M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, prenant la suite de notre collègue Marc Massion, je m’attacherai pour ma part à détailler le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », et les articles 64 et 65 rattachés.
Les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » bénéficient eux aussi de la hausse globale des crédits de la mission, puisqu’ils augmentent de 17 % en autorisations d’engagement et de 10 % en crédits de paiement.
En matière de logement, le présent projet de loi de finances est mitigé. En effet, d’un côté, le montant des autorisations d’engagement connaît une forte augmentation – elle atteint 9,3 % – qui montre qu’il a été pris acte des besoins réels des collectivités territoriales d’outre-mer. Mais, de l’autre côté, l’écart entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement croît de manière inquiétante, passant de 36 millions d’euros en 2008 à 49 millions d’euros en 2009. Comme la commission le notait dans ses précédents rapports, une telle situation risque d’être à l’origine d’impayés et de l’accumulation d’une dette auprès des bailleurs sociaux. Le Gouvernement devra nous éclairer sur ce point particulier.
Par ailleurs, les crédits consacrés au financement des opérations contractualisées entre l’État et les collectivités d’outre-mer augmentent de 13 %. Cette hausse est très satisfaisante, puisque de réels problèmes de sous-budgétisation avaient été relevés les années précédentes.
Enfin, le programme « Conditions de vie outre-mer » tient compte de la mise en œuvre du fonds de continuité territoriale et du passeport mobilité. Ces nouveaux outils, prévus dans le projet de loi LODEOM, doivent permettre de remédier aux dérives de l’ancien dispositif du passeport mobilité, dont le coût a triplé entre 2003 et 2008.
On peut regretter le manque de clarté de ce programme quant à l’évolution des dotations spécifiques propres aux collectivités d’outre-mer. Ainsi, il contient peu d’informations sur des dispositifs importants, telle la dotation globale de développement économique de la Polynésie française, qui regroupe 151 millions d’euros pour 2009. À l’inverse, d’autres dotations, telle la dotation de premier numérotage de Mayotte, qui s’élève à 150 000 euros, sont manifestement insuffisantes pour atteindre leur fin.
J’en viens aux deux articles rattachés à la mission « Outre-mer ».
L’article 64 a pour objet de proroger jusqu’en 2011 deux dotations spécifiques propres à Mayotte.
La première est la dotation exceptionnelle liée à la réforme de l’état civil. D’un montant de 300 000 euros par an, elle doit permettre à Mayotte de mettre en place l’état civil qui lui fait cruellement défaut. Il serait souhaitable que le Gouvernement nous apporte des éclairages sur l’avancement de ces travaux.
La seconde est la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires, qui sera abondée à hauteur de 4,5 millions d’euros en 2009 ; sa prorogation est essentielle pour permettre à Mayotte de rattraper son retard en équipements scolaires.
L’article 65, sur lequel portent un certain nombre d’amendements, vise à réformer le dispositif spécifique d’exonération de cotisations patronales dont bénéficient les entreprises ultramarines.
Actuellement, ce dispositif prévoit une exonération totale des cotisations patronales dues pour l’ensemble des salariés, jusqu’à une limite qui varie entre 1,3 et 1,5 SMIC, selon le degré d’exposition du secteur à la concurrence. L’exonération n’est pas dégressive, ce qui signifie que, même pour les salariés les mieux payés, les entreprises restent exonérées d’une partie de leurs cotisations patronales.
L’article a un double objet. D’une part, il tend à harmoniser les plafonds d’exonération à 1,4 SMIC, afin de donner une plus grande lisibilité au dispositif. D’autre part, il vise à rendre l’exonération dégressive : elle sera totale jusqu’à 1,4 SMIC pour diminuer linéairement et s’annuler à 3,8 SMIC. Cette dégressivité est souhaitable, puisqu’elle concentre les aides sur les bas salaires, à l’image de l’exonération de droit commun pratiquée en métropole.
Par ailleurs, l’article 65 tend à mettre en place une exonération plus importante pour certains secteurs prioritaires.
