M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Il n’est pas question de cela !
M. Denis Badré. L’Europe y perdrait toute crédibilité, dans le monde comme aux yeux des Européens.
Il est heureux que trois nouveaux pays aient ratifié le texte au moment même où l’Irlande le rejetait. Il faut poursuivre ce processus et mettre les Irlandais en face de leurs responsabilités devant l’histoire et devant le continent, mais en restant à leurs côtés et à l’écoute de leurs questions, qui, au demeurant, sont bien souvent celles de tous les Européens.
La France se voit donc confier aujourd'hui une mission peu ordinaire. Il lui appartient de l’assumer. Dans cette perspective, monsieur le secrétaire d'État, elle devrait trouver les ressources d’imagination et de volonté politique nécessaires dans l’exemple que nous ont laissé Robert Schuman et Jean Monnet. Le problème que ceux-ci avaient à résoudre n’était-il pas bien plus difficile encore ? Pourtant, ils ont su surmonter l’insurmontable et construire, sur un champ de haines et de ruines, une Europe de la paix et des droits de l’homme.
Monsieur le secrétaire d'État, les sénateurs du groupe de l’UC-UDF vous soutiendront pour que la France se mette, tout au long des prochains mois, au service de cette Europe-là, qui constitue la véritable Europe, celle dont nous sommes le plus fiers. Nous sommes à vos côtés pour que la France se place au service de tous les Européens, dont l’attente est immense. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le report du débat sur les priorités de la présidence française avait finalement tout d’un acte prémonitoire !
La situation qui se présente à nous désormais est somme toute plutôt décevante, voire inquiétante. Que comprendre du nouveau message qui vient de nous parvenir de la part de nos amis Irlandais ? Celui-ci rappelle d’abord le manque de démocratie européenne, en exprimant le sentiment qu’à partir de 2009, avec la mise en œuvre de la réforme institutionnelle, l’Irlande n’aurait plus eu les moyens de peser sur les décisions de la même façon qu’auparavant.
Pourtant, ce traité comporte de nombreuses dispositions institutionnelles très positives, qui permettent de rapprocher l’Europe de ses citoyens, comme le renforcement des pouvoirs du Parlement européen en matière de codécision, l’affermissement du rôle des parlements nationaux, la consolidation du vote à la majorité qualifiée, qui pourra être étendu grâce à la « clause passerelle », le droit de pétition des citoyens européens et la désignation du président de la Commission européenne par le Parlement européen, si du moins cette nomination n’est pas « ficelée », pendant la présidence française, au cours de tractations diplomatiques qui contourneraient la concertation démocratique.
Toutefois, ce traité, dont le Président de la République revendique la paternité, n’est-il pas finalement trop institutionnel et pas assez mobilisateur pour les citoyens européens ? Il ne s’agit là que d’une question, parmi toutes celles qui se posent à nous désormais.
Pour l’heure, le contexte incite plutôt à la retenue, sinon à la prudence. Je ne voudrais pas, à la différence du Président de la République et du Gouvernement, dont la cacophonie a précédé et suivi le vote irlandais, céder à la tentation de minimiser la gravité de la situation.
Je m’interroge, en particulier, sur les déclarations du Président de la République, qui a affirmé, sans attendre le Conseil européen, qu’il n’était pas question de suspendre le processus de ratification du traité de Lisbonne, alors que l’Irlande a annoncé qu’elle n’avait pas l’intention de consulter de nouveau ses citoyens.
Le Conseil européen de cette semaine aura la tâche de présenter un éventail de solutions face à des déclarations aussi divergentes. Je ne pense pas qu’une réponse ferme et définitive puisse être formulée à cette occasion : il faut se donner le temps de la réflexion, tant les conséquences de l’option qui sera retenue pourraient changer la nature de l’Union européenne.
Néanmoins, la situation exige aussi de savoir rebondir rapidement. La présidence française n’aura pas d’autre choix que de revoir ses priorités et de proposer des projets qui recueillent, enfin, l’adhésion des citoyens. Ce qui est évident, c’est qu’elle ne pourra plus se contenter de projets flous. Une certaine précipitation et improvisation a entouré le projet d’Union pour la méditerranée. Ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga vous en parlera de manière plus précise.
Les déclarations sur les priorités de la présidence française de l’Union européenne pour la politique européenne de sécurité et de défense constituent l’exemple même de cet effet « poudre aux yeux » qu’affectionne l’exécutif.
