M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant de développer mon propos, je souhaiterais évoquer un souvenir.
Le 12 mai 1976, devant la commission des libertés de l’Assemblée nationale, à laquelle j’appartenais, André Malraux a pris la parole publiquement pour la dernière fois : « La meilleure loi sur les libertés serait peu de choses si elle ne se rendait pas maîtresse du plus puissant instrument de liberté et d’asservissement qui ait été conçu par l’esprit humain. La prochaine alphabétisation sera l’enseignement audiovisuel. Réforme utopique ? C’est ce que l’on a dit de toutes les grandes réformes. L’utopie, c’est l’espoir des autres… Il ne s’agit pas d’une réforme, mais d’une révolution… »
Si j’ai tenu à citer ces phrases, c’est parce que j’ai fait mien cet esprit-là, que vous pouvez retrouver dans toutes mes interventions.
Au moment où nous allons débattre du budget des médias, l’Assemblée nationale examine le projet de loi relatif à l’audiovisuel public.
Le Gouvernement considère la discussion de ce texte comme secondaire, semble-t-il, puisqu’il en a inscrit les conséquences, dès septembre, dans le projet de budget de l’État. Nous débattrons ainsi de sommes fixées pour compenser la suppression de la publicité, cette même publicité qu’un décret va effectivement rayer de la carte.
Ce projet de budget est représentatif de l’idée que se fait le Gouvernement des processus de débat démocratique et de son projet général pour le secteur des médias.
Démocratie et espace public médiatique font tous deux l’objet de mauvais coups gouvernementaux successifs, incessants et profonds. Envers et contre tous – en tout cas envers de très nombreux citoyens, professionnels et travailleurs –, de manière imperturbable, et malgré les protestations qui s’élèvent de toutes parts, le Gouvernement met en place ses projets de mainmise étatique sur les médias et de soutien aux grands groupes privés.
L’opposition et les professionnels s’expriment-ils contre la réforme de l’audiovisuel en quittant la commission Copé –j’en étais ! – ou en la désavouant publiquement ? Le Gouvernement n’en a que faire !
Les personnels de France Télévisions, de RFI, de l’Agence France-Presse font-ils grève et manifestent ? Le Gouvernement reste sourd !
Pour le Gouvernement, une seule feuille de route : étatisme et affairisme à tous les étages et dans tous les secteurs ! Qu’il s’agisse de l’audiovisuel public, de l’audiovisuel extérieur ou encore de la presse, il n’a de cesse de fragiliser et de précariser le service public au bénéfice de groupes comme Lagardère, Bouygues-TF 1, Bolloré…
Cela fait un an que je dénonce la nature réelle du projet de suppression de la publicité sur le service public. Dans cette affaire, la culture et la création sont détournées et ravalées au rang d’arguments fallacieux pour justifier de nouveaux cadeaux au privé, notamment à TF 1, principale bénéficiaire de l’amputation du service public.
Depuis l’annonce du 8 janvier, France Télévisions est entraînée dans une spirale déficitaire. D’ores et déjà, pour la fin de 2008, le groupe constate plus de 200 millions d’euros de retard par rapport à sa prévision initiale de recettes publicitaires : le conseil d’administration de France Télévisions a dû corriger plusieurs fois son budget rectificatif.
Aujourd’hui, aucun modèle économique valable de substitution à la publicité n’a été présenté et le plan d’affaires n’est toujours pas réglé.
En effet, la majorité persiste dans son refus d’augmentation, même raisonnable, de la redevance.
Les 450 millions d’euros destinés à compenser la disparition des revenus publicitaires ne suffiront pas : le budget de 2008 prévoyait un chiffre d’affaires publicitaire de 800 millions d’euros. Or la régie publicitaire du groupe indique que l’on atteindra au mieux 250 millions ou 260 millions d’euros, compte tenu des modifications de prix et de positions concurrentielles provoquées par la réforme. Il manquera donc au moins 100 millions d’euros. Et c’est sans compter que cette somme ne permettra même pas de couvrir le coût des programmes de remplacement, évalué à 70 millions d’euros.
Par ailleurs, le modèle économique proposé ne tient compte ni des besoins d’investissement dans les nouvelles technologies, ni de l’effet inflationniste sur les coûts de grille du transfert de 450 millions d’euros vers les chaînes privées, ni des coûts sociaux de cette réforme, en particulier au plan salarial.
