M. Philippe Marini, rapporteur général. Vraiment ?
M. Adrien Gouteyron. Mais je n’ose pas le croire !
Mme Nathalie Goulet. Vous avez tort !
M. Jean-Pierre Chevènement. Tout est possible !
M. Adrien Gouteyron. On me l’a pourtant dit…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils doivent être révoqués dans l’instant !
M. Adrien Gouteyron. Il est donc indispensable de mobiliser fortement l’encadrement administratif de l’État et de ses services déconcentrés.
Nous devons retenir une voie moyenne entre, d'une part, un modèle directif, où la décision tombe d’en haut, verticalement, à la française, mais n’est pas toujours obéie, d’autant que l’encadrement intermédiaire ne se sent pas impliqué, et d'autre part, un modèle plus participatif, dans lequel la concertation interne, il est vrai, présente le risque d’une dilution de la réforme. Il nous faut trouver le bon équilibre !
Voilà, monsieur le secrétaire d'État, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part.
Tout à l'heure, en terminant son intervention, M. le rapporteur général a affirmé sa confiance dans votre politique. Vous avez une lourde tâche, monsieur le secrétaire d'État, mais nous connaissons votre savoir-faire et votre volonté. C’est pourquoi je tiens à vous assurer à mon tour de ma confiance pour la conduite de cette mission difficile et délicate. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question des effectifs de la fonction publique de l’État suscite, ici et là, nombre de polémiques, qui sont parfois justifiées, parfois ne le sont pas, mais qui, de toutes les manières, montrent l’attachement profond de nos compatriotes à l’État, garant des libertés publiques, et, par là même, à son administration, malgré ceux qui font profession de soutenir, non sans une certaine démagogie, que l’on pourrait aisément s’en passer !
Pour ma part, je crois à l’impérieuse nécessité pour la République de disposer d’une fonction publique cohérente et efficace, et non d’un État dépourvu de règles et qui aurait abandonné successivement la plupart de ses missions régaliennes.
De là l’importance de la pédagogie explicative, qu’il convient de mettre en œuvre lorsque l’on annonce telle ou telle réduction des effectifs de la fonction publique, afin de préparer l’opinion et, au premier chef, les acteurs mêmes de la fonction publique, à recevoir cette information.
De là, aussi, le danger de tomber dans l’un ou l’autre excès consistant à affirmer, sans tenir compte de la réalité des besoins et de la diversité des secteurs concernés, d’un côté, qu’il y a trop de fonctionnaires et qu’il faut sabrer à la hussarde dans leurs effectifs, et de l’autre, qu’il n’y en a pas assez et qu’il faut, au contraire, en augmenter le nombre !
De là, enfin, l’indispensable objectivité qu’il convient de conserver dans un dossier difficile, souvent caricaturé parce que ceux qui en parlent le plus ne sont peut-être pas ceux qui le connaissent le mieux ! (Mme Jacqueline Gourault et M. Michel Mercier applaudissent.)
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Pour avoir moi-même exercé, pendant plusieurs années, un certain nombre de responsabilités dans l’administration centrale et territoriale d’un grand ministère, je suis consciente du fait que les effectifs de la fonction publique ne peuvent demeurer identiques à ce qu’ils ont été dans le passé. La France d’aujourd’hui ne peut en aucun cas être administrée comme celle d’hier.
Compte tenu du développement des nouvelles technologies, en particulier informatiques, joint à la décentralisation et à la déconcentration administrative, sans compter, par exemple, la dématérialisation des procédures de contrôle, la fonction publique n’est plus du tout la même qu’il y a vingt, trente ou cinquante ans ; c’est une évidence !
Maintenir des fonctionnaires simplement pour la forme, dans des postes aux missions atrophiées, serait inconsidéré, tout comme il ne serait pas raisonnable de laisser des fonctionnaires dans des fonctions inappropriées faute d’avoir su leur fournir une formation suffisante ou d’avoir correctement géré les effectifs. Il en va aussi bien de l’intérêt des fonctionnaires eux-mêmes que de celui de l’État.
