M. Jean-Luc Mélenchon. L’esclavagisme !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est toute la différence entre nous, mais c’est une différence souhaitée par les Français. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Pas du tout !
M. Xavier Bertrand, ministre. Avec ce projet de loi, nous arrêtons enfin la « machine à compliquer » mise en marche voilà maintenant bien longtemps dans notre pays. Pour une fois, un projet de loi relatif au droit du travail simplifie et clarifie vraiment les choses.
M. Guy Fischer. Soixante-cinq heures par semaine !
Mme Annie David. Il n’y a plus de règles !
M. Xavier Bertrand, ministre. … nous les rendons plus efficaces et nous donnons plus de marge aux négociateurs.
Le nombre d’articles consacrés au temps de travail dans le code du travail passera de soixante-treize à trente-quatre. Voilà qui est clair et concret ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Sans négociation !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le projet de loi pose des règles simples.
Il sera possible, par accord d’entreprise, de fixer toutes les règles en matière de contingent d’heures et de repos compensateur.
Il sera possible de dépasser le contingent d’heures en consultant les institutions représentatives du personnel, dans la limite de la durée maximale de travail et de la durée minimale de repos. Il deviendra ainsi plus facile de recourir aux heures supplémentaires.
Mme Annie David. Ça, c’est sûr…
M. Xavier Bertrand, ministre. Prenons l’exemple d’une entreprise de huit salariés qui rencontrerait des difficultés de recrutement et aurait besoin de main-d’œuvre à des périodes précises.
Mme Annie David. Et les CDD à objet défini ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le contingent d’heures supplémentaires est aujourd’hui fixé à 130. Au-delà, c’est un véritable parcours du combattant ! Nous voulons mettre un terme à cette situation. Dès l’entrée en vigueur du texte, une telle entreprise pourra dépasser son contingent d’heures supplémentaires sans demande d’autorisation administrative.
M. Guy Fischer. Ben voyons !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est pratique, c’est simple et c’est surtout efficace ! Voilà ce que demandent, dans les entreprises, aussi bien les employeurs que les salariés.
M. Jean-Luc Mélenchon. Non ! C’est faux !
M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne les forfaits annuels, le présent projet de loi pose des balises. Ils devront toujours être mis en place par le biais d’accords collectifs. Leur utilisation sera réservée à certains types de salariés, ayant le statut de cadre, autonomes dans la gestion de leur emploi du temps, pour les forfaits annuels en jours et les forfaits annuels en heures.
Les salariés travaillant au forfait jours pourront, s’ils le souhaitent – j’insiste sur ce point –, faire des jours supplémentaires au-delà de 218 jours (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.),…
M. Jean-Luc Mélenchon. Comment pourront-ils résister à l’employeur ?
M. Xavier Bertrand, ministre. … pour lesquels la rémunération sera alors majorée d’au moins 10 %, ce qui accroîtra leur pouvoir d’achat. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est lamentable !
M. Xavier Bertrand, ministre. L’Assemblée nationale a souhaité apporter à ce sujet un certain nombre de garanties. Elle a ainsi rappelé que les conventions de forfaits sont contractuelles et nécessiteront donc l’accord écrit du salarié.
Surtout, elle a fixé un plafond en jours qui s’appliquera à défaut de stipulations contraires d’un accord. Ce plafond de 235 jours permettra de garantir le repos de deux jours par semaine en moyenne, alors qu’aujourd’hui un cadre peut travailler jusqu’à 282 jours par an.
Mme Annie David. Ce n’est pas vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’ai entendu personne s’émouvoir de la mise en place de ces forfaits jours par une ministre de l’emploi et de la solidarité qui s’appelait Martine Aubry ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous vous répondrons tout à l’heure !
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà la vérité !
En effet, il ne sert à rien de prévoir sur le papier une limite de 218 jours, alors que l’on sait très bien qu’il n’existe aucun garde-fou jusqu’à 282 jours !
