent et programment ces émissions, lesquelles sont tout à l’honneur du service public.
Le paysage audiovisuel est bien différent aujourd'hui de ce qu’il était voilà maintenant vingt-deux ans, quand fut adoptée la dernière loi importante dans ce domaine. La télévision a en effet changé de périmètre. Son volume n’est plus du tout le même : il n’y a pas si longtemps, mes chers collègues, nous disposions de quelques chaînes seulement ; aujourd'hui, nous pouvons en recevoir dix-huit gratuitement grâce à la TNT, et des centaines grâce au satellite.
Compte tenu de ce grand changement, nous avons le devoir de légiférer en nous adaptant aux nouvelles pratiques de nos concitoyens.
Le 8 janvier 2008, l’annonce par le Président de la République de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques fut une surprise, une surprise heureuse pour nombre d’entre nous qui attendions cette mesure depuis longtemps.
Toutefois, ce jour-là, le chef de l’État a également souligné que cette réforme n’avait pas seulement des enjeux financiers : elle met en cause des valeurs, à savoir la transmission des connaissances, la création et l’éducation. Je souhaite y insister, après Catherine Morin-Desailly, au moment où s’engage une réforme essentielle de l’audiovisuel public, car ces valeurs sont au cœur du service que nous devons rendre aux Français.
Si, depuis quelques jours, le Sénat a paru parfois dépossédé de son débat, si quelques-uns d’entre nous ont été blessés par le calendrier adopté, je tiens néanmoins à vous indiquer, mes chers collègues, que la commission des affaires culturelles a l’intention de s’emparer de cette question dans tous ses aspects, et de débattre au fond de l’audiovisuel, sans céder à l’amertume. En effet, le Sénat doit être volontaire, ambitieux et constructif dans l’examen de ce projet de loi.
Dans cette perceptive, nous avons mené au sein de la commission une réflexion, qui se poursuivra d'ailleurs dans les semaines qui viennent. Nous avons beaucoup dialogué, en écoutant des avis nombreux, divergents parfois, mais qui avaient tous la même ambition : refondre l’audiovisuel public de notre pays.
Nous nous sommes aussi efforcés, autant que faire se pouvait, de développer une vision d’avenir, en réfléchissant à ce que doit être à long terme le paysage de l’audiovisuel français.
Confrontés à ces enjeux, et parfois aussi à certaines idées reçues, nous souhaitons évoquer quatre exigences, qui nous semblent fondamentales, afin de baliser les nouveaux territoires de l’audiovisuel : un bon équilibre entre les secteurs public et privé, l’indépendance du secteur public – cela va sans dire –, le service public rendu à tous les Français et le domaine de la création.
En ce qui concerne l’équilibre entre le secteur public et le secteur privé, notre pays a besoin, à mon avis, d’un pôle public fort, ambitieux et populaire dans le meilleur sens du terme, c'est-à-dire qui s’attache à toucher le plus grand nombre d’entre nous.
Comme le soulignait le réalisateur Pascal Thomas dans l’entretien qu’il a accordé au journal Le Monde le 3 janvier dernier, ce nouveau pôle public devra être, en quelque sorte, désintoxiqué de la publicité. Il aura une véritable vocation de service public, avec des contraintes et un métier qui lui sont propres, certes, mais aussi des ambitions nobles.
Parallèlement, notre pays a tout intérêt à disposer d’un pôle privé qui soit fort, parce qu’il sera ainsi garant de la pluralité de l’offre et de la diversité des contenus offerts à nos concitoyens.
C’est l’occasion pour nous de rendre hommage aux salariés qui travaillent dans le service public ou dans le secteur privé de l’information, à la télévision comme à la radio, parce qu’ils sont compétents et mettent tout en œuvre pour offrir des programmes de qualité à nos concitoyens.
Ces deux pôles, essentiels pour garantir une offre de service diversifiée, contribuent aussi à assurer la présence de notre pays partout dans le monde, du moins là où nos nombreuses chaînes de télévision et de radio sont vues et entendues.
En ce qui concerne l’indépendance, nous devons nous arrêter un instant sur le sens de ce mot.
À qui doit profiter cette indépendance ? Selon nous, elle doit d'abord servir les Français, les valeurs de la République et la création ! S'agissant du service public, par rapport à quoi s’exerce-t-elle ? Par rapport aux intérêts commerciaux, au formatage des idées, dont on sait qu’il peut atteindre tous les domaines de la société, et à la pensée unique. Comment atteindre ce haut niveau d’indépendance ? Tout d'abord, en faisant confiance à l’indépendance d’esprit de ceux qui travaillent dans le service public et auxquels je rendais hommage, très sincèrement, voilà un instant.
Cette indépendance s’applique aussi au domaine de la création et de l’innovation. Ceux qui sont chargés de l’audiovisuel doivent faire preuve à la fois de créativité et d’innovation, car celles-ci constituent également des garanties d’indépendance.
Bien entendu, se posent les questions de la nomination et, éventuellement, de la révocation du mandat du président de France Télévisions, qui ont fait l’objet de longs débats.
En ce qui concerne la nomination du président de France Télévisions, il ne nous paraît pas illégitime, dans un pays comme le nôtre, que le Président de la République puisse indiquer clairement et de façon transparente à qui il souhaite confier la responsabilité de cette entreprise. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Mahéas. Belle conception de l’indépendance !
Mme Annie David. Nous, cela nous semble illégitime !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cela étant, certaines garanties doivent être prévues.
Cette situation vaudra mieux, selon nous, que l’hypocrisie qui prévalait jusqu’à présent. Ainsi, le CSA devait tenir secrètes certaines de ses délibérations, alors que tout le monde connaissait l’existence de complicités, pour ne pas dire de connivences, entre cette instance et le pouvoir exécutif pour la nomination du président de France Télévisions. Mes chers collègues, nous ne referons pas l’Histoire aujourd'hui, mais tout le monde a cette réalité en tête ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
Nous voulons que cette nomination soit transparente, que son processus se déroule devant tous ceux que nous représentons. C'est pourquoi nous souhaitons que l’audition du responsable proposé soit publique, y compris lorsque celui-ci se présentera au Sénat, devant notre commission, afin que tout le monde sache clairement pour quelles raisons il sera retenu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) En outre, vous le savez, une majorité des trois cinquièmes sera nécessaire dans les commissions des deux assemblées afin de décider de la nomination du président de France Télévisions.
En ce qui concerne l’éventuelle révocation du président de France Télévisions, il faut tout d'abord ramener ce problème à de justes proportions : une telle procédure ne se produit pas tous les jours, et c’est heureux !
Néanmoins, si, par extraordinaire, ce cas de figure devait survenir, nous devons, cette fois encore, instituer une procédure qui garantisse la transparence et le respect d’un certain nombre de principes républicains. Sur ce point également, la commission des affaires culturelles vous fera des propositions permettant d’aller de l’avant.
L’indépendance de France Télévisions doit également être financière. La commission des affaires culturelles a beaucoup travaillé sur cette question, et je ne reviendrai pas sur les propos tenus par Catherine Morin-Desailly, notamment en ce qui concerne la redevance audiovisuelle. Comme vous l’aurez compris, nous souhaitons que cette imposition soit à l’avenir à la fois plus dynamique, plus juste et plus lisible.
Cela dit, l’entreprise unique que nous allons mettre en place à travers ce projet de loi doit bénéficier des moyens nécessaires à son fonctionnement. Avant de voter ce texte, nous souhaitons disposer des avis et conseils formulés par le CSA, qui nous éclaireront sur les moyens nécessaires au service public de l’audiovisuel.
Par ailleurs, certaines taxes ont déjà été mises en place. Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais il est clair pour nous que ces impositions, qu’elles portent sur la publicité ou sur les fournisseurs d’accès à internet, ont pour vocation d’accompagner le lancement de la réforme de l’audiovisuel mais pas forcément d’être pérennisées !
M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Michel Thiollière, rapporteur. C'est pourquoi nous souhaitons que ces taxes soient évaluées au cours de l’année 2009 et que nous en débattions de nouveau, en fonction du résultat des études qui auront été menées.
Néanmoins, si nous voulons que France Télévisions dispose des moyens de fonctionner, il nous semble indispensable que ces deux taxes soient maintenues au niveau fixé lors de leur adoption par l’Assemblée nationale et qu’elles soient opérationnelles dès 2009.
Enfin, s'agissant de l’indépendance financière de l’audiovisuel public, je voudrais souligner, après Mme la ministre, que France Télévisions disposera en 2009 – nous en avons l’assurance – des moyens nécessaires à son fonctionnement, grâce à la redevance, à ses ressources propres et à la subvention de 450 millions d'euros versée par le budget de l’État.
Vous avez d'ailleurs rappelé, madame la ministre, que cette contribution serait pérenne, ou en tout cas pluriannuelle, et qu’elle serait indexée chaque année de manière à garantir à France Télévisions son indépendance financière. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David. C’est faux !
M. Michel Thiollière, rapporteur. La troisième exigence concerne le service rendu au public : nous préoccuper des attentes de nos concitoyens, alors que nous travaillons sur ce domaine de l’audiovisuel, me semble être la moindre des choses. Nous serons donc intransigeants à cet égard.
Le service public de l’audiovisuel se doit d’assurer des missions fondamentales – informer, cultiver, distraire –, qui nécessitent d’être mises au goût du xxie siècle.
Je prendrai quelques exemples très concrets.
Comme le soulignait Mme le rapporteur tout à l’heure, il y a des missions propres à nos territoires. Nous sommes tous enracinés dans nos territoires, nous avons besoin que ces derniers vivent et que leur vitalité soit reprise et traduite dans les programmes télévisés, notamment la télévision publique. C’est pourquoi nous souhaitons que les émissions de France 3 fassent état de ce qui se passe dans les territoires et que, sur le plan national, des émissions retracent ce que nous vivons dans nos départements dans les domaines de la culture, de l’économie et de l’activité sociale.
Par ailleurs, l’audiovisuel extérieur de la France est une très belle aventure française, une nécessité pour notre pays et une lumière de la France attendue partout dans le monde.
C’est, pour nous, l’occasion de nous ouvrir au monde : ainsi, la diffusion sur le service public d’émissions ou de films en version originale sous-titrée témoignerait d’un respect de la création mais aussi d’une ouverture de nos concitoyens au monde, et favoriserait l’apprentissage des langues étrangères.
Mme Nathalie Goulet. Il serait temps !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous souhaitons également que les médias nouveaux puissent servir le public.
C’est la raison pour laquelle nous préconisons que les émissions de France Télévisions puissent être regardées gratuitement par nos concitoyens via internet pendant une semaine après leur première diffusion : ce serait une « télévision de rattrapage » pour ceux qui n’ont pas la possibilité de les voir « en première lecture », pour employer le vocabulaire parlementaire.
J’évoquais le rayonnement de notre pays à travers le monde : il est bien entendu essentiel que nous fassions connaître la création française à l’étranger. Nombre de nos concitoyens, à travers le monde, ont besoin de cet audiovisuel extérieur.
Je ne reviendrai pas sur le média global, Catherine Morin-Dessailly ayant fort bien exprimé notre position sur ce sujet.
Enfin, la dernière exigence a trait à la création.
La création véhicule l’image de notre pays, et elle est donc importante à la fois pour ce dernier et pour nos concitoyens. De par le monde, nombreux sont les opérateurs privés, les sociétés privées, les particuliers qui s’intéressent à la France et ont besoin de savoir où en est la création dans notre pays.
La création traduit tout à la fois une avancée par rapport à ce que vit une société et un regard sur la « vigilance républicaine » par rapport au monde actuel, parfois un peu fou, troublé par quelques désordres malheureux et des guerres face auxquelles nous nous sentons souvent impuissants.
La création est aussi un fabuleux levier de développement. Elle engendre des dizaines de milliers d’emplois en France – nous avons eu l’occasion d’en parler au cours de l’examen d’un précédent texte, madame la ministre –, et les créateurs ont donc besoin, aujourd’hui, qu’on leur fasse confiance pour que notre pays, avec eux, aille plus loin.
L’audiovisuel public doit être encouragé dans sa démarche de création. N’oublions pas qu’il est actuellement, et de loin, le premier commanditaire de fictions. Cela lui permet d’évoluer favorablement.
Mme le rapporteur évoquait tout à l’heure la crainte de certains que, dans le domaine de la création, l’entreprise unique ne se traduise par un guichet unique.
Bien entendu, ce n’est pas ce que nous souhaitons. Afin que les choses soient claires, nous déposerons un amendement visant à garantir une commande diversifiée, dans le domaine de la création, pour l’audiovisuel public.
La commission des affaires culturelles a fait des propositions à la fois réfléchies, parce qu’elles sont le fruit d’un travail approfondi, et innovantes. Elle entend, par les amendements qu’elle présentera, faire œuvre utile et montrer que le Sénat compte dans la réforme de l’audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays, la télévision tient une place très particulière dans la vie de nos contemporains : c’est sans doute l’un des objets qui symbolisent le mieux la modernité.
Toutefois, en France, à cette dimension sociale s’ajoute une dimension politique particulière qui rend toute réforme profonde de l’audiovisuel toujours délicate.
Je rappelle que la loi de 1986, qui est encore le socle juridique de la télévision française, avait déjà été adoptée au forceps, avec l’article 49-3.
Comment expliquer cette dimension éminemment politique en France ? Tout simplement parce que, dans notre pays, la télévision est la pierre angulaire de la diversité et de l’exception culturelle françaises, grâce à un double mécanisme qu’il convient de rappeler pour que soient bien compris le sens et la logique du présent texte : d’une part, la mise à disposition gratuite du domaine public hertzien en contrepartie des obligations de production des chaînes, d’autre part, la contribution au financement de la création, qui est, elle, assise proportionnellement sur le chiffre d’affaires des chaînes, notamment privées.
Sans ces mécanismes – vous l’avez rappelé voilà quelques instants, madame la ministre –, nous n’aurions pas une industrie audiovisuelle et cinématographique parmi les plus dynamiques au monde.
Cependant, nous entrons dans une nouvelle ère.
La révolution numérique bouleverse radicalement cet écosystème.
D’une part, les Français dépendent de moins en moins de l’antenne râteau, c’est-à-dire de la réception hertzienne, pour recevoir la télévision.
D’autre part, le chiffre d’affaires des chaînes historiques diminue sous l’effet de l’explosion de l’offre des nouvelles télévisions numériques et satellitaires, et des nouveaux médias.
En quelques années, l’audience cumulée des chaînes historiques a diminué de près d’un quart, ce qui est énorme.
Cette réforme est donc non pas le fruit du hasard, mais une réponse à une nouvelle donne comme on n’en a pas connu depuis longtemps. Désormais, rien ne sera plus comme avant.
En réalité, les grands médias audiovisuels sont profondément et durablement déstabilisés par un triple choc.
Il s’agit, tout d’abord, du choc technologique de la convergence : avec la multiplication des écrans, la télévision n’a plus le monopole de l’image ; avec la multiplication des canaux de diffusion, la diffusion hertzienne traditionnelle n’a plus le monopole de la distribution des programmes.
Ensuite, nous assistons au choc des nouveaux usages : la télévision était familiale, et elle devient de plus en plus individuelle, les écrans personnels et le multi-équipement se répandant dans les foyers ; la télévision était une activité sédentaire, et elle devient nomade – j’espère d’ailleurs que, dans quelques mois, la télévision mobile personnelle sera accessible, madame la ministre –, mais, surtout, le téléspectateur n’est plus le même que jadis puisque, outre la liberté de zapper, il a désormais aussi celle de faire sa propre programmation et même sa propre production d’images.
Enfin, le choc est économique : il est la conséquence des deux premiers chocs, puisque la démultiplication de l’offre – chaînes numériques, internet, câble, satellite – a entraîné une hyperfragmentation des audiences et une atomisation des ressources publicitaires.
Un nouvel ordre audiovisuel est donc en train d’émerger sous nos yeux. Il ne sert à rien de s’en réjouir ou de le déplorer ; tout juste peut-on remarquer que ces évolutions sont en parfaite adéquation avec ce que l’on appelle l’individualisme démocratique.
Cependant, ces évolutions remettent beaucoup de choses en question. Face à ces changements radicaux, il y avait deux réponses possibles.
La première réponse, qui n’en est pas une, était de ne rien faire et d’assister en spectateurs impuissants à l’effondrement du système audiovisuel français public et privé et, avec lui, de la création française, dont les ressources sont indexées sur les budgets publicitaires.
L’autre voie, celle que vous avez choisie, madame la ministre, était celle d’une réforme profonde, d’une réforme d’ensemble du paysage audiovisuel français.
La commission des affaires économiques approuve les deux axes majeurs de la réforme : la restructuration de France Télévisions en une entreprise unique pour lui permettre de relever le défi du numérique – internet est non pas une menace pour l’audiovisuel, mais une chance (M. Jean-Pierre Fourcade acquiesce.) – et la suppression progressive de la publicité, pour mettre en cohérence un cap éditorial exigeant avec la nature du financement des programmes.
Cette exigence de qualité ne veut pas dire qu’il faudra mépriser l’audience : la télévision de service public doit être une télévision fédérative, qui tisse du lien social. D’ailleurs, François Mauriac n’avait-il pas déclaré, dans l’une de ses chroniques télévisuelles – il les avait débutées en 1959 dans L’Express, à la demande de Jean-Jacques Servan-Schreiber – que « la télévision, c’est l’une des images que la France se donne d’elle-même » ?
Il faut refuser l’élitisme, d’autant que, pour moi comme pour beaucoup d’autres, le divorce avec le public n’a jamais été une garantie de génie ou de qualité.
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. La télévision publique doit se libérer de la contrainte de l’audimat, mais non de celle d’assurer une large audience et de rester populaire.
La commission des affaires économiques, si elle approuve le sens de la réforme, estime, comme la commission des affaires culturelles, que ladite réforme peut être encore améliorée.
Je voudrais rapidement évoquer en mon nom personnel la question du financement.
Taxer un secteur – celui des opérateurs et des fournisseurs d’accès – au seul motif qu’il est extrêmement dynamique, et ce pour financer l’obsolescence d’un modèle de financement, selon le principe des vases communicants, ne me paraît pas économiquement raisonnable. On va ainsi faire supporter 85 % de la compensation financière à un secteur qui ne bénéficiera en rien de la suppression de la publicité, et pour cause, puisque son modèle économique est fondé sur des abonnements, des forfaits, ou de la consommation.
De surcroît, quelle est la logique de cette taxation, puisque l’essentiel de l’activité de ces opérateurs n’a rien à voir avec l’image ? Certes, il y a la télévision par ADSL, mais les revenus tirés de cette activité, qui concernent donc directement l’image, ont été retirés de l’assiette. Ce qui reste dans l’assiette, ce sont des activités – téléphone fixe, SMS, mails – qui n’ont plus rien à voir avec l’image.
Le lien entre cette taxation et l’image est donc profondément distendu.
Le risque tient non pas tellement au risque juridique d’inconstitutionnalité de cette taxation, mais plutôt au risque économique.
Plus de taxes, cela risque d’être moins d’investissements de la part des opérateurs au moment où l’on demande à ces derniers un effort important pour la couverture du territoire en très haut débit, en fibre optique, en vue de réduire la fracture numérique.
Or, une diminution des investissements pourrait fragiliser un secteur dont le Gouvernement sait bien qu’il est un passeport pour la croissance, un relais de croissance extraordinaire. Alors que tous les pays développés misent de plus en plus sur le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication, la France a en ce domaine un retard qu’il lui faut combler.
Le Gouvernement lui-même a reconnu à plusieurs reprises qu’un doublement des investissements dans l’économie numérique en France représenterait sans doute un point de croissance supplémentaire.
Au moment même où nous envisageons de taxer les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs de téléphonie mobile, M. Obama propose au cœur de son plan de relance de moderniser les réseaux pour l’économie numérique et l’exonération de taxe dont les opérateurs bénéficiaient l’année dernière, aux États-Unis, est reconduite pour cette année.
Je ferme la parenthèse. Je tenais à évoquer ce point de vue personnel, même s’il ne remet absolument pas en cause la réforme.
J’ai été heureux d’entendre mes collègues rapporteurs de la commission des affaires culturelles défendre une assiette et, surtout, une base plus dynamique pour la redevance, qui représente clairement l’instrument naturel de financement de l’audiovisuel public. J’ai été aussi heureux d’entendre Michel Thiollière indiquer que les taxes n’avaient pas vocation à se prolonger indéfiniment.
J’en viens à l’importante question de la régulation d’internet en France. Le secteur de l’internet est prometteur et en plein développement. La France ne doit pas être à la traîne dans ce domaine. De plus, ces activités naissantes ont besoin de stabilité juridique.
En France, ce cadre a été posé par une loi datant de 2004, la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui distingue très clairement les activités d’éditeur et les activités d’hébergeur. Nous tenons à la frontière entre ces statuts, par ailleurs confirmée par la jurisprudence. Il ne faut surtout pas la troubler.
À ce titre, la directive européenne sur les services de médias audiovisuels est excellente. Il faut rester au plus près possible de sa lettre.
En revanche, je ne vous cache pas que les membres de la commission des affaires économiques sont très dubitatifs quant à l’initiative des députés visant à confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel la régulation de la publicité en ligne sur les sites de partage de contenus. Cette préoccupation était sans doute légitime, mais nous jugeons la réponse mauvaise et présenterons une autre proposition.
Le moment est peut-être venu de donner une base législative à un nouveau type de régulation, moins administratif, plus souple et plus adapté au champ ouvert qu’est internet, comme Éric Besson l’a d’ailleurs proposé dans son plan « France numérique 2012 ». Nous en ferons la proposition au travers d’un amendement dont l’examen constituera, je pense, un moment important pour discuter de la régulation moderne sur internet.
Pour conclure, nous avons la conviction, madame la ministre, que votre réforme est parfaitement nécessaire.
L’enjeu est considérable, puisque la télévision est le socle de l’exception culturelle française, mais aussi de bien d’autres choses. Vous avez cité sans les nommer les personnalités qui ont compté pour le service public. Je voudrais en évoquer une qui, d’après moi, représente vraiment le grand serviteur du service public de l’audiovisuel à la française. Il s’agit de Jean d’Arcy qui, dans une très belle phrase, a défini la télévision comme « un formidable outil de communication au service de l’homme ».
Mes chers collègues, au-delà de toutes nos divergences et nos différences, qui sont parfaitement naturelles sur un tel sujet, je forme le vœu que nous contribuions tous ensemble à construire un service public de l’audiovisuel permettant à l’homme de grandir en humanité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye. Bravo !
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la rénovation de l’audiovisuel public ne porte pas uniquement sur l’audiovisuel national. Elle comporte aussi un volet, important à nos yeux, qui est consacré à l’audiovisuel extérieur.
En effet, les deux projets de loi contiennent plusieurs dispositions visant à prolonger la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée sur l’initiative du Président de la République au cours de l’année dernière.
Compte tenu de l’importance de l’audiovisuel extérieur pour la place et l’influence de la France et de notre langue à l’échelle internationale, la commission des affaires étrangères a souhaité se saisir pour avis de ces deux textes. Naturellement, son avis porte non pas sur l’ensemble des dispositions, mais uniquement sur les articles ayant trait à l’audiovisuel extérieur.
Ainsi, l’aspect le plus emblématique de la réforme, la suppression progressive de la publicité sur les chaînes du service public, s’applique uniquement au territoire national et, à ce titre, ne concerne pas l’audiovisuel extérieur. Par conséquent, je ne l’évoquerai pas. Toutefois, je pense utile de dire un mot du financement de l’audiovisuel extérieur, dont nous nous sommes déjà entretenus ici, voilà quelques semaines, madame la ministre.
La commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles ont travaillé ensemble et en bonne intelligence dans le cadre de l’examen des dispositions relatives à l’audiovisuel extérieur. Elles ont ainsi procédé, le 2 décembre dernier, à une audition commune du président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, M. Alain de Pouzilhac, et de sa directrice générale déléguée, Mme Christine Ockrent. Ce travail en bonne entente a permis d’aboutir à des conclusions identiques ou très proches.
Permettez-moi d’ailleurs de saluer le travail effectué par les deux co-rapporteurs de la commission des affaires culturelles, Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, ainsi que par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Bruno Retailleau, que nous venons d’entendre.
Depuis plusieurs années, des parlementaires de sensibilités diverses appelaient de leurs vœux une réforme de l’audiovisuel extérieur.
À la différence de nos partenaires européens, qui disposent souvent d’un opérateur unique, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l’Allemagne, l’audiovisuel extérieur français se caractérisait par la dispersion de ses opérateurs. Il comprenait ainsi deux chaînes de télévision, TV5 Monde et France 24, et deux radios, Radio France Internationale et sa filiale en langue arabe, Monte Carlo Doualiya.
De nombreux rapports avaient mis en évidence la fragmentation, la mauvaise organisation, voire le manque d’efficacité de l’audiovisuel extérieur français, malgré un budget équivalent à celui de nos partenaires. Sur l’initiative du Président de la République, un comité de pilotage a donc été chargé d’une réflexion sur la réforme de ce secteur et a remis ses conclusions en décembre 2007.
Ce rapport fixe deux missions à l’audiovisuel extérieur. La première est une mission d’influence, la France devant pouvoir rivaliser avec les grands médias internationaux tels que CNN ou Al Jazeera. La seconde est une mission culturelle consistant à promouvoir nos valeurs, à savoir la francophonie, la démocratie et les droits de l’homme.
Ces travaux ne sont pas restés lettre morte, puisque la principale recommandation du comité, la création d’une société holding Audiovisuel extérieur de la France, a été suivie d’effets en avril 2008.
Cette holding, qui a vocation à regrouper l’ensemble des participations publiques dans les sociétés du secteur audiovisuel extérieur, a pour mission de définir les priorités stratégiques et d’encourager les synergies entre les opérateurs que j’ai précédemment mentionnés.
Cette réforme vise donc à offrir plus de cohérence et d’efficacité à notre audiovisuel extérieur, et, tout à fait normalement, les deux projets de loi qui nous sont soumis comportent plusieurs dispositions visant à la prolonger.
Ainsi, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision fait de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France une société nationale de programme, ce qu’elle n’était pas auparavant, à l’image de France Télévisions et de Radio France. Il définit ses missions, ainsi que ses moyens d’action.
De plus, nos collègues députés ont précisé par un amendement que, à l’instar des autres sociétés de programme, le capital de cette société restera entièrement détenu par l’État. Cette initiative me paraît bienvenue au regard de l’expérience malheureuse et, disons-le, tumultueuse de la reprise par l’État de la participation de TF1 dans le capital de France 24.
Les règles de gouvernance de la holding, notamment la composition de son conseil d’administration et la procédure de nomination de son président, sont largement inspirées de celles de France Télévisions et de Radio France.
Enfin, en proposant de soumettre la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État, le projet de loi vise à combler une faille majeure : l’absence de véritable pilotage stratégique de l’audiovisuel extérieur. En raison des déficiences de la tutelle de l’État, cette obligation ne s’est jamais concrétisée pour Radio France Internationale, alors même que la loi l’impose depuis 2000.
La grande nouveauté du projet de loi tient donc au fait que Radio France Internationale, France 24 et, dans une certaine mesure, TV5 Monde seront désormais pilotées en fonction d’une stratégie globale, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens.
Ce document sera commun à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel extérieur et, surtout, il contiendra des engagements pluriannuels de l’État sur le financement du secteur, ce qui est indispensable pour des sociétés audiovisuelles intervenant dans un contexte très concurrentiel.
Comme nous pouvons le constater, les règles applicables à la société en charge de l’audiovisuel extérieur sont largement inspirées de celles qui sont relatives à France Télévisions ou à Radio France. La réforme de l’audiovisuel extérieur est donc parfaitement cohérente avec celle de l’audiovisuel public national.
À l’occasion de l’examen des deux textes présentés, la commission des affaires étrangères a adopté plusieurs amendements visant à conforter cette réforme.