Enfin, les diverses taxes prévues par le projet de loi font l’objet d’amendements qui les minorent et sont menacées de futures condamnations de la Commission européenne.
Cette asphyxie financière de l’audiovisuel public se décline dans le secteur de l’audiovisuel extérieur. La création, le 4 avril dernier, de la holding « Audiovisuel extérieur de la France » aura, du fait de sa forme actuelle et des mesures qui l’accompagnent, des conséquences importantes sur l’existence et l’indépendance d’organes médiatiques aussi essentiels au pluralisme de l’information que RFI ou l’Institut national de l’audiovisuel.
Cette holding, rappelons-le, réunit en son sein France 24, RFI et TV5 Monde. Son sous-financement, unanimement reconnu, est inquiétant pour le budget de RFI et de TV5 Monde : d’une part, comme l’a relevé le sénateur Claude Belot, la hausse des crédits proposés au titre de ce programme pour 2009, soit 2,5 millions d’euros, est inférieure à celle qui est proposée pour France 24, qui reçoit 3,2 millions d’euros par son contrat de subvention avec l’État ; d’autre part, aucune clé de répartition équitable de ce budget ne figure dans le projet de loi de finances.
La réalité nous fournit d’ores et déjà des éléments d’information sur le rapport de force qui s’installe dans la holding. Ainsi, RFI a dû fermer des antennes, tandis qu’il n’y a pas à s’inquiéter, semble-t-il, pour France 24.
Et c’est à un tel audiovisuel extérieur qu’un amendement vise à transférer la part de la redevance prévue pour l’INA ! C’est inquiétant, car toucher au financement pérenne de l’INA, c’est mettre en cause l’équilibre et la stabilité financière de cet établissement et s’attaquer indirectement à notre patrimoine.
Un autre amendement tend à attribuer une partie de la redevance au GIP « France Télé numérique » et donc, indirectement, à des entreprises non publiques. Or France 24, vous le savez, n’est pas une chaîne entièrement publique, puisque 50 % de son capital sont détenus par TF 1. Cela explique sans doute qu’à l’article 23 du projet de loi de finances, le mot « public » ait été supprimé de l’intitulé du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ». Cela est significatif du hold-up que subissent les fonds publics au profit du privé.
Venons-en à la presse.
Les mauvais coups se multiplient, comme en témoignent, notamment, le départ de nombreux syndicats de journalistes des états généraux de la presse, en protestation contre le tour pro-industriel que prennent ceux-ci, mais aussi la dépénalisation de la diffamation, qui menace de transformer le droit de la presse en simple terrain de règlement de conflits entre particuliers, la menace de privatisation qui plane sur l’AFP depuis les recommandations inquiétantes du rapport Giazzi, et la hausse des seuils anti-concentration votée lors de l’élaboration de la loi de modernisation de l’économie, en juillet, par le biais d’un cavalier.
Et tandis que l’on prépare le terrain pour que les grands groupes de médias deviennent encore plus grands, le tiers secteur, notamment audiovisuel, attend toujours que l’on s’intéresse à lui.
Le présent projet de budget est l’exact reflet de cette tectonique des plaques médiatiques : le secteur public est menacé d’insularisation, tandis que le secteur privé s’apprête à devenir un continent de plus en plus menaçant pour le pluralisme et la diversité.
Non seulement nous ne pouvons voter de tels crédits, mais nous nous élevons contre le projet dont ils sont la traduction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’année 2009 sera l’année de la réforme pour les médias, comme l’a souhaité le Président de la République.
En effet, le paysage médiatique français ne peut rester figé dans un contexte marqué par de profondes mutations technologiques et par l’évolution de nos rapports aux médias.
Tout d’abord, 2009 sera la première année de la nouvelle télévision publique, entreprise unique créée par un projet de loi examiné actuellement par nos collègues députés.
Ensuite, RFI, France 24 et TV5 Monde fonctionneront pour la première fois en commun, au sein d’une holding dénommée « Audiovisuel extérieur de la France », ce qui renforcera la visibilité de la France à l’étranger.
Cette année sera également celle de la tenue des états généraux de la presse, secteur en crise depuis plusieurs années.
