Mme Évelyne Didier. Très bien !
Mme Mireille Schurch. Cette année, l’agence voit son avenir assuré grâce à la subvention de l’État, mais, au vu des ressources dont elle dispose, elle ne parviendra pas à financer un programme d’investissement fondé sur une approche multimodale intégrée.
Certes, la mise en place de l’écotaxe sur les poids lourds est une mesure qui devrait favoriser le financement des structures innovantes, et nous en acceptons le principe. Malheureusement, la modification à la baisse de la fourchette initiale, la réduction des péages de 25 % pour certains départements, ou encore les exonérations pour les routes nationales à faible trafic, pour ne citer que quelques exemples, font que le financement d’une politique des transports rendant prioritaires les modes alternatifs à la route est reporté sine die.
Comment envoyer un « signal prix » au transport routier, pour accélérer la mise en œuvre de la politique de transport durable, s’il existe, par ailleurs, une compensation avec la taxe à l’essieu ?
Enfin, cette éco-redevance ne sera perçue qu’à l’horizon 2011, et ne rapportera que 880 millions d’euros. Vous avez d’ailleurs rappelé, monsieur le secrétaire d’État, qu’il fallait lancer un appel d’offres et vérifier que les choses étaient techniquement réalisables. Voilà qui laisse planer l’incertitude sur les conditions de perception de cette éco-redevance.
En ce qui concerne Réseau ferré de France, l’État réduira de 63 millions d’euros sa participation. Bien entendu, il a signé avec RFF, le 3 novembre dernier, un contrat de performance par lequel il s’engage sur cinq ans, pour la période 2008-2013, à hauteur de 13 milliards d’euros. Mais cette somme ne représente, à bien y regarder, que les concours précédents de l’État, globalisés sur cinq ans et amputés de 63 millions d’euros !
De plus, l’examen du contrat de performance est particulièrement inquiétant pour les lignes secondaires et les lignes de proximité desservant l’ensemble des territoires. Qu’advient-il de l’amélioration de la desserte des agglomérations enclavées et des zones rurales, ainsi que du maillage du territoire, dans une perspective d’aménagement ?
En effet, pendant ce temps, le réseau se dégrade et les ralentissements s’accumulent. On compte 1500 kilomètres de ralentissements, dont 200 kilomètres pour la seule Auvergne.
En tant que sénatrice de l’Allier, je me permettrai, monsieur le secrétaire d’État, d’évoquer ma propre expérience. Je pense aux ralentissements prévus entre Clermont-Ferrand et Paris – les trains circuleront à 10 kilomètres-heure sur certains tronçons –, aux gares menacées de fermeture, à la suspension, pour ne pas dire la fermeture, par la SNCF des tronçons Montluçon-Ussel et Montluçon-Clermont-Ferrand via Volvic, alors que ces deux lignes desservaient des bassins industriels, dont le fret se retrouve dorénavant sur les routes.
Le contrat de performance signé avec RFF est bienvenu, mais les contributions de l’État aux charges d’infrastructures, à la régénération du réseau et au passif financier ont disparu du budget. Si RFF doit faire davantage, il sera contraint de s’endetter. On ne règle donc pas la question de sa dette.
Enfin, quelle crédibilité accorder, à plus long terme, à un projet qui se veut ambitieux, lorsque les crédits de paiement pour les infrastructures et les services de transports sont en baisse d’environ 22 % entre 2009 et 2011 ?
L’urgence écologique d’aujourd’hui sera-t-elle oubliée demain ? Comment pense-t-on faire évoluer la part de marché du fret non routier de 14 % à 25 % à l’échéance 2022 si, par ailleurs, le financement des infrastructures alternatives à la route n’est pas assuré ?
Admettez-le, l’absence de traduction budgétaire des orientations du Grenelle est criante dans votre projet de loi. Vous pouvez d’autant moins le nier que ce constat, l’an dernier comme aujourd’hui, est partagé par la majorité des sénateurs.
