Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Enfin, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d'État, mon intervention s’inscrira dans la continuité des propos de M. Rémy Pointereau, qui a évoqué les territoires de la République. Je m’exprimerai, pour ma part, au nom des élus de la montagne.
M. Adrien Gouteyron. C’est très important ! Vive la montagne !
M. Thierry Repentin. Tout ne figure pas dans le projet de loi de finances, et nous considérons que le secrétaire d'État que vous êtes doit agir de façon interministérielle, y compris dans des domaines qui ne relèvent pas forcément de la mission « Politique des territoires » mais pour lesquels vous jouez, selon nous, un rôle essentiel.
À l’occasion de leur congrès à Saint-Flour, voilà quelques jours, les élus de la montagne se sont adressés à vous, monsieur le secrétaire d'État, en espérant que sous la présidence française de l’Union européenne puisse être adoptée une directive-cadre afin de préserver les services publics en montagne.
La révision générale des politiques publiques atteint aujourd’hui un niveau de retrait territorial devenu difficilement supportable pour les collectivités locales, retrait qui concerne de nombreux services : école, poste, hôpital, équipements, gendarmerie, perceptions...
Cette réorganisation est particulièrement alarmante en zone de montagne en raison des paramètres géomorphologiques qui rendent plus difficiles les conditions d’accès ou l’installation de technologies de consultation à distance.
Nous souhaitons que le temps de la présidence française de l’Union européenne soit mis à profit pour ouvrir le chantier d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général.
Nous voulons que les collectivités territoriales, dans le respect du droit à libre administration qui est le leur, disposent des moyens juridiques et financiers suffisants pour leur permettre de maintenir sur leur territoire une offre de services publics de proximité répondant aux besoins réels de leur population.
Je citerai quelques exemples auxquels sont tout particulièrement attachés les élus des territoires d’altitude.
Tout d’abord, je parlerai de l’école. Pour les élus de la montagne, l’école représente un outil crucial de développement local et d’aménagement du territoire. La présence de ce type de service constitue l’un des facteurs les plus déterminants dans le choix d’une famille de s’établir et de rester dans une commune plutôt que dans une autre.
C’est pourquoi nous demandons que le nombre d’enseignants puisse être mis en rapport avec le temps de transport. Ce dernier est en effet une composante importante de la vie scolaire et tend à en amoindrir substantiellement la qualité. C’est un aspect particulièrement sensible en zone de montagne où les distances sont plus longues à parcourir en raison du relief et les trajets plus dangereux en raison des aléas climatiques et des risques naturels qui sont des réalités plus que fréquentes.
Or la décentralisation trouble le jeu de la gestion des postes, car l’actuelle répartition des compétences en matière d’éducation se solde par une gestion cloisonnée dont l’absurdité conduit à toujours plus de concentration. L’État tend à économiser ses postes en augmentant les taux d’encadrement et en accentuant les regroupements pédagogiques, alourdissant du même coup les obligations des départements finançant des circuits de transports scolaires invariablement plus longs.
Il vous est donc proposé, monsieur le secrétaire d'État, de prendre en considération les besoins réels des populations locales.
Premièrement, nous vous demandons d’appliquer à la préparation de la carte scolaire la règle valide en matière de politique des services publics, à savoir de notifier aux collectivités locales les fermetures envisagées avec deux années d’avance.
Deuxièmement, nous vous demandons l’application de seuils d’ouverture de classes adaptés aux réalités rurales et de montagne, notamment en prenant en considération les évolutions démographiques actuelles, qui traduisent un regain d’intérêt pour la ruralité.
Troisièmement, nous vous demandons de tenir compte dans les effectifs scolarisés des enfants d’âge maternel, scolarisés dans des classes uniques.
Le deuxième service public auquel les élus de la montagne sont très attachés est celui de La Poste.
Monsieur le secrétaire d'État, comme vous le savez pour vous déplacer toutes les semaines sur nos territoires, la présence de La Poste, au même titre que celle de l’école, constitue en montagne un facteur indispensable d’attractivité et d’ancrage de la population sur le territoire. C’est une constante avérée que l’évolution des métiers pratiqués par le réseau postal et l’ouverture à la concurrence ne viennent pas remettre en cause foncièrement.
