Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, alors que le revenu des agriculteurs a connu une certaine progression au cours des années 2005 à 2007, même si les situations ont varié suivant les productions, vous avez vous-même reconnu que le revenu des agriculteurs français devrait baisser de 8 % à 15% cette année.
Dans le département de la Meuse, où ils sont très présents, les éleveurs de bovins et d’ovins devraient enregistrer une baisse de 20 % à 30% de leur revenu. Quant aux producteurs de lait, les négociations qui sont intervenues avec les transformateurs ne se sont pas bien passées et il est à craindre qu’eux aussi subissent des pertes importantes.
Monsieur le ministre, je vous suis reconnaissant d’avoir pris à temps la mesure de ces problèmes en annonçant, dès le 12 novembre dernier, une série de mesures destinées à soutenir le pouvoir d’achat des agriculteurs et des éleveurs, pour un montant de 204 millions d’euros. Le quart de cette somme est d’ailleurs destiné à la filière ovine, notamment pour compenser les dommages de la FCO.
Je ne reviendrai pas sur le détail de ces mesures, que j’approuve. J’espère néanmoins que les départements comme celui dont je suis l’élu, où l’élevage bovin et ovin est très développé, voient les dossiers de demande d’exonération de charges sociales examinés avec la célérité et la bienveillance qui conviennent, car les éleveurs ont déjà subi le traumatisme de la FCO et sont véritablement pris à la gorge.
Sur votre projet de budget proprement dit, monsieur le ministre, je vous ferai part d’un certain nombre de préoccupations.
Avec 52,5 millions d’euros, le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, qui a été mis en place en 2005 pour répondre aux besoins de modernisation et de mise aux normes des exploitations d’élevage, voit ses crédits légèrement augmenter – 5 % – par rapport à 2008. Cette augmentation, que je salue, ne permettra malheureusement pas de faire face à toutes les demandes tant les besoins sont importants. Je souhaite donc une augmentation de cette ligne de crédits, afin qu’un plus grand nombre d’éleveurs puissent en bénéficier et que puisse être maintenu le bassin d’élevage utile.
S’agissant du plan de performance énergétique des exploitations agricoles, le Grenelle de l’environnement a fixé comme objectif à atteindre, d’ici à 2013, 30 % d’exploitations agricoles à faible dépendance énergétique. J’observe cependant, monsieur le ministre, que votre budget ne comporte pas de crédits pour un début de mise en œuvre de ce plan, dont le coût total a été évalué à 731 millions d’euros.
Concernant le plan biocarburants, à ma grande surprise, le Gouvernement a décidé l’arrêt progressif sur quatre ans de l’exonération partielle de la taxe intérieure de consommation pour les agrocarburants, alors que cette filière commence à peine à se développer. Je souhaite qu’il soit possible de maintenir les projets initialement prévus de défiscalisation de cette taxe en faveur des esters méthyliques d’huile animale incorporés au gazole ou au fioul domestique. Une usine de fabrication de ces esters est en cours de construction dans la vallée de la Meuse : ce revirement fiscal risque de mettre en cause sa viabilité, alors qu’elle n’a même pas encore produit le premier litre d’agrocarburant.
Les crédits alloués à la lutte contre les maladies, comme la FCO, connaissent une baisse de 16 %. Même si d’importants efforts ont été accomplis jusqu’à présent, j’ai du mal à comprendre une telle tendance, tant la crise de FCO est encore prégnante. Il faudrait prévoir dans le budget des financements spéciaux pour pallier une probable accélération de la pandémie de FCO, notamment du sérotype 1 qui remonte du Sud et du sérotype 6 apparu aux Pays-Bas, qui menacent tous deux les élevages lorrains.
La libéralisation du marché de l’équarrissage inquiète au plus haut point les éleveurs, dans la mesure où elle entraînera à leur détriment un transfert de cette charge financière. Cela pose aussi le problème de la responsabilité de l’État en matière de sécurité sanitaire. C'est la raison pour laquelle il faut maintenir à la fois la participation financière de l’État au service public de l’équarrissage et sa responsabilité.
S’agissant de la sécurité sanitaire, j’ajoute que le nouveau dispositif de gestion des risques sanitaires dans les domaines alimentaire, vétérinaire et phytosanitaire semble poser problème dans la mesure où celui-ci sera toujours morcelé entre plusieurs services de l’État et où son financement risque d’être mal assuré. Pourriez-vous, monsieur le ministre, apaiser mes craintes à cet égard ?