Vous proposez une politique multimodale des transports, tout en organisant le désengagement de l’État. Pour vous, le transfert modal depuis la route est un enjeu de première importance, à condition toutefois de respecter les contraintes économiques et budgétaires.
La réponse à l’urgence écologique est bridée par ces contraintes, alors que les dérives de l’idéologie libérale que vous défendez ne s’en embarrassent guère : 360 milliards d’euros ont été débloqués en faveur des banques, le paquet fiscal a été voté pour les plus privilégiés et les exonérations fiscales sont accordées à souhait. Telles sont les priorités de votre Gouvernement, que nous sommes loin de partager.
Certains secteurs ne peuvent être confiés au marché libéral. La solidarité nationale en matière de transports doit jouer en faveur du transport ferroviaire – mode de transport peu polluant –, pour l’entretien des lignes existantes, la création de nouvelles lignes, le développement des transports collectifs plus respectueux de l’environnement et les lignes de proximité.
Le groupe CRC ne peut accepter de lier le sort du développement durable à des impératifs de rentabilité financière. C’est pourquoi nous voterons contre la partie de votre budget consacrée aux transports. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, madame, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais remercier M. Alain Lambert, rapporteur spécial, de son amendement tendant à supprimer l’AFITF. (Sourires.) Il permet en effet d’ouvrir le débat sur le financement par l’État des infrastructures de transport.
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. C’est le but !
M. Gérard Longuet. Ce débat arrive à point nommé.
C’est une vieille habitude de l’État que de souhaiter se doter d’un outil identifié, sinon autonome, pour financer ses infrastructures de transports.
En 1951, au moment où l’automobile allait se démocratiser, et où les besoins en équipements routiers devenaient considérables, a été créé le Fonds spécial d’investissement routier, qui a vécu trente ans – entre 1951 et 1981 –, ce qui n’est pas si mal dans l’histoire administrative française ! (Sourires.) Ce fonds tirait ses ressources de la part de TIPP qui lui était affectée.
Ensuite, on s’est aperçu que les besoins en infrastructures n’étaient pas simplement routiers, et qu’il fallait donc organiser une mutualisation. C’est ainsi qu’a été créé en 1982 le Fonds spécial de grands travaux, qui lui aussi était financé grâce à un prélèvement sur la TIPP, mais qui avait vocation à servir différentes formes d’infrastructures, en particulier ferroviaires et fluviales.
Ce fonds a vécu cinq ans, de 1982 à 1987 ; il a été remplacé en 1996 par le Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui n’a duré que cinq ans et qui bénéficiait d’une ressource un peu plus originale, puisqu’on effectuait un prélèvement non plus sur la TIPP, mais sur l’hydroélectricité… Pourquoi pas ?
En 2003, à l’occasion du comité interministériel pour l’aménagement du territoire, ou CIAT, du 18 décembre, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin proposait un grand programme d’infrastructures multimodales. Dans ce plan, il y avait à la fois des routes – peu –, du ferroviaire – beaucoup –, et un grand projet fluvial ; on ne savait pas si on le réaliserait complètement, mais on ne voulait pas se priver de la possibilité de le faire : je parle naturellement de la liaison Seine-Nord.
Et – idée originale ! –, c’était l’argent des routes qui allait financer des infrastructures diversifiées, mais il transitait par l’État au travers des actions des sociétés d’autoroutes : c’était la route qui payait, mais par l’intermédiaire des dividendes de la part détenue par l’État dans les sociétés d’autoroute.
Malheureusement, si le CIAT de 2003 a été respecté dans son contenu – la mise en œuvre de l’AFITF date de janvier 2005 –, guère plus d’un an après, le nouveau Premier ministre décida de privatiser la totalité des sociétés d’autoroutes. L’État céda pour plus de 16 milliards d’euros ses participations dans ces sociétés et l’AFITF se retrouva privée des dividendes.