Inversement, il ne faut pas profiter de la nécessité de moderniser l’État pour sacrifier un certain nombre de services que la fonction publique peut et doit rendre à la collectivité nationale, sous réserve d’un inventaire rigoureux de ces services. Il convient de dresser un état des lieux sérieux et impartial et de procéder à une analyse pertinente des besoins, puis, au regard de ces derniers, de veiller à leur fournir les effectifs correspondants.
En effet, la réduction des effectifs, que symbolise le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, ne doit pas être une fin en soi, le seul objectif avancé étant de permettre, à l’horizon de l’année 2011, de réaliser une économie de 7 milliards d’euros d’économie. Elle doit être l’occasion d’améliorer le travail des fonctionnaires et de l’adapter aux réalités du monde contemporain.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. La suppression de 36 000 emplois dans la fonction publique – tel est le chiffre avancé pour l’année 2009 – correspond-elle à ce dernier objectif ? C’est ce qu’il appartient de déterminer, en ne se contentant pas d’appliquer la seule logique comptable et d’invoquer une simple formule mathématique, mais en réfléchissant tous ensemble à la meilleure application possible de ce principe, qui doit impérativement tenir compte du fait que la fonction publique d’État constitue non pas une simple variable d’ajustement budgétaire, mais bien un secteur clef de la vie sociale, économique et culturelle de la nation, sans laquelle celle-ci se déliterait inévitablement.
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Gérer mieux n’implique donc pas obligatoirement de gérer moins de personnels. C’est plus probablement l’ensemble des règles de fonctionnement du système qu’il faut revoir, sans toutefois tomber dans une précipitation qui serait aussi néfaste qu’un attentisme exagéré.
Le fait que le Gouvernement annonce, en effet, de nouvelles réformes de la fonction publique, alors que les décrets d’application des précédentes réformes n’ont pas encore été publiés, ôte de la crédibilité à son action.
De même, il est inadmissible que des projets de loi pourtant réputés « urgents » demeurent en suspens. Je pense notamment – le cas a déjà été rappelé – au texte relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, adopté par le Sénat le 29 avril dernier, qui est toujours en attente de discussion à l’Assemblée nationale et dont on nous dit, monsieur le secrétaire d’État, que, peut-être, si tout va bien, les députés pourraient en être saisis au début de l’année 2009.
Comme nous tous ici, j’ai pris connaissance avec le plus grand intérêt du Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, et des cinq grandes orientations qui y sont préconisées en ce qui concerne les valeurs, les missions, la fonction publique des métiers, la place du contrat et la gestion des ressources humaines, sans oublier les quarante propositions qui les accompagnent.
J’ai aussi lu attentivement l’action « Modernisation de l’État » et les 337 mesures qu’elle comporte. Enfin, j’ai parcouru le rapport de la commission des finances consacré à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », et plus particulièrement son septième chapitre, consacré au programme 148 « Fonction publique », dont les trois objectifs sont de promouvoir une nouvelle gestion des ressources humaines dans la fonction publique d’État, d’optimiser la formation des fonctionnaires et enfin d’optimiser la gestion des prestations d’action sociale interministérielle, …
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. … le tout accompagné d’indicateurs de performances dont nul ne saurait contester les buts si, naturellement, l’efficience est au rendez-vous.
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Compte tenu des arguments développés, comment peut-on être opposé à la réforme de l’État et, de ce fait, à la réduction progressive du nombre des fonctionnaires ?
Il faut cependant qu’une condition soit remplie, et elle n’est pas négligeable : cette réforme doit garantir à la fois une plus grande cohérence dans l’organisation de l’État et une distribution plus efficace des ressources. De surcroît, une telle réforme ne peut faire l’économie d’une véritable réflexion sur une meilleure articulation de la réforme des services déconcentrés de l’État avec celle des collectivités locales et territoriales.
S’agissant des fonctionnaires de l’État, l’évolution de leurs métiers impose, en même temps qu’une révision de leurs statuts, une stratégie de formation totalement renouvelée. C’est pourquoi, si je me félicite de la revalorisation, au niveau déconcentré, des crédits de formation relatifs au droit individuel à la formation – en hausse de 10 % –, je ne peux que regretter la baisse de l’enveloppe des crédits consacrés à la formation interministérielle – moins 21 % –, qui me semble en contradiction avec les objectifs affichés jusque-là par le Gouvernement en la matière.