Ceux-ci peuvent être regroupés en trois volets.
Tout d’abord, tout en approuvant les nouvelles règles relatives à la gouvernance de la société en charge de l’audiovisuel extérieur, nous avons souhaité porter de quatre à cinq le nombre de personnalités indépendantes désignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour siéger à son conseil d’administration. Nous obtiendrons ainsi un nombre de membres équivalent à celui de France Télévisions.
Ensuite, en précisant qu’une de ces personnalités au moins doit disposer d’une expérience reconnue dans le domaine de la francophonie, nous avons voulu conforter la place de la francophonie dans la réforme de l’audiovisuel extérieur et rassurer nos partenaires francophones, en particulier ceux qui travaillent avec nous au sein de TV5 Monde.
Enfin, compte tenu de l’importance de l’audiovisuel extérieur pour la place et l’influence de la France et de notre langue au niveau international, il nous a semblé indispensable que la commission des affaires étrangères soit pleinement associée au contrôle parlementaire sur la société en charge de cette activité.
En effet, comment justifier, dès lors que la holding sera soumise à l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens, que les commissions des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat ne soient pas destinataires de ce document au même titre que les commissions des affaires culturelles et les commissions des finances des deux assemblées ? Il y a ici une anomalie dont je m’étonne qu’elle n’ait pas été corrigée lors des débats à l’Assemblée nationale.
Enfin, pour conclure, je voudrais évoquer le financement de l’audiovisuel extérieur. La loi de finances pour 2009 attribue à ce dernier un montant d’environ 300 millions d’euros, en provenance de deux sources différentes : 65 millions d’euros au titre de la redevance audiovisuelle et 233 millions d’euros de subventions de l’État.
À titre de comparaison, le financement de l’audiovisuel public national s’élève à près de 3 milliards d’euros, dont plus de 2 milliards d’euros au titre de la redevance.
Quant à la dotation d’ARTE – ce n’est pas une critique, car j’apprécie le travail et la qualité de cette chaîne –, elle s’élève à elle seule à 300 millions d’euros alors que la structure est franco-allemande. Plus de 220 millions d’euros sont versés au titre de la redevance, soit l’équivalent de l’ensemble des crédits des opérateurs de l’audiovisuel extérieur pour une couverture mondiale.
Selon le document de programmation triennale, la subvention versée à la holding Audiovisuel extérieur de la France devrait même diminuer sur les trois prochaines années, passant de 233 millions d’euros en 2009 à 218 millions d’euros en 2010, puis à 203 millions d’euros en 2011.
Certes, j’en conviens, le développement des synergies et des mutualisations entre les opérateurs devrait favoriser des économies d’échelle, que je souhaite vivement voir se réaliser.
Pour autant, dans un contexte très concurrentiel, marqué par le développement de nouvelles technologies, évoqué voilà un instant, la réforme de notre audiovisuel extérieur serait, me semble-t-il, compromise si ses moyens venaient à diminuer fortement dans les prochaines années.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très juste !
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. Je pense non seulement au basculement de l’analogique au numérique, au développement d’émissions originales, au multimédia, mais aussi aux nécessaires réformes de structures, qui ont toujours, les premières années, un coût relativement élevé.
C’est la raison pour laquelle, tout en étant conscient des fortes contraintes budgétaires pesant sur notre pays, j’avais proposé, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, plusieurs amendements visant à garantir un financement pérenne de l’audiovisuel extérieur. L’un d’entre eux – mais c’est déjà du passé ! – avait en particulier pour objet de transférer à l’audiovisuel extérieur la part de la redevance audiovisuelle actuellement versée à l’Institut national de l’audiovisuel, transfert intégralement compensé par une réduction d’un montant équivalent de la subvention versée à la holding.
Devant les réticences exprimées à la fois par certains de nos collègues et par le Gouvernement, j’avais toutefois accepté de retirer ces amendements.
Madame la ministre, vous avez en effet pris l’engagement que la question du financement de l’audiovisuel extérieur serait examinée à l’occasion du futur contrat d’objectifs et de moyens, dont le contenu, je l’espère, sera de nature à apaiser nos craintes.
Tels qu’ils ont été adoptés par l’Assemblée nationale, les deux projets de loi ne remettent pas en cause le mode de financement de l’audiovisuel extérieur. La suppression progressive de la publicité ne s’y appliquera pas.
Cependant, afin de trouver des ressources supplémentaires pour compenser la perte des recettes publicitaires, la tentation existe de transférer à France Télévisions la part de la redevance audiovisuelle versée aujourd’hui à l’audiovisuel extérieur. L’argument souvent employé pour justifier une telle mesure consiste à dire qu’il n’est pas normal que les Français payent une part de redevance à des médias qu’ils ne peuvent regarder ou écouter sur le territoire national.
Toutefois, cet argument ne me paraît pas réellement pertinent. D'une part, nombre de nos compatriotes résident à l’étranger et ont aussi le droit de recevoir des médias en français. D'autre part, ce domaine est d’une rare importance pour l'ensemble de notre pays.
À mon sens, la réforme de l’audiovisuel extérieur serait compromise si elle ne s’accompagnait pas de la garantie d’un financement pérenne.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et de ces propositions d’amendements, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l’adoption de ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. David Assouline.
M. Jean-Pierre Bel. Le groupe socialiste va enfin pouvoir s’exprimer !
M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée est bafouée et humiliée, et je sais que ce sentiment est partagé au-delà même des travées de mon groupe.
Le Président de la République a annoncé la fin de la publicité sur France Télévisions voilà exactement un an. Cela ne figurait pas dans son contrat passé avec les Français pendant la campagne de l’élection présidentielle. Ni le Premier ministre, ni vous, madame la ministre, – il fallait voir vos têtes quand Nicolas Sarkozy en a fait l’annonce ! –, ni même le président de France Télévisions n’avaient été informés. Au mieux, on trouve trace d’une telle recommandation dans un Livre blanc de TF1 à destination du pouvoir, comme par hasard...
M. Jacques Mahéas. Écrit par Bouygues !
M. David Assouline. Ensuite, on a « habillé » le fait du prince avec l’aide du très indépendant M. Copé : une commission composée de façon curieuse s’est réunie pendant des mois, mais sans avoir le droit de remettre en cause le bien-fondé de l’annonce présidentielle et à seule fin de rendre possible sa concrétisation. Nous avons cependant joué le jeu en participant à ses travaux, avec la volonté de proposer tout ce qui pouvait aller dans le sens du renforcement du service public de l’audiovisuel : nous avons milité pour la qualité de ses programmes, même si elle est déjà grande, pour sa modernisation, même si elle est déjà engagée avec les prémices du média global, projet dont le développement ne sera possible qu’avec l’engagement de personnels, qui, souvent décriés, sont pourtant compétents, innovants et dévoués au service public.
Quand nous avons constaté que les propositions dont accoucherait la commission affaibliraient le service public, feraient peser de lourdes menaces sociales sur les salariés de France Télévisions, ne permettraient pas de financer les investissements nécessaires à la modernisation du groupe, limiteraient l’indépendance économique et politique de ce dernier, nous avons quitté cette commission, en donnant au Gouvernement le seul rendez-vous qui vaille pour délibérer valablement en démocratie : celui du débat parlementaire.
On a appris par la suite que, faisant fi même de l’avis de la commission Copé, le Président de la République avait introduit dans la réforme la nomination et la révocation, par lui-même, des P-DG de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur.
Annoncés cet été pour laisser le temps au Parlement de débattre avant un éventuel arrêt de la publicité dès le 5 janvier 2009, les deux projets de loi ne furent mis en débat à l’Assemblée nationale qu’en novembre et, comme c’est l’habitude depuis quelques années, l’urgence fut déclarée pour réduire la discussion publique à sa plus simple expression.
Or, pour vous, c’était encore trop ! Dès lors, vous n’avez cessé de vilipender l’opposition alors qu’elle ne faisait que son devoir à l’Assemblée nationale, en résistant avec force.
Aujourd’hui, la réforme, née du seul fait du prince, parvient au Sénat, qui ne pourra se contenter, comme le montrent d’ores et déjà les propositions d’amendements de la commission des affaires culturelles, d’exaucer le vœu présidentiel.
Toutefois, madame la ministre, puisque le Président de la République et son gouvernement ne s’interdisent rien quand il s’agit de piétiner les prérogatives des assemblées, vous avez ordonné à la direction de France Télévisions, avant même que nous commencions à étudier le rapport en commission, de faire acter par son conseil d’administration le vœu émis par Nicolas Sarkozy voilà un an !
Depuis lundi dernier, ce vœu est devenu réalité.
« Circulez, il n’y a plus rien à voir », nous dit-on ! Mais alors, à quoi servons-nous ? À quoi sert la démocratie ? Vous vous moquez de nous et de la démocratie dans cette affaire, et j’espère qu’il y aura quelques consciences républicaines, au-delà des travées de mon groupe et de l'ensemble de l’opposition, pour vous le dire ! (M. Dominique Braye s’exclame.)
J’espère que ce scandale, ce déni de démocratie, ce mépris du Parlement ne se passeront pas dans le silence et que ces projets de lois ne passeront pas tout court. Et, mes chers collègues, c’est possible ! Tout n’est pas joué d’avance, car, ici, nous avons le pouvoir de délibérer autrement qu’en nous soumettant aux ordres. Nous allons donc essayer de servir à quelque chose !
Il nous faut tout d’abord éclairer les citoyens sur l’enjeu du débat : s’agit-il de reprendre une idée prétendument de gauche, comme on nous l’a dit, qui consiste à réduire progressivement le temps de diffusion de publicité sur les antennes du service public en augmentant tout aussi progressivement le montant de la redevance pour donner à la télévision publique les moyens de ses ambitions ? Bien sûr que non !
C’est pourtant ce qu’a essayé de nous faire croire le Président de la République, en affirmant, en janvier 2008, son intention que l’audiovisuel public ne fonctionne plus « selon des critères purement mercantiles ». Oui, c’est Nicolas Sarkozy qui l’a dit, et il faudrait croire que c’est sa conviction profonde, lui qui a toujours prôné l’inverse, y compris dans sa campagne présidentielle, quand il affirmait qu’il fallait au contraire plus de publicité sur les chaînes publiques pour améliorer le financement de France Télévisions !
C’est pourquoi j’affirme ici que l’idéologie ultralibérale du Président de la République et sa conception de la culture et de l’audiovisuel en général ne sont pas habitées par la conviction que la publicité et la recherche de l’« audimat facile » sont des nuisances. Il en a donné la preuve en permettant aux télévisions privées d’augmenter la durée de leurs messages publicitaires, ces télévisions qui sont celles de ses amis, notamment ceux de TF1 qui le réclamaient dans leur fameux Livre blanc. Décidément, il y en a qu’on écoute au « château » ! La preuve, c’est l’autorisation de la seconde coupure publicitaire pendant les films, laquelle, on le sait, ne contribuera pas au respect des œuvres et de leur qualité. TF1 est pourtant une chaîne très regardée par les Français. Nos concitoyens pourraient-ils donc y subir, sans broncher, une overdose publicitaire et regarder des programmes de mauvaise qualité ?
M. Robert del Picchia. Ils ont une télécommande !
M. David Assouline. Avec, en prime, les encouragements et les facilités de celui qui s’émeut des effets néfastes de la publicité pour la qualité des programmes du service public ?
Quelle supercherie ! Ceux qui font mine de croire à la sincérité du chef de l’État et qui ne se privent pas d’attaquer la gauche sur le thème « nous osons faire ce dont vous avez toujours rêvé » ont entretenu la confusion du débat pour masquer le véritable enjeu de la réforme, lequel s’inscrit dans la parfaite continuité de la politique conduite dans tous les domaines par le Président de la République depuis 2007 : favoriser les concurrents privés du service public, remettre en cause celui-ci en l’affaiblissant et en portant atteinte à son indépendance.
Madame la ministre, c’est de cela qu’il s’agit dans les deux projets de lois que vous nous présentez aujourd'hui, et je veux ici vous le démontrer point par point.
Premier point, vous voulez favoriser la concurrence privée.
À cet égard, reconstruire la généalogie des « cadeaux » faits aux groupes privés de télévision par la droite au pouvoir depuis 2002 est édifiant.
Il y eut, d’abord, la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui offre sans condition un deuxième canal aux éditeurs historiques de chaînes de télévision lors de l’extinction de la diffusion analogique prévue en 2011. Cela permet en particulier à TF1, qui a « raté » le virage de la télévision numérique terrestre au début des années 2000, de rattraper son retard sans effort.
Il y eut, ensuite, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui autorise un actionnaire à être majoritaire au capital d’une société éditant une chaîne de télévision réalisant jusqu’à 8 % de taux d’audience, alors que ce plafond était auparavant limité à 2,5%. Cela permet d’ores et déjà à TF1, comme on vient de l’apprendre ce matin, d’envisager de prendre le contrôle de TMC, la chaîne leader de la TNT gratuite.
Et ces présents d’hier n’ont fait que précéder les cadeaux d’aujourd’hui.
Selon l’Agence des participations de l’État, les recettes consolidées de publicité et de parrainage de France Télévisions atteignaient 823 millions d’euros au titre de l’exercice 2007. Pour sa part, la commission Copé a chiffré, par consensus, à 450 millions d’euros les recettes engendrées par les écrans de publicité programmés après vingt heures.
Toutes choses égales par ailleurs, l’arrêt de la diffusion de la publicité sur les antennes de France Télévisions profitera principalement, et a d’ailleurs d’ores et déjà profité, aux chaînes ayant la capacité de commercialiser des écrans publicitaires sur les plages horaires captant les audiences les plus importantes, c’est-à-dire TF1 et, dans une moindre mesure, M6. Ainsi, selon des études récentes, la part de TF1 sur le marché de la publicité télévisée restera supérieure à 50 % dans les cinq ans à venir : autrement dit, l’essentiel du chiffre d’affaires réalisé jusqu’alors par les antennes de France Télévisions après vingt heures, qui correspond en valeur à près de 10 % du montant total des investissements publicitaires à la télévision, est en train d’être majoritairement capté par les concurrents historiques des chaînes publiques.
Ce transfert de valeur du secteur public vers le secteur privé sera d’autant plus important que le projet de loi soumis à notre examen autorise les éditeurs privés à insérer une deuxième coupure publicitaire pendant la diffusion des films et des téléfilms. De plus, un décret devrait prochainement acter, d’une part, le passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge pour le calcul de la durée des écrans de publicité, permettant ainsi la programmation de très longs tunnels de « réclame », et, d’autre part, la diffusion de neuf minutes de publicité par heure, alors que ce volume était jusqu’à présent limité à six minutes.
Qui plus est, afin d’optimiser au maximum leurs recettes dans une conjoncture économique difficile, TF1 et M6 ont engagé, dès le mois de septembre dernier, une politique commerciale très offensive pour vendre leurs écrans avant vingt heures, à des heures auxquelles la concurrence avec les antennes de France Télévisions est très vive depuis deux jours.
Il faut ajouter à cette impressionnante liste de cadeaux le prix, plus que survalorisé, payé par l’État à TF1 pour acquérir la moitié des parts du capital de la société France 24. Ainsi, pour une mise initiale de 18 500 euros réalisée voilà cinq ans,…
M. Dominique Braye. Oh !
M. David Assouline. …TF1 récupère 2 millions d’euros…
M. Dominique Braye. Oh !
M. David Assouline. … au terme de l’accord signé en octobre dernier, tout en restant l’un des principaux fournisseurs d’images de la chaîne !
M. Dominique Braye. Oh !
M. David Assouline. Visiblement, tout cela émeut beaucoup M. Braye ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Ivan Renar. C’est un scandale !
M. David Assouline. De fait, ces avantages concédés sans contrepartie à des acteurs économiques privés constituent de véritables délits de favoritisme,…
M. Dominique Braye. Oh !
M. David Assouline. …dont la « légalisation » devrait en outre freiner le développement des acteurs de la télévision numérique terrestre, qui captent environ 5 % des investissements publicitaires annuels, mais dont le chiffre d’affaires sera taxé à hauteur de 3 % dès 2009,…
M. Dominique Braye. Ah !
M. David Assouline. …alors que celui des opérateurs historiques, qui profiteront de la publicité captée de l’audiovisuel public, ne le sera qu’à hauteur de 1,5 %.
M. Dominique Braye. Oh !
M. David Assouline. Outre les forts doutes pesant sur la constitutionnalité de ce curieux dispositif fiscal, la pratique qui consiste à sanctionner les acteurs les plus dynamiques et les plus jeunes d’un secteur au profit des acteurs les moins innovants…
M. Dominique Braye. Oh !
M. David Assouline. …semble contredire tous les préceptes de la théorie économique.
Où est d’ailleurs la cohérence de l’action économique de ce gouvernement ? Certainement pas dans la contradiction insoluble entre, d’un côté, la volonté de faire de la France un pays moteur de la révolution numérique en mettant lourdement à contribution les opérateurs de télécommunications et, de l’autre, l’invention d’une nouvelle taxe pesant sur le chiffre d’affaires de ces mêmes entreprises prévue par le projet de loi ordinaire que nous examinons.
Tout en appelant fortement de nos vœux la participation des groupes de télécommunications au financement de la création, que le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet ne prévoit malheureusement pas, nous ne pouvons que nous interroger sur le bien-fondé économique des taxes créées par cette réforme. D’une part, leurs produits ne compenseront pas le coût des nouvelles dotations consenties provisoirement aux sociétés de l’audiovisuel public mais, surtout, leur impact financier pour les entreprises assujetties sera directement répercuté sur les prix des abonnements téléphoniques qu’elles vendent, c’est-à-dire, en fin de compte, sur le pouvoir d’achat des ménages !
L’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision entraînera donc un bouleversement profond de l’ensemble de l’économie du paysage audiovisuel français, dont la fin réelle – protéger et renforcer les groupes privés historiques – s’oppose fondamentalement à la nécessité démocratique d’entretenir un « écosystème » favorable à la diversité et à la pluralité des acteurs, publics et privés.
J’en viens au deuxième point, qui concerne la remise en cause du service public.
Ce texte organise en réalité l’affaiblissement du service public pour mieux préparer sa transformation en instrument du pouvoir.
Depuis un an, rien n’aura été épargné aux collaborateurs de France Télévisions : de l’annonce « surprise » de la suppression de la publicité depuis le palais présidentiel jusqu’à l’ordre donné à la direction du groupe de ne plus commercialiser d’écrans publicitaires après vingt heures dès le 5 janvier, en passant par le vœu du patron du Service d’information du Gouvernement, le SIG, de diffuser une « émission de communication gouvernementale » sur les antennes du service public.
Plus fondamentalement, la transformation de France Télévisions en entreprise unique, changement qui pourrait être utile pour accompagner la mutation de la télévision publique en « média global », ne s’accompagne ni de garantie sur la pérennité du périmètre du groupe ni d’aucune assurance sur le maintien de l’identité de ses chaînes, de leur autonomie éditoriale et de leurs moyens de fonctionnement.
Qui plus est, certains, dans les sphères gouvernantes, ont entretenu avec une délectation certaine ce climat d’instabilité : par exemple, lorsqu’un parlementaire réputé proche du chef de l’État – vous le connaissez tous – multiplie les déclarations fracassantes en semblant devancer les désirs de ce dernier ; plus encore, lorsque les services du Premier ministre oublient de mentionner, dans le projet de cahier des charges de la future entreprise unique, le caractère national des programmes d’information diffusés par France 3, fragilisant par cette omission l’existence de la rédaction du siège de la chaîne, dont le 19/20 est pourtant une référence en matière de journaux télévisés, rencontrant un réel succès d’audience depuis sa création.
Dans le même temps, la volonté de créer une « voix de la France » hors de nos frontières a précipité la restructuration des opérateurs de l’audiovisuel public extérieur. La suppression de la diffusion des programmes de RFI en de nombreuses langues, dont l’allemand et le russe, ne peut que susciter l’inquiétude de tous ceux qui sont attachés au rayonnement de notre culture à l’étranger, en particulier sur le continent européen.
C’est donc dans une ambiance délétère, marquée par les restrictions budgétaires touchant aux missions internationales des grands reporters comme aux productions locales de France 3, que les équipes de notre télévision publique continuent à travailler, avec un dévouement auquel la représentation nationale doit rendre hommage et qui permet aux programmes du service public de réunir encore près de 35 % des téléspectateurs, ce qui fait de France Télévisions l’un des premiers groupes audiovisuels européens par son audience.
Comme le soulignait récemment Dominique Wolton, la réforme en cours est d’autant plus injustifiée qu’« après deux décennies de crise d’identité face aux chaînes privées, la télévision publique commençait à retrouver sa place, grâce au public qui ne l’a jamais lâchée ».
Le brutal retour en arrière que nous propose le Gouvernement dans l’organisation et le fonctionnement de la télévision publique est d’autant plus inacceptable que, une nouvelle fois, le mépris du Parlement et de toute forme de délibération publique gouverne l’élaboration des projets de loi le transcrivant. Conformément à la pratique en vigueur depuis mai 2007 au sommet de l’État, l’annonce de la réforme par le Président de la République fut en effet suivie d’une période de grande confusion, significative d’une personnalisation extrême du pouvoir, qui aboutit à la création d’une nouvelle structure ad hoc chargée de légiférer à la place du législateur, dans la lignée des commissions Attali, Mallet et autre comité Balladur. Et ce n’est pas fini !
Installée le 19 février 2008, et réunissant notamment les compétences et l’expérience de professionnels reconnus du secteur de l’audiovisuel, la commission Copé dut vite convenir que la seule solution pour assurer un financement pérenne de la télévision publique sans le complément des recettes publicitaires était bien sûr d’augmenter la redevance. Immédiatement rappelé à l’ordre par le chef de l’État, le président de la commission dut battre en retraite. D’où le « bricolage » auquel ressemblent les propositions de la commission Copé, alternant efforts de gestion aux effets de réduction des coûts surévalués et création de nouvelles taxes sans logique économique.
Tous les connaisseurs de l’audiovisuel savent pourtant, à l’instar de ce que recommande l’Union européenne de radiodiffusion, l’UER, que l’une des deux conditions nécessaires à l’indépendance de l’audiovisuel public tient à ce que son financement soit assuré par un régime sûr et pérenne, garant des moyens utiles à l’accomplissement de sa mission de service public, et dont les modalités de fixation et d’allocation ne sauraient dépendre du bon vouloir du gouvernement en place.
Dès lors, il revient à ce gouvernement la responsabilité de graver dans le marbre de la loi les modalités d’un régime de financement aussi exigeant, en respectant chacun des critères que je viens d’énoncer, comme le font d’ailleurs de nombreux voisins européens de la France, telle l’Allemagne, dont l’expérience a été citée en exemple par Mme le rapporteur.
Parfaitement au fait de ces problématiques, la commission des affaires culturelles, sur l’initiative régulière de notre ancien collègue M. de Broissia, et avec le soutien permanent du président Valade, a renouvelé depuis longtemps sa préoccupation que le financement de l’audiovisuel public soit assuré par une ressource dynamique et pérenne, en proposant notamment d’indexer l’évolution du taux de la redevance sur l’inflation.
Mais l’augmentation, même minime, de la redevance constitue une « rupture » d’autant plus inacceptable pour le chef de l’État que le sous-financement chronique que subit France Télévisions, en particulier, depuis quelques années est directement lié au retour de la droite au pouvoir en 2002. Parmi les premières décisions du gouvernement Raffarin figurait en effet l’arrêt du plan de développement numérique de France Télévisions, conçu par Marc Tessier.
Parallèlement, les pouvoirs publics organisèrent le tarissement du financement de ce plan ambitieux, qui était assuré par une augmentation progressive du taux de la redevance.
Ainsi était brisé le cercle vertueux enclenché par la loi Trautmann-Tasca d’août 2000 et concrétisé par la signature du premier contrat d’objectifs et de moyens liant France Télévisions à l’État, dont la poursuite aurait achevé la transformation de la télévision publique en un groupe puissant et diversifié, doté d’une stratégie numérique ambitieuse et d’un financement public pérenne et dynamique.
Dans ce contexte, la seule annonce de la décision de supprimer la publicité des antennes de la télévision publique, qui suffit à entraîner la migration d’une part importante des investissements publicitaires vers les chaînes privées dès 2008, a profondément mis en danger l’équilibre économique de France Télévisions.
Expliquez-nous, madame la ministre, comment les dirigeants de France Télévisions pourront financer, dans cette situation, les investissements nécessaires à la transformation des antennes publiques en média global, dont le coût annuel a été évalué à 200 millions d’euros par la commission Copé, tout en assurant le retour à l’équilibre des comptes et en reconstituant les capitaux propres et la trésorerie de l’entreprise !
Expliquez au Sénat, chambre représentative des collectivités locales, comment la direction de France Télévisions, soumise à de telles contraintes financières, pourra continuer à faire fonctionner les antennes régionales de France 3, qui diffusent des programmes d’information et de proximité auxquels les Français sont si attachés !
Sauf à croire aux miracles, la réponse est simple : la direction de France Télévisions devra restructurer en profondeur le groupe, en supprimant de nombreux emplois et en « taillant » dans les budgets des programmes, voire en sacrifiant une partie de son périmètre.
Quant au troisième point, il consiste à remettre en cause l’indépendance de l’audiovisuel public.
Il faut toujours se rappeler quel état d’esprit anime le chef de l’État dans ses rapports avec la presse, cet état d’esprit ayant notamment été révélé lorsqu’il déclara publiquement rêver d’en « finir avec le journalisme de dénigrement pour promouvoir un journalisme pédagogique de l’action gouvernementale ».Voilà sa doctrine !
La véritable « reprise en mains » que connaissent actuellement RFI et France 24 s’inscrit parfaitement dans cette logique, avec les licenciements, depuis septembre dernier, de trois responsables de la rédaction de France 24, professionnels reconnus, dont deux sont des journalistes titulaires du prix Albert Londres.
La même logique est à l’œuvre avec cette réforme, qui inscrira la vie sociale des chaînes de radio et de télévision publiques dans l’agenda politique, celui qui rythmera la nomination et la possible révocation de leurs dirigeants. Désormais, les dirigeants des chaînes publiques ne se donneront plus pour objectifs la qualité des programmes ou la crédibilité de l’information diffusés sous leur responsabilité, car ils seront obsédés par la seule ambition de durer, c’est-à-dire de ne pas déplaire au pouvoir.
Dans un tel contexte, comment les journalistes, mais aussi les responsables d’unités de programme, pourraient-ils rester tout à fait libres de leurs choix éditoriaux, tout à fait indépendants dans leur travail ?
C’est à l’intégrité et à la crédibilité mêmes du travail des journalistes et de tous les professionnels de la télévision que sont les collaborateurs de France Télévisions que cette réforme porte aujourd’hui atteinte.
Souvenons-nous, mes chers collègues, que c’est notre assemblée qui amenda, sur l’initiative du groupe socialiste, le projet de loi constitutionnelle voulu par le Président de la République, afin que notre loi fondamentale dispose, dans son article 34, que « la loi fixe les règles concernant [...] la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias [...] ».
Cette nouvelle obligation incombant au législateur devrait obliger celui-ci à concevoir un régime de désignation des dirigeants des organismes de l’audiovisuel public garantissant leur liberté à l’égard du pouvoir.
Un nouveau régime de nomination et de révocation, digne de la radio et de la télévision publiques d’une grande démocratie, pourrait consister en l’élection de leurs présidents par les conseils d’administration des sociétés, qui seraient majoritairement composés de personnalités qualifiées désignées par un CSA lui-même profondément rénové et enfin indépendant.
