M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Richemont. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la ministre, l’augmentation du prix des carburants a entraîné, la semaine dernière, la grève des marins pêcheurs. Mais d’autres acteurs économiques sont gravement touchés, comme les transporteurs routiers. Depuis le 1er janvier dernier, 500 entreprises de transport ont ainsi disparu. Le prix du gazole représente aujourd’hui 30 % de leur chiffre d’affaires, contre 25 % il y a six mois, et elles ne peuvent répercuter l’augmentation du prix du carburant, ce qui engendre les difficultés que l’on sait.
L’affectation du surcroît de recettes de TVA à un fonds spécial est une bonne mesure, qui permettra d’aider les secteurs d’activité les plus touchés. Cependant, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, tous les Français sont concernés par cette hausse du prix des carburants.
La France prendra prochainement la présidence de l’Union européenne. Entend-elle œuvrer à une harmonisation et à un plafonnement des taux de TVA à l’échelon européen, afin d’éviter que le pouvoir d’achat de l’ensemble de nos compatriotes, qu’ils soient pêcheurs, agriculteurs, transporteurs routiers ou ambulanciers, mais aussi simples usagers de la route, ne soit trop largement amputé par cette hausse du prix des carburants ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, le prix du fioul a en effet très fortement augmenté, à concurrence de plus de 80 % au cours des douze derniers mois et de 30 % depuis le 1er janvier.
M. René-Pierre Signé. Mme la ministre a des solutions !
Mme Christine Lagarde, ministre. Plusieurs actions sont envisagées, et Dominique Bussereau, Jean-Louis Borloo, Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même sommes tous activement engagés dans la recherche de bonnes solutions et ouverts à toutes les propositions pertinentes.
Permettez-moi de vous présenter quelques-unes des actions que nous avons menées.
S’agissant tout d’abord de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’OPEP, cet organisme rassemblant les fournisseurs n’a jusqu’à présent guère investi dans la production, la recherche et le raffinage.
J’ai donc saisi les membres du « G 7 finances » pour que les pays consommateurs envisagent ensemble de quels moyens ils peuvent légitimement se doter face aux positions prises par l’OPEP.
J’ai envoyé le même courrier aux membres du G 20 pour que, dans un cadre plus large, qui n’inclut pas seulement les pays dit « riches », tous les pays consommateurs puissent étudier ensemble la situation, non pas pour constituer une quelconque entente, mais pour mettre en place une concertation.
Une deuxième catégorie d’actions, qui intéressent la vie quotidienne de nos concitoyens et auxquelles j’associe bien entendu Christine Boutin, concerne le chauffage.
On le sait, les Français consacrent une grande partie de leurs ressources au chauffage et au transport.
En ce qui concerne le chauffage, la prime à la cuve, qui avait été mise en place l’hiver dernier, non seulement sera reconduite l’hiver prochain pour les ménages les plus défavorisés, mais sera portée à 200 euros. En outre, je rappelle que deux tarifs existent pour l’électricité et pour le gaz, de façon que les ménages les plus démunis aient accès à une énergie un peu moins chère.
En ce qui concerne maintenant les transports, je vous apporterai une réponse très précise à laquelle j’associerai Dominique Bussereau,…
M. Robert Hue. C’est le festival de Cannes !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
Mme Christine Lagarde, ministre. … puisqu’il m’a demandé de déposer un amendement au projet de loi de modernisation de l’économie.
L’augmentation du prix du fioul a considérablement aggravé les charges des entreprises. Or la loi de 2006 leur permet, dans un tel contexte, de répercuter les hausses du fioul sur leurs cocontractants, c’est-à-dire sur les entreprises qui utilisent leurs services.
Aujourd’hui, cette disposition est extrêmement difficile à mettre en œuvre, car la plupart des entreprises refusent ces hausses.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je conclus, monsieur le président.
L’amendement que je vous soumettrai lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie visera donc à rendre passible de sanctions pénales le refus par les cocontractants de répercuter les hausses sur les factures.
