M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Avant même d’avoir été adopté, le plan de relance ou de sauvetage du secteur financier serait-il déjà bousculé par la réalité ? Telle est l’impression qui ressort de l’examen de la situation boursière.
Lundi dernier, à la suite de la réunion du G7, le CAC 40 avait connu une envolée spectaculaire de plus de onze points. Il restait péniblement au-dessus des 3 500 points, bien loin des 6 000 points d’une époque qui n’est pas si ancienne que cela ! Hier mardi, il progressait de manière plus limitée, gagnant 2,75 points et finissant, en clôture, à 3 628 points. Aujourd’hui, l’entretien accordé par le Premier Ministre sur la détérioration de la situation économique, cumulée à la découverte d’une crise plus profonde encore que prévu aux États-Unis, a conduit à une subite crise de confiance des marchés.
Contrairement à certains propos entendus cet après-midi au cours de la discussion générale, la confiance n’est malheureusement pas encore au rendez-vous, même avec l’annonce de ce plan de sauvetage, bien au contraire !
Alors même que le Gouvernement nous indiquait que la situation s’améliorait, le CAC 40 plongeait nettement, baissant en effet de plus de 7,5 points à la clôture. L’indice vedette de notre Bourse est de nouveau sous les 3 400 points !
La baisse des indices boursiers semble d’ailleurs aussi concertée que les plans de sauvetage des pays du G7. Le Dax de Francfort a perdu 7 points, tout comme le Footsie de la Bourse de Londres ! C’est clair, la récession économique s’étend et elle est au cœur de ce nouveau dérapage...
Sur la question de la capitalisation des banques, comment ne pas pointer le fait que nous ne connaissons pas vraiment les besoins des banques de notre pays, comme des autres banques européennes ?
Le département des études de la banque américaine Merrill Lynch vient d’estimer que l’insuffisance de fonds propres des établissements de crédit européens se situerait entre 132 milliards d’euros et 292 milliards d’euros. Cette somme est particulièrement concentrée sur les établissements français, les plus exposés de nos établissements étant le Crédit agricole, la Société générale et le groupe BNP Paribas.
Même s’il convient de ne pas prêter toute confiance à de telles affirmations, il est plus que temps de préciser les dispositions de l’article 6, qui, à l’évidence, ne sont pas suffisamment claires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du deuxième alinéa du A du II de cet article :
Cette convention précise également les engagements des établissements en matière de gouvernance et de respect de règles et normes éthiques et financières applicables à l'ensemble des salariés ou des mandataires sociaux dans les sociétés, fonds, trust, fondations, fiducie détenus directement ou indirectement par l'établissement de crédit signataire.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 10.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 10, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du A du II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les conventions sont transmises aux deux commissions des finances du Parlement dans un délai de quinze jours suivant leur conclusion.
Poursuivez, monsieur François Marc.
M. François Marc. L’article 6 constitue véritablement le cœur de la discussion. Ce matin, en commission des finances, nous nous sommes déjà tous longuement interrogés sur la signification et la portée de son paragraphe II A.
En effet, ce paragraphe concerne les contreparties de la garantie accordée par l’État pour le refinancement, à hauteur, rappelons-le, de 320 milliards d’euros. L’amendement n° 9 vise à préciser clairement ces contreparties, ce qui nous semble très important. Quant à l’amendement n° 10, il prévoit de mieux associer le Parlement au contrôle du contenu des conventions.
Même si l’objectif est louable, la formulation utilisée dans ce paragraphe, aux termes de laquelle la convention passée entre l’État et la société de refinancement précise « les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l’intérêt général », est très générale et n’engage pas réellement les partenaires. Dans son intervention liminaire, Mme Lagarde a indiqué tout à l'heure vouloir redonner aux banques les boussoles éthiques et économiques qui ont fait défaut ces dernières années. Mais l’usager ne sera pas obligé de les utiliser ! Là est toute la question. Quelles exigences formalisées peut-on avoir quant à l’application de ces règles éthiques ?
