Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous parler de la forêt à mon tour, brièvement mais, je l’espère, en maintenant un équilibre entre le pessimisme et l’optimisme.
Il nous faut bien constater, monsieur le ministre, que, en dépit de votre talent bien connu, les ambitions des Assises de la forêt appelaient une autre réponse budgétaire que celle qui ressort, par exemple, de la loi de programmation triennale.
Selon ce texte, les crédits du programme 149 « Forêt », qui s’élevaient à 305 millions d’euros en 2008, passent à 292 millions d’euros dans le budget pour 2009 et devraient chuter à 248 millions d’euros si l’on en croit les prévisions pour 2011. Ce n’est pas un progrès !
A minima, mais c’était peut-être beaucoup demander, il eût été souhaitable, pour tous les amoureux de la forêt, de confirmer l’orientation retenue auparavant et, conformément à cette dernière, de maintenir le montant du programme et renouveler les crédits consacrés à la reconstitution des forêts détruites par la tempête de 1999 – à mesure que cette reconstitution, heureusement, s’achève – en faveur des investissements forestiers, de protection et d’amélioration, qu’il s’agisse de la forêt publique ou de la forêt privée.
J’évoquerai d’abord la question de la forêt publique. Sa partie communale, représentée par la Fédération nationale des communes forestières de France, la FNCOFOR, dont j’étais naguère le responsable, s’est abstenue de voter le budget de l’ONF lors du conseil d’administration du 17 novembre, fait très rare.
En effet, si la FNCOFOR s’est réjouie du maintien du versement compensateur à 144 millions d’euros, comme le prévoit le contrat État-ONF – ce qui est pour nous une grande satisfaction et nous vous en remercions de grand cœur –, elle s’est inquiétée des charges qui pèseront désormais sur l’ONF, son partenaire, et non plus son tuteur. Il s’agit de l’augmentation de sa part patronale de dépenses sociales, soit 25 millions d’euros en 2009 et 60 millions d’euros en 2011, ainsi que de l’exigence par l’État d’un loyer pour l’usage, gracieux jusque-là, des maisons forestières. Là, nous confinons pour ne pas dire au folklore, à tout le moins à la dérision.
C’est que la révision générale des politiques publiques, la RGPP, mécanisme que la commission des finances approuve, est passée par là !
La réduction des effectifs, autre chapitre essentiel de la RGPP, se limitera-t-elle à la non-compensation d’un départ à la retraite sur deux déjà observée dans l’établissement ? Faudra-t-il aller plus loin dans le cadre de la norme de 1,5 % par an prévue par le contrat entre l’État et l’ONF ?
Les communes forestières, monsieur le ministre, vous demandent avec insistance de veiller à ce que les charges de l’ONF qui découleront de la RGPP soient ajustées à la situation du marché du bois, dont dépendent les ressources de l’établissement. Or ce marché, comme vous le savez, se dégrade sensiblement avec la crise de la construction.
Les communes, comme l’a dit mon successeur à la présidence de la COFOR, mon ami Jean-Claude Monin, ont été choquées de voir l’État ou l’ONF refuser désormais de s’acquitter de la taxe foncière sur les propriétés non bâties des forêts domaniales : cela représente 14 millions d’euros de recettes en moins pour les communes et l’abolition d’un usage traditionnel. Certes, ce n’est pas l’épisode le plus dramatique de l’histoire des forêts, mais cette situation est quelque peu regrettable.
La forêt privée, pour sa part, s’inquiète de la baisse des aides à la voirie forestière, pourtant reconnues nécessaires à l’accroissement de la récolte de bois.
Cette nécessité a été affirmée aux assises de la forêt et du bois. Le budget ne la reconnaît plus, ou il ne la reconnaîtra peut-être que plus tard. Quid du fonds de mobilisation, dont il a été question lors du Grenelle de l’environnement ? Comme l’ont observé la plupart des orateurs qui m’ont précédé, il existe un écart entre les espoirs suscités par le Grenelle de l’environnement en matière forestière et la réalité budgétaire.