Mesdames, messieurs les sénateurs, toute une série de travaux sont en cours et nous examinons l’ensemble des pistes, mais sachez qu’elles seront toujours bien meilleures que la TIPP flottante, qui est régulièrement invoquée, alors qu’elle n’a eu aucun effet, qu’elle n’était pas lisible et qu’elle a été bien trop coûteuse. (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur quelques travées de l’UC-UDF.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
Monsieur le ministre, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, dont l’Élysée tarde à livrer la version définitive, inquiète les Français, tout particulièrement l’ensemble de la communauté militaire, et suscite des interrogations.
Il inquiète, d’abord, parce que les Français sentent bien que, sous couvert d’une nouvelle idéologie de la « sécurité nationale », c’est en réalité un alignement total de notre politique nationale de défense sur celle des États-Unis de George Bush que prépare Nicolas Sarkozy (Murmures sur les travées de l’UMP) , au mépris du consensus national qui existe dans notre pays depuis cinquante ans, quels qu’aient été les Présidents de la République qui l’ont précédé et quelles qu’aient été les majorités.
M. Dominique Braye. Conservateurs !
M. Didier Boulaud. Je n’en veux pour preuves que sa décision de retour dans l’OTAN, l’envoi de renforts inutiles en Afghanistan, l’implantation d’une base militaire à Abou Dhabi, et j’en passe. Que n’a-t-il attendu encore quelques mois la fin de la désastreuse présidence Bush pour savoir ce qu’il en sera demain de la politique de la future administration américaine ?
Ce Livre blanc inquiète, ensuite, parce qu’il n’est en fait que l’habillage – ou le maquillage – d’une nouvelle cure d’austérité pour nos armées, et la future carte militaire sera lourde de conséquences pour tous nos territoires. La désormais célèbre formule « les caisses sont vides » sert de prétexte à la réduction du format des armées, à la remise en cause des programmes d’armement et, en fin de compte, à la mise en œuvre d’une sécurité au rabais pour la France et les Français.
Ce Livre blanc, enfin, suscite des interrogations.
Comment est-il possible que l’ancienne ministre de la défense, Mme Alliot-Marie, ait pu avoir l’audace de déclarer urbi et orbi pendant cinq ans que tout allait bien, madame la marquise, et ce avec la bénédiction aveugle de la majorité de droite d’hier, qui est d’ailleurs la même que celle d’aujourd’hui ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Et qui est toujours la majorité !
M. Didier Boulaud. Pourquoi, par exemple, le deuxième porte-avions, qui, hier, était si indispensable et tellement souhaité que des crédits en ce sens avaient été ouverts en 2006 et en 2007, devient-il si difficile à envisager aujourd’hui ?
Comment se fait-il que des implantations militaires si intouchables et indispensables entre 2002 et 2007 deviennent subitement superflues ?
La réalité, c’est qu’il vous faut aujourd’hui, monsieur le ministre, payer la facture et l’héritage catastrophique de l’ère Chirac–Alliot-Marie–Sarkozy. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. André Dulait. Et Jospin ?
M. Didier Boulaud. Que s’est-il passé réellement ? Pourquoi, aujourd’hui, un tel tsunami budgétaire ? A-t-on bercé les Français, les militaires et la représentation nationale d’illusions, de virtualité ou de comptes truqués ?
Je vous poserai plusieurs questions, monsieur le ministre.
Le Parlement aura-t-il la possibilité de s’exprimer par un vote – je dis bien : par un vote – sur le Livre blanc ? C’est l’avenir de notre défense nationale qui est en jeu, comme celui de nos capacités industrielles et technologiques et celui de milliers d’emplois, de dizaines de milliers d’emplois répartis sur tout le territoire national !