Je voudrais aussi remettre les pendules à l’heure sur un autre point : bien évidemment, le 14 juillet, le 15 août, le 25 décembre ou encore le 1er janvier sont des jours fériés…
M. Guy Fischer. Vous voulez les supprimer !
M. Xavier Bertrand, ministre. … prévus par conventions collectives, et ils le resteront. Il n’y a que ceux qui n’ont rien à dire de sérieux qui cherchent à faire peur sur ce sujet ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne nous provoquez pas !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est certainement pas là la façon dont il convient d’aborder un débat aussi attendu par les Français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Enfin, et surtout, le projet de loi a pour objet de simplifier significativement la réglementation sur le temps de travail, en créant un nouveau mode unique d’aménagement négocié du temps de travail ; il remplacera les quatre modes actuels et offrira des règles beaucoup plus souples.
Mme Christiane Demontès. C’est sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Grâce à ce nouveau cadre légal, il ne sera plus nécessaire de programmer pour l’ensemble des entreprises d’une branche les durées des semaines de travail pour toute l’année à venir.
Aujourd’hui, un salarié à temps partiel n’a pas accès aux journées de RTT, et ne peut absolument pas les racheter. Avec ce texte, ce sera enfin possible.
Je sais que la commission des affaires sociales aura également le souci d’améliorer la manière dont ces nouvelles mesures relatives au temps de travail s’appliqueront en organisant mieux leur articulation avec les autres dispositions légales. Je serai bien évidemment sensible à ses suggestions.
L’accord devra par ailleurs fixer un délai de prévenance en cas de changement de durée ou d’horaires de travail. Sauf stipulation contraire, ce délai sera d’au moins sept jours.
Enfin, l’Assemblée nationale a introduit des dispositions rénovant les règles de fonctionnement du compte épargne-temps, le CET, en privilégiant la négociation d’entreprise, en facilitant les liens avec l’épargne retraite et en organisant la portabilité des avoirs stockés sur le CET.
M. Guy Fischer. Il faut surtout augmenter les salaires !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous percevez bien la philosophie générale de ce projet de loi. Pendant longtemps, la loi a imposé d’en haut. Nous voulons quant à nous une loi qui apporte des garanties dans les entreprises, tout en accordant une liberté de choix. Il s’agit de permettre aux entreprises et aux salariés de trouver les solutions les plus adaptées aux besoins de chacun, dans le dialogue.
C’est bien parce que les représentants des salariés auront une légitimité renforcée dans les entreprises qu’ils pourront se saisir des nouveaux espaces que nous ouvrons à la négociation collective. J’insiste sur ce dernier adjectif, car il ne s’agit en aucune manière de renvoyer les salariés à un face-à-face avec leur employeur. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. À peine ! Vous pensez qu’on peut négocier avec le couteau sous la gorge ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Lisez donc le texte !
Notre modèle, c’est bien celui de la négociation collective et de la participation de chacun à la détermination des règles qui le concernent. Ce n’est pas la même règle pour tous qui tombe d’en haut ! Ce n’est pas le même cadre, celui des 35 heures, pour toutes les entreprises en France, mais ce n’est pas non plus l’individualisation sans règles !
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme est ambitieuse ; elle est aussi attendue. Comme tout changement fondamental, elle ne manque pas de susciter des remarques et des interrogations, mais je voudrais vous renvoyer, s’agissant de la question essentielle de l’avenir du dialogue social, à ce qui s’est passé à l’automne dernier.
Après la présentation d’un texte sur le service minimum au cours de l’été, nous avions engagé la réforme des régimes spéciaux. Alors qu’une grève longue, qui allait durer neuf jours, se déroulait, on nous disait que c’en était fini du dialogue social en France. Or, cela n’a pas empêché la signature, quelques mois après, de deux textes majeurs relatifs au marché du travail et à la représentativité. Le dialogue social n’a pas pour objet de faire plaisir au Gouvernement ou à tel ou tel des partenaires sociaux. Il doit nous faire avancer sur un certain nombre de sujets, par exemple celui de la pénibilité du travail.
