M. le président. Mon cher collègue, pourrions-nous revenir au sujet…

M. Charles Pasqua. Monsieur le président, je ne prends pas souvent la parole…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et cela vaut la peine ! C’est une vraie tranche d’histoire !

M. le président. Pourquoi ne pas écrire vos mémoires, ce sera certainement très intéressant ! (Sourires.)

M. Charles Pasqua. Mais je suis précisément en train de le faire, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)

Je ne prends pas souvent la parole. Alors, peut-être pouvez-vous manifester à mon égard au moins autant de tolérance qu’envers M. Badinter ! Je n’en demande pas tant !

Donc, François Mitterrand, qui avait le sens de l’humour, m’a déclaré que, si je ne méritais certainement pas qu’on m’élevât une statue pour ce projet de découpage, je ne serais pas pour autant traduit devant la Haute Cour. (Sourires.) En revanche, il fallait que le Gouvernement dépose un projet de loi et le soumette au Parlement. Finalement, le texte a été uniquement soumis à l'Assemblée nationale : le Sénat ne s’est pas prononcé, étant donné que le Gouvernement a eu recours au 49-3.

M. Charles Pasqua. J’en profite pour vous mettre en garde sur l’utilisation de cet article. Il a des vertus, certes, et chacun les connaît, mais il est appelé à contrôler les excès de la majorité plus que ceux de l’opposition ! (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. J’en suis désolé, mais je reviens à l’année 2008, non sans avoir félicité nos excellents collègues mémorialistes, dont l’apport est considérable sans doute pour l’histoire, certainement aussi pour le présent, mais surtout pour l’avenir ! (Rires.)

L'article 10 du projet de loi constitutionnelle précise que la commission « se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs ou répartissant les sièges entre elles ». La commission veut, par l’amendement n° 104, supprimer la notion de circonscriptions pour l’élection des sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans le même temps, vous avez précisé, monsieur le rapporteur – vous avez abondé en ce sens, madame le garde des sceaux, et je vous remercie de la clarté de vos propos – qu’il ne saurait être question pour vous d’inscrire les modes de scrutin dans la Constitution.

Mais alors, la modification que tend à apporter l'amendement n° 104 vient contredire ce principe.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, et je rappelle que nous rédigeons la Constitution et non une loi ou une loi organique, vous préjugez ce faisant que la circonscription pour l’élection des sénateurs sera toujours uniquement le département.

MM. Henri de Raincourt et Roger Romani. Heureusement ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est votre position, chers collègues,...

M. Henri de Raincourt. C’est la bonne !

M. Jean-Pierre Sueur. ...et je ne doute pas que vous pensiez que c’est la bonne. Je tiens cependant à vous faire observer que le groupe socialiste a déposé une proposition de loi,...

M. Henri de Raincourt. Tout le monde peut se tromper !

M. Jean-Pierre Sueur. ... largement inspirée, d’ailleurs, d’un certain nombre de remarques émises en particulier par le comité Balladur, qui prévoit – et nous avons le droit de le faire, même si vous pouvez le contester – un collège pour les communes, un collège pour les représentants des départements et un collège pour les représentants des régions.

Ce n’est pas du tout choquant. Vous vous plaisez à considérer les uns et les autres que la place des représentants des départements et des régions dans le corps électoral pour le Sénat est minime. Mais elle est tout à fait infime par rapport à la place qui est celle des départements ou des régions ! C’est pourquoi nous proposons qu’il y ait 20 % des sièges pour les représentants des régions, 20 % pour les représentants des départements et 60 % pour les représentants des communes. Cela se discute, et vous avez le droit, chers collègues, de ne pas être d’accord avec cette proposition.

Madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, nous estimons que, dès lors qu’il est inscrit dans la Constitution que la circonscription pour l’élection des sénateurs est intangible, à savoir qu’elle ne saurait être que le département, vous prenez de facto position, et ce au sein même de la Constitution, sur les modalités de l’élection des sénateurs.

C'est la raison pour laquelle je plaide contre l’amendement n° 104 et pour la disposition adoptée à une grande majorité par l'Assemblée nationale, qui présente le plus d’ouverture possible pour l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je voterai l'amendement n° 443.

Cette journée aura été enrichissante : nous aurons appris beaucoup sur l’histoire, sur Thiers, sur la Constitution d’avant 1962 et sur l’histoire plus récente.

M. le président. Mon cher collègue, nous attendons votre explication de vote. (Sourires.)

M. Richard Yung. Monsieur le président, on peut tout de même se réjouir de la qualité des débats et du fait que nous nous instruisions autant ! (Nouveaux sourires.)