M. Jackie Pierre. Cinq minutes !
M. Dominique Braye. La question !
M. Didier Boulaud. Les bouleversements dans l’implantation de nos armées, qui s’annoncent de grande ampleur, entraîneront un nombre considérable de fermetures, saignant à blanc des pans entiers du territoire, des communes, des départements, des régions, et ce du fait de la RGPP, la fameuse révision générale des politiques publiques. Allez-vous, monsieur le ministre, en décider seul, dans le secret de votre cabinet ministériel, ou associerez-vous les parlementaires et les élus locaux à votre réflexion ?
Plusieurs sénateurs de l’UMP. C’est long, monsieur le président !
M. Didier Boulaud. Quelles contreparties l’État envisage-t-il de proposer aux territoires sacrifiés ? Allez-vous, oui ou non, engager une véritable concertation, dans la transparence, avec les élus de tous les bords politiques sur l’avenir de la carte militaire de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, compte tenu de l’ensemble des sujets que vous avez abordés, il me sera difficile de répondre en deux minutes et demie !
Je rappellerai néanmoins quelques éléments, qu’au demeurant vous connaissez certainement puisque vous avez été membre de la commission du Livre blanc et que vous avez participé à l’ensemble de ses travaux. (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. J’en ai démissionné !
M. Hervé Morin, ministre. Oui, il y a quelques semaines seulement. (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Démasqué !
M. Hervé Morin, ministre. J’évoquerai tout d’abord la nouvelle stratégie de défense du pays en vous rappelant – mais je sais que vous souscrivez à cette analyse – que les vulnérabilités de notre pays, les risques et les menaces qu’il doit affronter ne sont pas ceux qu’ils étaient à l’époque du pacte de Varsovie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était l’année dernière, c’est vrai !
M. Hervé Morin, ministre. Je citerai l’exemple de la vulnérabilité des systèmes informatiques, puisque nous savons que les cyberattaques constituent l’une des menaces futures pour nos sociétés extrêmement complexes : il est bien évident que nous ne pouvons répondre à des attaques de ce genre par le déploiement de blindés et des tirs d’artillerie…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais, l’an dernier, c’était possible ?
M. Hervé Morin, ministre. … et que notre système doit évoluer de façon que nous soyons en mesure d’assurer la sécurité de notre pays face à ce type de risque !
Nous savons par ailleurs qu’aujourd’hui l’essentiel des risques de déstabilisation du monde se répartissent sur un arc de crise qui va de la Mauritanie au golfe d’Aden.
M. René-Pierre Signé. Cela existait déjà !
M. David Assouline. Le porte-avions !
M. Hervé Morin, ministre. …nous avons besoin de moyens d’intervention, nous avons besoin de réactivité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était le cas l’année dernière !
M. Hervé Morin, ministre. En revanche, nous courons moins le risque d’une invasion. Il nous faut donc faire évoluer nos moyens de défense, c’est-à-dire mener à leur terme les programmes de l’A400M et du NH 90, et nous doter de capacités de reconnaissance et d’observation, ce qui passe par le développement de moyens satellitaires.
M. Dominique Braye. Le monde change, mes amis !
M. Hervé Morin, ministre. Bref, nous avons besoin de faire évoluer notre outil de défense : s’il n’évolue pas, s’il ne s’adapte pas, il risque de ne pas pouvoir répondre face à une crise future. Nous l’avons vécu, monsieur le sénateur, et il n’y a pas si longtemps, lors de la guerre du Golfe,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui a eu lieu l’année dernière, comme chacun le sait…
M. Hervé Morin, ministre. …en 1991, et nous avons constaté que notre outil de défense n’était pas adapté à une crise de ce type.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Didier Boulaud. Et le débat sur le Livre blanc ?
M. Hervé Morin, ministre. Vous me demandez également, monsieur le sénateur, si le Livre blanc fera l’objet d’un débat au Parlement : oui, après son adoption en conseil des ministres.