Si, malheureusement, les projets de lois organique et ordinaire que nous examinons aujourd’hui n’étaient pas amendés afin de garantir l’indépendance du service public de l’audiovisuel du double point de vue des modalités de son financement et de la désignation de ses dirigeants, leur inconstitutionnalité serait évidente.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. David Assouline. Alors, notre République connaîtrait une de ses heures sombres, oubliant ce que Victor Hugo nous conseillait quand il déclarait devant l’Assemblée nationale, le 11 octobre 1848 : « [la] liberté [de l’Assemblée], [...] sa dignité même sont intéressées à la plénitude de la liberté de la presse [...] ». On dirait aujourd’hui : à la liberté des médias.
Mais je sais que le Sénat est capable de provoquer le sursaut. Ce sera son honneur et la démonstration spectaculaire de son utilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous faire part de la désapprobation, pour ne pas dire de l’indignation, du Sénat quant aux conditions dans lesquelles nous devons examiner ce projet de loi.
Mme Françoise Laurent-Perrigot. C’est juste !
M. Hervé Maurey. Nous devons en effet examiner un texte dont la mesure principale, aux yeux mêmes de son instigateur, le Président de la République, est la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, disposition désormais sans objet puisqu’elle a été obtenue par une décision du conseil d’administration de France Télévisions, à la demande expresse de son actionnaire, l’État.
Nous y voyons – je le dis avec mesure, mais gravité ! – une marque de mépris pour le Parlement, dont on nous dit pourtant qu’il convient de revaloriser le rôle, tout particulièrement pour ce qui concerne la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le Président de la République a souligné ce matin, lors de ses vœux aux parlementaires – vous y assistiez, madame la ministre –, qu’il souhaitait un Parlement fort. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La suppression de la publicité sur France Télévisions n’avait certainement pas un caractère d’urgence de nature à justifier que l’on fasse ainsi fi de notre assemblée. Je rappelle que la commission Copé, au sein de laquelle siégeait notre collègue Mme Morin-Desailly, avait recommandé la mise en œuvre de cette mesure en septembre 2009.
Je ne vois pas en quoi l’allongement excessif des débats à l’Assemblée nationale justifie que le Sénat soit privé d’un examen au fond de cette mesure, sauf à considérer, comme un nombre trop élevé de nos concitoyens, que le Sénat ne sert à rien. (Et voilà ! sur les travées du groupe socialiste.)
Il aurait été certainement plus correct et plus respectueux des droits et prérogatives du Sénat de différer d’un mois, voire de deux, l’application de cette disposition plutôt que de procéder ainsi.
Mme Françoise Laurent-Perrigot. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Hervé Maurey. Cette décision ne crée pas, et je le regrette, le climat de confiance et de sérénité qui me semble pourtant nécessaire aux relations entre le Gouvernement et le Sénat, d’autant plus, vous le savez, que notre assemblée reste à convaincre du bien-fondé de votre réforme.
Pour tout dire, on peut même s’interroger sur la nécessité d’examiner ce projet de loi dès lors que la mesure centrale en est exclue !
Bien entendu, nous ne voterons pas les motions de procédure proposées par l’opposition, car nous souhaitons un débat au fond sur l’autonomie du service public de l’audiovisuel, c’est-à-dire sur son financement et, plus particulièrement, sur la question de la redevance et des différentes taxes que vous proposez.
Nous souhaitons également engager avec vous une véritable discussion permettant d’améliorer ce texte.
Avant d’en venir à ces questions qui constituent pour nous, vous l’avez compris, le « point dur » de ce débat, j’évoquerai d’autres aspects du texte, également importants, qui sont contenus dans les titres Ier et Il de ce projet de loi, les titres III et IV étant plus techniques, même si nous serons attentifs à certains aspects de la transposition de la directive de 2007.
Nous nous réjouissons que France Télévisions devienne un média global regroupant chaînes hertziennes, internet avec télévision de rattrapage, vidéo à la demande, télévision mobile personnelle.
Nous nous félicitons également, madame la ministre, de la transformation en une entreprise unique du groupe France Télévisions, qui compte aujourd’hui quarante-neuf sociétés et 11 000 collaborateurs. Nous y voyons clairement une mesure positive qui permettra de dégager – du moins l’espérons-nous – de réelles économies, évaluées à 140 millions d’euros par la commission Copé.
Ce projet de loi permet donc d’espérer que le service public de l’audiovisuel sera rationalisé et attractif. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.
Pour être en mesure de rivaliser avec ses principaux concurrents européens, le service public de l’audiovisuel doit aussi être autonome.
Sur ce point, la question de la nomination du président de France Télévisions est importante.
Le projet de loi prévoit que le président de France Télévisions soit nommé par décret en conseil des ministres après avis conforme du CSA et avis des commissions parlementaires compétentes.
Critiqué par certains de nos collègues, y compris au sein de notre groupe, ce dispositif ne me pose pas de problème à titre personnel, pas plus qu’à la majorité du groupe de l’Union centriste.
Il n’est pas anormal, en effet, que le dirigeant de France Télévisions soit choisi par son actionnaire, et nous considérons que la procédure proposée – avis conforme du CSA et avis des commissions compétentes – permet d’encadrer ce pouvoir de nomination. Le vote négatif émis récemment par la commission des affaires économiques sur la nomination d’un candidat à la présidence du Haut Conseil des biotechnologies démontre que les parlementaires, notamment les sénateurs, savent exercer pleinement et souverainement leurs prérogatives.
Je pense que les députés ont également bien fait de calquer la procédure de révocation sur la procédure de nomination, car les conditions de révocation sont, en termes d’indépendance, au moins aussi importantes que celles de nomination. Un dirigeant aisément révocable ne jouit en effet d’aucune autonomie.
Bref, tout irait bien sans la question du financement de France Télévisions !
J’ai dit tout à l’heure ce que nous pensions des conditions hâtives et cavalières de cette suppression.
Sur le principe, j’avoue, à titre personnel, ne pas être convaincu que publicité et télévision de qualité sont antinomiques.
Je crois que France Télévisions a pu, malgré la publicité, prouver au cours des dernières années sa spécificité de chaîne publique avec une programmation de qualité.
L’émission Des racines et des ailes en est la preuve, comme le sont également un certain nombre de fictions réalisées à partir d’œuvres littéraires, telles que Guerre et Paix et des romans de Maupassant.
Je crois également qu’une chaîne publique ne doit pas être totalement déconnectée de l’audimat pour, selon les termes du nouveau cahier des charges dont je salue le caractère ambitieux, « intéresser sans ennuyer » et « garder la dimension populaire ». Chaîne d’ores et déjà exigeante, France Télévisions doit, à mon sens, garder sa spécificité.
Toujours sur le principe même de la suppression de la publicité, j’ai du mal à comprendre que l’on s’attaque à des problèmes qui ne se posent pas quand il y en a, par ailleurs, tant à régler dans notre pays !
Qui donc demandait la suppression de la publicité à la télévision ?
Mme Catherine Tasca et M. Jean-Pierre Sueur. Personne !
M. Hervé Maurey. Personne, et, en tout cas, certainement pas les téléspectateurs, qui, je le reconnais, ne peuvent pas y être défavorables.
N’y avait-il pas des sujets plus urgents à traiter ? Aujourd’hui même, en pleine crise économique, ne devrions-nous pas plutôt discuter d’autres sujets qui intéressent plus directement les Français ? J’avoue avoir quelques scrupules à nous voir aujourd’hui débattre de ce texte déclaré d’urgence ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et du groupe socialiste.)
Rassurez-vous, je ne suis pas hostile à la suppression de la publicité !
M. Dominique Braye. C’est sûr !
M. Hervé Maurey. Cette solution a été retenue par les principaux pays européens.
C’est une demande maintes fois formulée par les socialistes, qui devraient donc se réjouir de la voir acceptée et applaudir ce projet de loi. Les centristes eux-mêmes l’avaient réclamée en 2002.
Mais, très honnêtement, cette suppression n’est pas opportune en ce moment, et elle n’est pas acceptable dans ces conditions.
M. David Assouline. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Lorsque, le 8 janvier 2008, le Président de la République a annoncé sa décision, la situation du pays n’était pas celle que l’on connaît aujourd’hui.
Je rejoins pleinement Édouard Balladur – il est peu suspect d’« antisarkosysme » – qui, le 13 octobre, suggérait que l’on « suspende la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision pour dispenser l’État de les aider ».
Je rejoins également Édouard Balladur qui, à l’époque, suggérait que cette économie soit affectée au financement du RSA plutôt que de créer encore – ou devrais-je dire « déjà » ? – une nouvelle taxe !
Lorsque le Président de la République a annoncé la suppression de la publicité, le déficit prévisionnel du budget de l’État pour 2008 était de 41 milliards d’euros. On sait qu’il dépassera 57 milliards d’euros en 2008 et ira sans doute bien au-delà de 60 milliards d’euros en 2009.
A-t-on vraiment les moyens de se passer aujourd’hui de recettes publicitaires ? Assurément non !
Je partage également l’avis du rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, le député UMP Gilles Carrez, qui, au-delà des réserves émises sur les taxes que vous proposez et dont nous reparlerons, a regretté que l’on supprime la publicité, « moteur de la consommation au moment où la croissance bat de l’aile ».
Je rappellerai, enfin, que le secteur audiovisuel doit faire face non seulement à la crise économique mais également à des surcoûts liés à la double diffusion analogique et numérique jusqu’en 2012 et au passage à la télévision haute définition.
Incontestablement, et c’est ce que nous regrettons, le moment ne pouvait pas être plus mal choisi pour mettre en place cette réforme ; il aurait été beaucoup plus sage d’attendre 2012.
Plus grave, cette suppression n’est pas acceptable dans les conditions proposées, car elle n’offre pas à France Télévisions la garantie d’un financement autonome et pérenne.
Le financement autonome et pérenne est le seul véritable garant de l’avenir du service public, de sa qualité et de son autonomie, bien davantage que le mode de nomination de son président.
Dès lors que la télévision publique ne bénéficie plus de recettes publicitaires, le seul mode de financement possible, c’est la redevance. Tous les pays occidentaux, sans exception, ont procédé ainsi.
On sait ce qu’il en est en France, où la redevance s’élève à 116 euros quand elle est supérieure à 200 euros en Grande-Bretagne et en Allemagne.
En Allemagne, la redevance rapporte à la télévision publique le double de notre redevance, offrant ainsi à l’audiovisuel allemand les moyens de ses ambitions.
La redevance en France n’a pas augmenté depuis 2001, et elle a même légèrement diminué en 2004. La Cour des comptes a eu l’occasion de souligner que cette situation « correspond à une baisse en termes réels de l’ordre de 10 %, ce que déplore avec constance la commission des affaires culturelles.
Nous ne proposons naturellement pas de porter la redevance au même montant que dans les principaux pays européens, mais nous considérons qu’il convient d’augmenter son produit.
Nous proposerons, pour cela, d’élargir son assiette aux personnes qui ne la payent pas, car elles n’ont pas de téléviseur, mais reçoivent la télévision par un ordinateur ou un portable incluant une offre de télévision. Cette mesure, qui se pratique déjà en Allemagne, permettrait de dégager environ 30 millions d’euros.
Nous demanderons également qu’une redevance bénéficiant d’un abattement de 50 % soit payée par les occupants de résidences secondaires, ce qui rapporterait 120 millions d’euros. Quand on a une résidence secondaire, on peut acquitter, me semble t-il, moins de 60 euros par an !
M. Henri de Raincourt. Ce sont les riches !
M. Hervé Maurey. Sinon, il vaut mieux la vendre !
En tout état de cause, le montant total de la redevance serait plafonné à une redevance et demie par foyer.
Nous suggérons également que la redevance soit augmentée de 3 ou 4 euros, c'est-à-dire d’environ 3 %. Je rappelle qu’elle n’a pas augmenté depuis 2001.
Quelles que soient leurs difficultés, je ne connais pas de Français qui ne puissent faire face à une augmentation de ce niveau.
Je rappelle par ailleurs que cinq millions de foyers sont exonérés de la redevance.
Je suis affligé – et je pèse mes mots – que le Gouvernement, par un manque de courage politique évident, se soit opposé à l’augmentation de 2 euros adoptée par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, à la demande de notre commission des affaires culturelles et de notre commission des affaires économiques. On ne fait pas de réformes quand on n’a pas le courage de les financer !
Vous préférez recourir à des taxes, car vous pensez qu’elles passeront mieux politiquement, parce qu’elles sont réputées indolores ; mais vous savez très bien qu’elles seront finalement répercutées sur le consommateur. Il n’y a pas de taxe indolore !
Si les opérateurs de télécommunications doivent verser l’équivalent de 8 % de leurs résultats, ils augmenteront d’autant la facture des abonnés. Cela sera bien pire en termes de pouvoir d’achat pour nos concitoyens, car la hausse sera largement supérieure à 3 ou 4 euros par an !
La commission des affaires économiques évalue cette hausse à 15 euros minimum par an. Je pense, pour ma part, que l’on sera plus proche d’une treizième facture mensuelle par an !
En vérité, il n’y a pas d’autre solution que la redevance pour assurer le financement autonome et pérenne du service public de l’audiovisuel. Et si vous considérez vraiment que la redevance n’est pas juste, alors, réformez-la !
Mettez en place la commission de modernisation de la redevance dont le Premier ministre a annoncé la création !
Fixez-lui un calendrier « serré » et revenez dans quelques mois nous proposer un financement par une redevance réformée !
Mieux vaut attendre un peu et mettre en place une solution adaptée aux enjeux de l’audiovisuel public. En tout état de cause, dire qu’on va en débattre après le vote de ce texte, ce n’est pas sérieux ! C’est bel et bien dans le cadre de ce débat que cette question doit être tranchée !
Aujourd'hui, vous prévoyez l’instauration de deux taxes – encore des taxes, ai-je envie de dire ! – après le 1,1 % créé pour financer le RSA.
Dois-je rappeler que nous appartenons à une majorité qui s’est engagée à réduire les prélèvements sur les entreprises pour favoriser l’emploi ? Au-delà, ces taxes présentent de nombreux inconvénients.
Tout d’abord, elles ne sont pas affectées au financement de France Télévisions, ce qui ne manque pas de nous inquiéter, car on a vu dans le passé un certain nombre de taxes se perdre dans la masse globale du déficit de l’État.
Sans remonter à la défunte vignette automobile, l’exemple de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA, qui rapporte plus de 600 millions d’euros pour 80 millions d’euros affectés au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, est, hélas ! révélateur.
France Télévisions n’a donc aucune garantie quant à ses ressources au-delà de 2011 puisque son financement n’est assuré que pour trois ans.
Comment peut-on construire un secteur audiovisuel public fort que nous appelons tous de nos vœux sans lui assurer les moyens de ses ambitions ?
Comment peut-on affirmer des ambitions fortes pour France Télévisions et laisser le devenir de son financement au bon vouloir des gouvernements futurs ?
Fait plus préoccupant peut-être, ces taxes sont illégitimes.
Pourquoi, en effet, taxer les recettes publicitaires des chaînes privées pour financer le service public ? Quelle curieuse démarche de financer une société par la taxation de ses concurrents et de lier, par là même, les ressources du service public à la réussite du secteur privé !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est étrange, en effet ! C’est même complètement paradoxal !
M. Hervé Maurey. Je rappelle, par ailleurs, que la publicité à la télévision et à la radio est déjà taxée et que la pression fiscale sur les recettes publicitaires est aujourd’hui estimée à 6,28 %.
L’Assemblée nationale a quelque peu amélioré le dispositif initial en réservant cette taxation à l’effet d’aubaine, et non à la totalité du chiffre d’affaires.
Mais aujourd’hui, le dispositif est complexe, et personne ne sait ce qu’il rapportera, en tout cas certainement pas les 80 millions d’euros initialement prévus !
Quant à la taxation des opérateurs de télécommunications, ce dispositif est encore plus « baroque » que le précédent, et je m’associe pleinement aux propos de M. Bruno Retailleau sur ce sujet.
Il n’y a, en effet, aucun rapport entre l’activité de ces sociétés et la télévision, d’autant que, comme l’a rappelé M. Retailleau, la partie audiovisuelle de leurs activités, extrêmement faible au demeurant, a été exclue de l’assiette de la taxation, ce qui est quand même un comble ! Comment ne pas s’étonner que 85 % des recettes destinées à compenser la suppression de la publicité n’ont aucun rapport avec la production et la diffusion d’images ?
Je vous rappelle par ailleurs que les fournisseurs d’accès à internet, en acquittant un versement au Compte de soutien à l’industrie cinématographique et à la production audiovisuelle, le COSIP, qui sert à financer le Centre national de la cinématographie, le CNC, participent déjà au financement de la création.
Quitte à instaurer une taxe, j’aurais trouvé plus logique de taxer les ventes de téléviseurs. Il existe en effet un lien entre téléviseur et télévision. De surcroît, les sites de production étant implantés bien loin de notre pays, une telle taxe n’aurait eu aucun effet sur l’emploi.
En réalité, vous cherchiez une assiette large pour dégager des recettes et votre choix s’est, malheureusement, porté sur ce secteur, qui paye ainsi son dynamisme. Taxer ceux qui réussissent me semblait pourtant aux antipodes du projet du Président de la République.
Dans quelques jours, nous allons débattre du plan de relance du Gouvernement. Ce plan ne mentionne à aucun moment le numérique comme moteur de l’économie.
Aux États-Unis, le président Obama a fait le choix inverse, en centrant son plan de relance sur les télécommunications et le numérique. Nous, nous préférons taxer ce secteur, l’un des plus dynamiques et des plus stratégiques de l’économie, alors que nous savons, selon les prévisions de l’INSEE, que près de 170 000 emplois seront détruits au premier semestre de cette année.
Nous demandons en outre à ce secteur de financer le plan France numérique 2012, présenté en octobre par le Président de la République lui-même.
Comment ce plan, dont il convient de saluer l’ambition et le bien-fondé, sera-t-il réalisé si les entreprises sur lesquelles il repose sont lourdement taxées ?
La couverture numérique du territoire, que ce soit du point de vue de l’internet haut débit ou de la téléphonie mobile, constitue pour nous une priorité. Et, en tant que sénateurs, nous sommes bien placés pour savoir que trop de territoires en sont encore privés. Je le dis solennellement, je préfère que les opérateurs soient incités à couvrir ces zones blanches, voire contraints de le faire, plutôt que les voir, une fois encore, « ponctionnés ».
Aussi, si cette taxe devait être adoptée par le Sénat, nous demanderions, au minimum, que les investissements réalisés pour assurer la couverture du territoire soient déduits de l’assiette taxable et que le taux de 0,5 % proposé par la commission Copé soit préféré à celui de 0,9 %.
Enfin, toujours sur la question du financement, nous devrons veiller à ce que l’objectif d’économie de 140 millions d’euros évoqué par le rapport Copé soit atteint. Naturellement, le service public de l’audiovisuel devra chercher, lui aussi, à optimiser ses coûts.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les principaux points que je voulais évoquer à ce stade de la discussion.
Vous l’aurez compris, ce texte comporte à nos yeux des éléments positifs.
Nous nous réjouissons de votre volonté de rationaliser le service public audiovisuel ; nous soutenons les ambitions que vous lui fixez ; en revanche, nous ne comprenons pas votre refus d’en tirer les conséquences financières. C’est pour cela que votre projet de loi n’est pas, en l’état, acceptable par les membres de l’Union centriste.
Vous le savez, madame la ministre, nous avons à cœur d’apporter notre soutien au Gouvernement et nous souhaitons réellement pouvoir voter en faveur de ce projet de loi. Mais il faudra pour cela que vous acceptiez de nous entendre et que vous preniez en compte nos remarques et nos propositions.
Nous sommes vos partenaires ; nous avons toujours été des alliés loyaux et nous entendons le rester. Mais être dans la majorité ne signifie pas être des « godillots ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. On verra !
M. Hervé Maurey. Être partenaire n’implique pas de dire toujours oui, même quand on refuse de nous entendre. La solidarité n’implique pas d’approuver le contraire de ce à quoi l’on croit. (Sourires ironiques sur les mêmes travées.)
Le groupe du Nouveau Centre a montré à l’Assemblée nationale qu’il souhaitait être davantage entendu. C’est dans le même esprit que le groupe Union centriste du Sénat aborde l’examen de ce projet de loi, avec le sincère espoir, je le répète, de pouvoir apporter son soutien au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 5 février 2008, de seize heures à vingt heures, la commission des affaires culturelles avait réuni une table ronde sur le thème : « Quelles réformes pour le secteur de l’audiovisuel ? »
Étaient présents, outre des sénateurs, les cinq chaînes historiques et des organisations professionnelles. Vingt-six personnes extérieures étaient conviées mais aucun syndicaliste, aucun journaliste, aucun artiste, aucun chercheur, aucun représentant des téléspectateurs ne l’était ! Nous nous situions dans la foulée du coup d’éclat présidentiel du 8 janvier qui, sans même que la ministre de la culture ou le président de France Télévisions n’en soient préalablement avertis, annonçait la suppression de la publicité à la télévision publique.
Une étude du cabinet Goldman et Sachs du 6 novembre 2007 annonçait : « Nous nous attendons à ce que le secteur audiovisuel français connaisse des changements importants dans les mois qui viennent, ce qui devrait être un facteur positif pour TF1 et M6. » Une étude de la Société Générale du 2 novembre 2007 tonnait contre le « cadre réglementaire le plus contraignant en Europe » pour la télévision. Quant au Livre blanc, ou plutôt au cahier de doléances de TF1, il présentait dans le détail la réforme du Président de la République. Cela illustre, au passage, le lien étroit entre économique et pouvoir politique. Comme si les affaires du Gouvernement étaient désormais réduites au « Gouvernement des affaires »…
Pour sa part, Mme la ministre était intervenue au MIPCOM - marché international des contenus audiovisuels - d’octobre 2007. Un courtier en bourse avait alors commenté : « Tout est positif dans ce projet ! » Les grands diffuseurs commerciaux avaient déjà reçu une cascade de cadeaux en 2006 et 2007, tout cela sous le régime du « nouvel esprit des lois », à savoir le dogme libéral franco-européen de « la concurrence libre et non faussée ».
Le 9 janvier 2008, le secrétaire général de l’UMP, M. Devedjian, jugeait qu’il y avait « peut-être un peu beaucoup de chaînes publiques » et suggérait « quelques privatisations ». Pour sa part, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, estimait que France Télévisions pourrait faire des économies.
Depuis, toutes les questions que je viens de rappeler ont été illustrées par l’instruction du dossier de la télévision publique. La dernière preuve en a été apportée sur France Inter, le 3 décembre dernier, quand le député UMP Frédéric Lefebvre a expliqué que la télévision publique comptait 11 000 employés alors que toutes les télévisions privées n’en comptaient que 8 500.... CQFD ! Il oubliait que l’essentiel des effectifs de la télévision publique est lié au maillage du territoire par les équipes d’information et de production de France 3, facteur majeur de démocratie et de cohésion sociale. Ce point est essentiel pour les sénateurs qui sont proches des collectivités territoriales.
Sans malice, j’ajouterai qu’au printemps dernier Christine Lagarde affirmait : « La France est un pays qui pense. » Aujourd’hui, j’aimerais vous dire : assez pensé, maintenant, retroussons nos manches !
Eh bien, je vais retrousser mes pensées, enrichi de toutes les auditions que j’ai pu conduire, et examiner quatre grandes questions traitées par les deux projets de loi Sarkozy qui nous sont soumis : l’élection du président de France Télévisions, l’organisation de son financement, le traitement du pluralisme et, enfin, la politique de création.
S’agissant de la présidence de France Télévisions, je noterai que c’est la première fois en Europe, aux États-Unis et au Canada qu’un président d’un groupe de chaînes de télévision publique est nommé par le chef de l’État. C’est contraire à la démocratie ! Le chef de l’État n’est ni un patron ni, seulement, un actionnaire. La télévision et la radio publiques appartiennent aux citoyens ; elles sont leur affaire et ceux-ci doivent s’en mêler au premier chef, directement et par l’intermédiaire de leurs élus. L’État et, a fortiori, le Gouvernement n’y agissent que par délégations et ne doivent y exercer qu’une influence minimale, voire nulle. La pratique d’autonomie de cette responsabilité de l’audiovisuel public vis-à-vis de l’ensemble des auditeurs et téléspectateurs est et doit demeurer un principe cardinal de notre démocratie. On ne peut se contenter de répéter l’antienne « ce qui est bon pour General Motors est bon pour le pays »… Comme le rappelle Pierre Legendre, « État vient du latin stare - se tenir debout. Autrement dit, ce curieux mot intraduisible en dehors de la civilisation de tradition ouest-européenne renvoie à certaines opérations destinées à faire tenir quelque chose debout - en France faire tenir debout c’est ce que nous appelons la République ».
Or le projet de loi organique met en cause l’indépendance et l’autonomie des chaînes publiques. Pire, le droit monarchique de nommer est complété du droit princier de révoquer : c’est une première dans la tradition du service public à la française ! Quand TF1 a été privatisée, on a parlé de « mieux-disant culturel », ici c’est « le mieux-disant autoritaire ». Ce n’est pas la fin d’une hypocrisie mais le début de l’arbitraire. L’avis demandé au CSA est effarant puisqu’il a été qualifié d’« hypocrite » par le Président de la République lui-même. Quant à l’avis du Parlement, c’est une joyeuseté indécente quand on sait comment le pouvoir actuel le traite et annule des décisions, fussent-elles unanimes !
Nous proposons quant à nous un processus : les assemblées créeraient une commission permanente spécialisée en matière d’audiovisuel, de médias et de pluralisme qui traiterait de toutes les questions concernant le domaine des images et des sons. Cette commission proposerait une liste de cinq noms de candidats à la présidence de France Télévisions, laquelle serait examinée par le CSA, lui-même reconfiguré. Enfin, le Conseil d’administration de France Télévisions, lui aussi recomposé afin d’être plus représentatif, procéderait à l’élection de son président. Une telle formule serait mieux à même de respecter l’autonomie des entreprises publiques. Le Président de la République n’aurait pas le pouvoir de révocation, tant il est vrai que ce dernier ne saurait être utilisé que pour des fautes très graves, qui relèvent de la justice ordinaire.
Dans ces conditions, la loi organique n’a plus lieu d’être et nous en demandons la suppression, l’élection du président de France Télévisions étant mentionnée à l’article 8 du projet de loi ordinaire.
Pour le financement de France Télévisions, le constat est clair. Il est insuffisant dans la première période, de 2009 à fin 2011 : il faudrait 650 millions d’euros et l’État n’en apporte que 450 millions. De surcroît, il n’est pas pérenne puisque ses modalités ne sont pas précisées au-delà des trois ans, alors qu’une gestion responsable exigerait une garantie de recette induite par une redevance fixée à l’avance pour au moins dix ans, comme dans le cas de la BBC, où le montant indexé de la redevance est un pilier essentiel du contrat passé entre les citoyens, via le Parlement et l’opérateur public.
Au-delà de 2011, l’insuffisance du financement devient une béance et une menace majeure pour le périmètre de France Télévisions. Il faudra alors trouver un milliard d’euros – 830 millions d’euros pour la suppression de la publicité et 200 millions d’euros pour les programmes de remplacement. Il est dramatique que l’État mette ainsi en abîme la télévision publique. Précisons que la compensation actuelle des 450 millions d’euros proposée par l’Élysée coûtera bien plus cher que prévu au budget général, puisque la majorité de l’Assemblée nationale a déjà minoré les taxes assises sur la publicité des télévisions privées ainsi que sur les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès à internet, les FAI. De plus, ce financement doit encore être examiné par la Commission européenne, dont l’opinion reste incertaine. Comment le Gouvernement ose-t-il présenter un plan de financement aggravant dans d’aussi fortes proportions le sous-financement déjà récurrent de France Télévisions et pour lequel le Président de la République avait même envisagé une augmentation de la publicité ?
Nous avançons pour le financement trois propositions.
