M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je remercie Mme la secrétaire d’État, Mme Lagarde et les services du ministère de l’attention qu’ils portent à ce dossier depuis plusieurs mois et qu’ils ne manqueront pas de continuer de lui accorder à l’avenir.
Je le dis très calmement, madame la secrétaire d’État : je ne crois nullement aux engagements pris par Rio Tinto à l’égard du Gouvernement quant au devenir du site de Saint-Jean-de-Maurienne.
Rio Tinto ment lorsqu’il prétend faire de Saint-Jean-de-Maurienne un site moderne : on sait très bien que le projet de doublement de la capacité de production, condition de sa survie, a été abandonné. Tous les industriels et les techniciens savent que cette décision rend impossible la pérennité du site.
C’est pourquoi les élus insistent pour que la cession projetée des activités de transformation et d’emballage, qui est essentielle pour Rio Tinto dans l’optique de l’OPA que ce groupe vient de réaliser, ne soit pas autorisée. Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra donner des garanties de survie aux sites français de production d’aluminium contrôlés par Rio Tinto. Si ce groupe ne peut apporter de telles garanties pour le site de Saint-Jean-de-Maurienne, qu’il permette la vente de ce dernier, afin que l’on puisse trouver des repreneurs.
En tout état de cause, je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des éléments d’information que vous m’avez transmis. Je ne doute pas que le Gouvernement continuera à suivre ce dossier avec la plus grande attention : l’avenir du site de Saint-Jean-de-Maurienne dépend de sa vigilance.
charges d'amortissement pour les collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. André Rouvière, en remplacement de Mme Josette Durrieu, auteur de la question n° 183, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. André Rouvière. Au nom de Mme Josette Durrieu, qui ne pouvait être présente dans l’hémicycle ce matin, je voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur le 27° de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, qui impose aux communes et groupements de communes dont la population est supérieure à 3 500 habitants l’amortissement des immobilisations inscrites à certains comptes budgétaires, ainsi que des immeubles produisant des revenus.
La nomenclature comptable M 4, applicable aux services publics à caractère industriel et commercial, les SPIC, impose elle aussi l’amortissement de tous les biens inscrits à l’actif des collectivités, sans faire référence à un seuil de population.
L’application de ces deux textes se révèle particulièrement contraignante pour de petites structures intercommunales. En effet, cette inscription obligatoire de crédits grève fortement les budgets de ces collectivités, surtout si les biens à amortir viennent à ne pas être renouvelés.
À la lumière de l’expérience, il semble utile de s’interroger sur un possible assouplissement de ces contraintes, du moins pour des collectivités de taille modeste.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous vous êtes exprimé au nom de Mme Josette Durrieu ; je vais vous donner connaissance, pour ma part, de la réponse de M. Éric Woerth.
Les communes et leurs groupements à caractère administratif sont déjà soumis à un champ restreint de l’amortissement obligatoire.
L’instruction budgétaire et comptable M 14, applicable aux communes et à leurs établissements publics à caractère administratif, a d’ores et déjà limité les obligations comptables en matière d’amortissement.
Ainsi, elle dispense les plus petites collectivités, c’est-à-dire les communes et groupements de communes de moins de 3 500 habitants, de procéder à l’amortissement de leurs immobilisations.
En outre, pour les autres communes et pour les groupements qui sont régis par l’instruction M 14, l’obligation d’amortissement est très atténuée : le champ des amortissements obligatoires ne concerne que les biens meubles – équipements sportifs, véhicules, équipements de bureau – et les immeubles productifs de revenus, faisant par exemple l’objet d’une location à des commerçants. En revanche, il n’y a pas lieu de procéder à l’amortissement des immeubles administratifs, tels que les mairies ou les écoles.
En ce qui concerne les services publics industriels et commerciaux, ils ne peuvent se dispenser d’une comptabilisation de l’amortissement des équipements qu’ils utilisent, puisqu’ils interviennent dans un champ d’action ouvert à la concurrence. Ils doivent dès lors tenir une comptabilité conforme aux principes fixés par le plan comptable général et définie par l’instruction comptable M 4.