Le budget qui est consacré à la gestion des aléas climatiques est reconduit à hauteur de 32 millions d’euros. L’État s’est pourtant engagé à augmenter le taux de pénétration de l’assurance récolte. Compte tenu de la stagnation des crédits, on peut se demander comment un tel objectif pourra être atteint dans un contexte économique agricole devenu plus difficile.
Monsieur le ministre, il faut saluer à leur juste valeur les mesures que vous prenez afin de soutenir l’installation des jeunes agriculteurs, qu’il s’agisse de la dotation aux jeunes agriculteurs ou des prêts d’installation des jeunes agriculteurs. Elles démontrent qu’il s’agit d’une véritable priorité pour le Gouvernement.
Toutefois, nous ne pouvons que regretter l’abandon progressif des principaux dispositifs d’aides au départ. Concernant les retraites, je remercie, là encore, le Gouvernement d’avoir pris des mesures visant à revaloriser les petites retraites agricoles, notamment à fixer une retraite minimale, disposition qui s’appliquera en deux étapes. Cette joie est néanmoins quelque peu ternie par les problèmes de financement du régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles. À court terme, le versement de ces prestations sera garanti grâce à une autorisation d’emprunt accordée à la Mutualité sociale agricole, ce qui n’est pas une solution d’avenir.
Pour ce qui concerne la formation agricole privée, le vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire », qui a eu lieu cet après-midi, montrera ses effets dans l’avenir et nous permettra d’appréhender la situation plus sereinement.
Enfin, je souhaite que les services de la direction départementale de l’agriculture et autres contrôleurs des exploitations agricoles adoptent des méthodes différentes, afin que les agriculteurs aient une meilleure compréhension de leur action.
Telles sont, monsieur le ministre, les préoccupations dont je voulais vous faire part. Je vous remercie des éclaircissements que vous ne manquerez pas de m’apporter et je vous précise d’emblée que je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits pour 2009 de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » se déroule dans un contexte très particulier, caractérisé par le sombre bilan de santé de la PAC et par la crise financière mondiale.
La seule constante, si je puis dire, c’est de débattre à un moment où de nombreux secteurs de production agricole sont en crise, avec la particularité, en 2008, de ne pas avoir de difficulté à trouver les secteurs qui vont bien, tant ils sont rares.
Pour dresser un état complet de la situation, il faut ajouter l’échec des négociations au sein de l’OMC, qui favorise les accords bilatéraux au détriment d’une vision globale, nécessaire à l’équilibre alimentaire mondial. Faut-il préciser qu’un succès du cycle de Doha conduirait à une catastrophe encore plus grande, en livrant le monde entier, les plus faibles comme les plus forts, à la loi de la jungle du libéralisme le plus débridé ? Non, merci, on a déjà donné et ça risque de durer !
Faut-il inclure dans ce contexte la révision générale des politiques publiques, que nos libéraux nationaux appellent « rationalisation », alors qu’il s’agit d’en finir avec ce qui reste des anciens grands services publics, de livrer les secteurs rentables au secteur privé et de mutualiser les pertes des secteurs les moins attractifs pour le capital ?
Dernière touche au contexte, la crise alimentaire mondiale, qui touche désormais près d’un milliard d’individus. Sont-ils encore considérés comme des hommes dans ce monde devenu fou ? La crise financière y ajoutera bientôt 100 millions de personnes, à en croire les fameux experts.
Je vous fais grâce du Grenelle de l’environnement, qui demeure pour l’instant un pavé de bonnes intentions et qui donne bonne conscience à celles et ceux qui en parlent avec gourmandise, mais sans ouvrir le porte-monnaie.
Le tableau est dressé, il n’est pas brillant ; il est même dramatique. Mais il traduit plutôt bien ce à quoi nous pouvions nous attendre au regard des multiples dispositions prises ces dernières années, tant par la France que par l’Europe ou l’OMC.
S’agissant des crédits de cette mission, je me contenterai de citer le rapport de la commission des affaires économiques : ce budget contraint « limite les dégâts », « permet de continuer à financer le "noyau dur" des actions portées par le ministère », mais subit « une baisse de 13% de ses dotations en CP d’ici 2011 ». Ce n’est guère réjouissant pour ce budget national, qui, avec 5 milliards d’euros, ne constitue qu’une partie mineure des concours publics à l’agriculture – 15,7 % –, eu égard à la prévalence du budget communautaire : 73%.