Première proposition : une augmentation de la redevance et sa modulation selon les revenus. C’est la seule authentique, significative et légitime mesure garantissant la pérennisation du service public. Le Premier ministre propose qu’une commission parlementaire et professionnelle soit créée pour étudier un produit de substitution à la redevance. Nous récusons ce projet, y compris la composition d’une telle commission. L’expérience de la commission Copé est suffisante pour ne pas être renouvelée. Les parlementaires représentent l’intérêt général. Ils doivent donc avoir la maîtrise de l’élaboration des solutions. Certes, ils doivent auditionner mais ils ne coproduisent pas la loi avec une partie des intéressés, notamment avec des lobbies industriels ou autres groupes de pression. Vous pourrez toujours, mes chers collègues, chercher dans la proposition du Premier ministre les syndicalistes, les artistes, les techniciens, les chercheurs et les représentants des téléspectateurs. Ils sont introuvables ! Mais il est vrai que cela devient une habitude…
La deuxième ressource financière proviendrait d’une taxe de 1 % sur la totalité des investissements publicitaires bruts dans et hors médias, à l’exception de ceux concernant le spectacle vivant, la presse écrite quotidienne, l’édition et le cinéma. Une telle taxe, assise sur une assiette de 32 milliards d’euros, rapporterait plus de 300 millions d’euros par an.
La troisième proposition serait de renoncer à la suppression de la part de publicité demeurant sur France Télévisions en 2012.
Mme Catherine Tasca. Bravo !
M. Jack Ralite. Dans une proposition de loi relative à l’audiovisuel du 22 avril 1999, que j’avais élaborée durant six mois de travail avec des personnalités représentatives et pluralistes, je soulignais, à l’article 6, l’importance d’un financement mixte du service public de la radio et de la télévision avec une composante publicitaire plafonnée et des clauses indiquant que les contrats pour la publicité ne pouvaient être fondés sur l’audience des émissions, comme c’était alors le cas, mais qu’ils devaient reposer uniquement sur des critères liés à l’heure de diffusion.
En ce qui concerne le pluralisme, que le projet de loi Sarkozy amollit et rétrécit, je reprends l’énoncé de la Déclaration des droits de la culture, prononcée au Zénith, en novembre 1987, devant 7 000 personnes, artistes et public. Le pluralisme est un élan qui s’impose, car rien ne vit qu’au pluriel : pluralisme de la culture dans l’espace et le temps de la nation, pluralisme des arts dont aucun n’est mineur quand rien ne le rapetisse, pluralisme des esthétiques et des techniques, des goûts et des couleurs, pluralisme qui ne vise pas au démembrement et au décloisonnement, pluralisme où chacun est soi en apprenant l’autre.
Pour la télévision proprement dite, l’article 4 de la proposition de loi stipulait que le pluralisme était au cœur des missions du service public qui doit, par une programmation généraliste – j’insiste sur ce point – et de qualité, tout à la fois « informer, cultiver et distraire » les publics les plus larges.
Quant à la politique de création, il faut la libérer de l’esprit des affaires qui, pour l’heure, l’emporte sur les affaires de l’esprit. Aujourd’hui, il faut en avoir conscience, tout un « beau monde » tire l’art vers le bas en le marchandisant à outrance, en le transformant en marques et produits, ce que Claude Lévi-Strauss, dont nous avons récemment fêté le centième anniversaire au musée du quai Branly, exprime dans Tristes tropiques par cette phrase terrible : « L’humanité s’installe dans la monoculture, elle s’apprête à produire la civilisation en masse comme la betterave. »
Comme il l’a écrit à sa ministre de la culture le 1er août 2007, Nicolas Sarkozy préfère répondre à la demande. Or la réponse à la demande, c’est la logique du marketing. Elle conduit à une politique au plafond bas, à l’opposé de l’exigence de Vilar d’« offrir aux gens ce qu’ils ne savent pas encore qu’ils désirent ».
Il faut savoir, comme le disait Man Ray, que « la différence entre les hommes politiques et les artistes, c’est que les artistes n’ont pas besoin de majorité ». De la même façon, le divertissement, le rire, le plaisir, l’intelligence, la science n’ont pas besoin de majorité. Ils doivent trouver leur place dans le cadre d’une télévision généraliste, une télévision qui ne rabote pas les savoirs et les créations sauvages.
Bien entendu, une politique de création doit comporter des obligations de production valables pour toutes les chaînes et tous les supports techniques de diffusion. Une politique de création doit s’entremêler aux innovations technologiques, d’où l’importance de la recherche dans le domaine audiovisuel comme avait su la créer Pierre Schaeffer, afin que la « belle numérique » – je le répéterai inlassablement dans cette assemblée –, qui passionne tant, se mêle à « la bête fabuleuse », comme André Breton nommait la création.
Évidemment, notre approche de la télévision ne se limite pas à ces quatre grands chapitres. Elle inclut d’autres considérations dont nos amendements proposeront la mise en droit, même si tout ne doit pas relever du droit pour être. Quoique... On peut se le demander dans un monde où les groupes privés ont souvent une loi d’avance, comme disait Robert Hersant, comme l’a montré la direction de TF1 pour le présent projet. Mais il faut faire confiance aux femmes et aux hommes qui assurent avec conscience et professionnalisme le service public, sans crainte de l’inconnu, mais redoutant à juste titre les formes formatées, surtout par un État et un Président omniscients et omniprésents.
Le contenu de la programmation doit-il être évoqué dans l’exposé des motifs et dans le cahier des charges ? On ne peut que craindre de la définition des programmes et des horaires par les dirigeants de l’État et des groupes. Sauf à célébrer les noces de l’étatisme et de l’affairisme ! Telle est « l’idéologie des affaires » qu’évoquaient voilà plus de trente ans Adorno et Horkheimer dans leur texte sur les industries culturelles.
Soyons francs, j’ai précisé quelle était mon orientation, mais je ne cache pas mes questionnements. Il n’y a rien de pire que d’avoir réponse à tout !
Première question : la société Orange, que nous avons reçue, nous a indiqué que l’Assemblée nationale avait voté un amendement lui retirant une exclusivité favorisant ses abonnements. Orange n’est pas contente ! Qui le serait à sa place ? À l’évidence, il y a derrière cela le lobbying de Vivendi et de Canal Plus France, qui, si le projet de loi est voté en l’état, recevront de gros cadeaux. Il y a une distorsion de traitement. Comment faire ? C’est la guerre économique des entreprises qui ne sont d’accord que contre les principes de régulation et contre les citoyens qui ne peuvent pas enfiler un dossard sur lequel est écrit « Je suis solvable, donc je suis! ». (Sourires.) Mais, en l’occurrence, la loi ne traite pas pareillement des entreprises que l’on pourrait qualifier, en utilisant la terminologie présidentielle, de « champions nationaux ».
Ces entreprises, jusqu’ici, ne dépendaient pas de la même régulation et n’avaient pas la même fonction : Vivendi et Canal Plus France étaient sur les contenus et Orange sur les contenants. Si la loi s’applique de manière identique à tous les acteurs, cela favorise Orange ; si elle ne s’applique pas à Orange, comme le prévoit l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, elle favorise seulement Vivendi et Canal Plus France.
On peut certes dire que ce sont les beautés du capital, mais il faudra bien, dans le cadre d’une responsabilité publique, trouver le moyen de résoudre cette contradiction qui a quitté l’esprit des lois pour créer une concurrence non libre et très faussée. C’est la quadrature du cercle. Et pourtant, tous les acteurs doivent vivre ensemble. Il faut donc prendre en compte l’intérêt général, que nous représentons, les citoyens, et non se réduire à un arbitrage entre des lobbies. Nous ne sommes pas encore à Bruxelles, où 25 000 fonctionnaires sont face à 17 000 lobbyistes. On voit que la démarche de Nicolas Sarkozy rencontre un butoir.
La deuxième question concerne le devenir numérique et intermédia de France Télévisions. Je préfère le mot intermédia à l’anglicisme global « média » qui envahit la langue gouvernementale.
Si la modernisation technique est un prétexte pour justifier l’entreprise unique et supprimer des chaînes, nous la refusons.
La modernisation technologique est nécessaire et elle fait partie des missions de service public, mais elle nécessite des investissements, de la recherche et de la formation, donc des moyens financiers. N’est-ce pas contradictoire avec la réduction des ressources programmées par le projet de loi ? Comment plaider pour une nouvelle politique industrielle en poursuivant dans les faits une mesquine démarche comptable ?
Troisième question : les producteurs ont passé un accord avec les auteurs et les télévisions sur les moyens dont ils veulent – et c’est légitime – pouvoir disposer. Ils déclarent que l’accord leur donne satisfaction.
Or, à la lecture de l’accord, on constate qu’ils ont demandé, et obtenu, plus d’augmentations d’obligations de production au service public et qu’ils ont concédé à TF1 une diminution des mêmes obligations de production. Une telle démarche tenaille tout lecteur un peu averti. En effet, elle n’est pas garantie puisque le contrat signé ne s’accompagne pas d’un financement pérenne du service public et qu’il favorise le secteur privé.
En vérité, le pouvoir ne voulait pas arbitrer et s’est défaussé sur les intéressés qui n’ont pas pris en considération l’ensemble du problème et se sont arrêtés à leurs seuls intérêts. Une fois encore, la loi ne fait que sanctifier un contrat particulier. Cela divise les hommes : il n’y a qu’à rencontrer les personnes qui travaillent à France Télévisions ou des auteurs pour s’en convaincre. Je préfère cette pensée de Paul Nizan « homme cherche homme » et que leurs singularités, ensemble, pensent debout.
Quatrième question : les personnels, tout comme la direction de France Télévisions, réclament la possibilité de produire en interne.
Certains poussent des cris parce qu’ils ont aujourd’hui un quasi-monopole. Mais la RAI sous Berlusconi, ZDF ou ARD sous l’alliance des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates, la BBC sous le thatchérisme ou le travaillisme blairiste, se sont toutes vu reconnaître leur droit de produire. Comment corriger avec sérieux cette situation en France ?
Cinquième question : il y a un différend sur la définition de l’œuvre patrimoniale. Les producteurs de documentaires veulent que soient considérés non seulement les documentaires de création, mais aussi des documentaires diffusés dans des émissions comme Thalassa, Des racines et des ailes ou Capital.
Il s’agit d’un problème complexe. On ne peut pas pour autant le rejeter d’un revers de main. Les documentaires de Cinq colonnes à la une sont aujourd’hui édités en DVD.
Je termine ce questionnement non exhaustif en évoquant un trou noir dans la présidence française de l’Union européenne, par ailleurs tartinée de louanges. En effet, le Président Sarkozy n’a pas pensé, ou pas voulu, favoriser l’organisation d’une rencontre de toutes les chaînes publiques européennes pour envisager la création d’un pôle public européen de l’audiovisuel et des médias afin de lutter contre la domination hollywoodienne de l’industrie des programmes.
L’esprit public en serait le cœur. Les intérêts privés y seraient associés, à partir d’un cahier des charges simple mais rigoureux dont le non-respect pourrait être sanctionné.
Une telle initiative aurait une autre stature, une autre solidité, une autre influence, une autre efficacité que cette quête éperdue, qui est menée depuis des années dans notre pays, de grands groupes champions nationaux. Lorsqu’ils ont pu aller jusqu’au bout de leurs possibilités, certains d’entre eux se sont soldés par un fiasco qui coûte encore très cher à nos concitoyens ; je pense à l’aventure de Jean-Marie Messier et au rachat de la MGM par le Crédit Lyonnais.
Il faut penser audiovisuel et médias en gardant présentes à l’esprit les références industrielles historiques et toujours ultramodernes d’Airbus et d’Ariane, qui tous deux ont damé le pion aux États-Unis. Il ne faut pas attendre l’après 2020, la prochaine présidence française de l’Union, pour y travailler.
En conclusion, je dirai que les lois Sarkozy présentent le défaut fondamental de traiter l’audiovisuel et les médias comme un monde fini alors que ce monde, comme la vie d’ailleurs, est ouvert à l’infini. Lorsque je dis « fini », c’est fini dans la situation actuelle, sous le règne provisoire de M. Sarkozy.
Déjà, le 18 mai 1857 – c’est un problème permanent – Flaubert écrivait : « Aucun grand génie n’a conclu et aucun grand livre ne conclut parce que l’humanité elle-même est toujours en marche et ne conclut pas. Homère ne conclut pas ni Shakespeare, ni Goethe, ni la Bible elle-même. »
L’histoire de la télévision n’est jamais écrite, un point c’est tout ! Il faut prendre au sérieux l’inachèvement. Or les lois Sarkozy fossilisent l’inachèvement alors que tout est processus, surtout en ces temps d’impétuosités financières et technologiques qui ne peuvent être considérées comme un fatum. Elles résultent des orientations néolibérales qui inspirent toute la politique sarkozyenne. Les lois Sarkozy se présentent comme un tout, un accomplissement définitif. Leur auteur n’aime que les « actes-puissances », les « actes-fins » et, en fait, ne rêve que de retour à l’ordre. C’est inscrit au cœur de sa loi : il veut une télévision pédagogique, culturelle, une « télé-école » s’adressant à des citoyens considérés comme des élèves, signifiant par là même que la véritable école serait la télé.
Et, en même temps, il veut une télé sans rivage, mais non sans mirage, parce que commerciale : la « télé-caddy ». On aurait ainsi une combinaison, dans la société que Sarkozy vit comme délitée, de deux lieux encore porteurs de « socialité » : le petit écran et l’hypermarché.
Le chercheur Pierre Musso écrit que « c’est couper la représentation du monde en deux en opposant l’État grand éducateur au marché libre et divertissant. Tel est le message subliminal, la dichotomie que ce projet de loi voudrait inscrire dans l’imaginaire populaire des téléspectateurs : tantôt vous êtes des citoyens que l’État éduque et surveille, tantôt vous êtes des consommateurs dont le marché se plaît à satisfaire les désirs ».
Bien évidemment, nous refusons cet État surveillant général de la consommation et de l’imaginaire populaire. Si on laissait faire, on courrait le risque de perdre un bijou de mémoire, illustré par cette vieille mais fulgurante maxime : « On noue les bœufs par les cornes et les hommes par le langage. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il me soit permis, une fois n’est pas coutume, de sortir quelque peu de la sphère politique et de vous dire qu’avant-hier soir, en même temps que des millions de Français, j’ai partagé, en famille et en direct, un moment particulier.
Moment particulier, tout d’abord, parce que cette soirée marquait le début d’une ère nouvelle pour le service public, « libéré » de la contrainte publicitaire. Beaucoup a déjà été dit sur le sujet, à tort ou à raison ; j’y reviendrai par la suite.
Moment particulier, surtout, parce que la télévision publique est revenue à sa vocation première de culture, d’information et de divertissement.
Plus libre, plus audacieuse, elle va désormais pouvoir prendre des risques, innover, miser sur de nouveaux programmes qui réservent une large part à la culture, à la création sous toutes ses formes, à la fiction, au documentaire, aux émissions historiques, à des programmes scientifiques, citoyens, ou encore à des programmes éveillant les esprits aux grands défis de notre temps, comme l’Europe ou le développement durable.
M. Jean-Luc Fichet. Avec quels moyens ?
Mme Catherine Dumas. Pour « inaugurer » la nouvelle grille, France 2 avait d’ailleurs fort judicieusement choisi, pour son prime-time de lundi dernier, un magazine de culture et de découverte qui illustrait et exploitait parfaitement les nouvelles possibilités ouvertes au service public.
M. David Assouline. Ça fait longtemps !
Mme Catherine Dumas. Moment particulier, enfin, parce que, avec cette nouvelle télévision publique, nous allons pouvoir éveiller l’intérêt du téléspectateur en promouvant la qualité des programmes, bien au-delà des schémas traditionnels dictés par les courbes d’audience et rythmés par la « sacro-sainte course à l’audimat ». (Mme Annie David s’exclame.)
Nombre d’entre nous, je n’en doute pas, ont vécu en direct ce même moment, lundi soir, à la fois tranche de vie quotidienne et moment important et, en quelque sorte, historique : historique, parce que les grandes réformes audiovisuelles sont rares ; important, parce que le poste de télévision occupe aujourd’hui une place considérable dans la vie de millions de nos compatriotes, qu’ils soient aisés ou non, ruraux ou citadins, du nord ou du sud.
Tout changement dans ce domaine implique donc un grand courage.
Du courage, notre assemblée n’en a jamais manqué sur ce sujet. Je souhaite rappeler que c’est grâce à l’impulsion décisive du Sénat, dans une volonté partagée tant par la droite que par la gauche, que l’une des dernières grandes transformations du paysage audiovisuel français a pu voir le jour : la télévision numérique terrestre, la TNT, a modifié en profondeur et considérablement élargi l’éventail de la télévision gratuite pour les Français en proposant à tous dix-huit chaînes accessibles en clair et sans abonnement supplémentaire.
Du courage, il nous en faudra encore, aujourd’hui, pour transformer le service public de l’audiovisuel et le moderniser afin qu’il réponde aux évolutions sociétales et technologiques, afin d’affirmer sa spécificité et de garantir sa qualité.
De courage, la présente loi en est empreinte, madame la ministre. C’est avant tout une grande réforme culturelle. Le service public sans publicité : la gauche en a longtemps rêvé, et c’est une nouvelle fois notre gouvernement qui le fait ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. C’est original !
Mme Catherine Dumas. Depuis que le Président de la République a annoncé, voilà quasiment un an, sa volonté de libérer la télévision publique de la publicité et de la dictature de l’audimat, un vaste débat s’est engagé.
Mme Catherine Tasca. « La dictature de l’audimat » ! Ce n’est pas possible…
Mme Catherine Dumas. Mais ce débat doit bel et bien se fonder sur des faits et non sur des procès d’intention. La réforme de l’audiovisuel public mérite, mes chers collègues, un réel débat de fond et non des postures politiciennes.
Parce qu’il touche à la télévision de tous les Français, qui s’invite chaque jour directement au cœur de millions de foyers et fait partie de leur quotidien et même de leur patrimoine culturel commun, ce débat mérite mieux, en effet, que des petites phrases, des polémiques et des indignations factices ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Et que faites-vous ?
M. Michel Boutant. Quelle superficialité !
Mme Catherine Dumas. Que propose réellement le projet de loi défendu par le Gouvernement ? Il vise à substituer à la logique aléatoire de la ressource publicitaire – dont tout le monde sait qu’elle pâtit aujourd’hui sévèrement de la crise –…
M. Jean-Pierre Sueur. La ressource aléatoire de TF1 !
Mme Catherine Dumas. … un financement public garanti, pérennisé et stable, dont le montant a été fixé par la commission parlementaire présidée par Jean-François Copé, dont je salue d’ailleurs le formidable travail.
L’État garantira donc à France Télévisions 450 millions d’euros par an pendant les trois prochaines années. C’est inscrit noir sur blanc dans la loi de finances pour 2009 que nous avons adoptée. Dans un contexte économique mondial contraint, tendu, voire très incertain, la garantie des recettes est un gage fondamental de sécurité pour l’audiovisuel public.
Je souhaite d’ailleurs insister sur le travail qui incombera aux commissions du Sénat pour, chaque année, surveiller l’utilisation de ces crédits, notamment par le biais d’un rapport dont l’élaboration pourrait être confiée au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et qui serait examiné par le Parlement dans le cadre de la discussion de la loi de finances. Les membres de la commission des affaires culturelles, dont je suis, seront, aux côtés de leur président Jacques Legendre, très attentifs à cette question.
Ce financement sera dynamique puisque indexé sur l’inflation, tout comme le sera désormais la redevance. Celle-ci reste l’une des plus basses en Europe – moins de 10 euros par mois –, et le Parlement, seul compétent pour fixer son évolution, devra se faire entendre afin que soit trouvé un équilibre, nécessaire, qui n’entame pas le pouvoir d’achat des Français.
Toujours à propos de la redevance audiovisuelle, il nous faudra certainement, à terme, engager une réflexion sur sa modernisation. À l’heure actuelle, son nom lui-même et sa présentation – elle est adossée à la taxe d’habitation – sont trop souvent source de confusion et d’incompréhension de la part du public en ce qui concerne à la fois sa nature, son fondement et son utilisation.
Pourquoi de tels moyens ? Pour que la télévision publique – et c’est là, mes chers collègues, le cœur, l’objet principal de cette réforme, ce qu’il ne faut pas perdre de vue – puisse retrouver la liberté, loin de la course à l’audience et de la pression de la publicité, la liberté d’être elle-même, différente, inventive, de prendre des risques et d’affirmer encore davantage sa spécificité et sa singularité. Cela passe par la création et la diffusion de fictions ambitieuses, de chefs-d’œuvre du patrimoine cinématographique, de programmes culturels comme du théâtre en direct une fois par mois, mais aussi par des émissions plus populaires et audacieuses comme Plus belle la vie, un programme qui, sur une chaîne privée, n’aurait jamais eu le temps de rencontrer son public et d’avoir le succès qu’il connaît aujourd’hui.
Sortons de la caricature facile : non, le Gouvernement ne fait pas de « cadeau » aux chaînes privées !
M. Michel Boutant. Si !
Mme Catherine Dumas. Le texte prévoit de taxer les recettes publicitaires de ces chaînes. Il faut en effet être bien conscient qu’aujourd’hui les télévisions privées, elles aussi, concourent fortement à la création audiovisuelle à travers leurs obligations de production.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Absolument !
Mme Catherine Dumas. C’est une spécificité française à laquelle nous tenons tous.
Ces obligations étant assises sur le chiffre d’affaires des chaînes, tout le monde a intérêt à ce que celles-ci soient en bonne santé. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.) C’est pourquoi, dans un contexte de crise, il fallait ouvrir les « fenêtres » publicitaires des chaînes privées en transposant la directive européenne « Services de médias audiovisuels » et en autorisant la seconde « coupure pub ».
La réglementation française est parmi les plus strictes, et nous savons que les circuits publicitaires qui sont à la disposition des annonceurs se sont diversifiés, ce qui remet profondément en cause les schémas publicitaires traditionnels.
Là encore, il était nécessaire d’agir pour que les investissements publicitaires ne se reportent pas vers le hors-média ou l’affichage, qui, eux, ne sont soumis à aucune obligation de production et dont la concurrence menace l’équilibre financier de notre audiovisuel public.
Désormais, la programmation de fictions longues permettra de mieux financer encore les programmes de création.
Non, mes chers collègues, le Gouvernement ne souhaite pas le retour à l’ORTF ! Le projet de loi prévoit que le président de France Télévisions, chargé de veiller aux missions de service public, sera désigné par un système de « triple autorité ».
M. Jean-Pierre Sueur. Et une grande autorité !
Mme Catherine Dumas. L’État le nommera après que le CSA y aura consenti, ainsi que – et cela nous concerne directement – la commission des affaires culturelles de chacune des deux assemblées. Nous allons donc, par ces mesures, gagner en transparence…
M. Jean-Pierre Sueur. Et en autoritarisme !
Mme Catherine Dumas. … et mettre fin à un système de nomination hypocrite.
Un Président de la République et un Gouvernement qui se donnent la possibilité d’aller chercher des personnalités de talent qui n’auraient peut-être pas pu se porter candidates avec l’ancien système ; un CSA qui devra donner un avis conforme ; des commissions parlementaires qui valident ce choix : peut-on sincèrement voir là la marque d’un quelconque totalitarisme ? Comment, en tout état de cause, le représentant du principal actionnaire pourrait-il ne pas avoir son mot à dire sur la nomination du président ?
Le texte qui nous est aujourd’hui soumis ne remet absolument pas en cause le « périmètre » de la télévision publique. Il vise même, en rénovant en profondeur l’organisation de la structure, à lui offrir les moyens de ses nouvelles ambitions.
Actuellement holding, France Télévisions va devenir une entreprise unique qui réunira différentes antennes. Ce nouveau statut lui permettra d’avoir une direction et une stratégie homogènes. Il permettra aussi d’alléger les contraintes de gestion qui pèsent sur les différentes chaînes afin que celles-ci puissent se recentrer sur l’activité de diffuseur de programmes, et de faire émerger des synergies entre les activités et les ressources humaines ou techniques des antennes.
Nous serons attentifs à ce que la transformation de France Télévisions en entreprise unique renforce l’identité des chaînes qui la composent : France 2, chaîne fédératrice de tous les publics ; France 3, chaîne de la proximité ; France 4, chaîne de la jeunesse et des nouvelles générations ; France 5, chaîne des savoirs et de la connaissance ; France Ô, chaîne des cultures d’outre-mer et de la diversité.
Nous veillerons également à ce que la transformation en entreprise unique garantisse l’indépendance et l’identité éditoriale des rédactions et conforte France Télévisions dans la poursuite de ses missions de service public.
Je tiens d’ailleurs à souligner que M. de Carolis, dès son arrivée à la tête de France Télévisions, s’est attaché à développer les synergies internes afin de construire un groupe plus cohérent, plus efficace, capable de tenir son rang face aux opérateurs privés et d’améliorer sans cesse la qualité et la spécificité de ses programmes.
Cette modernisation du fonctionnement du groupe, amorcée en interne bien avant les annonces du Président de la République, démontre toute la nécessité que revêtait la réorganisation de l’entreprise France Télévisions.
Enfin, mes chers collègues, et puisque le Sénat est le représentant des territoires au sein du Parlement, je tiens à rassurer ceux d’entre vous qui pourraient s’inquiéter du devenir de ce précieux vecteur d’information, voire de cohésion locale, que sont les antennes régionales de France 3.
Le projet de loi confirme en effet la vocation régionale de France Télévisions à travers la diffusion, y compris aux heures de grande écoute, de décrochages spécifiques et de programmes reflétant la diversité régionale, et grâce à l’information de proximité. Ainsi, les différentes antennes du groupe assureront plus que jamais la synthèse entre les différents niveaux d’information : national et international, régional et local.
Le développement régional de France 3 reposera sur la création de web TV, via internet, à partir des vingt-quatre bureaux régionaux d’information, sur l’instauration d’un décrochage régional au sein du dernier journal télévisé ainsi que sur le renforcement de l’offre régionale du 19-20.
C’est d’ailleurs sur ce point que je souhaite insister pour conclure mon propos : la capacité d’innovation du service public et la possibilité qu’ouvre cette réforme de véritablement inventer un nouveau service public de la communication audiovisuelle.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Qui peut le croire ?
Mme Catherine Dumas. À l’heure de la généralisation des nouvelles technologies, il faut en effet souligner que le service public a déjà fait beaucoup plus que le secteur privé pour le développement du « média global ». Il doit encore être encouragé dans cette voie et démontrer sa formidable capacité d’innovation, car c’est aussi sur ce terrain que se jouera l’avenir de l’audiovisuel.
Mes chers collègues, ce que propose, en définitive, le projet de loi, c’est une réforme globale et cohérente qui donne à l’ensemble du paysage audiovisuel les moyens de miser sur les contenus, leur qualité, leur originalité et leur accessibilité, et dont bénéficieront tous les téléspectateurs, c’est-à-dire tous les Français.
Nous avons devant nous un plan de réforme complet, sans précédent.
Comme l’a affirmé le président du Sénat, il est de notre responsabilité, mes chers collègues, que sur ce texte qui touche le quotidien de tous les Français dans leur diversité le Sénat fasse entendre sa voix et prenne toute sa part dans cette importante réforme.
Je souhaite d’ores et déjà préciser que, pour sa part, le groupe UMP aborde ce débat dans un esprit constructif, dans un esprit d’ouverture, et qu’il sera attentif aux contributions et amendements émanant de tous les groupes politiques, dans la mesure bien sûr où ils participeront à l’enrichissement du texte.
Madame la ministre, c’est un texte courageux et audacieux que vous défendez.
Mme Catherine Tasca. Elle ne l’a pas choisi !