Mme Annie David. En faisant travailler les gens 48 heures par semaine ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Sur cette question, les négociations interprofessionnelles sont enlisées, mais nous ne les laisserons pas en l’état. Nous allons maintenant intervenir pour trouver des solutions avec les partenaires sociaux. (Les sénateurs du groupe CRC et du groupe socialiste manifestent leur scepticisme.)
Ce projet de loi réforme en profondeur les règles de la démocratie sociale et offre de nouveaux espaces à la négociation d’entreprise. Avec lui, la place et la légitimité de la négociation collective se trouvent confortées comme jamais auparavant dans notre système de relations professionnelles. Il a vocation à produire des effets dès son entrée en vigueur, à l’automne prochain. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme historique, ce sont les acteurs de l’entreprise qui lui donneront toute sa portée une fois que vous lui aurez conféré, par votre vote, force obligatoire et force législative. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, fruit de plusieurs années de réflexion et de concertation avec les partenaires sociaux, porte sur deux sujets majeurs : la rénovation de la démocratie sociale, d’une part, la réforme du droit de la durée du travail, d’autre part.
La réforme de la démocratie sociale qui nous est proposée a été engagée voilà plus de trois ans. En effet, dès 2005, le Premier ministre d’alors, M. Dominique de Villepin, avait demandé à Raphaël Hadas-Lebel, président de la section sociale du Conseil d’État, de formuler des propositions pour réformer les règles en matière de représentativité syndicale et de validité des accords collectifs, les modalités du dialogue social au sein des PME et le financement des organisations syndicales.
Remis en 2006, le rapport Hadas-Lebel préconisait d’apprécier la représentativité des organisations syndicales en fonction de leur audience électorale, mesurée grâce aux résultats des élections professionnelles ou des élections prud’homales, ou encore via une élection de représentativité. Il suggérait de fixer à 10 % le seuil de représentativité, afin de limiter la dispersion syndicale.
Consulté à son tour, le Conseil économique et social a approuvé ces recommandations, en optant cependant pour un seuil de représentativité de 5 %.
Le 18 juin 2007, le nouveau Premier ministre, M. François Fillon, a adressé aux partenaires sociaux, en application de la procédure prévue par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, un document d’orientation pour les inviter à négocier sur la représentativité syndicale, la validité des accords collectifs et le développement du dialogue social dans les PME.
À la demande du chef de l’État, ce document d’orientation a été complété, en décembre dernier, afin que les négociations portent aussi sur le temps de travail et sur le financement des organisations syndicales de salariés et d’employeurs.
Ces négociations ont abouti à la signature d’une position commune par deux syndicats de salariés, la CGT et la CFDT, et deux organisations patronales, le MEDEF et la CGPME.
La première partie du projet de loi retranscrit fidèlement les termes de cette position commune, sauf sur la question du financement du dialogue social, sur laquelle je reviendrai dans un instant.
Le projet de loi prévoit d’abord de réformer les règles de la représentativité syndicale, qui ont peu évolué depuis une quarantaine d’années et sont devenues inadaptées aux nouvelles exigences de la négociation collective.
La présomption irréfragable de représentativité accordée à cinq organisations syndicales confère à celles-ci un avantage considérable, puisqu’elles sont présumées représentatives à tous les niveaux, quelle que soit leur implantation réelle.
Il faut reconnaître que cela ne favorise guère les recompositions syndicales. La présomption irréfragable de représentativité pose en outre un problème en cas de signature d’un accord dérogatoire, c’est-à-dire qui comporte des dispositions moins favorables pour les salariés que celles figurant dans la loi ou dans les accords collectifs de niveau supérieur, car il faudrait alors pouvoir s’assurer que les syndicats qui l’approuvent sont réellement représentatifs.
En vue de refonder la démocratie sociale, le projet de loi reprend l’essentiel des préconisations de la position commune du 9 avril 2008. Il actualise les critères de la représentativité syndicale, qui étaient restés inchangés depuis 1950.
