M. Hubert Haenel. Très bien !
M. François Sauvadet. Chacun est aujourd'hui appelé à se prononcer, en son âme et conscience, sur cette réforme constitutionnelle préalable à l'adoption du traité.
Ce que les Français attendent de nous, c'est que nous assumions pleinement nos responsabilités, que notre oui soit un oui ou que votre non soit un non. Parce que l'on ne construira l'Europe de demain qu'avec des engagements sincères ! Et de ce point de vue, je regrette l'attitude ambiguë du Parti socialiste (Exclamations sur quelques bancs) : cette attitude d'abstention - je le dis comme je le pense - n'est pas responsable. Elle est tout bonnement incompréhensible au fond, car, ce traité, chacun le sait, sortira l'Europe des blocages institutionnels issus du traité de Nice, que nous, centristes, européens convaincus, n'avions pas voté. Aujourd'hui, dire « non » au traité de Lisbonne, c'est tout simplement conforter le fonctionnement - ou plutôt le dysfonctionnement - institutionnel, et la situation de blocage issus du traité de Nice, lequel a provoqué des dyarchies à tout niveau et conduit à des incohérences institutionnelles qui affaiblissent l'Europe.
Disons le haut et fort : ce nouveau traité simplifié permettra de mener les politiques concrètes qu'attendent nos compatriotes. La règle de la majorité est élargie à de nouveaux domaines clefs de l'action européenne. Les procédures décisionnelles au Conseil européen seront débloquées et les chances d'y obtenir une décision seront multipliées par quatre. Les grands États, faut-il le rappeler, seront également mieux représentés et l'exécutif stabilisé avec une présidence de deux ans.
La majorité qualifiée et la codécision seront étendues au troisième pilier, c'est-à-dire aux questions fondamentales de la justice, de l'immigration et de la police. Comment demander à un État de la taille de Malte de maîtriser, seul, les flux migratoires ? Nos compatriotes attendent, sur ces sujets, que l'Europe nous protège et que l'Europe agisse.
Enfin, monsieur le ministre des affaires étrangères, avec le traité de Lisbonne, l'action internationale de l'Union européenne est enfin réunifiée. Le Haut représentant sera à la fois vice-président de la Commission et représentant des affaires étrangères.
Certes, le chemin est encore long vers cette Europe politique que nous appelons de nos voeux au Nouveau Centre, mais ce traité remet en marche le processus européen. Ce traité va permettre aux citoyens, aux parlements nationaux dont le contrôle de subsidiarité est renforcé, aux parlementaires européens et aux gouvernements d'avancer ensemble. Pour nous, au Nouveau Centre, engagés dans la construction de ce grand rêve européen, ce traité n'est bien sûr qu'un pas, mais un pas qui, je l'espère, nous emmènera sur « la route de la liberté », vers une Europe agissante ! Il va de soi que le groupe Nouveau Centre votera « oui » à la réforme constitutionnelle, préalable à la ratification du traité. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine de l'Assemblée nationale.
M. Alain Bocquet. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, en février 2005 déjà, le Gouvernement proposait une révision de la Constitution, semblable à celle qui nous est soumise aujourd'hui. À l'époque, seuls les députés et sénateurs communistes en tant que groupe avaient dit non. Sûrs d'eux, 93 % de parlementaires, ici même, avaient dit oui avant que, le 29 mai 2005, 55 % des Français rejettent le traité constitutionnel.
M. Maxime Gremetz. Ils sont intelligents !
M. Alain Bocquet. Échaudés par cette expérience, vous avez élaboré un scénario pour faire adopter le même texte sur le fond dont M. Valéry Giscard d'Estaing, père du projet de traité constitutionnel, reconnaît lui-même que « les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boîte à outils. »
Aujourd'hui, il faudrait donc entériner votre refus d'un référendum en encourageant des manoeuvres politiciennes aboutissant au même résultat. Nous disons non à ce coup de force qui prive notre peuple de sa souveraineté.
