M. le président. L'amendement n° 458, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
Si besoin est, le Parlement est réuni en session extraordinaire.
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Afin que les dispositions de cet article soient réellement effectives, il est nécessaire de compléter le dispositif en précisant que « si besoin est, le Parlement est réuni en session extraordinaire » pour se prononcer sur la prorogation des interventions des forces françaises à l'extérieur. Dans cette hypothèse, il s'agit d'une demande d'autorisation qui engage le Gouvernement et non d'une simple consultation ; celle-ci ne saurait attendre.
Il me semble évident de réunir le Parlement en session extraordinaire si les circonstances l’exigent. En effet, on ne peut pas envisager que, en cas de crise grave nécessitant l’envoi de troupes, le Parlement n’ait pas l’occasion de s’exprimer parce qu’il ne serait pas en session. Personne ici ne souhaite entraver la capacité d’action et de défense de la France ni celle de l’exécutif à décider, mais, pour donner un rôle actif au Parlement en matière d’engagement des troupes françaises, un débat s’impose ainsi qu’un vote dans un délai raisonnable.
Concrètement, si le Parlement n’est pas en session et qu’un conflit débute un 15 juillet, que fait-on ? Doit-on sagement attendre le mois d’octobre ? Ce ne serait pas sérieux.
Pour mémoire, je l’ai dit tout à l’heure, il y a le précédent – il a été rappelé par M. Charasse – de la guerre du Golfe, en 1991. À cette occasion, le Parlement avait été convoqué en session extraordinaire par le Président de la République François Mitterrand et, j’y insiste, il s’était prononcé par un vote.
M. le président. L'amendement n° 362, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après les mots :
délai de quatre mois,
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de cet article :
il se réunit en session extraordinaire à cet effet. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de défendre M Boulaud. Il vise en effet à réduire le laps de temps qui peut exister entre l’engagement effectif de troupes dans le cadre d’une intervention à l’étranger et l’autorisation de prolongation donnée par le Parlement.
Admettons que le délai de quatre mois tombe en plein mois de juillet : il faudra donc attendre le mois d’octobre, c’est-à-dire quatre mois de plus, avant que la prolongation ne soit autorisée par le Parlement. C’est donc seulement au bout de huit mois que l’intervention sera autorisée, ce qui semble excessif au regard de l’objectif poursuivi, à savoir l’amélioration du contrôle du Parlement.
L’autorisation de prolongation ne doit pas être une simple formalité prise à la légère. Il peut en effet s’agir de crises internationales extrêmement graves. Il est donc souhaitable que le Parlement puisse se réunir à cet effet.
Si l’avis du Parlement est requis, il doit alors l’être de manière efficace et utile, y compris à l’occasion d’une session extraordinaire. L’amendement concernant le contrôle de la prolongation des interventions à intervalles réguliers s’inscrit dans cette même logique.
Mes chers collègues, je vous demande d’adopter cet amendement afin de permettre une interruption de nos vacances parlementaires. Celle-ci paraît utile afin que le Parlement se prononce par un vote sur l’autorisation de prolongation de l’intervention.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 259 rectifié est présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 460 est présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement informe le Parlement du contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur, dans les conditions fixées par le règlement des assemblées. »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l’amendement n° 259 rectifié.
M. Robert Bret. Nos interventions militaires à l’étranger, hormis celles auxquelles nous participons en vertu d’un mandat international, se fondent souvent sur des accords de défense signés avec des pays tiers. Pour la plupart d’entre eux, ils l’ont été dans les années soixante, avec des pays africains, dans le contexte particulier de l’époque où ceux-ci accédaient à l’indépendance.
Ce sont ces accords de coopération militaire ou de défense qui légitiment juridiquement et politiquement l’engagement de nos troupes et qui déterminent le caractère de nos interventions.
Voilà plusieurs décennies, par exemple, nous étions brutalement intervenus au Gabon pour rétablir le régime du président M’Ba. En Côte d’Ivoire, en revanche, l’intervention de nos éléments prépositionnés a d’abord eu pour objectif de protéger nos concitoyens, puis d’appuyer l’opération de l’ONU. Plus récemment, au Tchad, nous nous sommes limités officiellement à un soutien logistique. Mais nous savons aussi que la présence de nos troupes a permis au président Idriss Déby de rester au pouvoir.
Pourtant, la caractéristique commune de ces accords est qu’ils n’ont jamais été soumis au Parlement, comme vient de le rappeler M. Charasse, et qu’ils restent donc secrets.
