M. Yves Daudigny. Dans un contexte de crise économique, de récession – on parle de croissance négative ! –, de montée du chômage, de crise sociale qui reste à venir, le pire serait que le RSA exclue ceux qui subissent déjà le plus l’exclusion.
Au-delà de tout effet de communication, le RSA, à lui seul, n’est à l’évidence pas à même, malgré toute votre sincérité et toute votre volonté d’aboutir, monsieur le haut-commissaire – au point d'ailleurs d’aller un peu vite –, de compenser les effets d’une politique qui détruit en parallèle le lien social, délibérément et consciencieusement, depuis 2002. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le RSA était une promesse du Président de la République. Elle sera tenue aujourd'hui, ou peut-être demain, après de nombreux autres engagements.
Ce dispositif est institué grâce à vous, monsieur le haut-commissaire. Son bien-fondé est incontestable. Prestation unique simplifiant le régime des aides, il constitue une imparable réponse au faux procès en « injustice sociale » qu’on intente au Gouvernement depuis la loi TEPA.
Surtout, il fait – enfin ! – passer la France de la logique de l’assistanat à celle de la solidarité active ou de l’insertion par le travail, …
M. Bernard Frimat. Une logique de bouclier fiscal !
M. Rémy Pointereau. … en faisant des revenus du travail le principal outil de lutte contre la pauvreté.
Avec le RSA, nous signons la fin du RMI créé en 1988, donc il y a vingt ans, sous le gouvernement de Michel Rocard. Je rappelle au passage que la droite avait voté à l’époque en faveur de ce texte, sans se dérober ni fuir ses responsabilités. Or le RMI a manifestement échoué dans sa vocation d’insertion.
Aujourd'hui, chacun reconnaît le bien-fondé du RSA, à droite, bien sûr, mais aussi à gauche, puisqu’un mécanisme similaire figurait dans le programme présidentiel de Mme Royal. Même Michel Rocard, père du RMI, s’enthousiasme pour le RSA.
Les résultats constatés dans les départements où ont eu lieu les premières expérimentations sont très encourageants, ce qui prouve l’efficacité du système : on y enregistre 30 % supplémentaires de retours à l’emploi par rapport au système antérieur, et plus d’un quart des personnes qui reprennent un emploi étaient au RMI depuis plus de quatre ans.
J’avais, pour ma part, beaucoup insisté pour que le département du Cher – je suis président du conseil général – soit candidat. Il réunissait tous les critères requis. Malheureusement, pour des raisons purement idéologiques, cette expérimentation lui a été refusée, ce que je trouve bien dommage.
Qui pourrait s’élever contre un dispositif dont l’objet est d’aider les exclus du système à trouver un emploi et de permettre à chacun de gagner en travaillant plus qu’il ne gagne en restant chez lui et en touchant des aides ? Comment ne pas applaudir des deux mains ?
Monsieur le haut-commissaire, votre réforme est bonne, indiscutablement, mais je n’en dirai pas de même de son financement, et vous me permettrez d’insister sur ce point.
La taxe de 1,1 % sur les revenus de l’épargne créée pour financer l’essentiel du RSA pénalise le revenu indirect du travail. On va ainsi taxer les assurances vie, les actions et obligations – même si leur valeur est en diminution –, les revenus des loyers que perçoivent des Français à qui l’on a dit tout au long de leur vie que leurs retraites ne suffiraient pas et qu’il leur fallait donc se constituer des retraites complémentaires. On va donc taxer encore un peu plus la classe moyenne, c’est-à-dire celles et ceux qui ne sont pas assez pauvres pour bénéficier d’aides quelconques mais qui sont assez riches pour toujours contribuer à la solidarité et payer des impôts et de nouvelles taxes, et ce alors que tous les revenus les plus importants se verront exonérés de cette nouvelle taxe avec le bouclier fiscal.
Ce nouvel impôt, si minime soit-il, brouille le message et alimente le sentiment de confusion : le financement tel qu’il est proposé aujourd’hui va à l’encontre du message que nous adressons aux Français en faveur du travail.
Je défendrai d’ailleurs un amendement sur ce point, cosigné par plusieurs de mes collègues, respectant ainsi l’engagement que j’avais pris auprès des très nombreux élus qui m’avaient fait part de leur incompréhension cet été, pendant la campagne sénatoriale.
