M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 213, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Daniel Reiner. Ma question, qui fait suite à celle de mon collègue M. Jean-Marc Todeschini, est également adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, dont je comprends l’absence ce matin, en raison de l’actualité, À ce propos, je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de la réponse que vous voudrez bien m’apporter en son nom.
Dans le cadre du plan de cohésion sociale mis en place en 2005, le ministère de l’éducation nationale s’est vu attribuer 45 000 contrats aidés – des contrats d’avenir et des contrats d’accompagnement dans l’emploi – afin d’apporter un renfort en personnel aux établissements d’enseignement.
Au mois de juin 2007, on dénombrait 40 579 contrats aidés dans les établissements scolaires, dont 19 709 contrats d’avenir et 4 617 contrats d’accompagnement dans l’emploi, dont les titulaires ont été chargés d’accompagner les enfants handicapés et d’assister les directeurs d’école, et 16 253 contrats affectés à d’autres fonctions multiples, qui vont de la documentation à l’encadrement d’activités culturelles, artistiques et sportives, que l’on vient d’évoquer, en passant par des tâches administratives, au profit des directeurs ou en direction des parents.
Or les mesures prises dans la loi de finances de 2008, appliquées aujourd’hui, réduisent de façon très significative le nombre de contrats aidés dont peuvent bénéficier les établissements scolaires. On nous dit qu’à la fin de l’année 30 000 postes de ce type devraient rester dans les écoles, collèges et lycées.
J’ai fait un recensement ; en Meurthe-et-Moselle, au mois d’octobre 2007, le nombre de bénéficiaires des contrats aidés s’élevait à 804. Doit-on craindre une baisse d’effectif dans la même proportion ?
Je veux maintenant insister sur deux points.
Tout d’abord, le travail accompli par ces personnels, évidemment très utile, est unanimement apprécié par l’ensemble de la communauté éducative, notamment par les parents d’élèves. Pourquoi ne pas pérenniser ces emplois, reconnus nécessaires, et ne pas mettre en place une formation véritablement adaptée, afin de permettre un accueil dans les meilleures conditions des enfants handicapés ?
Par ailleurs – et ce point me paraît également essentiel –, le volet formation lié aux contrats d’avenir et d’accompagnement dans l’emploi, ne permet pas, dans sa forme actuelle, une véritable réinsertion des personnels en fin de contrat.
C’est vraiment très dommage de la part du ministère de l’éducation nationale, dont l’une des fonctions essentielles est de favoriser la réinsertion de ces personnels.
Quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre pour maintenir ces services publics de qualité dans tous les établissements scolaires, notamment dans le département de Meurthe-et-Moselle, et améliorer les contenus de la formation, afin de permettre une véritable réinsertion de ces personnels hors contrats ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, au 1er janvier 2008, le ministère de l’éducation nationale employait près de 50 000 agents sous contrats aidés, sous la forme de contrats d’accompagnement dans l’emploi – CAE – et de contrats d’avenir – CAV –, dans ses établissements scolaires de l’enseignement public, dont 734 en Meurthe-et-Moselle.
Ces contrats répondent à un double objectif : satisfaire des tâches indispensables dans les établissements scolaires et constituer pour des personnes rencontrant des difficultés d’accès au marché du travail la première étape d’un parcours de retour à l’emploi.
La programmation de l’année 2008 en CAE et en contrats d’avenir intègre un double objectif de recrutement pour les établissements scolaires. II s’agit, d’une part, du renouvellement ou du remplacement de tous les bénéficiaires de CAE ou de contrat d’avenir exerçant des fonctions d’accompagnement des élèves handicapés et d’assistance administrative aux directeurs d’école, d’autre part, du renouvellement de la moitié des agents employés à d’autres activités, correspondant à des emplois dits « de vie scolaire », dans les établissements publics locaux d’enseignement.
Parmi les 50 000 emplois de vie scolaire dans ces établissements, près de 12 000 accompagnent les élèves handicapés, plus de 20 000 assistent administrativement les directeurs d’école, les autres étant employés à diverses fonctions, documentation et informatique, notamment.
L’accès à une formation professionnelle adaptée est renforcé, en partenariat avec le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et les agences locales pour l’emploi – actions de formation en fonction du projet professionnel de l’intéressé, accès à la validation des acquis de l’expérience, capitalisation des acquis via une attestation de compétences – et, corrélativement, les intéressés sont accompagnés pour accéder à un emploi durable, dans le secteur marchand ou dans le secteur non marchand.