M. Paul Raoult. Eh oui ! Quelle erreur !
M. Gérard Longuet. On aurait pu alors s’interroger sur la suppression de l’AFITF. C’est précisément à cette question que je voudrais répondre par deux affirmations claires : aujourd’hui, l’AFITF est utile et, demain, elle sera indispensable. En posant la question, monsieur Lambert, vous m’avez donné l’occasion d’y répondre et je vous en remercie. (Sourires.)
Pourquoi l’AFITF est-elle utile aujourd'hui ? D'abord, tout simplement, parce qu’elle permet un fléchage des crédits publics vers des investissements en infrastructures en les mettant à l’abri des régulations et des annulations, ce qui assure aux équipements la continuité et la pérennité qui leur sont indispensables.
Comment l’AFITF y parvient-elle ? Avant tout, elle perçoit encore des ressources propres qui proviennent de la route : la taxe d’aménagement du territoire et la redevance domaniale, qui sont acquittées par les sociétés d’autoroute, ainsi que – nemo auditur propiam turpitudinem allegans ! –, la recette des amendes des radars, qui représente plus de 100 millions d'euros.
L’agence perçoit donc des ressources qui proviennent de la route, pour un total de près de 900 millions d'euros, et elle les affecte à des projets. Cette somme est tout à fait insuffisante, certes, mais elle constitue une première garantie et permet un premier fléchage des crédits.
L’AFITF a vécu sur le patrimoine que le Premier ministre de l’époque, M. de Villepin, lui avait accordé, c'est-à-dire 4 milliards d'euros de produits de cessions d’autoroutes.
Par conséquent, nous disposons d’un outil qui garantit le financement des infrastructures de transport, qui plus est multimodales, retenues par le CIAT, et enrichies par d’autres demandes gouvernementales, ce qui permet d’engager les travaux. D'ailleurs, 96 % des crédits de paiement de l’AFITF sont consommés chaque année, ce qui est rassurant et signifie que cet outil fonctionne.
Toutefois, monsieur Lambert, vous élevez l’objection, tout à fait légitime, de « l’agencisation » de l’État. Vous auriez pu alléguer également l’atteinte portée au principe de l’universalité budgétaire, puisque, après tout, l’AFITF perçoit des recettes publiques : celles-ci pourraient être versées dans le grand chaudron des recettes publiques d’où, de temps en temps, une louche serait puisée au profit des infrastructures de transport multimodales.
L’existence de l’AFITF, de son conseil d’administration, qui est assez insolite puisqu’il se compose pour moitié de hauts fonctionnaires et pour moitié d’élus, garantit ce fléchage.
M. Jacques Blanc. On y compte également un grand président ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Merci, mon cher collègue !
En ce qui concerne la difficulté de suivre les crédits affectés à l’agence, je partage votre opinion, monsieur Lambert. Je souhaite néanmoins répondre aux interrogations que vous avez formulées.
Il faut savoir, en effet, qu’il existe un double compte et que les crédits de 1,2 milliard d'euros qui sont versés à l’AFITF pourraient donc être comptabilisés deux fois, d'abord à titre de subvention, ensuite dans le budget de l’agence.
Toutefois, je tiens à vous rassurer à cet égard : l’examen du document de présentation du budget du MEEDDAT écarte ce risque de double comptabilisation, puisque le total des cinq lignes de crédits est d’un peu plus de 20,2 milliards d'euros, alors qu’il se serait élevé à plus de 21,4 milliards d'euros si la subvention de 1,2 milliard d'euros de l’AFITF avait été comptée deux fois !
Je vous réponds donc très précisément sur ce point : il s'agit bien d’une subvention, qui a été versée une seule fois.
L’AFITF est utile parce qu’elle transforme les moyens de déplacement depuis la route vers des infrastructures multimodales et parce qu’elle flèche les crédits, même si, je le reconnais, des clarifications s’imposent.
Monsieur Lambert, vous avez également évoqué les fonds de concours et les subventions. Il est vrai que nous avons réalisé de nombreux travaux routiers, parce que nous devions achever, pour le compte de l’État, l’exécution des contrats de plan 2000-2006, qui prévoyaient essentiellement ce type de dépenses.