Aussi, par l’amendement n° 9, nous prévoyons que la « convention précise également les engagements des établissements en matière de gouvernance et de respect de règles et normes éthiques et financières applicables à l’ensemble des salariés ou des mandataires sociaux dans les sociétés, fonds, trust, fondations, fiducie détenus directement ou indirectement par l’établissement de crédit signataire ».
Monsieur le secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement dans un délai très bref pour que nous soyons clairement informés sur ces engagements ? Il serait souhaitable que vous nous apportiez des précisions en la matière.
Par ailleurs, dans quelle mesure le Parlement pourrait-il être informé régulièrement du contenu des conventions passées entre l’État et les établissements bancaires pour assurer sa mission de contrôle ?
Les amendements nos 9 et 10 sont des amendements d’appel qui visent à obtenir du Gouvernement des éléments de réponse précis. L’opinion publique doit savoir si le Gouvernement a exigé des établissements bancaires des informations précises, régulières et détaillées et si le Parlement pourra assurer son contrôle. Nous souhaitons que vous preniez, monsieur le secrétaire d’État, des engagements fermes et précis sur ces points.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je mettrai en facteur commun tous les amendements d’appel qui vont venir en discussion. J’estime qu’ils sont bienvenus, car il est essentiel que le Gouvernement apporte des réponses aussi précises que possible à la représentation nationale sur le fonctionnement de ce système, et en particulier sur les conditionnalités qui s’appliqueront aux banques pour accéder à la caisse de refinancement.
Mes chers collègues, pour clarifier le débat, vous ne m’en voudrez pas, je l’espère, de revenir sur l’échange qui a eu lieu avec Mme Lagarde, au cours de la discussion générale, à propos de l’élaboration des conventions et de la convention type. Je suis donc conduit à vous interroger tout d’abord, monsieur le secrétaire d'État, sur le contenu des conventions qui seront conclues entre l’État et les banques bénéficiaires, car celles-ci constituent la clef même du dispositif de refinancement.
Peut-on escompter des obligations précises en matière de rémunération des dirigeants et d’octroi de crédits aux différentes catégories d’agents économiques ? Comment seront-elles exprimées ? Selon quelle ventilation ? Prévoit-on des volumes, des taux, un calendrier, un reporting particulier à la société de refinancement et, par son intermédiaire, à la représentation nationale ? S’agit-il bien de conventions d’éligibilité susceptibles de couvrir l’ensemble des concours octroyés à chaque établissement ? Mme Lagarde nous a assuré tout à l'heure qu’il serait possible de débattre avec nous de l’élaboration de la convention type.
J’évoquerai un point qui n’a pas encore été abordé. En cas de non-respect des conditions auxquelles les établissements s’astreindront en signant les conventions, quelles sanctions avez-vous prévues, car il n’y a pas d’obligations sans sanctions dans notre ordre juridique ? Je souhaiterais que vous soyez aussi clair et précis que possible sur ce point, monsieur le secrétaire d'État.
Enfin, par cohérence et pour anticiper sur les autres amendements qui vont être présentés, je voudrais parler de la question du rôle du Parlement et de son contrôle.
Je souhaiterais savoir si le Parlement sera informé en temps réel ou a posteriori des décisions individuelles d’octroi de la garantie de l’État. Comme j’ai cru le comprendre avant le débat parlementaire qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, les représentants du Parlement seront-ils appelés à siéger dans un organe social ou consultatif, ou plutôt un organe que je qualifierai de « collatéral » de la société de refinancement ? J’aimerais que les représentants des commissions des finances soient informés en temps réel et reçoivent le dossier de l’organe d’administration, même s’ils ne sont pas membres de celui-ci.