La réactualisation de la stratégie de sécurité européenne pour la prochaine décennie se trouve déjà lancée, par une décision prise en décembre 2007.
Le renforcement des capacités civiles et militaires est lui aussi envisagé depuis longtemps, mais il est temps de préciser quelles sont les propositions françaises et quels seraient les « nouveaux projets capacitaires structurants » mis en œuvre.
Nicolas Sarkozy estime que le budget consacré par l’Union européenne à la défense devra être revu à la hausse. On imagine bien, compte tenu de l’état des finances de notre pays et des dernières remontrances européennes à l’encontre de la gestion financière du Gouvernement, avec quel entrain nos partenaires accueilleront une telle proposition !
Il s'agit là, par ailleurs, d’un rendez-vous des occasions manquées d’entrée de jeu, s’agissant notamment de la réalisation d’un Livre blanc européen sur la défense et la sécurité !
Nicolas Sarkozy considère peut-être que l’édification d’une Europe de la défense indépendante n’est pas incompatible avec la consolidation et même l’extension de l’OTAN. C’est là un pari risqué : il nous place à la remorque d’un allié important, crucial même, qui surtout mène dans le monde des politiques que nous ne partageons pas, que nous contestons et que parfois, heureusement, nous avons condamnées.
La franchise du secrétaire national à l’Europe de l’UMP, Alain Lamassoure, est à ce titre tout à fait rafraichissante : « La mise en place de la défense européenne sera politiquement impossible tant que nous n’aurons pas le feu vert de Washington. Une négociation sera menée sur la réforme de l’OTAN, dans laquelle la France est disposée à reprendre toute sa place. Il faudra ensuite un accord sur le partage des rôles avec l’OTAN. Comme cette négociation ne pourra commencer que lorsqu’il y aura une nouvelle administration américaine, et comme il ne sera pas facile d’obtenir le soutien nécessaire d’un Gordon Brown fragilisé, il sera difficile de lancer de grandes initiatives lors de cette présidence. » Dont acte ! Il n’y a rien à espérer du second semestre de 2008.
Dans la situation qui prévaut désormais, le pacte pour l’immigration que vous vous apprêtez à proposer paraît incongru, tant l’objectif affiché ne parvient pas à masquer la volonté française de faire adopter par nos partenaires européens une politique d’immigration répressive. Nous regrettons vivement que cette présidence défende la vision d’une Europe qui se replie sur elle-même en définissant les moyens de se protéger des autres, d’exclure plutôt que d’inclure.
Pour la France, il s’agit en fait de résister à la tentation de transposer à l'échelle européenne des choix nationaux ou, pis encore, de proposer à nos partenaires européens des dispositions écartées à l’échelon national. Tel n’est pas le rôle de l’Europe ! Une politique, qui plus est en matière d’immigration, ne se définit pas par une moyenne établie entre des législations et des traditions différentes, voire divergentes.
La France et l’Allemagne se sont prononcées la semaine dernière pour une interdiction européenne des régularisations massives d’immigrés en situation illégale au sein de l’Union. Or l’efficacité d’une politique d’immigration ne peut se mesurer à l’aune du seul chiffre des expulsions, qu’il s’agirait seulement d’accroître. Elle ne peut être assurée que si elle combine normes communes en matière d’immigration légale, lutte contre la criminalité organisée et véritable politique de codéveloppement.
Nous aurions souhaité que la présidence française privilégie le renforcement d’une politique européenne d’immigration légale, qui se pencherait sur le droit des migrants et sur les moyens d’assurer leur intégration sereine et non condescendante. La perpétuation d’une tradition d’accueil constitue certes une autre manière, différente de celle que vous mettez en œuvre, de rassurer les citoyens qui ont besoin de l’être, mais elle est tout aussi efficace.
Le compromis qui s’est dégagé sur le projet de directive instaurant des règles communes pour l’expulsion des immigrés illégaux vers leur pays d’origine annonce bien le ton du pacte pour l’immigration que vous préparez, puisque cette directive en sera l’un des volets.
Comment peut-on ainsi utiliser l’Europe pour faire régresser notre droit ? Ne nous leurrons pas : si cette directive est « moins-disante » que notre droit, elle vous offrira le moyen de faire adopter par la suite une législation nationale moins protectrice, en invoquant les minima européens. Pensez-vous vraiment que c’est ce qu’attendent les citoyens français aujourd’hui ?