Et ces dépenses routières ont donné lieu, de la part de l’AFITF, au versement de fonds de concours à l’État. C'est pourquoi ceux-ci ont représenté, au cours des deux dernières années, 60 % des interventions de l’agence, ce qui, je le reconnais, paraît beaucoup au regard de l’identité de l’AFITF, dont l’originalité est précisément de se tourner vers d’autres partenaires que l’État.
Mais je vous rassure, monsieur Lambert : grâce aux programmes ferroviaires engagés, aux projets de transports en commun en site propre et au partenariat qui a été noué avec des maîtres d’ouvrages privés, les fonds de concours devraient passer de 60 % à 30 % dans les prochaines années. L’AFITF retrouvera donc sa vocation d’interlocuteur responsable, au bénéfice de maîtres d’ouvrage qui ne sont pas nécessairement l’État. Les maîtres d’ouvrage indépendants des pouvoirs publics, mais qui cherchent un partenaire au sein de ces derniers, bénéficieront de 70 % des fonds de l’agence, qui retrouvera alors son utilité à court terme.
L’AFITF est également utile pour les besoins de long terme, parce qu’elle constitue un lieu de réflexion et de proposition. Je ne prétends pas que, dans sa structure actuelle, cher Jean-Pierre Raffarin, elle puisse répondre aux immenses besoins qui ont été consacrés, notamment, par le projet de loi « Grenelle I ». Aux termes de ce texte, en effet, il faudrait investir dans les seuls transports ferroviaires et fluviaux, au cours de la période 2009-2020, environ une centaine de milliards d'euros, et on estime que l’État devrait assurer près de 25 % de cette somme en contributions et subventions diverses, ce qui représenterait pour lui un engagement annuel de 2,5 milliards d'euros.
Il convient donc d’engager une réflexion sur le financement des infrastructures à très long terme. Dans cette perspective, l’AFITF restera un outil permettant de transformer les moyens de déplacement, depuis la route vers le multimodal, et d’identifier les crédits, afin de garantir à nos partenaires que l’État tiendra sa parole et assurera à ces financements la continuité et la pérennité nécessaires.
En effet, la construction de nouvelles lignes de TGV, comme le trajet Rhin-Rhône, la desserte du Sud-ouest et de l’Atlantique et le contournement de Montpellier et de Nîmes, …
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Gérard Longuet. … qui ont été engagés, ou l’extension du réseau méditerranéen jusqu’à Perpignan et Figueras, qui est envisagée, ne peuvent être soumises à la logique des investissements publics, qui, hélas ! servent d’amortisseurs conjoncturels quand le budget de l’État connaît quelques difficultés !
Mes chers collègues, je terminerai par une remarque.
L’économie mondiale, c’est le moins que l’on puisse dire, est aujourd'hui profondément déstabilisée.
Toutefois, nous avons la certitude que les infrastructures de transport constituent des conditions indispensables du développement de notre pays, car les échanges dématérialisés qui s’accroissent de façon exponentielle n’absorbent pas la totalité des besoins de contacts entre les personnes ou d’échanges entre les biens et les services.
Le besoin d’infrastructures est donc considérable, d’autant que la France est un trait d’union à l’intérieur de l’espace européen. Mes chers collègues, nous avons intérêt à valoriser cette situation plutôt qu’à la méconnaître ! C’est la destinée de la « Lotharingie industrielle » ou de l’arc atlantique – une idée promue par Jean-Pierre Raffarin – que de servir de traits d’union en Europe.
Dans cette perspective, nous avons besoin d’infrastructures, parfois innovantes, comme ces autoroutes de la mer que Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait imaginées, mais qui, malheureusement, tardent à se mettre en place. (M. Jean-Pierre Raffarin acquiesce.)