Enfin, il subordonne le droit à exonération au paiement effectif des cotisations et à l’absence de travail illégal. Cette condition avait été supprimée en 2003 par la loi dite « Girardin » ; il semble souhaitable qu’elle soit de nouveau appliquée.
Au total, la réforme proposée à l’article 65 paraît efficace et équilibrée. En termes financiers, elle rendra possible une économie de 138 millions d’euros en année pleine qui permettra notamment de contribuer au financement des mesures prévues dans le projet de loi LODEOM.
La commission a toutefois déposé un amendement visant à subordonner l’entrée en vigueur de ce dispositif, qui faisait initialement partie du projet de loi LODEOM, à la promulgation de cette future loi.
La commission des finances vous proposera donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification les crédits de la mission « Outre-mer » et l’article 64, ainsi que l’article 65, mais modifié.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur pour avis.
M. Georges Patient, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser notre collègue Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui a dû rentrer en Martinique à la suite d’un décès dans sa famille.
Le projet de budget pour l’outre-mer dont nous débattons aujourd’hui s’inscrit dans un contexte particulier, puisqu’il anticipe un certain nombre de mesures prévues dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que nous devrions examiner au début de l’année prochaine.
Ce projet de budget est, à première vue, en augmentation substantielle puisqu’il croît, à périmètre constant, de 9,2 % en crédits de paiement. Néanmoins, cette progression, dont beaucoup se félicitent, doit être relativisée. En effet, elle servira pour l’essentiel à combler les dettes que l’État a contractées auprès des organismes de sécurité sociale, dans le cadre des compensations d’exonérations de charges patronales. Ces crédits ne financeront en aucun cas des dépenses nouvelles.
Je voudrais évoquer la présentation des crédits de la mission « Outre-mer », qui est encore largement perfectible.
La commission des affaires économiques avait recommandé au Gouvernement l’établissement de deux documents : l’un aurait récapitulé l’ensemble des crédits destinés aux collectivités d’outre-mer provenant de chacun des ministères et des différents fonds d’intervention européens ; l’autre aurait présenté les crédits par collectivité destinataire. Nous n’avons à ce jour obtenu ni l’un ni l’autre, et nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que vous répondrez à cette demande pour les prochains budgets.
Avant d’aborder l’examen des crédits proprement dit, je tiens à souligner que les collectivités d’outre-mer sont une chance pour la France. Au-delà de la diversité culturelle et de la biodiversité d’une très grande richesse qu’elles lui apportent, elles lui offrent une présence sur quatre océans et des possibilités d’échanges, notamment économiques, avec de nombreuses régions du monde. Elles doivent toutefois relever d’importants défis pour promouvoir leur développement.
J’évoquerai tout d’abord les crédits consacrés à l’emploi.
Vous le savez, les économies ultramarines sont confrontées à des fragilités particulières du fait des contraintes d’éloignement, du dynamisme démographique, des pressions migratoires et, surtout, du différentiel de coût du travail avec les pays avoisinants.
Le décalage de développement avec la métropole se mesure d’ailleurs à l’aune du taux de chômage : il est plus de deux fois supérieur à celui de l’Hexagone, et le rapport est même de un à trois lorsque l’on concentre l’analyse sur les seuls DOM, où il s’élève en moyenne à 26 % de la population active.
Face à une telle situation, qui risque de s’aggraver sous l’effet de la crise économique, le dispositif d’exonération de cotisations patronales, mis en place dès 2000 par la loi d’orientation pour l’outre-mer et amélioré, sur certains points, par la loi Girardin de 2003, me semble essentiel en ce qu’il permet de restaurer la compétitivité du travail.
C’est pourquoi la réforme envisagée par l’article 65 du projet de loi de finances ne me paraît pas aller dans le bon sens.
Au-delà de l’alourdissement des charges pour nos entreprises, cette réforme risque de créer une « trappe à bas salaires », en incitant au recrutement de salariés rémunérés à 1,4 SMIC.
Un tel dispositif n’est pas de nature à favoriser les emplois qualifiés outre-mer, pourtant indispensables dans de nombreux secteurs d’activité, notamment à haute valeur ajoutée.