M. Michel Charasse. Pas tous !
M. Robert Bret. En tout cas, un certain nombre d’entre eux !
Or si, comme vous le prévoyez, monsieur le ministre, les représentants de la nation sont informés par le Gouvernement du contexte et des objectifs d’une intervention, il devient alors nécessaire qu’ils disposent de tous les éléments de la situation. C’est la raison pour laquelle nous pensons décisif pour un fonctionnement démocratique de nos institutions que les documents relatifs à ces accords soient communiqués au Parlement, sous une forme restant à définir et prenant bien sûr en compte une certaine confidentialité.
C’est un principe de transparence démocratique – et même un engagement du Président de la République pris lors de son voyage en République sud-africaine – qui nous semble suffisamment fondamental pour figurer dans un texte constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour présenter l'amendement n° 460.
M. Didier Boulaud. Le Parlement n’est pas informé du contenu des accords de défense et de coopération militaire actuellement en vigueur. L’intention annoncée par le Gouvernement de mieux informer le Parlement dans ce domaine ne saurait suffire.
C’est souvent en vertu d’accords de coopération militaire ou de défense que le Gouvernement engage nos forces. Ce fut le cas au Rwanda, au Tchad, en Côte d’Ivoire, et l’on pourrait multiplier les exemples.
Or la plupart de ces accords, qui sont en vigueur depuis plus de quarante ans – il y en a encore un qui mentionne le Dahomey (Sourires.) –…
M. Michel Charasse. Oui !
M. Didier Boulaud. … et qui fondent juridiquement et politiquement l’intervention militaire de la France, sont secrets et n’ont pas été transmis au Parlement. Ces documents ne sont pas publiés au Journal officiel, mais conservés dans la partie la plus impénétrable du ministère de la défense. Nous souhaitons donc que le Parlement en soit destinataire. Mais nous voulons disposer de l’accord complet et pas seulement de ce qui pourrait être publié au Journal officiel, car il existe parfois des clauses secrètes méritant d’être portées à la connaissance du Parlement.
Certaines opérations militaires sont justifiées par l’application de ces accords. L’affaire est sérieuse, puisque nos troupes sont ainsi engagées en fonction de conventions inconnues des parlementaires. L’histoire récente nous a donné de nombreux exemples nous incitant à demander plus qu’une simple information.
Il est indispensable que les termes desdits accords fassent l’objet d’une communication au Parlement, qui pourra ainsi les étudier. C’est d’ailleurs l’une des recommandations du président de la commission chargée de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui a indiqué que « Les membres de la commission ont été unanimes » – même moi, voyez-vous ! – « pour considérer que les accords de défense devraient désormais être transparents et connus au Parlement ».
Nous savons par ailleurs que le Président de la République a pris des engagements dans ce sens lors de son intervention devant le Parlement sud-africain, le 28 février dernier : « […] les accords de défense entre la France et les pays africains seront intégralement publiés. J’associerai également étroitement le Parlement français aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique ».
Il est donc temps, monsieur le ministre, de passer à l’acte. Notre amendement vise précisément à obtenir du Gouvernement que le Parlement soit informé de ces accords de défense dans les conditions fixées par le règlement des assemblées afin, bien sûr, d’en préserver la partie confidentielle.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, j’ai prononcé tout à l’heure une phrase malheureuse. Évoquant l’archaïsme subsistant à l’article 13, avec la phrase prévoyant que, « en cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l’intervention », j’ai dit ceci : « Pourquoi une telle primauté serait-elle accordée à la représentation nationale sur la représentation territoriale ? » Je faisais bien évidemment référence à la représentation nationale territoriale du Sénat ! (Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. Merci de cette précision !
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 193 rectifié ne distingue plus, contrairement au projet de loi constitutionnelle, un temps de l’information et un temps de l’autorisation. Il ne détermine pas davantage de délai. Il apparaît donc très éloigné du projet de loi initial et du texte approuvé par la commission.
Par ailleurs, si l’autorisation de prolongation d’une opération extérieure doit intervenir alors que le Parlement ne siège pas, le texte du projet de révision n’interdit pas, à notre sens, que les assemblées soient convoquées en session extraordinaire. Dans ce cas, la disposition proposée pour le dernier alinéa de l’article 35, selon laquelle le Parlement « se prononce à l’ouverture de la session suivante », ne jouerait pas.
La commission émet donc un avis défavorable.
La commission des lois émet un avis favorable sur l’amendement n° 139, qui est identique à l’amendement n° 110 qu’elle a présenté.
S’agissant de l’amendement n° 257 rectifié, qui prévoit un vote de la représentation nationale dans les deux semaines suivant le début de l’intervention, elle émet un avis défavorable.
