Article 1er
L'article L. 2121-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-1. - La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :
« 1° Le respect des valeurs républicaines ;
« 2° L'indépendance ;
« 3° La transparence financière ;
« 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;
« 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-8 ;
« 6° L'influence, notamment caractérisée par l'activité et l'expérience ;
« 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, nous abordons un point important de votre texte.
En effet, l’article 1er retranscrit à peu de choses près dans le code du travail les dispositions de la position commune relatives aux sept critères cumulatifs de la représentativité, critères qui ont été rénovés, conformément à un avis du Conseil économique et social de 2006, et qui ne peuvent que renforcer la légitimité des partenaires sociaux, acteurs de la négociation.
L’article 1er redéfinit donc des critères de représentativité devenus obsolètes – c’est peut-être l’un des rares points sur lesquels nous pourrons être en accord, mes chers collègues ! – si l’on considère l’évolution de notre société depuis le 11 février 1950, date à laquelle ces critères ont été définis.
En intégrant les critères de l’« audience » et de l’« ancienneté », il est mis fin à l’hégémonie des cinq syndicats, laquelle découlaient d’un arrêté datant de 1966, et à leur représentativité institutionnelle, qui était, de fait, déconnectée des réalités de l’entreprise.
Cet article 1er est aussi un gage du pluralisme syndical, car il met l’ensemble des syndicats sur un pied d’égalité, dans la mesure où les mêmes critères seront appliqués à tous.
En outre, il donne légitimement aux salariés un réel pouvoir démocratique En effet, c’est désormais leur vote qui sera déterminant pour la négociation et la fixation des normes sociales.
Très attendue par le monde syndical et les salariés, la refonte des critères de représentativité permettra aux syndicats d’asseoir leur légitimité, de rester connectés avec leur base et donc d’être plus efficaces. Profondément attachés aux droits des salariés, nous ne pouvons qu’être en accord avec une telle disposition.
Il nous semble toutefois que cet article manque de précision et peut, en cela, être source de diverses interprétations, donc de contentieux.
Il en est ainsi du critère du « respect des valeurs républicaines », dont la position commune avait d’ailleurs précisé le contenu, et du critère relatif à l’ancienneté.
Aussi, dans un souci de clarté, nous espérons que nos amendements de précisions seront adoptés.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail :
« La représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations syndicales d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement vise à préciser, dans l’article 1er, que les critères cumulatifs régissent la représentativité non seulement des organisations syndicales de salariés, mais aussi des organisations syndicales d’employeurs.
À notre sens, les critères qui ont été élaborés lors de la discussion des partenaires sociaux pour les syndicats de salariés peuvent parfaitement s’appliquer aux organisations d’employeurs.
Si nous considérons pour acquis, en ce début de XXIe siècle, le respect des valeurs républicaines, les autres critères ne doivent pas poser problème.
L’indépendance des organisations patronales, ce qui signifie leur autonomie financière, est un fait connu.
La transparence financière, grâce aux louables efforts de Mme Parisot, semble en bonne voie. Nous espérons tous qu’elle se concrétisera et, surtout, qu’elle durera au-delà de l’actuel impact médiatique.
Les organisations actuelles ont une ancienneté supérieure à deux ans.
Restent les critères d’audience, d’influence et d’effectifs d’adhérents et de cotisations. Se pourrait-il qu’atteindre ces critères pose problème à telle ou telle organisation ?
Il est vrai que la représentativité exacte des organisations patronales n’a jamais été mesurée, notamment la représentativité de la plus influente d’entre elles.
Des critères différents, peut-être plus souples que ceux qui sont exigés des organisations de salariés, doivent-ils être élaborés lors d’une négociation ad hoc ? S’il s’agit seulement de contourner le principe « un employeur - une voix », qui donnerait une majorité écrasante aux petites entreprises et modifierait donc le rapport entre organisations, il suffit de prévoir différents collèges selon la taille des entreprises. Au demeurant, cela permettrait d’avoir une photographie exacte de l’opinion des chefs d’entreprise.