M. Maxime Gremetz. Ils ont peur du peuple !
M. Alain Bocquet. La vraie question, c'est la démocratie. Les Français qui ont rejeté le traité de 2005 veulent se prononcer à nouveau. M. Nicolas Sarkozy le disait lui-même, le 9 mai 2004, devant l'UMP : « La souveraineté, c'est le peuple. À chaque grande étape de l'intégration européenne, il faut donc consulter le peuple, sinon nous nous couperons du peuple. »
M. Maxime Gremetz. Eh oui !
M. Alain Bocquet. Là encore, ses actes ne suivent pas ses paroles. Autant en emporte le vent du libéralisme !
La démocratie, voilà en fait ce que redoutent la Commission européenne et le Président de la République soumis aux attentes des milieux d'affaires et des forces qui le soutiennent.
Et pour cause ! L'Europe que vous voulez faire passer en force, ce n'est pas l'Europe des peuples, mais la leur ! Celle de la concurrence libre et non faussée ; de la libre circulation des capitaux ; de la liquidation des services publics ; d'une Banque centrale européenne indépendante pour mieux peser sur les salaires.
M. Jean-Jacques Candelier. En effet !
M. Alain Bocquet. Vous liez la France aux quatre volontés d'une Europe supercapitaliste, où souffrent 65 millions de pauvres, 20 millions de chômeurs et des dizaines de millions de mal-logés, dont trois millions dans notre pays.
Comment cette Europe dont vous refusez de soumettre le bilan et les projets au jugement des Français, cette Europe de l'argent-roi, et même de l'argent fou, comme le révèle le scandale de la Société générale, pourrait-elle répondre à leurs attentes ?
La France s'est prononcée au premier tour de l'élection présidentielle pour un référendum, puisque tous les candidats, sauf Nicolas Sarkozy, en étaient partisans. Les peuples européens réclament majoritairement - 59 % des Français -, une consultation référendaire. Refuser de consulter les peuples, c'est bâillonner la démocratie. Et si le dernier mot, qui est dû au peuple, lui est confisqué par cette manoeuvre politico-constitutionnelle, alors il faut voter contre, s'opposer à la forfaiture et faire respecter la démocratie.
M. Pierre Lequiller. Démagogie !
M. Alain Bocquet. Deux parlementaires déterminés sur cinq suffiraient aujourd'hui à imposer la consultation du peuple. Voter la réforme constitutionnelle ou la laisser passer, en s'abstenant, reviendra au même.
Je le dis fraternellement à nos collègues socialistes : pourquoi remettre au lendemain ce qui est possible aujourd'hui ? Demain, il sera trop tard,...
M. Jean-Jacques Candelier. Eh oui !
M. Alain Bocquet....même pour une motion référendaire qui connaîtra, à l'Assemblée, le même échec qu'au Sénat face à la majorité parlementaire UMP. Pourquoi servir de béquille à la frénésie d'une Europe ultralibérale cautionnée par Nicolas Sarkozy, lui que vous combattez par ailleurs avec les mots les plus durs ?
Vous dites être favorables à un référendum. C'est le moment de le montrer. Hic Rhodus, hic salta ! Voici Rhodes, c'est ici qu'il faut sauter. (Exclamations et sourires sur plusieurs bancs.) En substance, c'est le moment de montrer ce dont vous êtes capables « ici et maintenant ». (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Alors que ce traité menace d'être irréversible, il faut, pour préserver la perspective et l'espoir de construire l'Europe des peuples, faire droit à l'exigence des Français d'être consultés. Nous voterons pour mettre en échec la réforme constitutionnelle que vous préconisez. Nous voterons pour le respect de la démocratie. En conséquence, nous voterons contre ce texte ! (Applaudissements sur quelques bancs.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Moscovici, pour le groupe socialiste, radical citoyen et divers gauche de l'Assemblée nationale.
M. Pierre Moscovici. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis ici aujourd'hui, pour finaliser le processus d'adoption du projet de loi constitutionnelle entamé il y a deux semaines dans nos assemblées. Bien qu'elle concentre l'attention, cette étape est surtout technique (Exclamations sur quelques bancs) : elle nous est imposée par notre constitution et fait suite à la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre dernier. C'est pourquoi, je tiens à mettre en exergue trois dimensions.
Tout d'abord, il convient de replacer l'adoption de ce projet de loi dans son contexte : elle est un objectif intermédiaire, une étape, un temps dans notre parcours, elle n'en est pas la ligne d'horizon.
L'objectif final est la ratification du traité de Lisbonne, et la raison de notre présence ici,...