Certes, il est vrai que, dès qu’il s’agit de besoins, on ne peut mettre sur le même plan les fonctionnaires du corps préfectoral avec ceux des services fiscaux, ceux de l’éducation nationale avec ceux de la défense, ou encore ceux de la justice avec ceux de l’aménagement du territoire.
Mais la discussion budgétaire, dans les jours qui viennent, nous permettra sans doute de revenir sur cette question avec l’étude des crédits de chaque département ministériel.
À titre d’exemple, il semblerait ainsi que, si un effort incontestable a été consenti pour la justice, l’éducation nationale, quant à elle, ait été moins bien traitée, …
M. Jacques Mahéas. Dites plutôt qu’elle est maltraitée !
Mme Anne-Marie Escoffier. … sauf à considérer que les enseignants qui, la semaine dernière, ont en grand nombre exprimé leur inquiétude, sont mal informés !
Quoi qu’il en soit, si je ne puis que me féliciter de l’harmonisation projetée des filières des trois fonctions publiques – fonction publique d’État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière –, je n’en continue pas moins à m’interroger sur les dispositions qui permettront d’assurer une véritable mobilité des fonctionnaires, sans laquelle, à mon avis, il ne sera possible d’améliorer ni leur situation ni les services qu’ils rendent et doivent continuer de rendre au public.
À cet effet, il me paraîtrait opportun, monsieur le ministre, que soit organisé au Parlement un vaste débat sur l’avenir des trois fonctions publiques permettant à l’ensemble de la représentation nationale et au Gouvernement de faire le point sur cette importante question.
Je suis très sincèrement convaincue qu’au moment où l’on s’interroge sur ce qu’est et ce que doit être le service public, un tel débat viendrait utilement nourrir la réflexion du Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous retrouvons de nouveau pour débattre des effectifs de la fonction publique.
L’article 34 de la loi de finances pour 2009, dit « article d’équilibre », fixe le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État, exprimé en équivalents temps plein travaillé : 2 123 417. Ce plafond fera l’objet d’un vote global tout à l’heure.
Cette année, pour la première fois, l’évolution des crédits fait l’objet d’une programmation triennale, à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet dernier. Pour la première fois également, l’article 40 du projet de loi de finances fixe un plafond des emplois des opérateurs décliné par missions et programmes, ce dont nous nous réjouissons, car le phénomène de vases communicants entre effectifs de l’État et opérateurs a trop longtemps faussé les chiffres.
La programmation pour la période allant de 2009 à 2011 conduit à fixer des plafonds de dépenses par missions. Les ministres sont ainsi engagés non seulement à faire face aux priorités, contraintes et charges nouvelles dans le respect de ces plafonds, mais à faire des réserves internes à leur mission pour pallier les aléas de la programmation. Autant dire que, dans cette perspective, la maîtrise des dépenses de personnels constitue un enjeu crucial.
Avec une constance aussi coupable qu’obstinée, le Gouvernement fait des agents publics, pour la septième année consécutive, la variable d’ajustement de ses errances budgétaires. Il poursuit, en l’accentuant, sa politique de réduction des effectifs. Après 993 suppressions de postes en 2003, les chiffres ont été portés successivement à 4 537 en 2004, 7 392 en 2005, 5 318 en 2006, 11 244 en 2007 et 22 921 en 2008. En 2009, ce sont 30 627 postes qui disparaîtront.
L’objectif du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux est quasiment atteint, avec 45 % des 68 000 départs à la retraite prévus pour 2009 non compensés. Cette tendance serait encore amplifiée, nous dit-on, en 2010 et en 2011.
La moitié des économies ainsi dégagées financera des mesures catégorielles. Notons tout de même qu’il ne s’agit pas là d’une manne financière très importante ! Cela ne suffira en aucun cas à financer des dépenses nouvelles. Les économies réalisées ne permettront que d’autofinancer la masse salariale, de l’avis même de Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale.
