Mme Colette Mélot. Cet amendement tend à pénaliser davantage les entreprises qui produisent et mettent sur le marché des produits fortement générateurs de déchets, notamment les emballages, plutôt que les collectivités territoriales, qui assurent une mission de service public.
Ces entreprises seraient pénalisées par la création d'un tarif plus élevé – supérieur de 10 % – sur les déchets industriels banals, les DIB, que sur les déchets des ménages et des collectivités.
Je rappelle que les DIB et les déchets des ménages et des collectivités constituent l'ensemble des « déchets ménagers et assimilés ».
Alors que les ordures ménagères font l’objet d’une taxation indirecte – la taxe ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM ou la REOM –, donc sans aucune incidence sur les comportements, la taxation directe vise à réellement dissuader les entreprises de produire des déchets.
Cette mesure devrait permettre d'augmenter le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, contribuant ainsi à l’objectif recherché.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L’amendement n° I-131 rectifié ter, très complet, vise à établir un profil différent des tarifs de la TGAP en préconisant une forte augmentation pour les installations non autorisées, une augmentation plus progressive pour les installations certifiées, une extension de la tarification applicable aux installations certifiées vers les installations pratiquant une valorisation énergétique du biogaz de plus de 75 %.
Il tend, ensuite, à créer un tarif fortement réduit pour les installations à la fois certifiées et valorisant le biogaz.
Il introduit également une modulation mineure du tarif pour les autres installations autorisées.
Enfin, il vise les déchets ménagers et assimilés traités dans une installation de stockage et non réceptionnés dans une telle installation.
La commission estime, tout d’abord, que le reprofilage des tarifs de la TGAP, qui n’est pas un pur exercice de répartition, conduirait à un manque à gagner ou à financer du côté de l’ADEME ; M. le ministre pourra peut-être nous en préciser le montant.
Ensuite, la question de la valorisation du biogaz est posée dans cet amendement, comme dans plusieurs autres amendements. N’étant pas moi-même ingénieur spécialisé dans l’environnement de ces installations, je ne peux que livrer au débat, par souci d’objectivité, des considérations techniques qui m’ont été communiquées par les services du ministère de l’écologie, de l’énergie et du développement durable, ou par les vôtres, monsieur le ministre ; je vous demande donc votre indulgence, mes chers collègues, et vous invite à appréhender ces données avec toutes les nuances nécessaires.
Selon ces informations, la valorisation du biogaz en décharge serait moins efficace que la valorisation par méthanisation au sein d’installations spécifiques et elle dissuaderait le tri avant stockage entre les déchets fermentescibles et les déchets non fermentescibles, ce qui est à l’opposé de la démarche qui sous-tend l’article 9.
L’amendement aborde enfin la question des déchets traités et non réceptionnés. Dans la mesure où la TGAP repose sur un système déclaratif, il appartient aux exploitants de ne pas déclarer les tonnages qui n’ont pas été définitivement réceptionnés dans leurs installations. Peut-être est-il préférable d’apporter toute la précision nécessaire dans le texte, à moins que les travaux préparatoires eux-mêmes ne soient suffisamment clairs. Il s’agit là d’une question technique de gestion des déchets qu’il faut approfondir.
À ce stade, en attendant d’en savoir un peu plus et de vous proposer, avec le président Arthuis, quelques éléments de méthode pour progresser dans notre débat, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Les deux sous-amendements nos I-253 ou I-254, qui se cumulent, visent les installations de stockage traitant les lixiviats in situ.
Selon les éléments d’information dont je dispose, l’obligation de traiter ces substances existe déjà et le traitement in situ serait moins performant que le traitement en station d’épuration. J’ignore si certains détenteurs d’installations ont opté à l’époque pour ce choix technique sur les conseils d’autorités aussi crédibles que l’ADEME ou telle ou telle direction départementale du ministère de l’agriculture, mais ce sont des cas d’espèce.
Si l’on s’en tient aux éléments techniques qui m’ont été communiqués, la commission se dirigerait plutôt vers une demande de retrait des sous-amendements nos I-253 et I-254.
L’amendement n° I-132 rectifié bis est un amendement de repli et une version partielle de l’amendement n° I-131 rectifié ter, très complet.
