M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2002, première fois que j’intervenais dans ce débat sur le budget de la sécurité, mon discours a été très souvent à peu près le même, actualisé par les drames et les affirmations osées ou extrapolations de l’année. Cela finissait même par en être un peu lassant !
Mais, après réflexion et analyse, je me suis aperçu que la politique du Président de la République, la vôtre, madame la ministre de l’intérieur, avait changé. M. Sarkozy Président de la République a oublié M. Sarkozy, ministre de l’intérieur.
Tout d’abord, les projets de loi sont continuellement annoncés, puis retardés.
Par exemple, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est annoncé depuis un an, mais sans cesse repoussé.
Compte tenu de la programmation triennale, le Parlement se retrouve dans la situation baroque de discuter de la première année d’exécution budgétaire d’une loi qui n’a même pas été adoptée en conseil des ministres.
M. Jean-Louis Carrère. C’est la nouvelle orthodoxie !
M. Charles Gautier. Quant à l’examen du projet de loi relatif à la gendarmerie, qui prévoit de placer la gendarmerie nationale sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, il a été examiné en commission, puis reporté. Mais cela a été remarquablement dit par notre collègue tout à l’heure.
Comment pouvons-nous discuter d’un budget qui prend déjà en compte des modifications législatives non encore votées par le Parlement ?
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. C’est l’anticipation !
M. Charles Gautier. Ensuite, madame la ministre, les policiers sont les grands perdants de votre politique. Leurs syndicats nous ont saisis pour exprimer leur mécontentement face aux difficultés qu’ils rencontrent et déplorer la dégradation grandissante de leurs conditions de travail. Je les cite : « Jugez plutôt : 10 000 policiers sont blessés en service chaque année, soit 10 % de l’effectif total au sol. Aucune profession ne peut afficher de tels chiffres, démonstratifs de la violence au quotidien subie par les forces de l’ordre lors de l’exercice de leur mission. »
À cet égard, je me joins aux propos qui ont été tenus tout à l’heure par Jean-Patrick Courtois, pour remercier l'ensemble des agents et les féliciter de leur travail.
Sachez, madame la ministre, que la suppression d’une partie de leurs RTT, sur la base d’un accord avec un seul syndicat, dont la représentativité est contestée, est très mal perçue sur le terrain. Le Gouvernement se doit donc de rouvrir les négociations avec l'ensemble des organisations syndicales.
Bien sûr, toutes ces décisions se traduiront forcément par une baisse de l’efficacité opérationnelle et se répercuteront sur la sécurité des policiers. Et que dire de la fermeture annoncée des écoles de formation ?
Quant au retour de la police de proximité, nous vous le demandons depuis 2003. Vous remettez celle-ci en place sous le nom d’unités territoriales de quartier, certes, mais de manière bien trop limitée. Il n’en existe aujourd’hui que huit, réparties dans trois départements, ce qui est largement insuffisant !
Enfin, la baisse annoncée des effectifs annule, pour une bonne part, les prétendues créations de postes annoncées dans le cadre de la LOPSI 1 de 2002. Les syndicats de policiers contestent d’ailleurs vos chiffres et, démonstration à l’appui, ils affirment que la réduction des effectifs est bien plus importante que celle que vous annoncez.
La politique mise en place entre 2002 et 2004 affichait l’ambition de porter de 105 000 à 108 000 le nombre de policiers en 2012. À l’époque, souvenez-vous, nous nous étions montrés sceptiques. Aujourd’hui, vous revenez totalement sur cet objectif, puisque, selon le calcul effectué par les syndicats, les effectifs passeront en fait, à cette date, de 105 000 à 100 300.
Les policiers ne tolèrent plus de telles réductions d’effectifs. Ils ont d’ailleurs manifesté partout en France à ce sujet, conscients que ces mesures auront des conséquences sur la sécurité et, donc, sur le service rendu au citoyen.
Quelle solution leur apportez-vous ? Qu’ils travaillent plus pour en pâtir plus !
Plus grave encore, madame la ministre, les budgets sont réduits.
Vous annoncez une augmentation de 2,2 % du budget de la mission « Sécurité », mais, pour la première fois depuis longtemps, les autorisations d’engagement resteront quasiment stables.
Si nous prenons en compte l’« arrivée » de la gendarmerie sous votre responsabilité, la baisse des effectifs de la police, les menaces terroristes sérieuses que vous nous citiez en commission, au bout du compte, nous avons toutes les raisons d’être très inquiets !
