M. François Marc. L’amendement n° II-70 a pour objet, dans le droit fil de mes propos sur l’article, de mettre en place un dispositif favorisant la prise en compte, dans les meilleures conditions possible, de la périphéricité comme paramètre déterminant de la modulation de la taxe.
En outre, cet amendement vise à prendre également en considération, à ce titre, la faiblesse de l’offre de transport alternative à la route, point qui me paraît essentiel.
Nous avons évoqué tout à l’heure la question du transit : la Bretagne n’est pas un territoire de transit pour le transport terrestre. De ce fait, elle est exclue des schémas européen et français du fret ferroviaire ou fluvial.
Par ailleurs, il apparaît clairement, dans le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, que le cabotage maritime ne bénéficie d’aucune politique publique de soutien qui soit quelque peu substantielle : en effet, ce texte prévoit, en tout et pour tout, 80 millions d’euros pour les liaisons atlantiques et méditerranéennes.
La Bretagne est aujourd'hui encore, et pour de longues années sans doute, dans l’incapacité matérielle de reporter une part significative du fret routier vers le rail et la mer : une telle mutation ne s’improvise pas !
Le projet de loi précité tend certes à prévoir le financement de trois autoroutes ferroviaires, mais aucune ne passe en Bretagne, alors qu’il n’existe, dans cette région, aucune alternative opérationnelle au transport routier, en dehors des lignes de ferries entre la Bretagne, le sud de la Grande-Bretagne, l’Irlande et le nord de l’Espagne, gérées par la compagnie Brittany Ferries.
Un bien est, à l’évidence, plus coûteux à transporter aux quatre coins de l’Europe s’il a été produit en Bretagne plutôt que dans une région plus centrale, comme l’Île-de-France ou Rhône-Alpes. Dans ses modalités actuelles, l’écotaxe ne ferait qu’accroître cette distorsion de concurrence et serait sans doute très préjudiciable aux territoires situés le plus à l’ouest de notre pays.
Monsieur le secrétaire d’État, au travers de cet amendement, nous préconisons une modulation plus forte, prenant en compte la périphéricité, ainsi que l’absence avérée de modes de transport pouvant se substituer à la route.
Les amendements nos 69 et 68 relèvent de la même philosophie.
Lors du débat à l'Assemblée nationale que vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, beaucoup de députés ont reconnu que la Bretagne subissait un handicap manifeste. M. Méhaignerie, que vous connaissez bien, a indiqué à cette occasion que les entreprises bretonnes supportaient des coûts de transport de deux à trois fois plus élevé que les entreprises d’autres régions.
Dès lors qu’une telle différence est constatée, il convient d’envisager une modulation beaucoup plus forte que celle qui est prévue dans le texte. En effet, avec un coût du transport double ou triple de la moyenne, la distorsion de concurrence est considérable, et nos amendements visent à modifier l’article 60 pour tenir compte de cette réalité.
Monsieur le secrétaire d’État, une expérimentation va certes être menée, mais elle portera sur un territoire restreint. J’attire votre attention sur les risques d’effets pervers que comporte la mise en œuvre d’un tel dispositif.
M. le président. L'amendement n° II-74 rectifié, présenté par MM. de Legge, Kergueris, Paul, Trillard et de Rohan, Mme Papon et M. Zocchetto, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du 1 bis du texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 275 du code des douanes par les mots :
en tenant compte de leur importance démographique et économique
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement fait écho à l’échange que nous eu tout à l’heure.
M. le président. L'amendement n° II-79, présenté par Mme Herviaux, M. Marc, Mmes Chevé et Blondin, MM. Botrel, Fichet et Hervé, Mme Klès et M. Le Menn, est ainsi libellé :
Dans le 2 du texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 275 du code des douanes, remplacer le montant :
0,025 €
par le montant :
0,015 €
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Notre objectif commun est de réussir à concilier exigences environnementales, justice fiscale et efficacité économique. Les trois pôles de ce triangle doivent être équilibrés pour que soit possible le changement des mentalités et des pratiques que nous réclamons.