J’évoquerai ces trois sujets, en m’attardant plus particulièrement sur la question de l’audiovisuel extérieur français, thème qui me tient à cœur.
En ce qui concerne le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, je tiens à souligner, sans anticiper sur nos prochains débats, combien il me semble important de libérer la télévision publique de la course à l’audimat.
Il existe aujourd’hui une concurrence grandissante entre les chaînes de télévision, mais également entre les chaînes et de nouveaux supports : internet, la télévision sur téléphone, la vidéo à la demande, etc. Grâce aux nouvelles technologies, le consommateur reçoit une offre de plus en plus étendue.
Mais la logique commerciale peut faire craindre une uniformisation des contenus, voire un nivellement vers le bas.
Notre groupe estime que la réforme est une chance : une chance pour le téléspectateur, et une chance pour France Télévisions.
Nos concitoyens doivent avoir accès à un service public qui leur offre une véritable ouverture culturelle et intellectuelle. Soustraite aux règles de la concurrence et à la nécessité de trouver des annonceurs, France Télévisions pourra affirmer sa différence et diffuser des programmes qui ne seront pas destinés à « faire du chiffre ».
De plus, dorénavant entièrement dépendante du financement public, France Télévisions aura une réelle obligation de résultats. Elle devra, encore plus qu’aujourd’hui, accorder une place importante à la création et à la diversité. Il faut bien évidemment lui donner les moyens de le faire.
Les avis sont partagés quant au mode de financement de France Télévisions.
La commission Copé a écouté tous les avis et étudié les différentes solutions possibles. Je ne souhaite pas prendre parti, mais je pense qu’il était sage de rendre progressive la suppression de la publicité, car cela permettra de mener des évaluations et d’examiner les effets de la réforme.
Au Sénat, nous sommes également sensibles à l’autre grand défi qui attend la télévision dans les prochaines années : le passage au tout-numérique, prévu pour le 30 novembre 2011.
Nous nous réjouissons, madame le ministre, que vous financiez une campagne nationale d’information et un fonds d’aide en faveur des foyers les plus modestes, et nous espérons que vous pourrez accélérer la couverture de l’ensemble du territoire. Pourriez-vous nous préciser quelles sont les dispositions prises en ce sens ?
J’en viens maintenant à la question de l’audiovisuel extérieur.
L’année 2009 sera décisive pour la mise en œuvre de la réforme, décidée par le Président de la République, tendant à regrouper au sein d’une holding l’ensemble des participations publiques dans les sociétés RFI, France 24 et TV5 Monde. En tant que sénateur représentant les Français de l’étranger, je me réjouis de cette réforme.
Depuis longtemps, il était reproché à l’audiovisuel extérieur français d’empiler les structures en multipliant les tutelles, de coûter trop cher et de manquer d’efficacité.
Dans le cadre de cette réforme, les sociétés se sont vu assigner une double mission : une mission d’influence, la France devant rivaliser avec les grands médias internationaux, comme CNN ou Al Jazeera, et une mission culturelle, consistant à promouvoir nos valeurs, c’est-à-dire la démocratie, les droits de l’homme, la laïcité, sans oublier la francophonie.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
Mme Christiane Kammermann. Le choix de la holding permettra de faire travailler selon un même plan stratégique RFI, France 24 et TV5 Monde, en respectant la personnalité de chaque institution et en nouant des synergies entre les acteurs. Leur visibilité sera ainsi renforcée.
Vous avez donné dans la presse, madame le ministre, des exemples intéressants des synergies qui pourraient être trouvées. Vous avez notamment cité le cas de France 24, qui souhaite développer ses émissions en langue arabe, sans toutefois parvenir à trouver les financements nécessaires. RFI disposant de rédactions arabophones remarquables, je pense que nous avons là un exemple intéressant de synergie possible.
Pour 2009, le Gouvernement consacre à l’audiovisuel extérieur 298 millions d’euros.
Je souhaiterais émettre une réserve. Comme l’ont souligné nos rapporteurs, le montant des crédits est quasiment identique à celui de l’année précédente et, selon la programmation budgétaire triennale, les financements consacrés à la holding devraient diminuer en 2010 et en 2011.