Le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement, le DEFI, a été amélioré pour ce qui concerne le DEFI Travaux, mais non pour l’investissement foncier, c'est-à-dire le DEFI Forêt. Il serait pourtant souhaitable que l’application du seuil de cinq hectares soit étendue des forêts de montagne à l’ensemble du territoire forestier national.
Y aura-t-il bien un dispositif d’appui à la récolte du bois dans les forêts difficiles d’accès pour effectivement valoriser ce qui constitue, au-delà du solaire et de l’éolien, notre tout premier gisement national d’énergie renouvelable ?
M. Henri Plauche-Gillon, président de la Fédération nationale des syndicats de propriétaires forestiers et sylviculteurs, relevant que l’examen du projet de budget pour 2009, en première lecture à l’Assemblée nationale, avait débouché sur la suppression de 2 millions d’euros de crédits, destinés à être redéployés pour financer le plan de relance pour l’emploi, certes indispensable, vous a fait part, monsieur le ministre, de son amertume en ces termes : « La forêt – et c’est une observation que je me fais moi aussi depuis quelques années – sert régulièrement de variable d’ajustement au ministère de l’agriculture. »
C’est ainsi que, depuis quelques budgets, la forêt a dû, au dernier moment et pour satisfaire à des amendements parlementaires, sans doute justifiés, payer pour les bâtiments d’élevage, l’installation des jeunes agriculteurs, voire la lutte contre la fièvre catarrhale, que sais-je encore !
Faudra-t-il, dès lors, nous consoler en nous raccrochant à l’idée de créer un fonds « chaleur renouvelable », qui figure dans le document intitulé « 50 mesures pour un développement des énergies renouvelables à haute qualité environnementale » ? Ce fonds, d’après ce document officiel du ministère de l’environnement, est sous-tendu par une haute ambition puisqu’« il s’interfacera naturellement avec les outils mis en place pour faciliter la mobilisation de la ressource forestière ».
C’est un peu obscur, c’est sans doute un peu idéal, mais nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire pénétrer dans cette obscurité un peu de lumière, et dans cet idéal un peu de réalité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous débattons des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2009 quelques jours après l’adoption, par l’Assemblée nationale, du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, mais avant l’examen de ce même texte au Sénat.
Or il est une vérité que nous partageons tous : les engagements pris à la suite du Grenelle de l’environnement ne deviendront effectifs que s’ils se traduisent par des engagements budgétaires concrets. À cet égard, si l’on en retrouve quelques éléments dans le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, les ombres qui pèsent sur notre modèle agricole en crise – lui aussi ! – ne sont toujours pas dissipées.
Je relève, certes, quelques dispositions favorables au développement de l’agriculture biologique – j’y reviendrai ultérieurement –, mais je ne peux que dénoncer avec la plus grande fermeté le soutien apporté au développement des agrocarburants, à hauteur de 1 milliard d’euros d’argent public.
Je suis au regret de devoir rappeler à la Haute Assemblée les problèmes graves posés par le développement des agrocarburants de première génération, qui ne présentent pas un intérêt suffisamment significatif, en termes de bilan global d’émission de gaz à effet de serre, pour être ainsi subventionnés.
En effet, les cultures industrielles dédiées à la production d’agrocarburants de première génération ont une incidence très négative sur l’environnement, notamment sur la qualité des eaux et des sols, ainsi que sur la biodiversité.
Je me dois également de rappeler, à cet instant, les mises en garde de Jean Ziegler, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation pour l’ONU, à propos du développement des biocarburants. Selon lui, loin de diminuer la faim dans le monde, le développement des biocarburants va l’aggraver : « Cet empressement […] revient à courir à la catastrophe. Cela risque d’entraîner une concurrence entre nourriture et carburant qui laissera les pauvres et les victimes de la faim des pays en développement à la merci de l’augmentation rapide du prix des aliments, des terres vivrières et de l’eau. »
C’est pourquoi, à l’instar du rapporteur spécial des Nations unies et de nombreuses organisations non gouvernementales en Europe et dans le monde, mon groupe demande un moratoire immédiat sur la production de ces agrocarburants de première génération.