Telles sont les questions que je souhaitais poser, en précisant que tous ces amendements d’appel, qui sont, je le répète, utiles et bienvenus, ont vocation à être retirés lorsque le Gouvernement aura apporté – et je souhaite qu’il le fasse ! – les précisions nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je comprends parfaitement les précisions qui m’ont été demandées par M. François Marc, au travers des deux amendements qu’il a présentés, relayé par M. le rapporteur général.
En ce qui concerne les conventions qui vont régir, d’un côté, la société de refinancement et, de l’autre, les banques, Christine Lagarde a eu l’occasion d’indiquer – et je l’ai moi-même dit – qu’elles comporteront deux types d’obligations.
Je commencerai par les obligations d’ordre éthique, puis j’en viendrai à la dimension économique que revêtiront ces conventions.
Concernant l’éthique, il y aura au moins trois obligations. Premièrement, les indemnités de départ ou « parachutes dorés » seront plafonnés. Deuxièmement, le cumul entre un mandat social et le contrat de travail sera interdit. Troisièmement, il n’y aura pas de distribution d’actions sans objectifs de performance.
Telles sont les trois dimensions d’ordre éthique qui seront incluses dans ces conventions et que les dirigeants auront à respecter.
J’en viens à la dimension économique pour laquelle, de la même manière, un certain nombre d’obligations seront requises.
Premièrement, des objectifs seront chiffrés par banque pour financer des prêts aux ménages et aux entreprises, cela pour garantir que le financement de l’économie sera ainsi bien assuré.
Deuxièmement, des points d’étape réguliers seront demandés par le ministère de l’économie sur les objectifs ainsi chiffrés dans les conventions.
Troisièmement, dans le cas évoqué par M. le rapporteur général où ces objectifs ne seraient pas atteints, des avenants seront apportés afin de relever – telle sera la sanction –, pour la banque en question, le coût de la garantie ainsi offerte pour les prêts consentis par la société de refinancement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et si les conditions éthiques ne sont pas respectées ?
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. L’intérêt des conditions d’ordre éthique c’est que ces dernières sont assez clairement édictées. Nous verrons tout de suite si elles ne sont pas respectées et s’ensuivront bien évidemment un certain nombre de conséquences pouvant aller jusqu’au remplacement des dirigeants. Les obligations d’ordre éthique, par exemple l’interdiction de cumul entre un salaire et un mandat social, sont facilement opposables et ne devraient donc poser aucun problème.
J’en viens à l’association des parlementaires à laquelle tant M. le rapporteur général que les auteurs des amendements ont fait référence.
Un comité de suivi sera créé qui permettra d’associer les parlementaires. Dans les jours qui viennent, des discussions seront nouées entre les commissions des finances des deux assemblées et le ministère de l’économie pour voir dans quelles conditions ce comité de suivi pourra fonctionner.
Il aura accès aux informations qui seront disponibles pour les organes de direction de la société de refinancement. Ainsi sera respectée la parfaite transparence que le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, Christine Lagarde, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, Éric Woerth, et moi-même souhaitons maintenir depuis le début de cette crise.
Nous poursuivrons le dialogue avec les deux commissions des finances afin que, dans cette période très difficile, la représentation parlementaire soit parfaitement associée et soit au fait des décisions qui seront prises.
J’ajoute que la maquette de la convention type vous sera transmise dès qu’elle sera disponible, c’est-à-dire dans les heures ou quelques jours qui viennent. Vous pourrez ainsi faire toute remarque utile.
Sous le bénéfice de ces observations, je souhaite, comme M. le rapporteur général, que les amendements soient retirés par leurs auteurs. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Christian Gaudin. Très bien !
M. le président. Mme Nicole Bricq, les amendements nos 9 et 10 sont-ils maintenus ?
Mme Nicole Bricq. En commission, j’avais indiqué que les amendements nos 9 et 10 étaient des amendements d’appel destinés à obtenir des garanties. Par conséquent, je les retire.
Vous connaissez notre désaccord sur les mentions d’ordre éthique. Nous, nous pensons que la loi est nécessaire. M. le secrétaire d'État a répondu à la demande qui lui a été faite.