Les amendements nos°I-74 et I-133 tendent à apporter les mêmes précisions que l’amendement n° I-131 rectifié ter sur les déchets réceptionnés ou non réceptionnés dans une installation, afin de prévenir une double taxation, d’abord lorsqu’ils sont réceptionnés dans une installation d’incinération, ensuite lorsqu’ils sont dirigés vers une installation de stockage si l’incinérateur est en arrêt ou en excédent par rapport à sa capacité de traitement.
Ces précisions sont justifiées et nécessaires, monsieur le ministre, pour que le texte soit clair et correctement appliqué.
L’amendement n° I-24 tend à aménager les tarifs de la TGAP sur les installations de stockage. C’est un amendement de synthèse qui traite très largement cette question technique complexe en abordant plusieurs points déjà évoqués, s’agissant du profil de la tarification, de la valorisation énergétique du biogaz, du traitement in situ des lixiviats et encore quelques éléments de modulation.
L’amendement n° I-69, quasiment identique, appelle les mêmes remarques.
L’amendement n° I-205 prévoit une réécriture de la totalité des dispositions du projet de loi proposées pour l’article 266 nonies du code des douanes, afin de distinguer les tarifs de TGAP applicables aux ménages et aux collectivités et ceux qui sont applicables aux entreprises, le tarif pour les déchets industriels banals des entreprises étant majoré de 10 %.
Il n’est pas sûr que l’on puisse identifier clairement les types de déchets entre les entreprises et les particuliers. Par exemple, que fait-on des restaurants, dont les déchets sont collectés avec les circuits généraux de collecte des ordures ménagères ? Il peut se poser un problème d’égalité devant l’impôt.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement a une préférence pour l’amendement n° I-233 présenté par la commission des finances. Il vise, je le rappelle, à moduler à la hausse les tarifs des décharges qui ne sont pas autorisées et à la baisse les tarifs des décharges qui répondent aux normes, un peu comme pour l’amendement que la commission a présenté sur les installations d’incinération.
En ce qui concerne l’amendement n° I-131 rectifié ter, le dispositif proposé est assez couteux. La plupart des tonnages sont mis dans des décharges dont les installations présentent de bonnes garanties environnementales. Seules très peu de décharges aujourd'hui ne répondent pas aux normes.
La perte de recettes de TGAP serait d’environ 100 millions d’euros. Ce n’est donc pas un petit enjeu, mesdames, messieurs les sénateurs.
En ce qui concerne la valorisation du biogaz, l’amendement précédent relatif aux bioréacteurs vous a donné satisfaction.
Dans la mesure où la plupart des unités d’enfouissement sont dotées de récupérateurs de gaz,…
M. Dominique Braye. Non !
M. Éric Woerth, ministre. … étendre la réduction à des installations faisant l’objet d’une valorisation du biogaz élargirait de manière très importante le dispositif.
Tout ce qui est méthanisation n’est pas soumis à la TGAP, car c’est a priori ce que le ministère de l’environnement considère comme le plus efficace sur le plan de l’environnement.
Tout à l’heure, nous avons étendu le dispositif aux bioréacteurs. L’étendre encore poserait des difficultés et serait certainement contraire à l’intérêt même de l’environnement.
L’idée est non pas d’inciter à l’enfouissement, et en conséquence d’augmenter les volumes enfouis, mais plutôt de réduire la production et la quantité des déchets.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
En ce qui concerne le sous-amendement n° I-253, qui a pour objet d’introduire un tarif de faveur applicable aux déchets stockés dans une décharge assurant le traitement des lixiviats in situ, l’avis du Gouvernement est défavorable.
L’objectif relève en réalité plus de la réglementation que de l’incitation fiscale.
En ce qui concerne le sous-amendement n° I-254, qui a pour objet d’introduire un tarif de faveur pour les décharges valorisant le biogaz et assurant le traitement des lixiviats in situ, le Gouvernement n’y est pas non plus favorable, par cohérence avec l’avis défavorable émis sur le sous-amendement précédent et sur l’amendement visant à réduire la taxation des décharges qui valorisent le biogaz.
En ce qui concerne l’amendement de repli n° I-132 rectifié bis, qui vise à limiter la baisse des tarifs aux seules décharges conformes à la norme, en contrepartie d’un fort relèvement des tarifs applicables aux décharges non autorisées, le Gouvernement y est défavorable.