De même que toute entreprise, les services publics locaux industriels et commerciaux doivent donc procéder à l’amortissement de leurs immobilisations, à l’exception de celles que leur nature exclut du champ de l’amortissement, essentiellement les terrains.
En outre, l’activité de ces services est financée par une redevance perçue auprès des usagers. Or le niveau de la redevance doit être fixé en fonction du coût complet des services rendus. Il inclut donc obligatoirement l’amortissement des équipements affectés à la réalisation des prestations.
En conséquence, monsieur le sénateur, il est nécessaire de procéder à la comptabilisation des amortissements de tous les biens, quelle que soit la taille de la structure intercommunale qui assure le service.
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Je m’exprimerai maintenant en mon nom propre sur cette question, que je connais bien pour avoir été maire et président de groupements intercommunaux.
Je comprends la réponse de Mme Lagarde, mais je voudrais insister sur le fait que de nombreux groupements de communes ou communes de taille modeste sont confrontés à une réelle difficulté.
Au-delà des textes, il y a la réalité. Lorsque les budgets sont étriqués, il est contraignant d’y inscrire des sommes dont on n’est pas sûr qu’elles serviront un jour.
Je souhaite donc que le Gouvernement se penche sur un problème qui est très réel pour les communes et groupements de communes que j’ai évoqués.
conséquences financières pour les radios associatives de la suppression de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public
M. le président. La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 201, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. André Rouvière. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la menace qui pèse sur les radios associatives non commerciales, en raison de la suppression envisagée de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public.
En effet, les radios associatives non commerciales sont principalement financées par le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, le FSER, lequel est alimenté par une taxe prélevée sur les recettes publicitaires des régies de l’audiovisuel, tant du secteur privé que du secteur public.
À titre d’exemple, madame la secrétaire d’État, je citerai la situation d’une radio associative de mon département, le Gard, dont le budget s’élève à 50 000 euros. Le fonds de soutien lui apporte 42 000 euros, soit 84 % du total, le reste provenant de subventions accordées par des collectivités locales. Il est évident que si l’aide du fonds disparaît, la radio disparaît également !
Aujourd’hui, il a été assuré au seul service public qu’il conserverait, légitimement, l’intégralité de ses ressources actuelles. Tout aussi légitimement, les radios associatives, qui remplissent une fonction à caractère public définie dans un cahier des charges très précis donné par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et par le ministère de la culture et de la communication, demandent que la ressource provenant du FSER leur soit garantie, car, sans elle, elles ne pourront pas continuer à fonctionner.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d’État, connaître les mesures qu’envisage le Gouvernement afin d’assurer le maintien des ressources actuelles des radios associatives non commerciales.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, c’est cette fois la réponse de ma collègue Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, que je vous transmettrai.
Elle m’a en effet chargée de vous confirmer l’attachement du Gouvernement aux radios associatives, qui occupent une place importante au sein du paysage radiophonique et de l’environnement culturel, économique et social local.
Cette place, les radios associatives l’ont acquise grâce au travail effectué sur le terrain et grâce au soutien financier qui, prévu dans la loi depuis 1982, n’a jamais été démenti. C’est ainsi, comme vous l’avez rappelé, que depuis vingt-cinq ans le FSER accompagne le développement des radios de proximité.
Ce fonds est financé par une taxe, perçue sur les messages publicitaires radiodiffusés et télévisés, prévue à l’article 302 bis KD du code général des impôts. Aujourd’hui, ce mécanisme se trouve bien évidemment confronté à des défis importants qui concernent son financement aussi bien que son périmètre. En effet, la suppression partielle, progressive ou complète de la publicité sur France Télévisions et Radio France entraînerait une perte de recettes pour le FSER dans des proportions qui dépendront des hypothèses retenues. Une commission présidée par M. Jean-François Copé réfléchit à la réforme des modalités de financement de l’audiovisuel public.
Afin de travailler en concertation avec les acteurs, Christine Albanel a saisi la commission du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale pour recueillir son avis sur les évolutions envisageables. Cela nécessite, bien entendu, de savoir comment la télévision publique elle-même sera réformée !
Je tiens à réaffirmer, au nom de Christine Albanel et du Gouvernement, que nous sommes particulièrement vigilants et mobilisés pour assurer la pérennisation d’un système d’aides qui a fait ses preuves, car les radios associatives sont essentielles au pluralisme de la vie démocratique et à l’offre de médias de proximité.