Monsieur le président, je note au passage que l’amendement n° 11 de notre groupe est satisfait. Par conséquent, je ne le défendrai pas tout à l’heure. Il vise en effet à mettre en place un comité de suivi associant des parlementaires, comité dont M. le secrétaire d'État vient d’annoncer la création. C’est un engagement fort que vous avez pris, monsieur le secrétaire d'État.
Cela dit, il doit bien évidemment y avoir – mais cela fait partie de notre code de bonne conduite interne au Sénat – des représentants de l’opposition dans le comité de suivi. Mais ce n’est pas le ministre qui va le décider.
M. le président. Le président de la commission des finances peut vous rassurer sur ce point.
Mme Nicole Bricq. Je ne suis pas trop inquiète, mais je préfère tout de même !
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez la parole. Mais je vous prie d’être concis.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En début d’après-midi, Mme Christine Lagarde a bien voulu nous dire qu’elle viendrait devant la commission des finances pour que nous ayons un échange sur les conventions types.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour le reste, personnellement, je pense que nous, parlementaires, n’avons pas notre place dans les conseils d’administration. Nous avons, en revanche, des prérogatives de contrôle que nous entendons exercer sans restriction, cela va de soi.
Il conviendra toutefois de mettre en œuvre cette disposition de manière assez subtile pour que le recours à la caisse de refinancement ne soit pas jugé par la place comme un aveu des difficultés rencontrées par les banques concernées qui rechercheraient dans une telle démarche des ressources qu’elles n’ont pu trouver ailleurs. Il ne faudrait pas qu’un tel jugement soit de nature à dissuader les banques d’avoir recours à cette caisse de refinancement et nous amène à constater que le système ne sert à rien.
Il convient donc de trouver un dispositif approprié pour éviter que les banques n’osent pas venir, par crainte d’être pénalisées par le marché et par leurs partenaires. C’est l’ensemble de la communauté bancaire qui doit œuvrer collectivement pour qu’aucune appréciation ne soit portée à l’encontre de tel ou tel membre de la communauté financière.
M. le président. Monsieur le président Arthuis, c’est sur l’association de l’opposition au comité de suivi une fois constitué que Mme Nicole Bricq voulait obtenir une réponse claire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il n’y aura aucune difficulté, car l’autorité du Sénat c’est le pluralisme !
M. Daniel Raoul. C’est nouveau, mais cela arrive !
M. le président. Les amendements nos 9 et 10 sont retirés.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous invite à faire preuve de concision, afin que nous puissions terminer l’examen du projet de loi de finances rectificative avant le dîner.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a 360 milliards en jeu quand même !
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du A du II de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
Dans les conditions fixées par décret et après consultation pour avis de l'Autorité des marchés financiers, les établissements ainsi que leurs dirigeants ayant passé une convention avec l'État s'engagent :
- À ouvrir le cas échéant leur capital à l'État sous forme d'action avec droit de vote ;
- À n'émettre des actions préférentielles avec dividende prioritaire qu'avec l'autorisation de l'État.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement précise les modalités de la garantie de l’État au système bancaire et financier. Les dispositions suggérées font partie des fonds propres prudentiels qu’il nous paraît nécessaire de mobiliser à côté des actions classiques.
Nous proposons donc deux mesures simples : d’abord, l’ouverture à l’État du capital des sociétés conventionnées sous forme d’action avec droit de vote ; ensuite, la possibilité d’émettre des actions préférentielles avec dividende prioritaire sous réserve de l’autorisation de l’État.
Ces deux dispositions nous paraissent vraiment être les garde-fous minimaux dans la mesure où il s’agit, encore une fois, de l’argent du contribuable qui, je crois, a son mot à dire s’agissant de ce que le rapporteur général qualifiait de « bien se tenir » des bénéficiaires de la garantie de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, cet amendement vise la société de prise de participation. Nous ne sommes plus dans le dispositif de refinancement.