Quant aux dépenses fiscales, elles me paraissent fondamentales pour la compensation de nos handicaps de compétitivité.
Mes chers collègues, le Gouvernement s’est engagé dans une vaste révision des « niches fiscales ». Même si une actualisation peut sembler nécessaire, la réforme de la défiscalisation outre-mer envisagée par l’article 43 du projet de loi de finances touche trop brutalement nos territoires.
En effet, le niveau de plafonnement prévu risque de rendre beaucoup moins attractifs les investissements en outre-mer. La défiscalisation outre-mer n’est pas un avantage indu, c’est un outil indispensable à l’investissement, au développement et à l’emploi dans des territoires structurellement sous-capitalisés.
En ce qui concerne les crédits consacrés au programme « Conditions de vie outre-mer », je constate que la priorité est toujours accordée au logement. Et pour cause ! Dans ce domaine, nous sommes confrontés à des difficultés particulières : insuffisance de l’offre, en particulier dans le secteur du logement social ; habitat insalubre encore trop important et prolifération de l’habitat spontané ; risques sismiques et climatiques ; rareté et cherté du foncier.
Face à cette réalité, les moyens sont cette année encore très insuffisants et je regrette, en particulier, la diminution de 40 % de l’effort en faveur de l’accession à la propriété.
Je constate également que persiste l’épineux problème de la dette de l’État envers les entreprises du bâtiment et des travaux publics qui œuvrent dans le domaine de l’amélioration de l’habitat et de la construction très sociale. Cette année encore, le budget fait apparaître un écart de près de 50 millions d’euros entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement consacrés au logement.
S’agissant des crédits destinés à la coopération régionale, je voudrais souligner, monsieur le secrétaire d’État, que les crédits inscrits paraissent encore modestes au regard des fortes potentialités de développement qui existent dans ce domaine.
J’en viens maintenant à la création du Fonds exceptionnel d’investissement, destiné à soutenir la dynamique de développement des infrastructures et des équipements déterminants pour la croissance de nos territoires. Vous en conviendrez, les financements prévus sont insuffisants, compte tenu des objectifs : 16 millions d’euros en crédits de paiement. Je doute que cette somme soit de nature à garantir un financement à la hauteur des besoins.
En définitive, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les besoins en matière d’emploi et de logement sont encore considérables. L’État ne doit donc pas relâcher son effort en direction des populations ultramarines. Or les réformes programmées en matière de défiscalisation ou d’exonération de charges sociales constituent de réels sujets de préoccupation.
C’est pourquoi, en l’état actuel de ce projet de loi, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques n’a pas émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer », la commission s’étant, au contraire, prononcée en faveur de leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2009 consacre un engagement financier fort de l’État en faveur de l’outre-mer. Il est d’autant plus appréciable qu’il intervient dans un contexte budgétaire particulièrement contraint. Les crédits affectés à cette mission ne représentent cependant qu’une part modeste des 13,2 milliards d’euros qui seront globalement consacrés par l’État à l’outre-mer, sans compter la dépense fiscale, évaluée pour 2009 à 3,3 milliards d’euros, soit une augmentation de 17,4 %.
Cet effort financier intervient au moment où un nouvel élan doit être donné au développement des territoires ultramarins ; malgré la croissance réelle de leurs économies, la situation reste particulièrement fragile et plus encore avec la crise mondiale, aujourd’hui confirmée.
Il faut d’abord renforcer les outils juridiques et budgétaires permettant le rattrapage de l’outre-mer par rapport à la métropole en matière d’emploi.
Il convient également de relancer la politique du logement outre-mer, tant les besoins sont nombreux et insatisfaits, malgré les multiples dispositifs mis en place.
Sur ces deux sujets, j’espère que vous pourrez nous rassurer, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait que les plafonnements des avantages fiscaux prévus par ce projet de loi, qui obéissent à une volonté de moralisation légitime, ne détourneront pas les investisseurs de l’outre-mer.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur la revalorisation du « forfait charges » dans les DOM et l’extension de l’allocation de logement foyer ?