Par ce dispositif, le ministère de l’éducation nationale participe activement à la réalisation de ces objectifs, au premier chef l’aide à la scolarisation des élèves handicapés, tout en concourant à la réinsertion professionnelle, voire sociale, de personnes très éloignées de l’emploi, en renforçant son action de professionnalisation, en partenariat avec le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, et les ANPE, à l’appui d’un dispositif conventionnel régional type diffusé à l’ensemble des autorités locales.
S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur les sorties des dispositifs en cours, une étude de la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, démontre que plus de la moitié des agents ont trouvé un emploi dans le mois qui a suivi la fin de leur contrat aidé en contrat emploi consolidé, dispositif auxquels ont succédé aujourd’hui les CAE et les CAV.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Les chiffres que vous venez de livrer, monsieur le secrétaire d’État, sont ceux du 1er janvier 2008 : ils sont dont plus actuels que ceux dont je disposais, qui dataient d’octobre 2007.
Je constate que le département de Meurthe-et-Moselle apparaît comme très mal traité : en effet, si, à l’échelon national, le nombre des emplois de vie scolaire est passé de 40 000 à 50 000, dans ce département, il est passé de 804 à 734, soit une perte de 70 postes. Vous comprendrez que je m’en étonne.
Par ailleurs, j’avais remarqué que, sur les 804 postes en question, environ 60, c’est-à-dire moins de 10 %, étaient consacrés à l’accompagnement des enfants handicapés. Or vous m’indiquez que, toujours à l’échelon national 12 000 emplois de vie scolaire sur 50 000, soit 24 %, sont affectés à l’accompagnement des élèves handicapés. Donc, de ce point de vue aussi, le département de Meurthe-et-Moselle est mal traité et subit ainsi, si j’ose dire, un double handicap.
Je vais, bien sûr, m’inquiéter des raisons d’une telle discordance entre chiffres départementaux et chiffres nationaux.
J’ai reçu un collectif représentant ces personnels, qui m’avait paru à la fois très engagé et très inquiet. J’espère que les réponses que vous venez de m’apporter, monsieur le secrétaire d’État, et que je ne manquerai pas de leur transmettre, vont les satisfaire, mais je n’en suis pas tout à fait sûr.
En revanche, ce dont je suis sûr, c’est que le Gouvernement doit absolument respecter son engagement d’accomplir des efforts en matière, d’une part, d’amélioration de l’accueil des enfants handicapés dans les écoles et, d’autre part, d’assistance aux tâches administratives des directeurs d’école, dont le statut a légèrement évolué récemment.
La solution passe par le respect de ces promesses. J’espère qu’elles seront tenues.
plaidoyer en faveur du maintien de la base aérienne 132 de colmar-meyenheim
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, auteur de la question n° 204, adressée à M. le ministre de la défense.
Mme Catherine Troendle. Je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre de la défense sur le devenir de la base aérienne 132 de Colmar-Meyenheim, située « au cœur de l’Europe de la défense ».
En effet, outre sa dimension militaire, cette infrastructure revêt un caractère économique fort : elle totalise plus de 1 400 emplois directs et dispose d’une logistique d’envergure, ce qui lui confère un rôle majeur pour l’Alsace.
Lors du conseil des ministres décentralisé qui s’est tenu à Strasbourg au mois de septembre dernier, le Président de la République avait annoncé que si « la défense nationale n’est pas un outil d’aménagement du territoire », il veillerait toutefois « à ce qu’une même circonscription ne soit pas “impactée” par toutes les réformes ».
À cet égard, je me dois de rappeler que la septième circonscription du Haut-Rhin, dans le ressort de laquelle se situe la base aérienne 132, a été durement touchée par la crise économique, au point qu’il a fallu mettre en place une cellule de revitalisation pilotée par l’État, et a été fragilisée par la fermeture de diverses administrations.
Lors d’une rencontre au ministère de la défense, certains de mes collègues députés ont indiqué à M. Hervé Morin que la base aérienne 132 avait la capacité d’accueillir, si besoin en était, une plate-forme multimodale.
Pour toutes ces raisons, le maintien de la base aérienne 132, outre son aspect économique et social incontesté et incontestable, s’avère hautement symbolique.