L’amendement n° 457 vise à prévoir que le débat peut être suivi d’un vote. La commission estime que, comme l’amendement précédent, cette disposition permettrait au Parlement d’anticiper sur l’autorisation requise pour permettre la prolongation de l’intervention. Elle émet donc un avis défavorable.
L’amendement 20 rectifié bis comporte deux aspects.
Le premier aspect, c’est la possibilité de convoquer le Parlement en session extraordinaire afin de permettre l’information sur l’intervention des forces armées à l’étranger. Cette disposition n’est pas indispensable pour trois raisons.
Tout d’abord, dès lors que l’amendement ne prévoit qu’une simple faculté et non l’obligation de convoquer le Parlement en session extraordinaire, les dispositions actuelles de l’article 30 de la Constitution sont suffisantes ; l’initiative en appartient au Président de la République.
Ensuite, l’organisation d’un débat est une simple faculté et non une obligation ; l’information pourra donc toujours être donnée sous une forme souple, par exemple par la voie d’une audition devant les commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale.
M. Michel Charasse. Cela veut dire qu’une motion de censure est recevable ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Enfin, compte tenu des précisions apportées par l’amendement n° 110 de la commission, le Gouvernement disposera d’une certaine marge pour informer le Parlement. Par exemple, s’il sait que le Parlement ne siégera que lorsque commencera l’intervention, il a la possibilité d’informer les assemblées pendant les sessions ordinaires avant que cette intervention ne commence.
Le deuxième aspect, c’est que le débat sans vote peut faire suite à l’information et serait la procédure de droit commun. Cela n’interdit pas au Gouvernement, s’il le souhaite, d’engager sa responsabilité ou aux députés de déposer une motion de censure.
M. Michel Charasse. C’est ça !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’article 49 de la Constitution peut donc s’appliquer sans qu’il soit nécessaire, comme le propose l’amendement, de le prévoir explicitement.
Compte tenu des précisions qu’elle vient d’apporter, la commission invite l’auteur de l’amendement à bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement n° 20 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Non, monsieur le président, puisque j’ai l’assurance que l’on ne dira pas un jour aux députés qu’ils n’ont pas le droit de déposer une motion de censure.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié bis est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 140 étant identique à l’amendement n° 111, la commission a bien évidemment émis un avis favorable.
L’amendement n° 258 rectifié vise à renouveler l’autorisation du Parlement à intervalles réguliers. La commission a émis un avis défavorable, de même que sur l’amendement n° 459, qui a le même objet.
M. Didier Boulaud. Le Parlement vote donc une autorisation à perpétuité ! Que fait-on en cas de nouvelle guerre de Cent Ans ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Boulaud, je vous ai écouté avec la plus grande attention. Veuillez en faire de même, s’il vous plaît.
M. Didier Boulaud. Je vous interromps si peu ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est parce que vous n’en avez pas encore eu l’occasion. Si vous restez longtemps, …
M. Didier Boulaud. Cent ans !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … vous aurez peut-être beaucoup trop d’occasions. C’est la raison pour laquelle je prends des mesures préventives ! (Rires.)
S’agissant de l’amendement n° 279 rectifié, la commission des lois a estimé qu’un différend entre les deux assemblées ne devait pas bloquer une intervention à l’étranger. Elle ne voit donc aucune objection à ce que le dernier mot revienne à l’Assemblée nationale.
En revanche, la formulation qu’elle propose à l’amendement n° 111 pour le troisième alinéa de l’article 13 est meilleure et susceptible de satisfaire en partie les auteurs du présent amendement. C’est pourquoi la commission invite ces derniers à un retrait du texte.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 341, qui prévoit une autorisation du Parlement pour toute nouvelle prolongation de l’intervention.
En ce qui concerne l’amendement n° 458, comme je l’ai déjà indiqué, le Parlement pourra être réuni en session extraordinaire dans les conditions prévues par l’article 29. La commission invite donc les auteurs de cet amendement à bien vouloir le retirer. Elle formule la même demande aux auteurs de l’amendement n° 362, qui a le même objet.
Les amendements nos 259 rectifié et 460 visent à instaurer une disposition qui n’a pas à être inscrite dans la Constitution. Cependant, le Président de la République a annoncé, lors de son intervention devant le Parlement sud-africain, le 28 février dernier, que « les accords de défense entre la France et les pays africains seront intégralement publiés ». De même, M. Jean-Claude Mallet, président de la commission chargée de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, s’est montré favorable au cours des auditions devant les commissions parlementaires à la communication des accords de défense au Parlement.
Il appartiendra aux règlements des assemblées de déterminer les conditions de cette communication. La commission invite donc les auteurs de ces deux amendements à bien vouloir les retirer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Je souhaite répondre à l’ensemble des interventions.
Le dispositif qui est présenté par le Gouvernement constitue une avancée importante puisque, depuis assez longtemps déjà, des interventions sont réalisées sur des théâtres d’opérations extérieures sans que le Parlement ait eu à en connaître à un moment ou à un autre et sans que, dans la durée, il ait pu se prononcer, même lors de débats, sur l’opportunité de ces opérations. C’est donc une innovation qu’il convient de saluer.
Permettez-moi maintenant d’examiner le dispositif qui nous est présenté.
L’article 13 prévoit que, dans les trois jours – le délai part-il de la date d’engagement des troupes ou de la date de la décision prise par le pouvoir politique ? –, le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger.
Cette mesure est parfaitement satisfaisante.
Pourquoi sommes-nous hostiles à un débat préalable à cette intervention ?
Si une telle disposition avait été précédemment en vigueur, nous n’aurions jamais pu monter une opération comme celle de Kolwezi,…
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. … qui exigeait rapidité, discrétion,…
M. Michel Charasse. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. … et que nos troupes ne soient pas attendues au sol par un comité de réception !
Un sénateur de l’UMP. C’est le simple bon sens !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. On sait très bien ce qui se serait produit dans ces conditions.
Il est indispensable, lorsque l’on s’engage dans une véritable guerre, qu’il y ait une autorisation, un vote préalable du Parlement. La plupart des conflits dans lesquels nous intervenons ne sont pas des guerres au sens propre du terme. Les temps ont changé. Par conséquent, nous avons besoin d’une rapidité d’intervention, ce qui ne signifie pas pour autant que le Gouvernement ne doive pas rendre des comptes assez rapidement – au contraire – sur l’opération qu’il a engagée.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Cependant, le fait qu’il soit maître du temps est un préalable à l’efficacité de son action.
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est exact !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Par conséquent, nous sommes hostiles à toute autre formulation.
Le Gouvernement informe le Parlement dans les trois jours. L’opération se déroule. Au-delà de quatre mois, il est absolument normal que l’on fasse un bilan de cette opération et, le cas échéant, que le Parlement se prononce sur l’opportunité de la prolonger ou de l’arrêter.
Pourquoi un délai de quatre mois ?
M. Michel Charasse. C’est un délai maximum, le Parlement peut le raccourcir !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Ce délai de quatre mois correspond à la durée naturelle de relève des troupes, et aller au-delà serait probablement excessif. Par conséquent, c’est une bonne chose.
Doit-on l’assortir d’autres conditions ? Je n’en vois pas la nécessité.
On a évoqué la convocation d’une session extraordinaire.
S’il se produit des événements d’une particulière gravité nécessitant un engagement très important des forces armées, on ne peut pas imaginer que le Gouvernement laisse le Parlement dans l’ignorance de la situation. Il convoquera une session extraordinaire, comme c’est bien normal.
Enfin, en ce qui concerne les accords de coopération qui ont été conclus avec les pays de l’ancienne communauté, il faut aujourd’hui revoir les conditions dans lesquelles ils s’exercent. Une publicité plus grande est absolument indispensable, et certains de ces accords sont manifestement obsolètes. Une information sera donnée sur tous ces points. Toutefois, je considère que le dispositif qui nous est présenté est particulièrement convenable.
Je formulerai maintenant une remarque à l’intention de M. le ministre.
Si les deux assemblées ont un point de vue différent sur la prolongation d’une opération, nous disons que le fondement de l’autorisation, c’est la loi. Or que dit la loi ? Que, conformément à la Constitution, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. C’est normal, l’Assemblée nationale doit avoir le dernier mot quand il s’agit de la loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Robert Bret. C’est le suffrage universel !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. S’il y a une opposition entre l’Assemblée nationale et le Sénat, c’est l’Assemblée nationale qui décidera.
Je ne peux pas être d’accord avec l’idée selon laquelle le Sénat et l’Assemblée nationale ont les mêmes pouvoirs puisque, en l’occurrence, la loi dispose le contraire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est clair !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. En revanche, je trouve singulièrement peu élégant de souligner à chaque fois que l’Assemblée nationale aura la primauté sur le Sénat ! (M. le ministre sourit.)
M. Alain Gournac. Ce n’est pas la peine, c’est dans la loi !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. On peut dire les mêmes choses sans être nécessairement inélégant ou lourdaud ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela s’appelle la classe !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je formulerai tout d’abord quelques remarques d’ordre général sur le dispositif qui, me semble-t-il, devrait permettre d’obtenir un consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur cette question, dans la mesure où il s’agit de propositions qui émanant depuis des années des groupes tant de la majorité que de l’opposition. De nombreuses propositions de loi ont en effet été déposées par le passé – l’une d’elles avait été présentée par Jean Lecanuet – et un rapport parlementaire avait été rédigé par un député socialiste.
Il s’agit d’une avancée démocratique majeure qui nous permet de nous ranger au même rang que les autres démocraties occidentales puisque, tout en ayant des régimes constitutionnels différents, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne ont inventé des dispositifs qui permettent au Parlement à la fois d’être informé et de pouvoir contrôler la mise en œuvre des opérations.
J’observe que le Royaume-Uni est en train d’adopter un dispositif à peu près équivalent au nôtre.
Comme l’a très bien fait remarquer M. de Rohan, il faut un système équilibré entre la nécessité de l’efficacité des opérations militaires que nous devons mener, la nécessité – j’y insiste – de la protection des hommes et des femmes qui mènent ces opérations…
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. Hervé Morin, ministre. … et la nécessité naturelle du contrôle parlementaire sur des opérations engageant le pays.
L’équilibre proposé par le Gouvernement, avec les modifications présentées par l’Assemblée nationale et le Sénat, devrait, me semble-t-il, nous permettre d’obtenir un consensus sur le dispositif de l’article 13.
J’en viens maintenant aux amendements.
Comme l’a dit M. le rapporteur, l’amendement n° 193 rectifié est totalement contraire à l’économie générale et à l’esprit du dispositif. Le Gouvernement y est bien entendu défavorable.
Je répondrai, s’agissant des amendements ayant le même objet, que, s’il fallait un vote du Parlement dès le début de chaque intervention, d’une part, on lierait totalement la capacité d’initiative du Gouvernement et, d’autre part, on commettrait à mon sens une véritable erreur de lecture de ce que représente une démocratie, c’est-à-dire un système de séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Le pouvoir exécutif est chargé d’exécuter, et le pouvoir législatif a pour mission d’élaborer la loi et de contrôler l’exécution de cette dernière par le Gouvernement. Il me semble donc nécessaire d’avoir cette vraie séparation entre les deux pouvoirs.
Par ailleurs, j’imagine le succès que pourrait avoir le débat dans l’hémicycle si l’on faisait voter le Parlement sur une opération comme celle du Libéria où nous avons en tout et pour tout un seul homme, celle de la MONUG en Géorgie où nous avons trois hommes au titre de l’observation, ou celle d’Haïti où nous avons trente gendarmes ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Nous devons avoir un système mesuré. Le Gouvernement émet bien entendu un avis défavorable.
S’agissant des amendements identiques nos 110 et 139, le Gouvernement émet un avis favorable.
Permettez-moi ici de préciser la notion d’intervention des forces armées à l’étranger.
Bien entendu, il s’agit d’abord et avant tout de l’envoi de corps constitués – j’y insiste – à des fins opérationnelles. Cette définition, conformément à l’objectif, exclut donc les échanges de militaires d’états-majors internationaux, qui sont permanents, les exercices que nous menons toute l’année sur l’ensemble de la planète, les opérations confidentielles des services de renseignements – en effet, si nous mettons cela sur la place publique et même en comité secret avec 850 parlementaires, j’imagine la confidentialité et le succès de l’opération ! (Sourires.) –, les troupes prépositionnées en vertu des accords de défense, et je réponds ainsi à l’avance à M. Charasse et aux auteurs d’autres amendements.
Ces accords de défense sont soumis aux mêmes règles que les traités internationaux et, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, ils seront désormais connus du Parlement. Par ailleurs, le contenu de ces accords sera transmis aux commissions ou aux parlementaires afin que l’information du Parlement soit la plus complète possible. Il s’agit là aussi d’une innovation majeure. (M. Didier Boulaud s’exclame.)
Monsieur Boulaud, nous avons signé des accords de défense extrêmement contraignants à l’époque d’un Président de la République qui avait votre faveur : il en est ainsi de l’accord de défense nous liant à Abu Dhabi et aux Émirats arabes unis, qui est probablement l’accord de défense le plus contraignant pour la République française, beaucoup plus que ceux que nous avons avec les pays africains ; or, jusqu’à ces derniers jours, vous n’en réclamiez pas franchement la publicité ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.–Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)