Nous aurions pu trouver des sources d’économies pour assurer ce financement, notamment en allant plus loin dans le plafonnement des niches fiscales.
Nous aurions pu également nous pencher un peu plus sur le gouffre de la formation professionnelle : les dépenses se chiffrent à 19 milliards d’euros, et beaucoup d’économies sont à faire sur ce budget ou sur ce système proprement ubuesque qui fait que l’État, chaque année, dépense, d’une main, 16 milliards d’euros en allégements de charges pour compenser le passage aux 35 heures et, de l’autre, 4 milliards pour organiser la sortie dudit dispositif.
Il est dommage que la chance n’ait pas été saisie, d’autant que, compte tenu de la crise financière que nous vivons, les recettes de cette nouvelle taxe risquent de ne pas être à la hauteur des attentes.
La réforme en cours de la formation professionnelle permettra peut-être, dans un avenir proche, de trouver un nouveau financement, plus équitable et plus approprié ; le RSA y gagnerait certainement en légitimité. C’est, pour ma part, tout ce que je souhaite.
Je voterai, bien sûr, ce projet de loi, mais je souhaite que nous progressions dans l’élaboration de financements mieux adaptés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le haut-commissaire, vous avez fait référence à la mission d’information sur la pauvreté et l’exclusion sociale, présidée par M. Christian Demuynck, et bien présidée, d’ailleurs, je dois le signaler. Mais vous et moi n’en tirons pas les mêmes conclusions.
En effet, lors des auditions relatives à la mise en œuvre du RSA, des responsables – élus, ou représentants associatifs ou institutionnels – avaient insisté sur la nécessité de poursuivre l’expérimentation.
D’où ma première interrogation : pourquoi avoir bousculé le calendrier ?
M. Jean Desessard. Pourquoi avoir sollicité une mise en place rapide de la généralisation du RSA, alors qu’il semblait que les départements s’appropriaient le concept et exprimaient le désir de poursuivre les expérimentations ?
Ces expérimentations apparaissaient d’autant plus nécessaires que des zones d’ombre subsistent quant aux modalités d’application du RSA. Nous y reviendrons au cours du débat.
Je souhaite maintenant en venir au cœur du projet de loi : la possibilité, pour les bénéficiaires du RSA, de cumuler des revenus d’activité avec les minima sociaux.
Monsieur le haut-commissaire, j’ai trop longtemps milité au quotidien avec les associations de chômeurs pour ne pas reconnaître que le RSA présente certains aspects positifs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah ! Quand même !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Merci beaucoup, monsieur Desessard ! Mais je crains le pire, après ce compliment !
M. Jean Desessard. Le RSA a pour effet d’encourager la reprise d’un emploi, même à temps partiel ou à durée déterminée, en assurant une amélioration des revenus de celui qui va travailler. Les associations de chômeurs n’ont de cesse de dénoncer le fait que, trop souvent, la reprise d’une activité se traduit par des charges plus importantes pour un revenu équivalent.
Le RSA est également un moyen de lutter contre la pauvreté car, en permettant de dépasser les minima sociaux dès la première heure travaillée, on augmente les revenus de la personne.
Vous avez également, monsieur le haut-commissaire, instauré un début de simplification administrative.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout de même !
M. Jean Desessard. Toutefois, il ne s’agit bien que d’un début, car vous êtes loin d’avoir abouti.
Vous n’êtes pas encore au point : vous gardez l’échelon trimestriel, la mise en œuvre reste compliquée, mais – je le répète – c’est un début.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Peut mieux faire !
M. Jean Desessard. J’ai noté un autre point positif : le RSA se rapproche de l’idée d’un minimum garanti de solidarité dans notre société. Vous n’avez pas touché à ce qui fait la garantie solidaire, vous avez découplé le revenu de l’activité, ce qui est une bonne chose, vous l’avez maintenu pour les retraites, l’assurance maladie ou encore l’assurance chômage.
Cependant, je relève une anomalie, sans parvenir à me l’expliquer : alors que le Gouvernement remet en cause non seulement le chômage,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut le combattre !
M. Jean Desessard. … en réduisant les indemnités versées aux chômeurs, mais aussi les retraites et les forfaits maladie, vous, vous échappez à cette tendance.