La vérité, c’est que la sécurité n’est plus du tout une priorité pour le Gouvernement. En matière de prévention, rien, non plus, n’a été entrepris. Le document de politique transversale Prévention de la délinquance ne permet pas de retracer une réelle volonté politique. Tout se reporte sur les collectivités locales.
En réalité, madame la ministre, vous êtes obligée de faire mieux avec moins, et l’on comprend que ce soit difficile ! Vous annoncez une baisse de 13 % de la délinquance générale, en vous fondant sur les données de l’état 4001, c’est-à-dire celles qui sont issues des enregistrements des services de police et de gendarmerie.
Les enquêtes de victimation établies par l’INSEE donnent des résultats plus complets et relativisent les données classiques. C’est ainsi que l’on apprend que, selon les estimations, le nombre d’atteintes subies en 2007 était de 4,615 millions quand le nombre d’atteintes suivies d’une plainte n’était plus que de 1,644 million. Autrement dit, les deux tiers des victimes ne déposent pas plainte auprès de vos services !
On y apprend aussi qu’un peu plus de 800 000 personnes âgées de 14 ans et plus ont déclaré avoir subi au moins un acte de violence physique en 2007, contre 736 000 en 2006, soit une augmentation de 9 %. Nous sommes loin des chiffres annoncés !
Mais foin de l’éternelle polémique sur les chiffres, et admettons – beau paradoxe ! – que la délinquance baisse en même temps que les moyens !
La réalité, je le répète, c’est que les communes se débrouillent toutes seules. Elles pallient le désengagement constant de l’État en matière de sécurité et de prévention. C’est tout à fait flagrant au regard du nombre croissant des communes qui se sont dotées d’une police municipale : on en comptabilise 4 040 aujourd'hui, contre 3 300 en 2005, soit 740 communes de plus en l’espace de trois ans ! Les collectivités ont recruté plus de 10 000 policiers municipaux. De votre côté, vous nous annoncez, pour 2009, une baisse de 7 000 policiers et gendarmes.
En termes de prévention, le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, le FIPD, n’est plus affecté qu’aux opérations visant à mettre en place la vidéosurveillance. Les autres actions sont toutes abandonnées, on fait fi du travail en profondeur sur le terrain.
Or, si l’efficacité de la vidéosurveillance est prouvée pour les investigations des délits filmés, elle est beaucoup moins évidente pour ce qui est de la prévention de la délinquance, laquelle est au cœur de l’action municipale. La preuve est faite que, dans ce domaine également, vous utilisez les collectivités pour pallier vos insuffisances en matière de moyens.
À la lumière de toutes ces données, nous pouvons surtout féliciter les communes de leurs actions concernant la sécurité et la prévention de la délinquance.
En définitive, j’y insiste, les économies du ministère de l’intérieur se font au détriment des territoires.
Le groupe socialiste est donc inquiet pour l’avenir. Il ne votera pas votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, à l’occasion de l’examen de votre budget, je voudrais, à mon tour, faire une observation préalable sur la méthode employée. Vous demandez aux parlementaires de se prononcer sur vos crédits pour 2009, lesquels correspondent en fait à la première année d’exécution d’une loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure qu’ils n’ont même pas examinée !
Il y a donc de quoi s’interroger, surtout au moment où l’on nous ressasse que les droits du Parlement ont été renforcés grâce à la réforme constitutionnelle. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale appelle d’ailleurs les mêmes remarques. Alors que celui-ci n’a toujours pas été examiné par le Parlement, on nous demande tout de même de voter les crédits relatifs à l’organisation du rattachement organique et fonctionnel de la gendarmerie nationale à votre ministère.
Les gendarmes, auxquels je tiens à rendre hommage, sont eux-mêmes inquiets de cette réforme, dont le report de l’entrée en vigueur risque d’ailleurs de gêner, pendant plusieurs mois, la gestion quotidienne des gendarmeries.
Pour ma part, je m’interroge sur les raisons profondes d’un tel rattachement, car je ne vois rien qui le justifie, si ce n’est, bien évidemment, la volonté de réduire la dépense publique.
La présente mission « Sécurité » est, une fois de plus, la traduction budgétaire, pour l’année 2009, de la politique très sécuritaire que vous menez depuis 2002, avec des moyens en nette diminution. Elle illustre aussi, me semble-t-il, les choix imposés par la RGPP.
C’est ainsi que, d’ici à 2011, il est prévu de supprimer 7 000 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, soit 4 000 policiers et 3 000 gendarmes.
