M. le président. Le sous-amendement n° 81 rectifié, présenté par M. Fauchon, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer le mot :
toujours
La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Il s'agit d'une petite correction rédactionnelle.
Je ne sais pas pourquoi il est écrit dans le texte que la commission pluridisciplinaire devra vérifier si la situation de dangerosité est toujours présente. Le mot « toujours » donne l'impression que l'appréciation de cette dangerosité aurait été faite depuis déjà un certain temps et qu'elle se serait répétée. Or, l'appréciation se fait hic et nunc, au moment où la commission se réunit pour procéder à un examen. Cela peut sans doute prendre quelques semaines, voire quelques mois.
Je pense que le mot « toujours » ne traduit pas cette situation et qu'il n'a pas sa place ici. Il y a d'ailleurs eu un accord sur ce point en commission, je n'insiste donc pas.
M. le président. Le sous-amendement n° 32, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :
dangerosité
insérer le mot :
criminologique
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement vise à insérer la notion de dangerosité criminologique dans le projet de loi.
En effet, dans cet article, la notion de dangerosité n'est pas définie de manière scientifique. Aucune distinction n'est faite entre « dangerosité criminologique » et « dangerosité psychiatrique ».
Pourtant cette distinction existe, tant dans la pratique médicale que dans la doctrine.
La commission santé-justice, présidée par Jean-François Burgelin et constituée en 2004, a présenté un important travail d'analyse et de prospective visant à étudier les voies légales disponibles pour traiter les auteurs d'infractions les plus graves, notamment sous l'angle de la notion de dangerosité.
Dans son rapport Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive, remis le 6 juillet 2005, vingt-quatre préconisations avaient été formulées, dont celles qui visaient à mettre en place un système d'évaluation de la dangerosité des auteurs d'infractions pénales.
Le rapport établit une distinction entre les deux formes de dangerosité. Selon la commission santé-justice, il importe de ne pas confondre les troubles mentaux liés à une pathologie mentale avérée - dangerosité psychiatrique - et les troubles de la personnalité et du comportement qui ne sont pas tous du ressort de la psychiatrie - dangerosité criminologique.
La commission donne ainsi les définitions des deux types de dangerosité.
Ainsi, ce qui distingue la dangerosité criminologique de la dangerosité psychiatrique est l'absence de pathologie psychiatrique et l'existence d'un risque de récidive ou de réitération d'une certaine gravité.
Cette distinction a été reprise et portée par le député UMP Jean-Paul Garraud dans son rapport intitulé Réponses à la dangerosité.
Aux termes de la préconisation n° 1, il convient de « développer une activité de recherche scientifique afin de définir les critères objectifs de dangerosité en distinguant la dangerosité criminologique de la dangerosité psychiatrique ».
Selon le rapport, « la différence de nature entre ces deux réalités doit avoir pour conséquence une différence de traitement des personnes présentant l'une ou l'autre forme de dangerosité ».
Or, dans le projet de loi, il n'apparaît pas de différenciation entre les deux.
Normalement, la dangerosité psychiatrique relèvera d'une prise en charge médicale : l'hospitalisation d'office existe pour ce type de personnes dangereuses.
La dangerosité criminologique relèvera, quant à elle, de l'autorité judiciaire, et des mesures de sûreté spécifique lui seront proposées à l'expiration de la peine : surveillance judiciaire, bracelet électronique.
Le projet de loi doit faire figurer l'évaluation de la dangerosité criminologique du condamné.
Il institue une confusion entre les deux formes de dangerosité et, partant, une confusion dans le traitement de ces deux types de dangerosité.
Le sous-amendement n° 32 vise à insérer la notion de dangerosité criminologique dans le projet de loi.
Il n'exclut pas qu'un individu présentant les deux types de dangerosité puisse faire l'objet de la rétention de sûreté : il suffira qu'une dangerosité criminologique soit établie.
M. le président. Le sous-amendement n° 67, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer les mots :
une particulière dangerosité et
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un sous-amendement de repli puisque nous ne cautionnons pas le placement dans un centre de rétention de sûreté après la peine, comme le prévoit l'amendement n° 1.