Vous avez déclaré récemment vouloir mettre à disposition des collectivités d’outre-mer pour un euro symbolique des terrains appartenant à l’État pour la construction de logements sociaux. Pouvons-nous en savoir plus à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État ?
Il est enfin nécessaire d’accomplir de nouvelles avancées en termes de santé publique, car si la situation sanitaire en outre-mer est à certains égards très spécifique, d’autres aspects, pourtant dépourvus de particularités par rapport à la métropole, y sont moins bien pris en charge par la collectivité publique.
La commission des affaires sociale a d’ailleurs adopté trois amendements destinés à limiter l’accès au tabac outre-mer ; nous en reparlerons.
Les crédits proposés répondent de façon relativement satisfaisante à ces défis et devraient également permettre le financement d’un certain nombre de mesures figurant dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, que nous examinerons au début de l’année prochaine.
J’observe notamment que sera mieux financée la compensation aux organismes sociaux des exonérations de charges sociales patronales. Au cours de l’année 2009, celles-ci devraient obéir à deux régimes juridiques successifs : d’abord, au dispositif introduit par la loi de programme de 2003 ; ensuite, au dispositif recentré d’exonération de charges prévu par l’article 65 de ce projet de loi de finances, qui devrait entrer en vigueur le 1er avril prochain.
Il faut évoquer aussi l’augmentation des crédits destinés à l’insertion et à la qualification professionnelle, qui financent notamment le service militaire adapté. Je voudrais mettre en exergue l’exemplarité de ce dispositif, qui réussit à qualifier des jeunes sans diplôme et à insérer près de 80 % d’entre eux dans la vie professionnelle. Ce succès doit amener à envisager son extension à un nombre plus élevé de volontaires.
Ce projet de loi de finances prévoit également une augmentation sensible de la dotation de la ligne budgétaire unique. Pourtant, j’observe qu’en matière de logement social la réalisation de l’objectif de la loi DALO, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui prévoit la construction de 37 500 logements sociaux d’ici à la fin de l’année 2009, a été reportée à 2012.
Dans ce contexte, on peut regretter l’écart, de nouveau marqué cette année, entre le montant des autorisations d’engagement et celui des crédits de paiement, soit 49 millions d’euros pour 2009. S’il devait être renouvelé lors des prochaines lois de finances, nous risquons de revenir à la situation comptable dégradée de l’année 2006.
Enfin, je regrette que la fusion des actions « Sanitaire et social » et « Culture, jeunesse et sports » du programme « Conditions de vie outre-mer » se traduise par une baisse de 2,2 millions d’euros des mesures sanitaires et sociales et, en particulier, du financement d’actions de santé dans les collectivités d’outre-mer, tant ce domaine revêt pour elles un aspect essentiel.
Comme vous l’avez constaté, mes chers collègues, la particularité de la mission « Outre-mer » est cette année qu’elle s’accompagne d’un article rattaché – l’article 65 – qui modifie le régime d’exonérations de charges sociales patronales s’appliquant dans les quatre départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon depuis 2003.
Cet article constitue la reprise de dispositifs figurant dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que le Gouvernement a souhaité insérer dans ce projet de loi de finances.
L’objectif est de concentrer le dispositif actuel d’exonérations sur les salaires pour lesquels l’impact sera le plus fort. Cette réforme va incontestablement dans le sens d’une meilleure efficacité de la dépense publique. Pour autant, la commission des affaires sociales a adopté deux amendements destinés à renforcer son effet positif sur l’emploi.
Si la qualité de ce budget doit donc être saluée, les mesures proposées m’inspirent trois interrogations.
La première porte sur la réforme du dispositif de mobilité, notamment celle de son opérateur, l’Agence nationale pour la promotion et l’insertion des travailleurs d’outre-mer.
La deuxième a trait à la revalorisation des paramètres du financement du logement social outre-mer, cette question étant indissociable du montant inscrit sur la ligne budgétaire unique.
La troisième, enfin, concerne la formation des personnels médicaux outre-mer, car la Réunion est sous-médicalisée. Avec un étudiant formé pour 24 800 habitants, contre un pour 8700 en métropole, elle accuse encore le niveau le plus faible des régions françaises.