Pourtant, mon optimisme m’incite à dire que l’Europe peut tant faire pour apporter une réelle valeur ajoutée à la vie quotidienne de nos concitoyens ! S’est-elle trop éloignée, précisément, du quotidien de ses citoyens ? L’une des réponses à apporter à la situation actuelle, c’est le développement et le renforcement de l’Europe sociale. Toutefois, ce qui aurait dû constituer votre priorité essentielle se trouve totalement absent de votre programme, qui consiste essentiellement en un patronage de négociations en cours, en conférences ou en manifestations diverses.
Nous regrettons qu’il n’y ait pas, de la part de la France, de véritable initiative législative ; dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, on ne peut affirmer, comme l’a fait votre collègue Xavier Bertrand, que l’année 2008 sera celle du redémarrage de l’Europe sociale.
Vos intentions ne construisent en réalité aucune véritable stratégie d’impulsion.
Entend-on promouvoir l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ? Mais votre collègue Mme Dati vient de s’opposer à l’amendement demandant son inscription à l’article 11 de la Constitution lors de l’examen à l’Assemblée nationale de la réforme des institutions !
Une proposition de directive interdisant les discriminations fondées sur le handicap est-elle en cours d’élaboration ? Il s’agit d’une initiative de la Commission européenne, comme vous le reconnaissez vous-même !
Envisagez-vous de mettre en place un agenda social européen ? C’est un hasard de calendrier : il revenait de toute façon à la présidence de préparer son élaboration, pour qu’il soit mis en œuvre en mars 2010 !
S’agissant, sur ce dernier point, des orientations que vous défendrez, notre conception de l’Europe sociale n’est pas celle qui consiste à mettre l’accent sur la lutte contre le travail illégal et les fraudes sociales à l’échelon européen.
En quoi la généralisation de l’opt-out britannique en matière de durée légale du travail serait-elle un progrès pour les travailleurs, comme l’a clamé très sérieusement M. Xavier Bertrand à la sortie du conseil qui a adopté la semaine dernière la proposition de directive sur le temps de travail ? Comment l’expliquerez-vous aux citoyens ? Dire que cela ne s’appliquera pas en France est une manière de reconnaître que la législation française est, pour l’instant, plus protectrice… mais jusqu’à quand ?
Nous souhaitons que la présidence française soit porteuse, en matière sociale, de projets qui garantissent réellement les droits des citoyens européens.
Il faudrait notamment davantage qu’un simple forum, devant se tenir les 28 et 29 octobre prochains, pour traiter des services sociaux d’intérêt général, ou qu’un simple calendrier pour entamer une phase de réflexion, annoncée par M. Xavier Bertrand lors de son audition à l’Assemblée nationale.
D’une manière plus générale, rien n’est dit sur l’élaboration d’une législation-cadre sur les services d’intérêt général. À nos yeux, il ne peut y avoir d’agenda social ambitieux sans la programmation de l’adoption d’une directive-cadre.
La présidence française fournit au Gouvernement une occasion unique de donner une impulsion politique, seule à même de dépasser le refus de la Commission européenne de légiférer.
Nous demandons que la présidence française élabore sans tarder une feuille de route et un calendrier précis à faire entériner par le Conseil européen de décembre 2008, en vue de l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général.
La France a également une occasion rare de donner une impulsion forte à de grands projets qui seront décisifs pour les années à venir.
Pourtant, on peut s’étonner aujourd’hui de son silence sur la préparation de la révision des perspectives financières dont elle devait être saisie. Nous regrettons que la présidence française n’envisage pas de lancer une grande réflexion en amont de cette révision, parce que c’est lors de ces nouvelles négociations que s’élaboreront les politiques européennes de demain. Pour pouvoir conduire des politiques plus volontaristes, l’Europe doit se doter d’un budget plus important, d’un véritable budget qui permette de mobiliser les capacités au bon moment, au bon endroit, et de répondre aux situations imprévues.
Je reste optimiste, parce que l’Europe ne s’arrête pas pour autant. De nombreux dossiers sont en cours de traitement et de nouveaux défis doivent être relevés.
Nous souhaitons qu’une impulsion forte soit donnée au paquet « énergie-climat ». Cela n’est pas synonyme, encore une fois, de précipitation : cet ensemble de dispositions devra avoir un contenu décisif en vue de lutter contre le réchauffement climatique.