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse d’attente.
J’ai bien noté que le Gouvernement souhaite trouver une solution pour assurer la survie des radios concernées. Leur attente, je l’espère, ne sera pas déçue, d’autant qu’elle est partagée par l’ensemble de leurs auditeurs, qui eux aussi désirent qu’elles puissent continuer leur travail, si important non seulement en matière d’information, mais aussi pour la culture, notamment dans le monde rural.
mise en œuvre de la procédure de la kafala judiciaire en france et droit de vivre en famille
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 202, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Alima Boumediene-Thiery. On me permettra, avant d’entrer dans le vif du sujet, de relever un « couac » gouvernemental quant à la détermination du destinataire de ma question.
Celle-ci concerne en effet les enfants recueillis en France au titre d’une procédure non reconnue dans le droit français, la kafala, et porte plus précisément sur les conditions d’entrée en France d’enfants étrangers recueillis par des familles françaises. Je m’attendais donc à ce que Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ou M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire réponde à ma question. Or les services de Matignon m’ont fait savoir que, en raison de son sujet, elle devait être transmise à Mme la garde des sceaux – ce qui m’a d’ailleurs étonnée, puisque le thème ne relève pas de son domaine.
Cela étant, aujourd’hui se produit exactement ce que je craignais : l’interlocuteur que j’attendais en premier lieu est absent, l’interlocuteur qui m’a été attribué d’office également ! J’ose espérer, monsieur le secrétaire d’État, que vous serez en mesure de répondre à ma question, au nom du Gouvernement bien entendu. Je déplore néanmoins que ce sujet, si sérieux pour de nombreuses familles françaises, ne fasse pas l’objet de l’attention qu’il mérite de la part du ministre compétent aux sens juridique et politique du terme.
Je souhaite donc aujourd’hui interpeller le Gouvernement sur un sujet qui préoccupe de nombreuses familles françaises ayant choisi de recueillir dans leur foyer un enfant abandonné par la voie de la kafala judiciaire, une procédure qui concerne exclusivement le Maroc et l’Algérie et se substitue, dans le droit interne de ces pays, à la procédure de l’adoption, institution qu’ils ne reconnaissent pas.
La kafala judiciaire est un parcours sécurisé, encadré et structuré qui permet le placement d’un enfant abandonné dans un foyer, sous le contrôle strict d’un juge. Il s’agit en réalité d’une mesure proche, quant à ses effets, de l’adoption simple.
Je n’entrerai pas ici dans le débat sur la reconnaissance de cette institution dans le droit interne français : le deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil la prohibe.
Je souhaite néanmoins attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les obstacles auxquels se heurtent les parents ayant obtenu un jugement de kafala au Maroc ou en Algérie lorsqu’ils veulent faire venir sur le territoire français les enfants recueillis.
Alors même qu’ils bénéficient d’un agrément de leur département de résidence, ces parents éprouvent de très grandes difficultés à obtenir les visas nécessaires. Les représentants français au Maroc et en Algérie ne délivrent ceux-ci qu’au compte-gouttes, allant même jusqu’à effectuer, avant de se prononcer, un contrôle d’opportunité sur le bien-fondé de la mesure de placement prise par le juge compétent.
Les délais d’octroi des visas sont extrêmement longs, de trois à six mois au minimum. Ces délais trop longs ne sont pas sans conséquences pour les parents, qui doivent endurer un véritable parcours du combattant : difficultés professionnelles, séparation très longue d’avec l’enfant recueilli, aller-retour souvent extrêmement coûteux. Il faut ajouter à cela l’absence de droits sociaux, tels que le congé d’adoption ou l’inscription à la sécurité sociale.
Cette situation est liée à un problème très simple : l’absence de consignes et de circulaires des services compétents concernant le traitement spécifique des demandes de visas de parents recourant à la procédure de la kafala.
Ces familles aspirent à une reconnaissance légitime du lien qui se crée par la voie de la kafala judiciaire, et souhaitent que l’arrivée en France de l’enfant recueilli, qui est inévitable et a lieu dans l’intérêt de ce dernier, soit mieux encadrée juridiquement.
