M. Jacques Blanc. Bravo ! C’est capital !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. C’est le premier point sur lequel je souhaitais insister devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, car je n’ai peut-être pas été assez clair à l’Assemblée nationale. La Haute Assemblée, eu égard à la pertinence de ses interrogations, mérite bien que je complète mon propos. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
Allons donc plus loin.
S’agissant de la sécurité du consommateur, qui relève d’une préoccupation légitime, sachez, monsieur Raoul, que le code de la consommation s’applique à toutes les entreprises, quelle que soit leur forme. L’auto-entrepreneur devra donc lui aussi le respecter, notamment son titre Ier, dans les mêmes conditions que n’importe quel autre entrepreneur. De même, l’obligation de souscrire une assurance en responsabilité civile s’imposera également à l’auto-entrepreneur.
Ce régime est donc celui de l’ouverture, de la liberté, conçu afin de donner leur chance à ceux qui, dans les quartiers, ne l’ont parfois pas eue. Nous voulons leur permettre de démarrer une activité, nous voulons aussi donner aux salariés la possibilité de compléter leur revenu par une activité exercée – en dehors de leurs heures de travail salarié, bien entendu ! – par exemple sur Internet, nous voulons enfin offrir aux retraités une chance de se créer une source de revenus complémentaires.
J’ai la conviction qu’il s’agit d’un régime moderne, qui sera la marque, si vous le décidez, de la volonté de rendre notre société plus ouverte, plus libre, de donner leur chance à toutes celles et à tous ceux qui veulent entreprendre et créer une activité. Nous en avons bien besoin ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 911, qui vise à supprimer tout ou partie de la loi TEPA, et à l’amendement n° 325, qui tend à limiter à trois ans la durée du régime social des auto-entrepreneurs.
J’indiquerai à M. Jacques Blanc que, comme l’a rappelé à juste titre M. Laurent Béteille, soit le dispositif marche, soit il ne marche pas.
Il n’y a aucune raison de restreindre aux trois premières années l’exercice de la faculté offerte à un retraité ou à un salarié développant une activité complémentaire d’opter pour le nouveau régime micro-social. Si l’activité créée se développe au point que sont franchis les seuils de chiffre d’affaires ou de recettes, fixés à 80 000 euros en matière de commerce et à 32 000 euros en matière de services, l’auto-entrepreneur rejoindra ipso facto le régime de droit commun de l’entreprise individuelle ou de la société et devra être immatriculé au registre national du commerce et des sociétés.
Monsieur Jacques Blanc, sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à retirer l’amendement n° 603 rectifié.
Par ailleurs, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 966, qui vise à compléter le dispositif proposé. Il permet d’ouvrir aux professionnels libéraux la faculté – il ne s’agira pas d’une obligation – de recourir au statut de l’auto-entrepreneur.
Les caisses de sécurité sociale des professions libérales ont été informées de la faculté nouvelle qui pourrait être offerte. Les discussions que nous aurons avec elles devraient permettre de répondre au souci de M. le rapporteur.
Enfin, l’amendement n° 188 de la commission spéciale va plus loin qu’une simple amélioration rédactionnelle. Il vise à procéder à une révision technique et profonde des décisions prises par l’Assemblée nationale en matière de suppression de la déclaration unique de revenus des travailleurs indépendants. J’y suis favorable, de même qu’à l’amendement n° 187.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 324 et 452.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote sur l'amendement n° 911.
M. Gérard Le Cam. Je souhaite apporter quelques éléments complémentaires sur cet amendement.
Force est de constater que le dispositif des heures supplémentaires présente à l’examen plusieurs défauts. Parmi les critiques que l’on peut lui adresser, trois me paraissent essentielles.
En premier lieu, les heures supplémentaires constituent en dernière analyse la forme la plus archaïque de gestion des temps de travail du personnel, notamment lorsque le droit du travail permet de négocier des horaires d’activité sur la base de l’annualisation, méthode largement utilisée dans nombre d’entreprises après l’adoption des lois Aubry sur la réduction et l’aménagement du temps de travail.