Face à cette situation, l’engagement des élus locaux et des parlementaires alsaciens a été unanime et a été soutenu par notre compatriote alsacien M. Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse et secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Nous avons d’ores et déjà attiré l’attention du Président de la République sur ce dossier particulièrement sensible dans un courrier cosigné par l’ensemble des parlementaires alsaciens de la majorité présidentielle et témoignant de notre détermination à obtenir le maintien de cette base.
C’est pourquoi je souhaite que me soient apportés des éléments de réponse sur le sujet, en espérant qu’ils seront positifs.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Je tiens tout d’abord, madame la sénatrice, à excuser M. le ministre de la défense, retenu par d’autres obligations, mais qui a pris connaissance de vos préoccupations sur le devenir de la base aérienne 132 de Colmar-Meyenheim.
Le ministère de la défense est engagé, au même titre que les autres départements ministériels, dans le processus de révision générale des politiques publiques, lancé par le Président de la République depuis plusieurs mois.
C’est pourquoi il entreprend une réforme ambitieuse et indispensable à la sécurité de notre pays, qui doit faire face aux menaces du vingt et unième siècle, ce qui nécessite que nos armées s’adaptent à de nouvelles missions.
Concernant plus particulièrement la situation financière de la défense, le Président de la République l’a encore dit à Cherbourg le 21 mars dernier, lors de la présentation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins Le Terrible : « Nous sommes confrontés à des difficultés sérieuses de financement, et le modèle d’armée 2015 est obsolète et inatteignable. » Il poursuivait en indiquant que les perspectives financières de la défense pour atteindre le modèle d’armée 2015 « représentent un mur ».
Nous devons donc retrouver nous-mêmes, au sein de la défense, des marges de manœuvre, pour assurer l’équipement des forces et améliorer la condition du personnel militaire et civil.
Un autre élément nous pousse à la réforme : nous avons un système d’organisation trop dispersé, cloisonné, qui nous fait perdre en réactivité et en efficacité.
On n’a pas tiré toutes les conséquences de la professionnalisation sur notre organisation. Aujourd’hui, il nous faut parachever la réforme afin d’orienter les flux de financement disponibles vers l’équipement des forces et obtenir un meilleur rendement du soutien.
Dans ce contexte, la réforme des armées est articulée autour de trois grands axes de réorganisation, dont la conjonction crée les conditions d’une meilleure efficience et d’une réduction substantielle des coûts de fonctionnement : une densification des unités, visant à rationaliser leur stationnement, une mutualisation et une « interarmisation », particulièrement dans le domaine de l’administration générale et du soutien.
Pour ce qui est du devenir de la base aérienne 132 de Colmar-Meyenheim, il est vrai que les services du ministère mènent actuellement un travail technique visant à établir un projet de réorganisation.
Cependant, je peux vous assurer, ainsi qu’à chacun des élus qui comptent une implantation militaire dans leur circonscription, qu’à ce jour les décisions ne sont pas prises, même si certaines orientations figurent dans des documents de travail. Ces orientations n’ont fait l’objet d’aucun arbitrage politique. Comme le M. le ministre de la défense l’a indiqué aux chefs de corps le 8 avril, les décisions sur le devenir des implantations de la défense seront communiquées à la fin du mois de juin prochain.
Dans les semaines à venir, une proposition consolidée et étayée devrait être établie par M. le ministre de la défense, puis soumise au Premier ministre et au Président de la République.
Enfin, pour chacune des implantations qui, in fine, connaîtront une réduction ou une fermeture, les mesures d’accompagnement, notamment la date de prise d’effet, seront discutées avec les élus.
Quoi qu’il en soit, la volonté de M. le ministre de la défense est d’associer le Parlement et les élus à la mise en œuvre de cette réforme essentielle pour la modernisation de notre outil de défense.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Néanmoins, permettez-moi de vous exprimer la déception que suscitent en moi vos propos : je me suis efforcée de mettre en évidence le caractère stratégique de la base aérienne 132 de Colmar-Meyenheim, que lui confère son emplacement au cœur de l’Europe. C’est là un argument de poids, qui mériterait d’être pris en considération par M. le ministre de la défense.
Vous avez parlé de rendement et de mutualisation, monsieur le secrétaire d’État. Je comprends fort bien qu’il s’agisse de volets importants de la prochaine réforme ; toutefois, la position stratégique de cette base ne devrait pas, selon moi, être oubliée lors de l’élaboration de cette réforme.