Le sous-amendement n° 67 a simplement pour objet de mettre le doigt une fois de plus sur la notion de dangerosité, que l'on pourrait qualifier de « dangereuse » car elle est utilisée avec des acceptions assez différentes, on l'a vu ce soir.
Les notions de personne « dangereuse », « très dangereuse », « inamendable » sont des notions tout à fait imprécises. Comme je pense que l'on ne peut pas les éclaircir, mieux vaut ne pas les utiliser.
En fait, on parle de dangerosité parce qu'il faut justifier une mesure tout à fait exceptionnelle, mais qui risque de ne pas l'être toujours.
Le projet de loi prévoit que cette dangerosité sera appréciée par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté après expertise médicale.
Toutefois, la confusion continue, je l'ai déjà dit mais j'y insiste, car la réflexion est toujours intéressante pour les parlementaires que nous sommes, et l'on ne sait jamais !
La multiplication des subdivisions de la maladie mentale - troubles mentaux, troubles de la personnalité, troubles de comportement, etc. - ne nous aide pas. On nous dit que les personnes atteintes de troubles de la personnalité ne relèvent pas de la psychiatrie. En fait, c'est qu'aujourd'hui la psychiatrie ne sait pas les guérir.
Les troubles de la personnalité dont souffrent ces personnes - et dont les origines sont diverses - sont tels que celles-ci éprouvent de très grandes difficultés à se contrôler, et cela relève quelque part de la psychiatrie.
La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté fera procéder à une expertise médicale. Considérant les difficultés rencontrées aujourd'hui par les psychiatres - je ne fais là aucun reproche ; la science évolue, espérons qu'elle progressera sous toutes ses formes ! -, comment ceux-ci pourront-ils évaluer la dangerosité future du condamné, alors même que l'on ne sait pas si l'on pourra lui apporter une aide ?
Le dispositif proposé est donc particulièrement compliqué, d'autant que les psychiatres se déclarent d'ores et déjà incompétents pour apprécier une dangerosité criminologique ou sociale. Dès lors, comment leur demander de se prononcer sur une éventuelle rétention ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes ! Mais, dans ces conditions, qui prendra le risque de ne pas décider le placement d'une personne en rétention ? Comment savoir que cette personne ne sera pas dangereuse à l'avenir ?
On le voit bien, ce projet de loi repose non pas sur des hypothèses scientifiques, mais sur des présupposés.
Au demeurant, les expériences conduites à l'étranger montrent que l'évaluation de la dangerosité n'est pas aisée et qu'elle nécessite du temps et des structures adaptées.
Par conséquent, il faut prévoir des moyens importants, ce que préconise d'ailleurs le rapport présenté par nos collègues Philippe Goujon et Charles Gautier, selon lequel il n'existe pas de modèle unique et optimal en matière de traitement des personnes dangereuses.
Ce sous-amendement vise à faire valoir cet état de fait.
M. le président. Le sous-amendement n° 80, présenté par M. Fauchon, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. La portée de ce sous-amendement est plus grande que celle du sous-amendement n° 81 rectifié.
Comme je l'ai déjà précisé, je me félicite de l'amendement présenté par la commission, qui compacte en quelque sorte le texte proposé pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale par l'article 1er du projet de loi, de façon à le rendre plus lisible et plus cohérent. Cette initiative est donc très satisfaisante.
Toutefois, après avoir posé le problème de manière générale, c'est-à-dire après avoir dit que, à titre exceptionnel, les personnes dont il est établi qu'elles présentent toujours une particulière dangerosité et une probabilité très élevée de récidive peuvent faire l'objet d'une rétention de sûreté, la commission ajoute : « La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourrait faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté. »
Je ne vois pas pourquoi la commission a introduit cet alinéa. Que signifie-t-il, monsieur le président de la commission des lois ? Que la cour d'assises devrait prévoir que ladite personne pourra faire l'objet, quinze ans plus tard, d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention ?