C’est à se demander si la LOPPSI 2, dont la lecture du rapport pour avis de M. Courtois nous apprend qu’elle s’exécutera à moyens constants, voire en baisse, ne va pas défaire le peu qu’avait fait la version initiale.
Quel peut-être, dans ces conditions, l’avenir des brigades de gendarmerie ?
En outre, les effectifs des forces mobiles vont, eux aussi, diminuer.
Madame la ministre, dans la perspective de pallier toutes ces baisses d’effectifs chez les forces de l’ordre, prévoyez-vous de généraliser ce qu’il faut bien appeler – même si le terme n’est pas heureux – la « dénonciation anonyme » ? Nous en avons déjà un exemple concret dans le département de l’Isère, puisque l’on trouve sur le site internet de la préfecture une rubrique intitulée « Comment aider les forces de l’ordre ? »
Pour compenser ces baisses d’effectifs, vous prévoyez des réorganisations, en fait des redéploiements, sur le principe des vases communicants, qui ne pourront pourtant pas tout régler.
D’un côté, vous avez supprimé la police de proximité, les ADS – les adjoints de sécurité – et un certain nombre de postes de gardiens de la paix ; de l’autre, vous créez les UTeQ et les compagnies de sécurisation, qui plus est sur les mêmes territoires : comment tout cela va-t-il s’articuler ? Quelle visibilité pour la population ?
Au-delà des seules données budgétaires, j’ai la faiblesse de penser qu’on ne peut pas évoquer le thème de l’insécurité sans aborder la situation économique.
À cet égard, l’ensemble du projet de loi de finances pour 2009, en ne profitant qu’à une seule frange de la population, celle qui, paradoxalement, en a le moins besoin, tout en ignorant la plus grande partie des Français, est lui-même source d’insécurité. Parmi les nombreux exemples, je citerai le désengagement de l’État en faveur de la rénovation urbaine, la suppression des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, le projet de suppression de l’école maternelle, votre politique du logement, la suppression de très nombreux postes dans la fonction publique, celle des services publics de proximité et du lien social qui y est attaché.
Croyez-vous que c’est avec ce genre de décision que vous allez améliorer la vie de nos concitoyens et leur permettre de vivre en toute sécurité et sérénité ?
Depuis les annonces faites en 2005 à la suite des émeutes, que s’est-il passé ? Rien ! Rien n’a en effet changé dans les quartiers dits « sensibles », à tel point que l’on peut se demander où est passé le plan Banlieue, pourtant si peu ambitieux !
La situation des populations écartées des centres urbains n’a guère évolué, que ce soit en matière de sécurité, d’éducation ou de transports. La précarité, le chômage, la misère, la crise du logement, la violence, le développement de l’économie parallèle qui gangrène des quartiers entiers : tout est là !
La question fondamentale est, bien sûr, celle des moyens et de l’utilisation de l’argent public.
On nous parle de restriction budgétaire, d’économie, de maîtrise des dépenses publiques, comme si la France, qui vient de débloquer des milliards d’euros en faveur des banques et du monde de la finance, était un pays pauvre.
Le problème, ce n’est pas que l’argent manque, c’est qu’il est très mal utilisé : les cadeaux fiscaux faits aux personnes les plus fortunées de France représentent autant de recettes en moins pour l’État. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Il est grand temps d’utiliser les deniers publics de façon plus efficiente et plus équitable, afin qu’ils profitent à l’ensemble de la population, ce qui est loin, je le répète, d’être le cas.
Plutôt que d’investir dans des domaines qui coûtent très cher, mais dont l’efficacité reste à prouver, comme la vidéosurveillance, la biométrie, les fichiers, les scanners corporels, les Taser, mieux vaudrait investir dans l’éducation, l’emploi, la formation, l’habitat social, les services publics, l’accompagnement social, le financement des associations ou, encore, le déploiement d’une police de proximité, par le biais des UTeQ.
Bien sûr, il s’agit d’une politique de longue haleine, beaucoup moins spectaculaire et moins médiatique que les descentes de police filmées au petit matin dans les campagnes françaises.
La situation nécessite ainsi de mobiliser tous les secteurs de l’État, lequel doit jouer un rôle régulateur. Il est indispensable de débloquer des moyens considérables pour engager des actions dans la continuité. C’est non pas de moins d’État que nous avons besoin, mais bien au contraire de plus d’État !