Mme Catherine Dumas. Le projet de loi marque une réelle ambition pour le service public de l’audiovisuel. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP lui apportera tout son soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Conférence des présidents
Mme la présidente. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Jeudi 8 janvier 2009
À 10 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008 2009) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008 2009) ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Lundi 12 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Mardi 13 janvier 2009
À 10 heures :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 309 de M. Claude Biwer à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;
(Réforme de la formation professionnelle) ;
- n° 328 de M. Michel Teston à M. le secrétaire d’État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Réorganisation du réseau des CREPS) ;
- n° 334 de M. Jean-Pierre Godefroy à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ;
(Avenir de la profession d’avoué) ;
- n° 340 de Mme Anne-Marie Payet à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ;
(Suicides dans les prisons) ;
- n° 346 de Mme Odette Herviaux à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Avenir de l’école de police de Vannes) ;
- n° 347 de M. Ivan Renar à Mme la ministre de la culture et de la communication ;
(Avenir de l’Agence France-Presse et de son statut) ;
- n° 348 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de la défense ;
(Nuisances sonores causées par le survol d’avions militaires) ;
- n° 349 de M. Francis Grignon transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Hausse des prix du bois) ;
- n° 352 de M. Michel Billout à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Plan d’urgence pour améliorer la desserte de la plate-forme de Roissy-en-France) ;
- n° 353 de M. Richard Yung à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation ;
(Amélioration du système des brevets en Europe) ;
- n° 355 de M. Hubert Haenel à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Conséquences du règlement OSP) ;
- n° 356 de M. Roger Madec à Mme la ministre du logement et de la ville ;
(Financement par l’agence nationale pour la rénovation urbaine de la cité Edmond Michelet, à Paris (19ème)) ;
- n° 360 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ;
(Devenir des écoles de reconversion professionnelle de l’ONAC) ;
- n° 362 de M. Roland Ries à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ;
(Avenir du palais de justice de Strasbourg) ;
- n° 363 de M. Rémy Pointereau à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
(Imposition des emprises militaires dans le département du Cher) ;
- n° 364 de Mme Marie-France Beaufils transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Indemnisation des sinistrés de la sécheresse) ;
- n° 367 de M. Yannick Bodin à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
(Plate-forme hospitalière du sud de la Seine-et-Marne) ;
- n° 371 de Mme Anne-Marie Escoffier transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Sanction des dépassements de vitesse) ;
Ordre du jour prioritaire :
À 16 heures et le soir :
2°) Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Mercredi 14 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Jeudi 15 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Éventuellement, vendredi 16 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Mardi 20 janvier 2009
Ordre du jour réservé :
À 16 heures :
1°) Proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, présentée par Mme Brigitte Gonthier Maurin et les membres du groupe CRC-SPG (n° 147, 2008 2009) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 19 janvier 2009) ;
- au lundi 19 janvier 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements) ;
2°) Proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, présentée par M. Laurent Béteille (n° 31, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 19 janvier 2009) ;
- au lundi 19 janvier 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements) ;
Le soir :
3°) Question orale européenne avec débat n° 3 de M. Hubert Haenel à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes sur les enseignements de la Présidence française de l’Union européenne ;
(La discussion de cette question orale européenne s’effectuera selon les modalités prévues à l’article 83 ter du Règlement.
À la suite de M. Hubert Haenel, Président de la commission des affaires européennes, auteur de la question, interviendront M. Josselin de ROHAN, Président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un orateur par groupe (10 minutes), puis le Gouvernement).
Mercredi 21 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
1°) Sous réserve de sa transmission au Sénat, projet de loi de finances rectificative pour 2009 (A.N., n° 1359) ;
2°) Sous réserve de sa transmission au Sénat, projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés (Urgence déclarée) (A.N., n° 1360) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune ;
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 19 janvier 2009) ;
- au lundi 19 janvier 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes).
Jeudi 22 janvier 2009
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2009 et du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Éventuellement, vendredi 23 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite de l’ordre du jour de la veille.
Mardi 27 janvier 2009
À 10 heures :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 286 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Charge des véhicules routiers) ;
- n° 303 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;
(Conditions de gestion des aides directes à l’agriculture) ;
- n° 314 de Mme Fabienne Keller à M. le ministre de la défense ;
(Devenir de l’établissement public d’insertion de la défense) ;
- n° 336 de M. Alain Dufaut à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Réalisation de la liaison est-ouest d’Avignon) ;
- n° 350 de M. Michel Houel à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
(Maladie rare et reconnaissance de handicap) ;
- n° 357 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Vote électronique) ;
- n° 358 de Mme Esther Sittler à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Application de l’article 57 de la loi n° 2006-1772 sur l’eau et les milieux aquatiques) ;
- n° 361 de M. Alain Gournac à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
(Bruit à l’hôpital) ;
- n° 365 de M. François Patriat à M. le Premier ministre ;
(Avenir du grand prix de France de formule 1) ;
- n° 366 de M. François Rebsamen à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Projet de création d’un « Pôle national de la statistique publique ») ;
- n° 368 de M. Martial Bourquin à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Réouverture de la ligne ferroviaire Belfort-Delle) ;
- n° 369 de M. Roland Courteau à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Réglementation applicable au petit éolien) ;
- n° 370 de M. Yves Détraigne à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
(Modification de l’instruction comptable relative aux services publics industriels et commerciaux) ;
- n° 372 de M. Alain Fauconnier à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ;
(Fermetures de tribunaux dans le département de l’Aveyron) ;
- n° 374 de Mme Alima Boumediene-Thiery à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;
(Accès aux soins, au logement et aux prestations sociales des « vieux migrants ») ;
- n° 375 de M. Jean-Pierre Michel à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
(Difficultés d’application de la loi handicap par les communes) ;
- n° 376 de Mme Claudine Lepage à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;
(Avenir des comités consulaires pour l’emploi et la formation professionnelle) ;
- n° 377 de M. Éric Doligé à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Redevance domaniale acquittée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes) ;
Ordre du jour prioritaire :
À 16 heures et le soir :
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (n° 42, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 26 janvier 2009) ;
- au jeudi 22 janvier 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements).
Mercredi 28 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures :
1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;
Le soir :
2°) Débat et votes sur les demandes du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées :
- en République de Côte-d’Ivoire,
- au Kosovo,
- au Liban,
- et en République du Tchad et en République centrafricaine (Opération EUFOR d’une part, et opérations Boali et Epervier d’autre part), en application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution ;
(La conférence des présidents :
- a accordé un temps de parole de 15 minutes au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des Forces armées ;
- a fixé à 15 minutes le temps attribué à chaque groupe, la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de 5 minutes ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 16 heures, le mardi 27 janvier 2009.
Le vote sur chaque demande d’autorisation donnera lieu à un scrutin public ordinaire).
Jeudi 29 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Éventuellement, vendredi 30 janvier 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Mardi 3 février 2009
À 10 heures :
1°) Questions orales ;
Ordre du jour prioritaire :
À 16 heures et le soir :
2°) Suite éventuelle du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;
3°) Projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (Urgence déclarée) (n° 501, 2007-2008) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 2 février 2009) ;
- au lundi 2 février 2009, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements).
Mercredi 4 février 2009
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.
À 18 heures :
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes.
Jeudi 5 février 2009
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Suite du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
9
Communication audiovisuelle
Nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public
Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu’à l’issue de la discussion générale commune à ces deux textes, nous examinerons successivement les trois motions portant sur le projet de loi organique, puis les trois motions portant sur le projet de loi ordinaire.
Nous aborderons ensuite l’examen des articles du projet de loi organique, sachant que le Gouvernement a accepté d’inverser l’ordre initial de discussion prévu pour les deux textes. Le vote sur l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi organique sera réservé jusqu’à l’adoption du projet de loi ordinaire.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande aujourd’hui de nous prononcer sur un projet de loi dont une partie est déjà entrée en application. Cette conception de la démocratie et du fonctionnement de la République n’est pas convenable. Nous venons de voter le renforcement du rôle du Parlement, mais que pensent celles et ceux qui hier ont voté la réforme constitutionnelle en toute sincérité et qui constatent aujourd’hui l’affront – il n’y a pas d’autre mot – qui est fait au Sénat par ce coup de force ? Il s’agit là de pratiques dépassées qui jettent un discrédit sur le Parlement, sur les parlementaires et sur toute la classe politique. Je tenais à le dire solennellement au nom de l’ensemble du groupe du RDSE.
J’en viens au projet de loi relatif à la communication audiovisuelle. Ce texte, qui compte deux parties, l’une concernant la réorganisation de France Télévisions, l’autre son financement et la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, nous inspire, madame la ministre, des positions nuancées.
Nous sommes favorables sans aucune ambigüité à la transformation en une entreprise publique unique de France Télévisions, parce que cela va lui permettre d’affronter la concurrence mondiale, de relever les défis technologiques et économiques auxquels le monde audiovisuel est confronté.
Tout cela a été largement dit et développé par les rapporteurs – je les félicite pour la qualité de leur travail – et les différents orateurs qui m’ont précédé. Par conséquent, je ne vous infligerai pas une analyse supplémentaire.
Nous sommes également favorables à la suppression de la publicité comme source de financement public. Nous formulerons cependant une remarque : la publicité est, qu’on le veuille ou non, une autre forme de culture, qui est entrée dans le paysage audiovisuel et dans nos mœurs.
Enfin, nous sommes favorables à l’existence d’un secteur privé à côté d’un secteur public, parce que nous pensons que la concurrence est stimulante.
Mais, pour que cette concurrence soit réelle et fructueuse, il est nécessaire que les deux secteurs soient sur un même pied d’égalité financier, et c’est là que le bât blesse dans le projet de loi qui nous est soumis.
Il nous est proposé une aide publique de 450 millions d’euros et la création de deux taxes, l’une assise sur les recettes publicitaires des autres chaînes, l’autre sur les opérateurs de communications électroniques.
À ce propos, madame la ministre, mes chers collègues, je m’interroge sur l’urgence qu’il y a à prélever 450 millions d’euros sur un budget dont le déficit serait déjà de 57 milliards d’euros. Je m’interroge également sur la nécessité et l’urgence de créer deux taxes supplémentaires sur les opérateurs, en pleine crise économique avec une croissance en panne. Je ne sais pas si cela favorisera la relance.
Je m’interroge enfin – cela a été évoqué, me semble-t-il, par M. Retailleau et je partage ce sentiment – sur l’opportunité d’imposer aux opérateurs électroniques une taxe supplémentaire alors que les collectivités locales et l’État vont leur demander des investissements supplémentaires.
Mais ce qui nous préoccupe essentiellement, c’est la pérennité du financement du service public de l’audiovisuel. Or le texte qui nous est soumis ne garantit pas la pérennité de ce financement. Il semble certes assuré jusqu’en 2011. Mais qu’en sera-t-il après ? Nous ne le savons pas.
Nous pensons et nous réaffirmons avec force que la redevance doit être l’outil principal, naturel, du financement du service public audiovisuel. C’est elle qui peut assurer le mieux son autonomie et permettre à la télévision publique une pérennité sur le long terme. Le texte qui nous est proposé ici précarise la ressource et rend plus incertain le développement de l’audiovisuel public.
Enfin, madame la ministre, mes chers collègues, je ne me lancerai pas dans une longue réflexion sur les conditions de nomination des présidents. La méthode proposée est un choix qui a le mérite de la clarté dans la prise de décision, c’est incontestable.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jean-Pierre Plancade. Bien sûr, ces nominations sont entourées d’avis conformes ou simples du CSA, des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. Mais, quand on observe ce qui se passe en Allemagne, en Grande-Bretagne et même en Espagne et en Italie, on s’aperçoit que la démarche choisie n’est pas celle d’une démocratie authentique, qu’elle ne garantit pas la liberté intellectuelle nécessaire à une démocratie moderne.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Pour toutes ces raisons, madame la ministre, mes chers collègues, la majorité du groupe RDSE ne votera pas ce texte dans l’état où il nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous dire à mon tour notre indignation devant le procédé choisi par votre gouvernement pour contourner le Parlement, en soustrayant du projet de loi la mesure présentée depuis un an comme l’élément phare de votre réforme : la suppression de la publicité.
C’est, à l’égard du Sénat, une véritable offense qui en dit long sur votre respect du Parlement. Non contente de décréter l’urgence qui n’autorise qu’une seule lecture, vous vous passeriez sans doute volontiers de l’examen au Sénat, en contradiction flagrante avec les beaux discours sur la récente révision constitutionnelle. Cela ne sera pas sans conséquence sur les relations futures entre l’exécutif et le Parlement.
Point n’est besoin de revenir sur la « philosophie » qui a inspiré l’annonce du 8 janvier 2008 et qui guide aujourd’hui votre projet de loi. Nombreux sont les parlementaires de l’opposition – certains aussi au sein de la majorité – à l’avoir clairement décryptée et dénoncée.
L’écran de fumée de la commission Copé a fait long feu, des participants de bonne volonté ont d’ailleurs déchanté et ont, à ce jour, le sentiment légitime d’avoir été leurrés.
Après ce simulacre de concertation, après le dépôt par plusieurs députés de votre majorité d’amendements qui ont déséquilibré un peu plus encore le texte original aux dépens de l’audiovisuel public et après la ferme « invitation » faite à Patrick de Carolis de décréter lui-même la fin de la publicité, parce que le Parlement refusait de se plier au délai que vous lui imposiez, quelle place reste-t-il, madame la ministre, pour le débat parlementaire au Sénat, pour engager un débat démocratique sur un sujet aussi fondamental que l’audiovisuel public, qui touche au droit à l’information, à la liberté d’expression et de création ?
Il ne suffit pas de se parer des plumes de la « modernisation » et de proclamer « une grande ambition culturelle » pour farder la vraie nature de votre réforme, qui, à mon sens, n’a d’autre objectif et n’aura d’autre résultat que de conduire à un affaiblissement très important et durable de l’audiovisuel public, que vous privez justement des moyens nécessaires à sa modernisation et à son développement.
Avec votre réforme, vous commettez une double faute, économique et démocratique, en imposant à l’audiovisuel public un double assujettissement : tout d’abord, une sujétion financière en le maintenant dans une situation de sous-financement alors que, dans le même temps, vous fournissez des ressources accrues au secteur privé et, ensuite, une sujétion politique en voulant placer la nomination de ses dirigeants dans les mains du seul Président de la République, en les rendant ainsi redevables.
C’est la sujétion politique qui inquiète le plus tous les démocrates de ce pays, attachés à un service public indépendant. La suppression de la publicité sur les chaînes publiques était, pour vous, une trop belle occasion d’opérer une révision politique de fond et le spectaculaire retour en arrière que constitue la nomination directe par le Président de la République des présidents de France Télévisions, mais aussi de Radio France et de la société Audiovisuel extérieur de la France. Vous rompez de la sorte avec l’ambition née au début des années quatre-vingt, sous l’impulsion du président Mitterrand, et qui semblait depuis faire largement consensus, de mettre l’audiovisuel public à distance du pouvoir politique.
C’est ainsi que la nomination des présidents des chaînes était confiée à une autorité indépendante, garante du pluralisme et de la diversité. Sur ce sujet, je veux tout de suite devancer vos arguties.
Vous faites si peu confiance à vos propres arguments que vous et votre ami Frédéric Lefebvre êtes allés exhumer mes propos dans des articles de presse, certains vieux de près de vingt ans ! C’est trop d’honneur que vous me faites, mais vous oubliez que, si la pensée est libre et la réflexion nécessaire en politique, seuls les actes comptent. Or, jamais les gouvernements de gauche auxquels j’ai eu l’honneur d’appartenir n’ont osé un tel retour en arrière à l’autorité quasiment monarchique et jamais ils n’ont remis en cause le rôle de l’instance indépendante de régulation, comme vous le faites aujourd’hui ! Madame la ministre, ayez le courage de vos propres arguments !
Qui croyez-vous convaincre lorsque vous présentez cette régression comme vertueuse, parce qu’elle lèverait une hypocrisie, le CSA ayant trop souvent agi, selon vous, sous l’influence du politique ? Si tel est votre diagnostic, que n’avez-vous proposé une réforme des missions et de la composition du CSA !
Votre empressement à lutter contre les hypocrisies demeure tout relatif.
La première de vos hypocrisies est le refus de décompter le temps de parole présidentiel, dont chacun constate qu’il ne joue pas en faveur du pluralisme compte tenu de l’usage quotidien des médias que fait l’actuel locataire de l’Élysée.
La deuxième hypocrisie est de prendre prétexte d’un système de nomination insatisfaisant, le CSA agissant, selon vous, sous l’influence du politique, après que votre majorité a nommé à sa tête, comme président – il vient d’ailleurs d’afficher sa solidarité avec vous sur ce projet de loi – un ancien directeur de cabinet d’un ancien Premier ministre issu de vos rangs.
La troisième hypocrisie consiste à légaliser des relations incestueuses entre le politique et le médiatique plutôt que de réformer un système dont chacun reconnaît qu’il demande à être amélioré, renforcé et démocratisé. Nous faisons mal, alors faisons pire !
Plus qu’un renoncement, c’est une faute politique, démocratique, morale même, que vous commettez et qui justifie l’opposition résolue qui est la nôtre.
Voyons un peu les faux-nez dont vous habillez cette régression.
Le premier d’entre eux est l’avis conforme du CSA, dont la composition résulte intégralement de nominations par des autorités appartenant à un seul et même parti, le vôtre.
Madame la ministre, par quel miracle le CSA, aujourd’hui suffisamment suspect, à vos yeux, pour justifier que lui soit retirée la compétence de nommer le président de France Télévisions, deviendrait-il demain une autorité suffisamment vertueuse et indépendante pour que son avis conforme soit garant d’une nomination incontestée ?
Un autre faux-nez est le vote qualifié des deux tiers des commissions des affaires culturelles des deux assemblées, niveau que la gauche n’a jamais été capable d’atteindre, à notre grand regret, au cours de la ve République – le mode de scrutin du Sénat n’y est d’ailleurs pas étranger – et qui fera du Parlement plus une chambre d’enregistrement des desiderata du Président qu’un pouvoir de contrôle.
En conséquence, nous sommes très loin de la modernisation qui prétendait guider la révision constitutionnelle.
Madame la ministre, votre réforme opère ce que nul autre pays européen ni aucun autre pays libre et démocratique n’avait osé entreprendre : mettre dans les mains du seul Président de la République la nomination et la révocation des présidents de l’audiovisuel public. L’audiovisuel public dans la main du pouvoir politique s’apparentera désormais davantage à une radio et une télévision d’État qu’à un service public.
Faut-il vous rappeler que le service public est non pas un instrument du pouvoir, mais un outil au service de l’intérêt général ? Pour nous, l’audiovisuel public est un bien commun de tous les citoyens dont l’État a le devoir de respecter et de garantir l’indépendance et la solidité, tout le contraire de ce que vous projetez d’en faire.
Maintenir et renforcer un organe indépendant d’arbitrage et de contrôle au cœur du dispositif de nomination est un impératif démocratique et constitutionnel. Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel, par une décision du 26 juillet 1989, fait de la nomination des présidents de l’audiovisuel public par une autorité administrative indépendante une « exigence de caractère constitutionnel » « afin d’assurer l’indépendance des sociétés nationales […] et de concourir ainsi à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Que pensera le Conseil constitutionnel de votre dispositif ?
Pour intéressantes qu’elles étaient – je me dois de parler au passé –, les propositions de la commission Copé sur cette question restaient insuffisantes, n’évoquant pas la question centrale de la composition du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Le mode actuel de nomination de ses membres n’offre pas les garanties du pluralisme et de la diversité. Il faut donc le réformer.
J’en viens au financement, qui, à mon avis, est la tare majeure de cette réforme.
Pourquoi ne pas envisager la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ? C’est du domaine du possible, mais à la condition expresse d’assurer effectivement le remplacement intégral et pérenne des ressources ainsi supprimées et un financement accru pour couvrir toutes les nouvelles missions que vous prétendez leur assigner. Faute de quoi, votre réforme est un mauvais coup pour l’économie de l’audiovisuel public.
Or vous savez bien que vous ne garantissez rien de tout cela, puisque la droite n’a pas su créer, après six ans de gestion, le contexte économique favorable qui aurait permis à notre budget d’accompagner la réduction, voire la fin de la publicité.
Le plus étonnant avec cette majorité qui place toujours l’économie au premier rang de ses objectifs, c’est qu’elle fait une réforme qui, depuis un an, déstabilise complètement l’économie de l’audiovisuel public et, à travers lui, tout le secteur audiovisuel, et ce au mépris non seulement des intérêts du secteur public, mais aussi des évolutions du secteur privé. Votre « solidarité » avec les grandes chaînes vous aveugle.
Les taxes nouvelles que vous proposez d’instaurer ne résolvent en rien cette équation financière. Déjà réduites de moitié par les députés de la majorité, elles ne permettent que des rentrées aléatoires et placent ainsi l’audiovisuel public dans une situation de sous-financement chronique, d’insécurité financière accrue et de dépendance budgétaire totale.
Au-delà, c’est même la philosophie de ces taxes qui pose problème : comment souscrire à l’idée selon laquelle le financement de France Télévisions devra désormais dépendre de la bonne santé publicitaire et financière de ses concurrentes privées ? Comment ne pas voir combien il est anachronique d’aller rechercher le financement de l’audiovisuel public auprès de la nouvelle économie numérique ?
Cela témoigne de votre part d’une réelle cécité face aux révolutions majeures et durables qui se jouent dans l’un comme dans l’autre de ces secteurs et dont votre projet de loi ne prend aucunement la mesure. Preuve supplémentaire de cette erreur économique, votre projet de loi fait l’impasse totale sur la TNT et la situation spécifique des dix-huit chaînes gratuites qui constituent pourtant une innovation positive du PAF. Comment pouvez-vous leur appliquer la même imposition qu’aux chaînes historiques, au risque de les étouffer dans l’œuf ?
De même, vous faites l’impasse complète sur les télévisions locales, toutes en situation de grande fragilité. Erreur économique ou, là encore, volonté de favoriser les grandes chaînes privées ?
En l’absence d’un financement garanti au-delà de 2011, on voit mal, madame la ministre, comment France Télévisions pourra remplir sans difficulté ses différentes missions et comment il lui sera possible d’assumer les conséquences financières de l’entreprise unique et multimédia qu’elle a vocation à devenir. À cet égard, je dirai un mot de cette transformation.
Les missions de l’audiovisuel public requièrent certes une coordination, une cohérence, un projet commun, et de ce point de vue le principe de l’entreprise unique est juste. Il s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement d’une dynamique que nous avions engagée avec la création de la holding par la loi du 1er août 2000. Mais les objectifs de diversité et de pluralisme exigent tout autant une multiplicité des centres d’initiative, une diversification des interlocuteurs face aux créateurs et producteurs et des offres de programme différenciées pour toucher les différents publics. C’est ce à quoi tendaient à répondre la multiplication et la diversité éditoriale des chaînes du service public de l’audiovisuel.
Or on ne trouve pas, dans ce texte, la garantie nécessaire de cette diversité, au-delà des protestations de pure forme, car vous vous gardez bien d’énumérer les antennes avec leurs spécificités. De plus, l’amendement n° 615 de MM. Kert et Lefebvre reste une pétition de principe fort peu convaincante. Il reviendra aux professionnels de France Télévisions et non à l’État de traduire cette nécessité de diversité dans l’organisation interne de l’entreprise.
Le financement de l’audiovisuel public est à l’évidence l’une des principales clés de son indépendance. La redevance, qui offre le double avantage de la stabilité des recettes et la transparence de leur affectation, reste, à cet égard, un levier précieux – le seul ! – que vous refusez pourtant d’actionner. Son indexation sur l’inflation, qui avait levé un certain espoir, était le minimum que vous puissiez faire, mais c’était sans compter sur votre volonté farouche de réduire le financement de l’audiovisuel public à peau de chagrin. J’en veux pour preuve l’absence de mesure de rattrapage du niveau de la redevance après six années de gel.
Ici même, lors de l’examen du collectif budgétaire, la commission des affaires culturelles, bravant tous les arguments dilatoires, a réussi à faire adopter sur toutes les travées un petit ajustement pour améliorer, dès 2008, le socle de la redevance. Hélas, la commission mixte paritaire y a mis bon ordre.
De plus, les recettes supplémentaires créées par l’indexation ne contribueront pas, semble-t-il, à accroître la compensation de la perte des recettes publicitaires. Comment ce maigre surplus viendra-t-il renforcer le budget de 2009 et comment, à l’avenir, l’augmentation résultant de l’indexation parviendra-t-elle au budget de France Télévisions ?
C’est clair : désormais l’audiovisuel public dépendra largement du budget de l’État.
Pour conclure, madame la ministre, je veux évoquer la dimension « culturelle » de votre projet.
D’une main, vous exigez « plus de culture » du service public, largement décrié par votre majorité en certaines occasions, sans lui en donner les moyens, au risque de l’enfermer dans une mission réductrice, au risque aussi de rompre l’équilibre difficile, mais que nous avons toujours défendu, entre chaînes publiques et chaînes privées, équilibre qui, pour les citoyens, est la meilleure garantie de liberté et de qualité des programmes.
De l’autre main, vous opérez un transfert considérable de ressources au profit du privé, vous libérez la publicité avec la deuxième coupure et le passage à l’heure d’horloge, et vous élevez les seuils de concentration. C’est vraiment beaucoup...
Vous n’avez guère d’égards pour le « mieux-disant culturel », que vos amis politiques ont si bien vendu en 1986, puisque vous exonérez de plus en plus les chaînes privées de leurs engagements culturels. Je crains que les créateurs et les producteurs, aujourd’hui rassurés par les accords signés avec les chaînes, ne passent de fait un marché de dupes. Demain, avec un audiovisuel public mis sur le flanc, vers qui pourront-ils se tourner pour que vive ce à quoi nous tenons : une création ambitieuse, diverse, indépendante ?
Votre réforme ouvre une ère très sombre pour le paysage audiovisuel français et pour tous les salariés de ce secteur. C’est pourquoi nous la combattons et nous espérons bien que ce texte sortira réellement modifié des débats au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, tant de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle que de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. C’est cette dernière qui a autorisé les collectivités territoriales à établir et à exploiter des réseaux de télécommunications pour pallier l’insuffisance de l’offre privée.
En effet, les élus des territoires ruraux, des territoires de montagne savent ce qu’il en coûte, en termes de développement économique, de dynamisme, d’accès aux services et à la culture, d’être dépourvu d’accès au haut débit ou – car le problème est identique – d’habiter, de travailler dans une « zone blanche » en téléphonie mobile.
L’intervention de la puissance publique est donc nécessaire pour accélérer les connections, favoriser le dégroupage et permettre le développement de la concurrence, condition indispensable pour bénéficier de prix raisonnables.
Cette fracture géographique est-elle en passe de se résorber ? La réponse est ambivalente, surtout dans nos territoires de montagne et dans les zones frontalières. Il est toutefois certain que l’amélioration constante des technologies brouille la donne, puisque la question sera bientôt posée non plus en termes quantitatifs, mais en termes strictement qualitatifs. On se préoccupera de savoir non plus combien de pourcentage du territoire ou de la population ne sont toujours pas couverts ou connectés, mais à quel type de technologie ils le sont et pour quels services offerts.
La fracture, comme sa taille, est, me semble-il, un problème non pas absolu, mais essentiellement relatif qui sépare ceux de nos concitoyens ayant un accès aux technologies les plus innovantes de ceux qui restent à la traîne.
Selon moi, deux facteurs doivent être pris en compte.
Le premier est strictement économique. L’innovation numérique a un coût, lequel, lorsqu’on additionne tous les postes budgétaires, peut devenir un obstacle pour un ménage et même pour une PME.
On rejoint là une problématique classique de la pauvreté entendue, là aussi, de manière relative et non absolue : alors même que, globalement et statistiquement, l’offre de technologies de l’information et de la communication, TIC, se diversifierait, les flux augmenteraient, l’usage se répandrait, la fracture numérique, loin de se résorber, se maintiendrait, voire s’aggraverait, tout simplement parce que le développement profiterait plus à certaines couches de la société qu’à d’autres.