Par ailleurs, j’insiste sur le fait que tous les parlementaires alsaciens se sont mobilisés pour défendre cette base aérienne. Je souhaite que M. le ministre de la défense en tienne compte.
archéologie préventive et développement économique
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, auteur de la question n° 207, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Jacques Legendre. Madame la ministre, j’ai été rapporteur pour le Sénat de la loi du 1er août 2003, relative à l’archéologie préventive, qui a modifié sur plusieurs points essentiels la loi du 17 janvier 2001.
Il s’agissait alors de répondre aux difficultés d’application et aux dysfonctionnements suscités par cette réforme sur le terrain, en raison de la complexité du dispositif de financement et de l’inadaptation des moyens mis en place pour faire face à une activité au caractère aléatoire.
La loi de 2003 a permis, d’une part, de partager le monopole de l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, en matière de diagnostics avec les services agréés des collectivités territoriales, et, d’autre part, l’ouverture des fouilles à la concurrence : ces opérations, prescrites par l’État et conduites sous son contrôle scientifique, peuvent désormais être réalisées par des opérateurs publics ou privés agréés, dans le cadre d’un contrat passé avec l’aménageur, qui devient le maître d’ouvrage pour la réalisation de ces fouilles et qui en assume le coût.
L’objectif de cette plus grande souplesse était précisément d’assurer l’indispensable maîtrise des délais et des coûts des opérations archéologiques.
Cependant, en dépit de ces évolutions législatives, les collectivités territoriales restent bien souvent confrontées à de grandes difficultés concrètes, faute de pouvoir trouver les organismes agréés susceptibles de réaliser les fouilles prescrites dans des délais raisonnables.
Madame la ministre, il n’est nullement question pour l’historien que je suis de remettre en cause le bien-fondé du régime juridique de l’archéologie préventive, qui est tout à fait essentiel pour assurer la protection et la sauvegarde de notre « patrimoine souterrain », ce que l’on appelle les « archives du sol ».
J’insiste toutefois, comme je l’avais fait lors des débats qui ont précédé le vote de la loi de 2003, sur l’indispensable équilibre à trouver entre une telle exigence et les impératifs d’aménagement du territoire et de développement économique.
Dans mon département du Nord, par exemple, cette obligation légitime de réaliser des fouilles se heurte à l’indisponibilité des opérateurs : cela compromet la réalisation, tout aussi légitime, de programmes de construction, d’ouvrages publics ou de bâtiments industriels générateurs de richesses et d’emplois.
Ainsi, dans la communauté d’agglomération que je préside, une prescription de fouilles faite à l’automne 2007 ne semble ainsi pouvoir être exécutée qu’au printemps 2009. Cela n’est pas supportable !
En dépit de l’augmentation de ses effectifs en 2007, l’opérateur public, l’INRAP, ne parvient pas à accompagner la hausse des prescriptions entraînées par la création de nouveaux parcs d’activités. En parallèle, la mise en place de services d’archéologie privés ou gérés par des collectivités territoriales est encore insuffisante pour répondre à la pression de l’aménagement local. Telle est la situation actuelle dans de nombreuses régions, comme l’a souligné une récente étude. Il en résulte donc de fréquents reports des dates de démarrage des travaux, de plusieurs mois, voire d’un an.
Cette absence de maîtrise des délais de réalisation des aménagements est fortement préjudiciable et s’avère par ailleurs coûteuse. L’attractivité de nos zones d’activité risque de s’en trouver affectée, au profit, éventuellement, de zones transfrontalières : si tel aménagement n’est pas implanté dans le département du Nord, il le sera probablement en Belgique.
Dans le Nord, la réalisation prochaine du canal Seine-Escaut, entre Compiègne et Cambrai, qui entraînera nécessairement l’ouverture de nombreux chantiers de fouilles, risque encore d’aggraver la situation.
Il semble donc nécessaire que les prescriptions de fouilles tiennent davantage compte de la capacité réelle à effectuer celles-ci dans un délai raisonnable, lequel pourrait être de six mois au maximum. Il paraît également urgent de relancer l’incitation à la création de services archéologiques par les grandes collectivités territoriales, c'est-à-dire non seulement par les communautés d’agglomération, mais aussi, plus particulièrement, par les départements et les régions, qui, actuellement, n’agissent pas dans ce domaine.
