PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. Nous en revenons à l’article 3 bis, dont le Sénat a commencé l’examen ce matin.
Article 3 bis (suite)
Après le deuxième alinéa de l'article 11 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. La régularité de l'initiative, qui prend la forme d'une proposition de loi et qui ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an, est contrôlée par le Conseil constitutionnel dans des conditions fixées par une loi organique. Si la proposition n'a pas été examinée par les deux assemblées parlementaires dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République soumet la proposition au référendum. »
M. le président. Je rappelle que, sur cet article, six amendements font l’objet d’une discussion commune. Les amendements identiques nos 255 rectifié et 263 rectifié, ainsi que les amendements nos 68 rectifié et 98 ont déjà été présentés.
Nous en sommes donc parvenus à l’examen des trois sous-amendements affectant l’amendement n° 98.
Le sous-amendement n° 264 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Zocchetto, Dubois, Amoudry, Badré, Biwer et Fauchon, Mmes Férat et Payet et MM. Soulage, Merceron, Deneux et Nogrix, et ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° de l'amendement n° 98, après les mots :
premier alinéa
insérer les mots :
, à l'exception de l'organisation des pouvoirs publics,
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Ce sous-amendement constitue en quelque sorte une position de repli par rapport à l’amendement n° 263 rectifié, identique à l’amendement n° 255 rectifié, que j’ai présenté ce matin. J’ai alors suffisamment expliqué à quel point nous étions défavorables à la mise en œuvre du référendum d’initiative mi-parlementaire mi-populaire.
Maintenir ce sous-amendement de repli pourrait donner le sentiment que, finalement, moyennant quelques ajustements, nous acceptons le principe de ce référendum. Or les signataires de l’amendement n° 263 rectifié– je l’ai dit clairement ce matin – y sont résolument opposés.
Je retire donc le sous-amendement n° 264 rectifié.
M. le président. Le sous-amendement n° 264 rectifié est retiré.
Le sous-amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Gélard et Portelli, est ainsi libellé :
Compléter le 2° de l'amendement n° 98 par un alinéa ainsi rédigé :
« La proposition de loi soumise à référendum est adoptée si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au vote. »
Ce sous-amendement n’est pas soutenu.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission étant favorable à ce sous-amendement, je rectifie l’amendement n° 98 pour y intégrer la disposition proposée. Il y a en effet lieu de mettre en place un système assurant la sincérité des élections référendaires. Un tel dispositif existe d’ailleurs dans la plupart des États qui utilisent le référendum.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 98 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
"La proposition de loi soumise à référendum est adoptée si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au vote."
3° Au dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
Le sous-amendement n° 502, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte et Marsin, est ainsi libellé :
Compléter le 2° de l'amendement n° 98 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le Peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il s’agit d’un amendement de bon sens, monsieur le président. Lorsque le peuple a rejeté une première proposition de loi qui lui a été soumise par référendum, on ne doit pas pouvoir le ressaisir du même sujet avant qu’un délai de deux ans ne se soit écoulé. Sinon, on pourrait, tous les quatre matins, consulter les Français jusqu’à ce qu’ils cèdent !
M. le président. L'amendement n° 170, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du second alinéa de cet article, remplacer le mot :
un cinquième des membres du Parlement
par les mots :
un groupe parlementaire
et les mots :
un dixième des
par les mots :
un million d'
II. - Dans la deuxième phrase du même alinéa, supprimer les mots :
et qui
et les mots :
, est contrôlée par le Conseil Constitutionnel dans des conditions fixées par une loi organique
III. - Dans la dernière phrase du même alinéa, remplacer les mots :
fixé par la loi organique
par les mots :
d'un mois à compter de son dépôt
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. La création par l’article 3 bis d’un référendum d’initiative parlementaire soutenue par des électeurs me paraît peu judicieuse.
Cette disposition pourrait être examinée de manière plus pertinente à l’occasion du débat sur les articles relatifs au titre V de la Constitution, qui traite précisément des procédures législatives. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 22 du projet de loi constitutionnelle.
Par précaution, nous avons cependant souhaité donner sans attendre à l’article 3 bis un peu plus de force. En effet, si la disposition contenue dans cet article constitue, sur le fond, une avancée face à la montée des aspirations des citoyens à intervenir dans les décisions qui les concernent, celle-ci demeure bien timide, madame le garde des sceaux !
Mes chers collègues, quand on se reporte au débat qui s’est déroulé sur cet article à l’Assemblée nationale, on s’aperçoit qu’il était manifestement empreint de la crainte de donner aux citoyens des pouvoirs susceptibles de concurrencer les nôtres. Tel est d’ailleurs le sentiment qui a habité la majorité sénatoriale lors du débat qui a eu lieu ici ce matin.