Est-ce l’objectif du rapporteur lorsqu’il propose, dans un amendement après l’article 1er, de fixer les critères par une négociation avant le 30 juin 2010 ?
C’est un débat très important, car la crédibilité du dialogue social en dépendra à l’avenir, quelle que soit d’ailleurs la majorité politique au pouvoir. Par conséquent, nous souhaitons que le Gouvernement et le rapporteur donnent sur ce dossier, au Sénat et même au-delà de cette enceinte, des éclaircissements sur leurs intentions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les critères de représentativité aux organisations syndicales patronales. J’ai déjà abordé ce point dans mon propos liminaire.
Nous sommes tout à fait d’accord pour pousser en ce sens. Nous ne nous heurtons pas à une fermeture du dialogue avec les organisations patronales.
Toutefois, il nous semble préférable de renvoyer à une négociation interprofessionnelle le soin de déterminer les critères…
M. Guy Fischer. Ah non !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais si, car ce n’est pas si facile et si évident !
Par conséquent, nous souhaitons que cet amendement soit retiré au profit de l’amendement n° 11 de la commission tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er.
À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis, comme cela a été expliqué au cours de la discussion générale, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 62 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons cet amendement, car la date butoir pour déterminer les critères de représentativité des organisations patronales n’est fixée qu’au 30 juin 2010 dans l’amendement n° 11 de la commission.
Pourquoi attendre si longtemps, monsieur le rapporteur ? Pourquoi ne pas imposer un rythme de négociation plus rapide ?
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ;
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 1er établit une hiérarchie entre les sept critères de la nouvelle représentativité.
Nous partageons, avec notre collègue député Roland Muzeau, le constat de la nécessité d’organiser une hiérarchie entre ces sept critères. Comment pourrions-nous concevoir en effet qu’une organisation syndicale puisse être considérée comme représentative parce qu’elle satisferait aux critères d’indépendance, de transparence financière, d’ancienneté, d’audience, d’influence et de « poids » des effectifs, alors qu’elle ne respecterait pas la condition, pourtant essentielle, tenant au respect des valeurs républicaines ?
Cette notion, nouvelle dans l’ordonnancement des critères de la représentativité, vient se substituer au critère plus ancien d’attitude patriotique durant la Seconde Guerre mondiale. Ce critère pouvait en effet paraître quelque peu obsolète, voire archaïque pour certains. Sa modification est donc compréhensible.
Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur les efforts collectifs d’imagination qu’il nous faudra faire pour permettre la transmission aux générations futures du rôle qu’eurent les organisations syndicales dans notre pays durant la Seconde Guerre mondiale. Nous devrons trouver des moyens appropriés pour rappeler que, le 16 août 1940, le régime de Vichy interdisait le syndicalisme et provoquait la dissolution forcée de la CGT et de la CFTC. Et les militants syndicaux ont payé un lourd tribut pour la liberté !
J’en reviens à la notion de valeurs républicaines. Chacun comprendra ici qu’il s’agit d’éviter que ne se reproduise ce à quoi nous avons assisté dans les années quatre-vingt-dix, avec la création de deux syndicats FN : le Front national de la Police et le Front national pénitentiaire.
Saisie en avril 1998, la Cour de cassation de Paris prononçait la dissolution de ces deux organisations, considérant à juste titre qu’« un syndicat professionnel ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d’un objet illicite ; qu’il en résulte qu’il ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques ni agir contrairement aux dispositions de l’article L. 122-45 du Code du travail et aux principes de non-discrimination contenus dans la Constitution, les textes à valeur constitutionnelle et les engagements internationaux auxquels la France est partie ; ».
L’amendement que nous avons déposé vise donc à accentuer l’affirmation de ce critère, en précisant, comme cela figurait d’ailleurs initialement dans le texte de la position commune, que : « Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance. »
Il ne s’agit pas là d’une simple précision ; c’est véritablement une affirmation claire de ce que doit s’interdire une organisation syndicale, une déclaration de principe riche qu’il nous faut introduire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vois dans cet amendement une volonté louable d’encadrer l’interprétation du juge. Mais, sincèrement, je trouve qu’on affaiblit le texte en précisant « refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance », car, si l’on voulait vraiment être exhaustif, on pourrait ajouter d’autres mentions.
