M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux groupes UMP, socialiste, UC, CRC-SPG et RDSE et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra aux orateurs.
Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante : question, deux minutes trente ; réponse, deux minutes trente ; réplique éventuelle, une minute.
La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le budget de l’enseignement scolaire.
Derrière les chiffres couchés sur les 360 pages de ce budget, se joue une partie de l’avenir de milliers d’écoliers, de collégiens et de lycéens. Or il ressort de leur lecture – je devrais dire de leur « décryptage » – une bien étrange impression : celle d’un terrible décalage entre ce que vous annoncez, monsieur le ministre, en préambule de ce budget et la réalité des chiffres qui le composent.
Ce budget donne l’impression d’une insincérité – le mot n’est pas trop fort – qu’il est impossible de taire tant les mesures que vous multipliez depuis deux ans visent à déconstruire notre système public de l’éducation.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est ce qu’a bien compris la communauté éducative, qui s’est mobilisée en force le 20 novembre dernier.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous nous parlez de « nouveaux services » à destination des élèves et de leurs familles. Comment expliquer alors que l’action intitulée « Accueil et service aux élèves », dans le programme « Vie de l’élève », où l’on devrait justement retrouver cet effort de l’État, ne représente plus que 0,7 % de ce programme contre 20,3 % l’année dernière ?
Dans le secondaire, petit à petit, vous videz les établissements de tous les adultes qui contribuent à la vie scolaire des élèves : surveillants, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation-psychologue, et je ne parle pas des infirmières, dont le recrutement pose problème !
Bientôt, ce sera aux enseignants d’assumer toutes ces tâches. Comment tiendrez-vous, dans ces conditions, les objectifs que vous annoncez dans la présentation de ce programme ?
Je veux dire un mot sur l’accueil des élèves handicapés. Vous prétendez accroître leur accueil. Mais, en comparant les chiffres de cette année avec ceux de l’année dernière dans le premier degré, l’école a, en réalité, accueilli moins d’élèves handicapés, soit 1 401 élèves handicapés de moins.
Vous nous parlez d’enseignants « mieux payés » et « mieux formés ».
Les enseignants sont-ils mieux payés ? Les suppressions de postes n’ont pas permis aux enseignants de gagner plus. Elles ont compensé pour partie le coût du vieillissement des corps, qui, à lui seul, explique que vous nous présentiez un budget en hausse.
Les enseignants sont mieux payés à condition, donc, qu’ils acceptent d’allonger leur temps de travail en faisant des heures supplémentaires. Vous consacrez de nouveau d’importants moyens aux heures supplémentaires – près de 1 milliard d’euros – sans justifier de l’efficacité de ce choix : votre budget ne comporte aucune indication sur leur consommation ni sur leur utilisation. Comment, dès lors, mesurer et garantir la performance de cette politique, qui vise à institutionnaliser les heures supplémentaires comme seul mode de gestion ?
Les enseignants sont-ils mieux formés ? Les crédits et les moyens de formation sont en baisse. En deux ans, dans le premier degré, 3 670 postes de stagiaires seront supprimés.
Avec la disparition programmée des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, et la « mastérisation », on peut légitimement s’interroger sur les moyens qui seront consacrés à la formation des enseignants, notamment à leur formation initiale, et ce d’autant que ce budget, monsieur le ministre, indique clairement vouloir renforcer la forte contribution qu’y apporte le milieu scolaire. En clair, les enseignants se formeront directement sur le terrain devant les élèves.
Je m’interroge également sur la question des effectifs. Cette année, sont prévues 11 200 suppressions de postes et 13500 en 2009, qui s’ajoutent aux 35 000 postes détruits depuis 2003.
Dans le second degré, vous justifiez une partie de ces 13 500 suppressions de postes par la poursuite de la baisse du nombre d’élèves en 2008. Cette baisse est pourtant ralentie dans les collèges. Ils accueilleront 8 000 élèves de plus en 2009. Il suffit de se reporter à l’évolution des effectifs en primaire – en hausse continue depuis 2004 – pour prévoir que ceux du second degré repartiront irrémédiablement à la hausse.