C’est pourquoi je fais appel à vous, monsieur le secrétaire d’État : il me semble qu’il est aussi de votre devoir de garantir à ces personnes le droit de vivre en famille en prescrivant un traitement uniforme et diligent des demandes de visas pour les enfants recueillis par kafala.
Il est devenu nécessaire d’élaborer à l’intention des postes consulaires une circulaire qui rappellerait les règles applicables en matière de délivrance des visas pour les enfants recueillis par kafala et définirait de manière précise les documents devant être produits, tels que l’acte de naissance de l’enfant, la décision de justice et l’autorisation de sortie du territoire délivrée par le juge des tutelles.
Permettez-moi de préciser que le Conseil d’État a développé depuis plusieurs années une jurisprudence constante concernant l’octroi de visas aux enfants recueillis par kafala : l’entrée en France d’un enfant recueilli par cette voie relève de la procédure de regroupement familial pour les enfants algériens, et d’un visa classique pour les enfants marocains. Le Conseil d’État a clairement défini le cadre du pouvoir d’appréciation des autorités consulaires en la matière et sanctionne systématiquement les refus d’octroi de visa, sur la base d’une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée.
En se fondant sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que sur l’alinéa 1 de l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui reconnaît que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale », la haute juridiction garantit l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi qu’une meilleure prise en compte des obstacles administratifs et financiers rencontrés par les parents dans l’accomplissement de leur démarche. Dans ces affaires, le juge a systématiquement condamné l’autorité administrative à délivrer sous un mois le visa de l’enfant.
Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d’État : vous engagez-vous ici à permettre un meilleur traitement des demandes de visa pour les enfants recueillis par kafala et entendez-vous rendre la délivrance de ces visas conforme aux engagements internationaux de la France en clarifiant par une circulaire les règles applicables ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord d’excuser Mme la garde des sceaux, retenue par une noble cause, puisqu’elle accompagne M. le Président de la République, actuellement en visite d’État en Tunisie. C’est un honneur pour moi, natif de Marrakech et ayant vécu mes dix-sept premières années au Maroc, que M. Roger Karoutchi m’ait proposé de répondre à votre question à sa place !
Madame la sénatrice, sachez que Mme la garde des sceaux partage pleinement votre souci de mieux prendre en considération la situation des enfants recueillis en France dans le cadre d’une kafala judiciaire marocaine ou algérienne. Cependant, elle appelle votre attention sur le fait que la kafala ne crée pas de lien de filiation. Cette procédure ne peut donc en aucun cas être assimilée à une adoption, les législations du Maroc et de l’Algérie ne reconnaissant pas ce mode de filiation.
Dans ces conditions, vous comprendrez que la loi française ne permette pas l’adoption d’un enfant qui n’est pas adoptable selon sa loi personnelle.
Toutefois, dès lors que l’enfant a été élevé pendant cinq ans en France par des Français, la nationalité française peut lui être accordée. La loi française lui étant alors applicable, l’enfant peut être adopté par ceux qui l’ont recueilli. Ce dispositif apparaît tout à fait équilibré. Mme la garde des sceaux observe d’ailleurs que le rapport sur l’adoption en France remis au Président de la République le 19 mars 2008 par M. Colombani ne prévoit aucune modification législative sur ce point, mais préconise de s’orienter vers des mécanismes de coopération avec les pays d’origine, notamment en vue de faciliter la délivrance de visas au profit des enfants concernés. Ces conclusions rejoignent celles qui ont été formulées par le groupe de travail chargé de réfléchir au statut des enfants recueillis par kafala, mis en place par le ministère de la justice en février 2007, en liaison avec les autres ministères concernés. Elles font actuellement l’objet d’une concertation à l’échelon interministériel.
Les difficultés qu’éprouvent les parents qui recueillent des enfants sous kafala judiciaire semblent pouvoir être résolues à droit constant. Pour ce faire, une circulaire interministérielle viendra prochainement rappeler aux services administratifs, consulaires, sociaux et éducatifs que les enfants sous kafala judicaire doivent se voir reconnaître les mêmes droits que les enfants placés sous une autorité parentale déléguée.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Peut-être M. le Président de la République et Mme la garde des sceaux évoqueront-ils avec leurs interlocuteurs tunisiens la question des flux migratoires. Or les enfants recueillis en Algérie et au Maroc relèvent de ces flux migratoires, et j’espère donc que l’on va trouver des solutions les concernant.