En deux ans, ce sont plus de 52 000 emplois qui sont supprimés. Jeudi dernier, ici-même, en ouvrant le débat sur le projet de loi de finances, M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique se vantait d’appliquer une « recherche systématique d’efficacité des dépenses », d’où « une baisse des effectifs de 30 600 emplois ». Et il ajoutait, comme s’il s’agissait d’un exploit propre à susciter l’admiration : « soit, en une année, autant que durant tout le quinquennat précédent ».
Pour ma part, je suis plutôt consterné par cette nouvelle réduction des effectifs, qui est d’une ampleur sans précédent. D’autant que, une fois de plus, le ministère de l’éducation nationale paie le plus lourd tribut, puisqu’il perd 13 500 emplois. La réaffectation sur des « postes classe » de 3 000 enseignants spécialisés, rééducateurs et psychologues scolaires des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, constitue une grave régression sociale, aussi dommageable pour les élèves les plus fragiles et leurs familles que pour l’école elle-même.
Au moins 160 000 manifestants ont exprimé leurs légitimes inquiétudes le 20 novembre dernier, espérant être enfin entendus d’un ministre qui, le matin même, brocardait à la radio la « culture de la grève » des enseignants et « des syndicats dont la fonction principale est d’organiser la résistance au changement, comme si le monde ne changeait pas autour de nous ».
Ce sont là des propos scandaleux !
M. Adrien Gouteyron. Oh !
M. Jacques Mahéas. N’importe quel maire vous dira l’ampleur qu’a eue ce mouvement de grève. Dans ma commune de Neuilly-sur-Marne, sur onze écoles maternelles, neuf étaient à 100 % en grève ! C’est du jamais vu dans l’éducation nationale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour moi, c’était plutôt du 25 % ou du 35 % !
M. Jacques Mahéas. Pour vous, le ciel est toujours bleu ! (Sourires.)
Un tel acharnement pousserait presque à croire que le Gouvernement n’aime ni son école ni ses fonctionnaires.
Le Président de la République a d’ailleurs eu des mots tout aussi malheureux lors de son discours sur les mesures de soutien à l’économie, à Argonay, en Haute-Savoie, le 23 octobre dernier. Je cite ses propos sur la grève des fonctionnaires de la mi-octobre : « J’ai grand respect pour le droit de manifester. Mais quand j’entends parfois les slogans des manifestants, je me demande si ceux-ci se rendent compte de la gravité de la crise. Que des gens viennent de bonne foi nous demander, en réponse à la crise, d’embaucher davantage de fonctionnaires et davantage d’emplois publics, je me demande s’ils ont bien compris dans quel monde nous vivons ? »
M. Philippe Dominati. Il n’a pas tort !
M. Jacques Mahéas. Ce sont là les propos d’un Président de la République !
Un tel respect semble un bien piètre alibi quand on désigne ainsi les fonctionnaires à la vindicte populaire !
Est-il donc nécessaire de rappeler que les agents publics sont non pas une charge, mais une richesse ? À force de mutualiser, délocaliser, ne pas recruter ou externaliser, avec des objectifs purement comptables, on prend le risque d’une dégradation conséquente de la qualité du service public.
C’est une politique à courte vue, même sur le plan socio-économique, car, comme le mentionne la toute récente publication de l’INSEE France, portrait social, parue en novembre 2008, « les services publics de santé, éducation et logement contribuent deux fois plus que les transferts monétaires à la réduction des inégalités de niveau de vie ».
Les services publics doivent être enfin considérés pour ce qu’ils sont : un investissement, un élément d’attractivité de notre économie. La France traverse une grave crise. Comment ne pas prendre en considération que la fonction publique représente 20 % des salariés ? Comment négliger son rôle intégrateur ?
Le dogme du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ignore la question des besoins : les départs à la retraite ne sont pas là où l’on pourrait supprimer des emplois de façon réfléchie. La RGPP est venue couronner cette logique comptable en lui offrant un instrument systématique de rabotage, le tout sans véritable débat et de manière très technocratique, les décisions se prenant sur la base de travaux réalisés par des fonctionnaires et des cabinets privés.