M. Hervé de Charette. Très bien !
M. Pierre Moscovici....et c'est cette ligne d'horizon qui conditionne notre position.
Ce qui implique forcément, pour expliquer les choix du groupe SRC aujourd'hui, de dire ce que nous pensons du traité de Lisbonne.
À nos yeux, ce traité constitue un progrès utile, quoique limité. Un progrès, parce qu'il contient les dispositions institutionnelles nécessaires pour faire repartir et fonctionner l'Europe élargie. Il dote - enfin - l'Union d'institutions rénovées, et apporte même quelques avancées démocratiques : un président du Conseil européen stable, un rôle des parlements nationaux affirmé, un président de la Commission reflétant la couleur politique majoritaire issue des élections européennes, un Haut représentant pour les affaires étrangères, une référence à la Charte des droits fondamentaux. Ce traité a donc un mérite incontestable : il sort l'Europe à vingt-sept de l'ornière ; il lui permet de mieux décider ; il constitue la boîte à outils, le règlement intérieur, qui permettra la relance, dans un second temps, de l'Europe. Mais, ce progrès est limité, parce que le traité de Lisbonne n'est rien de plus que cela. Il ne marque pas de progrès significatif de l'Europe économique et sociale ; il ne modifie pas le système de vote pour les questions fiscales et sociales ; il n'équilibre pas le pouvoir de la Banque centrale européenne ; il n'ouvre pas vraiment de nouveaux champs de compétences. Bref, il n'est pas le traité que nous aurions voulu, mais il ouvre une porte ; il dessine des possibilités et il ébauche des potentialités. Alors, par pragmatisme, et surtout parce que nous voulons que l'Europe avance, qu'elle retrouve son dynamisme, la majorité des membres de mon groupe le soutiendra.
De ce constat de départ, découle notre position que je veux expliciter. La majorité du groupe socialiste, radical et citoyen de l'Assemblée nationale s'abstiendra lors du vote du projet de loi constitutionnelle, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord - et nous assumons notre position, monsieur Bocquet -, nous ne voulons pas faire obstacle à un traité que nous soutenons, tout en ayant conscience de ses insuffisances. Mais nous voulons aussi marquer fermement notre désaccord avec la procédure de ratification choisie par le Président de la République. Certes, le recours au référendum n'est pas une obligation : il ne s'agit plus tout à fait du même traité et notre Constitution fait de la représentation parlementaire une voie d'expression tout aussi légitime. Néanmoins, nous avons entendu un argument fort : les Français, qui ont été consultés par référendum en 2005, n'acceptent pas d'être dessaisis de l'exercice direct de la souveraineté populaire. C'est pourquoi la majorité des socialistes souhaite affirmer, par cette abstention, son regret que le Président de la République se soit dérobé à la voie référendaire, lui préférant la voie parlementaire. C'est pourquoi nous déposerons une motion référendaire lorsque le traité de Lisbonne sera soumis pour ratification aux députés. (Applaudissements sur quelques bancs. - Exclamations sur d'autres bancs.)
Notre démarche, mes chers collègues, est donc à la fois constructive et cohérente : nous ne faisons pas obstacle à la ratification, mais nous tenons à exprimer notre désaccord sur la voie choisie.
Mais venons-en aux prochains rendez-vous qui nous attendent. Le traité ouvre des potentialités, il ne les réalise pas. Il ouvre une porte, il ne trace pas le chemin. Il n'est pas en soi l'enfer libéral, il n'est pas non plus le paradis protecteur. Il ne condamne pas l'Europe, pas plus qu'il ne la sauve. Ce rôle revient aux autorités politiques des États membres qui devront se saisir des avancées du traité, je pense en particulier au protocole sur les services publics.
Ce sera la tâche de la présidence française de l'Union européenne, au deuxième semestre 2008, dont nous attendons, monsieur le Premier ministre, qu'elle mette l'accent sur les vrais besoins des Européens. Pour nous, il s'agit avant tout de faire avancer le modèle social européen. C'est sur ce résultat que nous la jugerons.