Je tenterai deux explications : soit vous vous êtes montré particulièrement persuasif, …
M. Jean Desessard. … soit les effets pervers dont parlait notre collègue Alain Vasselle vont venir « cannibaliser » le système et l’emporter sur les effets positifs. (Murmures d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) On n’utilise pas n’importe comment un outil, monsieur le haut-commissaire !
Je viens de reconnaître que le concept du RSA est bon ; toutefois, il faut étudier le contexte dans lequel il s’inscrit.
Je crains que, monsieur le haut-commissaire, vous ne soyez tel Sisyphe, qui pousse sans relâche son rocher jusqu’au faîte de la falaise, et, une fois au sommet, le voit dégringoler, et doit recommencer ad vitam aeternam son dur labeur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un mythe !
M. Jean Desessard. Comment lutter aujourd’hui contre la pauvreté dans un système qui engendre lui-même la pauvreté, dans une société qui génère l’exclusion ?
Vous rappelez-vous du moment où nous avons parlé du RSA ?
M. Jean Desessard. C’était en juillet, voilà un an et trois mois,…
M. Jean Desessard. … lors de l’examen la loi TEPA, par laquelle on a distribué 15 milliards d’euros aux plus riches. Et, aujourd’hui, nous peinons à trouver 1,5 milliard d’euros pour financer la généralisation du RSA !
En tant qu’écologistes, nous sommes bien sûr favorables à une réduction globale du temps travaillé, à l’échelle de notre planète. Elle marquerait un progrès social évident, et, selon nous, participerait d’une démarche de réduction massive de l’utilisation des ressources naturelles.
La réduction du temps de travail peut se traduire par une réduction du temps de travail hebdomadaire à 32 heures, l’abaissement de l’âge de départ à la retraite, le développement du temps partiel choisi. Je dis bien « le temps partiel choisi ». En effet, dans la société actuelle, qui fonctionne à flux tendus, le temps partiel est le plus souvent subi au profit des employeurs, et c’est là qu’est le problème.
Aujourd'hui, ce sont les caissières des grands magasins qui ne sont embauchées qu’aux heures de pointe et se retrouvent avec des « trous » de plusieurs heures dans leur emploi du temps.
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Ce sont ces femmes de ménage auxquelles on demande de venir travailler à quatre heures, cinq heures ou six heures du matin pour que le bruit de leurs aspirateurs ne dérange pas les personnes qui travaillent dans les bureaux pendant la journée.
M. Jean Desessard. Et on viendra ensuite leur reprocher de ne pas suffisamment suivre la scolarité de leurs enfants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ainsi va notre société, et c’est là qu’est le problème.
M. Sarkozy nous parle de « moraliser » le capitalisme. Il faudrait qu’il nous fournisse le mode d’emploi – d’ailleurs, c’est une façon d’avouer que le capitalisme est immoral ou, au moins, amoral ! – et qu’il procède à une sérieuse autocritique. En effet, depuis le début de son mandat, nous assistons à une libéralisation sans limites.
Les différentes lois votées cette année ont pour effet de transférer la notion de service public vers le privé : on assiste au transfert du service public vers la servitude dans le privé !
Je me rappelle l’idée principale ayant présidé à l’élaboration de la loi TEPA : il fallait défiscaliser les plus riches pour qu’ils puissent employer à leur tour d’autres personnes, ce qui sous-entend une société fondamentalement inégalitaire, l’objectif étant que les plus riches aient les moyens d’embaucher les plus pauvres, nombreux et corvéables à merci.
M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Il fait des raccourcis !
M. Jean Desessard. Ce système implique une pression à la baisse sur l’ensemble des salaires ; sinon, qui accepterait des conditions de travail pénibles, des horaires de travail décalés ?
C’est ce système d’exploitation qui crée les conditions de la pauvreté, du chômage, de la précarité, pour contraindre les travailleurs à accepter des conditions salariales de plus en plus défavorables.
Enfin, je tiens à vous alerter sur les moyens dont nous disposons pour mettre en œuvre le RSA : alors qu’en 2005 vous évoquiez une enveloppe nécessaire de 5 milliards d’euros supplémentaires pour que le dispositif soit pleinement efficace, aujourd’hui, vous nous proposez à peine 1,5 milliard d’euros.
La mise en place d’une nouvelle contribution de 1,1 % aurait pu être une solution crédible si le Gouvernement ne s’était obstiné à vouloir exonérer les contribuables les plus riches, bénéficiaires du « bouclier fiscal », de l’effort de solidarité en faveur des plus démunis.