L’écotaxe vient compléter la palette des instruments de la fiscalité écologique ; en ce sens, elle est utile. Cependant, et nous avons été plusieurs à insister sur ce point, elle ne doit pas devenir un frein au développement économique des régions soumises à une très forte concurrence internationale, notamment en ces temps de crise. Comme on dit en Bretagne, il ne faut pas envoyer de mauvais signaux quand la tempête souffle si l’on ne veut pas que les bateaux s’échouent !
La structure modale de certaines régions, comme la Bretagne, montre en effet une prépondérance incontestable du mode de transport routier, quelles que soient les zones d’échanges. Dans les échanges intra-régionaux, il s’agit même quasiment du seul mode utilisé, parfois à hauteur de 99,9 %. Cette domination de la route, même si elle n’est pas spécifique à la Bretagne, est de deux points supérieure à la moyenne nationale.
Dans ces conditions, il ne faudrait pas que la future taxe constitue un obstacle trop abrupt pour nos entreprises. Le projet de loi de finances pour 2009 tend à prévoir que son taux sera compris entre 0,025 euro et 0,20 euro par kilomètre parcouru sur le réseau national non concédé, grâce à la sagesse de l’Assemblée nationale qui a aligné le montant plafond de la taxe sur celui qui a été choisi pour l’expérimentation alsacienne.
Nous ne devons pas diminuer les moyens nécessaires au financement des politiques ambitieuses que nous souhaitons en matière de développement durable. C’est pourquoi nous ne voulons pas abaisser ce montant plafond.
Toutefois, nous désirons envoyer un message fort aux acteurs économiques et aux salariés qui pourraient être menacés par une taxe trop forte – il s’agit aussi d’un problème social –, en calquant le montant plancher sur celui qui sera retenu en Alsace, à savoir 0,015 euro par kilomètre.
Cette diminution, couplée aux possibilités de modulation offertes par le projet de loi, devrait permettre aux petites entreprises de contribuer à l’effort collectif en faveur de l’environnement, tout en préservant leurs capacités d’investissement, pour garantir l’avenir de leurs moyens de production et le maintien de l’emploi de leurs salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ces amendements très intéressants nous conduisent à une réflexion de fond sur le principe et les modalités d’application du dispositif.
Nous mesurons à quel point sa mise en œuvre s’annonce complexe. Nous devrons nous investir, les uns et les autres, dans les prochaines semaines, pour procéder à des simulations.
Je ne méconnais pas l’existence d’une spécificité bretonne, qui appelle des réponses appropriées, mais il ne sera pas simple de trouver les critères qui permettront de prendre en compte, sans ambigüité, la périphéricité et la faiblesse de l’offre alternative. Monsieur le secrétaire d’État, il va falloir mobiliser toute la science de vos collaborateurs et la vôtre pour répondre à cette demande !
La commission des finances est donc réservée, pour cette raison, sur les amendements nos II-70, II-69 et II-68, qui relèvent du même esprit.
L'amendement n° II-74 rectifié de notre collègue Dominique de Legge tend à prendre en compte un critère démographique et économique. Cela est sans doute nécessaire, mais il ne sera pas commode de transcrire une telle dimension dans un texte réglementaire. Cela suscitera, à l’avenir, des débats extraordinaires, qui n’auront pas grand-chose à envier à ceux que nous pouvons avoir sur le calcul de la dotation globale de fonctionnement ou d’autres dotations encore ! Chaque année, de nombreux amendements seront déposés, visant à réserver un sort particulier à tel département ou à telle voie vicinale…
À ce stade du débat, nous aurions besoin d’un bon éclairage. Il serait peut-être souhaitable, monsieur le secrétaire d’État, que vous organisiez, dans les semaines qui viennent, un séminaire de réflexion intense sur ce thème ! (Sourires.)
Dans ces conditions, l’avis du Gouvernement sur cet amendement nous sera extrêmement précieux. Il en va d’ailleurs de même pour celui de Mme Herviaux, qui, tendant à modifier la fourchette de la taxe, relève de la même logique.