Cette semaine marquera la fin d'une longue querelle, d'une longue dispute institutionnelle qui a commencé il y a plus de dix ans. Je souhaite que demain s'ouvre un débat autrement essentiel : le débat sur l'Europe que nous voulons pour le XXIe siècle. Au-delà de notre abstention d'aujourd'hui, au-delà même de la ratification du traité de Lisbonne, je veux dire que tous les membres de mon groupe, sans exception, y prendront part en socialistes et en européens, en européens et en socialistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire de l'Assemblée nationale.
M. Jean-François Copé. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, en écoutant à l'instant M. Moscovici, je mesure combien l'équilibrisme reste un sport difficile (Exclamations sur quelques bancs) et comme cela donne le sourire de parler au nom de l'UMP. (Applaudissements sur quelques bancs.)
Nous avons deux raisons d'être particulièrement heureux aujourd'hui, alors que nous allons nous prononcer sur la modification constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne.
La première raison, c'est que nous allons franchir une étape décisive dans la relance institutionnelle de l'Europe. Qui aurait pu penser il y a encore quelques mois que nous serions réunis ici pour contribuer à remettre l'Union européenne sur les rails, alors que tout semblait bloqué ? Qui aurait pu imaginer la France à la tête de cette nouvelle dynamique européenne alors qu'elle était en retrait depuis le référendum de 2005 ? Si nous sommes sortis du blocage, c'est parce que Nicolas Sarkozy a signé le retour de la volonté politique en Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
La deuxième raison, c'est que près de trois ans après le douloureux référendum sur la Constitution européenne, nous avons peut-être l'occasion historique de prendre acte de la réconciliation entre la France du « oui » et la France du « non ».
M. Maxime Gremetz. Certainement pas !
M. Jean-François Copé. À ceux qui veulent voter « non » ou s'abstenir, comme à ceux qui réclament un référendum - ce sont d'ailleurs souvent les mêmes -,...
M. Maxime Gremetz. Ce ne sont pas les Français d'en haut, pas les Versaillais !
M. Jean-François Copé....je veux poser une question : en conscience, êtes-vous vraiment certains que la totalité des Français qui ont voté « non » en 2005 l'ont fait par attachement au désastreux traité de Nice de 2000 ? Pensez-vous vraiment qu'en votant « non », ils souhaitaient tous délibérément la paralysie éternelle de l'Europe ? Car si jamais ce n'était pas le cas - ce dont je suis persuadé -, cela voudrait dire qu'il est grand temps de crever l'abcès, en prenant enfin acte du fait que le non de 2005 avait plusieurs significations.
Pour partie, ce « non » était motivé par des raisons qui n'avaient rien à voir avec la question posée : celles, strictement politiciennes qu'avançait une partie de la gauche, voulant faire du référendum de 2005 une sanction du gouvernement de l'époque ; celles nées de l'illusion et du mensonge de ceux qui ont osé promettre un plan B tout en sachant parfaitement qu'il n'existait pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Mais je voudrais aussi m'adresser à ceux dont le « non » était fondé sur des peurs et des incompréhensions par rapport à la vocation de l'Europe. À ceux-là, je veux dire que nous avons reçu leur message cinq sur cinq, sans sacrifier notre idéal politique, ni l'exigence d'efficacité de l'Union européenne.
Les Français ne voulaient pas avoir à choisir entre la France et l'Europe, ils voulaient la France et l'Europe ? Message reçu ! Avec ce traité, toute ambiguïté est levée : il n'est pas une constitution mais un mode d'emploi européen.
Les Français ne voulaient pas d'une Europe ouverte à tous les vents, sans autre projet que la libre concurrence ? Message reçu ! La référence à la concurrence libre et non faussée a disparu du traité et les services publics ont été mieux pris en compte.
M. Roland Muzeau. Non !
M. Jean-François Copé. Les Français ne voulaient plus d'une Europe au « regard vide », où le renoncement politique aurait laissé toute la place au laisser-faire ou à la technocratie ?
M. Maxime Gremetz. La Société générale !
M. Jean-François Copé. Message reçu ! Nous appuyons le retour en force du politique, avec une présidence du Conseil européen plus stable et des pouvoirs accrus pour les parlements nationaux, qui sont les grands gagnants de ce nouveau traité.
Rien que pour cela, ce traité est essentiel ! Voilà pourquoi l'heure est venue de la réconciliation entre la France du oui et la France du non.