Cet archaïsme affecte, ce n’est pas une surprise, les secteurs de la restauration, de la construction et des transports, dans lesquels la taille des entreprises et les modalités d’organisation sont souvent encore très éloignées des possibilités d’aménagement offertes par la négociation et l’annualisation, voire la forfaitisation.
En deuxième lieu, le dispositif permet en fait d’acquérir une forme de paix sociale au moindre coût dans nombre d’entreprises.
En troisième lieu, l’application du dispositif provoque un effet d’éviction.
Nous avons indiqué que le nombre des heures supplémentaires déclarées au dernier trimestre de 2007 était inférieur aux prévisions. Pour autant, les 144 millions d’heures supplémentaires déclarées représentent l’équivalent de 300 000 emplois à temps plein sur la période concernée, notamment dans le champ des contrats à durée déterminée ou des missions intérimaires. Cet effet d’éviction est d’ailleurs en partie vérifié dans les statistiques des ASSEDIC.
Selon l’étude mensuelle sur le chômage de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, parue en mars dernier, les fins de contrat à durée déterminée et les fins de mission d’intérim constituent les deux principaux facteurs de progression des inscriptions à l’ANPE.
Ce sont d’ailleurs ces deux postes qui, sur la durée, notamment depuis l’an dernier, consolident le niveau de la demande d’emploi, avec un flux mensuel de plus de 130 000 nouvelles inscriptions pour l’une ou l’autre de ces deux raisons.
Je ferai également quelques observations sur le dispositif relatif aux revenus du patrimoine et au bouclier fiscal.
Restituer aux contribuables concernés 222 millions d’euros, voire 250 millions d’euros, c’est renoncer à un millième des recettes fiscales de l’État, somme à comparer encore au produit intérieur brut.
Nous proposons au Sénat de mettre un terme à ce gaspillage des ressources publiques en adoptant l’amendement n° 911.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 325.
M. Daniel Raoul. Les explications qui nous ont été données par M. le secrétaire d’État m’amènent à revenir sur les arguments avancés tout à l’heure par ma collègue Nicole Bricq.
Tout d’abord, aucune évaluation des dispositions présentées n’a été faite. Si une entreprise fonctionnait comme le Gouvernement, elle irait droit dans le mur ! Dans une entreprise, on met en place une démarche de projet, on procède à une étude d’impact, à une évaluation. Or aucun des textes qui nous ont été présentés depuis l’entrée en fonctions du Gouvernement n’était assorti d’une étude d’impact.
Ensuite, il s’agit bien ici d’une évolution d’un régime opérée au détriment des finances publiques, qu’il s’agisse du budget de l’État ou des budgets sociaux.
En outre, je crois, monsieur le secrétaire d’État, que vous confondez création d’un statut d’auto-entrepreneur avec création d’activité. Il est clair que la mise en œuvre de votre dispositif n’entraînera pas la création d’activités supplémentaires, contrairement à ce que vous dites.
Par ailleurs, concernant la protection du consommateur, les assurances que vous nous donnez n’arrivent pas à me convaincre. Vous avez évoqué la responsabilité civile, mais, contrairement à ce qui vaut pour les entreprises de droit commun, aucune garantie décennale n’est prévue, par exemple, pour les travaux effectués par un auto-entrepreneur. Qui pourra réparer les malfaçons ou les dégâts éventuels sachant que ce dernier ne sera en général pas couvert au titre de la responsabilité civile ? Il n’est nulle part fait référence, dans le texte, aux assurances.
Enfin, concernant la formation, aucune obligation n’est prévue à cet égard pour les auto-entrepreneurs, en dépit de vos affirmations selon lesquelles les dispositions de la loi Raffarin s’appliqueront.
Vous souhaitez en fait créer une nouvelle concurrence pour les entreprises de droit commun. Nous demandons un scrutin public sur cet amendement.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je souscris bien sûr aux propos de mon collègue Daniel Raoul.