Je l’ai expliqué, 80 % des décharges sont certifiées. Une telle disposition remettrait en cause le financement par l’ADEME du plan visant à prévenir la production de déchets et à inciter au recyclage.
En ce qui concerne l’amendement n° I-133 de M. Braye et l’amendement n° I-74 de M. Miquel, le Gouvernement peut prendre un certain nombre d’engagements pour donner satisfaction à leurs auteurs.
Nous sommes favorables dans le principe à ces amendements, qui visent à éviter une double taxation dans les cas où des déchets, pour des raisons techniques, passent d’un incinérateur à une mise en décharge.
Je vous propose que ces situations assez particulières soient traitées par voie d’instructions administratives. Fort de la confiance que vous ne manquerez pas de m’accorder, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir retirer ces deux amendements.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° I-233 de la commission des finances.
L’amendement n° I-24 de M. de Montesquiou et l’amendement n° I-69 de M. Miquel sont relatifs à la modulation des tarifs en cas de valorisation du biogaz et du traitement des lixiviats, en contrepartie d’une majoration forte des tarifs pour les décharges non autorisées.
J’ai essayé de l’expliquer, l’augmentation du tarif pour les décharges non autorisées concernerait, en fait, très peu de décharges. D’après le ministère de l’environnement – on peut leur faire confiance !–, il y aurait dix décharges non autorisées, en Corse, en Guyane et en Guadeloupe. Et encore ces décharges ne représentent-elles qu’un faible tonnage. Toutes les autres décharges sont respectueuses des normes. (M. Dominique Braye manifeste son scepticisme.)
Par conséquent, pour les raisons que j’ai déjà évoquées, le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° I-205 de M. Gautier, qui ne serait pas en cohérence avec les normes internationales et communautaires, lesquelles ne distinguent pas entre les déchets ménagers et les déchets assimilés à des déchets ménagers, à savoir les déchets industriels banals, les DIB.
La mise en œuvre de cette mesure se traduirait par un surcroît du coût de gestion pour les collectivités locales, car elle implique des circuits de ramassage tout à fait spécifiques et, par conséquent, par des surcoûts pour les entreprises que celles-ci ne manqueraient pas de répercuter.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l’avis que vous avez exprimé à propos de chacun de ces amendements.
Cela étant, à ce stade du débat, pour faire preuve de méthode et de rigueur, il me paraît judicieux de suspendre nos travaux, le temps de rechercher et de mettre en forme une synthèse de ces différentes propositions.
La matière qui est en délibération est lourde. Elle met en cause des investissements qui ont été réalisés ces dernières années par nombre de collectivités territoriales.
Nous avons réglé le problème des stations d’incinération. Il faut que nous réglions celui-ci avec le même souci d’équité, d’efficacité et en évitant de confondre prélèvements punitifs et prélèvements incitatifs. Il faut bien mesurer l’impact de la TGAP dans la fiscalité locale, car elle se traduira par des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales, donc pour nos concitoyens.
Dans ces conditions, madame la présidente, je demande une suspension de séance d’une trentaine de minutes, pour que la commission des finances puisse se réunir.
J’invite les auteurs des amendements à nous rejoindre pour rechercher une rédaction commune aussi satisfaisante que possible.
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, au terme de la réunion de la commission, à laquelle étaient associés les auteurs des amendements en discussion commune, je demande d’ores et déjà le vote par priorité de l’amendement dont la commission va vous présenter la version rectifiée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité, de droit, est ordonnée.