Dans le projet de loi, rien n’est prévu pour les jeunes. J’ai déposé plusieurs amendements visant à expérimenter la généralisation aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans et à prendre en compte non plus les revenus du foyer fiscal, mais ceux de la personne.
J’ai également proposé la réévaluation mensuelle, et non trimestrielle, du RSA, afin d’éviter aux bénéficiaires d’avoir à rembourser des indus.
Monsieur le haut-commissaire, si l’idée d’instaurer un RSA est juste, que vaut-elle dans un contexte aussi défavorable où tout est organisé pour générer de la pauvreté et de l’exclusion, d’autant que vous ne disposez pas des moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une réelle politique de solidarité ?
Je suis très réservé quant à la capacité du RSA à résoudre durablement la grave crise sociale que nous traversons. Vous allez certainement nous expliquer, pendant les jours à venir, comment il pourra se révéler être la bonne solution.
M. Jean Desessard. Je crains, au contraire, que cette idée juste ne serve de caution à un gouvernement qui conduit en réalité une politique profondément inégalitaire et que les effets pervers ne trahissent l’intention louable initiale.
Avec le RSA, vous avez eu l’intelligence de produire un concept d’assistance dynamique, mais, compte tenu de la politique actuelle du Gouvernement, il sera au mieux un palliatif, sans être l’ébauche d’une politique de solidarité, de partage du travail, de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, une enquête menée au mois de juin dernier auprès de personnes dont les revenus d’activité sont inférieurs à 1,5 SMIC mensuel démontre que notre système actuel de solidarité crée une désincitation certaine à l’emploi.
En effet, parmi les personnes interrogées, qui sont au chômage, une sur quatre a déjà eu au moins une fois l’occasion de refuser une embauche, et 40 % ont justifié ce refus par l’insuffisance de la rémunération et par des charges financières trop importantes liées à l’emploi proposé. Le motif financier est d’ailleurs la première raison de refus, devant la localisation géographique de l’emploi refusé ou sa pénibilité.
Il est donc clair que des mesures d’incitation financière peuvent avoir un effet significatif sur l’accès ou le retour à l’emploi.
Dans ce contexte, la généralisation, avec le RMI, des systèmes d’allocations différentielles a amené le développement du débat sur les « trappes à inactivité » et, donc, sur « les trappes à pauvreté ».
La problématique est alors bien identifiée : comment faire en sorte que toute activité supplémentaire se traduise par un revenu supplémentaire effectif ? Plus généralement, comment valoriser la situation des salariés modestes par rapport à celle de ceux qui n’occupent pas d’emploi ?
Force est de constater que, jusqu’à ce jour, les réponses qui ont pu être apportées, qu’il s’agisse de l’intéressement à la reprise d’emploi ou de la prime pour l’emploi, n’ont pas donné, au fur et à mesure des années, les résultats escomptés.
Fallait-il baisser les bras ?
Fallait-il se résigner à voir monter inexorablement le nombre d’allocataires du RMI, qui s’élève à 1,1 million aujourd’hui, contre 422 000 il y a une vingtaine d’années ?
Fallait-il considérer comme une fatalité le fait que 7 millions de nos concitoyens vivent encore au-dessous du seuil de pauvreté ?
Non !
Monsieur le haut-commissaire, c’est parce que vous répondiez par la négative à toutes ces questions que vous avez conçu ce nouveau dispositif du revenu de solidarité active.
En faisant prévaloir l’idée que l’on puisse vivre avec son travail et par son travail, quelle que soit sa situation familiale, et que l’on puisse continuer à bénéficier, dans des conditions justes, de la solidarité de la société, le RSA constitue un véritable renversement des perspectives.
Notre collègue Jean Arthuis a fait part tout à l’heure de son expérience à propos de la mise en place, avec votre participation, du RSA dans son département. Nous sommes ici de nombreux élus locaux à avoir connu une expérience similaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Alain Fouché. L’expérimentation a en effet porté sur plusieurs dizaines de départements dirigés par des personnalités de tous horizons, de droite, du centre ou de gauche.