Certes, des économies devraient être réalisées par la mutualisation des moyens entre les différents opérateurs, ce qui permet d’espérer une baisse des coûts de fonctionnement, mais je partage l’inquiétude de nos rapporteurs. Il serait dommage que la réorganisation des structures souffre d’une faiblesse du financement. Je souhaiterais connaître votre sentiment à ce sujet, madame le ministre.
J’ajouterai que la nouvelle organisation est une première étape et qu’il reste beaucoup à faire. Il est notamment nécessaire que RFI assainisse sa situation financière et recentre ses missions. Je rappelle que, faute d’audience, les dirigeants de RFI ont annoncé, fin octobre, leur intention de supprimer la diffusion des programmes en six langues, dont l’allemand, tandis que trois autres langues – le persan, le chinois et le russe – ne seraient plus utilisées que sur internet. RFI doit s’adapter à la concurrence grandissante des autres chaînes et des autres médias. Ne devrait-elle pas identifier des zones cibles de diffusion prioritaire ? Pourriez-vous nous éclairer sur ce sujet ?
Enfin, j’évoquerai la crise de la presse.
Le constat est connu : depuis plusieurs années, la presse française, plus particulièrement la presse quotidienne, traverse une crise.
Une analyse portant sur les dix dernières années permet de constater une diminution régulière de la diffusion des douze quotidiens nationaux, et l’on note une baisse de la diffusion de 25 % en vingt ans. La tendance est encore plus accentuée pour la presse locale.
Les difficultés du secteur sont dues à plusieurs facteurs : désaffection du lectorat, développement de l’internet et des blogs, diffusion de journaux gratuits, baisse continue des recettes publicitaires, coûts de production élevés.
Le 2 octobre dernier, le Président de la République a lancé des états généraux de la presse écrite, en soulignant qu’il était prêt à revoir les aides publiques et à lutter contre les immobilismes pour sortir ce secteur d’une crise particulièrement marquée en France.
Tous les professionnels intéressés seront réunis pour refonder un système de fabrication, de diffusion et de financement garant du pluralisme et de l’attractivité de la presse. Pour que la politique de soutien engagée soit efficace, je pense qu’il est urgent de définir quel visage devra avoir la presse de demain.
Pour 2009, les aides à la presse et les dotations de l’Agence France-Presse s’élèveront à 279 millions d’euros en crédits de paiement, soit le niveau élevé atteint en 2008. C’est un signe extrêmement positif. Il est important que le Gouvernement maintienne son effort, car la presse contribue de manière essentielle à l’information des citoyens. Elle est un acteur clé de la vie démocratique.
Le présent projet de budget traduit une politique ambitieuse et tournée vers l’avenir. Aussi notre groupe lui apportera-t-il son soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est aujourd’hui un secteur tout entier qui est en pleine mutation : nous le savons bien, l’audiovisuel et la presse écrite doivent notamment faire face au bouleversement technologique du passage au numérique, à la modification des modes de consommation des médias, ainsi qu’à une concurrence internationale de plus en plus forte.
C’est pourquoi nous allons devoir rapidement relever de très nombreux défis fondamentaux afin de permettre la pérennité, la modernisation et le développement de nos médias.
La mission dont nous examinons ce soir les crédits tend à cibler au mieux ces objectifs au travers des différents programmes qu’elle comprend.
Cependant, concernant tout d’abord le programme relatif à la contribution au financement de l’audiovisuel public, je dois avouer ma stupéfaction, madame le ministre.
Le Sénat sera bientôt saisi du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Or, vous nous demandez d’adopter un projet de budget qui comporte une compensation des pertes de ressources publicitaires pour France Télévisions et Radio France, alors même que la suppression de la publicité sur les chaînes publiques n’a pas encore été définitivement votée. Qui plus est, elle est largement contestée, y compris au sein même de votre majorité. Dès lors, il me semble que nous sommes en droit de nous interroger sur le respect accordé aux travaux du Parlement.
De plus, vous me permettrez de m’interroger sur l’opportunité d’une réforme d’une telle ampleur du paysage audiovisuel français au moment où une crise financière d’une rare violence frappe notre pays et inquiète au plus haut point nos concitoyens.