Dans quelles conditions seront accueillis ces futurs collégiens et lycéens alors que vous continuez à supprimer en masse les postes d’enseignants stagiaires – plus de 3 000 postes ont été supprimés en deux ans dans le secondaire – et que vous ne remplacez pas les départs en retraite ? Comment, dès lors, garantir que le taux d’encadrement des élèves ne sera pas remis en cause ?
Dans le primaire, pour la première fois, une hausse des effectifs se traduit par une baisse des postes. En 2009, 14 000 enfants de plus sont attendus dans les écoles par rapport à 2008, et le solde des emplois affiche 5 500 postes de moins.
Parallèlement, votre schéma d’emplois mentionne la création, « à caractère provisionnel », de 500 postes de personnels administratifs pour accompagner la création des futurs établissements publics du premier degré. Mais la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale n’a même pas été votée !
À l’inverse, vous justifiez la suppression de 500 postes administratifs par les économies induites par le déploiement du logiciel de gestion Chorus. Or, selon Bercy, le déploiement de ce logiciel pour votre ministère n’est pas à l’ordre du jour en 2009 !
Avec cette logique, on comprend mieux votre décision de « sédentariser » 3 000 postes de réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED : 3 000 postes, c’est justement le nombre d’enseignants partant à la retraite qui ne seront pas remplacés en 2009. Quel tour de magie !
Sinon comment expliquer cette décision ? S’explique-t-elle par le manque de performance des RASED ? Encore aurait-il fallu les évaluer. Or leur action n’a pas été évaluée nationalement depuis 1996.
S’explique-t-elle par la mise en place des deux heures d’aide personnalisée ? L’aide personnalisée et l’aide spécialisée sont deux choses bien distinctes. Surestimer les possibilités de la première et dénigrer la seconde, c’est nier le besoin d’une réponse spécifique pour les élèves confrontés à une difficulté durable et globale.
Tous les enseignants, mais aussi les parents d’élève qui ont bénéficié du soutien des RASED le savent, d’où leur forte mobilisation. J’y reviendrai lors des questions.
Quant à la mise en place de cette aide personnalisée rendue possible par la suppression de l’école le samedi, il faudra évaluer son efficacité et ses conséquences sur l’organisation du temps scolaire, notamment parce qu’elle revient à allonger les journées de classe et à les concentrer sur quatre jours.
Il est vrai que vous n’avez rien imposé en la matière. Cependant, la rapidité de la mise en œuvre de cette mesure a pris de cours les équipes pédagogiques comme les collectivités territoriales. J’insiste, cette année encore, sur la question de l’évaluation tant revendiquée, mais si discrète dans les faits.
Pour le primaire, vous avez créé deux nouveaux outils d’évaluation en CE1 et CM2. Connaîtront-ils le même sort que les indicateurs de performances censés évaluer en fin de troisième la maîtrise du socle commun institué par la loi Fillon ?
Cette année encore, ces indicateurs ne sont quasiment pas renseignés. Les résultats de ces évaluations nationales du primaire seront-ils rendus publics et comment le seront-ils ?
Tout cela demande à être clarifié, car je m’interroge sur l’interprétation de ces informations dans un contexte de suppression de la carte scolaire, et ce d’autant qu’une étude, non publiée par votre ministère, réalisée en 2007 par deux inspecteurs de l’éducation nationale sur les premiers assouplissements de la carte scolaire pointe du doigt le risque accru de « ghettoïsation » de certains établissements.
La même méthode est appliquée pour la maternelle et la scolarisation des enfants de deux ans. L’école maternelle est un lieu d’apprentissage, un lieu où les enseignants apprennent aux enfants à apprendre, un lieu déterminant pour effectuer le repérage des premières difficultés. L’école maternelle est donc utile, et elle a besoin de moyens en personnels ainsi qu’en formation.
C’est pourquoi je vous demande de nouveau de rendre l’école maternelle obligatoire dès trois ans et de ne pas fermer la porte de l’école aux enfants de deux ans.