Je suis en effet saisie d’un amendement n° I-233 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le a du A du 1 du texte proposé par le III de cet article pour l’article 266 nonies du code des douanes :
a) Déchets ménagers et assimilés traités dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ou transférés vers une telle installation située dans un autre État :
«
(en euros)
DÉSIGNATION des matières ou opérations imposables |
Unité de perception |
Quotité 2009 |
Quotité 2010 |
Quotité 2011 |
Quotité 2012 |
Quotité 2013 |
Quotité 2014 |
Quotité à compter de 2015 |
Déchets traités dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés non autorisée en application du titre Ier du livre V du code de l’environnement pour ledit traitement ou transférés vers une telle installation située dans un autre État |
Tonne |
50 |
60 |
70 |
100 |
100 |
100 |
150 |
Déchets traités dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés autorisée en application du titre Ier du livre V du code de l’environnement pour ledit traitement ou transférés vers une telle installation située dans un autre État et autorisée en vertu d’une réglementation d’effet équivalent :
A. ayant fait l’objet d’un enregistrement dans le cadre du système communautaire de management environnemental et d’audit (EMAS) défini par le règlement (CE) n° 761/2001 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 ou dont le système de management environnement a été certifié conforme à la norme internationale ISO 14001 par un organisme accrédité |
Tonne |
13 |
17 |
17 |
24 |
24 |
24 |
32 |
B. faisant l’objet d’une valorisation énergétique du biogaz de plus de 75 % |
Tonne |
10 |
11 |
11 |
15 |
15 |
20 |
20 |
C. autre |
Tonne |
15 |
20 |
20 |
30 |
30 |
30 |
40 |
« Les déchets traités dans une installation de stockage de déchets ménagers ou assimilés visée au A du tableau du présent a ou transférés vers une telle installation située dans un autre État et autorisée en vertu d’une réglementation d’effet équivalent bénéficient d’une réduction à raison des tonnages dont le transfert entre le site de regroupement et le site de traitement final est effectué par voie ferroviaire ou fluviale, sous réserve que la desserte routière terminale, lorsqu’elle est nécessaire, n’excède pas 20 % du kilométrage de l’itinéraire global.
« Cette réduction est égale à 0,50 euro par tonne en 2009, 0,60 euro par tonne en 2010 et 2011, 0,70 euro par tonne en 2012, 0,80 euro par tonne en 2013, 0,90 euro par tonne en 2014 et 1 euro par tonne à compter de 2015. Elle est, à compter du 1er janvier 2016, revalorisée dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu.
II. - Pour compenser les pertes de recettes éventuelles résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes éventuelles résultant pour l’État de la modulation des tarifs de taxe générale sur les activités polluantes en faveur des installations de stockage recourant aux modes de transport alternatifs à la route sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement traduit un certain nombre de modifications par rapport aux positions précédentes de la commission.
Nous distinguerions désormais quatre catégories d’installations de stockage de déchets ménagers.
La première regrouperait les installations non autorisées, qui fonctionnent dans les conditions les plus critiquables et ne devraient plus exister. Ces installations paieraient une TGAP de 50 euros par tonne en 2009, allant jusqu’à 150 euros par tonne à compter de 2015.
Dans la deuxième catégorie, nous retrouverions les installations enregistrées au titre de l’EMAS ou certifiées conformes à la norme internationale ISO 14001 : elles acquitteraient une TGAP s’échelonnant de 13 euros par tonne en 2009 jusqu’à 32 euros par tonne en 2015.
La troisième catégorie réunirait les installations faisant l’objet d’une valorisation énergétique du biogaz à plus de 75 % : elles seraient frappées d’une TGAP de 10 euros par tonne en 2009, jusqu’à 20 euros par tonne à partir de 2014.
Enfin, la quatrième catégorie recouvrirait l’ensemble des autres installations, qui fonctionnent dans la légalité mais ne sont pas certifiées et ne font pas non plus de valorisation énergétique du biogaz. Elle rassemblerait donc vraisemblablement une large majorité des centres d’enfouissement technique. Ces établissements seraient taxés à hauteur de 15 euros par tonne en 2009 pour aboutir à 40 euros par tonne à compter de 2015.
Ce profil de taxation nous paraît raisonnable.
Par ailleurs, l’amendement indique bien que le barème s’applique aux déchets traités et non pas aux déchets réceptionnés.
Je crois pouvoir ajouter que les différents groupes politiques et les auteurs des amendements ont souscrit, au terme de nos délibérations, à cette opération de synthèse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. J’aurais souhaité pouvoir présenter une solution de rechange, mais nous n’avons pas eu le temps matériel de mesurer notamment les conséquences financières de ces diverses propositions.
Si je comprends bien, monsieur le rapporteur général, cet amendement réduit le produit de la TGAP d’une centaine de millions d’euros. À terme, le financement de l’ADEME en pâtirait, mais ce n’est pas le seul problème, car l’ADEME n’est qu’un réceptacle : en réalité, les fonds consacrés au Grenelle de l’environnement seraient réduits d’un peu plus d’une centaine de millions d’euros.