M. Guy Fischer. Il y en a eu plus de trente !
M. Alain Fouché. Monsieur le haut-commissaire, c’est lors d’une rencontre à la fin de 2006 que vous m’avez convaincu et que nous avons décidé d’engager le département de la Vienne dans l’expérimentation, ce qui fut effectif au 1er novembre 2007.
Le territoire d’expérimentation que nous avons retenu en accord avec vous correspond au territoire d’intervention des maisons départementales de la solidarité, soit un cinquième des bénéficiaires du RMI dans le département.
Naturellement, il a fallu s’engager. Pour mener à bien cette expérimentation, nous avons recruté un « chef de projet RSA », lequel pilote également la seconde expérimentation conduite par le département sur le contrat unique d’insertion.
Des agents ont été recrutés en qualité de « référents RSA », afin d’accompagner les bénéficiaires du dispositif, en liaison avec les assistants sociaux en polyvalence de secteur.
Le coût de l’expérimentation est estimé à 834 000 euros. Une convention a été signée entre le département et l’État. Ce dernier a tenu ses engagements !
Voici du concret, mes chers collègues !
Depuis le 1er novembre 2007, près de 700 personnes ont été accompagnées de façon personnalisée, après avoir signé un avenant RSA à leur contrat d’insertion.
Les premiers éléments d’évaluation montrent que les bénéficiaires sont en majorité des femmes et qu’elles travaillent à 61 % dans le secteur marchand.
M. Alain Fouché. De plus, 64 % de celles et de ceux qui ont signé un contrat RSA occupent un emploi durable. Ces chiffres, me semble-t-il, sont tout de même très évocateurs !
M. Alain Fouché. D’une manière générale, le Comité national d’évaluation du dispositif a rendu ses premières conclusions, montrant des effets significatifs du RSA sur le retour à l’emploi.
Le taux de retour à l’emploi des allocataires du RMI dans les zones d’expérimentation est en effet plus élevé que dans les zones témoins : l’écart peut ainsi atteindre 30 % sur certains sites.
On observe également que les ménages qui reprennent un emploi dans les zones expérimentales ont une plus grande ancienneté dans le dispositif RMI que dans les zones témoins.
Une enquête qualitative nationale réalisée auprès d’un certain nombre de bénéficiaires du RSA montre d’autres effets attendus du dispositif. Ainsi, près de la moitié des allocataires interrogés estiment qu’avec la mise en place du RSA ils pourraient accepter un emploi qu’ils auraient autrefois refusé ; ils soulignent tous l’importance d’une aide financière couplée à un accompagnement social et professionnel.
Cette enquête met cependant en évidence des effets plus mitigés, sur lesquels nous devrons tous porter nos efforts.
Il importe, tout d’abord, de renforcer le suivi et de l’orienter sur l’accompagnement dans l’emploi.
Il faut, ensuite, prévoir une meilleure communication sur le dispositif, à la fois quantitativement et qualitativement, car tout le monde ne le connaît pas forcément très bien. Les personnes intéressées ont besoin d’informations complémentaires.
Il convient, enfin, de renforcer les liens avec le monde économique, notamment avec les entreprises, qui ne comprennent pas toujours le fonctionnement du RSA.
Reste, monsieur le haut-commissaire, la question du financement du RSA. Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet.
La généralisation de ce dispositif s’inscrit indéniablement dans la catégorie des grandes réformes, comme la France n’en a pas connu depuis des décennies.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Alain Fouché. L’enjeu est d’importance : il s’agit, ni plus ni moins, de la cohésion de notre société.
M. Guy Fischer. Ah!
M. Alain Fouché. Alors, naturellement, il faut dégager les moyens financiers indispensables à la réussite de ce dispositif.
Le coût global a été estimé. L’État s’est engagé sur un certain nombre de financements. Une taxe a été créée sur les revenus du patrimoine et des placements.
Monsieur le haut-commissaire, permettez-moi de souligner trois points.
Premièrement, il est tout de même regrettable que ceux qui bénéficient de très hauts revenus, même s’ils sont déjà fortement imposés, ne participent pas à cet effort de solidarité.
M. Guy Fischer. Absolument !
M. Alain Fouché. Deuxièmement, et dans la même logique, il aurait sans doute été souhaitable de dispenser de cet effort les petits épargnants qui complètent leurs revenus avec des placements somme toute modestes.