Le second facteur est sociétal. Il n’est évidemment pas totalement déconnecté du niveau des revenus, mais il ne l’épouse pas exactement, loin s’en faut.
Offrir à chaque citoyen la même possibilité réelle d’accès au numérique en particulier, aux TIC au sens large, est indispensable pour permettre à la France de s’inscrire dans l’ambition de l’Union européenne de développer une économie de la connaissance. C’est le gage d’un partage égal et équitable du savoir, et donc l’assurance d’un fonctionnement démocratique du pouvoir.
Comme vous le savez, à l’occasion de son 24e congrès, le 24 octobre 2008 à Saint-Flour, l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, à laquelle nombre de sénateurs appartiennent, a voté une motion sur le développement de la TNT et la couverture numérique audiovisuelle du territoire.
Par cette motion, elle demande « la constitution immédiate avec les élus de la montagne d’un groupe de travail conjoint avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel, CSA, pour analyser avec précision le calendrier et les conséquences du basculement prochain de l’analogique vers le numérique ».
Certains amendements que je serai amené à défendre traduiront cette inquiétude majeure des élus de montagne concernant la couverture du territoire.
Il nous faut par ailleurs être en mesure de déterminer et d’anticiper la situation et les coûts du passage au numérique pour les foyers situés dans des territoires n’ayant d’autres recours que le satellite pour la réception de la télévision.
Aussi deux questions sont-elles fondamentales pour l’ANEM : établir non seulement une cartographie précise et motivée de ces territoires, mais également une grille de coût du partage pour le passage au numérique par voie satellitaire.
Plus précisément, dès lors que les trois chaînes peuvent escompter une économie de coûts de diffusion, la question qui se pose est la suivante : hors personnes éligibles au fonds d’aides pour l’acquisition et l’installation d’une réception satellitaire numérique gratuite, quelle est la part supportée par les chaînes et celle qui est supportée par les téléspectateurs des zones non reconduites en couverture hertzienne ?
Il est important d’anticiper la réponse pour nos territoires. Le coût est en effet le premier élément mis en avant par les personnes – entre 8 % et 20 % – que le passage au numérique peut laisser sceptiques !
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Pierre Hérisson. Le coût d’une réception satellitaire est actuellement dix fois plus élevé que celui d’une réception hertzienne traditionnelle avec achat d’un simple adaptateur.
Il convient que le Gouvernement se saisisse de ces problématiques concrètes parallèlement aux discussions menées entre l’ANEM, le CSA et les chaînes de télévision historiques.
Qu’il me soit permis de conclure mon propos par un vœu puisque la période s’y prête parfaitement : je souhaite que l’on puisse affirmer résolument que l’innovation numérique peut profiter à tous ; je suis convaincu que nous trouverons la solution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs, le Moyen-Orient est à feu et à sang, la crise appelle la mobilisation de toutes les énergies, l’approvisionnement en gaz russe est « sous tension », le Grenelle est renvoyé de mois en mois comme s’il n’y avait pas péril, les caisses sont vides et, nous, nous allons débattre en urgence du renoncement à une recette privée qui profitait à un outil public, outil dont le développement est dès aujourd’hui hypothéqué par la fragilité de son budget.
Quelle clairvoyance !
Le 17 décembre, à l’Assemblée nationale, madame la ministre, vous avez déclaré : « La réforme sera mise en œuvre dès le 5 janvier prochain avec la suppression de la publicité. » Mais que faisons-nous ici, quarante-huit heures plus tard ?
Un an après que le Président eut exprimé ses intentions inédites de supprimer la publicité des écrans de l’audiovisuel public, et quelques jours après que les chaînes concernées eurent mis en œuvre ce dispositif contraintes et forcées, vous voici, madame la ministre, devant la Haute Assemblée bafouée, mise devant le fait accompli de décisions déjà appliquées. C’est dire le peu de crédit que l’on peut accorder à la prétendue revalorisation du rôle du Parlement !
Six ans après l’année Victor Hugo au Sénat, nous saurons nous inspirer de ce grand républicain qui, à propos d’un autre Sénat, rappelait le mépris que lui vouait Napoléon : « De quel sénat parlez-vous ? […] Est-ce du sénat dont Napoléon disait le 5 avril 1814 : “Un signe était un ordre pour le Sénat, et il faisait toujours plus qu’on ne désirait de lui” ? Est-ce du sénat dont le même Napoléon disait en 1805 : “Les lâches ont eu peur de me déplaire” ? »
Madame la ministre, les temps ont changé ! Malgré la curieuse installation du trône de l’Empereur dans la Salle des conférences, nous allons débattre et nous battre. Le Sénat vous montrera, comme il a su le faire pour certaines décisions scélérates, qu’il est source de résistance et d’exigences démocratiques, en particulier quand il s’agit d’un bien commun comme l’audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Catherine Tasca. Bravo !
Mme Marie-Christine Blandin. Derrière la proposition, à la fois symbolique et régressive, de la nomination et surtout de la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public par le Président de la République, derrière la séduisante disparition de la publicité, se dissimule la mise en œuvre de la fragilisation programmée des chaînes payées par les citoyens, conçues pour les citoyens, et cela au profit des groupes privés nourris d’amitiés élyséennes, de cadeaux réguliers, tels les canaux libérés par le passage au numérique, n’ayant d’autre ambition que de s’enrichir, quitte à abêtir et à abrutir, comme le disait cyniquement Patrick Le Lay à propos de TF 1 : « Ce que nous vendons [...] c’est du temps de cerveau humain disponible. »
D’ailleurs la lecture du Livre blanc de TF 1 est édifiante ! Votre projet en est directement inspiré et sa mise en œuvre s’accompagne de coups de boutoirs contre les règles anti-concentration.
Ils sont tellement sûrs de leur affaire qu’ils ont imposé, dans l’article 7 de l’accord interprofessionnel signé entre TF 1 et les sociétés de gestion collective et les producteurs, d’ailleurs contestable, la phrase suivante : « Il est expressément convenu que TF 1 pourra dénoncer unilatéralement le présent accord; en tout état de cause, en l’absence de mise en œuvre et d’entrée en vigueur des modifications de la législation et de la réglementation en matière de publicité télévisée ... » Eux aussi semblent avoir une très haute idée du rôle des parlementaires !
Le message est clair : si vous ne votez pas la seconde coupure de publicité, nous faisons exploser les accords. Madame la ministre, on ne peut pas, hier, prétendre protéger les auteurs et les œuvres – nous nous souvenons de vos propos dans le débat sur la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, ou HADOPI – et, le lendemain, dire : « Grâce à cet article, TF 1 et M 6 vont pouvoir diffuser des Fellini ou des Visconti dès vingt heures trente. Ce sera un grand acquis. Certes, le prix à payer sera que ces films soient coupés par des interruptions publicitaires, mais cela en vaut la peine. »
Il faut appeler un chat un chat, passer du texte soumis au vote à la projection de ce que vont vivre les spectateurs : La Dolce Vita ou La Voce della Luna interrompus par la publicité sur le camembert qui ne coule pas, Les Damnés ou Les Nuits blanches par la réclame sur les couches anti-fuites et – pourquoi pas ? – Mort à Venise interrompu deux fois par le slogan pour une assurance : « Zéro tracas, zéro blabla » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Franchement, Thomas Mann et Luchino Visconti méritent mieux que cela ; les spectateurs aussi !
Votre titre de ministre de la culture vous invite à éviter ce séquençage vulgaire. Notre mandat parlementaire nous rend responsables non seulement du service public, mais aussi de ce qui se passe sur les chaînes privées.
Le voile étant levé sur les exigences des puissants et gâtés amis du Fouquet’s, j’en viens à trois axes qui sous-tendent votre proposition : la suppression de la publicité, la télévision publique de demain et la nomination du président.
Les Verts appellent de leurs vœux une société plus sobre, plus solidaire, moins productrice de déchets – et de gâchis –, moins consommatrice des ressources dont auront besoin les générations futures. C’est dire combien nous combattons le mécanisme d’embrigadement que nous fait subir la publicité pour vendre des produits inutiles, des fausses voitures écologiques, des lessives qui polluent et des cosmétiques douteux. Quand le Gouvernement, par votre bouche, en appelle à Bourdieu et à Derrida pour combattre la publicité dans le domaine public, nous disons : chiche !
M. Jean-Pierre Sueur. Et, eux, ils se retournent dans leur tombe !
Mme Marie-Christine Blandin. Mais, alors, pourquoi tant de laxisme concernant les enseignes et publicités illégales qui obstruent nos paysages et enlaidissent nos villes ? Pourquoi tant de hargne contre les Déboulonneurs de pub, condamnés par la justice à verser un euro symbolique et contre lesquels l’État a fait appel ? La publicité n’est-elle mauvaise que pour la télévision publique ?
Mais, alors, pourquoi, dans le phasage prévu, privilégier l’« après-vingt heures », au risque de surcharger de publicités le créneau des jeunes téléspectateurs, dont on sait la vulnérabilité ; au risque aussi d’encourager leur consommation d’aliments surchargés de sucre, pour en faire les diabétiques et les obèses de demain ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Ivan Renar applaudit également. )
Nous connaissons le rôle pervers des annonceurs, la distorsion imposée aux programmes, le nivellement vers le bas de la diversité, de l’autonomie individuelle et de la pensée.
Toutefois, avant de toucher à une ressource, il faut définir une ambition, des objectifs, un phasage, des moyens sécurisés par un débat public, enrichi de l’expertise d’usage des professionnels et de la parole des spectateurs.
Ce ne fut pas la méthode du Président de la République. Comment ne pas penser, de nouveau, à Victor Hugo évoquant Napoléon III : « Il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète. […] Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots… »
J’espère du moins que ce texte ne sera pas un coup d’État contre la télévision publique !
Pas moins de huit syndicats sont mobilisés. L’analyse de la situation par les professionnels est instructive ; la voici résumée : un déficit de départ de 135 millions d’euros ; de nouvelles missions culturelles, sociales et technologiques qui ne sont pas suffisamment financées ; des plages libérées qu’il faudra programmer ; des accords d’entreprise incertains et une transition sociale calamiteuse.
La navigation va aller de Charybde en Scylla : soit les ressources humaines serviront de variable d’ajustement, soit, à terme, une chaîne publique sera vendue au privé.
Pourquoi ne cite-t-on pas le nom des chaînes dans ce texte ? Pourquoi ne retrouve-t-on pas le mot « région » ? France 3 est-elle dès à présent promise ?
Déjà sommées de se plier à des créneaux étroits, déjà priées d’apporter leurs moyens humains et techniques à des producteurs extérieurs grassement payés pour des émissions ludiques à l’esprit de compétition douteux, déjà victimes du non-renouvellement du matériel et découragées de réaliser elles-mêmes des fictions, les antennes régionales sont aujourd’hui menacées, alors que la loi n’est même pas votée, de voir certaines de leurs éditions locales d’information supprimées, afin que les précieuses minutes précédant vingt heures soient attribuées à la publicité ! Elles se voient aussi dotées d’un créneau supplémentaire de onze minutes, sans qu’un euro de plus leur soit octroyé : c’est travailler plus, sans moyens en plus.
Les craintes de privatisation à terme ne sont pas des fantasmes. Depuis quelques années, on use des techniques bien connues de l’audit interne ou de l’inspection générale des finances, non pas pour qualifier l’outil, mais pour préconiser l’abandon de la production.
Pourtant, les Français sont très attachés au travail qualitatif des équipes locales de terrain, à leur connaissance des spécificités, à leurs reportages sur les initiatives locales ou sur les déclinaisons des politiques nationales.
Du vécu quotidien des habitants de la ville d’Haumont soufflée par la tempête à l’errance des milliers de sans-papiers de Sangatte, ces équipes nous donnent à voir et à réfléchir.
Le paysage audiovisuel français doit rester équilibré, grâce à un groupe public puissant, gage de force et de diversité pour la création, qu’il s’agisse de fictions ou de documentaires, gage d’indépendance à l’égard des groupes financiers pour ce qui concerne l’information. Les spécificités du service public ont besoin de moyens durables et garantis, rendus encore plus incontestables par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, n’en déplaise au privé.
Certes, une refondation peut être bienvenue. Pourquoi pas une seule entité, si l’on garantit l’existence et l’indépendance éditoriale des chaînes déjà présentes ? Pourquoi pas un regard sur l’audience, à condition qu’il ne soit pas seulement quantitatif et instantané ? Ne confondons pas la multiplicité de canaux privés avec la pluralité des contenus et la diversité des aspirations culturelles comme des choix politiques, dont seul un service public libre, c'est-à-dire financé de façon pluriannuelle, peut être garant.
Or, aujourd’hui, quand le privé affiche une croissance de 7 %, le public plafonne à 2,5 %. Quand notre redevance stagne à 116 euros, elle atteint 205 euros en Allemagne. Et le Président de la République lance un oukase populiste, bafouant la commission Copé : pas d’augmentation de la redevance ! Alors que son service de communication, qui préconise de préempter des espaces destinés faire de la pédagogie sur les réformes, a vu son budget augmenter de 292 % ! En effet, pour expliquer à une démocratie que l’on supprime les juges d’instruction, il va falloir des heures, des jours et des semaines d’explications !
Au moment où l’on prévoit des taxes sur la publicité des chaînes privées et sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à internet, le clientélisme fonctionne et les taux de ces taxes sont menacés.
Évidemment, dans le fragile attelage que vous préparez, il n’y a pas de place pour les télévisions locales associatives ou l’élaboration d’un label d’intérêt public ou d’éducation populaire : tout cela est à mille lieues de vos préoccupations ! Il n’y a pas non plus de pistes concernant la création d’une véritable contribution « culture et communication » qui serait prélevée sur l’ensemble du marché de la publicité.
Mon dernier point concerne le projet de loi organique et donc la nomination, par le Président de la République, des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
Les arguments mettant en avant l’avis conforme du CSA et des commissions concernées du Parlement peuvent pour l’instant se résumer ainsi : le Président nomme et révoque, avec l’accord de sa majorité. Notre expérience dans cet hémicycle nous montre que le désaccord est exceptionnel. Quand il existe, il se manifeste davantage par des prises de position personnelles,… qui s’évanouissent le jour du vote.
Les démocraties modernes ont depuis longtemps renoncé à ce genre de pratiques, pour bien affirmer la séparation des pouvoirs comme l’indépendance des médias et des journalistes.
Cette décision tournerait le dos à ce principe, d’autant qu’elle s’inscrit dans un faisceau de mesures de restriction des libertés. Dans le classement de l’association Reporters sans Frontières, la France n’arrive que trente et unième, avec la mention : « De nombreuses inquiétudes demeurent en raison de cas de censure persistants, de perquisitions dans des rédactions et d’un manque de garanties concernant la protection du secret des sources. »
Vous n’avez, madame la ministre, ni l’ambition ni l’envie d’un statut de ministre de l’information et de la propagande, à la chinoise. Mais les choses sont plus sournoises quand le pouvoir détient l’épée de Damoclès de la révocation. Point n’est besoin de dire et d’ordonner : ceux qui veulent garder leur poste sentent les choses…
Quand le ministre de l’éducation nationale, M. Darcos, affirme, contrairement informations émanant de l’établissement, qu’il n’y aura pas de suppressions de postes au lycée Voltaire, situé dans le xie arrondissement de Paris, personne ne vérifie !
Si le ministre de l’intérieur de 2006 semble accueilli chaleureusement et qualifié d’« homme providentiel », ce sont des plans rapprochés et des sons habilement choisis qui peuvent le faire croire, alors même que les Antilles protestent contre l’expression « bienfaits de la colonisation ».
Qu’une photographie déplaisante paraisse, on enlève soit le détail qui choque, soit le directeur de la rédaction si le mal est fait.
Tout l’édifice est en place pour un pilotage vertical des médias et l’entrisme du privé : jusqu’à la nomination au poste de délégué interministériel à la communication et de directeur du service d’information du Gouvernement d’une seule et même personne, qui est également à la tête d’une entreprise de communication.
Votre ministère s’est, lui-même, aventuré sur ces chemins hasardeux : je pense non seulement à l’émission très complaisante de Guillaume Durand filmée rue de Valois, mais aussi au site ministériel internet « J’aime les artistes.fr » avec la participation, entre autres, de M6, TF1, Neuf Cegetel, Numericable et Orange.
Ce n’est pas de cette gouvernance que nous voulons pour la chose publique en général et pour la télévision en particulier, et nous refuserons la possibilité de révocation, véritable menace d’inféodation.
Mes chers collègues, nous sommes face à deux défis : sauver l’audiovisuel public, considérablement déstabilisé, et montrer que le Sénat ne se laisse pas mettre devant le fait accompli. J’espère que nous serons nombreux pour les relever. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur trois sujets : la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions, la nomination du président de cette société, ses missions et programmes.
La suppression de la publicité est, vous l’avez rappelé, une mesure phare de ce projet de loi. Que celle-ci soit entrée en application lundi dernier, alors que la Sénat n’avait pas commencé l’examen du texte, ne me fait pas particulièrement plaisir. Cela me met même mal à l’aise. (Mme Bariza Khiari applaudit.)
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. On vous comprend ! Vous n’êtes pas le seul !
M. Ladislas Poniatowski. Attendez la suite, mon cher collègue !
J’ai même le désagréable sentiment d’être pris, pardonnez-moi l’expression, pour un zozo, c'est-à-dire pour un naïf, voire, comme on dit dans ma région, pour le dindon de la farce.
M. David Assouline. Alors, révoltez-vous !
M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, vous n’êtes pas seule responsable de ce sentiment. L’opposition, qui s’est livrée, à l’Assemblée nationale, à une obstruction agressive, a aussi une grande part de responsabilité.
M. David Assouline. Ne l’avez-vous jamais fait par le passé ?
M. Ladislas Poniatowski. Écoutez ce que j’ai à dire, et pas simplement ce qui vous fait plaisir !
Je vous dis cela d’autant plus sincèrement, madame la ministre, que je ne suis pas, par principe, hostile à la suppression de la publicité. Mon souci est ailleurs.
Cette suppression représente, pour la télévision publique, un manque à gagner estimé à 450 millions d’euros. Or je ne retrouve pas la compensation intégrale de cette somme dans ce projet de loi ou dans les mesures adoptées récemment dans la loi de finances.
M. David Assouline. Et voilà !
M. Ladislas Poniatowski. Si l’on se déclare partisan d’une télévision publique de qualité, il faut savoir que cela a un coût. On n’a pas le droit de faire peser des menaces sur les ressources dont cette télévision publique a besoin.
Or la menace est bien là puisque France Télévisions a présenté un budget pour 2009 qui prévoit déjà un déficit de 135 millions d’euros.
Vous admettrez au passage, madame la ministre, que vous offrez aux chaînes privées un beau cadeau de début d’année. La télévision publique avait en effet pris environ 14 % des parts du marché publicitaire national concernant ce support. Ils iront en grande majorité à TF1 et M6, mais aussi aux nouvelles chaînes de la TNT.
J’ajouterai cependant, chers collègues de l’opposition, que ce n’est pas la première fois qu’un beau cadeau est offert aux chaînes privées.
Mme Catherine Tasca. La chaîne bonus !
M. Ladislas Poniatowski. En 2000, les ministres Mmes Trautmann et Tasca avaient fait adopter une loi limitant la publicité sur les antennes de service public. Elles ont ainsi offert, elles aussi, un beau cadeau, représentant l’équivalent de 150 millions d’euros, à TF1 et M6, puisqu’il n’existait pas d’autres chaînes privées sur le marché à cette époque.
M. David Assouline. Mais on avait augmenté la redevance !
M. Ladislas Poniatowski. C’est vrai, mais le cadeau était proportionnellement le même ! Faites preuve, de temps en temps, d’un peu d’honnêteté intellectuelle !
M. Jean-Luc Fichet. Cela veut dire que vous reconnaissez le cadeau !
M. Ladislas Poniatowski. J’en reviens au texte.
Pour compenser ce manque à gagner, vous proposez un système complexe de taxation des recettes publicitaires des chaînes privées, d’une part, et du chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à internet, d’autre part.
Nos collègues députés ont déjà réduit de moitié la première taxe. Quant à la seconde, il est impossible de chiffrer précisément ce qu’elle va rapporter.
En résumé, de vrais doutes pèsent sur les 450 millions d’euros nécessaires pour compenser la disparition de la publicité après vingt heures sur les chaînes publiques.
De toute façon, cette somme ne peut en aucun cas, financer les nouvelles émissions qu’il faudra produire pour remplacer les espaces publicitaires libérés.
Enfin, la pérennité du financement de l’audiovisuel public n’est nullement assurée au-delà de 2010, car ce sont non pas des principes de financement qu’il faut voter, mais des ressources ! Or nous savons tous, et cela a été dit à plusieurs reprises, que la seule ressource assurée est la redevance. L’indexation de celle-ci sur l’inflation, madame la ministre, est une bonne mesure, mais ce ne peut être qu’une première étape, car elle n’est pas, à elle seule, suffisante.
Je rappelle que la redevance est supérieure à la nôtre de près de 60 % en Grande-Bretagne et de 100 % en Allemagne. Il n’est certes pas question de franchir de tels paliers brutalement, mais il existe donc bien une marge de manœuvre.
Mon regret, madame la ministre, tient à la soudaineté de la décision de supprimer la publicité. D’où ma question : pourquoi cette précipitation, pourquoi ce rythme ?
M. David Assouline. Bonne question !
M. Ladislas Poniatowski. Cette suppression de la publicité arrive au pire moment. Ce n’est pas votre faute : vous ne pouviez prévoir le surgissement de la crise. Mais la crise est là, et il était possible de modifier le rythme de l’entrée en application de la réforme, notamment de l’étaler sur plusieurs exercices, par exemple en diminuant chaque année de quelques minutes le temps dévolu à la publicité et de compenser cette diminution par une augmentation de la redevance.
Mme Catherine Tasca. C’est ce que nous avions fait !
M. Ladislas Poniatowski. Ma seconde observation porte sur la nomination du président de France Télévisions, point qui suscite débat et agitation, voire parfois indignation assez cocasse.
Je résumerai cette seconde observation en une seule formule : plus jamais de Philippe Guillaume !
Vous vous souvenez tous de la désignation par la Haute autorité, contre les souhaits du gouvernement de l’époque, de Philippe Guillaume comme président de France Télévisions. C’était le 10 août 1989, sous le second septennat de François Mitterrand. Vous étiez alors, madame Tasca, ministre déléguée à la communication.
Alors que M. Bourges était le candidat du pouvoir – qui avait même, en la personne de M. Kiejman, un candidat de repli –, la Haute autorité a désigné Philippe Guillaume – par ailleurs neveu de Jacques Chaban-Delmas –, que la majorité de l’époque ne portait pas dans son cœur et que sa nomination a ulcérée.
Ce qui a suivi fut assez scandaleux.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Ladislas Poniatowski. Philippe Guillaume a en effet eu à subir une guerre d’usure quasi quotidienne, sans connaître un mois ou même une semaine de répit. Les représentants du Gouvernement qui siégeaient au conseil d’administration de France Télévisions de l’époque avaient des consignes régulières et précises pour dénigrer son travail, contester ses choix, voire ridiculiser ses décisions, et, chaque fois qu’il venait demander un complément pour « boucler » ses budgets, il se voyait, bien sûr, opposer un refus.
Le pouvoir de l’époque a eu sa peau, au sens figuré et au sens propre !
Mme Catherine Tasca. Ça, c’est un propos scandaleux !
M. Ladislas Poniatowski. Vous excuserez la manière un peu passionnée avec laquelle je m’exprime, mais il se trouve que je connaissais et appréciais Philippe Guillaume.
La manœuvre a réussi puisque, ayant passé à peine un an et quatre mois à la tête de l’entreprise, le 18 décembre 1990, épuisé, il a démissionné. Je rappelle aussi que, six mois plus tard, il est décédé de maladie et d’épuisement, et je me permets de penser qu’il y avait un lien avec ce qu’on lui avait fait subir et ce qui s’était passé.
M. David Assouline. Vous êtes médecin ?
M. Jean-Luc Fichet. C’est scandaleux !
M. Ladislas Poniatowski. Écoutez de temps en temps ! Même lorsque cela ne vous plaît pas !
Je rappelle ce très triste épisode tout simplement pour montrer qu’il est impossible que le président de France Télévisions n’ait pas le soutien de l’État actionnaire.
Tous les débats sur l’indépendance de la télévision et de son président par rapport au pouvoir politique ne m’ôteront pas de l’esprit que les garanties d’indépendance sont illusoires.
La nomination du président de France Télévisions par le CSA, dont on sait comment ses membres sont désignés, ne garantit pas l’indépendance.
La désignation par l’exécutif – même après avis du CSA et des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat – ne garantit pas davantage l’indépendance.
Il est très difficile de garantir l’indépendance, mais, madame la ministre, n’aurait-il pas été possible de prendre plus de temps pour la réflexion, notamment pour examiner une troisième solution, qui prévaut dans d’autres pays européens et qui a été évoquée lors du travail de consultation que vous avez mené, à savoir celle de la désignation du président par son conseil d’administration ?
M. Jean-Pierre Plancade. Par exemple !
M. Ladislas Poniatowski. Ma troisième observation porte sur les missions et les programmes de France Télévisions.
Je voudrais vous livrer quelques chiffres, qu’il faut du reste accueillir avec une certaine prudence, car il faut admettre que personne n’a l’apanage de la qualité et que l’on peut trouver qualité et médiocrité sur les chaînes privées comme sur les chaînes publiques.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est certain !
M. Ladislas Poniatowski. Les premiers chiffres concernent l’offre de la télévision publique, qui, je le rappelle, devrait être celle de tous les publics.
Entre la fiction, qui représente 20 % de ses programmes si l’on additionne ceux de France 2 et de France 3, l’information, qui en représentent 19 %, les documentaires et magazines, qui en représentent environ 20 %, et tout ce qui est divertissements, musique et spectacles, qui en représentent 17 %, l’offre de la télévision publique est à la fois variée et équilibrée.
Je souligne, mes chers collègues, que TF1, qui consacre 31 % de ses programmes aux divertissements, et M6, qui consacre 44 % des siens à la fiction, majoritairement américaine, ont fait un autre choix, se situent dans une autre logique, celle de la performance commerciale et de l’audimat.
La deuxième série de chiffres fait apparaître que France Télévisions accorde une priorité à la diffusion d’œuvres de fiction française.
Ainsi, sur France 2, 61 % de la fiction diffusée en 2007 était française, taux qui atteint 91 % sur France 3, alors que TF1 et M6 font nettement moins bien, avec respectivement 51 % et 15 %.
Cette priorité accordée à la fiction française ne se fait pas forcément au détriment de la qualité et de l’audience, comme en témoignent les scores réalisés par Chez Maupassant, Guerre et paix, Le Clan Pasquier, Notable donc coupable, Équipe médicale d’urgence ou encore Les Oubliées.
Troisième chiffre : en 2007, France 2, France 3 et France 5 ont proposé les deux tiers des documentaires diffusés par les télévisions françaises.
Quatrième chiffre : 61 % des spectacles vivants ont trouvé leur place sur France Télévisions en 2007 et y ont réalisé de beaux scores : 1,4 million de téléspectateurs pour Cyrano de Bergerac, 1,8 million pour le Trouvère, en juillet de cette année, ou encore 5,4 millions pour Faisons un rêve. Et, en janvier 2008, 8,1 millions de téléspectateurs ont regardé les Fugueuses.
La cinquième et dernière série de chiffres concerne le sport. Si 60 % de l’offre sportive est diffusée par France Télévisions, l’originalité de celle-ci tient surtout au fait qu’elle présente plus d’une centaine de disciplines aux téléspectateurs français, alors que TF1 ne propose que quatre sports – football, rugby, auto-moto et golf. Quant à M6, elle ne présente qu’un seul sport, le football, mais il est vrai que c’est le sport qui « rapporte » le plus en termes d’audience, le record de France ayant été atteint en juin dernier sur M6 avec le match France-Italie, qui a rassemblé 13,2 millions de téléspectateurs.