Mais je ne m’attarderai pas davantage sur le sujet de l’audiovisuel, car j’aurai précisément l’occasion d’y revenir lors de l’examen du prochain projet de loi.
Je souhaiterais, pour l’instant, insister sur le thème de l’expression radiophonique locale. Seul média de proximité couvrant l’ensemble du territoire, les radios associatives locales jouent un rôle fondamental dans nos régions. Au-delà de leur dimension sociale et unificatrice à l’échelon de la vie locale, elles remplissent également des missions de formation et d’intégration, en employant plus de 2 000 personnes.
La mission « Médias » est marquée cette année par la budgétisation des crédits du programme de soutien à l’expression de la radiophonie locale, qui étaient, jusqu’au 31 décembre 2008, inscrits au sein d’un compte d’affectation spéciale. Cette budgétisation, qui intervient à la suite de la disparition de ce compte, se justifie surtout par la nécessité de compléter par des crédits budgétaires le montant de la taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée, jusque-là principale source de financement des radios locales associatives.
En effet, à partir de 2009, le produit de cette taxe alimentant le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, le FSER, diminuera fortement du fait de l’arrêt progressif de la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions, très important contributeur. Les radios locales auront donc, elles aussi, à souffrir de la mise en œuvre des dispositions du projet de loi dont je parlais tout à l’heure.
Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, créé en 1982, est chargé de la gestion de l’aide publique aux radios associatives locales assurant une mission de communication sociale de proximité. Il s’agit de favoriser à la fois l’expression de la diversité des groupes sociaux et culturels, les échanges entre eux, le soutien au développement local, la protection de l’environnement, ou encore la lutte contre l’exclusion.
Les subventions de ce fonds sont attribuées par le ministre chargé de la communication aux radios locales associatives répondant à un cahier des charges précis et dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. Ces subventions assurent la survie de quelque cinq cents radios associatives.
C’est la raison pour laquelle je me réjouis vivement que l’État joue son rôle en permettant au FSER de maintenir ces aides essentielles à la diversification du tissu radiophonique. L’enjeu est crucial, car les radios devront rapidement prendre en compte les nouveaux besoins liés à la technologie numérique. Il nous appartiendra donc désormais, à nous parlementaires, de veiller à ce que les crédits votés chaque année pour le financement de ce fonds soient adaptés.
Madame le ministre, les objectifs visés au travers de votre projet de budget sont tout à fait louables. Dans l’environnement concurrentiel que nous connaissons, et du fait des bouleversements technologiques auxquels les médias doivent faire face, nous nous devons d’être très attentifs.
L’effort budgétaire que l’on relève dans les crédits de cette mission est un signe extrêmement positif. Peut-être sera-t-il à même d’apaiser certaines craintes en cette période de profonde réforme de l’audiovisuel et d’interrogations sur le devenir de la presse écrite, dont les états généraux se tiennent en ce moment.
Je voterai donc les crédits de la mission « Médias », madame le ministre, en attendant avec impatience le débat relatif à la réforme de l’audiovisuel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’agissant du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public », je me bornerai à porter une appréciation sur les amendements présentés par le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Joseph Kergueris.
Il nous sera en effet proposé de transférer la part de la redevance audiovisuelle actuellement affectée à l’Institut national de l’audiovisuel au financement de l’audiovisuel extérieur. M. le rapporteur pour avis indique lui-même très clairement la raison de ce transfert de ressources : « une plus forte incertitude sur le montant de la dotation publique, en particulier dans le contexte budgétaire actuel ».
Pour nous, il est hors de question de transférer cet aléa budgétaire à l’INA ! Le fait que l’INA ne soit pas une société de radio ou de télévision n’est pas un argument recevable pour mettre un terme à son financement par la redevance. Les missions de l’INA sont intrinsèquement de nature audiovisuelle.
Il s’agit, d’abord, de la sauvegarde de notre patrimoine audiovisuel, avec la tâche colossale d’assurer la préservation et la numérisation, d’ici à 2015, de plus de 820 000 heures de programmes audiovisuels enregistrés sur des supports analogiques périssables.
Il s’agit, ensuite, de l’enrichissement des collections, par acquisition et, surtout, par captage des programmes de 101 chaînes de télévision et de radio, chiffre qui doit être porté à 120 en 2009, puisque l’INA est chargé du dépôt légal de la radio-télévision.