Troisièmement, une autre source de financement pour le RSA peut être mise en place. Chacun le sait, puisque cela a été annoncé récemment, l’État envisage de compenser la perte des recettes publicitaires de la télévision publique. Ne serait-il pas préférable d’affecter ces fonds au financement du RSA, qui en aura bien besoin ?
Monsieur le haut-commissaire, ce projet de loi est une chance unique pour les plus modestes d’entre nous, pour celles et ceux qui, laissés au bord de la route, connaissent de grandes difficultés ; c’est aussi une chance unique pour notre pays. Je le voterai, parce que j’y crois, comme, d’ailleurs, de nombreuses personnes, de tous horizons politiques.
M. Alain Fouché. Force est de constater que, depuis sa mise en place voilà quelques mois, le RSA est une réussite. Mes chers collègues, saisissons cette chance ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le débat qui se déroule aujourd’hui concerne tout particulièrement les départements d'outre-mer.
Faut-il le rappeler, la situation sociale dans ces départements résulte d’un « mal-développement » qui, même s’il a connu quelques phases d’amélioration, a jusqu’ici résisté à toutes les politiques censées le combattre.
Malgré un incontestable dynamisme des acteurs locaux, qui s’est traduit par des taux de croissance remarquables ces dix dernières années, de l’ordre de 4 %, les quatre départements d’outre-mer connaissent des taux de chômage et d’emplois précaires particulièrement élevés et sont confrontés à des problèmes de pauvreté et d’exclusion sociale on ne peut plus préoccupants.
Ainsi, en Martinique, le taux de chômage est toujours de l’ordre de 22 %, et la proportion de ceux qui perçoivent des bas revenus est bien supérieure à celle de l’Hexagone.
Par ailleurs, au 31 décembre 2007, on dénombrait 31 592 allocataires du RMI, pour une population de 400 000 habitants, soit un taux d’environ 8 %, quatre fois supérieur à celui qui est constaté en métropole. À la fin de 2006, selon les chiffres de l’INSEE, 19,8 % des ménages martiniquais vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, alors même que ce seuil, défini localement – c’est d’ailleurs assez curieux ! –, est nettement inférieur au seuil retenu pour le reste de la France.
Ai-je besoin de vous décrire, dans un tel contexte, les difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux ? Vis-à-vis, notamment, des allocataires du RMI, comment répondre à une demande quantitative d’une telle importance en maintenant un certain niveau d’exigence quant à la qualité des solutions offertes ?
Comment, en particulier, trouver suffisamment d’offres d’emplois dans le secteur marchand ou d’activités réelles valorisantes et formatrices dans le secteur non marchand ?
Pourtant, ce qui a été réalisé en matière d’insertion dans les quatre DOM est, à bien des égards, remarquable. Surtout lorsque l’on tient compte du handicap supplémentaire que l’on a imposé pendant plus de six ans aux élus locaux des DOM, avec la mise en place d’un instrument spécifique, les agences d’insertion qui, dans leur forme juridique initiale, étaient des établissements publics nationaux.
Pendant six ans, les politiques d’insertion ont ainsi été pratiquement pilotées depuis Paris. Dans ce cadre, Bercy – je dis bien Bercy ! – avait largement pris le pas sur la Rue Oudinot ! Ainsi a-t-on pu voir un fonctionnaire décider, depuis son bureau du ministère des finances, de l’implantation d’une commission locale d’insertion, dans telle ou telle commune où il ne s’était jamais rendu et dont il ne connaissait absolument rien !
J’ai dû mobiliser mes trois autres collègues et mener une longue bataille parlementaire pour obtenir enfin, en 2000, la départementalisation des agences d’insertion, départementalisation, qui, d’ailleurs, n’a été définitivement consacrée qu’en 2003.
On a alors assisté à une nette amélioration des résultats. Dans l’agence départementale d’insertion que je préside, en 2007, 64 % des personnes relevant du RMI ont signé un contrat d’insertion, contre 32 % en 2002. Preuve, s’il en était besoin, que, dans un domaine comme celui de l’insertion, la connaissance des réalités du terrain et leur prise en compte effective sont absolument indispensables.
Les résultats que nous avons obtenus n’ont cependant jamais diminué notre détermination à aller plus loin, à fixer des objectifs plus ambitieux. Je peux l’affirmer, nous n’avons jamais cessé de tout faire pour convaincre les allocataires du RMI de refuser de s’installer dans l’assistance et pour les inciter, au contraire, à toujours privilégier la recherche active d’un emploi.