Le Gouvernement fait de la réduction des effectifs un point dur de sa politique, alors qu’il s’est lui-même démuni de toute marge de manœuvre. En effet, les réductions fiscales coûtent beaucoup plus cher que ce que rapportent les économies réalisées par les suppressions d’emploi.
Alors qu’il mène une politique de purge de la fonction publique, il semble moins regardant sur les emplois de cabinets et les primes afférentes : si le premier gouvernement Fillon comptait vingt et un membres, celui d’aujourd’hui en comprend trente-huit, qui, pour la plupart d’entre eux, ne respectent pas la norme fixée par le Premier ministre en mars 2007, à savoir vingt conseillers par ministre de plein exercice et quatre par secrétaire d’État.
Parallèlement, le pouvoir d’achat des fonctionnaires ne cesse de se dégrader en l’absence d’une politique salariale digne de ce nom. Depuis 2002, les revalorisations du point d’indice sont de manière systématique inférieures à l’inflation, ce qui entraîne une perte de pouvoir d’achat estimée entre 6 % et 7 % sur les six dernières années.
Une augmentation du point d’indice de 0,8 % en 2008, quand l’inflation tourne autour de 3 %, n’est pas acceptable. En 2010 et en 2011, elle sera de 0,5 %.
Le Gouvernement refuse désormais toute négociation sur le point d’indice. Les syndicats estiment que, d’ici à vingt ans, un fonctionnaire ne gagnera en fin de carrière que 25 % de plus qu’au début de celle-ci, au lieu de 50 % à 60 % aujourd’hui, et 80 % hier. Cela revient à supprimer la carrière.
La revalorisation du point d’indice demeure pourtant un élément essentiel. Il ne faut pas oublier que le traitement indiciaire représente en moyenne 85,4 % de la rémunération des fonctionnaires et constitue d’ailleurs la totalité de la rémunération de nombreux fonctionnaires de l’État.
De plus, la revalorisation du point d’indice est la seule mesure salariale qui bénéficie à l’ensemble des fonctionnaires, y compris les fonctionnaires territoriaux.
Le fait que la progression de carrière compense certaines pertes de pouvoir d’achat en raison du « glissement vieillesse technicité » ne saurait justifier lesdites pertes.
Enfin, les mesures catégorielles ou ponctuelles tendant à limiter les conséquences des pertes de pouvoir d’achat ne peuvent être considérées comme des solutions satisfaisantes pour remédier à la dégradation du niveau de vie des agents. Privilégier l’accessoire de la prime crée de la précarité et de l’insécurité.
Il en va ainsi de la garantie individuelle de pouvoir d’achat, la GIPA, résultat d’un accord minoritaire et instaurée par un décret du 6 juin 2008. Pour la période comprise entre le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2007, pendant laquelle l’inflation a été de 6,8 %, la GIPA bénéficie à 130 512 agents pour un montant moyen allant de 1 082 euros en catégorie A à 93 euros en catégorie C. En réalité, il s’agit d’un versement a posteriori, ce qui permet au Gouvernement de vivre à crédit sans jamais verser d’intérêts.
Je me permets de citer un autre tour de passe-passe : la monétarisation des jours de RTT non pris au 31 décembre 2007 se limite au rachat de quatre jours de façon forfaitaire. Il ne s’agit là ni d’heures supplémentaires ni de traitement indiciaire.
Ce sont là autant de coins dans le statut, autant de systèmes d’individualisation des rémunérations. Le nouveau dispositif annoncé, à savoir la prime de fonctions et de résultats, en est un autre. J’attends la parution du décret de création, mais « faire du chiffre » ne m’a jamais paru un gage de qualité du service rendu.
Je dirai un mot également sur le report de l’âge maximal de la retraite à soixante-cinq ans, adopté aux termes de l’article 62 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je ne comprends pas comment le Gouvernement veut tout à la fois diminuer le nombre de fonctionnaires par le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et permettre aux agents de prolonger leur activité au-delà de la limite d’âge où l’on peut liquider sa retraite à taux plein.
Comme l’ont souligné les syndicats, l’âge légal du départ à la retraite ne change pas : en réalité, il dépendra des parcours individuels, et le moment du départ à la retraite s’éloigne toujours davantage.