Par ailleurs, dans notre pays, ces agrocarburants bénéficient indûment de l’appellation « biocarburants », alors qu’ils ne répondent en rien aux critères imposés à la filière biologique.
Au mieux, cet usage apparu dans le Journal officiel résulte d’une traduction erronée du terme anglais biofuel, qui ne prête pas à confusion dans les pays anglo-saxons dans la mesure où les produits issus de l’agriculture biologique y sont qualifiés d’organic. Au pire, cette appellation de « biocarburants » vise à entretenir la confusion au sein du grand public et parmi les consommateurs, en s’appuyant sur l’image positive du « bio » pour vendre un concept fallacieux sur le plan environnemental et dangereux pour la sécurité alimentaire mondiale.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à mettre un terme au subventionnement inacceptable des ces agrocarburants de première génération et à désamorcer cette « pompe à finances publiques » qui profite, une fois encore, au lobby céréalier ? Êtes-vous prêt, également, à abandonner une fois pour toutes cette appellation parfaitement erronée de « biocarburants » ?
Cela étant dit, je tiens à revenir sur le sort de la filière « bio », la vraie. Je salue votre volonté de soutenir cette filière, affichée lors de l’inauguration des assises nationales de l’agriculture biologique, avec une enveloppe supplémentaire annuelle de 12 millions d’euros accordée pour atteindre l’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement de tripler la surface consacrée à l’agriculture biologique.
Cela se traduit, aujourd’hui, par la décision de doubler le crédit d’impôt, par le déplafonnement des aides à la conversion à l’agriculture biologique et par l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les exploitations converties à l’agriculture biologique.
Si ces mesures vont dans la bonne direction, elles posent cependant quelques petits problèmes d’ordre technique : en effet, à la lecture du projet de budget pour 2009, nous nous apercevons que le doublement du crédit d’impôt ne sera effectif que pour le revenu de 2009, c’est-à-dire qu’il n’apparaîtra dans les trésoreries des paysans qu’en 2010 !
En outre, l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne concerne pas les exploitations déjà engagées dans l’agriculture biologique. De plus, elle reste à la charge des communes !
En tout état de cause, le problème de fond, monsieur le ministre, est que ces bonnes dispositions sont loin de répondre aux enjeux actuels, qui ont bien été mis en lumière lors du Grenelle de l’environnement.
Nous sommes soumis à une double nécessité.
Tout d’abord, il faut marquer une nécessaire rupture avec le modèle de production agricole dominant, productiviste, qui, pour reprendre les propos tenus devant la commission des affaires économiques par Guy Paillotin, secrétaire perpétuel de l’Académie d’agriculture et président honoraire de l’INRA, n’est pas loin de l’effondrement du mur des pesticides.
Ensuite, il est nécessaire de prendre sans tarder le virage qui s’impose vers un modèle de production agricole fondé sur l’agro-écologie et la valorisation durable des spécificités de nos territoires et de nos terroirs, plutôt que sur la fuite en avant dans la chimie ou les manipulations génétiques. Il s’agit, en quelque sorte, de mobiliser, mais aussi de réorienter les efforts de recherche et de formation.
En attendant la réforme nécessaire de la PAC, il convient, monsieur le ministre, de réaménager notre politique agricole en utilisant enfin des marges de manœuvre qui, quoi qu’on en dise, existent, mais restent toujours ignorées.
Quand donc allez-vous saisir les chances offertes par l’application de l’article 69 de la PAC, en mobilisant les 9 milliards d’euros d’aides du premier pilier selon des critères environnementaux précis ? Les conclusions du Grenelle de l’environnement nous y invitent instamment.
Cette éco-conditionnalité forte, attendue par nos concitoyens, doit reposer sur des critères techniques simples, efficaces et vérifiables : surfaces de compensation écologique, chargement en animaux, diversité et rotation des cultures, réduction des intrants, exclusion de certaines pratiques et de certains produits.
À cet effet, il importe de ne pas se référer au cahier des charges de l’agriculture dite « raisonnée », élaboré au sein du forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement, le FARRE, qui défend les intérêts conjoints de la frange productiviste de la profession agricole et de l’agrochimie.