En particulier, le critère de l’attitude patriotique pendant l’Occupation est conservé dans son esprit – il en a été longuement question en commission des affaires sociales –, puisque le projet de loi prévoit de faire désormais référence au « respect des valeurs républicaines ». Cette évolution est conforme au souhait qu’avait exprimé notre commission au moment de la recodification du code de travail. (M. le ministre approuve.)
Une obligation de transparence financière est imposée aux organisations syndicales et d’employeurs. Il s’agit là d’une première réponse au trouble provoqué par « l’affaire UIMM ».
L’audience, enfin, devient le critère essentiel de la représentativité syndicale ; elle sera appréciée au regard des résultats de chaque organisation au premier tour de l’élection des institutions représentatives du personnel – comité d’entreprise ou délégués du personnel.
Pour être reconnu représentatif, un syndicat devra obtenir au moins 10 % des voix dans l’entreprise et 8 % des voix à l’échelon de la branche et sur le plan national. Certains jugent ces seuils trop élevés et dangereux pour le pluralisme syndical, mais il nous faut assumer la volonté qui est la nôtre d’encourager une recomposition du paysage syndical dans notre pays. L’émiettement actuel n’est favorable ni aux salariés – la division syndicale n’ayant jamais contribué à la défense de leurs intérêts – ni aux employeurs, qui ont du mal à négocier avec des acteurs multiples et parfois tentés par la surenchère.
M. Guy Fischer. Il y a à redire ! Nous en reparlerons…
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission des affaires sociales souhaite ainsi encourager le rapprochement en cours entre l’UNSA, l’Union nationale des syndicats autonomes, et la CGC.
Elle souhaite également engager le débat sur la question de la représentativité des organisations patronales (Exclamations sur les travées du groupe CRC.), dont nous reparlerons lors de l’examen des articles. En effet, il lui a paru logique que les critères de représentativité de ces dernières soient mieux définis, sans quoi les syndicats de salariés auront face à eux, pour négocier, des organisations patronales qui pourraient être considérées comme moins légitimes qu’elles.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Robert Bret. C’est le cas !
M. Jean Desessard. Vous avez déposé des amendements dans ce sens ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Attendez ! Ne soyez pas aussi impatients, mes chers collègues…
Un autre sujet de préoccupation, pour la commission, concerne la représentation professionnelle des journalistes. En l’état actuel, le projet de loi risque de faire disparaître le syndicat le plus représentatif de cette profession, à savoir le Syndicat national des journalistes, le SNJ.
Soucieuse de préserver l’indépendance des journalistes, la commission vous proposera de prévoir des règles particulières pour cette profession, qui fait déjà l’objet d’un livre spécifique dans le code du travail.
Les nouveaux critères de représentativité auront des conséquences sur la vie syndicale dans l’entreprise et sur les règles de validité des accords collectifs.
Afin de renforcer la légitimité du délégué syndical, celui-ci sera dorénavant choisi parmi les salariés ayant recueilli au moins 10 % des voix aux dernières élections professionnelles. Chaque syndicat, même non représentatif, pourra par ailleurs désigner un représentant de la section syndicale qui sera chargé de l’animer et de préparer les prochaines élections professionnelles.
Les accords collectifs seront eux aussi plus légitimes, puisqu’ils devront, pour être valides, être signés par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant obtenu au moins 30 % des suffrages aux dernières élections et ne pas faire l’objet d’une opposition de la part de syndicats représentatifs ayant obtenu la majorité des suffrages.
Il s’agit là d’une étape supplémentaire vers la mise en œuvre du principe de l’accord majoritaire, qui demeure l’objectif final des signataires de la position commune.
Dans les PME, enfin, le texte facilitera la négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés afin d’y favoriser le développement de la pratique conventionnelle.
En ce qui concerne le financement du dialogue social, je souhaite dire un mot de l’article 8, qui donne une base légale incontestable à l’accord UPA du 12 décembre 2001, car je sais que nombre de nos collègues ont été interpellés à ce sujet dans leurs départements.