Décidément, monsieur le ministre, chaque budget qui passe démontre combien l’affirmation de qualité fondée sur le dogme de la réduction des moyens est inconciliable avec le maintien d’un véritable service public de l’éducation, laïque et gratuit. Oui, le système éducatif a besoin de réformes, mais ces réformes ont besoin de se fonder sur une réelle concertation. Ce n’est pas le cas aujourd'hui.
La communauté éducative se mobilise depuis deux ans, non pas pour défendre le statu quo, ni pour refuser le principe d’une réforme, ni encore parce qu’elle serait guidée par une « culture de la grève ».
Vous réduisez de fait cette forme d’expression démocratique qu’est la grève à l’expression étroite d’intérêts particuliers, ce qui revient à disqualifier la parole que portent ces enseignants, ces personnels de l’éducation, de la recherche, ces parents d’élèves, ces lycéens.
Des réformes similaires, pareillement guidées par la feuille de route fixée en 2000 par la stratégie dite de Lisbonne, rencontrent aussi une vive protestation en Italie, où les universités sont occupées par les étudiants.
J’évoquerai brièvement le service minimum.
La pratique a démontré l’impossibilité pour de très nombreuses communes de le mettre en place, faute de personnels. Aujourd’hui, des communes se retrouvent assignées en référé devant les tribunaux administratifs.
Monsieur le ministre, la communauté éducative n’a pas besoin que vous lanciez des appels pour la surveiller. Elle a besoin d’être écoutée, entendue et associée dans sa volonté de faire progresser notre système éducatif, d’assurer la réussite de tous les élèves, en refusant la fatalité de l’échec et la reproduction des inégalités.
C’est pourquoi, loin de nous en tenir à la seule question des postes, nous proposons un ensemble de dispositions et de démarches pour répondre aux exigences actuelles, au premier rang desquelles figure la lutte contre les inégalités. Je pense, notamment, à la création immédiate d’observatoires des scolarités et d’un fonds national de lutte contre les inégalités scolaires.
Cela suppose bien sûr de développer la recherche en éducation et de mener une rénovation du recrutement et de la formation professionnelle des personnels.
Pour l’ensemble des raisons que je viens de citer, mon groupe émettra un vote négatif sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est présenté illustre clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’enseignement scolaire.
Avec 60 milliards d’euros de crédits en 2009, l’enseignement reste très légitimement le premier budget de l’État.
Mais, au-delà de cette réalité, je veux souligner que l’effort en faveur de l’enseignement se mesure également par le choix assumé de poursuivre l’ambitieuse politique de réforme en faveur de l’éducation voulue par le Président de la République.
Depuis dix-huit mois, cette politique a été menée à un rythme soutenu, sans équivalent depuis bien longtemps, ce qui correspond à l’urgence de la situation et à l’attente des Français.
Ceux-ci, viscéralement attachés à l’éducation nationale, véritable socle de notre pacte républicain, se lamentaient de voir, depuis de trop longues années, l’école presque dans l’incapacité de se moderniser.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est vrai !
Mme Colette Mélot. Les réformes actuellement mises en œuvre sont absolument nécessaires pour la sauvegarde du service public de l’éducation nationale, car les résultats de notre système éducatif ne sont plus satisfaisants, au regard de l’investissement budgétaire de la nation et de l’investissement du corps enseignant.
On évalue à 15 % la proportion des élèves qui entrent au collège sans maîtriser la lecture, l’écriture ou le calcul : cette réalité inacceptable exige une action forte des pouvoirs publics. Le budget pour 2009 donne précisément les moyens de prolonger et d’amplifier les réformes de fond engagées.
Je pense d’abord à la réforme de l’école primaire, qui vise à favoriser la réussite scolaire de tous avec l’objectif de diminuer par trois le nombre d’élèves en grande difficulté.
Cela se traduit en particulier par de nouveaux programmes plus clairs et recentrés sur les apprentissages fondamentaux mais également par une meilleure prise en charge des élèves en difficulté grâce aux deux heures dégagées par la suppression des cours le samedi matin.