Je rappelle que la proposition du Gouvernement de taxer à 40 euros par tonne en 2015 les décharges les moins performantes est extrêmement modérée par rapport aux pratiques des autres pays européens. Il faut en effet comparer cette taxation à 40 euros en 2015 avec le niveau de taxation atteint dès maintenant par certains de nos partenaires européens : 87 euros en Autriche, 85 euros aux Pays-Bas, 51 euros au Danemark, plus de 50 euros en Allemagne. En 2015, notre tarif sera donc extraordinairement faible en comparaison.
L’idée est donc non pas d’augmenter la fiscalité locale, mais bien d’inciter à la diminution du volume des déchets mis en décharge et de faire baisser le nombre des décharges les moins performantes en termes de recyclage, c'est-à-dire aussi les plus polluantes.
Nous sommes par conséquent tout à fait dans le cadre d’une fiscalité incitatrice. Encore une fois, il ne s’agit pas de faire payer le contribuable. Ce que nous voulons, c’est fermer les décharges les moins performantes et leur substituer des solutions techniques préconisées par l’ADEME, avec les encouragements du Gouvernement, par l’intermédiaire de fonds publics. Et, pour cela, il faut bien trouver des solutions ! La seule que nous ayons trouvée consiste en une incitation par la fiscalité. Si vous réduisez cette incitation, vous réduisez d’autant l’envie qu’auront les collectivités et, à travers elles, les contribuables, de se doter de décharges plus performantes.
Bref, nous ne sommes pas là dans une logique de recettes fiscales. L’enjeu n’est ni de gagner ou perdre quelques euros, ni d’essayer de rééquilibrer le budget de l’État. Il s’agit d’inciter les élus et nos compatriotes à privilégier des systèmes moins polluants, donc plus performants.
Il est vrai qu’il est toujours très difficile d’expliquer à nos concitoyens que, plus ils font d’efforts en matière d’écologie, plus cela leur coûte cher.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Dans le cas du tri sélectif, par exemple, cela apparaît très clairement. Nous sommes tous ici des élus locaux et, à ce titre, nous avons été conduits à implanter, d’une façon ou d’une autre, des systèmes de tri sélectif. Nous savons donc tous à quel point il est compliqué d’expliquer à quelqu’un qu’il aura plus d’efforts à faire qu’avant, et que, par-dessus le marché, il paiera davantage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !
M. Éric Woerth, ministre. En somme, on vous demande de participer au service, et en plus on vous fait payer davantage.
Mais il s’agit là d’un choix culturel.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est du luxe, en période de crise !
M. Éric Woerth, ministre. Non, monsieur le rapporteur général, je ne dirais pas cela, car, à terme, l’écologie devient un secteur économique créateur d’emplois. C’est donc aussi un investissement qui produira de la croissance.
Bref, on demande aux contribuables de payer plus, tout en se montrant plus respectueux envers la planète. En effet, plus vous recyclez, plus cela coûte cher. Ce n’est évidemment pas la même chose quand vous faites n’importe quoi avec les déchets. Mais, encore une fois, nous avons tous décidé d’avancer ensemble sur la voie d’un plus grand respect de l’environnement. Et cela a un prix !
L’objectif de la fiscalité mise en place est de taxer davantage ceux qui font moins, ce qui est une manière d’inciter à se porter vers des systèmes moins polluants et plus performants, et ce même dans les communes rurales.
En effet, nous n’entendons pas taxer davantage les communes rurales que les communes urbaines. Je sais bien que, parfois, en milieu rural, on ne dispose pas des mêmes instruments techniques qu’en ville. Mais enfin, il existe de nombreux types de décharges et toutes les communes, même celles dont les capacités d’investissement sont réduites, peuvent s’équiper, dès lors qu’on les aide à le faire, ce qui est la raison d’être de la fiscalité environnementale. Voilà pourquoi l’ADEME voit ses crédits augmenter.
Je regrette un peu la position de la commission, et je pense que notre désaccord repose sur un malentendu. Vous avez l’impression que nous voulons taxer davantage nos concitoyens, en l’occurrence à travers la fiscalité locale. Mais ce n’est pas le cas. Nous entendons simplement établir une différence entre les communes qui font l’effort de s’équiper et les autres.