On soutient qu’une volonté politique commune existe de parvenir à un accord, mais aujourd’hui, seule la date butoir de l’accord fait l’objet d’un consensus. Avec tout l’enjeu lié à une politique énergétique commune et des sujets tels que la sécurité de l’approvisionnement énergétique, la menace de délocalisation des industries, le développement des énergies renouvelables, le débat relancé sur le développement de l’énergie nucléaire ou la place des biocarburants, un accord obtenu à tout prix risquerait de se réduire à un catalogue d’intentions ou de renvoyer les vraies décisions à une date ultérieure, comme les Vingt-Sept ont trop souvent tendance à le faire, et pas toujours à bon escient.
Un bon accord privilégiera les mesures concrètes, d’autant plus indispensables dans la situation de crise énergétique que nous connaissons aujourd’hui.
Il reste une interrogation de poids : comment mettre en œuvre un accord d’apparence ambitieuse lorsqu’aucun financement n’a été prévu par le cadre financier d’ici à 2013 ? Le rôle d’impulsion de l’Union européenne ne pourra alors être assuré.
À l’évidence, la crise énergétique impose une solution européenne : nous ne cessons de prôner une diminution du taux de la TVA sur les produits de première nécessité. L’essence pourrait désormais entrer dans cette catégorie, tant nombre de citoyens en dépendent pour exercer tout simplement leur métier.
La modification du taux de la TVA à l’échelon européen est difficile ; nous le savons bien, puisque que cela exige un accord unanime. Peut-être pourrait-on réfléchir à d’autres solutions, telles que la taxation des profits pétroliers, idée que vous a soumise le ministre des finances italien. Toute décision en ce sens ne sera efficace qu’à l’échelle de l’Europe.
Dans tous les cas, la solution pour alléger le coût du pétrole pour les citoyens les plus vulnérables ne peut être qu’une solution européenne concertée, politique.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement la Macédoine. (M. le président de la délégation pour l’Union européenne s’exclame.)
Il faudrait que l’Union européenne se départisse de son attitude ambiguë. La lenteur du processus conduisant à l’ouverture de négociations d’adhésion n’est pas étrangère aux difficultés que la Macédoine rencontre aujourd’hui. Il serait judicieux que la présidence française prenne en charge attentivement cette candidature, débloque la situation en mettant tout son poids dans la balance pour que l’on parvienne à un accord bilatéral entre la Grèce et la Macédoine sur le futile sujet du nom de ce pays et obtienne que le Conseil européen de décembre 2008 engage enfin les négociations d’adhésion de la Macédoine à l’Union européenne.
La Grèce vient de faire connaître une nouvelle fois, hélas ! son opposition à l’ouverture de telles négociations. Cela suffit ! Peut-elle elle-même se prévaloir d’avoir été un nouveau membre exemplaire lors de son admission dans l’Union, voilà quelques années ? Le Conseil européen de cette semaine sera l’occasion d’une première concertation.
Je comprends, dans un sens, pourquoi le Gouvernement annonce le « retour de la France en Europe » par le biais de cette présidence, trois ans après le « non » des Français au traité constitutionnel.
Tout rejet des traités n’est finalement jamais vraiment positif pour ceux qui l’expriment et conduit souvent le pays concerné à être exclu du cercle de confiance des partenaires européens. Il me paraît inquiétant que les Irlandais n’aient vu comme seul chemin, pour peser sur les décisions européennes, que le « no » qu’ils ont prononcé lors de leur référendum. Ironie du sort, c’est la France qui doit désormais aider l’Europe à sortir de la crise qui s’ouvre aujourd’hui avec le « non » irlandais !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l’Union européenne. C’est ainsi !
M. Didier Boulaud. La France pourra marquer son retour en Europe si elle parvient à déployer une réelle capacité de mobilisation et de conciliation, en dosant savamment célérité et patience afin de trouver une solution appropriée pour l’Irlande et pour l’Europe.
Nous espérons que l’ampleur du défi que vous avez aujourd’hui la responsabilité de relever n’empêchera pas la concrétisation de projets qui répondent aux souhaits des citoyens européens dans leur ensemble et à leurs demandes immédiates. C’est eux qu’il faut convaincre du bien-fondé de l’Europe, pas nous. Faites en sorte que l’Europe s’intéresse et se consacre aussi à la vie quotidienne des citoyens.