Madame la ministre, quelles mesures compte prendre le Gouvernement afin d’apporter au plus vite des réponses concrètes à ces situations de tensions ? Il serait regrettable, à tout le moins, mais même injuste et insupportable qu’en raison des inadaptations actuelles les intérêts patrimoniaux majeurs que défend l’archéologie préventive n’apparaissent aux yeux de certains que comme un frein au développement économique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Legendre, vous le savez mieux que quiconque, l’archéologie préventive a en effet pour objectif de sauvegarder la mémoire de notre histoire commune, de la constitution de notre société. Ce principe est désormais bien accepté, surtout grâce aux longs et riches débats qui se sont tenus dans cette enceinte en 2001 et en 2003, et auxquels vous-même avez pris une part très active.
Le dispositif législatif adopté en 2001 et amélioré par le Parlement en 2003 a d’ailleurs déjà permis des découvertes archéologiques importantes, qui contribuent à l’avancement de la connaissance de nos origines, ainsi que vous avez pu le constater à la lecture du rapport présenté par le Gouvernement au Parlement en février 2006.
Toutefois, nous en sommes tous très conscients, la conciliation des impératifs, parfois contradictoires, des rythmes de l’aménagement du territoire et de la recherche archéologique n’est pas sans poser de problèmes. Cela nécessite d’agir simultanément sur deux leviers du dispositif : augmenter la capacité d’intervention des équipes sur le terrain, pour limiter les délais d’attente des aménageurs, et réduire les interventions archéologiques. (M. Yann Gaillard s’exclame.)
Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, l’INRAP, l’établissement public chargé de réaliser la majorité des interventions archéologiques de terrain, a vu ses effectifs renforcés ces dernières années.
Le dispositif adopté en 2003 prévoit que d’autres opérateurs peuvent intervenir en archéologie préventive afin d’assurer une réalisation plus rapide des fouilles. Aujourd’hui, quarante-huit collectivités territoriales et dix-huit entreprises privées, ce qui représente donc soixante-six opérateurs, sont ainsi en mesure de prendre en charge des opérations archéologiques préalables aux aménagements ; une amélioration notable a pu être constatée dans ce cas.
Néanmoins, comme vous l’avez indiqué, le rythme de création de ces structures n’est pas satisfaisant, car de nombreuses collectivités hésitent encore à se positionner comme de véritables opérateurs en archéologie préventive.
Il convient aussi d’examiner le niveau des prescriptions archéologiques émises par les préfectures de région sur les dossiers d’aménagement.
Depuis 2002, conformément aux recommandations formulées notamment par votre collègue Yann Gaillard, au nom de la commission des finances de la Haute Assemblée, mes services veillent à la sélectivité desdites prescriptions. Aujourd’hui, seuls 6,67 % des dossiers d’aménagement instruits par les directions régionales des affaires culturelles font l’objet d’une prescription archéologique, contre 13,83 % en 2002, alors que le nombre de dossiers instruits a presque doublé.
Cependant, une plus forte réduction du taux de prescription serait dangereuse, car de nature à exposer les aménageurs à des découvertes fortuites en cours de travaux. Le diagnostic sert en effet à identifier le « risque » archéologique, si je puis m’exprimer ainsi, pesant sur les aménagements. Les préfets de région peuvent alors proposer aux aménageurs certaines solutions, techniquement possibles, visant à modifier leurs aménagements pour éviter de porter atteinte aux vestiges et échapper aux coûts et aux délais inhérents aux fouilles archéologiques, tout en participant à la sauvegarde de ce patrimoine pour les générations futures.
Si la situation globale de l’archéologie préventive reste tendue, les solutions locales existent et doivent être favorisées. J’ai donné instruction à mes services d’étudier au cas par cas les impératifs de calendrier en liaison avec les aménageurs, afin de fixer aux équipes de l’INRAP leurs priorités d’intervention, qui seront définies sous l’égide des préfets de région.
À l’évidence, la maîtrise des retards liés aux fouilles archéologiques peut bénéficier des orientations prises par d’autres départements ministériels. La conservation du patrimoine archéologique n’implique pas d’entreprendre systématiquement des fouilles : il s’agit d’en garantir la préservation physique. À cet égard, les récentes orientations prises par le Gouvernement à la suite du Grenelle de l’environnement, tendant à favoriser la concentration de l’habitat et à limiter la consommation des sols naturels ou agricoles, paraissent très bénéfiques.