Le droit à la retraite à soixante ans pour les salariés de droit privé et le statut de la fonction publique pour les fonctionnaires sont subrepticement remis en cause. Cela permet ainsi de préparer les uns et les autres à une diminution des retraites ou à l’obligation de poursuivre leur travail, voire de cumuler emploi et retraite.
Pour conclure, je regrette que ce quatrième débat sur les effectifs, qui n’a pas son pareil à l’Assemblée nationale, n’ait de débat que le nom, puisque tout repose a priori sur une aveugle logique comptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout change, mais pourtant, rien ne change.
En effet, l’année dernière, M. le Premier ministre nous annonçait ceci : « La réforme de l’État supposera que chacun d’entre nous accepte qu’il y ait moins de services, moins de personnel, moins d’État sur son territoire. »
Cette année, M. le Président de la République affirme que la crise aura des conséquences « dans les mois qui viennent sur la croissance, sur le chômage, sur le pouvoir d’achat ». « L’idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle », juge-t-il. Il estime donc qu’il faudra trouver un « nouvel équilibre entre l’État et le marché ».
Nous pourrions croire que, à un an d’écart, nous assistons à une véritable volte-face de la politique gouvernementale.
Pourtant, si, dans son discours de Toulon, il appelait au retour de l’État, dès le lendemain, les choix fiscaux du Gouvernement étaient confirmés dans le projet de budget pour 2009 : des milliards d’euros d’exonérations fiscales pour les couches les plus riches de la société, des dizaines de milliers de suppressions d’emplois dans la fonction publique, des coupes budgétaires et la réorganisation territoriale de l’État, qui vont diminuer les capacités d’intervention de celui-ci.
En effet, après 15 000 postes supprimés en 2007, 23 000 en 2008, ce sont cette année plus de 30 600 emplois en équivalents temps plein qui vont ainsi disparaître.
Cette réduction sans précédent des effectifs de l’État affecte la quasi-totalité des ministères. Cette tendance ne va faire que s’accentuer dans les années à venir puisque, pour la période de 2009 à 2011, il est prévu que 58 % des départs à la retraite ne devront pas être remplacés.
Au total, ce sont de 250 000 à 300 000 emplois qui auront été supprimés entre 2003 et 2012. C’est énorme !
Cette année, une fois de plus, c’est l’éducation nationale la plus touchée : la suppression de 13 500 équivalents temps plein supprimés est une véritable hémorragie. Il faut désormais y ajouter la suppression des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les attaques répétées contre les maternelles et leurs personnels, la prochaine suppression des BEP et les menaces sur les statuts des personnels divers de l’éducation publique.
En somme, le Gouvernement est en train d’organiser la faillite de l’éducation nationale – après celle de l’hôpital public – pour mieux pouvoir privatiser cette dernière.
Malheureusement, l’enseignement public n’est pas le seul à être touché : c’est l’ensemble des secteurs de la fonction publique qui est menacé.
Ainsi, cette année, les missions « Travail » et « Logement » vont perdre, en euros constants, jusqu’à 12 % de leurs crédits. Par ailleurs, il est prévu, dans le projet de budget de financement de la sécurité sociale pour 2009, une augmentation des crédits d’assurance maladie de 3 %, alors que les chiffres les plus modestes qui circulent font état d’un besoin de 7 % à 8 % de hausse pour faire face aux premières exigences du service public hospitalier.
Les collectivités locales, qui reçoivent environ 50 milliards d’euros par an de subventions et de crédits pour assurer les missions que l’État a confiées à la fonction publique territoriale, vont voir leurs crédits augmenter de 0,8 % seulement – c’est moins que l’inflation –, alors que les transferts de compétences continuent à produire toujours plus leurs effets.
À vrai dire, le dogmatisme libéral du Gouvernement confine plus que jamais à l’autisme politique. Quasiment tout le monde et toutes tendances politiques confondues s’accordent à dire que les prochains mois, voire les prochaines années, vont être marqués par une aggravation du chômage et de la précarité. Or, la suppression d’un si grand nombre d’emplois publics ne va faire qu’amplifier ce phénomène, d’autant qu’elle s’accompagne d’un gel des salaires pour l’ensemble de la fonction publique.