Je me permets de souligner le fait que cet alinéa ne veut rien dire, d'autant qu'aucune sanction n'est prévue. Ce serait une sorte de voeu inscrit dans un arrêt de Cour d'assises. Monsieur le rapporteur, voilà une bizarrerie ! Je suppose que pour ses auteurs cet alinéa a un sens : il constituerait l'un des fondements de la décision de rétention.
Ainsi, cette décision reposerait, d'une part, sur le résultat de l'expertise qui vient d'avoir lieu et qui est actuelle, et, d'autre part, sur une prévision, à savoir sur cette prescription qui aurait été faite quinze ans auparavant.
L'application de cet alinéa pose un problème de rétroactivité. Il faudrait attendre quinze ans pour que des décisions de cours d'assises soient « conformes ». Par la suite, elles incluront dans leurs arrêts cette disposition, qui deviendra finalement automatique !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu !
M. Pierre Fauchon. L'absence de cette formule dans les arrêts qui ont été jusqu'à présent rendus pose, je le répète, le problème de la rétroactivité et nous fait oublier un élément essentiel que j'ai rappelé tout à l'heure : la décision de rétention est prise à partir de la situation actuelle du prévenu, qui a été initialement condamné ; c'est une première cause. En prévoyant le réexamen de sa situation quinze ans auparavant, vous introduisez en quelque sorte une seconde cause, qui est en germe dans la condamnation initiale. Cette disposition incompréhensible me semble vraiment dangereuse du point de vue de l'appréciation de la rétroactivité.
Certes, on prétend que cette disposition a été ajoutée car le Conseil d'État a indiqué qu'il fallait craindre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui exige une décision juridictionnelle de condamnation. Mais que craignez-vous ? Moi, reprenant une citation de Racine, j'ai envie de vous dire : « Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte. » D'ailleurs, M. Portelli a souligné tout à l'heure qu'il ne fallait pas trop craindre le Conseil constitutionnel. Après tout, nous faisons notre travail !
À la vérité, il n'y a pas de jurisprudence de la Cour de Strasbourg ! Il y a une jurisprudence sur des hypothèses de sanctions dissimulées, qui étaient en réalité des sanctions. Pour que s'ensuive une peine, il faut qu'il y ait eu à l'origine une décision véritablement juridictionnelle.
En l'espèce, puisque, par construction, et en dépit de la résistance de notre collègue Robert Badinter, nous voulons échapper au schéma de la double peine...
M. Robert Badinter. On ne peut pas y échapper !
M. Pierre Fauchon.... et que nous passons du domaine moral de l'appréciation de la peine au domaine technique en quelque sorte de l'appréciation de la dangerosité, nous entrons dans un concept nouveau. Or nous faisons comme si nous acceptions une jurisprudence applicable au concept de la peine. C'est là une erreur profonde !
En conséquence, nous ne devons pas maintenir ce deuxième alinéa, car, je le répète, il est inutile, voire dangereux du point de vue de la rétroactivité.
M. le président. Le sous-amendement n° 33, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :
médicale
insérer le mot :
, éducative
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. La création des centres socio-médico-judiciaires a été annoncée avec fracas dans la presse, mais leurs missions, ainsi que leurs attributions ne sont pas clairement définies.
Dans la mesure où cette disposition relève du pouvoir réglementaire, il convient de préciser les missions de ces centres, les modalités de prise en charge des personnes retenues, ainsi que les différentes activités auxquelles elles auront droit.
L'alinéa 35 de l'article 1er précise les droits des personnes privées de liberté, mais ne fait aucunement référence aux activités ludiques, pourtant fondamentales, auxquelles les personnes retenues auraient droit. II n'est pas ici question de les détailler, mais il convient tout simplement de prévoir leur existence.
La prise en charge éducative, en marge de la prise en charge médicale et sociale, est une garantie importante dans l'amélioration de l'état de la personne retenue, notamment pour ce qui concerne les troubles de la personnalité qui ont justifié sa mise en rétention de sûreté.
La prise en charge éducative est au centre du processus de réadaptation sociale et psychologique de la personne détenue. Or qu'est-il prévu pour le retenu lors de sa rétention ?