Sans vanité d’auteur, je suis très tenté d’inviter nos collègues à se rallier à l’amendement de la commission des finances. Nous avons besoin d’études d’impact et de simulations pour nous assurer que nos propositions sont réalistes. Peut-on réellement faire une différence entre les axes principaux et les voies de substitution ? En effet, il y aura forcément des phénomènes de déport.
Au fond, il aurait été préférable d’instaurer une taxe additionnelle sur la consommation de carburant, car la quantité brûlée correspond à peu près aux kilomètres parcourus. Cela étant, la difficulté tient à ce que des véhicules en provenance de pays voisins transportent non seulement des biens de consommation, mais également du carburant ! En effet, la fiscalité n’étant pas la même d’un pays à l’autre, de nombreux camions espagnols traversent la France sans faire le plein de gazole et ne contribuent donc en rien au financement de nos infrastructures, ni au budget de l’AFITF !
Je le répète, il sera certainement très difficile de faire une différence entre les routes principales et les voies de substitution, qui ne seront pas taxées. Il finira toujours par y avoir un report du trafic.
En définitive, ne faudrait-il pas envisager de taxer l’ensemble des voies, les collectivités territoriales fixant elles-mêmes le taux pour les routes communales et départementales ?
En tout cas, il est difficile de conclure ce soir sur ce point. Nous avons encore un peu de temps devant nous, mais il devient tout de même urgent d’engager une réflexion collective, en disposant des études d’impact nécessaires pour nous forger une opinion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. M. le président de la commission des finances a bien posé le problème : il est nécessaire de réaliser des études d’impact. En attendant, nous observons attentivement ce qui se passe en Allemagne, où la mise en œuvre de ce dispositif n’a pas été simple. Je pense que la discussion de l’amendement n° II-6 de M. Lambert nous permettra d’approfondir la réflexion.
Pour l’heure, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos II-70, II-69 et II-68, ainsi que sur l’amendement n° II-79. À trop moduler, on prive le dispositif de toute sa portée.
En revanche, le Gouvernement voit d’un œil plus favorable l’amendement n° II-74 rectifié, car son dispositif comporte des critères objectifs, plus « hexagonaux », permettant de tenir compte de certaines spécificités.
Nous bien sommes conscients qu’il nous faudra faire preuve d’humilité. Nous devrons d’abord tester le dispositif, puis l’ajuster, le cas échéant, en fonction des résultats de l’expérimentation menée sur le territoire alsacien.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’avis du Gouvernement nous est bien entendu très précieux.
Je ne mésestime pas l’intérêt de l’amendement de M. de Legge, mais je me demande comment il sera possible de transcrire par une formulation claire la prise en compte de l’importance démographique et économique des régions ! J’aimerais que l’on nous donne quelques pistes…
Si l’on traverse un département peu dynamique sur le plan de la démographie, la taxe sera-t-elle plus élevée ? Est-ce la richesse fiscale du département qui déterminera le taux de la taxe ? Que signifie au juste l’expression « en tenant compte de leur importance démographique et économique » ? Tout cela n’est pas simple.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Si c’était simple, cela se saurait, monsieur Arthuis !
Si l’on adopte une approche exclusivement géographique dans cette affaire, sans tenir compte de la réalité économique, on risque, dans des départements à faible potentiel économique, de payer une taxe élevée.
Par cet amendement, nous souhaitons établir un juste équilibre entre la contribution d’un territoire au financement de cette taxe et sa réalité économique.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà qui est éclairant et suscite notre adhésion, mon cher collègue. On peut en effet imaginer un certain « retour sur investissement » pour les collectivités qui assurent l’entretien des routes.
Ayant entendu les explications du Gouvernement, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° II-74 rectifié et appelle au retrait des autres amendements, car il serait fâcheux de sanctionner par un vote négatif des propositions intéressantes.
M. le président. Monsieur Marc, les amendements nos II-70, II-69 et II-68 sont-ils maintenus ?
M. François Marc. L’amendement de M. de Legge vise à prendre en compte le contexte économique de façon significative. M. le président de la commission des finances s’est demandé comment ce critère pourrait être mis en œuvre concrètement. À cet égard, il a été proposé de se fonder sur la richesse des territoires, en particulier sur le PIB.