Le service postal revêt en montagne deux réalités aussi concrètes que déterminantes.
Tout d’abord, l’accessibilité des guichets et des prestations est importante.
Les difficultés inhérentes au relief et au climat renforcent l’importance de la facilité d’accès aux 17 000 points de contact du réseau postal. Ce n’est pas un hasard si 9 200 d’entre eux sont situés dans des petites communes, classées notamment « zone de montagne ».
La levée et la distribution du courrier revêtent dans les zones de montagne une dimension sociale. En effet, dans ces zones, le facteur remplit encore d’autres fonctions que la simple distribution du courrier : portage de médicaments, de repas, d’achats divers, voire opérations bancaires à domicile.
Or, nous sommes obligés de noter que la gestion par La Poste de son réseau de points de contact se révèle par trop souvent en contradiction avec la dimension sociale et la dimension d’aménagement du territoire que je viens d’évoquer. Des modifications d’horaire ou d’ouverture sont décidées de façon abrupte, parfois sans prendre sérieusement en compte les réalités locales. De nombreux élus déplorent une absence de concertation réelle. Ils constatent qu’ils sont mis devant le fait accompli et qu’on leur impose de laisser à disposition un agent en mairie, en contrepartie d’un financement partiel à la pérennité bien incertaine.
J’insisterai sur un point particulier qui relève de la compétence de l’État, à savoir le caractère inique d’un règlement aux termes duquel la délivrance du service universelle de La Poste est assurée en tout point du territoire, excepté lorsque les infrastructures de transport ou les caractéristiques géographiques de certaines zones font obstacle à l’accomplissement régulier de ce service, c'est-à-dire très clairement en zone de montage !
Enfin, le dernier service auquel sont également très attachés les élus de la montagne, zone à handicap, est l’accès aux soins de proximité. M. le rapporteur pour avis y a d’ailleurs fait référence.
L’accès aux soins est un droit pour les populations permanentes et saisonnières, une garantie de vitalité économique et sociale pour tous les territoires, ainsi qu’une exigence de solidarité nationale.
Les élus de la montagne, à l’occasion de leur congrès qui s’est tenu le 24 octobre dernier, ont donc demandé que, sur le terrain des principes, les spécificités de la montagne soient pleinement prises en compte à la faveur de la discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, présenté en conseil des ministres le 22 octobre 2008.
Ils souhaitent que les zones sous-médicalisées soient déterminées dans les meilleurs délais par les autorités compétentes et que les critères présidant à leur définition ne soient pas uniformes sur l’ensemble du territoire national.
Enfin, ils demandent, s’agissant du financement des structures hospitalières, que la généralisation de la tarification à l’activité s’accompagne, pour les établissements situés en zone de montagne, de compensations financières liées aux sujétions particulières que ces derniers supportent.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne cite pas précisément les chiffres du projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, car les élus de la montagne considèrent que les missions du secrétaire d'État chargé de l’aménagement du territoire vont bien au-delà de cette seule mission « Politique des territoires ».
Vous vous déplacerez au début du mois de janvier prochain dans les Alpes, notamment pour étudier l’accompagnement des fermetures et des restructurations d’implantations militaires en zones de montagne.
Monsieur le secrétaire d'État, sur ce point également, vous devez faire preuve d’initiative pour faire admettre que les contreparties de l’État doivent être substantiellement différentes en zones de montagne. Les élus de ces dernières demandent non pas un traitement privilégié, mais un traitement adapté aux handicaps auxquels leurs territoires sont confrontés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Je tiens tout d’abord à remercier mon ami Claude Biwer d’avoir accepté que nous échangions nos places dans cette discussion : il a compris que la Haute-Loire est un département de la France profonde, et qu’il faut quatre heures et demie pour s’y rendre ! (Sourires.)
Mon intervention relaiera celle de Thierry Repentin, collègue que j’ai eu l’occasion d’apprécier lors de l’examen du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, dont j’étais le rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'État, vous le savez mieux que personne, la place des collectivités doit rester prioritaire, y compris dans le budget de notre pays dont le socle repose sur des forces humaines et économiques indispensables.