Monsieur le secrétaire d’État, en tant que membre de la commission des affaires sociales, je devrais normalement être en train de participer à l’audition du président de la Cour des comptes, M. Seguin, qui pour l’instant refuse de certifier les comptes de la sécurité sociale, un écart de 1 milliard d’euros avec ce qu’annonce le Gouvernement ayant été constaté !
Ma question est simple, et elle est posée par tous les membres de la commission des affaires sociales, quelle que soit leur appartenance politique : le coût du dispositif présenté, à savoir 70 millions d’euros, sera-t-il compensé intégralement pour la sécurité sociale ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je souhaite tout d’abord remercier M. le secrétaire d’État d’avoir dissipé mes interrogations relatives à la qualification professionnelle. Celle-ci sera indispensable, dût-elle être acquise au moyen d’une formation.
Il s’agit là d’une sécurité apportée au consommateur, à laquelle s’ajouteront les assurances. C’est la réponse que nous attendions, et je vous en remercie.
Par ailleurs, j’avais indiqué que notre amendement n° 603 rectifié était un amendement d’interrogation et d’appel, s’agissant de la durée de la faculté d’opter pour le nouveau régime. Là encore nous avons obtenu des réponses claires, de la part tant de M. le rapporteur que de M. le secrétaire d’État.
L’objectif n’est bien sûr pas que les bénéficiaires du système s’y installent,…
M. Daniel Raoul. Mais si !
M. Jacques Blanc. … sauf dans le cas des retraités, pour lesquels prévoir une limitation à trois ans de la durée de la faculté d’option n’a pas de sens.
En revanche, s’agissant des salariés ou des chômeurs qui ont envie de devenir patrons – disons les choses clairement, c’est une chance qu’offrira désormais notre société –,…
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous plaisantez ?
M. le président. Seul M. Jacques Blanc a la parole !
M. Jacques Blanc. … des seuils de chiffre d’affaires sont prévus, au-delà desquels ils rejoindront le régime de droit commun. Il s’agit donc bien d’un tremplin pour l’emploi, et non d’une voie de garage.
Cela étant dit, je retire l’amendement n° 603 rectifié et je voterai contre l’amendement de nos collègues socialistes.
M. le président. L’amendement n° 603 rectifié est retiré.
La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. Je souhaite insister sur un point qui me paraît important.
Il ne faut pas oublier que la loi s’applique à tous les Français, quel que soit le régime fiscal ou social auquel ils sont assujettis,…
M. Jacques Blanc. Exactement !
M. Laurent Béteille, rapporteur. … s’agissant en particulier du droit de la consommation, des assurances obligatoires pour certaines activités, des qualifications requises dans certains secteurs. Les dispositions en vigueur ne sont nullement liées à un régime fiscal ou social donné, et par conséquent elles s’appliquent à tout le monde, au micro-entrepreneur débutant comme à la société en activité depuis plusieurs années.
M. Jacques Blanc. Très bien, c’est clair !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 325.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 125 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 966 rectifié.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je voudrais être certain d’avoir bien compris l’amendement de notre collègue Philippe Dominati : les professionnels libéraux qui le souhaitent, par exemple les membres des professions libérales juridiques, pourront-ils opter pour le statut d’auto-entrepreneur sans que leur caisse de sécurité sociale puisse les en empêcher ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Ce sera l’objet d’une convention entre les caisses spécialisées et l’URSSAF.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Les discussions avec les caisses de sécurité sociale des professions libérales s’amorcent. Aucune obligation ne s’imposera à ces caisses tant qu’elles n’auront pas abouti. Pour l’heure, nous ouvrons une faculté.
M. Gérard Longuet. Cela signifie donc que les professions libérales n’ont pas accès au statut d’auto-entrepreneur.
M. Gérard Longuet. Dans ces conditions, je ne peux pas voter cet amendement !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Jean-Claude Danglot. Cet article 1er revêt également une dimension budgétaire, dont il n’aura échappé à personne qu’elle n’est aucunement mesurée dans l’exposé des motifs du projet de loi, et à peine dans le rapport de la commission spéciale.