Le problème que j’ai posé ne concerne pas le lien de filiation, puisqu’il n’existe pas, ni l’adoption en elle-même : celle-ci n’étant pas possible, il existe une procédure d’exequatur qui permet de valider la tutelle.
Le problème a trait à l’arrivée légale en France des enfants. Nombre d’enfants entrent de façon illégale parce qu’ils ne peuvent pas obtenir de visa pour rejoindre leurs parents adoptifs. Monsieur le secrétaire d’État, nous nous réjouissons que la circulaire que vous avez évoquée ouvre aux enfants recueillis par kafala les mêmes droits sociaux qu’aux enfants placés sous une autorité parentale déléguée, mais il serait souhaitable qu’on leur permette également d’obtenir plus facilement des visas pour arriver sur le sol français dans une situation légale.
conditions d'embauche des agents contractuels du ministère des affaires étrangères et européennes
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 199, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Richard Yung. Ma question porte sur les conditions d’embauche et d’emploi des agents contractuels recrutés par le ministère des affaires étrangères et européennes.
J’essaie d’être positif, et je prends acte du fait que la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique a eu des effets bénéfiques pour ces personnels contractuels, du moins pour une partie d’entre eux, en particulier s’agissant de ce que l’on désigne sous le terme barbare de « cé-dé-isation », c’est-à-dire l’octroi d’un contrat à durée indéterminée.
Cependant, je constate aussi avec regret que les agents non titulaires du ministère continuent d’être considérés comme une simple variable d’ajustement. La précarité de leurs emplois demeure une réalité. Certains de ces personnels continuent d’être remplacés par d’autres agents contractuels sur des emplois permanents, ce qui est une aberration en termes de gestion du personnel dans la fonction publique.
À titre d’exemple, un attaché de presse en poste aux États-Unis qui a été remplacé par un autre agent non titulaire a déposé un recours auprès du juge administratif.
À l’administration centrale, à Paris, un agent s’est récemment vu contraint, avant d’aller pointer au chômage, de recevoir le contractuel désigné pour le remplacer.
En Égypte, un agent qui était employé sous contrat à durée déterminée a pris connaissance d’un télégramme diplomatique annonçant l’arrivée d’un nouveau contractuel appelé à lui succéder.
Par ailleurs, la rémunération de ces personnels contractuels est souvent inférieure à celle des agents titulaires de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues : c’est donc une sorte de « lumpenprolétariat » que l’on utilise pour réduire la masse salariale. Tel est le cas notamment de nombreux conseillers de coopération et d’action culturelle, les COCAC, qui mènent la politique d’action culturelle de la France dans les ambassades.
Leurs conditions de rémunération manquent également de transparence. On peut s’interroger, par exemple, sur les raisons pour lesquelles un agent recruté en 1984 n’a pas pu bénéficier d’une revalorisation de sa rémunération indiciaire depuis 1998, c’est-à-dire depuis dix ans.
En outre, la fragilité de leur emploi est entretenue par le maintien d’une période d’essai pour les contrats de renouvellement. Dès lors, ils se trouvent dans cette situation étonnante où ils doivent refaire une période d’essai au début de leur second contrat, ce qui signifie que l’on n’a pas vraiment de jugement sur la qualité de leur travail à l’issue de leur premier contrat.
Quant aux critères qui fondent le passage d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée, ils sont particulièrement flous.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend définir un véritable cadre de gestion des agents non titulaires, en en discutant notamment avec les associations représentatives des personnels et les syndicats. En particulier, est-il envisagé d’instaurer une véritable grille des salaires et de rendre plus transparentes les conditions d’embauche ?
D’une façon plus générale, pourriez-vous nous indiquer quelles conclusions le Gouvernement entend tirer de la publication du Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique ? Si l’on fait abstraction de la proposition critiquable et étonnante de renforcer le recours aux contrats de droit privé dans la fonction publique, il me semble que le document présenté contient des propositions dont la mise en œuvre permettrait d’améliorer la situation des agents non titulaires. Il serait par exemple intéressant de les faire bénéficier des mêmes modalités d’évaluation, d’affectation et de rémunération fonctionnelle que les titulaires.
Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, les agents contractuels, qui forment une part importante du personnel du ministère des affaires étrangères et européennes, attendent des réponses précises.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Bernard Kouchner, qui, comme Mme la garde des sceaux, se trouve aujourd'hui en Tunisie avec M. le Président de la République.
Votre question porte sur les conditions d’embauche et la situation des agents contractuels recrutés au sein du ministère des affaires étrangères et européennes.
Il convient de rappeler en premier lieu que c’est la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État qui, aux termes de son article 4, limite le recrutement des agents contractuels sur des emplois permanents de l’État à des cas très restrictifs : lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ; pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou le besoin le justifient.
Les postes permanents de l’État ont, en effet, vocation à être pourvus par des titulaires. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible, à ce jour, de recruter directement sous contrat à durée indéterminée.
C’est d’ailleurs pour limiter le recours abusif à des agents contractuels que la loi dite « Dutreil » du 26 juillet 2005 a imposé à l’administration de conclure un CDI au-delà d’une durée de six années de contrats successifs.
Pour sa part, le ministère des affaires étrangères et européennes a mis en place une procédure dite de « cé-dé-isation » d’agents contractuels dont il souhaite s’attacher les services de manière permanente, au regard non seulement de la qualité des services rendus dans leurs fonctions, mais aussi de l’appréciation plus globale de l’intérêt du service à plus long terme.
Au total, plus de 310 personnes ont obtenu un contrat à durée indéterminée depuis l’entrée en vigueur de la loi Dutreil.
Autre innovation spécifique au ministère des affaires étrangères et européennes, ces personnes ont désormais vocation à être gérées comme des titulaires du département en termes de mobilité professionnelle et géographique.
La rémunération des agents sous contrat à durée déterminée recrutés en administration centrale fait par ailleurs désormais l’objet d’une procédure de cotation préalable du poste de travail. La fourchette financière de rémunération pour chaque poste est fixée en tenant compte des fonctions proposées, du niveau de responsabilité, du profil de l’agent recherché et de l’expérience professionnelle.
Depuis le 1er janvier 2007, aucun agent contractuel recruté sous CDD en administration centrale n’a, de fait, été recruté avec un niveau rémunération inférieur, primes incluses, à un agent titulaire exerçant des fonctions comparables.
Lorsque des compétences techniques spécifiques sont recherchées, la rémunération est même fixée par référence aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail. Cette fourchette de rémunération figurant dans toutes les offres d’emploi publiées avant recrutement, c’est donc en pleine connaissance de cause que les candidats peuvent contacter la direction des ressources humaines du ministère.
Enfin, la décision finale de recrutement qui valide la rémunération est prise sur avis d’une commission de recrutement où sont représentés les services de la direction des ressources humaines, le contrôleur financier et les services employeurs. Cette nouvelle procédure a au total permis de mieux ajuster les qualifications des agents aux fonctions réellement exercées.
Par ailleurs, la mention d’une période d’essai sur le contrat de renouvellement est maintenue lorsque l’agent est amené à changer de fonctions. En revanche, elle ne figure plus – sauf erreur matérielle – sur les contrats de renouvellement pour les mêmes fonctions. En tout état de cause, une telle mention n’a jamais été utilisée pour rompre un contrat qui avait été renouvelé.
Les syndicats et les associations représentatives de ces agents contractuels ont été étroitement associés à la réflexion menée pour remédier aux difficultés constatées dans le passé. Cette réflexion commune a été conduite dans le cadre d’un groupe de travail qui s’est réuni quatre fois depuis mai 2007 et elle a porté sur cinq thèmes préalablement identifiés : les effectifs, le recrutement, les modalités de gestion, la fin de contrat-reconversion et le dialogue social.
Des progrès significatifs ont pu être réalisés, par exemple en matière de représentation paritaire, l’administration du ministère continuant à travailler à l’amélioration des conditions de travail et de rémunération de tous les agents, en association étroite avec les organisations syndicales et les associations représentatives des personnels.