C’est d’ailleurs ce qui m’a amené à signer, en juin 2005, un contrat d’objectifs par lequel le conseil général de la Martinique s’engageait à mettre en œuvre 5 000 contrats d’avenir et 800 CI-RMA.
J’ai eu le temps de signer 2 700 contrats d’avenir, avant de réaliser que l’État interprétait à sa façon la notion d’activation du RMI, laissant à la charge du conseil général plus de 23 millions d’euros !
Cette expérience malheureuse s’ajoute évidemment à celle que nous faisons depuis 2005 dans le cadre du système de remboursement par l’État des allocations RMI versées par le conseil général.
Nous ne sommes bien sûr pas les seuls à nous plaindre de la permanence d’un différentiel entre allocations effectivement versées et remboursement. Mais, dans notre cas, ce différentiel accuse 33 millions d’euros, somme qui s’ajoute à celle que je viens d’évoquer ! Un tel montant est à mettre en regard d’un budget primitif de 476 millions d’euros hors crédits RMI, ces derniers représentant un montant de 159 millions d’euros !
Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, vous l’aurez compris, si, comme la plupart des élus martiniquais, je partage les objectifs et la logique, pour ne pas dire la philosophie même, qui sous-tendent la mise en place du revenu de solidarité active, je tiens vraiment à éviter de connaître demain de nouvelles et graves déconvenues.
Je ne souhaite évidemment pas que les départements d'outre-mer soient écartés d’un dispositif qui vise à rendre plus attractif l’emploi pour les bénéficiaires de minima sociaux et, notamment, pour les RMIstes, mais je considère que l’application de ce dispositif doit être assortie de très sérieuses précautions.
En l’occurrence, il paraît indispensable de procéder au préalable, et d’urgence, à une concertation approfondie avec les différents acteurs locaux concernés, au premier rang desquels, évidemment, les quatre exécutifs départementaux. Or tel n’est pas encore le cas. Elle devra notamment porter sur l’incidence de la mise en œuvre du RSA sur les budgets des conseils généraux des départements d’outre-mer.
Je considère, pour ma part, que ces budgets supportent déjà un niveau bien trop élevé de transferts de charges, alors même qu’ils doivent permettre de faire face à une demande sociale dont vous devinez l’ampleur, et qui ne cesse de croître et de se complexifier.
Des garanties formelles devront donc nous être données quant à la compensation intégrale des nouvelles dépenses, consécutives notamment au transfert de l’allocation de parent isolé, versée à plus de 5 000 bénéficiaires pour la seule Martinique, dépenses qui viendront aggraver le déficit du budget que je gère.
Je considère que l’octroi de ces garanties devrait s’accompagner d’une proposition d’échéancier pour l’apurement par l’État des dettes considérables contractées à l’égard des départements d’outre-mer en matière de RMI.
La concertation devra par ailleurs porter sur les mesures à prendre pour limiter le risque, encore plus grand et plus dommageable outre-mer que dans l’Hexagone, de voir se développer un effet pervers – les orateurs précédents s’en sont largement fait l’écho – consistant à favoriser les emplois faiblement rémunérés.
La concertation devra également porter sur le devenir de certains dispositifs propres à l’outre-mer.
Quelle sera, ainsi, l’incidence de la réforme sur les fameuses agences départementales d’insertion ?
Va-t-on supprimer le revenu de solidarité destiné aux allocataires de plus de cinquante ans ?
Qu’adviendra-t-il du contrat d’insertion par l’activité, très demandé par les communes et le secteur associatif, et vers lequel s’orientent un très grand nombre de personnes qui ne parviennent pas à trouver un emploi ? Sera-t-il intégré dans le dispositif du contrat unique d’insertion ? Dans ce cas, l’État qui, depuis trois ans, réduit sa participation au financement de ce contrat consentira-t-il l’indispensable effort financier supplémentaire ?
La question revêt toute son importance au moment où se manifestent de plus en plus de craintes sur la portée réelle de la future loi pour le développement économique de l’outre-mer. Je suis, pour ma part, très pessimiste quant aux effets de cette future loi programme.
Enfin, il faudra absolument accorder une attention toute particulière au cas des jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans, qui connaissent un taux de chômage bien plus élevé outre-mer que dans l’Hexagone.