La relecture du rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale fait cependant apparaître que l’évaluation du coût de la mesure inscrite à l’article 1er s’établit à 50 millions d’euros, s’agissant de la prise en charge des exonérations sociales par l’État, et à 20 millions d’euros par an à compter de 2010, pour ce qui est de la perte de recettes au titre de l’impôt sur le revenu, nonobstant l’option du recours au prélèvement libératoire prévue par l’article.
Cela situe l’importance des fonds publics engagés pour la défense et l’illustration de l’entreprise individuelle, puisque l’aide unitaire par entreprise créée approchera les 250 ou 300 euros.
Cela n’empêche pas que l’on mette en place un dispositif de prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu, qui va constituer une intéressante expérimentation d’une mesure venant contrebattre le principe d’égalité devant l’impôt.
Dans les faits, qu’on le veuille ou non, accorder un régime fiscal particulier pour des activités professionnelles sources d’un revenu accessoire du revenu salarié rompt en effet l’égalité de traitement entre les revenus catégoriels.
Cette rupture est socialement dangereuse, comme nous l’avons déjà souligné, parce qu’elle justifie le développement non de la pluriactivité, mais surtout de la suractivité, avec tout ce que cela implique, tant pour la vie familiale que pour la vie sociale.
Cette rupture sera aussi source d’inégalité entre contribuables, puisqu’elle valorisera un revenu accessoire au détriment du revenu principal !
Aller plus loin que ce que prévoit le texte aurait conduit immanquablement, comme l’a mis en évidence l’examen de ce dernier à l’Assemblée nationale, à exposer la mesure à la censure du juge constitutionnel. Quoi qu’il en soit, elle est d’ores et déjà inégalitaire et ne respecte aucunement la tradition républicaine.
Comment expliquerez-vous demain, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’un revenu accessoire découlant d’un chiffre d’affaires annuel de 76 300 euros, ou même simplement de 15 000 ou de 20 000 euros, puisse être soumis à un taux de prélèvement libératoire de 1 % quand les mêmes sommes, quand il s’agit de salaires, sont soumises à un taux de cotisations sociales supérieur à 20 % et à un barème de l’impôt sur le revenu qui commence à 5,5 % pour atteindre rapidement 30 % !
À moins, évidemment, que vous n’ayez décidé de justifier votre mesure par la généralisation de la débrouille ! J’ignorais que l’avenir économique de la France résidait dans la généralisation des réunions « Tupperware », de la vente au porte-à-porte de parfums ou autres produits…
M. Jean-Claude Danglot. J’ignorais que le progrès économique résidait dans la mercantilisation permanente des relations de proximité, dans la monétisation des relations sociales !
C’est ce choix de société que vous nous proposez ici. Évidemment, nous le refusons. Les salariés de notre pays méritent une juste rémunération de leurs efforts : augmentez les salaires et les prestations sociales !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Bien entendu, je voterai l’article 1er, parce qu’il contient une initiative particulièrement intéressante, à laquelle on ne peut que souscrire.
Je voudrais cependant, monsieur le secrétaire d’État, vous demander une précision.
Des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de personnes n’ont aucun diplôme mais se sont formées « sur le tas », comme l’on dit habituellement. Leur niveau de qualification est extraordinaire, mais, en l’absence de tout diplôme, sur quels critères ces personnes pourront-elles s’appuyer pour créer leur propre entreprise, et dans quelles conditions ?
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Je m’exprimerai sur la philosophie de la création du statut de l’auto-entrepreneur.
L’auto-entrepreneur sera salarié le jour et entrepreneur la nuit : finalement, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous résolvez sans coup férir le problème que vous posent les 35 heures et les heures supplémentaires. L’auto-entrepreneur travaillera sans aucune limite horaire supérieure, et sans aucune limite de revenu inférieure. Bien mieux, son employeur de jour pourra maintenir son salaire au plus bas, puisqu’il complétera son revenu avec son travail sous statut d’auto-entrepreneur.