Madame la ministre, ces quelques chiffres ne signifient pas qu’il y a d’un côté la qualité et, de l’autre, la médiocrité, mais ils montrent que la télévision publique, sans être une télévision élitiste, sait s’adresser à des publics divers à des heures de grande écoute et qu’elle sait aussi faire des émissions populaires pour le grand public. Il ne faudrait donc pas remettre en cause cet équilibre en la privant des recettes dont elle a besoin.
En conclusion, madame la ministre, je ne voterai pas l’article 18, qui prévoit la suppression de la publicité, compte tenu des menaces qui pèsent sur les ressources nécessaires à France Télévisions. Je voterai en revanche l’article 8, relatif à la nomination du président de France Télévisions, malgré son imperfection. J’attends bien sûr vos réponses à plusieurs des questions qui vous ont été posées pour vous apporter mon soutien lors du vote final. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Je ne peux pas laisser sans réponse les propos infamants tenus ce soir par notre collègue à propos de la disparition de Philippe Guillaume.
Je veux bien les mettre sur le compte de la passion inspirée, semble-t-il, par une amitié personnelle, mais il n’est pas acceptable, monsieur Poniatowski, que vous fassiez le lien entre les conditions, objectivement difficiles, dans lesquelles Philippe Guillaume a exercé la présidence de France Télévisions et sa disparition dans les mois qui ont suivi, disparation dont je crois savoir qu’elle était due à une maladie.
Ces propos sont très graves et ne sont pas dignes d’un débat dans cet hémicycle : en d’autres lieux, nous pourrions considérer qu’ils constituent véritablement une diffamation.
Mon groupe et moi-même tenons à rappeler, comme vous l’avez fait vous-même, que l’organe de régulation s’était à l’époque déterminé tout à fait librement, ce qui prouve d’ailleurs que les pressions du pouvoir d’alors n’étaient pas celles qu’on peut constater depuis quelques années.
La nomination de Philippe Guillaume ne concordait sans doute pas avec les vœux de l’exécutif, mais nous avons mené avec lui, autant que faire se peut, un dialogue ouvert et, en tout cas, parfaitement transparent.
Nous reconnaissons les très grandes difficultés qu’a vécues alors l’entreprise France Télévisions, y compris, comme vous l’avez dit, dans ses relations avec l’exécutif, mais nous ne pouvons pas accepter que vous nous imputiez la disparition d’un homme que, moi aussi, j’ai connu et estimé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Mes chers collègues, si vous avez compris dans mon propos que je vous imputais la responsabilité de la disparition de Philippe Guillaume,…
Mme Catherine Tasca. C’est le cas !
M. Ladislas Poniatowski. …c’est une erreur.
M. Jean-Luc Fichet. Tout le monde vous a entendu !
M. Ladislas Poniatowski. Comme d’habitude, vous n’entendez que ce que vous voulez bien entendre !
M. David Assouline. C’était très net !
M. Ladislas Poniatowski. Par contre, je peux vous apporter de nombreux articles sur ce qui s’est passé à l’époque et sur ce à quoi Philippe Guillaume était soumis. Les paroles étaient dures, les attaques étaient méchantes.
M. David Assouline. Ne chargez pas la barque ! Excusez-vous plutôt !
M. Ladislas Poniatowski. J’ai vécu cela de près parce que je le connaissais bien. Si vous relisez les articles en question, vous reconnaîtrez que peu de personnes – a fortiori des personnes malades – auraient pu supporter cela.
M. René Garrec. C’est vrai !
M. David Assouline. C’est inacceptable !
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bouleversement imposé à la télévision publique n’a rien d’une réforme.
Les deux textes législatifs qui nous sont soumis aujourd’hui sont nés d’une lubie présidentielle, la suppression de la publicité sur France Télévisions, et non d’un projet global, cohérent, porteur d’avenir pour notre audiovisuel public.
Madame la ministre, vous avez fait de la suppression de la publicité une fin en soi, l’objectif à atteindre par n’importe quel biais, alors qu’elle ne peut être qu’un moyen de faire autrement.
Vos projets de loi ne préparent pas notre télévision publique aux enjeux d’avenir du secteur, dont l’objectif prioritaire doit être la constitution d’un média global. Bien au contraire, ils déstabilisent un équilibre fragile entre télévision publique et privée, déjà menacé par la révolution numérique.
Leur contenu autant que la gestion de ce dossier font montre d’une méconnaissance forte de ce secteur économique et d’un mépris flagrant pour l’audiovisuel : vous n’auriez jamais joué à un tel jeu de chamboule-tout, aux dépens de la réalité économique, s’il s’était agi du secteur industriel. Pourtant le secteur audiovisuel représente plus de 200 000 emplois directs et indirects, soit bien plus que l’aéronautique par exemple.
Revenons donc sur la méthode, celle du fait du Prince et de sa cour restreinte de conseillers : une annonce du Président de la République, faite sans aucune consultation préalable, qui a pris de court tout le monde, y compris la ministre de tutelle ; une réforme voulue par personne sauf M. Nicolas Sarkozy et les dirigeants de TF1 ; ensuite, une commission chargée d’occuper le terrain et de donner le gage sur la forme, alors que les arbitrages sont déjà ficelés ; un calendrier de mise en œuvre totalement aberrant ; enfin, un dépôt des projets de loi repoussé pour cause d’impréparation et de tergiversations gouvernementales, le tout couronné par une application prématurée, précipitée, de sa mesure phare.
Ce calendrier s’est traduit par une marche forcée et aboutit à court-circuiter la discussion parlementaire et à piétiner le Sénat. Que ce mépris et cette insulte envers notre Haute Assemblée suscitent si peu de réaction de la part de la majorité montre bien que l’audiovisuel public n’est pas seul à être mis au pas. Ce n’est certainement pas en prenant les sénateurs pour des figurants – pour ne pas utiliser un autre mot, pourtant plus approprié vu l’ampleur de l’affront subi – que le Gouvernement revalorisera le Parlement !
Et prétendre que la gauche a rêvé de cette réforme et que vous faites ce que nous n’avons pas pu faire est une supercherie intellectuelle. Nous n’aurions jamais fait cela maintenant, ni de cette manière. Quand nous avons envisagé la suppression de la publicité sur la télévision publique, nous avons pris en compte le principe de réalité économique. Nous la voulions très progressive et surtout nous nous sommes donné les moyens d’une réelle compensation.
Le Président de la République s’est largement glorifié d’être le premier à procéder à une dotation en capital de France Télévisions. C’est oublier un peu vite que le gouvernement de Lionel Jospin avait inscrit, dans le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions pour 2001-2005, une dotation en capital de 152 millions d’euros sur cinq ans. Et c’est précisément la droite qui n’a pas honoré cet engagement à partir de 2002 !
Mme Catherine Tasca. Ils ont la mémoire courte !
M. Serge Lagauche. Faut-il vous le rappeler également, jusqu’en 2002, le montant de la redevance a été régulièrement revalorisé ? Depuis cette date, s’il n’a varié, c’est seulement à la baisse !
En multipliant les exonérations sans les compenser totalement, en misant sur des économies de collecte et un taux de recouvrement surévalués et en refusant catégoriquement, année après année, de faire évoluer positivement la redevance audiovisuelle dans son montant et dans son assiette, vous avez organisé le sous-financement de l’audiovisuel public. Vous avez péché par manque d’ambition et, maintenant, vous vous enferrez dans une faute politique majeure.
Le courage politique, que le Président de la République entendait incarner, aurait voulu que ce même Président de la République, au vu de la réalité économique du secteur et du contexte financier, revienne sur sa décision quand il en était encore temps. Il aurait pu et dû alors expliquer à nos concitoyens que nous n’avions pas les moyens de nous payer le luxe d’une télévision publique sans publicité, que la situation économique du pays ne permettait pas de réunir les conditions de réussite nécessaires à sa mise en œuvre, que ce n’était pas une mesure prioritaire pour le pays et que, dans ces conditions, il avait décidé de se concentrer sur les besoins réels des Français.
Au lieu de cela, il s’est entêté, et nous sommes aujourd’hui le dos au mur. La publicité est déjà supprimée après vingt heures depuis quelques jours.
Dans ce contexte, nous considérons que le seul moyen de réellement financer durablement cette suppression à marche forcée, sans compromettre l’évolution de France Télévisions vers le média global qui suscite des investissements importants, réside dans une redevance audiovisuelle rénovée, permettant de lui insuffler du dynamisme. La suppression de la publicité sur France Télévisions peut être progressivement compensée à l’euro près par la redevance.
Nous avons une des redevances les plus faibles d’Europe, ce à quoi il faut ajouter un ensemble de mesures limitant l’efficacité de cette contribution.
D’abord, le principe de la prise en charge intégrale par l’État des exonérations sociales de redevance audiovisuelle est largement bafoué par la pratique du plafonnement de cette prise en charge à une somme inférieure aux dégrèvements réellement intervenus, ce qui fait ainsi porter par l’audiovisuel public la politique sociale de l’État.
Ensuite, l’assiette de la redevance est minorée avec l’exonération des résidences secondaires intervenue en 2005.
Enfin, le paiement de la redevance n’est pas appliqué à la détention d’ordinateurs permettant de recevoir la télévision, alors que la loi le permet.
La logique de la redevance est donc galvaudée. Il convient d’inverser cette tendance. C’est à l’impôt qu’il revient de financer le service public. Nous avons bien conscience de ne pas être dans l’air du temps en réaffirmant ce principe fort. Les Français ont été habitués avec la droite à la paupérisation des services publics : l’impôt est devenu un gros mot.
Reconnaissons-le, si la redevance, qui est en fait une contribution directe, est perçue comme un impôt impopulaire, c’est en partie parce que nombre de nos concitoyens n’en connaissent pas réellement l’utilité finale et ne savent pas quels services elle permet en fait de financer.
Inversons la tendance et faisons la pédagogie de la redevance comme source de financement naturelle et garantie de notre audiovisuel public, en tant que contribution directe et recette affectée. Menons une grande campagne d’information et d’explication sur les enjeux du secteur audiovisuel liés à la révolution numérique, et l’utilité de la redevance pour ce faire.
C’est là que réside le courage politique sur ce dossier : réaffirmer clairement le lien direct entre redevance et service public audiovisuel, au lieu de se fourvoyer dans une compensation aléatoire et alambiquée.
Le mode de compensation proposé par le Gouvernement est hypocrite et pervers. Hypocrite parce qu’il permet au Président de la République de sauver la face, mais pas à nos concitoyens de préserver leurs deniers ! Le Président, qui se veut celui du pouvoir d’achat, refuse d’augmenter une contribution directe pour ne pas susciter l’impopularité, mais il n’a aucun scrupule à voir la facture des opérateurs de téléphonie mobile augmenter pour compenser la nouvelle taxation, et donc le pouvoir d’achat des ménages baisser. Cela pour une raison simple : il peut en reporter la responsabilité sur les opérateurs.
C’est de plus un mode de financement économiquement pervers, à contresens du plan numérique annoncé tout récemment par ce même gouvernement. Vous êtes allés chercher l’argent chez les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès à internet, les FAI, dont le lien avec la suppression de la publicité sur France Télévisions est plus que ténu.
Vous réduisez les marges de manœuvre du secteur numérique alors que vous devriez en faire un levier de la relance économique. Vous ôtez ainsi toute possibilité pour l’avenir de faire participer ce secteur au financement de la création, alors que c’est bien là que se situe le lien avec l’audiovisuel !
Ce mode de financement est aussi pervers fiscalement parce que le produit de cette taxe n’est pas affecté. Nous vous donnons donc rendez-vous, mes chers collègues, aux prochaines lois de finances !
J’entends déjà mes collègues majoritaires de la commission des affaires culturelles regretter tous en chœur, et impuissants, la mauvaise pratique du Gouvernement consistant à utiliser le produit de cette taxe pour tout autre chose que l’audiovisuel !
Le compte n’y est pas et il n’y a jamais été ! Le manque à gagner pour France Télévisions a encore été alourdi par de nouvelles dispositions adoptées à l’Assemblée nationale. Ainsi, contrairement à votre engagement de ne pas toucher à RFO, déjà dans une situation difficile, vous avez, madame la ministre, étendu la suppression de la publicité aux antennes de RFO. Dans votre hotte de Noël pour la télévision privée, vous aviez oublié les Antilles ! Antilles Télévision, ou ATV, aura donc, elle aussi, son cadeau !
Il faut ajouter à cela la réduction de l’assiette de la taxe sur les recettes publicitaires des opérateurs et le plafonnement de l’indexation sur le taux de l’inflation de la redevance.
En réalité, vous n’avez aucune ambition pour le service public : la manière dont vous jouez avec ses moyens le prouve ! Ou plutôt si, vous en avez une, et une seule : le mettre au pas par appauvrissement et mise sous tutelle !
À cet égard, les modes de nomination et de révocation proposés pour la présidence de France Télévisions sont emblématiques. D’ailleurs, avec le fait d’exiger de Patrick de Carolis qu’il propose lui-même au conseil d’administration la suppression de la publicité après vingt heures, c’est déjà le couperet d’une révocation possible à l’issue du vote de la loi qui a, par anticipation, montré son efficacité.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Serge Lagauche. Vous mettez ainsi un coup d’arrêt à l’évolution historique du secteur audiovisuel vers l’émancipation du pouvoir politique.
Au prétexte que la nomination par le CSA ne donnait pas toutes les garanties d’indépendance, vous instaurez une nomination par décret. Il fallait effectivement sortir de l’hypocrisie. Mais justement, au lieu de réformer le système en y apportant plus de démocratie et de transparence, vous choisissez le retour en arrière. Disons plutôt que le Président de la République impose à sa majorité ce retour en arrière !
Contrairement à vous, nous avons, nous, une vraie ambition pour un service public audiovisuel fort et pérenne !
Nous vous proposerons de revoir le système avec un objectif fondamental : plus de démocratie.
Plus de démocratie, d’abord, dans la nomination des membres du CSA : nous préconisons une composition répartie à parts égales entre la majorité et les groupes minoritaires des assemblées parlementaires, les membres ainsi désignés élisant ensuite le président du CSA en son sein.
En effet, rendre pleinement effectifs les principes démocratiques de liberté, de pluralisme et d’indépendance des médias audiovisuels implique d’assurer préalablement les conditions de l’indépendance à l’égard du pouvoir politique de l’autorité de régulation de ces mêmes médias.
Plus de démocratie, ensuite, dans les directions des sociétés du service public de l’audiovisuel et de la radio par l’institution d’un conseil d’administration non seulement largement représentatif des intérêts du secteur de l’audiovisuel public, mais aussi respectueux des différentes composantes de la vie politique, et par l’élection de leur président au sein du conseil d’administration, parmi les personnalités qualifiées.
Afin de décliner plus complètement cet objectif, nous proposerons également de donner un caractère législatif aux dispositions de la charte des devoirs du journaliste figurant à l’avenant audiovisuel de la convention collective nationale de travail des journalistes, et de renforcer la protection de l’activité d’information des journalistes.
Sur un autre plan, l’existence d’un médiateur de l’information et des programmes au sein de chaque société nationale de programmes, afin d’entretenir un dialogue continu et direct avec les auditeurs et téléspectateurs, doit devenir une exigence législative.
Trois principes forts, sur lesquels nous ne transigerons pas, fondent notre vision de la communication audiovisuelle et du service public de télévision.
Il s’agit d’abord du principe démocratique d’indépendance des médias, et tout particulièrement pour France Télévisions parce que la télévision publique appartient aux Français et est au service de l’intérêt général ; elle ne peut pas être le jouet du Président de la République !
Il s’agit ensuite de la garantie de financement pérenne à hauteur des besoins pour donner les moyens à France Télévisions de se positionner, à l’ère numérique, comme média global. L’indépendance et le financement à hauteur des besoins sont deux socles inséparables : on ne peut avoir l’une sans l’autre.
Enfin, nous ne transigerons pas sur la promotion du pluralisme, de la création et de la diversité culturelle.
Notre ambition en matière financière est de garantir une compensation intégrale des pertes de recettes financières et de sortir l’audiovisuel public de l’insécurité financière dans laquelle vous le placez pour l’avenir.
La suppression de la publicité après vingt heures est entrée dans les faits, mais il n’est pas question de nous lier pour 2011. N’ajoutons pas à cette première faute économique un aveuglement coupable : il sera intenable économiquement de faire concorder la suppression totale de la publicité et l’extinction de la diffusion analogique au profit du numérique !
Nous ne savons que trop bien où vous nous menez en organisant le sous-financement chronique de l’audiovisuel public : aux plans sociaux et à la réduction de son périmètre ! D’autant que, concomitamment, vous inscrivez dans la loi l’exigence de l’équilibre du résultat d’exploitation.
C’est condamner France Télévisions d’avance. En effet, passer au média global nécessite des investissements importants et sans qu’on puisse en attendre de rentabilisation dans les premières années. Or l’objectif que vous assignez à l’entreprise unique est avant tout la rationalisation des coûts et la réalisation d’économies.
De même, il faut être naïf pour ne pas s’apercevoir que TF1 a des visées sur France 4, chaîne qui bénéficie d’une très bonne image et permet à France Télévisions d’attirer un public jeune. En effet, France 4 permettrait au groupe Bouygues de rattraper son erreur stratégique face à la TNT.
Quant aux groupes de la presse quotidienne régionale, ils ne verraient pas d’un mauvais œil le dépeçage de France 3. Pour notre part, nous sommes très attachés à une information pluraliste et indépendante de qualité portée par le service public, et déclinée au niveau national, régional et local.
Notre audiovisuel public a une forte notoriété internationale. France 2 et France 3 reçoivent de nombreux prix à l’étranger, notamment dans le domaine de l’information. Il est de notre responsabilité de conserver notre rang parmi les chaînes qui vont au front à l’international, y compris sur internet, dans le cadre du média global.
France Télévisions constitue un formidable outil industriel. Seulement, vous avez freiné tous ses projets de développement pour ne pas gêner le privé ! Qu’il s’agisse du projet de la Chaîne Info, LCI, ou de chaînes internationales, vous n’avez pas pu vous empêcher de donner une part du gâteau à TF1, qui va réaliser au passage une belle plus-value.
L’allégeance du Président de la République à l’égard des grands groupes privés, tout particulièrement de la communication, nous autorise à nourrir les pires craintes pour l’avenir de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais adresser deux demandes au Gouvernement.
La situation outre-mer, madame la ministre, sera différente de celle de la métropole. En effet, sur la base d’un amendement déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, la publicité persistera sur les antennes de RFO pendant les trois années qui viennent : 2009, 2010, 2011. Néanmoins, dans le même temps, il a été prévu de percevoir la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet. Il y a là une injustice.
Par ailleurs, le fonctionnement de RFO soulève de nombreuses questions, et je me permettrai, madame la ministre, de vous suggérer de mettre à profit ce laps de temps de trois ans pour en améliorer la situation.
À écouter les commentaires des uns et des autres sur RFO, on entend beaucoup de critiques, parfois excessives, et très peu de louanges.
C’est un service qui coûte cher, très cher : 256 millions d’euros. Sa grille de salaires varie d’un fuseau horaire à l’autre. Sa productivité est très faible et sa créativité franchement insuffisante. On peut dire que RFO ne relaie pas, là où elle est écoutée, la richesse de la culture française et que, en retour, elle ne relaie pas vers la métropole et vers l’Europe la richesse culturelle des peuples et des terres de l’outre-mer.
Or, si l’on crée un service public de l’audiovisuel à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les Caraïbes, dans l’océan Indien ou dans le Pacifique, c’est bien pour susciter ce mouvement de va-et-vient culturel ! La culture et les communications ne sont-ils pas les deux grands vecteurs du développement économique du xxie siècle ?
Madame la ministre, vous avez estimé qu’il fallait différer la suppression de la publicité pendant trois ans. Nous en sommes d’accord. Mais utilisez alors ce laps de temps pour procéder, en relation avec le Sénat et l’Assemblée nationale, à un audit de RFO. Fixez des objectifs à RFO, en accord avec le ministre chargé de l’outre-mer, Yves Jégo. Prévoyez des objectifs en matière de rayonnement culturel, de création et de studios cinématographiques. L’outre-mer a une lumière et des paysages qui n’ont rien à envier à la Californie ou à Bombay. Nos territoires peuvent être, pour la France, des studios vivants de créativité cinématographique et lui apporter un complément de richesses non négligeable.
L’outre-mer n’est plus dans la position de la main tendue. Nous avons compris les messages que nous ont adressés différents collègues. Nous sommes dans la position du donnant-donnant, du gagnant-gagnant, d’une nouvelle stratégie de croissance économique. Dans cette dernière logique, nous disons « chiche » au Gouvernement.
Madame la ministre, vous avez trois ans pour rebattre les cartes avec la société de service public qu’est RFO. Nous pouvons, dans cette période, redistribuer les moyens, recentrer ses missions, définir clairement ses objectifs et faire de RFO, au sein de la société unique de service public de l’audiovisuel, un atout de la culture française outre-mer.
Telle est ma première demande, qui me paraît raisonnable, mais qui, à bien des égards, correspond à une nécessité absolue.
Ma seconde demande rejoint les interrogations et les suggestions émises par la commission des affaires économiques. Le Gouvernement a donc estimé qu’il fallait différer la suppression de la publicité jusqu’au mois de novembre 2011 sur les antennes de RFO. Mais, dans le même temps, est instaurée une taxe générale de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à internet. Or, madame la ministre, mes chers collègues, je fais appel à votre compréhension. À la Réunion, ces fournisseurs doivent déjà lutter contre une position dominante de France Télécom, qui détient la majorité de l’accès au câble sous-marin SAFE.
Nous souffrons d’une fracture numérique qui constitue un frein considérable à notre développement économique.
La publicité étant maintenue sur RFO pour trois ans, et cela sur l’initiative du Gouvernement, ne nous compliquez pas la tâche : tenez compte de cette exception et différez de trois ans également l’application de la taxe sur les opérateurs. C’est une question d’équité, de logique, de bon sens ! Je remercie d’ailleurs la commission des affaires économiques de nous avoir rejoints sur ce point.
N’aggravons pas la fracture numérique. Différons de trois ans le paiement de la taxe outre-mer. C’est le sens d’un amendement que j’ai déposé, comme d’un amendement émanant de la commission des affaires économiques. Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter l’un d’entre eux.
Dans le domaine des télécommunications, où nous pouvons apporter un service et une meilleure productivité en raison du décalage horaire, nous ne disposons pas des débits qui conviennent. Le coût du débit ADSL dans les départements d’outre-mer est dix fois plus élevé qu’en métropole.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Jean-Paul Virapoullé. Or il a été admis, tant par le Président de la République que par le Gouvernement et par l’ensemble des membres de cette assemblée, que, dans le projet de loi sur l’outre-mer qui sera examiné ici dans quelques semaines, serait créée une zone franche globale dans les quatre départements d’outre-mer sur quatre secteurs prioritaires et que les communications seraient un secteur prioritaire pour les quatre départements d’outre-mer.
Avant d’achever mon propos, je souhaite vous communiquer quelques chiffres, mes chers collègues.
Dans les départements d’outre-mer, les abonnés au haut débit représentent 30 % des foyers, contre 70 % en métropole, et 90 % d’entre eux sont abonnés à France Télécom, 8 % seulement à Outremer Télécom, alors qu’en métropole France Télécom regroupe 50 % des abonnés, SFR 25 % et Neuf Télécom 20 %.
Les offres triple play sont très peu diffusées outre-mer. À titre d’exemple, l’offre de base de France Télécom dans les départements d’outre-mer pour 512 kilobits s’élève à 50 euros par mois, sans téléphone ni télévision ; celle d’Outremer Télécom pour un mégabit atteint 39,90 euros, téléphone et télévision inclus.
Sachez que le tarif d’accès au câble sous-marin SAFE est de 460 euros par mégabit et par mois, alors qu’il est de 10 euros en métropole. Si ce n’est pas une fracture numérique, si ce n’est pas un véritable frein au développement économique, qu’est-ce que c’est ?
Voilà, madame la ministre, les préoccupations dont je tenais à vous faire part à l’occasion de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous parlerai pas ce soir de publicité à la télévision, du montant de la redevance, non plus que de la nomination du président de France Télévisions et de sa révocation ! De quoi vais-je alors traiter ?
Je voudrais aborder devant vous un autre aspect des projets de loi dont nous débattons En effet, le débat sur les points que je viens de mentionner, pour nécessaire et ouvert qu’il soit, est surtout d’ordre national et il occulte quelque peu une autre facette de l’audiovisuel : je veux parler de l’audiovisuel extérieur. Vous comprendrez que, en ma qualité de sénateur représentant les Français établis hors de France, j’y attache une grande importance. Au demeurant, c’est un élément primordial non seulement pour lesdits Français, mais également pour la France.
Je me permettrai d’ajouter que, en tant qu’ancien journaliste ayant été pendant plus de trente ans correspondant de presse et de radiotélévision à l’étranger, j’ai une certaine connaissance pratique de ce dossier.
Chers collègues qui êtes – et c’est logique – plus concentrés, dans ce débat, sur la nomination du président et la publicité, pardonnez-moi de vous rappeler que l’audiovisuel extérieur joue un rôle majeur pour les plus de 2 millions de nos compatriotes vivant à l’étranger, car il leur permet de conserver des liens étroits avec notre pays.
Plus généralement, l’audiovisuel extérieur représente un outil essentiel pour promouvoir la francophonie et nos valeurs à travers le monde. Il assure également une part importante du rayonnement et de la présence de la France. À l’époque que nous vivons, il est impératif que nous puissions défendre nos idées sur toute la planète.
Je me félicite donc que les deux projets de loi comportent des dispositions visant à conforter la réforme de l’audiovisuel extérieur, qui a été engagée depuis déjà plusieurs mois sur l’initiative du Président de la République.
Il faut d’ailleurs rendre hommage à l’action du Président de la République et du Gouvernement, qui ont eu le courage de s’attaquer à ce chantier, trop souvent délaissé par le passé, quels que soient les gouvernements.
Malgré un financement presque comparable à celui qui est consacré en la matière par nos partenaires, notre audiovisuel extérieur souffrait, en effet, de la dispersion de ses opérateurs, d’un manque de synergies et d’une absence de pilotage stratégique. Il était donc indispensable de remédier à ces dysfonctionnements en le rendant plus cohérent, plus efficace et en le dotant d’un véritable pilotage stratégique.
La création de la société holding Audiovisuel extérieur de la France, qui a vocation à regrouper l’ensemble des participations publiques dans les sociétés de l’audiovisuel extérieur, est une mesure qui va dans la bonne direction.
Face à des concurrents anciens, comme les médias anglo-saxons, tels CNN ou la BBC, mais aussi à de nouveaux venus, comme la chaîne arabe Al-Jazira, ou à l’émergence de radios locales, la place de l’audiovisuel extérieur français était menacée.
Tout le monde s’accorde à reconnaître le rôle essentiel de Radio France Internationale, notamment en Afrique francophone.
Bien sûr, des critiques sont parfois émises sur l’objectivité de RFI, critiques que j’entends régulièrement lorsque je vais à la rencontre des Français de l’étranger.
En tant qu’ancien journaliste, je défends l’indépendance de mes collègues journalistes.
Mme Catherine Tasca. Bravo ! Il y a de quoi faire !
M. Robert del Picchia. On peut discuter du fonctionnement de RFI, mais il faut respecter cette indépendance.
M. David Assouline. Bravo !
M. Robert del Picchia. Cela étant, mes chers collègues, il faut bien reconnaître que le modèle de radio issu de la guerre froide, sur lequel repose encore largement l’organisation de RFI, ne correspond plus ni à l’état du monde d’aujourd’hui ni aux pratiques résultant des nouvelles technologies. Cette inadéquation tient moins aux dirigeants de cette radio qu’au manque de moyens.