J’ai appris à cette occasion que le découpage électoral pouvait être une entreprise consensuelle et pacifique. J’avais plutôt dans l’idée que le sujet était assez conflictuel et que l’opération se terminait toujours par des affrontements. Si tout cela peut se faire de façon harmonieuse, tant mieux, réjouissons-nous !

Mais, pour en revenir à l’amendement n° 443, je souhaite m’attarder sur la commission indépendante, institution qui existe dans la plupart des autres grands pays, notamment les États-Unis. La création d’un organe de cette nature est normale, dans le cadre de la modernisation de notre vie constitutionnelle, puisque c’est de cela que nous débattons.

Pour ce qui est de la composition de cette commission, il est important que, aux côtés des magistrats qui, traditionnellement, en France, siègent dans toutes sortes d’institutions et qui sont issus des plus hautes juridictions – Conseil d’État, Cour de comptes, Cour de cassation –, se trouvent un nombre important de personnalités ayant une expérience de terrain. Je pense à des statisticiens, à des démographes, à des urbanistes, à des acteurs de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire à tous ceux qui ont une certaine perception de l’évolution des territoires et de la vie. Cela permettra à cette commission de réaliser un travail utile pour le pays.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Peut-être notre obstination à vouloir à tout prix inscrire dans la Constitution les conditions dans lesquelles une commission pourra être nommée, organisée et fonctionner, afin de régler au mieux les nécessaires redécoupages électoraux, vous étonne-t-elle.

Je ne remonterai pas à des temps immémoriaux pour expliquer cet entêtement. Je me contenterai de rappeler qu’au dernier trimestre de l’année 2007 il a été procédé à un autre redécoupage, celui de la carte judiciaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il s’est fait sans que la commission prévue ait été consultée deux fois, sans que les avis des présidents de cour aient été suivis dans la grande majorité des cas, sans que les ordres professionnels, en particulier l’ordre des avocats, aient pu parler – ils ont été réduits au silence ! (M. Charles Pasqua s’exclame) –, et sans que les élus locaux aient pu s’exprimer.

Nous en verrons les conséquences dans les années à venir : une grande partie de la population, celle qui ne peut pas se déplacer, celle qui se trouve éloignée de tout, celle qui n’a pas les moyens de mettre de l’essence dans sa voiture ou qui n’a pas de voiture,...

M. Charles Pasqua. Revenons au sujet !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... n’aura plus accès à la justice.

Nous souhaitons que, pour les électeurs, l’exercice du droit de vote s’effectue dans des conditions plus satisfaisantes que l’accès à la justice qui leur sera dorénavant réservé !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Madame le garde des sceaux, je vous remercie d’avoir répondu à la question portant sur le calendrier. Comme nos débats ont une valeur interprétative, je prends acte du fait que la commission sera consultée sur le prochain découpage électoral et que le 31 décembre 2008 a été retenu comme date butoir.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette date est celle du dépôt de la loi !

M. Bernard Frimat. Vous nous avez assurés que le découpage électoral n’aurait pas lieu tant que la commission ne serait pas créée, que celle-ci émettrait un avis sur le projet de découpage électoral et qu’un projet de loi serait déposé devant le Parlement avant la fin de l’année. À partir du moment où nous en avons la garantie – j’attache de l’importance aux déclarations qui sont faites en séance –, je considère qu’il s’agit d’une démarche positive.

Cela étant, madame le garde des sceaux, et je rejoins en cela l’avis de Jean-Pierre Sueur sur l'amendement n° 104, j’aurais aimé que vous nous disiez, non pas ce qu’il faut penser du découpage électoral de 1986, mais si nous nous acheminons vers un découpage du type de celui de 1986. Quel est votre sentiment ?

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Pasqua, vous avez bien fait de garder l’affiche en question, car elle est aujourd'hui épuisée et la vôtre a dû prendre de la valeur ! (Sourires.)

Sur la question de la commission indépendante, je considère que la version de l'Assemblée nationale est meilleure, car elle ne distingue pas l’élection des députés de celle des sénateurs, alors que le périmètre des circonscriptions peut évoluer. En outre, cela nous donne la garantie que la commission est également compétente pour fixer le ratio entre la population et les circonscriptions.

Pour ma part, je voterai l'amendement n° 185. Il ne s’agit pas que la commission soit composée uniquement de représentants de groupes ou de forces politiques, mais nous pensons, puisque de toute façon ces mouvements sont consultés, qu’il est préférable qu’ils le soient collectivement dans le cadre de cette commission plutôt que de façon opaque.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 343.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 347.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Payet, le sous-amendement n° 270 rectifié est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 270 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 185 et 443 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article additionnel avant l'article 10 bis ou après l’article 10

Articles additionnels après l'article 10

M. le président. L'amendement n° 374, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, après les mots : « conditions d'éligibilité, », sont insérés les mots : « notamment la limite d'âge à partir de laquelle un parlementaire ne peut plus se présenter à une élection, ».

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à instaurer un âge limite.

Il est étonnant qu’un individu ne puisse pas se présenter à des élections s’il n’a pas atteint un âge spécifique, mais que rien ne soit prévu en termes d’âge limite.

Cet amendement a un objet très simple : couplé avec le non-cumul des mandats dans le temps, il aurait pour effet de donner plus de places aux jeunes dans les hémicycles de nos assemblées.

Dans la plupart des secteurs d’activité, il est interdit de travailler au-delà d’un certain âge ; pourquoi n’en serait-il pas de même pour les parlementaires ?

Avec tout le respect que je leur dois, les parlementaires qui siègent depuis quarante ans et plus dans notre hémicycle sont aujourd’hui en quelque sorte inamovibles.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il n’est pas question ici de discriminer les personnes les plus âgées. Il s’agit simplement de poser le principe selon lequel à partir d’un certain âge, qui pourrait être fixé par une loi organique, une personne ne peut plus se présenter ou se représenter à une élection nationale. Cela ne concerne donc pas les élections locales, mes chers collègues !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Notre souhait est de rajeunir, de féminiser, de métisser nos assemblées. Ce sont trois maîtres mots de toute la modernisation de nos institutions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce point ne relève pas du domaine de la Constitution.

Mes chers collègues, nous avons encore de nombreux sujets importants à examiner. De surcroît, un engagement moral a été pris pour que nous finissions nos travaux dans des conditions raisonnables. Je propose que chacun défende ses amendements, que la commission et le Gouvernement donnent leur avis et qu’il n’y ait pas trente-six explications de vote. Il convient de ne pas se répéter, surtout lorsqu’il s’agit de limite d’âge. Cela pourrait finir par être désagréable !

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, contre l’amendement.

M. Bernard Frimat. Je veux simplement prendre la parole contre les amendements que présente Mme Alima Boumediene-Thiery après l’article 10. Certes, on peut discuter du cumul des mandats, du cumul dans le temps,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. Bernard Frimat. … mais il me semble discriminatoire d’interdire à une personne, en raison de son âge, de se présenter à une élection. C’est aux électeurs de juger !

M. Bernard Frimat. Je pourrais vous donner des exemples, mes chers collègues, mais je ne le ferai pas. Nous connaissons tous, il est vrai, des élus de grand talent, dont l’engagement, tout au long de la vie, fut parfaitement estimable, mais qui ont présenté la candidature de trop, laquelle fut un naufrage personnel.

Mais il faut laisser aux électeurs le pouvoir de choisir.

Ces propos ne constituent nullement une profession de foi contre la féminisation, le rajeunissement, le métissage. Il revient aux formations politiques d’avoir la volonté de les promouvoir lors de la présentation de leurs candidatures.

Le fait que ce soit quelqu’un du groupe auquel Mme Boumediene-Thiery est rattachée qui formule ces remarques est peut-être emblématique, du point de vue de notre démocratie, du climat apaisé qui peut régner et qui régnera tant que nous pourrons nous exprimer tranquillement. (M. Pierre Fauchon applaudit.)

M. le président. Monsieur Frimat, je vous laisse le soin de convaincre Mme Boumediene-Thiery…

Je mets aux voix l’amendement n° 374.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. L'amendement n° 375, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 25 de la Constitution est ainsi modifié :

1° - Dans le deuxième alinéa, le mot : « également » est supprimé ;

2° - Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle fixe également les conditions dans lesquelles sont amenées à être choisies les personnes appelées à assurer, en cas d'empêchement temporaire n'entraînant pas une vacance de siège au sens de l'alinéa précédent, le remplacement des députés ou des sénateurs pour une période ne pouvant excéder six mois. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement s’inspire de l’expérience de nos amis Hollandais, dont la législation reconnaît la possibilité, pour un parlementaire en congé de longue durée ou en congé maternité, d’être remplacé, à titre temporaire, par son suppléant, pour une durée déterminée.

Nous avons souhaité que cette possibilité figure dans la Constitution.

Les causes d’empêchement temporaires sont variées : la maladie, la maternité, ou les missions de courte durée, déjà, d’ailleurs, reconnues par la loi.