Madame la ministre, tant que votre politique restera dénuée de toute réflexion de fond quant aux causes de la délinquance, à son indispensable traitement social et à sa nécessaire prévention, elle demeurera inefficace.
On le sait, la délinquance urbaine, juvénile, prend racine dans les difficultés sociales et économiques des Français. Quand l’écart se creuse, quand on constate, d’un côté, la dégradation des conditions de vie d’une partie de la population, et, de l’autre, l’explosion des richesses, la délinquance a tendance à augmenter.
Dire cela ne signifie ni excuser ni faire preuve de laxisme : il s’agit simplement de réfléchir, d’expliquer, de comprendre, pour mieux répondre à une situation donnée.
En effet, la réponse ne peut pas résider seulement dans l’allongement des peines d’emprisonnement, dans l’abaissement de l’âge pénal à douze ans, dans la construction de prisons et d’établissements supplémentaires pour mineurs, ces lieux d’enfermement dont on voit malheureusement, jour après jour, avec la multiplication des suicides, les effets détestables. Il s’agit là d’un raisonnement simpliste – pour ne pas dire populiste ! –, assurément réducteur et inévitablement dangereux, que nous ne pouvons suivre.
Or vos orientations budgétaires continuent de privilégier, d’une part, la culture du chiffre, du résultat, et, d’autre part, la répression et l’enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance. Alors que les prisons n’ont jamais été aussi surpeuplées, le Gouvernement se targue tout de même d’être à l’origine de la baisse de la délinquance générale pour la sixième année consécutive.
Surveiller, punir et enfermer, tel est votre credo. À cette conception sécuritaire, il convient d’opposer la mise en œuvre du triptyque « prévention-dissuasion-répression ».
La lutte contre le terrorisme et la délinquance vous permet d’imposer votre projet de société : celui d’une surveillance et d’un contrôle généralisés de la population. Depuis le 11 septembre 2001, de très nombreuses mesures législatives ont effectivement été adoptées, toutes plus liberticides les unes que les autres. La dernière tentative en date a été la mise en place du fameux fichier EDVIGE, supprimé grâce à la très forte mobilisation de la société civile.
Avant de conclure, je tiens à dire ma totale opposition à l’usage par les forces de l’ordre des pistolets à impulsion électrique Taser X26, dont l’utilisation a récemment été étendue aux 17 000 policiers municipaux, alors même que le Comité contre la torture de l’ONU estime que la douleur aiguë provoquée par ces armes constitue une « forme de torture ».
À la lumière de ces observations, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC-SPG ne votent pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.
M. Raymond Couderc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté aujourd’hui répond aux impératifs de sécurité publique de notre pays, et permet de juguler considérablement et durablement l’insécurité. En cela, ce budget est la concrétisation des engagements de campagne du Président de la République, engagements répondant à une attente forte des Français qui demandaient alors au candidat, devenu Président, de prolonger et d’amplifier sa lutte contre toutes les délinquances et toutes les insécurités.
Il est cependant indispensable de prendre en considération la répartition géographique des moyens, en fonction de l’effet constaté et de l’ensemble des projets de l’État dans les territoires.
Madame la ministre, permettez-moi, en tant que représentant des collectivités territoriales de mon département, l’Hérault, de porter à votre connaissance un certain nombre d’éléments de terrain observés, en particulier, dans la ville dont je préside les destinées, à la veille de l’ouverture d’une nouvelle prison de 820 places.
La police nationale de la circonscription de Béziers compte dans ses effectifs un peu moins de 200 agents, dont 175 agents actifs ou opérationnels. On peut regretter que l’ouverture de la prison n’ait pas été réellement anticipée. Certes, un renfort d’une trentaine de fonctionnaires est annoncé. Toutefois, ceux-ci seront mobilisés en grande partie pour d’autres tâches rattachées, comme les transferts, les présentations, ou encore les missions de police secours, dont les demandes sont d’ailleurs en augmentation constante.
Dans cette même circonscription de sécurité publique, on note malheureusement une augmentation de la délinquance de l’ordre de 5,5 % entre les dix premiers mois de 2007 et ceux de 2008.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas comme en France !
M. Raymond Couderc. Cette situation s’accompagne en particulier d’une forte augmentation du trafic de stupéfiants de près de 33 %. On ne peut donc que s’inquiéter de l’annonce d’une baisse, au niveau national, du budget de fonctionnement.