Nous sommes certains que ces infrastructures sont économiquement utiles, mais aussi qu’elles ne sont pas rentables à court terme : leur pay back, c'est-à-dire le retour sur investissement, ne satisfait pas aux standards de la finance d’avant-hier, ou même d’hier soir, dont l’exigence de rentabilité sur fonds propres véritablement délirante a sans doute conduit à déstabiliser le système financier mondial. (Mme Évelyne Didier applaudit.)
Il existe une épargne qui s’accommode de rendements modestes, mais qui exige une sécurité absolue, c’est celle qui finance les retraites. Et dans une société qui vieillit, le besoin en la matière est considérable.
Par conséquent, d'une part, il est des besoins d’épargne à très long terme qui cherchent la sécurité et acceptent un rendement plus faible, et, d'autre part, nous possédons des infrastructures qui représentent des richesses certaines et durables. Mes chers collègues, le tracé des voies romaines commande encore aujourd'hui un certain nombre d’itinéraires. Je pense aux TGV : sur quelle période les amortir ? Dix ans, douze ans, trente ans, cinquante ans ? Cela n’a pas de sens ! Ce sont des équipements pérennes, qui s’apprécient sans doute à l'échelle des siècles et qui peuvent donc servir d’adossement à une épargne de long terme. D'ailleurs, un débat sur ce thème a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale, me semble-t-il.
Aussi, je propose que nous nous servions de cet outil singulier qu’est l’AFITF : cette agence, qui, monsieur le secrétaire d'État, associe ce qu’il y a de mieux dans l’administration et quelques élus passionnés, qui a pris l’habitude de travailler en partenariat avec des interlocuteurs publics, comme RFF, ou privés, comme les concessionnaires de sociétés d’autoroutes, pourrait aider ceux qui, au Parlement, auraient à cœur de proposer au Gouvernement des pistes de réflexion permettant d’adosser une épargne en quête de sécurité économique sur le long terme à des infrastructures qui répondent précisément à ce besoin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean Desessard. Mais c’est de l’économie administrée ! Tout cela n’est pas très libéral… Vous mettez de l’eau dans votre vin !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Madame la présidente, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention porte sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports » et, plus précisément, sur l’action 10 relative aux transports collectifs et ferroviaires.
Ce budget ne peut être examiné indépendamment du Grenelle de l’Environnement et de sa première déclinaison législative, qui est en discussion devant le Parlement.
L’aménagement et le développement des transports collectifs et ferroviaires répondent à quatre objectifs réaffirmés par le Grenelle de l’environnement : premièrement, la réalisation de 2000 kilomètres de nouvelles lignes à grande vitesse d’ici à 2020 ; deuxièmement, le développement du fret ferroviaire ; troisièmement, l’ancrage de notre pays dans l’Europe grâce à la constitution d’un réseau de transport européen ferroviaire ; enfin, quatrièmement, la participation à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre, par le développement, à chaque fois que c’est nécessaire, de modes de transports alternatifs à la route.
Si ces objectifs de développement durable font l’objet d’un relatif consensus – je fais notamment allusion au vote positif du groupe socialiste à l’Assemblée nationale sur le projet de loi « Grenelle 1 » –, ils ne peuvent rester du domaine des bonnes intentions. Le Gouvernement doit s’engager, et ce dès la loi de finances initiale pour 2009.
Or les besoins de financement sont énormes. Pour le développement des lignes à grande vitesse, d’ici à 2020, le projet de loi « Grenelle 1 » prévoit une contribution de l’État de 16 milliards d’euros, somme qui me paraît très insuffisante.
En outre, pour atteindre les objectifs du développement durable, un très gros effort de régénération du réseau existant est nécessaire, comme l’a d’ailleurs préconisé le rapport Rivier de 2005.
Dès lors, ce projet de budget constitue-t-il la première traduction concrète du Grenelle ?