En effet, de manière systématique depuis 2002, les revalorisations du point d’indice sont inférieures à l’inflation.
La perte de pouvoir d’achat causée par cette faiblesse de l’évolution de la valeur du point d’indice sur les six dernières années est estimée entre 6 % et 7 %. Pour de nombreux agents, cette politique salariale s’est traduite par une réduction de traitement.
Selon les estimations de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, plus de 17 % des agents de l’État ont subi une telle baisse entre 2001 et 2007. Pour la moitié d’entre deux, le montant de la perte de pouvoir d’achat dépasse 700 euros.
Or, en 2008, les réévaluations du point d’indice se sont limitées à une augmentation d’environ 0,8 %, bien inférieure à celle de l’inflation annuelle, estimée quant à elle à 2,9 %, ce qui accentue encore plus le décrochage entre l’évolution du point d’indice et l’inflation.
Bien que cette situation soit pour le moins alarmante, c’est la réponse donnée par le Gouvernement qui nous inquiète le plus. En effet, il envisage non pas de revaloriser le point d’indice, mais d’apporter quelques mesures « ponctuelles et ciblées », totalement insuffisantes pour remédier à la dégradation du niveau de vie des agents, ne concernant généralement qu’une minorité de fonctionnaires et n’apportant des réponses qu’à court terme.
S’il n’y a pas de projet de revalorisation du point d’indice, c’est parce que, petit à petit, le Gouvernement s’emploie à modifier les règles de rémunérations en vigueur dans la fonction publique.
En effet, si le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, dans lequel était déjà prévue une dérégulation partielle de la fonction publique, semble, pour l’instant, avoir été oublié – peut-être est-ce une bonne chose, d’ailleurs ? –, les décrets instaurant un système de primes individuelles selon « la fonction » et « les résultats » sont bien là, quant à eux !
Ainsi, d’ici à 2012, l’ensemble des 198 200 fonctionnaires d’État devront être soumis à un système de primes, comme les salariés des franges les plus dérégulées et concurrentielles du secteur privé.
Un tel système ne va faire que dégrader l’action de la fonction publique : d’une part, il reviendra à rémunérer les missions sensibles au rendement, au détriment de la qualité des usagers ; d’autre part, il ne garantira en rien une revalorisation du pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés de la fonction publique, sinon de quelques-uns.
L’intérêt général a besoin de personnels dont la qualification soit reconnue et qui soient présents sur tout le territoire, et non de salariés interchangeables et corvéables à merci ; il a besoin de solidarité et non de concurrence, de stabilité et non de précarité, de sens des responsabilités et non de docilité, d’indépendance et non de soumission aux intérêts particuliers, toutes choses que le statut des fonctionnaires, mis en œuvre depuis la Libération, même s’il a été modifié depuis, a contribué à réaliser et que le Gouvernement s’emploie à démolir consciencieusement.
En effet, de fusions en restructurations, d’externalisations en privatisations et de flexibilité en précarité, une vaste opération de destruction des fondements du service public et de la fonction publique s’accélère sous nos yeux.
La fameuse révision générale des politiques publiques est le plus récent développement de cette campagne dirigée par le Gouvernement, encouragée, notamment, par le patronat et menée par des cabinets privés.
Elle s’attaque frontalement à l’ensemble de la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière.
Elle se traduira par la détérioration organisée des services rendus au public – cela s’est déjà produit dans d’autres secteurs, tels La Poste, EDF, les télécommunications, les transports –, ouvrira la voie à la privatisation des activités les plus profitables, pour ne pas dire les plus rentables, mais conduira, en revanche, à la disparition de nombreuses autres.
Mais le plus alarmant, c’est que cette réforme se fait dans la plus totale opacité. À ce sujet, il est consternant d’entendre M. le ministre du budget oser affirmer qu’il n’y aura pas de bonne réforme de la fonction publique si les fonctionnaires ne sont pas suffisamment informés ou consultés, alors même que, selon un sondage TNS-SOFRES datant du mois dernier, seuls 25 % des fonctionnaires ont entendu parler de la RGPP.