De même, la question des locaux du commissariat n’a pas été anticipée. Ces locaux sont d’ores et déjà sous-dimensionnés et le bâtiment, si l’on en croit le rapport de la dernière inspection, est en très mauvais état général. Les geôles étant trop peu nombreuses et occupées en permanence, on ne peut y faire de travaux. L’armurerie doit être sécurisée. Les vestiaires sont à la limite de l’insalubrité. Enfin, le stationnement des véhicules relève de l’exploit.
M. Jean-Louis Carrère. C’est où ? À Béziers ?
M. Raymond Couderc. En résumé, les locaux sont totalement inadaptés à l’activité contemporaine de ce commissariat. On ne sait donc pas vraiment où pourront être logés les renforts qui doivent arriver à l’occasion de l’ouverture du centre pénitentiaire.
En conclusion, je vous demanderai donc, madame la ministre, au-delà de ce budget, que je vais naturellement voter, de faire en sorte que les situations locales ne soient plus examinées selon une approche purement technocratique ou statistique et qu’une coordination soit mise en place avec le ministère de la justice, afin d’harmoniser les actions de l’État dans le domaine de la sécurité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. M. Trucy a raison d’applaudir !
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez avant toute chose de souligner, à l’instar de nombreux orateurs, le caractère quelque peu surprenant, voire paradoxal, de cette discussion budgétaire. En effet, nous examinons actuellement les crédits du programme « Gendarmerie nationale », alors que nous n’avons encore discuté ni du projet de loi qui prévoit le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur au 1er janvier 2009, ni de la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI.
II y a là un problème de fond : le Gouvernement donne ces réformes pour acquises, alors que le Parlement n’a pas encore été invité à se prononcer.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Philippe Madrelle. En tant que membre du groupe de travail constitué, il y a tout juste un an, au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je tiens à rendre un hommage sincère au travail effectué par le président de ce groupe, notre collègue et ami Jean Faure. Son rapport, adopté à l’unanimité par la commission, formule dix-sept recommandations résultant d’échanges et de travaux importants.
Pour en revenir à des considérations d’ordre plus strictement budgétaire, nous déplorons la diminution de près de 2 % – exactement 1,8 % – des autorisations d’engagement, qui régressent pour la deuxième année consécutive. En 2009, la gendarmerie devrait perdre 1 625 emplois et passer ainsi sous la barre des 100 000 agents.
Le rapprochement entre gendarmerie et police suscite bien des interrogations parmi les gendarmes. Êtes-vous en mesure, madame la ministre, de nous apporter les précisions relatives à cette nouvelle organisation ? Il s’agit de redéfinir la place de la gendarmerie à l’égard tant des armées que de la police. Il paraît logique que les gendarmes attendent beaucoup des perspectives de mutualisation, qui devraient notamment favoriser une organisation cohérente et efficace des matériels et des formations.
Nous savons que ces deux forces tiennent à rester fondamentalement distinctes et à garder chacune leur identité propre. C’est la spécificité de la gendarmerie, c’est-à-dire son caractère militaire, qui fait son efficacité opérationnelle. Ces personnels attendent donc une parité globale de traitement et de carrière, ainsi que l’octroi d’une grille spécifique. Je veux d’ailleurs profiter de ce débat budgétaire pour rendre hommage aux efforts et au dévouement de cette arme.
A l’occasion du débat à l’Assemblée nationale, vous avez affirmé, madame la ministre, votre volonté de « moderniser la gendarmerie. » Moderniser veut-il dire « regrouper » ? Ainsi a été annoncée la fermeture de quatre écoles de gendarmerie, parmi lesquelles figure celle de Libourne, en Gironde, qui va perdre dès l’été prochain les retombées économiques de la présence de 130 cadres permanents et de 480 stagiaires répartis en quatre compagnies d’élèves sous-officiers. Il s’agit là d’un coup très dur pour le territoire libournais, déjà fragilisé.
Je sais que la mairie de Libourne a demandé à l’État de s’impliquer dans la reconversion de ce site en privilégiant l’installation du commissariat de police et de la brigade territoriale de gendarmerie. Êtes-vous en mesure, madame la ministre, de nous apporter des précisions sur cette nécessaire et urgente reconversion du site ? Je sais qu’à titre personnel vous n’étiez pas favorable à cette fermeture.
Lors de votre audition devant la commission, vous avez déclaré : « L’accent sera mis sur un recours accru aux nouvelles technologies avec des moyens de financement accrus pour le renforcement de la protection des gendarmes ». Ne pensez-vous pas que ces moyens peuvent paraître quelque peu ambitieux lorsque, dans trop de brigades, comme j’en ai été témoin, les agents doivent rivaliser d’imagination pour faire face à l’absence de photocopieurs, d’ordinateurs, etc ?