Le budget pour 2009 illustre également les efforts déployés pour aider les enfants issus de familles modestes à réussir. Il concrétise l’objectif d’égalité des chances par un engagement financier marqué en faveur de l’éducation prioritaire.
Les stages gratuits de remise à niveau pendant les vacances pour les élèves sont un véritable succès.
Le programme de réussite éducative s’ajoute aux autres dispositifs.
Il faut donner les moyens d’amplifier ce mouvement que vous avez initié, monsieur le ministre. Toutes ces mesures prouvent bien votre volonté d’améliorer l’efficacité du système scolaire et de renforcer les chances de réussite de chaque élève, quel que soit son milieu d’origine.
Je tiens également à souligner les mesures prises pour la modernisation du secondaire, en particulier pour la mise en œuvre sur trois ans de la réforme du lycée d’enseignement général et pour la poursuite de la rénovation de la voie professionnelle, avec la généralisation à partir de l’an prochain du baccalauréat professionnel en trois ans.
Dans ce contexte, certains s’empressent déjà de demander pourquoi il faudrait réformer le lycée alors qu’il a permis à des milliers de Français d’accéder au baccalauréat, puis aux études supérieures. Les Français sont fiers de leur lycée et ils ont raison de l’être.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Colette Mélot. Depuis plusieurs décennies, le lycée a connu des bouleversements et a dû accueillir des populations d’élèves toujours plus nombreuses et toujours plus diverses avec pour mission l’accès au baccalauréat.
Toutefois, il ne faut pas que le lycée demeure figé dans son modèle actuel ; il doit franchir une nouvelle étape pour s’adapter à la société du XXIe siècle.
La réforme que vous souhaitez engager, monsieur le ministre, permettra aux lycées d’assurer une meilleure préparation aux études supérieures et d’offrir de nouveaux services aux élèves des lycées généraux et technologiques pour leur permettre de mieux s’orienter.
Ainsi, la nouvelle classe de seconde qui sera mise en place à la rentrée 2009 se caractérisera par une meilleure organisation du temps scolaire dans l’année et dans la semaine.
L’année scolaire comportera deux semestres et quatre rendez-vous annuels avec l’élève au lieu de trois aujourd’hui : deux conseils de mi-semestre et deux conseils de fin de semestre, où sera notamment abordée l’orientation de l’élève.
Cette nouvelle organisation s’accompagnera d’un soutien scolaire adapté, d’une aide méthodologique, d’un conseil d’orientation, d’un travail interdisciplinaire et, pour ceux qui le souhaitent, d’un travail d’expertise. C’est une conception totalement nouvelle de la classe de seconde qui va être mise en œuvre.
La nouvelle semaine scolaire comportera trois grands ensembles : des enseignements généraux de tronc commun sur une durée totale de vingt et une heures, auxquels s’ajouteront six heures d’enseignements complémentaires proposés sous forme de modules, ainsi qu’un accompagnement personnalisé de trois heures hebdomadaires.
Pour mettre fin à certaines polémiques, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez clarifier certains points, à savoir : d’une part, les répercussions budgétaires qu’entraînera la réforme du lycée et, d’autre part, la question du niveau d’encadrement des classes par le personnel enseignant et non enseignant.
Sur un plan pratique, pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser les orientations de la nouvelle classe de seconde, notamment le dispositif de « droit au changement » des élèves, s’il s’avère qu’ils se sont manifestement trompés dans leur choix ?
Concrètement, comment un élève qui souhaiterait changer d’orientation pourrait-il rattraper les enseignements qu’il n’aurait pas suivis au cours du premier semestre ? La communauté éducative attend une réponse rapide de manière que le projet ne soit pas mis en œuvre dans l’urgence.
Pour conclure, je veux souligner que le budget qui nous est présenté traduit bien une véritable politique de réforme et de modernisation de l’éducation nationale, qui bénéficie à toute la communauté éducative : élèves, familles et enseignants.