Quoi qu’il en soit, une réforme de RFI est indispensable notamment pour renforcer la place des nouvelles technologies, comme la radio sur internet. En effet, aujourd’hui, plus personne n’écoute les ondes courtes.
En outre, on ne peut pas dire que le mode d’organisation actuel de RFI soit compatible avec une gestion moderne et efficace de cette société.
Par ailleurs, TV5 Monde, chaîne généraliste et francophone, occupe une place à part dans le nouvel ensemble. Il résulte en effet des négociations avec nos partenaires francophones que la holding détiendra seulement 49 % de son capital, alors qu’elle devrait détenir, à terme, 100 % du capital de RFI et de France 24 ; TV5 Monde sera donc, si j’ai bien compris, madame la ministre, un partenaire et non une filiale de la holding. (Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, acquiesce.)
Pour autant, il existe de nombreuses synergies possibles entre TV5 Monde, RFI et France 24. Vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre, pour ce qui concerne notamment la distribution ou le partage de certaines fonctions administratives, voire les journalistes.
Ancien journaliste de radio, j’ai appris à travailler sur internet et à faire de la télévision. Avec un peu de bonne volonté et une formation, les journalistes de radio peuvent toujours arriver à travailler à la télévision. Il peut donc exister une synergie entre RFI et les autres chaînes de télévision.
Par ailleurs, TV5 Monde est menacée par le basculement de l’analogique au numérique. La qualité de ses programmes pourrait aussi être améliorée en augmentant la production des missions originales.
Trop discrète dans ses succès, TV5 Monde a cependant un impact plus grand qu’on ne le reconnaît officiellement. Les échos que nous avons recueillis lors de nos voyages témoignent de l’intérêt international pour cette chaîne, particulièrement appréciée par un public qui n’est pas seulement francophone.
Lancée au mois de décembre 2006, France 24 est la dernière venue du paysage audiovisuel extérieur français. Elle vise à donner un point de vue français sur l’actualité internationale. À la lumière de la situation mondiale, notamment de ce qui se passe actuellement au Proche-Orient, son importance est démontrée.
Quelles que soient les nombreuses critiques qui ont été émises sur France 24 – mais j’ai remarqué que leurs auteurs ne l’ont généralement jamais regardée et ne savent même pas où la trouver –, cette chaîne a fait la preuve de sa réussite. En effet, elle a répondu à l’objectif qui lui avait été assigné. On a voulu créer non pas une chaîne généraliste, mais une chaîne d’information moderne, simple. Belle réussite puisqu’elle a été élue, l’année dernière, chaîne d’information de l’année. Elle dispose de journalistes de qualité, souvent très jeunes, rompus aux nouvelles technologies. Ses parts de marché sont fortes, notamment au Maghreb. Son site internet est très visité ; il est en plein développement.
Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense, les deux projets de loi dont nous sommes saisis comportent plusieurs dispositions qui visent à conforter la réforme de l’audiovisuel extérieur.
On le sait, à l’avenir, un contrat d’objectifs et de moyens sera signé, à travers lequel l’État fixera les priorités stratégiques assignées à l’audiovisuel extérieur. Les règles de gouvernance de la nouvelle société seront largement inspirées de celles de France Télévisions et de Radio France.
À cet égard, madame la ministre, j’approuve sans réserve les amendements adoptés par la commission des affaires étrangères, qui visent, notamment, à renforcer la place de la francophonie – nous souhaitons qu’un spécialiste de ce domaine siège au conseil d’administration – et à associer les commissions des deux assemblées chargées des affaires étrangères au contrôle de la holding.
Madame la ministre, une inquiétude subsiste pour moi, qui porte sur le financement de l’audiovisuel extérieur. Celui-ci représente moins de 300 millions d'euros, alors que, à titre de comparaison, l’audiovisuel public national reçoit 3 milliards d'euros, dont 2 milliards sont issus de la redevance. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de trouver des ressources supplémentaires pour permettre à France Télévisions de compenser la perte de ses recettes publicitaires, l’audiovisuel extérieur devienne une variable d’ajustement.
Je sais le Gouvernement soucieux du bon fonctionnement de l’audiovisuel extérieur. C’est d'ailleurs dans l’intérêt de notre pays, mais aussi des Français de l’étranger. C'est pourquoi, madame la ministre, je soutiendrai volontiers ces deux projets de loi, qui vont dans la bonne direction, et je vous souhaite bon courage pour les faire adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec beaucoup d’attention tous les orateurs qui se sont exprimés.
Je suis profondément persuadée que les projets qui vous sont présentés constituent une grande réforme. Certes, celle-ci a été lancée par le Président de la République.
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi « certes » ? Ce mot est étrange… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christine Albanel, ministre. Toutefois, je la porte avec conviction parce que je crois qu’elle traduit véritablement une grande ambition culturelle.
Certains ont affirmé que cette réforme n’était pas demandée par les Français. Mais quels sont les grands projets culturels ou audiovisuels qui sont réclamés à cor et à cri par nos compatriotes ?
M. Jean-Pierre Sueur. En somme, les Français sont nuls ! Ils ne demandent rien pour la culture !
Mme Christine Albanel, ministre. Après coup, les Français apprécient ces réformes, ils en sont heureux et les vivent a posteriori comme nécessaires. Mais elles sont rarement imaginées parce que nous vivons dans des systèmes qui ne nous permettent pas de concevoir d’autres dispositifs. Dans les années 1980, par exemple, qui demandait un nouvel opéra à la Bastille, une nouvelle bibliothèque nationale, un « Grand Louvre » ?
M. David Assouline. La gauche !
Mme Christine Albanel, ministre. Ce furent de grandes réformes, dont j’observe qu’elles ont coûté extrêmement cher à une époque où la situation économique était très difficile.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais elles ont rapporté énormément, en particulier en termes culturels !
Mme Christine Albanel, ministre. En outre, elles ne touchaient que Paris, alors que nous portons aujourd'hui un vaste projet, qui concerne tout le territoire et que tous les Français pourront apprécier, pour un coût finalement bien moindre.
Des programmes qui commencent à vingt heures trente-cinq, de véritables deuxièmes et troisièmes parties de soirée, un journal du soir de France 3 qui commence à vingt-deux heures trente, une émission de Frédéric Taddeï qui a lieu tous les soirs à vingt-trois heures, ce n’est pas la même chose que des tunnels de publicité encadrant le journal du soir, comme c’était encore le cas récemment !
Je crois que nous pouvons être plus imaginatifs et plus audacieux. Nous disposons déjà d’une télévision publique de qualité – je ne cesse de le répéter depuis un an –, mais nous pouvons aller plus loin et affirmer encore davantage sa singularité.
Ces derniers mois, tous les acteurs concernés se sont préparés à cette nouvelle télévision publique. Toutes les équipes de France Télévisions se sont mobilisées, de nouvelles grilles de programme ont été élaborées et les annonceurs publicitaires ont pris en compte la suppression de la publicité à partir de vingt heures.
Au cours du débat parlementaire, nous nous sommes trouvés confrontés à une obstruction délibérée de la part de la gauche.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez fait naguère obstruction aux lois de décentralisation, entre autres, alors cessez de nous faire ce reproche !
Mme Christine Albanel, ministre. Nous nous sommes alors demandé si nous ne devions pas remettre à plus tard cette réforme importante, mais cette solution, je le répète, a paru dangereuse, car elle aurait pu fragiliser France Télévisions, économiquement, psychologiquement et professionnellement.
La décision a donc été prise de demander au président de France Télévisions de cesser de commercialiser ses espaces publicitaires après vingt heures. Toutefois, il me paraît tout à fait important de donner aujourd'hui à cette mesure force de loi.
De même, le projet de loi prévoit la suppression totale de la publicité, sous réserve d’une clause de revoyure, et il définit les modalités de compensation de la perte des ressources publicitaires, ce qui est évidemment tout à fait essentiel. Enfin, ce texte comporte de nombreuses dispositions sur la gouvernance de France Télévisions, dont il a beaucoup été question dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que sur l’audiovisuel extérieur.
En ce qui concerne la compensation de la perte des recettes publicitaires et, d’une façon plus générale, les ressources de l’audiovisuel public, je pense que celles-ci ne sont pas négligeables. Comme l’a rappelé M. Robert del Picchia, France Télévisions dispose en réalité d’un budget de 3 milliards d'euros, dont près de 2,5 milliards de ressources publiques, ce qui n’est pas rien. D'ailleurs, un précédent contrat d’objectifs et de moyens a prévu que ces ressources augmenteraient en moyenne de 3 % par an, ce qui représente un effort important de l’État.
Il est certain que la modification des règles publicitaires entraînera un manque à gagner pour France Télévisions. C'est pourquoi le Parlement a voté en loi de finances une subvention de 450 millions d'euros. Cette somme correspondait aux estimations réalisées par la commission pour la nouvelle télévision publique, qui avait d'ailleurs recueilli l’avis de tous les professionnels et des responsables de France Télévisions eux-mêmes.
Je crois donc que les ressources sont présentes et que l’État s’est engagé très fortement. Notre objectif n’est pas d’appauvrir l’audiovisuel public ni de mettre en place une télévision publique au rabais, bien au contraire !
En ce qui concerne les modalités de la compensation de la perte de ressources publicitaires, je rappelle que nous avions choisi d’indexer la redevance sur l’inflation. Cette mesure avait été adoptée lors d’une précédente loi de finances, et pour ma part j’ai regretté qu’elle soit soudain gelée, ce qui a entraîné un véritable manque à gagner pour France Télévisions.
Nous aurons de nouveau l’occasion de débattre de cette question, je l’espère de façon constructive, mais il est vrai que le choix a été fait de recourir à des taxes, dont l’une porte sur les ressources publicitaires des chaînes privées. En effet, tout porte à croire que la publicité se déplacera depuis les télévisions publiques vers les chaînes privées, et il est donc normal de taxer les recettes correspondantes.
Mais encore faut-il que ces transferts de publicité aient lieu ! Nous souhaitons apprécier la réalité de ces surplus de recettes. En effet, s’ils n’étaient pas avérés, en raison de la crise économique et du repli que l’on observe aujourd'hui sur le marché publicitaire, nous ne pourrions pas les taxer. Nous ne pouvons imposer que des surplus de recettes, pas des déficits ! D’où les dispositions qui ont été adoptées.
Par ailleurs, une taxe a été instituée qui frappe les opérateurs de télécommunications. Pourquoi ce secteur ? Parce qu’il est en expansion et se porte bien. En outre, je le rappelle, les opérateurs, qui sont peu nombreux, sont producteurs et utilisateurs d’images – pour s’en persuader, il suffit d’observer les chaînes consacrées au cinéma ou aux séries télévisées par Free ou Orange, entre autres –, et ils le seront toujours davantage. Enfin, le chiffre d’affaires de ce secteur est considérable – il représente plus de 42 millions d'euros – et les marges bénéficiaires des opérateurs sont extrêmement importantes puisqu’elles sont de l’ordre de 20 %. Pour toutes ces raisons, il a donc semblé pertinent de le mobiliser.
Dans ces conditions, je ne pense pas que la taxe qui vous est proposée, mesdames, messieurs les sénateurs, soit de nature à mettre en péril ce secteur ni même à provoquer une hausse considérable de ses tarifs, tout simplement parce que s’y exerce la concurrence.
En ce qui concerne la création d’une société unique, qui a été approuvée par de très nombreux orateurs, je pense qu’il s’agit d’un très bon projet, dont on débattait d'ailleurs depuis longtemps.
Nous suivons le modèle mis en œuvre par Radio France, dont on voit bien qu’il est cohérent, qu’il permet de susciter des synergies et de mutualiser les moyens, tout en respectant l’identité forte des différentes chaînes – le cas de RFO a été particulièrement évoqué par M. Virapoullé –, que les auditeurs apprécient. De même, les téléspectateurs aiment France 2, France 3 ou France 5, et ils sont habitués à la présence de ces grands réseaux au sein du paysage audiovisuel. D'ailleurs, les différentes lignes éditoriales devront absolument être préservées – le projet de loi le prévoit explicitement –, ce qui constitue un élément fort de la réforme.
Des longues discussions dont la gouvernance a déjà fait l’objet dans le passé, il ressortait parfois que l’État actionnaire, qui garantit les ressources et fixe les programmes et les cahiers des charges, devait procéder à la nomination des dirigeants.
Je rappelle que, dans le paysage qui se dessine, tout le monde disposera de la TNT d’ici à 2011. Il est d'ailleurs très important, monsieur Plancade, que tous les Français puissent accéder à ce réseau, et nous sommes en train de préparer les décrets nécessaires pour que nul ne soit privé du numérique, même dans des zones difficiles comme les zones de montagne, qui nécessitent des mesures d’accompagnement.
Dans ce paysage audiovisuel diversifié, où de très nombreux téléspectateurs ont accès à la TNT mais aussi à des centaines d’autres chaînes via le câble et le satellite, où les pratiques évoluent – les enquêtes montrent que l’on passe aujourd'hui sans cesse de la télévision à l’ordinateur –, il n’est pas absurde que le président des chaînes publiques soit nommé par l’État
En outre, des verrous importants sont prévus, à savoir l’avis conforme du CSA et le vote du Parlement, qui suppose une délibération publique, car on peut imaginer – le débat actuel sur l’audiovisuel le prouve abondamment ! – que le choix du président de France Télévisions sera examiné avec la plus grande attention par les parlementaires.
Honnêtement, je crois donc que le dispositif prévu est cohérent, qu’il témoigne d’un certain esprit de responsabilité et d’une réelle logique, et qu’il nous offre même davantage de liberté. Ainsi, nous pourrons peut-être faire appel à des personnalités qui n’auraient pas été candidates avec le système actuel parce qu’elles se trouvent à la tête de telle ou telle entreprise, alors qu’elles seraient susceptibles d’apporter beaucoup à l’audiovisuel public.
Je rappelle que, avec l’appui de François Mitterrand, André Rousselet, qui avait été son directeur de cabinet, fonda Canal Plus. Cette initiative se révéla des plus heureuses : François Mitterrand avait fait appel à un proche, pressentant que ce dernier donnerait le meilleur de lui-même dans cette nouvelle entreprise.
C’est dans cet esprit qu’il faut envisager la présente réforme.
On aurait pu proposer au regretté Jean Drucker, par exemple, de prendre la tête de France Télévisions. Il n’aurait certainement pas été spontanément candidat : en tant que président d’une autre chaîne, il n’aurait pas pris le risque d’une telle candidature. En tout cas, le nouveau système donnera cette liberté, cette cohérence, dans un esprit de responsabilité.
C’est une proposition que je soutiens avec beaucoup de conviction, certaine qu’elle trouvera toute sa place dans notre paysage audiovisuel moderne.
Cette réforme touche aussi l’audiovisuel extérieur, dont M. del Picchia rappelait l’importance et la nécessaire diversité. Certes, beaucoup d’argent – peut-être pas assez, selon lui ! – est dépensé pour l’audiovisuel extérieur, mais ces sommes sont à peu près comparables à celles que consentent d’autres pays européens, bien que réparties d’une manière extrêmement éclatée entre France 24, TV5 Monde et RFI.
Il est essentiel que, grâce au présent projet de loi, des synergies et des mutualisations puissent être trouvées, afin que non seulement la francophonie, qui est une cause très chère à nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, soit plus soutenue et aussi que la voix de la France soit mieux entendue.
C’est pour cette raison que la réforme de l’audiovisuel extérieur est un axe majeur de ce projet de loi. Nous y reviendrons au cours de la discussion.
La modification des décrets concernant la publicité fait dire à certains que le Gouvernement veut faire des cadeaux aux chaînes privées, notamment à TF1.
Cependant, l’intérêt de tous est que les ressources de ces chaînes privées soient confortées : en effet, toutes leurs obligations vis-à-vis du cinéma et de la création audiovisuelle sont assises sur leur chiffre d’affaires. Or, actuellement, ce chiffre d’affaires n’est pas aussi flamboyant que d’aucuns le laissent accroire. J’en veux pour preuve le recul du marché publicitaire. Mieux vaut que les chaînes privées soient fortes, pour pouvoir participer elles aussi à la création cinématographique et à la création audiovisuelle.
La réforme touche également les accords interprofessionnels, qui ont remplacé les décrets de Mme Tasca, lesquels ont joué pleinement leur rôle.
Chacune des parties prenantes a signé : les auteurs, les producteurs, les représentants de toutes les chaînes de télévision. Ces accords visent à faciliter la circulation des œuvres, ce qui la rendra plus intéressante pour ceux qui la financent. L’accent est mis sur la production, sur le patrimonial. Ce sont de bons accords, qui traduisent une belle ambition.
C’est ainsi que France Télévisions va voir son investissement dans la production audiovisuelle française passer de 365 millions d'euros à 420 millions d'euros en 2011. C’est dire l’ampleur de l’effort engagé en faveur de la création et de la production.
C’est donc une réforme d’ensemble que je vous présente, mesdames, messieurs les sénateurs, réforme que beaucoup de créateurs saluent.
Ainsi, le réalisateur Pascal Thomas écrivait ces jours-ci dans Le Monde : « On ne mesure pas assez ce que pourrait être un espace télévisuel où seront absents les films publicitaires. Si on le veut bien, ce sera la liberté de création retrouvée. Tout est possible. C’est l’usage qui crée la forme de la culture. »
Je suis persuadée que les programmateurs doivent, en effet, faire montre d’audace, de liberté, d’imagination.
M. David Assouline. Vous ne manquez pas de toupet !
Mme Christine Albanel, ministre. Supprimer la publicité permet de créer les conditions d’avènement de cette nouvelle télévision.
Cela prendra du temps, mais je donne rendez-vous à tous les téléspectateurs et, bien sûr, à tous ceux qui auront participé à cette réforme dans un an : je suis sûre qu’elle sera alors appréciée, considérée comme une évidence, comme quelque chose de précieux qui aura eu des conséquences sur l’ensemble du paysage, car les chaînes privées auront évolué elles aussi. Les Français en seront extrêmement contents.
M. David Assouline. Et le déficit ? Et le plan social ?
Mme Christine Albanel, ministre. C’est ce que je souhaite, en espérant vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. David Assouline. Ce n’est pas gagné !
Mme Christine Albanel, ministre. Les débats sont ouverts. Je serai bien sûr très attentive à toutes vos suggestions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance
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Communication relative à l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 23 décembre 2008, l’informant de l’adoption définitive des trente-huit textes soumis en application de l’article 88-4 de la Constitution suivants :
E 1895Proposition de décision-cadre du Conseil concernant la lutte contre le racisme et la xénophobie.
(Adopté le 28 novembre 2008)
E 1987Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux conditions de travail des travailleurs intérimaires.
(Adopté le 27 novembre 2008)
E 3056Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil relative aux déchets.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3246Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’élimination de contrôles aux frontières des États membres dans le domaine des transports par route et par voies navigables (version codifiée).
(Adopté le 22 octobre 2008)
E 3247Proposition de règlement (EURATOM, CE) du Parlement européen et du Conseil relatif à la transmission à l’Office statistique des Communautés européennes d’informations statistiques couvertes par le secret (version codifiée).
(Adopté le 22 octobre 2008)
E 3264Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3297Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’interdiction des exportations de mercure métallique et au stockage en toute sécurité de cette substance.
(Adopté le 22 octobre 2008)
E 3421Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les statistiques de l’énergie.
(Adopté le 22 octobre 2008)
E 3426Projet de décision-cadre du Conseil concernant la reconnaissance et la surveillance des peines assorties du sursis avec mise à l’épreuve et des peines de substitution : Initiative des délégations allemande et française.
(Adopté le 27 novembre 2008)
E 3451Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3471Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les statistiques de la viande et du cheptel.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3528Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux enquêtes sur la structure des exploitations et à l’enquête sur les méthodes de production agricole et abrogeant le règlement (CEE) n° 571/88 du Conseil.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3551Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/22/CE du Conseil concernant l’interdiction d’utilisation de certaines substances à effet hormonal ou thyréostatique et des substances ß-agonistes dans les spéculations animales.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3696Proposition de décision-cadre du Conseil modifiant la décision cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme.
(Adopté le 28 novembre 2008)
E 3699Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le niveau minimal de formation des gens de mer (Refonte).
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3734Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant adaptation à la décision 1999/468/CE du Conseil, telle que modifiée par la décision 2006/512/CE, de certains actes soumis à la procédure visée à l’article 251 du traité, en ce qui concerne la procédure de réglementation avec contrôle. (Adaptation à la procédure de réglementation avec contrôle. Première partie).
(Adopté le 22 octobre 2008)
E 3752Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant adaptation à la décision 1999/468/CE du Conseil, telle que modifiée par la décision 2006/512/CE, de certains actes soumis à la procédure visée à l’article 251 du traité, en ce qui concerne la procédure de réglementation avec contrôle. (Adaptation à la procédure de réglementation avec contrôle. Troisième partie.)
(Adopté le 22 octobre 2008)
E 3770 Annexe 5Avant-projet de budget rectificatif n° 5 au budget général 2008. État général des recettes.
(Adopté le 2 septembre 2008)
E 3770 Annexe 6Avant-projet de budget rectificatif n° 6 au budget général 2008. État des dépenses par section. Section III. Commission.
(Adopté le 23 septembre 2008)
E 3770 Annexe 7Avant-projet de budget rectificatif n° 7 au budget général 2008. État des dépenses par section. Section III. Commission.
(Adopté le 20 octobre 2008)
E 3802Adaptation à la procédure de réglementation avec contrôle. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages, en ce qui concerne les compétences d’exécution conférées à la Commission.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3826Proposition de décision du Conseil concernant l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole relatif à l’évaluation stratégique environnementale à la convention de la CEE ONU sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière signée à Espoo en 1991.
(Adopté le 20 octobre 2008)
E 3850Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs, en ce qui concerne l’article 6, paragraphe 2, ayant trait à la mise sur le marché des piles et des accumulateurs.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 3916Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 639/2004 du Conseil relatif à la gestion des flottes de pêche enregistrées dans les régions ultrapériphériques.
(Adopté le 28 novembre 2008)
E 3977Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l’Union européenne.
(Adopté le 22 octobre 2008)
E 3979Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 55/2008 introduisant des préférences commerciales autonomes pour la République de Moldavie (présentée par la Commission).
(Adopté le 20 novembre 2008)
E 3982Proposition de règlement du Conseil portant modification et mise à jour du règlement (CE) n° 1334/2000 instituant un régime communautaire de contrôles des exportations de biens et technologies à double usage.
(Adopté le 24 octobre 2008)
E 3984Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un accord sous forme d’échange de lettres entre la Communauté européenne et la République de Cuba.
(Adopté le 13 octobre 2008)
E 3985Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en œuvre de l’accord sous forme d’échange de lettres entre la Communauté européenne et la République de Cuba conformément à l’article XXIV, paragraphe 6, du GATT de 1994, et modifiant et complétant l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.
(Adopté le 13 octobre 2008)
E 4003Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 40/2008 en ce qui concerne les mesures de gestion adoptées par la Commission des thons de l’océan Indien et l’organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud.
(Adopté le 1er décembre 2008)
E 4010Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation.
(Adopté le 19 novembre 2008)
E 4011Proposition de règlement du Conseil établissant, pour 2009, les possibilités de pêche et les conditions y afférentes applicables en mer Noire pour certains stocks halieutiques.
(Adopté le 10 novembre 2008)
E 4074Projet de décision du Conseil relative à l’application de la totalité des dispositions de l’acquis de Schengen dans la Confédération suisse. (Note de la Présidence).
(Adopté le 27 novembre 2008)
E 4081Proposition de règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de glutamate monosodique originaire de la République populaire de Chine.
(Adopté le 27 novembre 2008)
E 4084Initiative de la France visant à modifier l’annexe 13 des instructions consulaires communes relative au remplissage de la vignette-visa.
(Adopté le 27 novembre 2008)
E 4095Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 713/2005 du Conseil instituant un droit compensateur définitif sur les importations de certains antibiotiques à large spectre originaires de l’Inde.
(Adopté le 27 novembre 2008)
E 4105Proposition de règlement du Conseil modifiant l’annexe I au règlement (CE) n° 1528/2007 du Conseil afin d’ajouter la République de Zambie à la liste des États ou des régions ayant conclu des négociations.
(Adopté le 8 décembre 2008)
E 4110Proposition de règlement (CE) n° …/.. du Conseil instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’acide citrique originaire de la République populaire de Chine.
(Adopté le 1er décembre 2008)
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Dépôt d'une proposition de loi
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean Louis Masson une proposition de loi tendant à la responsabilisation des cyclistes en cas d’accident avec des piétons.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 153, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
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Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
Mme la présidente. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de la réglementation commune des institutions des Communautés européennes modifiant la réglementation commune fixant les modalités de composition du comité du statut.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4201 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de directive de la Commission modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique, la directive 72/245/CEE du Conseil concernant les parasites radioélectriques (compatibilité électromagnétique) produits par les véhicules à moteur.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4202 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord de partenariat intérimaire entre la Communauté européenne, d’une part, et les États du Pacifique, d’autre part.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4203 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant la révision du cadre financier pluriannuel (2007-013). Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant l’accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière en ce qui concerne le cadre financier pluriannuel.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4204 et distribué.
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Dépôt d'un avis
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Bruno Retailleau un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 152 et distribué.
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Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 décembre 2008
Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. J’ai reçu de Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009) et sur le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008-2009).
(Dépôt enregistré à la présidence le 6 janvier 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
Le rapport sera imprimé sous le n° 150 et distribué.
Dépôt d’un avis
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Joseph Kerguéris un avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009) et sur le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008 2009).
(Dépôt enregistré à la présidence le 6 janvier 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
L’avis sera imprimé sous le n° 151 et distribué.
Textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation de l’instrument de flexibilité.
(Dépôt enregistré à la présidence le 29 décembre 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
Ce texte sera imprimé sous le n° E 4194 et distribué.
M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88 4 de la Constitution :
- Projet de modification de l’accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière.
(Dépôt enregistré à la Présidence le 29 décembre 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
Ce texte sera imprimé sous le n° E 4195 et distribué.
M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88 4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1859/2005 du Conseil instituant certaines mesures restrictives à l’encontre de l’Ouzbékistan.
(Dépôt enregistré à la Présidence le 29 décembre 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
Ce texte sera imprimé sous le n° E 4196 et distribué.
M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88 4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, et à l’application provisoire de certaines dispositions d’un accord euro-méditerranéen d’association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République arabe syrienne, d’autre part. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un accord euro-méditerranéen d’association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République arabe syrienne, d’autre part.
(Dépôt enregistré à la Présidence le 29 décembre 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
Ce texte sera imprimé sous le n° E 4197 et distribué.
M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1334/2000 instituant un régime communautaire de contrôles des exportations de biens et technologies à double usage.
(Dépôt enregistré à la Présidence le 29 décembre 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
Ce texte sera imprimé sous le n° E 4198 et distribué.
M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil arrêtant la position de la Communauté au sein du Conseil général de l’Organisation mondiale du commerce concernant l’adhésion du Monténégro à l’Organisation mondiale du commerce.
(Dépôt enregistré à la Présidence le 29 décembre 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
Ce texte sera imprimé sous le n° E 4199 et distribué.
M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre pour le déploiement de systèmes de transport intelligents dans le domaine du transport routier et d’interfaces avec d’autres modes de transport.
(Dépôt enregistré à la Présidence le 29 décembre 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 22 décembre 2008)
Ce texte sera imprimé sous le n° E 4200 et distribué.
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Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 8 janvier 2009 :
À dix heures trente :
1. Discussion du projet de loi (n° 145, 2008 2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et projet de loi organique (n° 144, 2008 2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
Rapport (n° 150, 2008-2009) de Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 152, 2008-2009) de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission des affaires économiques.
Avis (n° 151, 2008-2009) de M. Joseph Kerguéris, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
À quinze heures et le soir
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 8 janvier 2009, à onze heures
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD