M. Pierre Fauchon. Il faudrait alors trouver une autre formulation !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Même pas ! La commission des lois a décidé à l’unanimité que mieux valait ne pas du tout parler de cette affaire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83, 106, 192, 275 rectifié et 446.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi, toujours sur l’article 11, de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 107, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer les 3° et 4° de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces dispositions introduites par l’Assemblée nationale sont certainement celles qui ont suscité le plus de messages et de lettres de rappel auprès de tous les membres de la Haute Assemblée, au moins ceux de la commission des lois.
M. Michel Charasse. Et d’inquiétudes !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et d’inquiétudes, en effet !
Il est inutile de préciser dans la Constitution que la loi fixe les règles concernant la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels.
La jurisprudence constitutionnelle du 23 janvier 1987 autorise déjà de telles répartitions par le législateur.
La loi a d'ailleurs déjà procédé à de tels regroupements. L'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, ou loi MURCEF, a ainsi confié au juge administratif l'ensemble du contentieux des marchés passés en application du code des marchés publics.
Le projet de loi portant modernisation du marché du travail, adopté définitivement le 12 juin 2008, tend, à l'inverse, à confier au juge judiciaire le contentieux de la rupture conventionnelle du contrat de travail, bien que cette rupture conventionnelle soit soumise à l'homologation de l'autorité administrative.
Le seul domaine où une telle unification du contentieux n'est pas possible est le contentieux des étrangers – c’est la décision du Conseil constitutionnel de 1989.
Toutefois, la commission présidée par M. Pierre Mazeaud poursuit une réflexion approfondie sur les moyens d'améliorer ce contentieux. Elle fera sans doute, dans les semaines à venir, des propositions à cet égard.
Il convient de supprimer aussi de cet article la référence à la parité entre les femmes et les hommes dans les domaines professionnel et social, cette mention ayant été placée à l'article 1er de la Constitution.
M. le président. Les six amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 16 rectifié bis est présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet, MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer.
L'amendement n° 69 rectifié est présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf, Virapoullé et de Richemont.
L'amendement n° 189 est présenté par Mmes Borvo Cohen–Seat, Assassi, Mathon–Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 294 rectifié est présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mmes Dini, Gourault et Payet, MM. Deneux, Merceron et Nogrix, Mme Morin–Desailly, MM. J.L. Dupont, C. Gaudin et Zocchetto.
L'amendement n° 365 est présenté par Mmes Boumediene–Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 448 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus–Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Alquier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 3° de cet article.
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 16 rectifié bis.
M. Michel Charasse. Pour les motifs qui viennent d’être exposés par M. le rapporteur à propos de l’amendement n° 107, je propose de supprimer le 3° de l’article en question, étant entendu que, pour le 4°, c’est autre chose. C’est une mesure de coordination interne au texte qui fait suite à d’autres amendements de la commission des lois.
Je trouve tout à fait anachronique cette disposition concernant la répartition des contentieux. En effet, de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, de même, ou presque, nous faisons tous les jours de la répartition, en le sachant parfaitement. Il nous arrive presque tous les jours en effet de penser que telle matière relève du contentieux administratif, tandis que telle autre relève du contentieux judiciaire.
Tout cela ne peut que conduire à la disparition de la séparation des pouvoirs. Si nous voulons retrouver un jour un maire ou un préfet devant le tribunal correctionnel pour une erreur de virgule dans un arrêté municipal ou préfectoral, allons-y ! Mais cela ne s’arrêtera pas là et, par conséquent, je propose la suppression du 3°.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l'amendement n° 69 rectifié.
M. Hugues Portelli. L’argumentation qu’a développée M. le rapporteur est tout à fait pertinente.
Ce qui m’a étonné dans la disposition votée par l’Assemblée nationale, c’est la concordance du vote de deux camps, qui se sont retrouvés pour faire une unanimité.
Dans le premier camp, on trouve les adversaires bien connus des deux ordres de juridiction et, donc, des juridictions administratives. Ceux- là ignorent que, pendant des années, des décennies, voire des siècles, le juge administratif a été le défenseur des libertés publiques contre l’État.
M. Michel Charasse. Absolument ! Et il était le seul !
M. Hugues Portelli. Cela, je crois qu’il faut se le rappeler.
Il ne faut pas oublier non plus la raison pour laquelle a été introduite, lors de la Révolution, la fameuse interdiction faite aux juges de juger l’État. Elle avait pour origine l’attitude des Parlements de l’Ancien Régime qui, pendant des siècles, s’est caractérisée par une hostilité foncière à l’autorité publique. Il ne faut pas s’imaginer que la justice a été de toute éternité celle que nous connaissons actuellement.
On trouve dans le second camp ceux dont on peut penser qu’ils souhaitaient des blocs de contentieux bien définis par le législateur pour une raison inavouée : ôter le contentieux des étrangers au juge administratif, à leurs yeux trop libéral.
Ce sont deux raisons que, personnellement, je récuse totalement.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 189.
Mme Éliane Assassi. Avec cet amendement, nous proposons également de supprimer le 3° de l’article 11 du projet de loi, introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur, M. Warsmann, amendement adopté à l’unanimité lors de la réunion de la commission des lois, à l’Assemblée nationale.
En séance publique, cet amendement a donné lieu à un débat s’agissant, notamment, des conséquences de cet alinéa sur le contentieux en matière de droit des étrangers, d’autant que M. Warsmann s’était bien gardé de les évoquer lui-même. Les seuls exemples qu’il avait mis en avant pour justifier cette modification ont été le contentieux en matière d’expropriation, en cas d’accident, ainsi que le contentieux sportif.
C’était sans compter sur l’intervention de son ami M. Mazeaud, qui préside une commission chargée précisément de réfléchir à la possibilité de simplifier la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, voire d’unifier, au profit de l’un d’entre eux, le contentieux de l’entrée, du séjour et de l’éloignement des étrangers.
J’ai été moi-même auditionnée par cette commission et, à cette occasion, j’ai précisé la position des élus communistes en cette matière.
Avant d’évoquer plus spécialement les conséquences de cette disposition sur le droit des étrangers, je voudrais dire que, d’une manière générale, l’alinéa en cause porte d’abord atteinte à un principe fondateur des institutions françaises qui est celui de la séparation des pouvoirs, posé par la Révolution et constamment maintenu.
On ne peut pas, sous couvert de moderniser nos institutions ou au prétexte fallacieux de donner plus de pouvoirs au législateur, remettre ainsi en cause un principe constant dans tous les régimes français et présent dans la majorité des États européens qui veut que les actions de l’administration sont contrôlées par un juge de droit public différent de celui qui s’occupe des relations de droit privé.
C’est sans doute en matière de droit des étrangers que cette disposition aurait les plus graves conséquences, puisqu’elle reviendrait à créer un juge unique alors même qu’actuellement le juge administratif et le juge judiciaire ont un rôle et des domaines d’intervention tout aussi distincts que fondamentaux.
D’un côté, le tribunal administratif vérifie que les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et des préfectures respectent les procédures. Il ne statue jamais sur le fond, seulement sur la légalité des actes administratifs.
De l’autre, le juge de la liberté et de la détention – magistrat gardien des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution – vérifie que les droits des personnes mises en rétention ou en zone d’attente ont bien été respectés depuis leur interpellation jusqu’à leur placement.
Rien ne justifie en l’espèce de regrouper ce contentieux dans l’un ou l’autre des deux ordres de juridiction, ni de créer une juridiction spéciale. Sauf, bien sûr, à vouloir empêcher que ces deux juridictions puissent libérer des personnes que la police et la gendarmerie essaient d’arrêter tant bien que mal afin de remplir les objectifs fixés par le Gouvernement en matière d’expulsions effectives du territoire.
Le fait est qu’en moyenne 70 % des mesures d’éloignement ne sont pas mises en œuvre en raison, soit de l’annulation de la procédure par le juge judiciaire ou administratif, de la non-délivrance de laissez-passer consulaire ou encore de l’impossibilité de placer une personne en centre de rétention administrative.
Beaucoup à droite estiment que le juge est une gêne à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement, alors que le juge ne fait qu’appliquer le droit, et seulement le droit.
D’où cette volonté de modifier le système dual qui existe actuellement afin de faciliter l’exécution des mesures d’expulsion et d’atteindre ainsi les objectifs assignés chaque année par le Gouvernement.
Le vrai problème, en l’espèce, vient essentiellement de la politique d’immigration du Gouvernement qui entraîne la multiplication des procédures, et donc, l’augmentation des risques d’irrégularités sanctionnés par l’autorité juridictionnelle.
Pour ces raisons, je vous propose d’adopter notre amendement visant à retirer de la présente réforme la possibilité introduite par l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour présenter l'amendement n° 294 rectifié.
M. Pierre Fauchon. Nous souhaitons nous aussi la suppression du 3° de l’article 11, car cette disposition introduite par l’Assemblée nationale répond mal au problème posé. Toutefois, celui-ci est réel, et il ne suffit pas de monter au clocher en criant que la distinction des juridictions est essentielle à la séparation des pouvoirs pour le résoudre !
Malheureusement, nous n’avons pas le temps d’approfondir cette question tout à fait sérieuse. Pour la résumer, je rappellerai que la dualité des contentieux n’est pas évidente et qu’il existe des sociétés tout à fait évoluées qui ne la connaissent pas. Ainsi, le système de Guantanamo vient d’être condamné par la Cour suprême des États-Unis, et non par une juridiction particulière, ce qui ne constitue pas si un mauvais résultat !
D’une manière générale, la difficulté est la suivante. Pour ce qui est du contentieux de l’annulation, c'est-à-dire de la contestation de la régularité d’une décision administrative, il est compréhensible qu’il soit assigné à une juridiction particulière. Mais le contentieux de la réparation, qui n’existait pas au début du XIXe siècle – à cette époque l’administration n’intervenait pas autant qu’elle le fait aujourd'hui dans les activités économiques et sociales –, est tout à fait singulier, parce qu’il appartient tantôt aux juridictions administratives, tantôt aux juridictions de l’ordre judiciaire, alors que ce sont pratiquement les mêmes faits qui sont concernés.
S'agissant de la responsabilité en matière de construction, par exemple, si un problème implique une HLM, vous devez aller devant la juridiction administrative, mais si c’est un bâtiment privé, vous devez aller devant le juge judiciaire. Comprenne qui pourra !
En outre, chaque juge choisit le droit qu’il veut appliquer. On affirme parfois que cette situation n’a aucune importance, mais il n’en est rien : j’ai pratiqué ces questions dans le cadre de mon activité professionnelle, et j’ai pu constater qu’il fallait parfois attendre vingt ans pour que les deux jurisprudences se rejoignent ! Si vous êtes victime d’un accident médical, vous ne relèverez pas du même droit selon que vous êtes soigné dans un hôpital public ou dans une clinique privée !
Lorsque nous votons des lois dans ces domaines, nous croyons qu’elles s’appliquent de manière universelle et qu’il suffit de modifier le code civil. Mais les juridictions administratives ne reconnaissent pas la valeur de ce dernier ! Il faut savoir – beaucoup l’ignorent – qu’elles ne l’appliquent pas, et que, même si elles ont la faculté de s’en inspirer, elles mettent parfois bien du temps à le faire.
Je ne puis entrer dans les détails, mais cette dualité de juridictions était tellement choquante dans le domaine des accidents de la circulation, où elle avait donné lieu à deux systèmes de droit différents, que nous avons été obligés d’unifier le contentieux par une loi spéciale.
Je crois que d’autres textes de ce genre seraient les bienvenus, peut-être dans le domaine des étrangers, auquel il a été fait allusion et que je ne connais guère, ou en matière de construction, notamment.
Toutefois, nous pouvons procéder par lois spéciales, comme dans le cas des accidents de la circulation, sans pour autant nous engager dans la voie tracée par cette rédaction, dont je considère qu’elle n’est pas bonne. Ce constat ne signifie pas, d'ailleurs, que la dualité de juridictions, qui engendre tant de commentaires et d’analyses savantes, ne pose pas un réel problème, tant elle contribue à faire de notre justice un sphinx bien peu compréhensible pour les justiciables.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 365.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le 3° de cet article a soulevé des débats et suscité une inquiétude légitime de la part de plusieurs associations œuvrant dans le droit des étrangers, qui ont alerté certains d’entre nous.
Cette disposition, telle qu’elle a été défendue à l’Assemblée nationale par son promoteur, M. Jean-Luc Warsmann, vise à permettre au législateur d’unifier des blocs de compétences afin de faciliter l’accès des justiciables au juge ; je ne reviendrai pas sur son histoire, ni sur les travaux de la commission Mazeaud, que Mme Éliane Assassi a déjà évoqués.
Toutefois, ce texte fait planer une menace sur la justice administrative, car il augure de manière assez inquiétante du traitement qui sera réservé, demain, à certains contentieux, en particulier celui des étrangers.
En effet, l’amendement introduit par M. Warsmann n’est pas seulement technique : il tend aussi à traduire la volonté du Gouvernement de créer une justice d’exception pour les étrangers, en privant le juge administratif de ses compétences.
Pourtant, dans ce domaine, nous ne saurions douter ni de la compétence ni de l’efficacité des juridictions administratives, qui garantissent aux étrangers une protection rigoureuse de leurs droits et libertés. Mais peut-être certains considèrent-ils justement qu’elles remplissent trop bien cette mission ?
La réforme qui a été engagée afin, notamment, de garantir l’indépendance de cet ordre juridictionnel est bien entendu positive, mais il ne faudrait pas que cette disposition conduise, demain, à museler le juge administratif face aux comportements parfois indignes de certaines administrations, qui traitent les étrangers de manière quelque peu arbitraire.
Par ailleurs, nous considérons qu’il est préférable d’attendre le rapport de la commission Mazeaud pour discuter de cette question et de se contenter, pour l’instant, de supprimer la disposition adoptée par l’Assemblée nationale ; d'ailleurs, si cette dernière était maintenue, il serait à craindre que la commission ne soit privée de sa compétence.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 448.
M. Richard Yung. Nous entendons supprimer le 3° de l’article 11 du présent projet de loi constitutionnelle, et ce pour deux raisons principales.
Tout d'abord, cette disposition ne correspond pas à notre conception de la séparation des pouvoirs, qu’elle pourrait même remettre en cause. Au-delà des problèmes qu'elle prétend résoudre, elle vise à supprimer la faculté offerte au législateur de créer des blocs de contentieux sans considération de la dualité des ordres.
En effet, elle permettrait au Parlement de transférer sans limite au juge judiciaire le contentieux d’un certain nombre d’actes administratifs – sinon de tous ! – dans un domaine déterminé. Elle menace donc l’existence d’un juge administratif indépendant, dont plusieurs de nos collègues ont souligné l’importance.
Ensuite, elle pose problème au regard de la justice des étrangers. La décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989, qui a censuré une disposition confiant au juge judicaire la compétence des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, pourrait être mise en cause, ce qui permettrait alors d'unifier entre les mains d'un seul juge le contentieux des étrangers.
On voit donc se profiler à l’horizon la naissance d’une nouvelle juridiction spécialisée, sous la forme soit d’un juge unique, soit, comme l’a indiqué M. Fauchon, d’une loi spéciale. Pour ma part, d'ailleurs, je n’aime pas beaucoup l’expression « loi spéciale », qui me semble toujours annoncer des mesures suspectes …
Enfin, la commission présidée par M. Mazeaud poursuit ses travaux, et il est d'ailleurs assez curieux que M. Warsmann, qui en fait partie, ait présenté cet amendement avant même qu’elle ait rendu ses conclusions !
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet, MM. Fortassin et A. Boyer, est ainsi libellé :
Dans le 3° de cet article, après les mots :
sous réserve
insérer les mots :
du principe de la séparation des pouvoirs visé à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit d’un amendement de repli, dans l’hypothèse où le Sénat ne supprimerait pas le 3° de cet article.
Si cette disposition est maintenue, je propose de préciser que la répartition entre les ordres de juridiction s’effectue sous réserve du « principe de séparation des pouvoirs visé à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 », qui, comme l’a rappelé M. Portelli, a été défini dès 1790 et complété par plusieurs textes ultérieurs à l’époque révolutionnaire.
Il vaut mieux que les choses soient dites clairement : il n’est pas question d’accepter que le juge judiciaire puisse empiéter sur ce qui relève aujourd'hui de la juridiction administrative en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :
Supprimer le 4° de cet article.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Il est défendu
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 4° de cet article par les mots :
dans le respect des dispositions de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, et notamment de son article 6
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les amendements nos 16 rectifié bis, 69 rectifié, 189, 294 rectifié, 365 et 448 sont identiques. Je me réjouis d'ailleurs de l'unanimité des groupes sur cette question importante.
Si l’amendement n° 107 de la commission était adopté, ces amendements, tout comme les amendements nos 17 rectifié bis et 84, n’auraient plus d’objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le 3° de l’article 11 du projet de loi constitutionnelle, relatif à la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridictions, est issu d’un amendement présenté par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui visait à étendre le domaine de la loi à la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels.
M. Michel Charasse. On le sait déjà !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en était alors remis à la sagesse de l’Assemblée nationale.
À travers plusieurs amendements, dont l’un présenté par votre commission des lois, vous proposez, mesdames, messieurs les sénateurs, de supprimer cette disposition.
Il est tout à fait exact que le Conseil constitutionnel permet déjà au législateur d’intervenir, mais dans une certaine mesure, afin de créer des blocs de compétences au profit d’un seul ordre de juridiction, dans un souci de simplification pour le justiciable.
C’est ainsi que des blocs de compétences ont pu être créés, par exemple en 1987, dans le domaine de la concurrence, au profit du juge judiciaire, ou en 2001, en matière de marchés publics, au bénéfice du juge administratif. Vous en avez récemment fait de même, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le contentieux de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au profit du juge judiciaire, au cours de l’examen du projet de loi portant modernisation du marché du travail.
S'agissant du droit des étrangers, le Président de la République a confié à la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration, présidée par M. Pierre Mazeaud, le soin de réfléchir à la simplification du contentieux. L’amendement présenté par M. Warsmann ne visait donc pas la répartition du contentieux des étrangers. Cette commission, installée en février dernier, n’a pas encore terminé ses travaux, ni par conséquent remis ses conclusions.
Dans ces conditions, Le Gouvernement s'en remet sur ce point à la sagesse de la Haute Assemblée.
En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 17 rectifié bis, aux termes duquel la répartition du contentieux entre les juridictions judiciaires et administratives devrait respecter le principe de la séparation des pouvoirs visé à l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En effet, il s’agit d’un simple rappel du droit en vigueur, et il me semble donc préférable de revenir au texte actuel de notre Constitution.
M. Michel Charasse. Il s'agit d’un amendement de repli !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En ce qui concerne le 40 de l’article 11, qui porte sur l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles, le Gouvernement a, par souci de cohérence, fait figurer cette disposition à l’article 1er du projet de loi.
Il émet donc un avis favorable sur les amendements nos 107 et 84 tendant à supprimer cette disposition précédemment déplacée.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 16 rectifié bis, 69 rectifié, 189, 294 rectifié, 365, 448, 17 rectifié bis et 84 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 503 rectifié est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 151 rectifié quinquies est présenté par MM. Puech, Arthuis, Bailly, Barraux, Bernard-Reymond, J. Blanc, Bourdin, Braye, Dallier, Dériot et Doligé, Mme B. Dupont, M. François-Poncet, Mme G. Gautier, MM. Gouteyron, Hérisson, Kergueris, Mercier, Milon, Mortemousque, Nogrix et Pierre, Mme Procaccia, M. Saugey, Mme Troendle et M. Vial.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le huitième alinéa est complété par les mots : « ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 503 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À de nombreuses reprises, les membres de l’Observatoire de la décentralisation, présidé par notre collègue Jean Puech, ont souhaité que la loi reconnaisse clairement l’existence d’un statut de l’élu local, dont certains éléments, il est vrai, figurent déjà dans notre droit. Pour cela, ils ont proposé que l’on saisisse l’occasion offerte par la révision de la Constitution.
Nos collègues souhaitaient que cette reconnaissance prenne la forme d’une loi organique, ce qui n’est pas possible, car ce type de texte sert à appliquer ou à décliner la Constitution. S’il existe des lois organiques sur le statut des magistrats, du Parlement ou des parlementaires, c’est parce qu’il s’agit de fixer les conditions du fonctionnement d’autorités constitutionnelles. Il n’est pas possible de prévoir une loi organique pour ce qui relève de la loi ordinaire, sinon nous n’en finirions pas !
M. Puech souhaitait que soit clairement exprimée la volonté du Parlement quant à un statut des élus locaux. Je l’ai suivi sur ce point, et M. Gouteyron défendra un amendement n° 151 rectifié quinquies, identique à l’amendement n° 503 rectifié de la commission, afin de compléter le huitième alinéa de l’article 34 de la Constitution et de parvenir à la rédaction suivante :
« La loi fixe également les règles concernant :
« – Le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; »
Le code général des collectivités territoriales comporte déjà plusieurs dispositions relatives au statut des élus des collectivités territoriales.
Les dispositions relatives au statut des élus locaux reposeront donc sur un fondement constitutionnel précis, ce qui permettra de les compléter et de les améliorer.
À cet égard, beaucoup de choses ont été faites par le passé en matière de retraites, de formation ou d’autorisation d’absence pour les élus locaux. Il conviendrait donc à mon avis de revoir l’ensemble du dispositif afin que tout soit parfaitement clair et cohérent.
Qui plus est, nous allons désormais pouvoir procéder à l’évaluation des lois, beau sujet s’il en est !
L’Observatoire de la décentralisation a d’ores et déjà beaucoup travaillé sur ce sujet – il convient ici de remercier son président, M. Jean Puech, de sa persévérance –, et ses travaux se poursuivront, je pense, afin d’aboutir à un statut de l’élu local parfaitement clair et explicite.
M. le président. Le sous-amendement n° 504, présenté par M. Cointat, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. Ferrand, est ainsi libellé :
I. - Au début du second alinéa de l'amendement n° 503 rectifié, remplacer les mots :
Le huitième alinéa est complété par les mots
par les mots :
Après les mots :
« assemblées parlementaires »,
la fin du huitième alinéa est ainsi rédigée :
II. - Dans le même alinéa de l'amendement n° 503 rectifié, avant les mots :
ainsi que les conditions d'exercice
insérer les mots :
, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France
La parole est à M. Christian Cointat.