Nous pouvons donc nous demander, de façon légitime, à quoi peut servir le budget agricole, partie nationale. À quoi doit-il servir prioritairement ? Comment peut-il être utile au monde agricole dans sa diversité, à son niveau de revenu, à sa capacité à structurer durablement l’espace rural en accomplissant sa mission prioritaire : nourrir les hommes ?
Dans la mesure où les chiffres pèsent peu et où l’augmentation des crédits n’est pas à l’ordre du jour du Gouvernement, bien au contraire, il me semble de plus en plus évident qu’il faudrait se doter d’outils législatifs permettant d’assurer une stabilité des revenus, de garantir des productions qui répondent aux attentes des consommateurs en qualité et quantité et de structurer l’espace rural au travers de tous les modes et tailles d’exploitations. Car il s’agit de familles, qui sont beaucoup plus heureuses là où elles sont que dans les banlieues, où elles iraient grossir le nombre de ceux qui sont dans la misère.
Ces dernières années, la loi d’orientation agricole, la loi relative au développement des territoires ruraux, la loi Dutreil et, plus récemment, la loi de modernisation de l’économie ont contribué à conforter une conception entrepreneuriale de l’agriculture, une forte concentration des exploitations et, surtout, une agriculture désarmée face aux centrales d’achat et à la grande distribution.
Dernier exemple en date, l’article 59 ter du projet de loi de finances : à l’instar de la loi de modernisation de l’économie, il vise à accentuer la concurrence libre et non faussée voulue par la réglementation communautaire. En adoptant cet article, mes chers collègues, vous condamnerez des dizaines de milliers de producteurs laitiers non seulement en Bretagne, mais aussi en zone de montagne et dans tout l’Hexagone.
Le regroupement des offices agricoles dans une même structure, pour ne pas dire dans un même sac, contribue également à neutraliser le rôle de régulation du marché pour lequel ils ont été conçus initialement.
Pour ce qui concerne l’installation des jeunes, ce budget semble enfin aller dans le bon sens, tout en restant modeste. Je m’interroge néanmoins sur la réalité des moyens nécessaires pour mettre en œuvre les objectifs du Grenelle de l’environnement, notamment le passage de 1,4 % à 6 % en 2012 et à 20 % en 2020 des surfaces agricoles consacrées à l’agriculture biologique. C’est demain, monsieur le ministre !
Je m’interroge également sur le manque de dispositions qui pourraient rendre incontournable l’installation ou la conversion de milliers d’exploitations biologiques peu consommatrices de terres et d’intrants polluants. Je sens que l’on va s’amuser, dans les CDOA ! J’aimerais, monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur ce point précis, qui n’engage que ceux qui veulent bien y croire.
Quant au plan ECOPHYTO 2018, il vise à réduire de 50 % l’usage de pesticides, notamment par le retrait des 53 molécules les plus dangereuses. J’ai lu avec la plus grande attention les huit axes de ce plan, mais je n’ai rien vu de lisible en matière de recherche de molécules de substitution non nocives pour les humains et la biodiversité. Il est vrai que la recherche coûte cher. Pour le reste, les huit axes vont plutôt dans le bon sens. Mais restons prudents, car le lobbying des marchands de poison est déjà à l’œuvre – encore une histoire de « gros sous » ! – et les résistances de la profession sont également très fortes.
J’en viens aux Haras nationaux. L’État se désengage progressivement de ses missions et ferme des sites. En Bretagne, ceux de Lamballe et Hennebont demeurent ; ils réalisent un travail exemplaire, tant pour la conservation des races que pour l’animation équestre. Il faut préserver ces outils, monsieur le ministre, car ils sont à la Bretagne ce que le cheval est à l’homme : sa plus belle conquête !
Dans le cadre de la préparation de ce projet de budget, nous avons été interpellés par les associations de développement et d’animation du milieu rural. À l’instar de ce qui se passe au sein du budget de l’éducation nationale pour les mises à disposition, elles se voient dépourvues de crédits et ne peuvent guère s’inscrire dans les opérations du compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural, le CAS-DAR, qui ne semble pas être l’outil adapté à leurs missions. Ces coupes sévères signifient la mort du lien social en milieu rural. Aussi, nous demandons que les crédits soient intégralement rétablis.