À cet égard, je souhaite vous poser une question, madame la garde des sceaux : le centre médico-socio-judiciaire qui accueillera, à Fresnes, les premières personnes retenues disposera-t-il d'un terrain de jeu, par exemple ? De quelles activités pourront-elles bénéficier lorsqu'elles seront privées de liberté ?
On entend souvent dire que la seule chose qu'un détenu peut faire en prison, c'est du sport. Qu'en est-il pour ces personnes retenues ? Si rien n'est prévu, il faut préciser que la prise en charge sera également éducative.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer les mots :
particulière dangerosité caractérisée par la
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'objet de cet amendement est identique à celui du sous-amendement n° 67. Je ne répéterai donc pas l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Portelli, Béteille, Buffet et Courtois, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, remplacer les mots :
une prise en charge médicale et sociale
par les mots :
une prise en charge médicale, psychologique et criminologique adaptée
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Comme nous l'a suggéré la commission, il serait possible de fusionner cet amendement avec le sous-amendement n° 33 de Mme Boumediene-Thiery, et d'en faire un sous-amendement à l'amendement de la commission.
Dès lors qu'il est question d'une mesure de sûreté, il s'agit de définir plus précisément la prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la rétention, en prévoyant qu'elle soit médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 63 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Béteille, Buffet et Courtois, et ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement n° 1, remplacer les mots :
une prise en charge médicale et sociale
par les mots :
une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée
L'amendement n° 53, présenté par MM. Badinter, Collombat, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement est lié à la position que prendra le Sénat au regard de l'amendement présenté par le rapporteur, au nom de la commission des lois.
L'alinéa en question concerne les personnes qui ont déjà été condamnées et qui n'ont pas pu bénéficier de l'avertissement du président de la cour d'assises. Or, dans le cadre de l'exécution de la peine, leur comportement aurait pu être différent si elles avaient eu cet avertissement.
Madame la garde des sceaux, vous proposez que leur situation soit réexaminée pour faire éventuellement l'objet d'une rétention de sûreté. La situation est radicalement différente selon que la personne a déjà été condamnée ou qu'elle le sera après cette loi, ce qui pose le problème de la non-rétroactivité de la loi pénale.
En conséquence, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir supprimer cet alinéa.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 34 rectifié a pour objet de substituer la surveillance de sûreté à la rétention de sûreté.
La surveillance de sûreté est un nouveau cadre juridique proposé par la commission pour réunifier, sous un même régime, l'ensemble des obligations prévues par le projet de loi auxquelles peut être soumise une personne qui reste libre. Ce dispositif constitue un système intermédiaire entre la liberté et la rétention de sûreté. Il peut ainsi intervenir soit après une rétention de sûreté pour ménager une période probatoire avant la libération de la personne, soit avant une rétention de sûreté, celle-ci constituant alors la sanction d'un manquement grave aux obligations fixées dans le cadre de la surveillance de sûreté. La surveillance de sûreté est donc complémentaire de la rétention de sûreté, alors que Mme Boumediene-Thiery escamote cette dernière.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur son amendement.
L'amendement n° 65 reprend le principe posé par l'amendement n° 14 de la commission en ce qu'il prévoit une évaluation du condamné dans le délai d'un mois à l'issue de la condamnation, ce qui paraît difficilement réalisable d'un point de vue technique. La commission, plus prudente, propose que cette évaluation intervienne dans le délai d'un an après la condamnation.
En outre, cet amendement se borne à poser le principe de cette évaluation sans reprendre la possibilité d'un placement en rétention de sûreté. C'est pourquoi la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.
La commission est favorable au sous-amendement n° 81 rectifié visant à supprimer l'adverbe « toujours », qui ne s'impose en aucune manière, même si la nouvelle rédaction pourrait laisser supposer - mais c'est certainement une idée perverse de ma part - que l'on peut entrer en prison sans être dangereux et le devenir au fil des années qui passent. (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, la logique la plus totale plaide en faveur de la proposition de Pierre Fauchon !
Avec le sous-amendement n° 32, Mme Boumediene-Thiery propose de qualifier la dangerosité de « criminologique ».