Sans doute certains de ces points seront-ils l’objet de dispositions de la future loi pour le développement économique de l’outre-mer ou de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » en ce qui concerne la formation des médecins, mais ils sont également étroitement liés aux choix budgétaires faits dans le cadre du présent projet de loi de finances. C’est pourquoi je souhaiterais connaître les orientations du Gouvernement à court terme et à moyen terme.
Ces questions ne font pas obstacle, mes chers collègues, à l’avis favorable de la commission des affaires sociales sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009, ainsi que sur l’article 65 rattaché, sous réserve de l’adoption des amendements que je vous présenterai dans la suite de la discussion. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le développement de l’outre-mer est non seulement un devoir de solidarité vis-à-vis de nos compatriotes ultramarins, mais également un investissement utile à la France tout entière.
M. Jean-Paul Virapoullé. Bravo !
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. N’oublions pas, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État devant la commission des lois, qu’environ 95 % de la surface maritime de notre pays proviennent des zones économiques générées par l’outre-mer, ce qui nous place au deuxième rang mondial des puissances maritimes et nous permet d’être présents dans les instances internationales couvrant notamment les trois principaux océans : l’océan Atlantique, l’océan Indien et le Pacifique, sans compter l’océan Antarctique et d’autres mers du globe.
L’effort de l’État qui, en dépit d’une conjoncture difficile, fait plus que se maintenir avec une augmentation de 3,4 %, est donc pleinement justifié et doit être salué. Les crédits globaux, tous ministères confondus, sont ainsi loin d’être négligeables, atteignant environ 16,5 milliards d’euros.
Toutefois, la mission « Outre-mer » proprement dite, que nous examinons aujourd’hui, se limite à une petite partie de l’ensemble des mesures prévues pour l’outre-mer, à savoir un peu plus de 14 % de la totalité.
De plus, comme les années précédentes, on doit constater, comme si cela devait être systématique, une modification du périmètre de cette mission par rapport à l’exercice précédent, ce qui rend les analyses et les comparaisons plus difficiles. Il serait temps d’arrêter une bonne fois pour toutes le cadre de cette mission budgétaire, soit en la recentrant clairement et définitivement sur la seule coordination des politiques ultramarines, soit en changeant de cap et en se tournant, ainsi que le permet la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, vers une mission interministérielle.
Certes, les documents de politique transversale sont de mieux en mieux faits, je le reconnais, et donc de plus en plus explicites, mais, au pays de Descartes, un minimum de logique et de cohérence s’impose, d’autant plus que de nouvelles modifications du périmètre de cette mission sont annoncées pour l’avenir.
Comme je l’ai dit précédemment, l’effort de l’État pour l’outre-mer continue et s’amplifie. On peut s’en féliciter. Encore faut-il veiller à ce qu’il soit efficace, c’est-à-dire « rentable », en suscitant un développement réel et concret des économies ultramarines et du niveau social des territoires concernés.
En d’autres termes, il est essentiel de mesurer régulièrement les effets directs et indirects de chacun des instruments retenus, qu’ils le soient sous forme de subvention, de défiscalisation ou d’exonération de charges sociales.
Cet effort doit également se fonder sur une sincérité des marchés et des coûts de distribution, faute de quoi il perdrait en efficacité pour une charge financière plus élevée, génératrice, de surcroît, d’effets d’aubaine. Aussi, nous ne pouvons qu’approuver vos déclarations devant la commission des lois, monsieur le secrétaire d’État, selon lesquelles les maîtres mots de votre action dans ce domaine sont et seront : « transparence et concurrence ».
Nous savons tous qu’un grand nombre de prix outre-mer sont anormalement élevés et ne se justifient ni par le surcoût du transport dû à l’éloignement et à l’insularité, ni par l’étroitesse du marché. Il est donc essentiel de favoriser la vérité des prix pour répondre à l’attente des populations ultramarines et favoriser le développement économique et social de ces territoires.