Dans l’état actuel du dispositif, il apparaît que la Bretagne, qui représente 4 % du PIB national, paierait 10 % de la taxe. Si l’amendement n° II-74 rectifié devait être adopté, la contribution de notre région se trouverait ramenée, si j’ai bien compris, à 4 %.
Si cette interprétation est la bonne, je suis prêt à retirer les trois amendements que j’ai déposés, car on éviterait une distorsion de concurrence entre les régions, la taxation étant assise sur la richesse véritablement produite. Le dispositif serait alors nettement plus équilibré que dans sa version actuelle.
Cependant, avant de retirer mes amendements, je veux être certain que mon interprétation est juste.
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Nous traitons d’un sujet sérieux et difficile : qu’est-ce que la fiscalité écologique, et à quoi sert-elle ?
Finalement, l’évolution du marché des produits pétroliers a joué un bien plus grand rôle dans la modification des comportements que n’importe quelle écotaxe sur le gazole ou l’essence ! C’est l’augmentation des prix du pétrole qui a poussé les gens à moins en consommer.
On se fait beaucoup d’illusions, à mon sens, sur la capacité de la fiscalité écologique à influer sur les comportements du consommateur. Pour limiter les émissions de CO2 dans l’atmosphère, il est bien plus important de s’en remettre à la loi ou au règlement qu’à une taxe supplémentaire.
Par ailleurs, s’il est possible de moduler la taxe selon les territoires, on en reviendra à la France de l’Ancien régime, avec des octrois aux entrées de chaque commune. Cela nous ramènera au bon temps où, comme disait Mirabeau, la France était un agrégat inconstitué de peuples désunis ! Chacun aura de bonnes raisons d’instaurer sa fiscalité propre…
Je ne voudrais pas froisser mes collègues qui défendent la Bretagne, mais puisque chacun met en avant sa région et ses intérêts particuliers, je vais défendre le Nord-Pas-de-Calais ! Il y a quelques instants, j’ai d’ailleurs eu le sentiment d’être revenu à l’époque de mes études de géographie, dans les années cinquante et soixante, quand on évoquait le caractère périphérique de la Bretagne.
Je pourrais aussi arguer que le taux de chômage de la Bretagne est de deux à trois fois moins élevé que celui du Nord-Pas-de-Calais, qui a vu péricliter sa sidérurgie, son industrie textile, ses mines de charbon, et où le secteur automobile vient de perdre 5 000 emplois en deux mois !
Enfin, on met en avant le critère du PIB par habitant. Certes, le Nord-Pas-de-Calais présente peut-être un PIB par habitant intéressant, mais c’est aussi la région de France la moins équipée sur le plan sanitaire et la plus défavorisée socialement. Pourquoi n’ajouterait-on pas aussi ce critère pour fixer le taux de l’écotaxe ?
En fait, chacun cherche à inventer des subterfuges pour échapper à la fiscalité écologique. On part ainsi dans une dérive, on s’éloigne du but que l’on prétend viser.
Ce ne sont là que des réflexions personnelles, mais dès lors que l’on commencera à instituer des exemptions de taxe, on aboutira forcément à des inégalités économiques ou sociales.
Par exemple, en cette période de crise de l’automobile, 90 % des voitures fabriquées dans le Nord-Pas-de-Calais sont transportées par camions. Je pourrais donc moi aussi estimer que ce dispositif va créer une distorsion de concurrence avec les producteurs allemands ou italiens. Chacun peut y aller de ses arguments, et la situation devient alors ubuesque !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. J’ai apprécié l’intervention de M. Raoult : pouvons-nous en effet envisager un principe général à l’aune des seules préoccupations régionales ?
J’ai beaucoup de respect pour mes amis bretons et je comprends parfaitement les motivations de M. Marc, mais il serait prématuré de construire un projet de loi sur des considérations régionales, car il est vrai que la France n’est pas une addition de régions.
Dans ce contexte, l’amendement n° II-74 rectifié paraît beaucoup plus républicain. Il vise à ce que le taux de la redevance d’utilisation des routes soit en partie fixé selon des données économiques et démographiques.