Une lecture rapide du « bleu » budgétaire pourrait le laisser croire, puisque tant les autorisations d’engagement que les crédits de paiement passent d’un peu plus de 2,5 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2008 à un peu plus de 3,6 milliards d’euros cette année. Or cette augmentation des crédits de 38 % est due à un artifice de présentation, avec l’intégration dans l’action 10 d’une subvention d’équilibre à l’AFITF de 1,2 milliard d’euros.
En effet, les 4 milliards d’euros issus du produit de la vente de la part de l’État dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes ayant été quasiment consommés, la question de l’équilibre de l’AFITF se pose dès 2009.
Pourquoi le précédent gouvernement s’est-il ainsi privé de la rente autoroutière ? Permettez-moi de l’affirmer haut et fort : c’est plus qu’une erreur, c’est une faute ! Mes chers collègues, pour vous donner une idée du manque à gagner pour l’État, je rappellerai que ces sociétés devraient dégager de 35 à 40 milliards d'euros de dividendes cumulés d’ici à la fin des concessions, en 2032. Or l’État n’aura bénéficié que des 14 milliards d'euros de la vente de ces parts en 2006, dont seulement 4 milliards d'euros ont été affectés à l’AFITF !
Autre élément d’insatisfaction, dans ce budget, les subventions de l’État aux transports collectifs en site propre et aux plans de déplacements urbains n’ont pas été rétablies, contrairement à ce qu’a affirmé l’un des orateurs qui m’ont précédé, alors même que le Grenelle le prévoyait, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, il est vrai d’ici à 2020.
J’en viens à l’amélioration de la performance du réseau existant, passage obligé pour atteindre les objectifs de développement durable arrêtés lors du Grenelle de l’environnement.
Dans l’audit qu’il réalisa en 2005, M. Louis Rivier, directeur de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, estimait nécessaire, selon un scénario optimal, de disposer d’une dotation de 500 millions d’euros supplémentaires chaque année pendant vingt ans pour « aboutir à un coût moyen annuel de maintenance qui soit minimal à long terme tout en garantissant un réseau de qualité ».
À la suite de cet audit, un plan de renouvellement des voies a été mis en place sur la période 2006-2010. Des enveloppes financières supplémentaires ont, certes, été votées lors des précédentes lois de finances, sans toutefois respecter totalement les objectifs du plan, qui se situaient déjà en deçà du scénario optimal préconisé par le professeur Rivier.
Le Grenelle de l’environnement a affirmé la priorité donnée au fret non routier pour les transports de marchandises et l’engagement de l’État pour l’entretien et la régénération du réseau ferroviaire.
L’objectif est d’atteindre, en 2015, un financement de 400 millions d’euros supplémentaires par rapport à celui qui avait été arrêté dans le plan de renouvellement 2006-2010 : il s’agirait d’un montant deux fois et demie plus élevé que celui qui avait été constaté en 2004, mais il resterait inférieur à celui qui avait été prévu dans le scénario optimal proposé par les experts de l’École polytechnique fédérale de Lausanne.
La régénération du réseau existant exige, en effet, des besoins de financement très importants. Il suffit, pour s’en convaincre, de se référer à un constat alarmant : pour des raisons de sécurité, des ralentissements sont imposés sur plus de 1200 kilomètres de lignes – essentiellement celles où le trafic est le plus faible – et de très nombreux kilomètres de câbles de contact de caténaire sont à remplacer.
Dès lors, sachant que ce projet de budget pour 2009 est en baisse de 1,8 % par rapport à la loi de finances initiale de 2008, comment accorder du crédit aux annonces du Gouvernement, qui vient de signer un contrat de performance avec Réseau ferré de France de 13 milliards d’euros pour cinq ans ?
L’aide de l’État n’augmentant pas – elle diminuera même légèrement en 2009 –, RFF devra améliorer sa productivité et ses recettes.
Ce contrat prévoit la vente de terrains qui ne sont désormais plus nécessaires à l’exploitation ferroviaire, la réalisation de gains de productivité, en favorisant, notamment, le renouvellement des voies et du ballast plutôt que l’entretien ponctuel, enfin, l’augmentation des péages.