Je vous propose plutôt de vous appuyer sur les outils qui ont été développés avec succès au sein de votre ministère. Je pense ici aux indicateurs de durabilité des exploitations agricoles, à l’élaboration desquels j’ai eu le plaisir de collaborer naguère en tant qu’ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts, et qui, de mon point de vue, peuvent servir de base d’évaluation des systèmes de production agricoles et des pratiques effectivement durables.
À court terme, les engagements du Grenelle de l’environnement ne pouvaient pas ne pas déboucher sur des dispositions fiscales claires, propres à infléchir les pratiques agricoles dans le sens du respect de l’environnement. Je pense, notamment, au renforcement des taxes et des redevances sur les pollutions et sur la consommation de ressources naturelles, ainsi qu’à la mise en place d’une taxation dissuasive des pesticides. Hélas, en la matière, les dispositions fiscales proposées dans le projet de loi de finances sont surtout symboliques !
Au final, ce projet de budget est loin d’introduire la rupture nécessaire et attendue par nos concitoyens, mais aussi par l’immense majorité des paysans de France.
Ces paysans souffrent sur le plan économique. Ils souffrent également de ne pas être compris et ils continuent de subir de plein fouet les effets désastreux d’une déclinaison de la PAC à la française, construite sur les fameuses et détestables – j’ose le dire ! – références historiques.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit d’une des pires déclinaisons de la PAC au sein de l’Union européenne. Elle continue de profiter indûment à la minorité bien organisée et influente des grands céréaliers, au détriment des éleveurs extensifs.
Eu égard à l’ensemble de ces considérations économiques, sociales et environnementales, monsieur le ministre, les Verts voteront contre les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profiterai de ce débat pour évoquer l’avenir de la filière de déshydratation de luzerne, à la lumière de l’accord conclu, le 20 novembre dernier, sur le bilan de santé de la politique agricole commune.
Cet accord doit normalement permettre à l’agriculture européenne de relever de nouveaux défis, parmi lesquels la gestion de l’eau et le soutien aux agriculteurs dans une perspective de protection de l’environnement.
Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l’une des plantes de grande culture les plus favorables à la protection de l’environnement est la luzerne. Avec une production de 1,2 million de tonnes, la France se place au deuxième rang des pays producteurs de luzerne déshydratée en Europe.
La luzerne est, en effet, l’une des dernières sources de pollen pour les abeilles, notamment dans l’est de la France. La filière bénéficie d’ailleurs du soutien de l’Organisation mondiale de protection de l’environnement, le WWF, de la Ligue pour la protection des oiseaux, de la Fédération nationale d’agriculture biologique et des syndicats d’apiculteurs, au moment même où l’on s’inquiète d’une surmortalité des abeilles.
C’est une culture qui permet de protéger les captages d’eau potable et c’est la seule plante cultivée, avec le pois et la féverole, qui n’a pas besoin d’engrais, car elle absorbe naturellement l’azote de l’air.
Elle est, par ailleurs, très sobre en intrants, puisqu’elle ne nécessite qu’un épandage d’herbicide par an et un de pesticide tous les trois ans et n’a pas besoin de fongicide.
Enfin, c’est la plante la plus intéressante, parmi les grandes cultures, du point de vue de la biodiversité, notamment en matière de préservation de la macrofaune et de la microfaune, puisqu’elle occupe de quatre à cinq ans une même parcelle.
Au-delà de ses avantages environnementaux indéniables, la culture de la luzerne permet également de réduire la dépendance de notre pays en matière de protéines végétales, puisque cette plante remplace avantageusement, dans la nourriture animale, les aliments à base de soja, qui sont pratiquement en totalité importés des États-Unis et du Brésil et qui, dans la plupart des cas, nous le savons, sont produits à partir d’organismes génétiquement modifiés.