Il en est de même pour la continuité territoriale : l’engagement important de l’État ne trouvera sa pleine signification qu’avec des tarifs compétitifs et un nombre de sièges passagers suffisant.
En effet, la transparence et la concurrence dans une approche équilibrée seront de nature à grandement améliorer la situation et nous appuyons la démarche du secrétariat d’État à l’outre-mer et donc du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
La commission des lois, comme à son habitude, mes chers collègues, a procédé, lors de l’examen de ce budget, à un tour d’horizon des différents territoires d’outre-mer pour faire le point sur leurs éventuels problèmes. Je vais rapidement résumer ses réactions.
La commission des lois regrette que l’immigration clandestine, malgré des mesures importantes, reste aussi préoccupante, notamment en Guyane, où elle aggrave l’insécurité, ou en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Mayotte.
Elle regrette également la dégradation persistante de la situation carcérale, avec des taux de surpopulation que l’on ose à peine indiquer : par exemple, 251 % à Saint-Denis de la Réunion, ou 285 % à la prison Nuutania, à Tahiti. La visite de ces établissements, que votre rapporteur pour avis a pu faire pour certains d’entre eux, est une épreuve encore plus significative, mais qui permet de comprendre que seuls le dévouement et le pragmatisme du personnel de l’administration pénitentiaire sont à même d’éviter le pire, et encore doivent-ils agir dans des conditions extrêmement difficiles.
Quant aux nouvelles constructions, elles sont souvent absorbées et dépassées, en Martinique notamment, par l’augmentation du nombre de détenus.
La commission des lois ne cache pas non plus ses préoccupations quant aux conditions qui sont celles de la justice dans les différents territoires, avec parfois un manque crucial de moyens.
La jeunesse mérite toute notre attention, et l’outil « enseignement », qui est fondamental, prend une dimension plus importante encore outre-mer. L’État en est conscient et ne ménage pas, je tiens à le souligner, son engagement en la matière, mais la démographie galopante, éventuellement liée à une immigration massive, a parfois raison des efforts entrepris en matière d’équipement et de fonctionnement.
Tel est le cas, par exemple, à Mayotte – une collectivité qui attend la suite du processus de départementalisation –, où le nombre élevé d’enfants scolarisés est sans commune mesure avec la population de la collectivité. Votre commission souhaite donc que les financements soient adaptés aux réalités du terrain.
La question du désenclavement de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est liée à un développement important de la coopération avec le Canada, ainsi que le préconise dans son excellent rapport notre collègue Denis Detcheverry, mérite toute notre attention. Il serait temps que des mesures concrètes d’envergure voient enfin le jour.
Les deux nouvelles collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy prennent leur essor, et votre commission se félicite de constater que leurs statuts sont désormais quasiment applicables en totalité. Elle se réjouit également de la poursuite des transferts de compétences en Nouvelle-Calédonie, et ce dans le respect non seulement des accords de Nouméa, mais également des positions exprimées par l’ensemble des membres du comité des signataires. Sur des sujets aussi sensibles, seul un consensus entre toutes les parties est gage de succès.
La question des compétences et des moyens des communes de Polynésie est toujours ouverte et mérite de faire l’objet d’avancées prochaines pour que la réforme statutaire de ce territoire prenne tout son sens.
Pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, votre commission se réjouit de l’inauguration récente par M. le secrétaire d’État de la piste aérienne de Futuna, qu’elle réclamait sans relâche depuis de nombreuses années afin de désenclaver cette île qui est la plus éloignée de la métropole.
Elle s’inquiète, cependant, de la baisse démographique qui touche l’ensemble de cette collectivité, la population étant passée de 15 000 habitants à 13 500 habitants en cinq ans. Il convient de noter que le nombre de Wallisiens est bien plus important en Nouvelle-Calédonie qu’à Wallis-et-Futuna !
Alors que s’achèvera, en mars 2009, l’année polaire internationale, je me réjouis de l’entrée de l’île de Clipperton dans la Constitution aux côtés des Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF.
Tous les territoires de la République sont désormais consacrés par notre loi fondamentale.
Sous ces réserves et au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à approuver les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)