Je considère que les efforts doivent se conjuguer. Des résultats concrets seront indispensables. Nous sommes prêts à soutenir toute initiative menant à une stratégie positive et constructive pour une relance. Ne laissons pas se déliter l’Europe !
Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons connaître vos pistes de relance et savoir quelles priorités vous assignerez désormais à la présidence française.
J’ose espérer que vous reviendrez devant notre assemblée non pas en décembre, au moment de la conclusion de la présidence française, mais à mi-parcours de son exercice,…
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l’Union européenne. Bien sûr !
M. Didier Boulaud. … afin de rendre compte à la représentation nationale des actions et démarches que vous aurez entreprises, au nom de l’Europe et pour le bien de l’Europe et de ses citoyens. N’oublions pas que ces derniers auront l’occasion d’un nouveau rendez-vous démocratique avec l’Europe, celui des élections européennes de juin 2009. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment entamer ce débat sans évoquer le référendum irlandais ? Les Irlandais ont rejeté clairement le traité de Lisbonne, par un « non » sans appel : en cela, ils ont pris leurs responsabilités !
Je souhaite, au nom du groupe de l’UMP et à la suite de M. le président de la délégation pour l’Union européenne et de M. le président de la commission des affaires étrangères, que ce résultat ne remette pas en cause les priorités de la présidence française de l’Union. Nous devons au contraire nous concentrer sur les objectifs concrets que nous avions fixés et travailler à les atteindre.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes confrontés à un paradoxe, car le « non » irlandais est peut-être, en définitive, une véritable chance pour la future présidence française : c’est un appel à faire davantage, et peut-être mieux, que ce qui était prévu, même si cela demandera bien sûr un peu plus de travail.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l’Union européenne. Il y en a déjà beaucoup !
M. Robert del Picchia. Montrons aux citoyens que l’Union européenne peut répondre à leurs préoccupations quotidiennes, d’abord en les protégeant. C’est le souhait du Président de la République, que nous faisons nôtre.
En ce qui concerne les institutions, le problème reste entier. Le Conseil européen des 19 et 20 juin prochains devrait permettre de dégager les grandes lignes.
Pendant six mois, notre pays va porter une lourde responsabilité dans le processus de relance et d’approfondissement de la construction européenne. Cela doit être envisagé avec une certaine gravité.
La France devra proposer, prendre des initiatives et convaincre ses partenaires de la pertinence de ses priorités et de la justesse de ses choix. Faisons-le sans arrogance et avec le souci de concilier les avis des autres pays membres, notamment de l’Allemagne.
À cet égard, je soulignerai, comme plusieurs intervenants l’ont déjà fait, que depuis quelques mois le couple franco-allemand a retrouvé sa vitalité. Il faut s’en féliciter. Il s’agit d’un axe majeur de notre diplomatie, dont l’affaiblissement ne peut jamais être compensé. Soyons-en convaincus, mes chers collègues : le couple franco-allemand est une réalité incontournable, qu’il ne faut pas ignorer. Il est plus que jamais au cœur de l’Europe, et sans lui, rien n’est possible.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !
M. Robert del Picchia. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé les grandes lignes de la politique européenne que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre lors de la présidence française de l’Union. Nous les approuvons pleinement, au même titre que les deux lignes directrices qui ont été annoncées : promouvoir l’Europe en tant que protection et conduire une présidence « citoyenne ». Ce dernier point est lui aussi très important.
Les Français, nous le savons, semblent se méfier du monde, en avoir peur. C’est dans l’Europe qu’ils placent leurs espoirs de pouvoir maîtriser les évolutions globales qu’ils ont trop souvent l’impression de subir.
Parmi les sujets que nos concitoyens considèrent comme particulièrement prioritaires figure bien sûr l’énergie, le contexte actuel de hausse des prix représentant une préoccupation singulièrement aiguë.
L’approvisionnement en énergie est une priorité absolue pour l’Union européenne et pour la France. Notre pays doit soulever les questions touchant à la sécurité du continent en matière d’approvisionnement énergétique. Il doit aussi promouvoir le rôle du nucléaire dans la lutte contre le changement climatique.
La politique européenne de l’énergie est en effet étroitement liée à la lutte contre le changement climatique. L’objectif est de mettre en place une Europe du développement durable et de l’innovation. Dans l’élan de son Grenelle de l’environnement, la France peut faire de l’Union européenne un exemple mondial en matière de protection de l’environnement.