Par ailleurs, des recherches menées ces dernières années ont confirmé que les extraits foliaires de luzerne constituaient un complément nutritionnel des plus efficaces pour l’homme, notamment parce qu’ils sont une source de protéines, de vitamine A et de fer et qu’ils peuvent apporter une contribution très importante à l’amélioration de l’état nutritionnel des populations des pays en voie de développement.
Toutefois, malgré tous ces éléments extrêmement positifs et reconnus, la culture de la luzerne est menacée par la réforme de la PAC, puisqu’a été décidé le découplage, au 1er janvier 2012, des aides à la transformation des fourrages séchés.
Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, que ce découplage risque d’entraîner une baisse de 80 % de la production de luzerne, tout simplement parce que les producteurs empocheront la prime et se tourneront vers des cultures plus rémunératrices ! Je rappelle que l’aide actuelle coûte à l’Union européenne 118 millions d’euros, soit 0,2 % de son budget agricole, qui s’élève à 55,4 milliards d’euros.
La profession avait émis le vœu que le découplage n’intervienne pas avant le terme initialement prévu de 2013, de telle sorte qu’elle ait le temps d’adapter ses outils de transformation pour, notamment, les rendre plus économes en énergie. Les investissements extrêmement lourds qui sont nécessaires à cette évolution et qui ont déjà été engagés ne seront malheureusement pas achevés d’ici à 2012.
Alors même que le Grenelle de l’environnement va assigner aux agriculteurs français l’objectif de cultiver 20 % de la surface agricole de notre pays de manière biologique en 2020 – je ne suis pas sûr que cela soit totalement réaliste – et que l’Europe, au travers de son bilan de santé de la politique agricole commune, a souhaité accroître les « projets verts » en renforçant le deuxième pilier au détriment du premier, nous avons là une culture biologique exemplaire qui risque de disparaître. Pourtant, elle représente, du fait de sa sobriété, un atout pour réduire l’usage des produits phytosanitaires.
Dans ces conditions, et compte tenu des enjeux extrêmement forts qui s’attachent au maintien dans notre pays d’une filière dynamique de la luzerne déshydratée, ainsi que de la détermination dont vous avez toujours fait preuve, monsieur le ministre, pour défendre cette culture, j’émets le vœu que vous puissiez, au cours de l’année prochaine, prendre des mesures permettant de donner aux déshydrateurs le temps qui risque, hélas ! de leur manquer pour assurer l’avenir de ce secteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Benoît Huré.
M. Benoît Huré. Tout d’abord, je souhaite, monsieur le ministre, vous féliciter du travail accompli à la tête de votre ministère, particulièrement au cours de la présidence française de l’Union européenne.
Vous avez su réunir une large majorité des pays membres de l’Union autour d’un projet ambitieux, bien que les négociations se soient avérées souvent très ardues. En soutenant, notamment, le financement de fonds européens de développement de l’assurance récolte et l’instauration de fonds de mutualisation pour faire face aux crises sanitaires et environnementales, vous donnez aux agriculteurs de nouveaux outils permettant une grande avancée en matière de protection contre ces risques.
Désormais, nous devons continuer dans cette voie en aidant le monde agricole à se protéger contre le risque économique, qui aujourd’hui, compte tenu de la situation internationale, peut nous faire craindre le pire. L’agriculture est un secteur stratégique pour notre pays puisque, en plus d’assurer l’autonomie et la sécurité alimentaires de nos concitoyens, elle contribue à un excédent de 9 milliards d’euros, ce qui la place loin devant l’industrie automobile, par exemple, et participe pleinement à la résorption de ce fléau qu’est la famine, intensifiée par la croissance démographique mondiale.
Cela étant, la récente décision de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, exigeant du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière, le CNIEL, qu’il cesse toute recommandation en matière de fixation du prix du lait, au motif que cela serait contraire à l’intérêt des consommateurs, ne peut que susciter notre étonnement.
En effet, à travers cette décision, et sous prétexte de défendre les consommateurs, la DGCCRF a mis à mal la position de la profession agricole face à la distribution, plus précisément face à la grande distribution.
M. Adrien Gouteyron. Tout à fait !
M. Benoît Huré. Soutenir le principe de l’interprofession, c’est permettre un partage plus équitable des marges entre tous les acteurs de la filière agricole et alimentaire, et ainsi favoriser le consommateur, contrairement aux dires de la DGCCRF.