M. Guy Fischer. Lesquelles ?
Mme Annie David. Ce sont déjà ceux de la position commune ! (M. Guy Fischer brandit un exemplaire de la position commune.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Si vous avez lu, ce dont je suis persuadé, le rapport de la commission, vous avez constaté que j’ai été très précis s’agissant des valeurs républicaines et des syndicats de police.
Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est tenté de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, car telle est la position qu’il a adoptée à l’Assemblée nationale.
Mme Annie David. Ah !
M. Xavier Bertrand, ministre. En définitive, vous avez repris dans votre amendement l’alinéa qui figure dans le texte de la position commune.
M. Guy Fischer. C’est exact!
M. Xavier Bertrand, ministre. Il nous semble que l’on peut simplifier sans rien ôter pour autant de sa portée à la position commune.
J’ai bien entendu l’argumentation du rapporteur, convaincante.
Finalement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Guy Fischer. Merci, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, la commission a émis un avis défavorable, qu’elle maintient parce qu’elle ne souhaite pas que l’on affaiblisse la portée de l’article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 61, qui a le même objet.
M. le président. Je suis en effet saisi d’un amendement n° 61, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le respect des valeurs républicaines énoncé au présent article se comprend comme le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique et religieuse, ainsi que le refus de toute discrimination, tout intégrisme et toute intolérance. »
Monsieur Godefroy, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 61, pour le rendre identique à l’amendement n° 193, ce qui permettrait de clarifier le débat, les deux textes étant d’ores et déjà très proches ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 61 rectifié, identique à l’amendement n° 193.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, nous souhaitons préciser ce que l’on entend par « respect des valeurs républicaines ». Cette précision figure effectivement dans le relevé de conclusions relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, sous forme d’une note rattachée au paragraphe intitulé : « Accès aux élections ».
Nous proposons que le texte relatif au dialogue social dans le secteur privé reprenne cette précision, qui demeure utile. Ce n’est pas seulement une question de parallélisme des formes.
Nous avons tous en mémoire les difficultés rencontrées lorsqu’un parti d’extrême droite, ouvertement favorable à la légalisation des discriminations en matière d’emploi, a constitué des listes pour les élections prud’homales. Plusieurs années et plusieurs décisions de justice ont été nécessaires pour régler cette question.
M. Alain Gournac, rapporteur. Aucun texte n’existait et elle a pourtant été réglée !
M. Jean-Pierre Godefroy. Un problème du même ordre peut toujours se reproduire, qu’il s’agisse d’extrémisme politique ou d’intégrisme prônant des opinions contraires aux principes républicains.
Par conséquent, sans aucun esprit polémique, il ne nous paraît pas inutile de préciser dans ce projet de loi que le respect des valeurs républicaines ne peut être dissocié du respect de la liberté d’opinion et du refus de toute discrimination.
Cela nous semble tout à fait normal et je ne vois pas pourquoi l’inscription d’une telle précision dans la définition d’un des critères de la représentativité syndicale poserait problème. Cela existe pour la fonction publique, ce serait utile pour le secteur privé, peut-être plus utile encore.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 193 et 61 rectifié.
M. Jean Desessard. La question des critères d’évaluation de la représentativité syndicale est au cœur du titre Ier de ce projet de loi. Nous l’avons vu lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, la question du respect des valeurs républicaines est primordiale à cet égard.
L’Assemblée nationale a donc amendé le projet de loi, afin de faire figurer ce critère en premier. Mais ce changement n’est que symbolique, le fond du problème ne résidant pas dans la place que l’on donne à chacun des sept critères de la représentativité des organisations syndicales, puisqu’ils sont cumulatifs. Le fond du problème est ici le degré de précision du critère du respect des valeurs républicaines.