Ce manque de moyens matériels s’avère catastrophique pour le fonctionnement des brigades et contribue à accentuer l’inquiétude et le désarroi d’un grand nombre de gendarmes, qui déplorent le fait d’être privés de contact avec la population. Contraints de consacrer beaucoup de temps à l’élaboration de statistiques, les gendarmes ne peuvent assurer dans des conditions optimales le suivi procédural des enquêtes.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, nous sommes particulièrement attachés à la présence des gendarmes, notamment en zone rurale. Le manque de moyens, la diminution des effectifs, la fermeture des brigades sont loin de favoriser l’ancrage territorial de la gendarmerie, condition indispensable à l’efficacité de ses missions.
C’est précisément pour toutes ces raisons, madame la ministre, que le groupe socialiste du Sénat ne votera pas votre budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’associe à l’hommage rendu par les précédents orateurs au dévouement et au courage de l’ensemble des gendarmes et des policiers, qui assurent au quotidien, au péril de leur vie, la sécurité des personnes et des biens.
Les chiffres cités par Jean-Patrick Courtois concernant les gendarmes et les policiers décédés en mission doivent nous interpeller. Dans le seul département des Ardennes, que je représente, en 2007 et 2008, deux motards de la gendarmerie sont décédés en service à cause de l’irresponsabilité et de l’inconscience de certains. Votre présence dans notre département et votre soutien, madame la ministre, ont été unanimement appréciés.
Vous l’avez souligné, madame la ministre : « La sécurité, ce sont d’abord des hommes et des femmes. Aucun matériel, aucune technologie ne saurait remplacer la compétence, le dévouement, le courage de celles et ceux qui servent la police, la gendarmerie, les services d’incendie et de secours ».
Dans son ensemble, la mission « Sécurité » progressera en 2009 de 2,2 %, pour atteindre 16,226 milliards d’euros de crédits de paiement.
Élu d’un département rural, les Ardennes, qui compte moins de 300 000 habitants, j’axerai plus particulièrement mon intervention sur le programme « Gendarmerie nationale », dont le montant global atteint 7,6 milliards d’euros en crédits de paiement et qui représente 99 509 emplois équivalents temps plein travaillé.
Dans nos départements ruraux, nous restons très attentifs à l’évolution du statut de la gendarmerie nationale, qui souhaite conserver son identité et son statut militaire à part entière.
Des inquiétudes subsistent pour l’avenir des petites brigades regroupées au sein de communautés de brigades. Le maintien des brigades de proximité doit rester une priorité dans le monde rural, où l’habitat est très dispersé.
Les gendarmes sont des interlocuteurs indispensables pour soutenir l’action des maires, qui se sentent souvent bien seuls et sans moyens pour faire face à des actes d’incivilité de plus en plus nombreux et pour faire appliquer leurs pouvoirs de police. L’aspect humain doit être privilégié, c’est incontestable.
Parallèlement, des demandes légitimes portant sur leurs moyens de fonctionnement sont régulièrement formulées par les gendarmes.
Premièrement, la rénovation et l’entretien des casernements doivent demeurer des priorités, et ce malgré la taille, très vaste, du parc immobilier.
Deuxièmement, des crédits destinés à la maintenance et à l’entretien des véhicules et des matériels sont indispensables.
Troisièmement, la maintenance du parc informatique doit être soutenue régulièrement. Il en va de même s’agissant de l’adaptation de l’habillement à l’implantation géographique des brigades.
Par ailleurs, des tâches administratives parfois superflues retardent souvent l’efficacité des services de gendarmerie, qui souhaiteraient être beaucoup plus présents sur le terrain. Des dispositions pourraient être envisagées pour remédier à cette situation. Nous savons, madame la ministre, que nous pouvons compter sur votre écoute et votre détermination.
Au vu de l’ensemble de ces remarques, je m’associerai à la reconnaissance du combat permanent mené au quotidien par les gendarmes et les policiers pour lutter contre la délinquance et l’insécurité en général.
La sécurité routière reste une priorité forte du Gouvernement. Cette action, nous l’approuvons, bien évidemment.
Compte tenu de l’ensemble des dispositions prévues à ce titre, madame la ministre, je voterai naturellement les crédits de la mission « Sécurité » avec l’ensemble de mon groupe. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)