Au fond, monsieur le secrétaire d’État, ne faudrait-il pas créer une sorte de conseil d’orientation de la redevance chargé d’observer les conditions de sa mise en place et de mesurer les conséquences de son application ? En effet, vous l’avez dit avec beaucoup de force, il s’agit de répercuter sur l’utilisateur, en pied de facture, si je puis dire, le coût du transport.
Mais cette répercussion, monsieur Marc, est très différente selon les situations régionales !
Certes, la Bretagne est incontestablement à l’ouest de Paris, cela n’aura échappé à personne ! (Sourires.) C’est une région qui exporte des produits agroalimentaires, notamment vers les marchés du centre de l’Europe. Pour ce faire, elle recourt à des camions frigorifiques, en particulier pour transporter de la viande. Très souvent, les cochons sont tués en Bretagne et transformés ailleurs. Bien sûr, cela fait beaucoup de kilomètres, mais si nous entrons dans ce genre de considérations, nous n’aboutirons jamais !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Gérard Longuet. En revanche, prévoir que la mise en œuvre de la redevance soit suivie par un comité d’orientation associant l’État et les élus des régions, au titre du développement économique, et des départements, parce qu’ils sont propriétaires des routes, me paraîtrait pertinent.
En effet, monsieur Marc, je pourrais retourner votre argument en vous faisant observer que, en Bretagne, la densité des exploitations agricoles, si je reprends l’exemple du porc, est telle que le coût du transport des aliments pour animaux est beaucoup moins élevé que dans des régions où les exploitations sont plus dispersées et où la livraison est proportionnellement plus coûteuse, en raison du plus grand de kilomètres à parcourir pour ravitailler chaque exploitation.
Mais nous n’allons pas faire ici, et à cet instant, un travail de commission ou de techniciens. Retenons donc simplement, monsieur le secrétaire d’État, conformément à la suggestion de M. de Legge, que la redevance sera suivie par un conseil d’orientation qui pourrait associer l’État et les collectivités locales, pour faire en sorte que la taxe ne pénalise pas le développement économique, dont la responsabilité incombe plus spécialement aux régions.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Je voulais simplement dire que la suggestion de Gérard Longuet répond pleinement à mon interrogation !
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. J’approuve les propos de MM. Raoult et Longuet. Nous commençons à dériver par rapport à ce qui constitue l’objet de notre discussion !
Si l’on voulait vraiment entrer dans les particularismes régionaux, je pourrais dire à mes amis bretons que les avantages compétitifs dont ils bénéficient pour la formation du prix de leurs produits sont bien supérieurs au désavantage qu’ils subissent en matière de coûts de transport ! Voilà un élément qu’il faudrait aussi prendre en compte !
En ce qui me concerne, je voterai donc contre des amendements qui me paraissent ridicules.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. J’ai bien entendu les réquisitoires de mes collègues. Dans tout procès, il y a des réquisitoires ! Je ne reviendrai pas sur le qualificatif peu amène que j’ai entendu : à une heure aussi tardive, on peut tolérer quelques débordements…
Cela étant dit, M. le secrétaire d’État n’ayant pas répondu à la question très précise que je lui avais posée, je ne peux retirer mes amendements.
Je voudrais savoir selon quelles modalités il sera tenu compte, comme on nous l’a annoncé, de la richesse économique des territoires. On peut, par exemple, se référer au PIB par habitant des régions. En l’absence de précisions sur ce point, l’amendement n° II-74 rectifié, c’est du vent ! En effet, prendre en compte l’« importance démographique et économique », cela peut recouvrir tout et n’importe quoi.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Pour donner à M. Marc un exemple de l’application concrète que pourrait trouver l’amendement de M. de Legge, j’indiquerai que, la Bretagne représentant 4 % du PIB de notre pays, elle verserait moins de 3 % du montant total des redevances si le dispositif était mis en œuvre.
Cet amendement bien pensé aura donc bel et bien un effet correcteur, en instaurant une modulation liée à la richesse des territoires et à leur démographie.