Vous le savez, l’agriculture n’est pas une activité économique comme les autres. Au-delà de sa technicité et de sa productivité sans cesse améliorées, l’agriculture doit tenir compte de contraintes sur lesquelles elle n’a aucune prise, tels les risques sanitaires et climatiques.
Sans interprofession, les prix, nous le voyons bien, ne reflètent pas la réalité économique que connaissent les agriculteurs.
Ainsi, depuis le début des années quatre-vingt-dix, le prix de la viande bovine payé au producteur a baissé de près de 10 %, alors que le consommateur a subi une hausse de près de 50 %.
L’an dernier, les agriculteurs ont connu une hausse des cours des céréales et du lait, pour ne citer que ces deux productions, répercutée immédiatement sur les produits transformés. Cette année, ces mêmes cours ont nettement baissé, mais le consommateur n’a constaté aucun changement des prix des denrées alimentaires pratiqués par la grande distribution.
Une baisse des prix pour les producteurs doit s’accompagner d’une baisse des prix pour les consommateurs : voilà quel devrait être le souci constant de la DGCCRF.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Benoît Huré. Je sais, monsieur le ministre, que vous tenez à ces interprofessions, parce que, comme moi, vous voyez en elles un véritable atout pour défendre l’agriculteur et le consommateur, mais également pour faire face à la mondialisation, à l’inorganisation des marchés agricoles et à la volatilité des cours. L’application de la seule loi du marché, dans le secteur agricole, montre très vite ses limites et ses dangers, et livre les consommateurs et les producteurs aux aléas des marchés spéculatifs, volatils et erratiques.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. Benoît Huré. Finalement, s’en remettre au bon vouloir de la grande distribution hyperconcentrée, ce serait courir le risque de voir se produire des comportements identiques à ceux des financiers internationaux qui se sont servis abondamment, sans autre motivation que leur rapacité, et ont fragilisé l’ensemble des pays qui se trouvent maintenant confrontés à la crise.
Le projet de budget que vous nous présentez aujourd’hui, marqué par une augmentation de 2,4 % des crédits, est un moyen de plus pour conforter l’agriculture française et consolider son avenir, malgré un contexte budgétaire national et européen contraint et une situation internationale très difficile. C’est la raison pour laquelle je vous apporterai mon total soutien en le votant, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas obligatoirement sur ce que je vous ai déjà dit à propos de la PAC et de votre action, que je salue.
Je souhaite en fait dresser un constat plus général sur ce projet de budget qui nous est présenté au moment même où l’ensemble des productions agricoles françaises vivent une situation de crise quasiment généralisée. C’est presque une première, car, généralement, quand certains secteurs sont en crise, d’autres se portent mieux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Si les crédits de paiement augmentent, c’est simplement pour répondre aux engagements pris, notamment l’année dernière. L’important, en fait, ce sont les autorisations d’engagement, et sur ce point l’analyse n’est plus la même, ni pour cette année ni pour celles à venir.
Parmi les aspects plutôt satisfaisants de ce projet de budget, je citerai l’installation des jeunes agriculteurs, que plusieurs orateurs ont déjà évoquée, la sécurité alimentaire, l’enseignement supérieur et la recherche, la gestion des aléas. Je souligne le maintien de votre ligne de conduite sur ces sujets.
Toutefois, parallèlement, il y a aussi des manquements, des oublis, notamment en ce qui concerne les retraites agricoles, qui nécessitent une véritable solidarité nationale, démarche qui ne semble pas spécialement vous motiver… Je ne crois pas qu’ouvrir la perspective de travailler jusqu’à soixante-dix ans constitue cet acte de solidarité attendu par nos anciens !
Au chapitre des oublis, on trouve aussi la gestion des crises, la forêt et le grand plan de modernisation des exploitations lancé par votre prédécesseur. Qu’est devenu ce plan ? J’évoquerai également, à ce même chapitre, l’enseignement technique agricole, ainsi que le soutien au service public de l’équarrissage, sujet sur lequel plusieurs orateurs sont intervenus.