Cet accord divise les organisations patronales. Il prévoit la mise en place d’une contribution à la charge de l’employeur pour financer le dialogue social dans les branches. Le MEDEF et la CGPME contestent ce nouveau prélèvement obligatoire et mettent en doute la légitimité de l’UPA pour signer un accord applicable à toutes les entreprises de l’artisanat. Les recours en justice qu’ils ont engagés n’ont cependant pas remis en cause la validité de l’accord, qui a été confirmée.
Dans ces conditions, la commission approuve le choix du Gouvernement de conforter l’accord UPA. Je signale que l’Assemblée nationale a modifié le dispositif initial pour lui donner plus de souplesse et qu’elle a retardé sa date d’entrée en vigueur afin que celle-ci coïncide avec l’achèvement des discussions, prévues par la position commune, sur la représentation des salariés et l’amélioration du dialogue social dans les petites entreprises. Je vous proposerai à mon tour, au nom de la commission, quelques ajustements complémentaires destinés à apaiser les craintes des uns et des autres.
J’en viens maintenant à la seconde partie du projet de loi, consacrée à la réforme du temps de travail.
Je le dis clairement, la décision du Gouvernement d’introduire ce second volet dans le texte a mécontenté les organisations signataires de la position commune, qui ont estimé que ce volet ne respectait pas les termes de leur accord et que cela risquait de mettre en péril le dialogue social.
M. Robert Bret. Voilà !
M. Guy Fischer. C’est un coup de force !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On n’écrit pas la loi sous la dictée !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il est exact que la position commune n’envisageait qu’une mesure de nature expérimentale, ponctuelle et strictement encadrée, qui n’aurait pas fait évoluer les choses en matière de contingent conventionnel d’heures supplémentaires.
C’est pourquoi le Gouvernement, honorant en cela une promesse électorale maintes fois entendue, a décidé de s’affranchir des termes de la position commune pour proposer une réforme de plus grande ampleur.
M. Guy Fischer. C’est le coup de force du Gouvernement !
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission soutient cette initiative. Ce serait, en effet, une singulière conception de la démocratie que de vouloir empêcher le pouvoir politique de mettre en œuvre les engagements pris devant les Français, lorsqu’il apparaît que les partenaires sociaux ne sont pas en mesure de parvenir à un compromis satisfaisant.
En outre, il nous paraît légitime de lier réforme du temps de travail et rénovation de la démocratie sociale, puisque le temps de travail a vocation à devenir l’un des thèmes de négociation privilégiés dans les entreprises et dans les branches.
Le texte s’écarte donc résolument de la logique des 35 heures. Nous le disons tout aussi résolument : nous ne pensons pas que l’on puisse créer des emplois en partageant le travail. Cela n’a marché nulle part ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n’est pas vrai ! Sinon, cela se saurait !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si, 400 000 emplois ont été créés !
M. Alain Gournac, rapporteur. Laissez-moi terminer ! Vous vous exprimerez tout à l’heure !
M. Robert Bret. Vous dites des contre-vérités !
M. le président. Mes chers collègues, seul M. le rapporteur a la parole !
Veuillez poursuivre, monsieur Gournac.
M. Alain Gournac, rapporteur. Au contraire, c’est en donnant plus de liberté que l’on enclenchera une dynamique économique vertueuse. Je suis, vous le savez, profondément attaché à la valeur travail,…
M. Jean-Luc Mélenchon. Comme Karl Marx ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac, rapporteur. … grâce à laquelle je me suis construit, et j’ai souffert, à l’époque des 35 heures, que notre pays donne l’impression qu’il voulait s’en détourner. (Protestations sur les mêmes travées.)
Dans un récent rapport, le Conseil d’analyse économique souligne qu’« aucune étude empirique ne permet de préciser qu’une réduction autoritaire de la durée du travail pourrait accroître l’emploi ».
M. Henri de Raincourt. C’est sûr !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il ajoute que les emplois créés grâce aux lois Aubry l’ont vraisemblablement été grâce aux allégements de charges et à la flexibilité accrue du temps de travail.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est certain !