La précision ne paraît pas indispensable dans la mesure où le texte du projet de loi, repris dans l'amendement n° 1 de la commission, fait référence aux personnes atteintes de troubles de la personnalité qui peuvent être à l'origine de dangerosité criminologique. Ces troubles se distinguent ainsi des troubles mentaux, auxquels peut être associée une dangerosité psychiatrique. Ils ne sont pas, en effet, selon une majorité de psychiatres, susceptibles, du moins en l'état des connaissances, d'une thérapie médicale.
En revanche, comme Mme Alima Boumediene-Thiery le souligne dans l'objet de son sous-amendement, les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent et doivent faire l'objet de soins. Elles ne sont pas, en principe, concernées par la rétention de sûreté.
Par conséquent, je demande le retrait de ce sous-amendement, qui me paraît satisfait par la référence aux troubles de la personnalité.
Avec le sous-amendement n° 67, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat invoque le flou de la notion de dangerosité. Cela appelle plusieurs réflexions.
La notion de dangerosité n'a pas vocation à demeurer éternellement floue, si tant est qu'elle le soit aujourd'hui. En effet, son évaluation implique une approche pluridisciplinaire puisqu'elle relève, entre autres, d'une évaluation clinique éventuellement renforcée par une analyse de caractère statistique.
Je ne prétends pas que l'on aboutira à 100 % de la vérité, mais du moins s'en approchera-t-on grâce à une démarche plus professionnelle qu'elle ne l'est aujourd'hui, laquelle permettra de cerner cette notion de dangerosité.
Sur bien des points, je suis d'accord avec l'auteur du sous-amendement, en particulier lorsque Mme Nicole Borvo Cohen-Seat fait allusion au caractère tout à fait insuffisant et quelque peu tronqué de l'expertise médicale. Effectivement, le seul psychiatre qui ne risque pas de se tromper est celui qui conclut à la dangerosité. Celui qui conclut à l'absence de dangerosité prend, lui, tous les risques !
C'est bien pour cette raison que, répondant ainsi très largement au souhait exprimé par le corps médical et les psychiatres eux-mêmes, nous avons souhaité mettre en place une approche pluridisciplinaire. Il y aura non seulement des psychiatres, mais aussi des médecins, des travailleurs sociaux, des sociologues, des juristes et des personnels de la pénitentiaire. Par conséquent, il sera beaucoup plus aisé de prendre des risques et d'affirmer que, si telle personne est dangereuse, telle autre ne l'est pas.
Bien que souscrivant à un grand nombre des propos qui ont été tenus, je suis défavorable au sous-amendement n° 67.
Avec le sous-amendement n° 80, M. Pierre Fauchon estime, si je l'ai bien compris, que la rétention de sûreté trouve sa justification dans la dangerosité de la personne et dans le risque qu'elle présente pour l'avenir.
À cet égard, la condamnation ne saurait que jouer le rôle d'un indicateur et d'une garantie, naturellement indispensable - du moins je l'espère -, pour encadrer l'application de la rétention.
Toutefois, aussi logique que soit ce raisonnement, il ne s'inscrit pas dans le cadre conventionnel. Mais notre collègue a fait les questions et les réponses, puisqu'il s'est très largement expliqué sur l'avis du Conseil d'État, sur la volonté de réintégrer la référence à l'arrêt de la cour d'assises, de façon à entrer dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme.
Aussi logique que soit ce raisonnement, disais-je, il ne s'inscrit donc pas dans le cadre conventionnel. Il ouvre également la voie à bien des incertitudes si une rétention doit avant tout reposer sur une dangerosité présumée.
Je le disais en commission, j'ai retrouvé dans ses propos une partie de l'argumentation de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a évoqué la possibilité de priver de liberté un criminel sur un simple diagnostic de dangerosité.
Ma crainte - qui ne concerne en rien mon collègue Fauchon ! - serait que, petit à petit, s'étant débarrassé du lien entre l'infraction et la privation de liberté, du lien entre l'intervention du juge et la privation de liberté, on en arrive, dans un régime qui n'aurait plus de démocratique que le nom, à sanctionner une dangerosité qui n'aurait pas déjà été concrétisée par une infraction. (M. Pierre Fauchon lève les bras au ciel.) Mon cher collègue, je sais bien que cela était très loin de votre pensée !