Ne l’oublions pas, la France reste avant tout un pays rural où l’espace occupe plus des deux tiers du territoire national. Le Gouvernement en a conscience. C’est la raison pour laquelle il a pris différentes initiatives, dont les pôles d’excellence rurale évoqués par M. le rapporteur spécial et par M. le rapporteur pour avis, les programmes LEADER, ainsi que les zones de revitalisation rurale. Au passage, je souligne que je réside dans un département qui compte vingt-deux cantons sur trente-deux en ZRR.
En 2009, l’effort budgétaire total de l’État en faveur de l’aménagement du territoire s’élèvera à 5,6 milliards d’euros en crédits de paiement, répartis entre trente-quatre programmes et seize missions.
Dans cet ensemble, la mission « Politique des territoires » vise des objectifs clairs, indispensables à la vitalité de notre France rurale, laquelle mérite un accompagnement spécifique compte tenu de l’espace qu’elle a à administrer. Nos petites communes gèrent en effet des dizaines de kilomètres de chemins ruraux, de voiries, de réseaux,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean Boyer. … sans parler des équipements qu’elles doivent réaliser afin de répondre à la parité sociale ou simplement humaine spécifique à ce début de troisième millénaire.
Cette France rurale mérite la parité, y compris en ce qui concerne sa couverture numérique, comme le dira tout à l’heure Claude Biwer.
Ce haut débit, M. le rapporteur pour avis l’a souligné, permettra le développement local indispensable à ceux qui veulent rester au pays, sans oublier que, en termes de téléphonie mobile, des zones blanches subsistent.
J’en viens maintenant aux pôles d’excellence rurale. L’appel à projets a engendré en décembre 2005 près de quatre cents initiatives locales porteuses de projets créateurs d’emplois, innovants, ambitieux, bâtis autour de partenariats public-privé et fondés sur le développement des richesses locales.
Pour gagner, il faut travailler ensemble, bâtir ensemble, y compris au service de nos territoires. En effet, une terre sans projet est une terre en déclin. Ce déclin, les élus ruraux ne le veulent pas !
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire – la question vous a déjà été posée tout à l’heure – si une « deuxième vague » est envisagée ?
J’ai souhaité présenter une question orale avec débat afin de faire le point et de tirer les enseignements qui, reconnaissons-le, seront globalement positifs, malgré certaines difficultés d’application qui ont très bien été mises en lumière par M. le rapporteur pour avis.
Monsieur le secrétaire d'État, pour être efficace, il faut clarifier et simplifier. Si les financements croisés présentent des avantages, ils sont cependant souvent difficiles à intégrer dans la chronologie du montage financier. Or, ces complexités sont fréquemment décourageantes.
Parallèlement à cette politique, nous devons penser aux zones de revitalisation rurale, réalité forte d’une France souvent désarmée, car le triptyque « homme », « richesse » et « territoire » est généralement difficile à coordonner.
Toutefois, ces actions jouent quelque peu le rôle de « SAMU collectif », et nous ne voulons pas voir l’oxygène se raréfier demain !
Pour conclure, il est indispensable d’apporter un soutien équitable aux territoires dont la densité est, pour certains d’entre eux, de moins de cinq habitants au kilomètre carré. Tel est le cas du canton de Pinols, dans mon département. M. Adrien Gouteyron, élu comme moi de la Haute-Loire, connaît bien la situation. J’ajoute que notre département est celui où l’habitat moyen est le plus élevé de France. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de nous avoir écoutés, et surtout compris ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, la création d’un secrétariat d’État chargé de l’aménagement du territoire et les quatre actions – la qualité des eaux en Bretagne, l’investissement en Corse, la préservation du Marais poitevin et l’application du plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe – ne sauraient cacher le marasme dans lequel se trouvent aujourd’hui plongés certains de nos territoires, au regard de leur aménagement.
En effet, sauf à renoncer aux principes d’égalité et de solidarité, l’aménagement du territoire ne peut se concevoir sans la garantie d’un service public de qualité.
Vous l’avez reconnu, monsieur le secrétaire d’État, « les crédits qui sont alloués [à votre mission] sont relativement modestes ». Nous ne nous attarderons donc pas sur les chiffres.