La maîtrise des flux migratoires constitue une autre priorité à laquelle nous souscrivons volontiers. L’Europe est soumise à des tensions démographiques et économiques importantes Tous les États membres sont concernés, même si les situations sont diverses, 80 % des flux ne concernant que cinq pays, dont la France.
Il est donc nécessaire de coordonner les actions des États membres et d’assurer leur cohérence avec les politiques communautaires. Il s’agit de voir dans quelle mesure nos politiques en matière de traitement des demandes d’asile d’une part, d’accueil et d’intégration d’autre part, ainsi que nos actions concrètes en termes de lutte contre l’immigration illégale et de développement solidaire, peuvent être mieux harmonisées et partagées.
Au-delà de la définition d’une politique d’immigration commune à l’échelon européen, qui est indispensable et dont l’élaboration a d’ailleurs déjà commencé, l’immigration clandestine doit être, selon nous, l’un des thèmes phares de la présidence française.
La mise en place d’une collaboration avec les pays du Sud pour élaborer une solution collective apparaît comme une priorité évidente. La création d’un « pacte européen sur l’immigration », dont l’idée est défendue brillamment par M. Brice Hortefeux dans toutes les capitales européennes, est un projet remarquable qui doit être mis en œuvre. Il n’impose aucun transfert de souveraineté à l’échelon européen, chaque État membre étant libre d’accueillir ou non des étrangers. Protéger les frontières extérieures de l’Union, organiser l’immigration légale et mettre en place une politique commune de l’asile nous semblent des objectifs de bon sens.
J’en viens à l’’Europe de la défense. Nous y travaillons depuis les années quatre-vingt-dix. Les Européens doivent avoir les moyens militaires de leurs ambitions politiques. La politique européenne de sécurité et de défense, qui est inscrite dans le traité de Lisbonne, devrait nous permettre, à terme, de répondre à cette exigence.
Nous considérons que l’édification d’une Europe de la défense n’est pas incompatible avec l’existence de l’OTAN : l’une et l’autre sont au contraire complémentaires, comme le montre le nombre croissant des crises dans lesquelles l’Union européenne et l’OTAN déploient ensemble leurs moyens sur le terrain. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement alors que vingt et un des vingt-six alliés de l’OTAN sont membres de l’Union européenne et que vingt et un des vingt-sept partenaires de l’Union sont membres de l’OTAN ?
Nous pensons que la défense européenne dépend de l’engagement de chaque État et que tous les pays membres de l’Union peuvent y prendre part.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement l’Union pour la Méditerranée.
Les initiatives que vous nous avez annoncées, monsieur le secrétaire d’État, nous paraissent excellentes. L’élargissement prévu à vingt-sept pays du Nord et vingt-sept du Sud est une bonne chose. Les objectifs que vous envisagez me semblent réalisables.
Enfin, la France doit engager une réflexion sur le réexamen des politiques européennes et de leur financement après 2013, s’agissant en particulier de la politique agricole commune. Notre intérêt est de le faire dès maintenant, sans attendre l’échéance de 2013. Il faut en effet éviter que le débat agricole soit submergé par celui sur les perspectives financières pour la période 2013-2020.
Paradoxalement, la hausse des prix agricoles mondiaux constitue selon nous un atout pour préparer l’avenir de la PAC dans de bonnes conditions. Par conséquent, faisons-le sans attendre.
En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, malgré les difficultés, la présidence française de l’Union européenne apparaît comme une chance pour notre pays d’assurer son « retour en Europe », pour reprendre l’expression du Président de la République, et comme une occasion de mobiliser toute son énergie pour recréer une envie collective d’Europe. Après l’échec du référendum irlandais, nous devons montrer que nous pouvons rassembler et rassurer.
Le traité de Lisbonne n’est pas mort, le processus de ratification doit continuer. Cela demandera une forte volonté politique, conjuguée à une tout aussi forte adhésion des sociétés civiles et des opinions publiques.
Il est donc urgent de conférer un élan renouvelé à l’Union européenne. Comme l’a souligné M. Josselin de Rohan, les pays de l’est du continent qui ne sont pas encore membres de l’Union européenne rêvent de l’Europe. Les Irlandais, pour leur part, semblent ne plus rêver de l’Europe,…