Tel est donc l’objet de cet amendement, qui reprend la définition des « valeurs républicaines » adoptée par la position commune à l’alinéa 6 de son article 1er, repris par l’accord signé dans la fonction publique relatif à la rénovation du dialogue social, et selon laquelle « le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse, ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ».
Une telle précision est vitale. En effet, la notion de valeurs républicaines, qui doit être appliquée uniformément sur tout le territoire, ne doit pas être laissée à l’appréciation du juge. Dans un domaine aussi sujet à contentieux, le législateur se doit d’être précis. N’oublions pas que ce critère a notamment permis aux juges d’empêcher la constitution des sections syndicales du Front national dans la police et le secteur pénitentiaire.
En outre, les travaux des commissions saisies au fond à l’Assemblée nationale et au Sénat, tout comme les propos du rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, M. Jean-Frédéric Poisson, nous font craindre une appréciation fluctuante de la notion de valeurs républicaines à l’égard des pratiques syndicales.
En effet, la simple inscription du « respect des valeurs républicaines » sans autre précision, pourrait tout aussi bien renvoyer au respect de la propriété privée. S’il s’agit d’interdire à un syndicat d’accéder à la représentativité syndicale telle qu’elle est définie dans cet article en raison de débordements lors d’actions de grève, c’est abusif !
Nous attirons donc votre attention sur le fait qu’un carreau cassé au cours d’une grève ne doit pas constituer un motif pour refuser la représentativité à un syndicat.
C’est pour éviter ce genre de dérives qu’il nous semble nécessaire de préciser la notion de « valeurs républicaines » dont le respect serait dorénavant l’un des critères de la représentativité syndicale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. J’espère que nous allons retenir l’attention de la majorité de notre assemblée sur ce point.
Il me semble que nous avons déjà eu une discussion similaire lors d’un débat relatif au séjour des étrangers en France et au rapprochement familial. Il avait été émis l’idée de vérifier que l’accueillant respectait les « valeurs républicaines ».
À l’époque, nous avions déjà mis le doigt sur la difficulté à définir cette notion. En effet, si ces « valeurs républicaines » ne sont pas précisées, elles ne représentent pas grand-chose. Et c’est un républicain qui vous parle, un homme qui, de la République, a même fait sa religion !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ah bon ! Mélenchon donneur de leçons !
M. Jean-Luc Mélenchon. La tolérance fait partie des valeurs républicaines, puisque la République n’interdit pas de se déclarer royaliste. Cet exemple, presque caricatural, permet, me semble-t-il, de mieux saisir la difficulté.
En général, je recommande de se référer aux principes républicains, qui, eux, peuvent être précisément décrits par des textes, plutôt qu’aux valeurs républicaines, qui sont beaucoup moins précises et renvoient à une dimension plus métaphysique.
Sur ce point, soyons plus précis. Le critère que nous évoquons aujourd’hui se substitue, comme cela a été dit, à celui du comportement patriotique, introduit à la Libération, et tout à fait pertinent à cette époque. Aujourd’hui, une telle précision ne vise qu’une unique organisation, comme cela vient d’être dit par mes camarades communistes et socialistes, voilà un instant. Il s’agit des syndicats liés à une organisation politique, à savoir le Front national, qui a déjà fait des tentatives dans le domaine syndical. Or personne, sur ces travées, ne veut entendre parler de tels représentants syndicaux dans les entreprises.
Nous pouvons donc nous en convaincre, mes chers collègues, en apportant une telle précision, nous permettrons au juge, qui n’est jamais que celui qui met en œuvre la loi, de se référer à une norme qui deviendrait unique pour tout le territoire. Sinon, on risque vraiment d’avoir des différences d’interprétation ! En effet, un militant de l’extrême droite ne se prétend pas hostile à la République, loin de là ! Parfois, il va même jusqu’à s’en réclamer, affirmant que nul n’est plus républicain que lui.
Nous le savons bien, la notion de République recueille des définitions différentes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais il n’y a qu’une seule Constitution !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous tous, ici, nous nous référons à l’esprit républicain de 1789 et de 1793. Mais ce n’est pas le cas partout ! Il existe ailleurs dans le monde des républiques qui ne sont pas celles des droits de l’homme !