Monsieur le sénateur, le chantier de l’archéologie préventive reste ouvert et les problèmes demeurent. Nous le savons, en la matière, il n’y pas de solution miracle. Je suis naturellement tout à fait prête à examiner les pistes que vous avez tracées dans votre intervention pour progresser de manière plus sûre. Mais, compte tenu de la nature même des interventions et de leur durée, il y aura toujours un problème d’adéquation entre le nombre de chantiers et les effectifs mobilisables, à moins de multiplier ceux-ci à l’infini, ce qui ne paraît guère envisageable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Madame la ministre, je voudrais vraiment insister sur la réalité du problème auquel nous sommes confrontés.
Je vous ai donné tout à l’heure un exemple tiré de mon expérience personnelle. Permettez-moi de vous en citer deux autres.
Voici ce que souligne la délégation de Champagne-Ardenne de l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction dans un courrier dont j’ai eu connaissance : l’incapacité de l’INRAP – ce n’est pas un reproche qui lui est fait, c’est un constat – à pouvoir assurer le travail de fouilles va conduire à une pénurie de matériaux de construction, ce qui induira des pertes d’emplois.
Deuxième exemple : la directrice du développement économique d’une communauté de communes du département du Pas-de-Calais m’a informé que cette collectivité ne pouvait plus maîtriser les délais de réalisation des aménagements de ses zones d’activité et prévoir de façon concertée les délais d’implantation pour les entreprises concernées.
Cela rejoint ce que je vous indiquais tout à l’heure : pour une population à qui on laisse entrevoir la possibilité d’obtenir des implantations industrielles sur son territoire et des retombées en termes d’emplois, il est insupportable de s’entendre dire que les fouilles ne pourront avoir lieu avant six mois ou un an et, partant, que les créations d’emplois attendues seront reportées ou, pis, transférées ailleurs. Chacun le comprend, une telle situation n’est pas défendable sur le terrain.
Madame la ministre, nous avons eu des débats passionnés et passionnants en 2001 et en 2003 à propos de l’archéologie, et je ne connais personne au Sénat qui ne soit convaincu de l’importance de préserver les archives du sol et d’étudier ce qu’elles peuvent nous apprendre.
Pour autant, tout cela ne doit pas aboutir à faire naître un antagonisme entre les exigences de l’archéologie et les nécessités du développement économique.
Au demeurant, depuis 2003, nous avons progressé dans un certain nombre de domaines. À l’époque, on prétendait que le recours à des sociétés privées n’était pas sérieusement envisageable, au prétexte qu’elles ne manqueraient pas de bâcler leur travail. Aujourd'hui, force est de constater que certaines sociétés privées font un travail dont la qualité est incontestable. Simplement, bien qu’elles aient embauché de nombreux archéologues, elles ne parviennent malheureusement pas à répondre à la demande.
J’en veux pour preuve, encore une fois, mon expérience personnelle. Je me suis tourné vers une société privée implantée dans le Nord, Archéopole, dont l’expertise est reconnue. D’après ce que m’ont indiqué ses dirigeants, ils ont été contraints d’embaucher plusieurs dizaines d’archéologues, mais cela s’avère insuffisant pour faire face à la demande. Eux non plus ne peuvent pas intervenir avant 2009, car leur programme est d'ores et déjà saturé.
Madame la ministre, il vous faut également relancer les collectivités territoriales, les départements, les régions, voire les grandes intercommunalités, pour les inciter vivement à se doter de services archéologiques de qualité. Dans mon département, la communauté d’agglomération du Douaisis dispose d’un service archéologique, que j’ai visité encore récemment. Lui aussi est déjà saturé jusqu’en 2009, alors même qu’il est passé de dix archéologues à plus de soixante-dix et qu’il atteint l’équilibre, ce qui, d’ailleurs, montre que les services archéologiques des collectivités peuvent fonctionner dans de bonnes conditions.
Il est donc temps, madame la ministre, que vos services prennent ce problème à bras-le-corps et que les collectivités soient également placées devant leurs responsabilités et leurs possibilités d’action. C’est la seule façon de ne pas se trouver rapidement dans une situation intolérable, où se trouveraient opposés le développement économique et la connaissance scientifique des vestiges contenus dans le sol.
Si je me suis permis de vous répondre aussi longuement, madame la ministre, c’est que l’importance du problème auquel nous sommes confrontés exige que nous lui apportions rapidement une solution efficace. Je vous remercie donc par avance de bien vouloir prendre les mesures qui s’imposent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)