À la lecture de ce contrat, je conclus que le Gouvernement compte, en réalité, sur l’engagement des régions pour aider RFF à régénérer les lignes où circulent les TER.
À ce sujet, il convient de rappeler que l’entretien et la régénération du réseau relèvent de la compétence de l’État et non de celle des régions, même si certaines d’entre elles ont été obligées, pour des raisons de sécurité, d’y contribuer dans le cadre des contrats de projet.
Il ne faut pas oublier que les régions financent déjà intégralement le renouvellement et la modernisation des matériels des TER.
Quant à la dette de RFF, elle n’apparaît plus dans le « bleu » budgétaire : il est donc très difficile d’apprécier la situation réelle de RFF et l’état de cette dette.
La Cour des comptes, dans un rapport d’avril 2008, avait pourtant estimé qu’il appartenait à l’État de délester RFF d’au moins 12 à 13 milliards d’euros sur les 28 milliards d’euros qui constituent sa dette. Cette suggestion n’a donc pas été retenue par le Gouvernement.
En conclusion, j’indique que les membres du groupe socialiste voteront contre les crédits du programme 203, ce pour les différentes raisons que je viens d’exposer et que je résumerai ainsi : ce budget n’est pas une première traduction concrète du Grenelle de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc. (M. Jean-Pierre Raffarin applaudit.)
M. Jacques Blanc. Madame la présidente, madame, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat budgétaire se situe dans une période charnière et alors que nous sommes face à une nouvelle donne.
Tout d’abord, depuis le Grenelle de l’environnement, il est incontestable que le développement durable est désormais au cœur de l’ensemble des politiques publiques. C’était la volonté du Président de la République ; vous la mettez en œuvre, madame, monsieur le secrétaire d’État, et nous sommes heureux d’apporter notre contribution.
Par ailleurs, ce débat se déroule après le vote de la loi « Grenelle 1 » à l’Assemblée nationale et avant son examen au Sénat. Cependant, certaines des mesures de ce projet de budget préfigurent les orientations et les réalisations à venir, ce dont je me réjouis : cela prouve bien que, contrairement à ce que laissent entendre certaines critiques, la loi « Grenelle 1 » traduit réellement les engagements de l’État, même si, pour l’instant, il ne s’agit que de principes : les actions seront ensuite déclinées dans le projet de loi « Grenelle 2 ». Nous sommes donc déjà dans une nouvelle donne.
Il faut également prendre en compte le fait que nous sommes à la veille d’un plan de relance non seulement national, mais également européen.
Ce plan a été annoncé hier par M. José-Manuel Barroso, et exposé ce matin au comité des régions d’Europe, à Bruxelles : j’y vois le signe que demain, peut-être, le développement durable sera le moteur de la relance économique et que cette nouvelle approche, fondée sur les nouvelles technologies, permettra de relancer l’activité.
Enfin, nous sommes, je l’espère, à la veille de l’adoption par l’Europe du paquet « Énergie-climat ».
La France porte ce paquet « Énergie-climat », que vous défendez, mes chers collègues. Nous espérons que les négociations aboutiront avant la fin de la présidence française. Ainsi, notre pays serait en position de force pour le rendez-vous de Copenhague.
L’élection de Barack Obama ouvre des perspectives nouvelles : il a manifesté avec force, à différentes reprises, sa volonté – il l’a confirmé au téléphone à M. José-Manuel Barroso – de lutter en faveur de l’utilisation des nouvelles énergies et de la préservation de l’équilibre climatique.
Malgré une nouvelle présentation des crédits, qui rend leur examen un peu complexe, l’excellent travail des quatre rapporteurs spéciaux et des six rapporteurs pour avis nous a permis de procéder à une analyse assez objective.
Je me propose d’aborder quelques points qui paraissent essentiels à l’élu de terrain que je suis, élu de Lozère, plus largement du Languedoc-Roussillon, mais aussi de l’Europe.