J’ai conscience qu’il est ardu de concilier les exigences de l’OMC et celles de la réforme de la PAC, pour laquelle les perspectives d’avenir au-delà de 2013 continuent de m’inquiéter. Comment commencera-t-on à lisser la participation nationale pour compenser les effets sur les revenus de nos agriculteurs de ce qui risque d’être un retrait de la politique agricole commune ?
En outre, d’autres problématiques interviennent, liées au Grenelle de l’environnement, à l’aménagement du territoire, sans oublier certaines questions fondamentales : l’agriculture doit toujours nourrir la planète, offrir des revenus décents aux agriculteurs et leur donner des perspectives de vie.
Certes, nous avons conscience que cette équation est difficile à résoudre. Néanmoins, en matière de soutien et d’accompagnement du monde agricole, permettez-moi de rappeler, si cela est nécessaire, que les Américains donnent sans aucun scrupule, au travers du Farm Bill, des avantages compétitifs à leurs agriculteurs, que le Canada, au sein du groupe de Cairns, n’hésite pas à avantager directement sa production laitière.
Assurément, monsieur le ministre, vous devez être encore plus agressif dans le débat européen, et surtout dans l’élaboration du budget national !
J’ai pris bonne note de votre méfiance à l’égard d’un système européen trop libéral et de votre souhait que notre agriculture s’inscrive dans un contexte soutenu et, surtout, régulé.
J’apprécie très sincèrement cette évolution du discours politique, mais ne couvrir qu’un tiers des besoins de notre agriculture dans le projet de budget pour 2009, sans prévoir un lissage du retrait quasiment inévitable de l’Union européenne dans les trois ou quatre ans à venir, me semble très risqué.
J’ai le sentiment que le monde agricole n’est pas toujours entendu. Aujourd'hui, on lui demande en quelque sorte de payer deux fois la note : d’un côté, les prix des intrants ont fortement augmenté ; de l’autre, ceux des matières premières agricoles sont repartis à la baisse, d’où les crises actuelles. Ce déséquilibre atteint de plein fouet l’élevage, notamment ovin. Que fait-on des droits à paiement unique dormants, monsieur le ministre ?
La notion de contractualisation par filière ne devrait-elle pas être soutenue afin de mieux mutualiser, de mieux protéger, en recherchant une meilleure valeur ajoutée, peut-être un nouvel équilibre des soutiens céréaliers au profit de l’élevage ?
En vue de l’après-2013, ne faut-il pas essayer de trouver une cohérence entre le périmètre de la PAC et la zone euro, plutôt que de s’engager dans une renationalisation de cette politique, ce qui représenterait pour nous un risque terrible ?
Le deuxième pilier évolue à nouveau pour contribuer à soutenir les revenus, alors qu’il n’est pas spécialement conçu pour cela. Ce point mérite une clarification, que je ne trouve pas dans le bilan de santé de la politique agricole commune.
Par ailleurs, l’OMC joue-t-elle correctement son rôle dans le désordre international actuel ?
Au regard de toutes ces interrogations, ce projet de budget est bien timide. La nécessité d’une cohérence entre la production agricole et les entreprises agroalimentaires en aval conduit à l’idée d’une contractualisation des filières. Mais il est vrai qu’il est difficile de jouer la carte du « tout-libéral » tout en voulant protéger l’agriculture.
Enfin, le foncier reste une véritable difficulté pour l’agriculture. Quelle cohérence européenne pouvons-nous espérer à l’avenir sur cette question ?
Mon intervention sur ce projet de budget me donne l’occasion de rappeler que nos campagnes françaises ne doivent pas être de simples espaces verts : elles doivent permettre à nos agriculteurs d’offrir à tous une alimentation suffisante et de qualité.
Cependant, les campagnes se gèrent non pas sur une année, mais à l’échelle d’une génération. Or nous ne retrouvons une telle perspective ni dans ce projet de budget ni en Europe.
Malgré les remarques positives que j’ai pu formuler,…