Vous résolvez aussi le problème de la revalorisation des pensions de retraite : il n’est plus nécessaire de s’en préoccuper, puisque les retraités pourront travailler jusqu’à la limite de leurs forces pour survivre.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Bariza Khiari. Avec cette innovation, ce sont non seulement la législation du travail, mais aussi le statut salarié et le droit à une retraite décente qui sont profondément remis en cause.
Il s’agit, pour tous ceux qui ont un salaire ou une pension de retraite insuffisants, d’une incitation à travailler en dehors de toute législation sur la durée du travail et sur le droit de la concurrence, d’une incitation à ne plus revendiquer, mais à trimer.
En réalité, si l’on considère la stagnation des salaires, la hausse de l’inflation, l’explosion de la précarité et des temps partiels contraints, le pouvoir d’achat est en baisse très sévère. Il s’agit donc non pas de gagner plus, mais de gagner de quoi subvenir à ses besoins essentiels : alimentation, chauffage, énergie et, évidemment, transports.
Cette mesure est un pitoyable expédient destiné à faire face à une situation économique qui s’aggrave. Votre problème n’est plus de faire croire que l’on pourra travailler plus pour gagner plus, il est d’obliger nos concitoyens à travailler plus pour gagner tout juste de quoi vivre.
Qui plus est, le vote qui vient d’intervenir est curieux, puisque l’amendement n° 966 rectifié de notre collègue Philippe Dominati s’inscrit dans un cadre complètement illégal.
Le groupe socialiste ne peut voter cet article.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Chers collègues de la majorité, de loi en loi – et cela ne date pas de 2007 : vous le faites depuis 2002 ! –, vous généralisez la technique du prélèvement libératoire, que ce soit pour les charges sociales ou pour l’impôt sur le revenu.
Arrivera finalement un moment où le paiement des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu sera l’exception et le prélèvement libératoire la généralité. Peut-être est-ce d’ailleurs votre but ; je voudrais en tout cas que vous en ayez conscience.
Cela aboutira donc, tôt ou tard, à l’instauration de ce que l’on appelle la flat tax, c’est-à-dire un impôt au taux uniforme et très bas. Cette philosophie budgétaire, économique et politique est étrangère à la France. Cela revient à changer un modèle auquel je croyais que certains d’entre vous au moins étaient encore attachés. De cela aussi, il faut que vous ayez conscience.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. À l’évidence, lorsqu’elle aura connaissance de sa teneur, l’opinion publique appréciera cet article : la souplesse qu’il introduit permettra à ceux de nos concitoyens qui ont besoin de faire effectuer rapidement des travaux à leur domicile de trouver des auto-entrepreneurs disponibles le samedi, le dimanche ou à des heures tardives.
Je crains cependant que la séduction ne dure guère et je dirai, pour employer une expression facile, que vous vous êtes tiré une balle dans le pied, monsieur le secrétaire d’État.
En effet, que se passera-t-il, en réalité ? Prenons un plombier salarié dans une entreprise. Rien ne l’empêchera de prendre le statut d’auto-entrepreneur pour s’installer comme carreleur ou comme électricien. Que croyez-vous qu’il fera, pendant qu’il travaillera pour son patron ? Il essaiera de récupérer des chantiers !
M. Gérard Le Cam. Évidemment !
M. François Fortassin. Imaginons maintenant qu’il ait prévu de terminer un chantier en deux jours, pendant un week-end. S’il prend un peu de retard, croyez-vous que le lundi il ira travailler chez son patron ? Il continuera, bien entendu, le travail qu’il a amorcé, c’est humain !
Dans ces conditions, une sorte de « guéguerre » va immanquablement naître entre salariés et patrons, en particulier dans les petites entreprises. Or le bon fonctionnement de celles-ci dépend étroitement de l’existence de ce que l’on pourrait appeler un lien social, d’une relation très forte entre patron et salariés. Je crains véritablement que, en voulant assouplir les dispositifs existants, vous ne mettiez à mal cet équilibre.