M. Pierre Fauchon. Ah !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je crains toutefois qu'une barrière ne saute et j'avoue que j'ai beaucoup de mal à m'y résoudre. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur votre amendement, tout en faisant observer que, si une telle disposition était adoptée, l'ensemble du dispositif prévu dans le projet de loi devrait globalement être revu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah oui !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Avec le sous-amendement n° 33, Mme Alima Boumediene-Thiery souhaite ajouter à la prise en charge médicale une prise en charge « éducative ». Dans la mesure où il s'agit d'une précision tout à fait utile, la commission est favorable à ce sous-amendement.
Elle est également favorable au sous-amendement n° 63 rectifié bis de M. Hugues Portelli.
Cela revient à prévoir désormais - c'est peut-être un peu long, mais chaque mot a sa valeur et prend tout son sens - une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée. Si, d'aventure, cette énumération était jugée trop importante, je fais confiance à la commission mixte paritaire pour trouver une solution de simplification.
Dans l'amendement n° 66 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, c'est la notion de dangerosité qui est mise en doute. Je me suis déjà expliqué sur l'avis défavorable de la commission.
S'agissant de l'amendement n° 53 défendu par M. Robert Badinter, je crains d'avoir mal compris la disposition proposée. La suppression du dernier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 706-53-13 vise moins la rétroactivité que l'élargissement du champ d'application du projet de loi aux crimes les plus graves commis sur des victimes majeures. Cette extension paraît au contraire tout à fait cohérente avec l'objet même du texte.
Si j'ai mal compris le point sur lequel portait sa remarque, peut-être convient-il qu'il me l'explique à nouveau, afin que je puisse transformer mon avis défavorable, mais à titre personnel seulement. En effet, lorsque l'avis de la commission a été sollicité ce matin, la disposition avait été comprise comme une critique par rapport à l'élargissement du champ d'application de la rétention de sûreté.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Certainement ; je n'ai aucun doute sur ce qui s'est passé en commission.
À supposer que votre amendement ne soit pas adopté, j'attirais l'attention sur le fait que les uns et les autres se verraient appliquer différemment une même disposition, la rétention de sûreté.
Les premiers, après le vote de la loi, auraient entendu l'avertissement - car c'est bien une forme d'avertissement - donné par la Cour d'assises, ce qui peut avoir une conséquence sur le traitement qu'ils s'engagent à suivre ; ce ne pourrait pas être le cas des seconds !
Attention, par conséquent, à la différence de situations au regard d'une même disposition !
Toutefois, si l'amendement de la commission était adopté, la question ne se poserait plus et je retirerais le mien !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je me contente donc de m'en remettre à la sagesse du Sénat sur votre amendement n° 53, lequel deviendrait en effet sans objet si celui de la commission était adopté.
Madame le ministre, c'est une incitation supplémentaire ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L'amendement n° 34 rectifié vise à remplacer la mesure de rétention de sûreté par un dispositif judiciaire de surveillance de sûreté.
Si nous proposons un chapitre relatif à la rétention de sûreté, c'est parce qu'il existe un vrai vide juridique sur la prise en charge des criminels dangereux.
Le dispositif proposé de surveillance de sûreté n'est pas suffisant pour les criminels qui sont visés par ce projet de loi et dont on ne souhaite pas la remise en liberté en raison du risque de dangerosité criminologique et donc du risque fort de récidive. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 34 rectifié.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 65, car il est satisfait par l'amendement n° 14 de la commission des lois, sous-amendé par le Gouvernement, qui permettra de faire une évaluation des condamnés.
J'émets sur l'amendement n° 1 un avis de sagesse plutôt réservé et constructif ! (Sourires.) Au départ, le projet de loi visait uniquement les victimes mineures de moins de quinze ans. L'Assemblée nationale a étendu le dispositif aux mineurs de dix-huit ans sans modifier le critère concernant la nature de l'infraction. Le fait d'être mineur constituant en soi une circonstance aggravante, nous avons accepté cet élargissement.