La Constitution, renvoyant à la loi organique portant notre statut, ne prévoit rien sur cette question ; elle vise seulement le cas d’une vacance de siège emportant organisation d’une élection partielle.

Or, pour des raisons évidentes, il est nécessaire qu’un parlementaire puisse se faire remplacer, à titre temporaire, sans perdre son siège.

Le suppléant peut jouer alors son rôle, en garantissant au parlementaire absent un suivi et une représentation continue qui n’affectent ni son pouvoir de vote, ni son implication dans le travail législatif.

Il convient d’assurer en quelque sorte un intérim, au même titre que l’intérim du Président de la République. Bien sûr, le suppléant qui remplacera le parlementaire sera prévenu à l’avance, acceptera le remplacement. Grâce au statut de l’élu, notamment, des reconversions seront possibles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La comparaison avec l’intérim du Président de la République est assez osée !

Madame Boumediene-Thiery, laissons à nos amis Hollandais leur spécificité !

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable !

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, j’ai gardé le souvenir d’une ministre qui, dans les années quatre-vingt-dix, s’est fait connaître en accouchant à la une de Paris-Match. Ma chère collègue, l’adoption de votre amendement la priverait de cette publicité. Ce serait fâcheux ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 375.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 331, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 26 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait pour un membre du Parlement d'avoir pris part, pendant une session ordinaire ou extraordinaire, à moins de deux tiers des scrutins publics en séance, ou à moins de deux tiers des réunions de la commission permanente dont il est membre, peut faire l'objet, dans les conditions fixées par le règlement de chacune des assemblées, d'une procédure de sanction. Une loi organique fixe les motifs d'excuses susceptibles d'être invoqués par les parlementaires ainsi que les conditions et modalités de mise en œuvre de cette procédure. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mes chers collègues, il faut aussi regarder les expériences des autres pays pour s’enrichir !

Cet amendement concerne la question de l’absentéisme.

Une revalorisation des pouvoirs du Parlement passe nécessairement par la restauration d’une certaine discipline dans l’exercice de leur mandat par les parlementaires.

Dans notre hémicycle même, l’absentéisme est devenu chose courante, que nul outil ne permet de sanctionner, de quelque manière que ce soit.

Mme Isabelle Debré et M. Michel Charasse. Si, le règlement !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous avons pu remarquer, ces dernières semaines, les « couacs » liés à l’absentéisme. Relevons la question préalable adoptée à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés en raison de la désertion des parlementaires, ou encore, dans cet hémicycle, les difficultés rencontrées pour atteindre le quorum lors du vote de la proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs.

Nous devons donc créer un outil qui permette de sanctionner l’absentéisme, à l’instar de ce qui se fait dans de nombreuses démocraties en Europe, y compris, d’ailleurs, au Parlement européen. C’est à cette condition que nous démontrerons notre attachement à la dignité de notre fonction. (M. Charles Pasqua proteste.)

Le regroupement des séances publiques et des travaux des commissions permet à ceux de nos collègues qui malheureusement cumulent leur mandat avec un mandat local de s’astreindre à deux jours de travail par semaine au Sénat : ce n’est pas trop leur demander !

Cet amendement a pour objet d’inscrire le principe de la lutte contre l’absentéisme dans la Constitution.

M. Charles Pasqua. Il faut mettre un terme à cette plaisanterie !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut effectivement réfléchir aux causes de l’absentéisme parlementaire et aux moyens de le dissuader. Je ne suis pas sûr que votre argumentation ait été complète, à cet égard, ma chère collègue, car ce ne sont pas forcément ceux qui exercent des mandats locaux qui sont absents !

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai même remarqué souvent que ceux qui exercent leur mandat local avec la plus grande fermeté sont aussi très présents au Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Des dispositions figurent dans le règlement, mais encore faut-il les appliquer (Protestations sur certaines travées du groupe socialiste.), ce qui relève de la volonté commune, chers collègues. De telles mesures n’ont évidemment pas leur place dans la Constitution, j’en suis désolé.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne suis pas favorable à ce que nous traitions ce sujet à la légère. C’est un vrai problème.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Cela étant, il n’est pas de nature constitutionnelle.

. L’article 15 du règlement du Sénat, qui a son équivalent à l’Assemblée nationale,…

M. Michel Charasse. Exactement !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … prévoit, notamment, que, « en cas de trois absences consécutives non justifiées d’un commissaire dans une commission permanente, le bureau de la commission en informe le président du Sénat, qui constate la démission de ce commissaire, lequel ne peut être remplacé en cours d’année et dont l’indemnité de fonction est réduite de moitié jusqu’à l’ouverture de la session ordinaire suivante. » (Marques d’étonnement sur les travées de l’UMP.)