M. Paul Raoult. Et les critères sociaux ?
M. Gérard Longuet. Et les critères moraux, pendant qu’on y est ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Nous allons lancer les appels d’offres. La taxe ne sera donc pas mise en place avant au minimum deux ans, ce qui signifie que nous avons encore le temps de travailler sur ce sujet.
Ce qui vous est simplement proposé, au travers de cet article du projet de loi de finances, c’est de donner la possibilité au Gouvernement de lancer au plus vite le processus, en prévoyant la ressource nécessaire. Cela nous renvoie au débat que nous avions tout à l’heure avec M. Arthuis sur l’avenir de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Ensuite, je suis tout à fait ouvert à un travail en commun pour perfectionner le dispositif.
Je comprends, monsieur Marc, que vous défendiez les intérêts de votre région. L’amendement de M. de Legge est un premier pas vers cette sorte de péréquation que vous appelez de vos vœux, tenant compte des richesses, économiques et démographiques, des territoires.
M. le président. L'amendement n° II-64 rectifié, présenté par M. Teston, Mme Herviaux, M. Marc, Mme Chevé, MM. Botrel et Fichet, Mme Blondin, M. Le Menn, Mme Klès, MM. Hervé, Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le A du II de cet article pour le 3 de l'article 275 du code des douanes par les mots :
après avis des collectivités concernées
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Au terme de la discussion du présent article à l’Assemblée nationale, il a été décidé que le taux de la taxe serait modulable en fonction de la classe du véhicule et, le cas échéant, du niveau de congestion de l’infrastructure. Le taux et les modulations seront fixés chaque année par décret.
Un régime d’exception a aussi été défini pour les départements plus défavorisés, selon le caractère périphérique de leur situation au sein de l’espace européen, apprécié au regard de leur éloignement des grandes unités urbaines européennes de plus de 1 million d’habitants.
En effet, l’article 10 du projet de loi « Grenelle I » prévoit que, « par exception, des aménagements de la taxe, qu’ils soient tarifaires ou portant sur la définition du réseau taxable, seront prévus aux fins d’éviter un impact économique excessif sur les différents territoires au regard des considérations d’éloignement de ces territoires de l’espace européen et de disponibilité des modes de transport alternatifs à la route ».
En conséquence, il est prévu, pour ces territoires, que les taux soient minorés de 25 % et déterminés chaque année par un arrêté conjoint des ministres chargés des transports et du budget.
Notre amendement vise à faire en sorte que cet acte réglementaire soit pris après avis des collectivités concernées, de sorte que celles-ci soient associées aux discussions préalables à l’établissement des taux kilométriques et des modulations éventuelles.
Nous pensons en effet que la situation des territoires périphériques ou enclavés peut évoluer, en fonction de l’avancement de la réalisation de certaines infrastructures, et qu’en conséquence le Gouvernement pourrait être tenté de décider de faire varier les taux et les modulations d’une année sur l’autre sans concertation avec les collectivités concernées, ce qui, on en conviendra, serait dommage !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission comprend bien l’intérêt de cet amendement. Elle craint toutefois qu’il ne soit pas simple de tenir compte de tous les avis des collectivités territoriales, notion qui recouvre les communes, les départements, les régions…
De plus, monsieur le secrétaire d’État, les collectivités territoriales seront déjà consultées pour définir les itinéraires taxables. (M. le secrétaire d’État approuve.) Faut-il pour autant que l’on prenne l’avis de toutes les collectivités territoriales ? Peut-on imaginer que notre débat de ce soir soit repris dans chacun des conseils municipaux de France ?
La commission est donc pour le moins réservée sur cet amendement. Encore une fois, je ne pense pas que nous puissions arrêter ce soir un texte définitif. Nous ne disposons même pas des études d’impact ! Certes, nous avons reçu des documents intéressants, mais nous n’avons pas eu le temps d’en prendre connaissance de manière approfondie, puisqu’ils ne nous sont parvenus que ce matin. Notre vision des choses est encore quelque peu lacunaire…
Je ne pense donc pas que nous puissions avoir pour ambition de parvenir ce soir à une version définitive du dispositif. Pour ces raisons, il me semblerait préférable que vous retiriez votre amendement, mon cher collègue.