Il est donc un point de l'amendement n°1 sur lequel nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Vous souhaitez en effet que soit appliqué aux mineurs de plus de quinze ans le même régime que celui qui s'applique aux majeurs, à savoir qu'il faut une circonstance aggravante.
Pour le Gouvernement, le seul fait d'être mineur est une circonstance aggravante en soi. Si vous appliquez le même régime pour les mineurs de plus de quinze ans et pour les majeurs, cela signifie que la minorité n'est plus une circonstance aggravante en soi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pénalement, le même régime a toujours été appliqué pour les mineurs entre quinze et dix-huit ans et les majeurs.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Compte tenu de l'amendement qui a été voté à l'Assemblée nationale, les crimes concernant tous les mineurs doivent être traités de la même manière dans le cadre de la rétention de sûreté, que ces mineurs aient quatorze ans ou dix-sept ans, le fait qu'il s'agisse d'un mineur caractérisant vraiment la dangerosité du criminel.
M. le président. La parole est à M. le président des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame le garde des sceaux, la circonstance aggravante n'est pas liée à l'âge. Il faut donc traiter de la même manière tout ce qui est particulièrement grave, pour les uns comme pour les autres, et appliquer le même régime. Il nous a paru que c'est plus cohérent. Mais on peut en discuter...
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce que nous souhaitons, c'est que la dangerosité soit appréciée de la même façon, qu'il s'agisse d'un mineur de plus ou de moins de quinze ans.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et même pour un majeur !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour le majeur, il faut qu'il y ait une circonstance aggravante, car on considère qu'il est plus apte à se défendre qu'un mineur. Nous avons restreint le champ d'application, car il s'agit de la rétention dite de sûreté.
En revanche, le champ est plus large pour les mineurs, car nous considérons que le fait d'être mineur est, en soi, une circonstance aggravante.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je vois très bien ce que vous voulez dire, madame le ministre. C'est parfaitement défendable. Mais nous, nous avons raisonné dans le cadre traditionnel du droit pénal et du code pénal.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Or, dans ce cadre traditionnel, la circonstance aggravante concerne les mineurs de quinze ans.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Effectivement, l'amendement que nous avons proposé ne change rien par rapport à l'architecture issue de l'Assemblée nationale, hormis sur un point : nous considérons comme des majeurs les mineurs qui sont non pas des mineurs pénaux, mais des mineurs au sens classique du terme, entre quinze ans et dix-huit ans. Nous estimions en effet que c'était plus cohérent avec les autres dispositions du code pénal.
Cela dit, je comprends très bien la volonté qui est la vôtre de faire en sorte que, sur la rétention de sûreté, on s'écarte effectivement du dispositif classique du code pénal pour considérer que ladite infraction sur mineur n'a pas à être aggravée.
Toutefois, aucun sous-amendement n'ayant été déposé par le Gouvernement, je suggère que l'on adopte le texte de la commission sur ce point. Lors de la commission mixte paritaire, nous aurons le temps d'aménager la rédaction de cet article, et je ferai bien évidemment connaître notre position.
Cela dit, le Sénat ne s'oppose pas à ce que les mineurs de quinze ans à dix-huit ans soient également concernés par le dispositif.
M. le président. Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 1.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, il est fort probable que le texte définitif s'éloigne de la rédaction que vous vous apprêtez à adopter en votant cet amendement !
M. Christian Cointat. Pas trop quand même !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le moins possible ! (Sourires.)
M. le président. Poursuivez, madame le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J'en viens au sous-amendement n° 81 rectifié.
Monsieur Fauchon, le fait que la rétention de sûreté soit exceptionnelle constitue une garantie supplémentaire. C'est la raison pour laquelle il semble nécessaire de conserver son caractère d'exception à une mesure de ce type.
L'adverbe « toujours » vise à caractériser la dangerosité, qui est liée à la gravité des infractions commises initialement. Nous avons donc souhaité conserver cet adverbe au regard du risque de récidive.
Je vous demande donc, monsieur Fauchon, de bien vouloir retirer votre sous-amendement.