J’ai cru comprendre, mais je souhaite que M. le secrétaire d’État nous le confirme, que les interventions pouvaient se faire soit en titres subordonnés ou en actions à dividendes privilégiés sans droit de vote, soit en actions ordinaires, selon les situations que l’on rencontrera.
Mon cher collègue, si l’État détenait, comme actionnaire stratégique, une partie importante du capital de telles ou telles banques qui seraient concurrentes entre elles ou qui devraient entrer ultérieurement dans un processus de recomposition, on pourrait en arriver à des situations confuses ! Je le dis aussi en réponse à certains éléments de l’intervention de Jean-Pierre Chevènement sur l’article 6. En effet, si un tel cas de figure se produisait, l’État devrait arbitrer.
Première solution, une vision patrimoniale, puisque le dispositif est créé afin de pouvoir en sortir et de rembourser, grâce aux plus-values réalisées sur les cessions d’actifs ainsi temporairement acquis, les emprunts supplémentaires qui auraient dû être contractés.
Seconde solution : une vision d’actionnaire stratégique influant sur la direction, les choix commerciaux, nationaux, internationaux de tel ou tel groupe bancaire.
Mais si l’État devait ainsi arbitrer, on entrerait, me semble-t-il, dans une zone complètement inconnue. Nous nous posons à nouveau tous les problèmes que M. Jean-Pierre Chevènement connaît bien et qui ont été ceux de l’État dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
Je ne pense pas qu’il y ait de réponse simple et claire à ce type d’interrogation. Je voudrais simplement que M. le secrétaire d'État, Hervé Novelli, nous réponde sur les catégories de titres susceptibles d’être souscrits par l’État par le biais de la société de participation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1 présenté par M. Jacques Muller.
Pour répondre à la sollicitation du rapporteur, je dirai que la société de prise de participation publique de l’État pourra agir de deux manières : soit en prise de capital, donc en actions, en fonds propres, soit en quasi-fonds propres, avec des titres subordonnés qui n’auront évidemment pas les mêmes caractéristiques que les actions, mais qui permettront une prise de participation par ce biais en quasi-fonds propres bien connus ici.
Telles sont les deux options qui seront offertes par la société de prise de participation publique de l’État.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Muller et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene–Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du A du II de cet article, insérer dix alinéas ainsi rédigés :
Dans les conditions fixées par décret et après consultation pour avis de l'Autorité des marchés financiers, les établissements ainsi que leurs dirigeants ayant passé une convention avec l'État s'engagent notamment à évaluer la performance de leur établissement et la rémunération de leurs dirigeants sur le fondement de critères sociaux tels que :
1° le nombre d'emplois créés,
2° la proportion de salariés en contrat à durée indéterminée,
3° la proportion de salariés de plus de 50 ans et de moins de 25 ans,
4° la proportion de salariés payés au moins 1,5 fois le Smic ;
et de critères environnementaux tels que :
1° les émissions de CO2 économisées,
2° la proportion de bâtiments répondant aux normes Haute qualité environnementale (HQE),
3° la proportion de déchets recyclés,
4° la consommation d'eau économisée, dans les concours qu'ils financent ou garantissent.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Dans le même esprit, cet amendement a pour objet d’engager la responsabilité sociale et environnementale des bénéficiaires.
À un moment où des milliards d’euros sont sortis virtuellement d’un chapeau alors que le Premier ministre déclarait encore récemment l’État en faillite, nous refusons que la défaillance des uns implique la faillite de tous, et même de la planète ! C’est pourquoi nous demandons qu’une double condition soit inscrite dans la loi dès lors que l’État s’engage auprès des banques visées.
La première est d’ordre social. Nous refusons tout simplement que la protection des portefeuilles financiers se fasse au détriment des portefeuilles des familles de France.