Mes chers collègues, la définition ici proposée ne dénature pas l’accord qui a été signé et ne gêne en rien. Elle devrait donc pouvoir être acceptée.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je ne reprendrai pas les arguments qui viennent d’être développés par mon collègue.
M. le rapporteur affirme que l’adoption de ces amendements identiques alourdirait le texte.
M. Alain Gournac, rapporteur. J’ai dit que cela affaiblirait le texte !
Mme Annie David. Sincèrement, je ne le crois pas ! Au contraire, la rédaction serait ainsi clarifiée, ce qui permettrait d’éviter des contentieux.
Par ailleurs, la précision proposée reprend le paragraphe I-6 de l’article 1er de la position commune, et donne ainsi satisfaction à un grand nombre de personnes.
Au demeurant, le groupe CRC demande un scrutin public sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission dans affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très honnêtement, ces amendements identiques n’apportent rien ! Cependant, si cela fait plaisir à tout le monde, nous pouvons les adopter, nous n’allons pas nous battre sur ce point !
Comme vous, nous savons ce qu’est la République, chers collègues. Mais nous savons aussi que notre Constitution sert de référence. J’ai l’impression que vous cherchez à démontrer qu’il y aurait, d’un côté, les bons sénateurs qui défendent les bonnes valeurs et, de l’autre, les mauvais sénateurs ! Or nous partageons les mêmes valeurs !
En conséquence, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter ces amendements identiques, en espérant que nous serons capables, à l’avenir, de nettoyer toutes ces scories, afin d’avoir une référence constitutionnelle claire. Cette précision servira peut-être dans un premier temps à encadrer la jurisprudence, mais il faudra un jour supprimer tout cela, car c’est totalement inutile.
M. Jean Desessard. Et qu’est-ce que nous avons voté, la semaine dernière ?
Mme Annie David. Il n’est donc pas possible de débattre dans cet hémicycle ? Nous sommes pourtant là pour ça !
M. le président. Dans ces conditions, puisque la commission lève son opposition, acceptez-vous, madame David, de retirer votre demande de scrutin public ?
Mme Annie David. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets donc aux voix les amendements identiques nos 193 et 61 rectifié.
(Les amendements sont adoptés. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.- M. le président de la commission des affaires sociales désapprouve.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Seillier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le sixième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail :
« 5° L'audience mesurée par une élection nationale interprofessionnelle ouverte à tous les travailleurs, qu'ils soient salariés, demandeurs d'emploi ;
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 110, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail :
« 5° L'audience mesurée par les élections prud'homales ;
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. L'objet du présent amendement est de prendre en compte les résultats des élections prud’homales plutôt que ceux des élections professionnelles pour mesurer l’audience syndicale.
En effet, le choix des élections professionnelles comme étalon de l’audience ne semble pas judicieux, parce qu’il exclut l’expression des salariés des toutes petites entreprises, au sein desquelles ces élections ne sont pas organisées.
Au contraire, les élections prud’homales garantissent l’expression de tous les salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à définir la représentativité syndicale au niveau national par l’intermédiaire des élections prud’homales. Or, comme nous l’avons déjà dit, cette solution n’a pas été retenue.
En effet, la position commune a choisi, avant nous, de définir la représentativité syndicale à partir de l’audience mesurée dans l’entreprise, c'est-à-dire au plus près du terrain.
La commission vous demande donc, monsieur Amoudry, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 110 est-il maintenu, monsieur Amoudry ?
M. Jean-Paul Amoudry. J’ai bien compris la position commune, qui est le reflet de la légitimité syndicale et l’expression des partenaires sociaux. Cependant, je pense que la démocratie politique doit également pouvoir s’exprimer.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, les deux parties du texte sont parcourues d’une seule et même logique : nous avons choisi le niveau de l’entreprise. Par conséquent, si les résultats des élections prud’homales étaient pris en compte, cette logique disparaîtrait, et le système deviendrait bancal.