Cette crainte explique la double exigence prévue pour la mise en œuvre de ce référendum : son initiative revient à 180 députés, qui doivent être soutenus par 4,5 millions d’électeurs. Ces seuils rendront la procédure prévue extrêmement difficile – pour ne pas dire impossible – à mettre en œuvre.
Aussi strictement encadré, ce référendum tient plus de l’initiative parlementaire que de l’initiative populaire. Un tel dispositif témoigne à quel point le concept de démocratie participative ne peut être associé, aux yeux de la majorité, qu’à ce que je qualifierai de « participation sans risque des citoyens ».
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que, dans une société hypermédiatisée où la réflexion se réduit à de petites phrases, comme l’a rappelé ce matin Mme Borvo Cohen-Seat, la démocratie d’opinion se substitue au nécessaire débat démocratique, une démocratie d’opinion légitimée en quelque sorte par la reconnaissance d’un fonctionnement lobbyiste ou communautariste de la vie publique, la substitution du contrat à la loi, bref toutes les formes de vie sociale qui organisent la domination des plus forts.
Il serait pourtant urgent que les parlementaires se posent enfin une question à nos yeux essentielle : par quelle avancée démocratique le peuple pourra-t-il intervenir de façon directe à tous les niveaux et s’approprier les règles institutionnelles, aujourd’hui éloignées de lui ?
En effet, ce n’est pas avec des compromis recherchés du côté de formes très limitées de participation des citoyens à la vie politique que nous répondrons au divorce éloignant ces derniers de leurs élus.
Dès lors, mes chers collègues, acceptez au moins de rendre l’article 3 bis applicable et donnez-lui un minimum de contenu démocratique ! Acceptez avec nous de prévoir, entre autres dispositions, que l’initiative référendaire puisse venir d’un groupe parlementaire et que le seuil des électeurs la soutenant puisse être abaissé à un million.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le Peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission ayant proposé une nouvelle rédaction de l’article 3 bis, elle est bien évidemment défavorable aux amendements identiques de suppression nos 255 rectifié et 263 rectifié.
S’agissant de l’amendement n° 68 rectifié, la proposition de M. Hugues Portelli est intéressante. Cependant, elle ne correspond pas du tout au système qui a été élaboré par l’Assemblée nationale et que nous soutenons. Par conséquent, nous ne pouvons qu’y être défavorables.
Quant au sous-amendement n° 502, il tend à limiter la possibilité d’organiser un référendum d’initiative parlementaire soutenu par une pétition populaire. Il est proposé qu’aucun référendum ne puisse être organisé dans les deux ans suivant le rejet d’un texte portant sur le même sujet.
Ce sous-amendement vise à apporter une garantie intéressante pour encadrer le recours à cette procédure, et la commission y est donc favorable.
En revanche, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 170 dans la mesure où les seuils proposés sont extrêmement différents de ceux qui sont prévus dans le projet de loi constitutionnelle.
Par ailleurs, la commission demande le retrait de l’amendement n° 6 rectifié bis, qui sera satisfait par l’adoption du sous-amendement n° 502.
M. Michel Charasse. Je le retire, monsieur le président.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Les amendements identiques nos 255 rectifié et 263 rectifié visent à supprimer l’article 3 bis, qui introduit dans notre Constitution le référendum d’initiative populaire.
Cette disposition a été introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, avec l’accord du Gouvernement.
Vous redoutez, messieurs Gouteyron et Détraigne, des dérives démagogiques sur ce sujet. À mes yeux, ces craintes ne sont pas fondées, puisque le mécanisme retenu donne aux parlementaires une responsabilité qu’ils sauront exercer à bon escient.
En premier lieu, la mise en œuvre de ce référendum exige une initiative parlementaire et le soutien significatif des électeurs. L’accord d’au moins un cinquième des membres du Parlement, soit aujourd’hui 182 parlementaires, et bientôt 185, et le soutien d’environ 4,4 millions d’électeurs seront nécessaires.
Ces seuils permettent à l’opposition d’être à l’origine d’une telle initiative. Au demeurant, il ne peut s’agir d’une idée isolée, et les modalités de mise en œuvre visent donc à éviter les dérives que vous avez évoquées, messieurs les sénateurs.
En second lieu, c’est au Parlement qu’il reviendra de se prononcer sur les suites données à une telle initiative. Si cette dernière n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un certain délai, que l’on pourrait par exemple fixer à un an, un référendum sera organisé. C’est avant tout un moyen d’obliger le Parlement à se saisir de la question qui serait posée.
En outre, nous sommes favorables à ce que la disposition prévue soit complétée pour qu’il soit clair que le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité de la proposition de loi. Ce contrôle devra d’ailleurs intervenir dès la phase de recueil des signatures. Ce sera, encore une fois, un moyen d’éviter les dérives démagogiques auxquelles vous faisiez allusion tout à l’heure.
Au total, le Gouvernement considère que cette disposition est un bon moyen d’introduire un peu plus de démocratie directe dans le fonctionnement de nos institutions. Il est donc défavorable aux amendements identiques nos 255 rectifié et 263 rectifié visant à supprimer l’article 3 bis.
Certains considèrent au contraire que le projet de loi constitutionnelle ne va pas assez loin. Je pense notamment à l’amendement n° 68 rectifié de M. Portelli, qui tend à alléger considérablement les conditions posées pour permettre l’émergence d’une telle initiative populaire. Il suffirait de réunir un million d’électeurs, au lieu des 4,4 millions prévus. Surtout, l’initiative pourrait venir uniquement du corps électoral, sans bénéficier d’aucun soutien parlementaire.
Le Gouvernement n’est pas favorable à un tel dispositif, au regard de l’équilibre du projet. Il s’agit en effet d’un mécanisme nouveau dans notre pays. En combinant l’exigence d’un certain nombre de parlementaires, qui peuvent appartenir à l’opposition, et celle d’un certain nombre d’électeurs, il s’agit d’apporter de fortes garanties pour éviter tout risque démagogique.
L’amendement n° 170 prévoit plusieurs modifications du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, il vise à remplacer « un cinquième des membres du Parlement » et « un dixième des électeurs » par « un groupe parlementaire » et « un million d’électeurs », soit 2,3 % du corps électoral.
Le Gouvernement n’est pas favorable à une telle modification, qui pourrait donner au référendum d’initiative populaire un caractère trop partisan. Les seuils prévus dans le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis sont beaucoup plus raisonnables, si je puis dire. Ils traduisent un équilibre entre l’exigence de sérieux de la démarche et le souci de faisabilité du dispositif pour que ce dernier soit réellement efficient et donc utilisé.
Ensuite, l’amendement tend à supprimer le contrôle du Conseil constitutionnel. Cela paraît dangereux : en effet, l’organisation d’une telle initiative populaire étant complexe, il faut bien qu’un organe soit chargé de son contrôle.
Enfin, l’amendement prévoit que la proposition de loi pourrait être soumise au référendum si elle n’a pas été examinée dans un délai d’un mois. C’est une condition impossible à satisfaire et totalement contradictoire avec le reste du projet de loi constitutionnelle, qui octroie un délai plus long au Parlement pour lui permettre d’effectuer un meilleur travail.
Le Gouvernement est favorable au référendum d’initiative populaire à condition que ce dernier soit raisonnablement encadré. Il ne peut donc suivre les propositions présentées par cet amendement, sur lequel il émet un avis défavorable.
L’amendement n° 98 rectifié vise à préciser et à améliorer la rédaction de l’article 3 bis issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Il précise l’objet de la loi organique correspondante. Le législateur organique devra prévoir les conditions de présentation de l’initiative, ce qui est extrêmement important.
Il améliore la rédaction de l’article 3 bis en y regroupant, par souci de cohérence, toutes les dispositions visant à modifier l’article 11 de la Constitution.
Le Gouvernement est extrêmement favorable à cet amendement, tout en estimant que le champ de la loi organique pourrait être élargi, comme nous le verrons dans les débats ultérieurs.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 79 rectifié, le Gouvernement est défavorable à la proposition d’exclure l’organisation des pouvoirs publics du champ du référendum d’initiative populaire, rien ne justifiant une telle exclusion. Un référendum d’initiative populaire pourrait être organisé, par exemple, pour consulter les Français sur une réforme administrative d’une grande ampleur.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite un contrôle a priori de la constitutionnalité de la proposition de loi soumise à référendum. Le référendum d’initiative populaire, y compris lorsqu’il portera sur l’organisation des pouvoirs publics, sera entouré de toutes les garanties de conformité à la Constitution.
Sur le sous-amendement n° 502 aux termes duquel, en cas d’échec d’une première initiative, aucune nouvelle proposition de référendum ne peut être présentée avant un délai de deux ans sur le sujet, à l’évidence, le Gouvernement émet un avis favorable, en précisant toutefois que le délai relève de la loi organique.
Le sous-amendement n° 79 rectifié, que M. le rapporteur a intégré dans l’amendement n° 98 rectifié, prévoyait qu’une proposition de loi soumise à référendum ne pourrait être adoptée que si 50 % au moins des électeurs inscrits participaient au vote.
La question est délicate. En effet, si une telle condition existe pour les référendums locaux, elle n’est pas prévue dans le cas des référendums nationaux mentionnés à l’article 11 de la Constitution.
Je rappelle que si la participation au référendum sur le statut de la Nouvelle-Calédonie n’a été que de 37 %, le « oui » a recueilli 80 %, et le référendum sur le quinquennat, tenu le 24 septembre 2000, avec 30 % de votants, a recueilli 73 % de « oui ». Il paraît difficile pour un gouvernement d’ignorer une telle majorité de « oui ».
M. Michel Mercier. Cela paraît difficile !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est la raison pour laquelle il convient de faire preuve d’une extrême prudence en la matière.
Une solution peut résider dans une pondération des deux critères. Par exemple, on pourrait prendre en compte une majorité de « oui » représentant au moins telle part du corps électoral.
En tout cas état de cause, il vaudrait mieux renvoyer ces dispositions à la loi organique pour les référendums locaux prévue à l’article 72-1 de la Constitution Il s’agit de la loi organique du 1er août 2003.
Telles sont les raisons pour lesquelles, à ce stade, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette disposition.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l’avis du Gouvernement a-t-il une incidence sur la rédaction de l’amendement n° 98 rectifié ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis embarrassé, monsieur le président…
Si l’on retient un seuil, il faut l’inscrire dans la Constitution et pas seulement dans la loi organique. Je rappelle qu’il existe un seuil, par exemple, pour les élections municipales, où une liste ne remporte le premier tour que si elle obtient la majorité absolue des voix représentant au moins 25 % des électeurs inscrits.
Le fait de prévoir un seuil va sans doute donner des idées aux députés. Il me paraît donc souhaitable de voter l’amendement n° 98 rectifié en l’état, quitte à le corriger éventuellement par la suite.
Mme le garde des sceaux me dit que si les seuils ne figurent pas dans la Constitution, ils peuvent être inscrits dans la loi organique.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas la même chose ! Nombre d’éléments concernant un référendum local peuvent être inscrits dans la loi organique. En l’occurrence, il s’agit d’un référendum national, qui vise tout de même à changer la Constitution, ce qui n’est pas tout à fait de même niveau.
Cela étant, pour ne pas compliquer les choses, et en espérant que nous aurons l’occasion de revenir sur ce point ultérieurement, je suis prêt à retirer le membre de phrase concerné, tout en soulignant que ce serait une erreur de ne pas prévoir un seuil. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cointat. C’était la condition pour que je vote le texte !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans ce cas, je maintiens l’amendement tel qu’il est rédigé, monsieur le président ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 255 rectifié et 263 rectifié.
M. Michel Mercier. Les députés ont pris l’initiative d’inscrire dans notre droit une forme de référendum d’initiative parlementaire avec un soutien populaire. Que ce soit le Sénat qui prenne l’initiative de supprimer un tel dispositif ne me paraîtrait pas très malin !
La raison en est simple : la révision constitutionnelle a aussi pour objet de reconnaître des droits nouveaux aux citoyens. Il ne s’agit pas de dire que le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale est parfait, mais on ne peut pas supprimer systématiquement toute nouveauté. Et les parlementaires ne doivent pas montrer de frilosité à l’égard des électeurs !
Pour ma part, je ne confonds pas peuple et populisme. Le référendum a joué un grand rôle dans notre histoire.
M. Gérard Longuet. Je crois me souvenir que vous n’en avez pas toujours été partisan !
M. Michel Mercier. Je n’en ai pas toujours été un chaud partisan, mais je sais aussi qu’il a permis de faire avancer et changer bien des choses.
Très honnêtement, l’amendement prévoit déjà bon nombre de précautions pour l’organisation du référendum. Il exige que l’initiative soit appuyée par cent quatre-vingt-cinq parlementaires, qu’elle soit soutenue par un dixième du corps électoral, qu’elle prenne la forme d’une proposition de loi et prévoit la tenue du référendum uniquement dans le cas où le Parlement ne se serait pas prononcé.
M. Robert Bret. Ce n’est pas une bonne chose !
M. Michel Mercier. Certes, il était nécessaire d’améliorer la rédaction de l’article. Notre rapporteur y a concouru.
Pour ma part, je voterai en l’état l’amendement n° 98 rectifié, qui est un amendement de clarification et de meilleure écriture juridique.
Enfin, je souligne qu’il serait dangereux pour le Sénat lui-même de supprimer une disposition accordant aux citoyens un pouvoir supplémentaire.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole afin d’expliquer pourquoi nous allons retirer l’amendement n° 255 rectifié.
Je ne regrette aucunement d’avoir déposé cet amendement avec mon ami Adrien Gouteyron, car il était important d’attirer l’attention du Gouvernement sur la difficulté de mettre en place ce référendum populaire.
Je vous donnerai un exemple : j’ai reçu deux pétitions locales, au sujet de panneaux. L’une avait recueilli quatre-vingts signatures, l’autre, cinquante ou cinquante-deux. Vérification faite, il est apparu que dix-sept personnes seulement avaient apposé leur signature pour toutes les autres sur les deux pétitions !
Cet exemple illustre la raison pour laquelle il nous paraissait nécessaire d’expliquer, par le biais de cet amendement, pourquoi le dispositif introduit par un amendement de l’Assemblée nationale serait difficile à mettre en place. Pensez-donc ! Il va falloir vérifier les signatures de quatre millions de personnes ! Bon courage ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mais je retire finalement cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 255 rectifié est retiré.
Monsieur Détraigne, l’amendement n° 263 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Je veux d’abord remercier Michel Mercier d’avoir apporté la démonstration de la liberté d’opinion des membres du groupe de l’Union centriste-UDF.
J’ai écouté attentivement toutes les explications, mais, à la différence d’Alain Gournac, je maintiens mon amendement. Je reste solidaire des propos tenus par Alain Gournac ce matin vers douze heures trente, douze heures quarante-cinq, et fidèle à moi-même et aux explications que j’ai données au même moment.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas loin de partager l’opinion émise voilà un instant par M. Mercier et, en filigrane de leurs amendements, par les auteurs des deux amendements de suppression.
Cela étant, je souhaite poser trois questions précises à Mme le garde des sceaux.
En effet, le texte qui nous est soumis est, à mon point de vue, très mal rédigé.
Premièrement, la première phrase de l’article 3 bis dispose : « Un référendum […] peut être organisé… » ; par conséquent, il n’est pas obligatoirement organisé.
M. Gérard Longuet. Absolument ! « Peut » n’est pas « doit » !
M. Michel Charasse. Mais la dernière phrase de ce même article prévoit : « le Président de la République soumet », ce qui est une obligation avec compétence liée.
J’aimerais comprendre comment on interprète la première phrase et la dernière phrase ensemble, « peut » signifiant que ce n’est pas obligatoire, « soumet », que c’est obligatoire.
Deuxièmement, dans le membre de phrase : « si la proposition n’a pas été examinée par les deux assemblées… », que signifie le terme : « examinée » ? Cela ne veut pas dire « votée ».
M. Gérard Longuet. Cela ne veut rien dire ! C’est du bricolage !
M. Michel Charasse. Ou bien, simplement, on examine et, par exemple, on vote la question préalable ; dans ce cas, il n’y a pas d’examen, mais on examine tout de même, et il n’y a pas de vote. On fait la même chose dans les deux assemblées, et l’on considère que, dans ce cas-là, l’examen prévu à l’article 11 de la Constitution a été fait.
Madame le garde des sceaux, je souhaiterais avoir une réponse précise sur ces deux points.
En effet, vous imaginez bien que si l’on déclenche un jour la procédure – et l’on ne va pas le faire tous les jours –, cette dernière donnera lieu, parce que ce sera sans doute un sujet sensible, à un certain nombre d’oppositions entre ceux qui seront pour et ceux qui seront contre le référendum.
Il faut éviter une déchirure dans l’opinion et écarter la possibilité d’ergoter sur les textes.
En résumé, si un référendum « peut » être organisé, cela veut dire que ce n’est pas obligatoire, et si le Président de la République « soumet », cela signifie que c’est obligatoire ; enfin, « examiner », ce n’est pas « voter ».
Je souhaite dire à M. Hyest que, dans son amendement, il pourrait remplacer les mots : « si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au vote » par les mots : « sous réserve d’un seuil de participation des électeurs fixé par une loi organique ».
Ainsi, au lieu de définir nous-mêmes ce seuil – j’ai cru comprendre que c’est ce qui gênait le Gouvernement –, nous en renvoyons la fixation à une loi organique, comme nous l’avons fait pour le référendum local prévu à l’article 72-1 de la Constitution. En effet, mes chers collègues, vous vous rappelez que c’est le Sénat, sur le rapport de Daniel Hoeffel, qui a imposé que, pour que ce référendum soit valable, la participation devait être supérieure à 50 % des électeurs inscrits dans la commune.
Ainsi, le Parlement aura de nouveau la parole pour fixer un seuil lorsqu’il votera la loi organique.