M. Alain Gournac, rapporteur. La réduction de la durée légale du travail n’a eu, en tant que telle, qu’un impact marginal, et il n’est même pas sûr que cet impact ait été positif !
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est un ramassis de contre-vérités qui ne correspondent en rien à la réalité ! Vous, c’est zéro pointé depuis que vous êtes aux affaires !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous connaissez mieux l’organisation du travail que moi, monsieur Mélenchon, c’est certain ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Notre critique des 35 heures n’a donc rien d’idéologique, comme on l’entend dire parfois. Elle s’appuie au contraire sur des analyses solidement étayées, qui émanent des meilleurs experts.
M. Jean-Luc Mélenchon. Les vôtres !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne crois pas utile de revenir sur le détail des mesures présentées dans le projet de loi en matière de temps de travail, M. le ministre l’ayant déjà fait avec talent. Je rappellerai simplement trois points essentiels.
Tout d’abord, le texte fait disparaître le contingent d’heures supplémentaires tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il sera désormais possible d’effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent, à condition d’accorder au salarié une contrepartie en repos.
Ensuite, il supprime les dispositifs d’aménagement du temps de travail qui existent actuellement, pour les remplacer par un dispositif unique d’aménagement du temps de travail par voie d’accord collectif.
M. Alain Gournac, rapporteur. Enfin, il simplifie le régime des conventions de forfait. Le texte prévoit, notamment, que les salariés travaillant au forfait jours pourront renoncer à des jours de repos en échange d’une rémunération majorée, à condition que le nombre de jours travaillés dans l’année n’excède pas un maximum qui sera déterminé par voie d’accord et fixé, à défaut d’accord, à 235 jours, ainsi que l’a décidé l’Assemblée nationale.
Mme Annie David. Et vous prétendez vous préoccuper de la santé des salariés !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je voudrais, pour terminer, faire quatre observations.
Tout d’abord, le projet de loi procède, et cela est suffisamment rare pour être souligné, à une remarquable simplification du droit du travail,…
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Ah ça oui !
M. Alain Gournac, rapporteur. … qui est bien compliqué. Rédiger des lois plus courtes et plus simples est aussi un objectif politique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) Combien de chefs d’entreprise, dans les PME, sont encore capables de comprendre – je le dis avec tout le respect que j’ai pour eux ! – toutes les subtilités du droit de la durée du travail ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Tous ceux qui sont allés à l’école et qui savent lire ! Comme les Irlandais !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ensuite, le projet de loi donne la priorité à l’accord d’entreprise, l’accord de branche devenant supplétif, afin que les règles relatives à la durée du travail puissent être définies au plus près des réalités du terrain. Nous ne pensons pas que ce choix soit de nature à créer un quelconque dumping social.
Pour que l’accord d’entreprise soit valide, l’employeur devra recueillir l’assentiment de syndicats ayant obtenu au moins 30 % des voix, et les syndicats majoritaires pourront toujours exercer leur droit d’opposition. Cela garantit que les accords signés seront équilibrés. (Mme Annie David s’exclame.)
En outre, le texte maintient la durée légale du travail, qui marque le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, à 35 heures hebdomadaires.
M. Guy Fischer. C’est une tromperie !
M. Alain Gournac, rapporteur. Toute autre décision aurait été incohérente avec celle qui a été prise l’an dernier, dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, de défiscaliser les heures supplémentaires.
Enfin, je voudrais souligner, car c’est important, que le projet de loi laisse inchangées les règles sur la durée maximale du travail journalière et hebdomadaire, de façon à ne pas menacer la santé et la sécurité au travail. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C’est vide de sens ! C’est faux ! On pourra travailler jusqu’à soixante heures !
M. Alain Gournac, rapporteur. L’adoption de ce texte nous permettra donc de rompre avec la logique de la réduction du temps de travail qui a tant pesé sur la compétitivité du pays et sur le pouvoir d’achat des ménages,…
Mme Gisèle Printz. Ce n’est pas vrai !
Mme Christiane Demontès. Parlons-en, du pouvoir d’achat !