Force est de constater que ce budget ne se donne pas les moyens financiers de répondre à la crise que traversent nos territoires, qu’il s’agisse des territoires ruraux isolés ou des quartiers urbains en difficulté, fragilisés par vos réformes successives contre les services publics.
La mise en place de la révision générale des politiques publiques, qui vise à augmenter la rentabilité financière, a donné le ton : un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, telle est la volonté du Président de la République.
Or les suppressions d’emplois publics, qui s’inscrivent dans la logique de la RGPP, portent un coup fatal au service public, notamment dans ses dimensions d’accessibilité et de proximité, et mettent en péril l’objectif d’un aménagement équilibré du territoire.
Nous considérons, pour notre part, que c’est la politique du Gouvernement qui coûte cher à nos concitoyens, car elle porte atteinte à leur qualité de vie, à leur santé, à l’égal accès de chacun aux services de l’énergie, de la poste, de l’éducation.
Le rapporteur spécial à l’Assemblée nationale a déclaré – cela en dit long ! – que les relais-postes dans les épiceries-cafés-restaurants fonctionnaient mal dans certaines régions, pour des raisons historiques et politiques.
La raison est bien plus simple : les « points-poste » fonctionnent mal parce qu’ils n’assurent pas la confidentialité, parce que c’est au commerçant de faire l’avance sur son fonds de caisse, parce qu’il est inouï de penser que l’on peut rendre à l’usager un service public de qualité, dans un lieu commercial, sans formation des agents !
Le service public postal joue un rôle central dans l’aménagement du territoire. Pour les populations habitant dans des régions enclavées, les postiers sont souvent le dernier lien.
Pourtant, le Gouvernement ne renonce pas à la privatisation de La Poste. Pour les élus communistes, d’autres solutions existent. Moderniser le service public postal, ce n’est pas vendre les activités rentables et abandonner les autres, c’est créer les conditions de solidarité et de péréquation tarifaire, qui permettent d’assurer à tous, sur l’ensemble du territoire, un haut niveau de service public.
En ce qui concerne la réforme de la carte militaire, les moyens figurant dans la mission « Politiques des territoires » sont insuffisants pour répondre aux dégâts que vous allez provoquer. L’Association des maires de France a regretté, à juste titre, le manque de transparence de cette réforme, et la mise en cause de « la nécessité de respecter le principe de l’équilibre des territoires et de leur aménagement qui doit tenir compte des spécificités locales ».
Cette réforme touche surtout des communes qui se trouvent dans des régions enclavées, comme Barcelonnette, Briançon ou Bourg-Saint-Maurice, ou qui sont déjà en proie à des difficultés économiques et à un chômage élevé, comme les villes de garnisons situées dans le quart nord-est de la France. Les communes peu peuplées sont souvent encore plus dépendantes des retombées économiques engendrées par la présence militaire sur leur sol.
Loin d’opérer un aménagement du territoire, la politique du Gouvernement organise une désertification des territoires, qui semble concerner tous les domaines. Ainsi, même l’accès à la santé est remis en cause. Aujourd’hui, on découvre avec stupéfaction les conditions dans lesquelles les femmes doivent accoucher. Après la fermeture de la maternité de Saint-Agrève, une jeune mère a mis près de quatre heures pour rejoindre la maternité la plus proche. Soixante kilomètres sur des petites routes de montagne en plein travail d’accouchement ! Voilà quelle est votre conception de l’aménagement du territoire et de la modernisation de l’accès au service public de la santé. Et on pourrait multiplier les exemples qui montrent un recul dans la prise en charge des soins.
En ce qui concerne la carte judicaire, là encore, on aboutit à un résultat peu satisfaisant sur le plan de l’aménagement du territoire. On éloigne la justice du justiciable, et les professionnels de la justice de leur lieu de résidence.
De fait, la réforme portée par Mme le garde des sceaux se résume uniquement à la suppression de tribunaux. La grande majorité des magistrats, avocats et personnels de la justice relèvent que « ce sont les juridictions les plus proches des citoyens, qui fonctionnent le plus rapidement et le mieux, qui sont touchées en premier ».
Là encore, la politique du Gouvernement s’inscrit dans une volonté d’opposer les territoires et va à l’encontre même de la continuité du service public sur l’ensemble du territoire national.