M. Didier Boulaud. Suivi d’un vote ?
M. Charles Gautier. Oui, le débat sera-t-il suivi d’un vote ?
M. Hervé Morin, ministre. Je me permets de rappeler que j’ai été entendu la semaine dernière par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur les grandes lignes du Livre blanc, document qui est désormais soumis à la concertation et à la réflexion du Parlement.
M. Didier Boulaud. Et le vote ?
M. Hervé Morin, ministre. Quant à la carte militaire et à la réorganisation de l’ensemble de nos implantations, je suis en train de rencontrer tous les élus, département par département,…
M. René-Pierre Signé. Nous n’avons pas eu de concertation !
M. Hervé Morin, ministre. … pour examiner avec eux les conséquences des décisions de fermeture et les compensations que nous pourrons trouver. (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur quelques travées de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Marc Laménie. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Madame la secrétaire d’État, d’ici à 2015, le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans passera de 1,3 million à 2 millions. À partir de 2025, l’arrivée au grand âge des générations issues du baby-boom posera la question de manière encore plus aiguë. Or, dès aujourd’hui, nos aînés, lorsqu’ils avancent en âge, sont confrontés à de lourdes difficultés.
Lorsqu’ils ne sont que légèrement dépendants, notamment quand ils sont isolés en milieu rural, leurs familles se heurtent trop à la difficulté de trouver une place en maison de retraite, alors même qu’ils souhaiteraient rester à leur domicile. En maison de retraite, ils sont confrontés à un reste à charge trop élevé qui, là encore, place trop souvent les familles dans des situations difficiles.
Par ailleurs, le Président de la République avait appelé à une meilleure prise en compte des capacités contributives des personnes, liées en particulier à leur patrimoine.
Avec M. Xavier Bertrand, vous avez reçu hier les membres du conseil de la Caisse nationale de la solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Vous avez ensuite été auditionnée par la mission d’information commune de la Haute Assemblée sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, ce nouveau champ de la protection sociale qui couvrira le risque « dépendance » ou le risque « perte d’autonomie ».
Dès lors, je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez nous présenter les grands axes de l’action que le Gouvernement entend proposer pour la mise en œuvre de ce cinquième risque de la protection sociale. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner les difficultés que rencontrent les personnes confrontées à ces situations de perte d’autonomie, qu’il s’agisse d’un de leurs proches parents ou d’elles-mêmes.
Ce problème, qui est aussi un véritable enjeu pour l’avenir, il nous faut le traiter. C’est la raison pour laquelle, et vous l’avez rappelé, le Président de la République s’est engagé à créer le cinquième risque de la protection sociale, destiné à lutter contre la perte d’autonomie.
M. René-Pierre Signé. Payé par les départements !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ou par l’assurance privée !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Xavier Bertrand et moi-même avons présenté hier ce cinquième risque devant le conseil de la CNSA ainsi que devant la mission d’information sénatoriale ; je vois d’ailleurs dans cet hémicycle de nombreux sénateurs qui ont, au sein de cette mission, très activement joué leur rôle de force de proposition.
Pour nous tous, le cinquième risque doit reposer sur le principe fondamental de la liberté de choix entre domicile et établissement d’hébergement. Cette liberté reposera sur le droit universel à un plan personnalisé de compensation fondé sur une évaluation elle-même personnalisée des besoins de la personne handicapée ou âgée en perte d’autonomie, quels que soient son âge et son état de dépendance.
Pour tous ceux qui ne peuvent plus ou qui ne veulent plus rester à domicile, il faut bien sûr permettre la création de nombreuses places dans des établissements médicalisés. Cependant, le problème principal – vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur – réside dans le fait que le reste à charge en établissement est bien trop lourd : aujourd’hui, 80 % des personnes âgées qui doivent aller en établissement ne parviennent pas à couvrir ce reste à charge avec le montant de leur retraite. Ce n’est plus possible !
M. Adrien Gouteyron. Bien sûr !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. En matière de financement, nous souhaitons des solutions solidaires, justes et équilibrées.