Ce qui pose avant tout problème à l’agriculture française et à son avenir, c’est la question des revenus, qui sont le plus souvent en baisse ; ils sont irréguliers au gré des crises, déséquilibrés selon les productions, incertains en raison du régime des aides de la PAC et écrasés par les marges des centrales d’achat et de la grande distribution.
La table ronde qui s’est tenue en urgence à la préfecture de région à Rennes, samedi dernier, témoigne de la priorité qu’accorde le monde agricole à la question vitale des revenus et aux relations avec la grande distribution. Aucun gouvernement n’est parvenu, jusqu’à présent, à résoudre l’équation suivante : des prix rémunérateurs pour les producteurs ; des prix abordables pour les consommateurs ; des marges raisonnables pour les voleurs de la grande distribution.
Ce serait possible, à condition, bien sûr, de ne pas faire un préalable de la concurrence libre et non faussée et de tout l’arsenal libéral en place, qui légalise et pérennise le « banditisme » commercial.
Le bilan de santé de la PAC demeure, de loin, l’élément qui inquiète le plus l’ensemble de la profession : la remise en cause des aides, qui constituent aujourd’hui 50 % du revenu des agriculteurs, et la fin des dispositifs de régulation – offices, quotas laitiers, découplage généralisé – ont effectivement de quoi inquiéter et même démoraliser le monde agricole.
Monsieur le ministre, je vais vous citer la réaction au bilan de santé d’une personne que vous connaissez bien et qui ne peut être taxée de « dangereux gauchiste » : « C’est une décision irresponsable. Cet accord symbolise la fin de la régulation des marchés. Alors que la crise financière est omniprésente, que la crise économique est de plus en plus prégnante et que la crise alimentaire semble permanente, la Commission et les ministres sont restés figés sur un schéma dogmatique libéral, sans tenir compte du contexte européen et mondial.
« La stratégie de la Commission de Bruxelles, “le marché, rien que le marché, tout le marché”, ne peut avoir que des conséquences graves pour les producteurs et les consommateurs.
« Pour les produits laitiers par exemple, l’augmentation des quotas laitiers est une ineptie au moment où partout en Europe, les producteurs subissent des baisses de prix importantes. »
Il s’agit de la réaction de Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA. Je n’ai rien à ajouter !
Il est vrai qu’en cette période de crise du système capitaliste et ultralibéral les commissaires européens auraient été bien inspirés de ne pas en remettre une louche. C’est indécent !
« Les marchés sont devenus fous », disent-ils. Non, ce sont les hommes qui sont devenus fous ! Gandhi affirmait que « la terre peut satisfaire les besoins de tous, mais pas la cupidité de tous ».
Les glissements autorisés du premier pilier de la PAC vers le second visent à capter l’opinion publique sensible aux questions environnementales et à justifier les dérégulations en cours. Certes, les actions visées par le second pilier sont indispensables, mais rien ne justifie la disparition de l’ensemble des instruments de régulation et la baisse progressive des aides.
En Bretagne, première région agricole de France, les producteurs de lait sont en colère. Pendant plusieurs jours, ils ont bloqué les plateformes logistiques de la grande distribution. La fin programmée des quotas en 2014, leur augmentation de 1 % par an et la pression des laiteries sur le prix du lait constituent le cocktail explosif idéal pour exaspérer la profession. Le compromis qui a été trouvé hier fait état de baisses allant de 25 euros à 55 euros la tonne d’ici au mois de mars 2009.
Selon l’Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, l’ONILAIT, la France ne compterait plus que 75 000 exploitations laitières en 2010, contre 133 000 en 1998. La concentration va être extrême.
Il est urgent de maintenir tous les instruments de régulation, de favoriser le stockage des matières premières, avec une marge d’environ six mois, comme le fait la Chine aujourd’hui.
Il est urgent de décourager par tous les moyens, juridiques et fiscaux, la spéculation sur les denrées alimentaires, véritable crime contre l’humanité. Un clic d’ordinateur peut tuer beaucoup plus que des armes conventionnelles, dans ce cas précis !
Il est urgent de rétablir les règles de préférence communautaire qui sont bafouées.
La crise alimentaire mondiale n’aurait pas eu lieu sans les spéculateurs ; un déficit mondial de production des céréales de 3 % s’est traduit par une augmentation du prix de ces denrées de 100 % en 2007. Certes, les productions sont soumises à de multiples aléas climatiques et sanitaires, mais l’aléa spéculatif peut être évité.