Il n’est absolument pas besoin de faire figurer des sanctions dans la Constitution. Elles existent déjà dans les règlements des deux assemblées.

M. Josselin de Rohan. On le dira à Mme Voynet !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce type de sanction n’est pas de nature constitutionnelle, et guère de nature à faire évoluer les choses, comme l’on peut le constater, malgré les dispositions des deux règlements. La seule réelle évolution est la revalorisation du travail du Parlement, que nous vous proposons. Si les parlementaires ont davantage le sentiment de…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Servir à quelque chose ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … compter et d’être valorisés, j’espère qu’ils seront alors plus présents.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 331.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte et A. Boyer, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 27 de la Constitution est complété par les mots : « quel que soit le mandat électif ».

Cet amendement a été retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 184, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 29 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 29. - Le Parlement se réunit en session extraordinaire à sa propre initiative ou sur proposition du Premier ministre, à la demande des trois cinquièmes des membres composant l'Assemblée Nationale, sur un ordre du jour déterminé. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vaste sujet que celui de la tenue des sessions extraordinaires ! Chaque année, depuis 2002, des parlementaires, de droite comme de gauche, font entendre leur voix pour protester contre la pratique, instaurée par le Gouvernement, de faire examiner chaque été des textes fondamentaux.

Nous avons ainsi adopté l’Acte II de la décentralisation, la réforme du régime des retraites, de la sécurité sociale, des universités, la privatisation de GDF, récemment, l’instauration d’un service minimum dans les transports, autant dire des textes structurants.

Pour ce faire, le Gouvernement et le Président de la République ont choisi la période estivale, pendant laquelle les Français sont en vacances et l’activité des organisations syndicales ralentie.

Nous considérons qu’il s’agit d’un détournement grave de la Constitution et d’une manœuvre politicienne qui n’honore pas ceux qui la pratiquent. Nous souhaitons donc, par cet amendement, encadrer de manière limitative le recours aux sessions extraordinaires.

Nous voulons redonner au seul Parlement la faculté de convoquer une session extraordinaire, à condition que la décision soit prise à la majorité des trois cinquièmes.

Actuellement, aux termes de l’article 29 de la Constitution, le Parlement « est réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale ». Le pouvoir d’initiative est donc partagé, en théorie, entre le Premier ministre et la majorité absolue des députés.

La pratique institutionnelle est tout autre.

À ma connaissance, depuis 1958, une seule session extraordinaire a été réunie sur l’initiative des députés, au mois de mars 1979.

Par ailleurs, il est clair que le pouvoir de décision a été transféré au Président de la République.

Rappelons que, en 1987, durant la cohabitation, François Mitterrand, devant l’éventualité d’une session extraordinaire consacrée à l’examen du projet de loi réformant le statut de la régie Renault, avait cru bon de rappeler la prérogative du chef de l’État en précisant que le Gouvernement ne peut ni décider la convocation d’une session extraordinaire, ni en fixer l’ordre du jour.

De même, lorsque, au mois de mars 1960, Jacques Chaban-Delmas, président de l’Assemblée nationale, informe le général de Gaulle que 287 députés ont demandé la réunion d’une session extraordinaire sur les problèmes agricoles, le lendemain, par lettre, le Président de la République lui motive ainsi son refus : les députés se sont laissé influencer par les dirigeants des syndicats agricoles et, dès lors, la réunion du Parlement qui serait déterminée par des invitations d’une telle nature ne peut être tenue.

Depuis, nul ne conteste cette lecture de la Constitution, qui confère au Président de la République non seulement le pouvoir de prendre un décret, mais aussi un pouvoir d’appréciation plus vaste.

Cette interprétation témoigne encore du glissement de nos institutions vers un empiétement accru du pouvoir présidentiel sur les compétences conjointes du Gouvernement et du Parlement.

En outre, il faut bien admettre que les sessions extraordinaires ont souvent été instrumentalisées, afin de repousser à la période estivale l’examen des mesures les plus impopulaires.

Dans ces circonstances, il nous paraît opportun de confier au Parlement l’initiative des sessions extraordinaires, sur proposition éventuelle du Premier ministre, sessions dont l’ordre du jour doit être fixé de façon suffisamment consensuelle pour emporter l’adhésion de principe d’une majorité qualifiée des membres de l’Assemblée nationale.