Vous pouvez donc compter sur le soutien du groupe UMP, monsieur le ministre, pour accompagner le profond et nécessaire mouvement de modernisation que vous avez engagé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, notre collègue Jean-Claude Carle vous a tout à l'heure souhaité une bonne fête mais je pense qu’en tant que ministre de l’éducation nationale vous êtes à la fête tous les jours ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. Les enseignants font en sorte que vous soyez toujours à la fête, mais sachez que nous sommes à vos côtés pour vous aider.
Je ne ferai pas de commentaires sur ce budget. Je voudrais simplement appeler votre attention sur quelques points, en adoptant, à l’instar de mon collègue Gérard Longuet, un style un peu cursif afin de respecter mon temps de parole et nous permettre d’examiner ce budget dans le délai imparti.
Le premier sujet sur lequel je souhaite obtenir de votre part quelques assurances est celui des expérimentations qui ont été mises en place pour l’enseignement précoce des langues étrangères dès la maternelle.
Le département dont je suis élu est actuellement concerné par une telle expérimentation, et je me réjouis que votre ministère ait accepté de signer une convention tripartite avec la structure intercommunale que je préside et le conseil général. Je voudrais toutefois savoir si seront reconduits les moyens humains permettant la poursuite de cette expérimentation.
Le ministère a-t-il prévu le fléchage des enseignants dans les groupements qui expérimentent l’enseignement précoce ?
Le ministère entend-il toujours privilégier les natifs de la langue ? Nous savons en effet que les chances de réussite sont meilleures lorsque cet enseignement est assuré par des natifs de la langue.
Le ministère procède-t-il assez régulièrement à une évaluation de ces expérimentations et entend-il en tirer des enseignements afin de généraliser l’enseignement précoce des langues dès la maternelle dans l’enseignement public ? Actuellement, cet enseignement n’est assuré qu’à raison de trois quarts d’heure par semaine à partir du CE1 ou du CE2 mais ne l’est pas à la maternelle.
Une question revient régulièrement dans la bouche des parents d’élèves : pourquoi ne privilégie-t-on pas l’enseignement de l’anglais, dont certains considèrent, à tort sans doute, qu’il est devenu la langue universelle ?
Il me semble utile de donner des explications à l’opinion publique sur la volonté du Gouvernement de ne pas privilégier une langue plutôt qu’une autre. Chacun sait que l’acquisition d’au moins deux langues étrangères permet d’en acquérir plus facilement une troisième ou une quatrième.
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est le service minimum.
Monsieur le ministre, sur la question du service minimum, le recteur de l’académie de Créteil, qui était présent au congrès des maires de France, a été un peu malmené.
M. Alain Vasselle. Le Président de la République est ensuite intervenu pour donner quelques assurances. Le recteur a fait valoir que vous étiez en conseil des ministres à trois heures de l’après-midi et, en même temps, que vous étiez à Bruxelles ! Cela n’a pas été très bien vécu par les maires au congrès, et cela a créé certains mouvements, mais ce n’est pas l’objet de mon intervention.
M. Alain Vasselle. Il aurait dû, dans ce cas, être plus précis.
À l’époque où nous avons discuté du texte sur le service minimum, j’ai fait valoir que je ne comprenais pas pourquoi nous n’avions pas adopté pour l’école un dispositif similaire à celui qui a été mis en place dans les transports publics.
On m’a alors répondu qu’il y avait une différence fondamentale entre les deux dispositifs : à la SNCF, le service est assuré tandis qu’à l’école il s’agit simplement d’accueillir les enfants et d’en assurer la garde.
Or, pourquoi les enseignants, tout en n’assurant pas les cours puisque c’est la grève, ne pourraient-ils pas garder eux-mêmes les enfants ? Le personnel de l’éducation nationale est quand même le premier responsable de ses élèves. Cela, en tout cas, faciliterait la tâche des maires.
M. Jean-Louis Carrère. Vous allez créer des ennuis supplémentaires à M. Darcos !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Un accueil sans enseignement, ce serait une bonne solution !