Il nous faut réaffirmer que le cinquième risque sera d’abord construit sur un socle élevé de solidarité nationale. Cependant, celle-ci pourra être complétée par d’autres sources de financement pérennes et innovantes, telle la prévoyance individuelle ou collective.
La question du patrimoine fait en effet partie du débat : ne serait-il pas équitable que ceux qui ont un patrimoine important contribuent davantage au financement de leur plan d’aide sous forme d’une participation volontaire et limitée sur ce patrimoine ? Là aussi, la liberté de choix sera respectée.
Contrairement à l’ancien système de recours sur succession, celui qui vous sera proposé est souple.
Sur ces orientations, une concertation va maintenant s’engager avec les partenaires sociaux, avec les conseils généraux, avec les associations, au sein du CNSA, mais aussi avec les parlementaires, qui se sont fortement mobilisés sur cette question.
Notre objectif est de présenter avant la fin de l’année un texte de loi qui aura d’abord fait l’objet d’un vaste travail commun, tant il est vrai, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il n’y a pas une famille en France qui ne se sente pas, de près ou de loin, concernée par ce sujet.
Là aussi, le Gouvernement a bien l’intention de relever le défi avec l’ensemble de la représentation nationale,…
M. René-Pierre Signé. Et les collectivités locales !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. … et de le relever pour les années qui viennent, pour les générations futures et dans l’intérêt général ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
régularisation des travailleurs sans papiers
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Monsieur le ministre, dans le cadre de la politique de coopération que vous menez par des « accords bilatéraux de gestion des flux migratoires », tels les accords signés avec la République démocratique du Congo, le Gabon, ou encore la Tunisie, vous organisez une immigration économique, au détriment de l’immigration familiale.
Vous acceptez des étrangers bardés de diplômes, très qualifiés, et vous fermez la porte aux étrangers exerçant des métiers n’exigeant pas de compétences particulières.
Vous vous défendez de pratiquer le « pillage des cerveaux étrangers », qui va à l’encontre du développement solidaire. Mais comment, alors, appelez-vous cette pratique ?
Votre politique révèle un autre paradoxe : d’un côté, un discours volontariste, qui favorise une nouvelle immigration, élitiste ; de l’autre côté, un refus persistant de reconnaître des droits aux étrangers déjà installés sur notre territoire.
L’objectif de « l’immigration choisie et concertée » est de fournir de la main-d’œuvre à des secteurs qui, en France, souffrent d’une carence en la matière. C’est le cas, on le sait, dans le bâtiment ou la restauration, ce qui explique que l’on y trouve un nombre important de sans-papiers.
Alors, plutôt que d’aller trier des hommes dans ces pays pauvres, au risque de renouer avec des pratiques coloniales du passé, pourquoi ne pas reconnaître des droits à ces étrangers qui travaillent ici, en France, à ces milliers de salariés étrangers qui se lèvent tôt et qui restent invisibles, sans droits ?
Pourtant, ils contribuent au développement de notre pays, paient des impôts, participent à la bonne marche de l’économie… Mais ils sont sans papiers, ce qui fait d’eux des proies faciles pour toutes les exploitations et les rend corvéables à merci…
Le 15 avril, le mouvement des sans-papiers grévistes qui occupent leurs entreprises – nous saluons ici leur courage – a permis aux travailleurs des PME et aux femmes exerçant dans les secteurs du nettoyage et des services à la personne, de sortir également de l’ombre, et de rendre visible un travail qui répond à un réel besoin social.
L’opinion publique reconnaît l’apport de ces femmes et de ces hommes et la nécessité de ce travail.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à procéder à un examen au cas par cas, excluant toute régularisation massive.
Malgré votre dernière circulaire, le sort de ces personnes reste entre les mains des préfectures, c'est-à-dire soumis à un pouvoir discrétionnaire et arbitraire. Plus de 1 000 demandes ont été déposées, mais je suis au regret de vous dire que seulement 70 régularisations sont effectives à ce jour.