Nous demandons également que soient imposées des conditions d’ordre environnemental, parce que nous refusons que la facture du plan de secours soit payée par notre environnement et par les générations futures.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je me dois de vous rappeler en cet instant que le Gouvernement a pris des engagements internationaux en matière d’enjeux climatiques et énergétiques ; je pense aux accords de Kyoto et aux directives européennes. Il en a également pris à l’égard de nos concitoyens ; je pense aux conclusions du Grenelle de l’environnement. Ces engagements doivent être respectés.
C’est pourquoi nous ajoutons des conditions d’ordre écologique aux conditions de type social. Celles-ci font partie, en ce début du XXIe siècle, du « bien se tenir », qu’évoquait tout à l’heure M. le rapporteur général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite le retrait de cet amendement car, dans les conditions d’urgence que connaît le système financier, il ne me semble pratiquement pas possible de déférer à ce type de dispositions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Muller, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Jacques Muller. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du A du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans les conditions fixées par décret et après consultation pour avis de l'Autorité des marchés financiers, les établissements ainsi que leurs dirigeants ayant passé une convention avec l'État s'engagent notamment d'ici la fin du premier semestre 2009 à fermer leurs comptes, filiales et holdings situés dans l'un des trente-sept centres financiers extraterritoriaux recensées par le Fonds monétaire international.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement concerne les paradis fiscaux. « Il faudra bien se poser des questions qui fâchent, comme celle des paradis fiscaux », avait lancé le chef de l’État. Monsieur le ministre, vous lui avez emboîté le pas en nous annonçant, tout à l’heure, la tenue d’une réunion des pays de l’OCDE pour relancer le combat contre les paradis fiscaux le 21 octobre.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu’il existe près d’une soixantaine de paradis fiscaux dans le monde, mis à l’index par le Fonds monétaire international lui-même. Dans des îles, des archipels ensoleillés, le nombre de banques et de holdings installés dépasse souvent le nombre d’habitants. Des États moins exotiques sont aussi connus pour leur fiscalité extrêmement avantageuse pour les revenus du capital, notamment l’Irlande, le Danemark, le Royaume-Uni et ses dépendances, Gibraltar, Jersey, les îles Caïman, l’État du Delaware aux États-Unis, nos discrets voisins suisses et luxembourgeois.
Bref, une fiscalité quasi inexistante, la facilité d’y créer une filiale doublée du secret bancaire ont fait des paradis fiscaux un repaire pour le blanchiment de l’argent sale, résultant d’activités mafieuses, du trafic de drogue ou d’armes, etc. Ils sont le repaire des fraudeurs du fisc, le repaire de ceux qui détournent l’argent public, détournement auquel s’adonnent les dictateurs et les fonds spéculatifs.
Dois-je rappeler que près de 1 200 milliards de dollars issus de ces fonds auraient transité dans ces pays en 2007 ?
Toutes les grandes banques y sont implantées. Des grands groupes y sont domiciliés, tels Schlumberger aux Antilles néerlandaises ou le cabinet de conseil en management Accenture aux Bermudes.
Certains paradis fiscaux refusent toute forme de coopération, comme l’Andorre, le Lichtenstein et Monaco, et sont pointés du doigt par l’OCDE.
Dans un premier temps, la lutte contre ces paradis fiscaux ne peut reposer exclusivement sur la bonne volonté des « démocraties financières ».
Alors que M. le Premier ministre vient de réaffirmer sur les ondes, ce matin, sa volonté de combattre ces paradis fiscaux, je vous propose d’adopter un amendement concret, simple, qui tend à instaurer une conditionnalité minimale de bon sens que devraient s’imposer les bénéficiaires de la garantie de l’État, à savoir la fermeture de leurs comptes, filiales et holdings qui s’y réfugient impunément depuis de trop longues années.
L’adoption d’un tel amendement devrait recueillir un consensus. En tout cas, la portée symbolique de la position de notre Haute Assemblée n’échappera pas à nos concitoyens.