M. Alain Vasselle. Cela étant, c’est un point de vue personnel et j’admets volontiers que ce n’est pas facile à mettre en œuvre.
Permettez-moi de lister rapidement les problèmes rencontrés.
En tant que président d’une association départementale de maires, j’ai eu vent des difficultés auxquelles ceux-ci sont confrontés. J’en ai fait part à Jacques Pélissard, le président de l’Association des maires de France, et j’ai cru comprendre que le Président de la République avait l’intention, avec vous, monsieur le ministre, de les prendre en considération.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Ces difficultés sont réelles !
M. Claude Domeizel. Nous les avions prévues dès le début !
M. Alain Vasselle. Le premier problème qui se pose aux maires, c’est le délai de quarante-huit heures. Ce délai est trop bref, notamment pour les mairies des petites communes rurales qui n’ont pas de permanence quotidienne pour assurer la réception des mails transmis par l’inspection d’académie.
La deuxième difficulté est liée à l’établissement des listes de volontaires. Selon les ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, juridiquement, leur statut ne leur permet pas d’assumer cette fonction de garde. J’aimerais donc qu’on lève cette ambiguïté, parce que c’est un élément qui est mis en avant pour ne pas assurer le service.
Un autre problème se pose également avec les agents territoriaux, qui affirment que cette mission n’est pas de leur compétence et ne correspond pas à leur statut.
La réquisition de ces agents ne peut être que le fait du préfet, non celui du maire. On risque d’être confronté, en outre, à une grève généralisée de ces agents eux-mêmes.
Je pointe ces difficultés pour montrer que, pour un maire d’une petite commune rurale, il n’est pas évident, même s’il y est favorable, de mettre en place ce service minimum.
M. Serge Lagauche. Nous avions prédit ces difficultés !
M. Alain Vasselle. Au-delà du problème de l’encadrement des enfants et de la qualification des intervenants, se pose la question de la responsabilité pénale des maires, qui sera invoquée si des enfants sont confiés à une personne qui n’a pas les compétences requises.
M. Claude Domeizel. Pourquoi, alors, avez-vous voté la loi !
M. Alain Vasselle. Mes chers collègues, laissez-moi terminer, parce que j’ai déjà dépassé de quarante-cinq secondes mon temps de parole ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, pour s’assurer de la neutralité financière du coût du service minimum, pourquoi ne pas suivre la méthode adoptée par Mme la ministre de l’intérieur pour les passeports biométriques. Elle a en effet demandé à M. Jacques Pélissard d’en évaluer le coût de gestion pour les communes ? Nous pourrions en tirer des enseignements.
Monsieur le ministre, voilà les quelques points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Je n’aborde pas la question des RASED, d’autres l’ont évoqué, mais il serait intéressant de mesurer les conséquences du nouveau dispositif pour les enfants en difficulté. Je n’en doute pas, vous saurez apaiser nos inquiétudes sur ce point.
Monsieur le ministre, vous avez beaucoup de mérite à exercer cette fonction. Je vous en félicite ! (Bravo ! et applaudissements amusés sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, n’est- ce pas un tableau bien noir que vous dressez pour l’avenir de l’enseignement scolaire en nous proposant d’adopter ce projet de budget pour 2009 ?
L’enseignement scolaire, qui est au cœur de notre socle républicain, est pourtant un pari sur l’avenir, un investissement qui doit préparer nos enfants à relever les défis de la société de la connaissance et de l’information virtuelle.
L’éducation nationale, son bras armé, est l’un des derniers services publics régaliens de l’État. Elle doit garantir l’égalité d’accès à l’enseignement de tous les enfants sur l’ensemble du territoire et leur assurer un socle commun de connaissances qui leur permette de devenir des citoyens avisés, dotés d’un sens critique suffisamment aiguisé pour ne pas céder aux sirènes de notre société de consommation. Elle doit aussi faire de ces enfants des acteurs à part entière de notre société, capables de s’assumer financièrement quelle que soit leur origine sociale.
Selon l’expression consacrée, trop de réforme tue la réforme.