Selon le ministère, qui a reçu les grévistes, les associations et les syndicats le 19 mai, les consignes n’auraient pas été comprises par les préfectures, qui interprètent votre circulaire, de manière parfois abusive, par la lenteur, diluant ainsi vos promesses.
Pourtant les règles sont claires, et nous les connaissons : un contrat de travail, trois fiches de paie, l’engagement d’un employeur sans référence à la durée de séjour ou à la situation familiale, ni à la condition d’ancienneté dans l’entreprise.
M. Dominique Braye. La question !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce processus simplifié devrait s’appliquer à toutes les préfectures. Or ce n’est pas le cas !
Monsieur le ministre, vous engagez-vous à mettre un terme aux abus de certaines préfectures, en donnant des instructions claires visant à un examen rapide des demandes de carte de séjour « salarié » ?
Par ailleurs, pouvez-vous demander aux préfets de ne plus « piéger » les travailleurs, qui sont arrêtés après avoir déposé leur dossier et donné l’adresse de leur domicile et de leur lieu de travail ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Car oui, chers collègues, c’est malheureusement une réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. Quatre minutes, monsieur le président !
M. le président. Pour l’instant, c’est encore moi qui préside ! (Sourires.)
La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la sénatrice, vous avez évoqué deux sujets principaux et vous avez souligné, ce qui est d’ailleurs tout à fait fondé – cela me permet à mon tour de le rappeler devant la Haute Assemblée – qu’en moins d’un an, ce qui est très peu, nous avons signé non pas un, mais cinq accords de gestion concertée des flux migratoires : avec le Gabon, la Tunisie, le Bénin, la République démocratique du Congo, le Sénégal, et nous en signerons encore plusieurs au cours des prochains mois.
Cela signifie tout simplement – vous ne l’avez pas dit, mais c’est par pudeur, j’imagine – que la nouvelle politique d’immigration française est parfaitement comprise, partagée, approuvée et encouragée par les pays qui sont des terres d’émigration puisque, en Europe et surtout en France, deux immigrés sur trois viennent du continent africain.
Vous avez évoqué ensuite un sujet très sensible, il est vrai, parce qu’il touche à la personne humaine : celui des travailleurs sans papiers.
Madame la sénatrice, il faut bien comprendre que, dans notre pays, il y a des règles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) La France est un État de droit et, dans un État de droit, les règles sont faites pour être respectées. (Très bien ! sur certaines travées de l’UMP.) Or la règle ici est simple : quand on est en situation irrégulière, on a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf cas particulier, sanitaire, humain, social et économique, vous avez raison.
M. David Assouline. Mais ce sont tous des cas sociaux !
M. Brice Hortefeux, ministre. Mais cela signifie aussi qu’un étranger en situation légale doit, lui, pouvoir impérativement bénéficier d’un effort d’intégration de notre part.
Certains des critères ont été définis dans le cadre de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, de novembre 2007. Vous avez participé aux débats, madame la sénatrice, je m’en souviens très bien, et vous n’ignorez donc pas que ce texte, en son article 40, prévoit très exactement la situation que vous visez, ce qui, au passage, démontre la capacité d’anticipation très forte du Gouvernement, mais vous ne l’avez pas dit, certainement, là aussi, par pudeur ! (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.)
Les critères sont connus, et ils sont plus précis que ceux que vous avez évoqués. Il doit s’agir d’un métier sous tension et d’une zone géographique bien définie, tant il est vrai que ce n’est pas la même chose de travailler dans le Pas-de-Calais ou dans le Cantal. Il faut qu’il y ait un véritable contrat de travail pour mettre fin à certaines distorsions, j’en suis d’accord. Il faut aussi, bien entendu, que l’employeur s’engage à acquitter les taxes qui sont dues lorsqu’on recrute un employé étranger. Certains espéraient profiter d’un effet d’aubaine, j’en suis tout à fait conscient.