Et pour en porter témoignage, je voudrais, une fois n'est pas coutume, rendre hommage à Pierre Moscovici, non pour les propos inutilement techniques qu'il vient de tenir à cette tribune, mais pour ce qu'il écrivait le 13 février 2007 sur son blog. Il s'opposait fermement à l'idée d'un référendum au sujet de l'Europe qu'il considérait comme une « entreprise masochiste ». Ces propos sont courageux. D'ailleurs, je pense qu'ils ne s'adressaient pas aux parlementaires UMP, mais plutôt aux trois principaux candidats qui s'opposaient à Nicolas Sarkozy à la dernière élection présidentielle, et qui promettaient un référendum sans craindre la démagogie : Jean-Marie Le Pen, François Bayrou et Ségolène Royal.
Pour nous, les choses sont claires : nous voterons oui à la modification constitutionnelle, oui au traité de Lisbonne parce que c'est notre responsabilité de parlementaires dans une démocratie représentative et parce qu'avec Nicolas Sarkozy, c'est sans la moindre ambiguïté que nous nous étions engagés sur cette voie devant les Français, lors des dernières élections présidentielle et législatives. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. Maxime Gremetz. Vous avez peur du peuple ?
M. Jean-François Copé. Il nous faudra passer à l'essentiel, le contenu des politiques européennes : sécurité et défense, immigration, environnement et énergie, indépendance alimentaire, autant de sujets majeurs sur lesquels les Français nous attendent.
Dans cette perspective, la présidence française de l'Union européenne sera un moment décisif, un moment historique qui doit nous permettre de réconcilier les Français et les Européens avec les mots magiques de paix, de prospérité et de fraternité.
Vive la France, vive la République et vive l'Europe ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen du Sénat.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel ayant considéré que certaines dispositions du traité de Lisbonne touchaient aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale et que les nouvelles prérogatives dévolues aux parlements nationaux ne pouvaient être mises en oeuvre dans le cadre actuel de la Constitution, nous voici réunis en Congrès afin de lever les obstacles à sa ratification.
Certes, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer un référendum. En vain, puisque le chef de l'État en a décidé autrement. N'oublions pas cependant pas que dans l'esprit de notre constitution, l'expression de la souveraineté nationale a la même valeur et in fine la même force démocratique, qu'elle soit issue directement du peuple ou de ses représentants. Mais le débat n'est plus là, concentrons-nous sur l'essentiel. Ce qui compte, c'est de sortir l'Europe de la catalepsie institutionnelle dans laquelle elle se trouve depuis deux ans. Nous devons refermer les plaies ouvertes par le « non » de 2005 : un « non » qui exprimait des craintes plus qu'un rejet ; un « non » alimenté par le désarroi social de citoyens fragilisés par des facteurs hexagonaux. Souvenons-nous : tandis que les Français nous demandaient une protection, nous ne savions leur parler qu'institutions !
Le traité de Lisbonne sera-t-il en mesure de répondre à leurs attentes ainsi qu'à celles des ressortissants des pays membres ? La pratique le dira, mais beaucoup de ses dispositions semblent aller dans la bonne direction.
M. Roland Muzeau. Non !
M. Jean-Michel Baylet. Les éléments les plus contestés, qui figuraient dans l'ex-partie III, ont été supprimés. La concurrence n'est plus un objectif en soi. Les services publics sont soutenus par un protocole. Le devoir de protection face à la mondialisation est évoqué pour la première fois. Le dialogue social est reconnu. La charte des droits fondamentaux devient opposable.
Quant aux institutions, elles sont plus démocratiques et mieux adaptées à l'Europe élargie. La règle de l'unanimité recule. L'élection du président de la Commission par le Parlement européen, le droit d'initiative citoyen, l'accroissement du rôle des parlements nationaux ou encore la révision du poids des États constituent de réelles avancées.
Toutefois, négocié dans le cadre de l'Europe à vingt-sept, le traité est par principe un compromis. Il peut donc décevoir certains. Mais comment pourrait-il en être autrement lorsqu'il s'agit de satisfaire des intérêts multiples, de Dublin à Athènes, en passant par Helsinki ?
Nous, radicaux de gauche, souhaitons une Europe beaucoup plus intégrée sur le plan économique. Nous militons pour une Europe du volontarisme face aux partisans d'une Europe du libéralisme. Nous demandons l'accélération de la conscience européenne.