Après la suppression de la carte scolaire, le vote de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ou encore le service minimum d’accueil, voici la réforme des lycées, de l’enseignement professionnel, de l’IUFM, et donc du recrutement des enseignants ; la refonte de l’école primaire autour de nouveaux programmes et de nouveaux horaires ; la nouveauté concernant l’accueil des jeunes enfants ; et, j’ai gardé le meilleur pour la fin, la sédentarisation de 3 000 enseignants des réseaux d’aide spécialisé aux enfants en difficulté.
Comment comptez-vous réussir ce tour de force, sans y mettre ni la forme ni les moyens ?
Monsieur le ministre, je reviens sur la question du service minimum d’accueil délégué aux communes. Vous remettez en cause, dans un seul élan, à la fois le droit de grève des enseignants et la sécurité des élèves puisque, devant la difficulté de mise en œuvre de cette mesure, aucune garantie n’a été exigée quant au niveau des compétences des personnels d’encadrement qui pallieront l’absence des grévistes. Qui plus est, comme pour l’article 89, vous transférez des charges financières supplémentaires aux collectivités locales. Il en sera de même, je suppose, pour les structures chargées d’accueillir les enfants âgés de deux à trois ans.
Avec cet ensemble de mesures, vous remettez en cause les fondements qualitatifs de notre système éducatif. Quelles en seront les conséquences à long terme ? Que deviendra notre école laïque unique, celle qui doit aplanir les différences, et non les accentuer, liées au milieu familial ou à la richesse de la commune d’habitation ?
Je m’associe à l’inquiétude unanime des professionnels du secteur face à l’absence de concertation et d’évaluation préalables aux réformes.
Prenons l’exemple de la réforme des lycées : elle paraît justifiée par le taux élevé d’échecs ou d’abandons des étudiants inscrits en licence. C’est pourquoi vous proposez une scolarité sous forme de modules disciplinaires.
Ce choix pédagogique me semble pertinent, sous réserve que deux conditions soient remplies : l’éventail des matières proposées aux élèves doit rester très diversifié et ne doit pas être réduit à la seule logique d’entreprise – il faut que vivent les arts, la philosophie et les langues étrangères ; il convient de mettre en place un programme de formation pour les enseignants pour accompagner ce dispositif.
Mais pourquoi réformer si rapidement ? Avez-vous évalué les incidences réelles sur la vie des lycées ? Y aura-t-il plus d’adultes pour entourer et accompagner les jeunes dans leurs choix et les aider à tirer le meilleur parti de cette nouvelle façon d’enseigner ? Ou bien est-ce encore les meilleurs élèves qui tireront profit de la diversité des modules et les moins bons qui seront très vite dépassés et laissés pour compte ?
Concernant l’enseignement professionnel, réduire la durée de préparation du « bac pro » à trois ans peut attirer de vraies vocations si les collégiens ont accès, durant leur scolarité, à un parcours de découverte des métiers et à des formations de qualité. En revanche, il paraît difficile d’inciter des élèves en grande difficulté à suivre le même cursus sans être sûrs d’obtenir, à mi-parcours, un diplôme de type CAP ou BEP.
C’est pourquoi il me paraîtrait utile de développer davantage de passerelles entre la filière générale, la filière professionnelle et les entreprises. Il doit y avoir une souplesse dans l’orientation d’un élève qui envisagerait de changer de voie ou qui ne réussirait pas dans celle qu’il a choisie.
Enfin, pour dissiper l’image péjorative de l’enseignement professionnel, il faudrait développer une campagne d’information interne dès le collège qui serait principalement axée sur les débouchés de ces cursus en matière d’emploi, sans oublier de revaloriser l’image des enseignants de ces lycées.
En ce qui concerne l’enseignement agricole, véritable modèle pédagogique, je rejoins la position exprimée par Mme Férat, rapporteur pour avis, qui a déposé un amendement, au nom de la commission des affaires culturelles, pour que le ministère de l’agriculture et de la pêche vienne en soutien du ministère de l’éducation nationale pour financer les 51 millions d’euros manquants.