Depuis qu’il prépare le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement ne cesse de proclamer son attachement aux transports collectifs. Mais rien n’est fait pour le transport interrégional, et le désengagement chronique de l’État met certaines régions en difficulté en ce qui concerne l’entretien et la rénovation des voies.
Nous considérons, au contraire, que les impératifs environnementaux et d’aménagement durable devraient conduire à un maillage fin de l’ensemble du territoire et au développement de l’offre ferroviaire. Dans ce cadre, le financement des infrastructures de transport devrait constituer une mission régalienne de l’État, qui doit être le garant de l’intérêt général et de la cohésion sociale et territoriale. Là encore, la politique gouvernementale est aux antipodes de ces déclarations de principes, comme en témoigne le projet de loi que nous examinerons dans quelques semaines et qui met en œuvre la privatisation du transport ferroviaire passager.
S’agissant de l’aménagement numérique du territoire, nous pouvons constater que, là aussi, l’accès aux services dématérialisés n’est pas plus satisfaisant.
Le Gouvernement multiplie les déclarations de bonnes intentions sur la nécessité de poursuivre la couverture des zones blanches de téléphonie mobile et d’assurer à nos concitoyens la perspective d’un accès rapide et de bonne qualité à internet à haut débit, fixe et mobile.
Lorsque nous avons déposé dans le cadre de la discussion de la loi de modernisation de l’économie un amendement visant à renforcer le contenu du service universel des télécommunications, et notamment à exiger le haut débit en lieu et place de la notion de « fréquence suffisante », on nous a opposé, abusivement selon nous, l’article 40.
Enfin, le Gouvernement prévoit, au nom de l’aménagement du territoire – c’est une préoccupation qu’il ressort quand cela l’arrange ! –, de délocaliser des administrations ou des établissements publics. Je pense à la délocalisation de l’INSEE à Metz, à celle du siège de l’Office national des forêts à Compiègne, et je pourrais multiplier les exemples. Ces projets pilotés par le Gouvernement mettent gravement en danger la qualité du service, mais, surtout, ne tiennent absolument pas compte de la vie des personnels.
Monsieur le secrétaire d’État, le Premier ministre déclarait que « la réforme de l’État supposera que chacun d’entre nous accepte qu’il y ait moins de services, moins de personnel, moins d’État sur son territoire ». Votre politique comme votre budget se résument à cela : réforme après réforme, modernisation après modernisation, nos territoires et nos populations se voient dépossédés des structures publiques d’intérêt général essentielles à un aménagement harmonieux de notre pays, à son attractivité économique, sociale et culturelle.
Parce que nous nous opposons à ces politiques rétrogrades et que nous considérons que la mission « Politiques des territoires » ne saurait pallier le recul massif des services publics, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre les crédits de cette mission.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’aménagement du territoire est une préoccupation quotidienne en ce début de législature.
Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le Gouvernement a lancé, en l’espace de peu de temps, deux grandes réformes qui ont un impact territorial : celle de la carte judiciaire tout d’abord, celle de la carte militaire ensuite. Quel qu’ait été le Gouvernement, cette dernière aurait fini par se faire au fil du temps.
Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, la dimension de l’aménagement du territoire des politiques publiques revêt dans ces conditions une acuité particulière.
Votre nomination au mois de mars à la tête du secrétariat d’État chargé de l’aménagement du territoire est une reconnaissance de l’importance décisive que le Gouvernement accorde à ce secteur. La lettre de mission qui vous a été adressée rappelait d’ailleurs que le développement de la compétitivité et la préservation de la cohésion territoriale sont les deux principes fondamentaux de l’aménagement du territoire.
C’est pourquoi il faut rappeler que l’effort budgétaire de l’État en matière d’aménagement du territoire ne se limite pas aux crédits que nous examinons et concerne en réalité pas moins de trente-quatre programmes relevant de seize missions, pour un montant total de l’ordre de 5,6 milliards d’euros, ainsi qu’en fait état le document de politique transversale.