Telle est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. J’avoue qu’il était assez désagréable d’entendre les propos qui viennent d’être tenus sur les difficultés auxquelles nous nous heurtons.
Certes, les différents professionnels dont il est question nous demandent, par la voix de leurs chambres de métiers ou de leurs structures, notamment fédératives, de veiller à ne pas faire n’importe quoi en créant ce statut d’auto-entrepreneur, mais ils ne sont pas hostiles…
M. Roland Courteau. C’est vous qui le dites !
M. Dominique Mortemousque. … à ce que nous mettions en place un dispositif permettant d’assainir la situation actuelle. En effet, nous le savons tous, beaucoup de travail s’accomplit aujourd’hui dans des conditions qui ne peuvent être qualifiées de saines ! On ne peut pas considérer que le travail au noir soit en soi une bonne chose !
Ce que nous demandent les professionnels, c’est que l’accès au statut d’auto-entrepreneur soit soumis à un minimum de règles, notamment en matière de formation, en espérant que, dans un deuxième temps, la situation des personnes qui auront opté pour ce statut devienne beaucoup plus solide.
Quant aux affirmations selon lesquelles on ne revalorisera plus les pensions de retraite au motif que l’on aura ouvert aux retraités la possibilité d’exercer une activité secondaire, elles me paraissent relever de la caricature. Il est clair que beaucoup de travailleurs parvenus en fin de carrière choisiront de garder une petite activité complémentaire. Je ne crois pas que ce soit de nature à les empêcher de vivre correctement. Et, qui plus est, cela correspond à l’esprit de notre époque.
Alors, de grâce ! Ces clichés sur l’auto-entrepreneur me paraissent réducteurs. Je souhaiterais que, durant les quelques jours que vont durer nos travaux, nous adoptions une vision plus appropriée de la situation, afin qu’il puisse être mis fin, dans notre pays, au recours au travail au noir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. J’indiquerai à M. Revet que les qualifications professionnelles exigées depuis l’entrée en vigueur de la loi Raffarin concernent un certain nombre de professions énumérées dans la loi. Pour les autres, c’est la justification d’une expérience professionnelle de trois ans qui est la règle. S’ajoute une troisième voie, celle de la validation des acquis de l’expérience, même s’il arrive qu’elle soit quelque peu difficile et longue à obtenir. Je crois qu’il n’y a aucune ambiguïté sur ce point, et j’espère, monsieur le sénateur, avoir apaisé vos craintes.
Certains sénateurs ont formulé tout à l’heure des critiques, sortant un peu du cadre du débat, auxquelles je n’ai pas encore eu l’occasion de répondre.
On nous reproche l’absence d’étude d’impact.
D’abord, il est très difficile d’étudier l’impact d’une mesure qui ne s’est jamais appliquée !
Ensuite, et surtout, nous disposons en réalité d’une étude d’impact « grandeur nature » : celle qui peut être menée à partir des entreprises ayant opté pour le régime de la micro-entreprise, qui est, d’une certaine manière, le décalque de celui de l’auto-entrepreneur. (M. Daniel Raoul fait un signe de dénégation.) En effet, les déclarations dont fait l’objet le premier s’apparentent à celles qui concernent le second.
Dans notre pays, 320 000 entreprises ont opté pour le régime de la micro-entreprise. C’est dire si l’étude d’impact est significative ! À l’évidence, ce qui a réussi pour la micro-entreprise réussira pour le régime simplifié de l’auto-entrepreneur.
Enfin, l’État compensera bien les pertes de recettes qui découleront, pour la sécurité sociale, de l’adoption de ce régime simplifié de prélèvements sociaux et fiscaux, actuellement chiffrées à 60 millions d’euros. Cela étant, nous espérons que l’émergence au grand jour de nombreuses activités aujourd’hui exercées dans ce que j’appellerai une « zone grise » sera source de rentrées supplémentaires pour la sécurité sociale.
En tous les cas, l’État compensera le coût statique du dispositif.