Dans le monde, 30 millions d’agriculteurs ont des tracteurs, plusieurs centaines de millions utilisent la traction animale et plus d’un milliard ont recours à la houe. Ces derniers sont les premiers à souffrir de la faim, ce qui est un comble.
Selon un rapport de l’ONU, 82 milliards d’euros devraient suffire à résoudre les épidémies et la faim sur la planète. C’est finalement peu au regard des 2 000 milliards d’euros prévus pour renflouer les spéculateurs européens du système bancaire.
Nous sommes contraints de constater que ni le budget, ni les politiques agricoles françaises, ni les orientations européennes de la PAC ne correspondent aux attentes du monde paysan et aux défis mondiaux. Aussi, nous ne voterons pas ce projet de budget et formons le vœu qu’un ressaisissement, une prise de conscience, une réorientation profonde inspirent les vingt-sept pays membres de l’Union européenne en 2009. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chatillon.
M. Alain Chatillon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits affectés à l’agriculture dans le projet de loi de finances pour 2009 me donne l’occasion d’évoquer plusieurs points qui me tiennent à cœur.
Tout d’abord, il me paraît aujourd’hui essentiel que le ministère de l’agriculture soit aussi celui de l’alimentation et de la nutrition, comme tel est le cas dans de nombreux pays.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Alain Chatillon. À cet effet, il conviendrait de mieux définir et d’arbitrer les rôles respectifs des ministères de l’agriculture et de la santé. Par ailleurs, les fonctionnaires de Bruxelles devraient avoir un contact plus régulier avec nos entreprises au travers des fédérations et des syndicats,…
M. Charles Revet. Il y a beaucoup à faire !
M. Alain Chatillon. …car les problèmes de réglementation sont souvent absents des préoccupations de nos industriels. À cet égard, les fonctionnaires de tutelle allemands évoquent tous les vendredis les modifications de réglementation avec les syndicats professionnels de branche. En tant qu’industriel, je n’ai jamais pu établir un seul contact. Il faut absolument revenir sur cette disparité de traitement.
M. Charles Revet. C’est à nous de nous battre !
M. Alain Chatillon. Par ailleurs, il faudrait que nos ambassades défendent avec un peu plus d’énergie nos entreprises et fassent en sorte que nos productions agricoles et alimentaires soient mieux acceptées à l’étranger, grâce à des vecteurs d’accompagnement peu présents aujourd’hui. Il y va de la réactivité et de la compétitivité de nos industries agroalimentaires. En effet, les industries agroalimentaires sont non seulement un facteur essentiel de développement de nos productions agricoles, mais aussi un facteur d’équilibre territorial, compte tenu de leur implantation rurale dans notre pays.
Je vous soumets donc, monsieur le ministre, quelques propositions.
Premièrement, une orientation forte du ministère de l’agriculture et de la pêche sur la nutrition doit accompagner le développement des industries agroalimentaires, car la prévention alimentaire est un enjeu majeur, pour nos concitoyens comme pour les agriculteurs.
Une relation doit être établie avec le corps médical, ce qui permettrait, j’en suis certain, des économies sérieuses dans le budget de la sécurité sociale. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, dans tous les pays anglo-saxons, les médecins prescrivent fréquemment des produits alimentaires sur leurs ordonnances, notamment des produits visant à lutter contre l’excès de cholestérol ou des fibres alimentaires. Ainsi, l’absorption de 3,5 grammes de fibres règle 80 % des problèmes de transit intestinal : une économie sérieuse pourrait être réalisée dans le domaine des laxatifs.
Pour ce qui concerne les nutraceutiques et les alicaments, une vigilance plus importante doit être portée sur certains produits provenant de l’étranger et distribués souvent par Internet.
De même, il importe de surveiller l’introduction d’éléments chimiques dans les produits alimentaires ; les risques de toxicité nutritionnelle doivent être mieux étudiés et régulés, particulièrement pour les produits de provenance extracommunautaire.
Deuxièmement, il s’avère nécessaire d’apporter de la valeur ajoutée aux produits agroalimentaires, pour améliorer notre compétitivité, bien sûr, mais aussi pour éviter les délocalisations : il s’agit de la relation entre les industries et le monde de la recherche.
Les pôles de compétitivité doivent être un facteur essentiel de développement, par la mise en relation de nos entreprises avec le monde académique et la conclusion de contrats de filières pour la valorisation de nos produits agricoles.