C’est bien là tout le problème d’une fiscalité incitative : il faut avoir le courage de la voter pour que l’incitation fonctionne ; si on la diminue, l’incitation disparaît et on passe à côté de l’objectif visé.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, autant je suis d’accord sur l’objectif, autant je suis en total désaccord avec les moyens que vous proposez.
Fiscalité incitative, dites-vous. Force est de constater pourtant que les communes qui payent le moins, sur notre territoire national, sont celles dont les élus locaux en ont fait le moins !
À l’inverse, ceux qui se trouvent les plus pénalisés sont les élus qui ont suivi les recommandations de l’État, et en particulier de l’ADEME, en choisissant un certain nombre de procédés qui leur ont été conseillés, voire qu’on les a poussés à adopter.
Ils ont donc investi, et, pour cela, ont dû parfois prévoir un amortissement extrêmement long, sur une durée allant jusqu’à vingt-cinq ans. Et, au bout d’à peine cinq ans, alors que ces charges pèsent sur leurs administrés, l’État change radicalement d’avis.
Tant pis pour eux ! Ils ont investi suivant vos conseils, ils ont encore besoin de vingt ans pour amortir leurs investissements, mais vous avez changé d’avis. Qu’ils se débrouillent comme ils l’entendent ; de toute façon, ils ne bénéficieront d’aucun bonus par rapport à ceux qui n’ont rien fait.
Ce n’est pas là ce qu’on peut appeler de la fiscalité incitative, monsieur le ministre !
Dans le cadre de mes fonctions de président du groupe d’études sur les déchets, j’ai été amené à étudier ce qui se passait à l’étranger. À ce titre, j’ai notamment observé le système adopté en Angleterre. S’il est vrai que l’on a fixé là-bas à un niveau très élevé la taxe correspondant chez nous à la TGAP, les Anglais ont toutefois instauré, à côté, des systèmes d’incitation très efficaces auprès des collectivités pour aider celles-ci à se doter des installations qu’ils préconisent, ce qui n’est absolument pas le cas en France.
Par conséquent, en ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas parler de fiscalité incitative. À la rigueur, il s’agit d’une fiscalité dont nous aurions aimé qu’elle soit simplement dissuasive, et qui est maintenant en train de devenir punitive. Cet adjectif est clairement employé par tous les professionnels, qui nous souhaitent d’ailleurs bien du plaisir pour expliquer à nos administrés que nous allons non seulement leur demander de faire des efforts, mais encore les pénaliser un peu plus au passage !
Actuellement, monsieur le ministre, 4 à 6 % de nos concitoyens sont complètement réfractaires aux gestes de tri. Tout le monde le sait ! Je peux vous assurer que cette proportion, avec les dispositions que nous mettons en place, va augmenter considérablement, et pour une raison simple : on ne peut pas, dans une période particulièrement difficile, augmenter la participation des administrés, alors qu’on leur demande toujours plus d’efforts dans leurs gestes quotidiens.
Je tiens d’ailleurs à vous préciser que l’objectif de 35 % de produits recyclés en 2012 et 45 % en 2015 paraît déjà à tous les professionnels, dans l’état actuel des choses, totalement inaccessible.
Alors, bien sûr, il est facile de faire voter des taux, de même qu’il est aisé aux préfets de prendre des arrêtés et de coucher des décisions sur le papier, mais il est certainement beaucoup plus difficile aux élus de les appliquer localement !
Je voulais donc très simplement vous dire mon regret que l’on pénalise une fois encore nos concitoyens, monsieur le ministre. La vraie, la seule solution, c’est de faire payer par le consommateur, et non par le contribuable, la plus grande partie du coût engendré par le traitement des produits en fin de vie.
Il y a très longtemps que le Gouvernement aurait dû s’engager fortement en ce sens et élargir la responsabilité du producteur. Cela fait quinze ans que l’on parle, dans les colloques spécialisés, de la réduction des déchets à la source, c’est-à-dire en agissant sur les professionnels. Quinze ans ! Et rien n’a été fait…Le problème est d’ailleurs le même en ce qui concerne la maîtrise des coûts liés à la gestion des déchets : là aussi, on en parle depuis quinze ans. Eh bien, avec la disposition telle que vous nous demandez de la voter, nous allons porter un coup, et un rude coup, à cette démarche collective qui exige pourtant l’adhésion de nos concitoyens, par ailleurs contribuables.