Nous voulons enfin que le principe de laïcité soit mieux affirmé au sein de l'Union, surtout lorsque l'on entend le Président de la République, pourtant garant de cette valeur, exalter les « racines chrétiennes de l'Europe ». L'histoire religieuse de l'Europe est un fait, certainement pas un étendard à brandir à des fins de politique intérieure.
Mes chers collègues, même s'il nous faudra travailler encore pour forger une vision commune de l'Europe, c'est sans états d'âme que les radicaux de gauche et l'ensemble des membres du RDSE approuveront le traité de Lisbonne.
La défense de l'idée européenne est impérieuse pour nous. Depuis ses origines, la Communauté européenne est un magnifique outil au service de la paix, un formidable ensemble démocratique, qui a su dépasser de vieilles passions nationales pour forger un destin commun à près de 500 millions d'Européens. Cet espace pacifié, qui semble être aujourd'hui une évidence, s'affaiblit lorsque l'Union européenne est en panne tandis qu'il est plus sûr et plus fort dans une Europe en marche.
Lors d'une visite à La Haye en 1984, François Mitterrand déclarait : « Nous attendons désormais de l'Europe qu'elle nous aide à donner un sens à ce monde ». De grands défis nous y obligent : l'émergence de nouvelles puissances mondiales, la sauvegarde de notre planète, la montée des intégrismes. Tout cela nous pousse à dire oui, aujourd'hui et demain.
Fidèles à leurs idéaux, Européens de la première heure, les radicaux de gauche et les membres du RDSE seront de tous les combats pour que l'Europe soit synonyme d'espoir dans l'esprit de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs.)
M. le président. Nous avons terminé les explications de vote.
Vote par scrutin public
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution. Le scrutin aura lieu dans les huit bureaux de vote installés dans les salles situées à proximité de l'hémicycle.
Le scrutin va être ouvert durant trente minutes.
Le scrutin est ouvert.
La séance sera reprise, pour la proclamation des résultats, vers dix-sept heures quarante-cinq.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures cinquante-huit.)
M. le président. La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin sur le projet de loi constitutionnelle :
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin :
Nombre de votants | 893 |
Nombre de suffrages exprimés | 741 |
Majorité requise pour l'adoption du projet de loi constitutionnelle, soit les trois cinquièmes des suffrages exprimés | 445 |
Pour l'adoption | 560 |
Contre | 181 |
Le Congrès a adopté le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, approuvé à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Le texte sera transmis à M. le Président de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
JEAN-PIERRE CARTON
DÉCRET DU 30 JANVIER 2008 TENDANT À SOUMETTRE UN PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE AU PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS
Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre,
Vu l'article 89 de la Constitution,
Décrète :
Art. 1er. - Le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 16 janvier 2008 et par le Sénat le 30 janvier 2008, dont le texte est annexé au présent décret, est soumis au Parlement convoqué en Congrès le 4 février 2008.
Art 2. - L'ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu'il suit :
- vote sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution.
Art 3. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 30 janvier 2008.
Nicolas Sarkozy
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
François Fillon
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE MODIFIANT LE TITRE XV DE LA CONSTITUTION
Article 1er
Le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :
« Elle peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007. »
Article 2
À compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :
1° Il est intitulé : « De l'Union européenne » ;
2° Les articles 88-1 et 88-2 sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. 88-1. - La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.
« Art. 88-2. - La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne. » ;
3° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative » sont remplacés par les mots : « les projets d'actes législatifs européens ainsi que les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi » ;
4° Dans l'article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;
5° Après l'article 88-5, sont ajoutés deux articles 88-6 et 88-7 ainsi rédigés :
« Art. 88-6. - L'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. L'avis est adressé par le président de l'assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé.
« Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement.
« À ces fins, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.
« Art. 88-7. - Par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, le Parlement peut s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne dans les cas prévus, au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile, par le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. »
Article 3
La loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution est ainsi modifiée :
1° L'article 3 est abrogé ;
2° Dans l'article 4, les mots : «, dans sa rédaction en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, et l'article 88-7 » sont supprimés, et les mots : « ne sont pas applicables » sont remplacés par les mots : « n'est pas applicable ».