Il convient aussi d’évoquer les pôles d’excellence rurale, compte tenu du rôle majeur qu’ils peuvent jouer en complémentarité des pôles de compétitivité. Il serait bon de pouvoir aider les entreprises artisanales qui structurent ces territoires peu peuplés, d’attribuer à ces zones un statut identique à celui des zones franches et de favoriser tout particulièrement les services structurants.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Alain Chatillon. Troisièmement, la dimension de nos entreprises soulève des questions. En effet, nos PME ont une taille bien inférieure à celle des PME des autres pays européens, notamment de l’Allemagne. L’appui des sociétés régionales de capital-risque et de capital-développement est essentiel : d’importants capitaux doivent être orientés vers ces structures, au-delà du soutien des banques, pour accompagner le secteur des industries agroalimentaires ; de même un effort de « clusterisation » doit être accompli par les pôles de compétitivité, dont il faudra aussi assurer la pérennité au-delà des trois ans prévus.
Quatrièmement, je veux évoquer la nécessaire simplification des dispositifs d’aide : l’intervention d’OSEO, une trame régionale cohérente de pépinières d’entreprises et la mise en place de fonds d’amorçage permettront, j’en suis sûr, de diminuer sensiblement la mortalité précoce des entreprises.
L’installation d’un guichet unique, que nous attendons depuis bien longtemps, permettrait d’apporter une aide structurelle à nos entreprises, notamment au niveau régional. Mettons-le rapidement en place !
Cinquièmement, je rappellerai que, depuis quelques années, la politique de flux tendu a conduit à l’effacement des stocks agricoles, qui s’avèrent indispensables pour mieux réguler les prix des denrées alimentaires ; ce fut, en 2007, la vraie raison de l’inflation des prix à la consommation. Ne nous le cachons pas ! L’Europe doit de nouveau assurer le financement de ces stocks, ce qu’elle ne fait plus depuis six ans, me semble-t-il.
Sixièmement, je souhaite savoir ce que la PAC deviendra après 2012. Pour nous, cette question suscite de fortes inquiétudes. Si la PAC représente aujourd’hui 40% du budget européen, que se passera-t-il ensuite ? Quel soutien sommes-nous prêts à apporter aux filières ovine et bovine, qui sont particulièrement sinistrées par la fièvre catarrhale, mais également, et surtout, par les prix du marché ? Devrons-nous nous résoudre à acheter dans quelques années notre bétail aux pays voisins, notamment au Commonwealth ?
M. Jacques Blanc. Surtout pas !
M. Alain Chatillon. À ce sujet, je m’interroge sur les compensations obtenues par le Royaume-Uni voilà deux ou trois ans à propos de la PAC. Cet argent ne sert-il pas aujourd'hui, au moins en partie, à subventionner les cheptels australiens et néo-zélandais, qui viennent ainsi casser les prix des produits de nos éleveurs ?
M. Jacques Blanc. C’est bien possible !
M. Alain Chatillon. Faudra-t-il se résoudre à embaucher des « jardiniers de l’espace » pour entretenir nos zones d’élevage ? Et à quel coût, puisque ce sera sans retour sur investissement ? Que deviendront nos éleveurs, qui sont attachés à leur cheptel ? Ils méritent véritablement notre respect et notre appui.
M. Charles Revet. Et cela coûtera bien moins cher de les maintenir en place !
M. Alain Chatillon. En effet, mon cher collègue !
Septièmement, les contrats de filière doivent être privilégiés. Il m’apparaît indispensable que des accords structurants s’établissent entre les producteurs, les industriels et les distributeurs dans notre pays.
Une nécessaire solidarité doit s’installer, afin que la plus grande partie de la marge ne se réalise pas au niveau de la seule distribution. Un système de contrôle et d’arbitrage doit être mis en place, ainsi que de véritables interprofessions par filières. Je sais que notre excellent collègue Benoît Huré développera ce point tout à l’heure.
Enfin, huitièmement, la France consomme chaque année 58 000 hectares de terres agricoles par l’expansion des villes et particulièrement des communautés urbaines et communautés d’agglomérations. À mon sens, il conviendrait d’obtenir par la loi, comme cela s’est récemment produit en Allemagne, une meilleure maîtrise de l’espace rural, au-delà des plans locaux d’urbanisme, les PLU, et des schémas de cohérence territoriale.
Monsieur le ministre, depuis votre arrivée à ce poste, vous effectuez un travail remarquable grâce à votre compétence et à votre capacité de mobilisation de toutes les équipes, et ce avec des crédits limités.