En matière de compétitivité et de dynamique territoriale, l’année 2009 marque la première année de la « version 2.0 » des pôles de compétitivité, qui seront poursuivis jusqu’en 2011, avec la même enveloppe budgétaire de 1,5 milliard d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, 2009 ne sera pas une année facile pour vous, puisqu’elle verra les premières fermetures de sites militaires : la mise en œuvre du plan national d’accompagnement des restructurations de la défense constitue un véritable défi qui mettra à contribution l’ensemble des instruments de la politique d’aménagement du territoire : contrats de projets État-région, programmes opérationnels, dispositifs fiscaux territorialisés.
À cet égard, je voudrais faire deux observations.
D’une part, s’agissant des dépenses fiscales dont trente mesures sont rattachées au seul programme 112 pour un montant total de 910 millions d’euros, il faudrait vraiment procéder à une évaluation approfondie. Je souhaiterais savoir si vous entendez vous engager dans cette voie, monsieur le secrétaire d’État.
D’autre part, je voudrais évoquer les sites de la gendarmerie qui seront fermés, plus particulièrement celui de Châtellerault, situé dans mon département. En ces temps de crise, il me semble que l’État devrait prendre en considération la situation économique et sociale propre aux territoires concernés.
Aussi est-il pour nous primordial que l’État mette en œuvre toutes les mesures d’accompagnement nécessaires et, au-delà, qu’il engage – pourquoi pas ? – des dispositions spéciales tendant à la délocalisation d’équipements publics au profit de ces territoires. C’est ce qui ressortait de l’entretien que j’ai eu avec Mme la ministre de l'intérieur.
Des dispositions de ce type existaient voilà quelques années, et elles ont globalement donné de bons résultats. Certaines délocalisations ont échoué ; d’autres ont été des réussites : je pense notamment à l’Institut national de la propriété industrielle et au Centre national d’enseignement à distance, opération que M. Jean-Pierre Chevènement avait soutenue à l’époque. Certes, cela coûte de l’argent, mais les résultats sont importants : des institutions peuvent fonctionner sur tout le territoire et apporter des solutions. Cette piste doit être explorée puisqu’elle a fait ses preuves à un moment donné.
S’agissant des territoires ruraux, la politique des pôles d’excellence rurale doit faire l’objet d’une évaluation, dont les résultats seront connus d’ici à la fin de l’année. Ces derniers détermineront les conditions de la poursuite du soutien de l’État, notamment du lancement d’un nouvel appel pour des projets concourant à la mutualisation des services publics.
Nous le savons, et les Français sont également de cet avis, l’offre de services au public est déterminante pour la vitalité des espaces ruraux. L’exemple souvent cité de La Poste et du maintien du service postal par des partenariats avec des communes ou des commerçants pour le développement des « points Poste » mérite d’être suivi.
En effet, il a été démontré que les choses se sont inversées ces dernières années : notre pays connaît une dynamique démographique de retour vers la ruralité, la population rurale augmentant même aujourd’hui trois fois plus vite que celle des zones urbaines. (M. le secrétaire d’État acquiesce.) On le constate lorsqu’on travaille pour un département : on construit aujourd'hui plus d’écoles à la campagne qu’en ville.
Dès lors, il est crucial de répondre aux trois défis auxquels nous sommes confrontés.
Il s’agit tout d’abord du défi de la fracture territoriale : elle se réduit, mais il faut encourager les projets de territoire et le télétravail, développer les énergies vertes et engager une politique ambitieuse de péréquation financière afin de remédier à l’hyper-concentration du produit fiscal, par exemple de la taxe professionnelle, dans quelques régions.
Il s’agit ensuite du défi de la fracture numérique. Compte tenu du rôle structurant joué par les nouvelles technologies en milieu rural, un objectif doit être atteint en 2012 : le haut débit, la téléphonie mobile et la télévision numérique terrestre sur l’ensemble du territoire !
Enfin, il nous faut répondre au défi de l’offre de soins en développant un certain nombre d’actions, telles les maisons de santé pluridisciplinaires.
Voilà, survolée en quelques mots, la politique des territoires.
Le Président de la République a exprimé récemment – il a d'ailleurs confié une mission à l’un de nos collègues en ce sens – sa volonté de mener une vaste et ambitieuse politique d’aménagement du territoire. Le groupe UMP, partageant cette ambition, le soutiendra dans son action et votera les crédits de la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)