Il s’agit, enfin, de la valorisation et de l’exploitation de ces collections en direction des particuliers ou des professionnels : ainsi, le site « inamediapro.com », qui rend possibles la recherche, la sélection et la commande d’images d’archives, constitue la première source audiovisuelle mondiale.
J’ajouterai que l’INA assure également une mission de création audiovisuelle, à travers la production et l’édition de films ou de documentaires conçus à partir de ses archives.
Je comprends tout à fait l’intention de notre collègue Joseph Kergueris d’interpeller le Gouvernement sur la pérennité et le niveau de financement de l’audiovisuel extérieur – qui, soit dit en passant, souffre d’un montage juridique et financier alambiqué –, mais cela ne peut pas se faire au détriment de l’INA.
Ces choses étant clairement affirmées, j’en viens maintenant au secteur de la presse.
Avec le lancement des états généraux de la presse, le Gouvernement a renouvelé le concept de la commission Copé, structure occupationnelle de réflexion à fonds perdus… Là encore, le Président de la République s’étant empressé de donner le « la », une partie des conclusions est connue d’avance, ce qui a incité plusieurs syndicats de journalistes à quitter la table.
À quoi bon, en effet, faire de la figuration quand les dés sont pipés, quand les groupes de travail ne sont en réalité réunis que pour entériner des réformes déjà décidées et écrites ailleurs ? Ce qui se profile, c’est bien la remise en cause des droits d’auteur des journalistes, notamment autour de la question de leur portabilité entre les différents supports de presse, l’abaissement de la plupart des « contraintes » du statut de journaliste, telles que la clause de cession, ou bien encore l’assouplissement des lois anti-concentration. Cela recoupe les principales demandes des patrons de presse !
Notre pays se caractérise déjà par une hyper-concentration de ses groupes de presse, par une intrusion croissante du pouvoir politique dans la sphère médiatique et par l’instauration en cours d’un lien de subordination entre le pouvoir exécutif et les organes de direction des télévisions publiques.
C’est ce qui a conduit le groupe socialiste, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, à déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les liens existant entre le pouvoir exécutif et les organismes de presse et de la communication audiovisuelle et leurs conséquences pour l’indépendance et le pluralisme de la presse et des médias. Face à la recrudescence des dérives institutionnelles, législatives et factuelles constatée, il devient urgent que la Haute Assemblée inscrive cette proposition de résolution à son ordre du jour et approuve la constitution de cette commission d’enquête.
Pour 2009, si le régime global des aides à la presse est reconduit, il convient de noter, cependant, que le montant des aides directes, initialement de 173,17 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une légère diminution de 1,16 % par rapport à 2008, a été revu à la baisse, à la suite de l’adoption, en seconde délibération à l’Assemblée nationale, d’un amendement du Gouvernement tendant à minorer davantage les crédits du programme 180, à hauteur de 1,87 million d’euros.
Dans ce contexte, et dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel, des inquiétudes fortes pèsent sur les aides au pluralisme, dont le montant devra nécessairement être revu à la hausse.
Ces aides se concentrent principalement sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Or, c’est l’ensemble de la presse quotidienne payante qui se trouve confrontée à des effets d’éviction publicitaire puissants, provoqués par la concurrence exercée par la presse gratuite, par internet, mais aussi par la télévision.
Or, les mesures à venir favorisant les télévisions commerciales – relèvement du quota publicitaire horaire autorisé de six à neuf minutes sur les chaînes privées, passage de l’« heure glissante » à l’« heure d’horloge » et autorisation d’une seconde coupure publicitaire pendant la diffusion des œuvres de fiction – vont provoquer un report de recettes publicitaires prioritairement vers les deux principales chaînes privées, TF 1 et M 6, ajoutant ainsi un facteur conjoncturel à une crise plus profonde du secteur de la presse écrite.
Pour l’heure, le secteur de la presse est suspendu aux futures conclusions de ses états généraux. Malheureusement, celles-ci risquent de sonner comme un bis repetita des orientations retenues par l’actuelle réforme de l’audiovisuel, dont les grands perdants seront les journalistes et, avec eux, l’information pluraliste et indépendante que tout citoyen est en droit d’attendre en démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)