M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question n° 137, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
M. Dominique Mortemousque. Je tenais à attirer votre attention, madame la ministre, sur la pénurie des chirurgiens-dentistes en milieu rural. Selon une étude récente de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, le nombre de chirurgiens-dentistes en exercice, à ce jour de 40 300, diminuerait dans les années à venir pour arriver à un seuil de 27 000 en 2030.
Cette crise est de plus en plus sévère en milieu rural, où d'ores et déjà certains chirurgiens-dentistes ne trouvent pas de successeurs et ferment leur cabinet à leur départ à la retraite.
En conséquence, je vous demande quelles mesures vous entendez prendre pour éviter une pénurie de chirurgiens-dentistes, plus particulièrement en milieu rural.
J'ajouterai qu'en milieu rural personne n'est hostile à l'habilitation de personnes qui ne viennent pas de la métropole française. Je peux vous citer le cas d'un dentiste algérien qui n'a pas été admis par la commission ad hoc. L'examen qu'il avait passé a été annulé après la mise en cause de l'organisation des épreuves.
J'aimerais que vous puissiez nous rassurer en la matière, madame la ministre, parce que ce sont des raisons de déstabilisation pour le milieu rural.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Je réponds avec grand plaisir à M. Dominique Mortemousque, sénateur de la Dordogne, qui appelle l'attention du Gouvernement sur les problèmes de pénurie de l'offre de soins, qui sont très graves dans certains secteurs ruraux, mais également urbains,...
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ...et qui ne vont pas s'améliorer.
Les projections élaborées et publiées récemment par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, indiquent une diminution rapide, de plus d'un tiers en vingt-cinq ans, du nombre de chirurgiens-dentistes. Le numerus clausus de la profession a été fixé jusqu'en 2007 à 977 entrées en études dentaires. Sans correction de celui-ci, la densité de chirurgiens-dentistes passerait de 65 pour 100 000 habitants en 2006 à 40 pour 100 000 habitants en 2030.
J'ai donc proposé de remonter progressivement le numerus clausus pour atteindre un nombre de 1 300 chirurgiens-dentistes admis en première année d'ici à cinq ans, ce qui correspondrait à une augmentation de 33 % du nombre d'étudiants en première année par rapport au numerus clausus actuel.
Le numerus clausus de 2008 a d'ores et déjà été porté à 1 047 étudiants admis en deuxième année, soit une augmentation de 70 places. Leur répartition sur le territoire doit tenir compte des disparités régionales, mais aussi des capacités de formation de chaque unité de formation et de recherche. C'est déjà un premier outil d'aménagement du territoire.
On retrouve pour la répartition régionale les mêmes disparités que pour les médecins, avec une forte densité à Paris, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans le Sud-Ouest, et une faible densité dans le Nord-Pas-de-Calais et en Lorraine.
Tous les secteurs de la Dordogne ne sont sans doute pas concernés, monsieur le sénateur. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il convient d'exprimer les disparités et les évaluations des zones sous-denses et sur-denses beaucoup plus finement qu'au niveau régional. Une région bien dotée peut très bien avoir un canton périurbain ou rural mal doté.
La situation de la démographie des départements ruraux ou, d'une manière générale, des zones les moins bien desservies appelle une vigilance particulière.
C'est précisément le but de l'un des volets très importants de la politique de réforme de santé que je mène. Les états généraux de l'organisation de la santé, pilotés par Annie Podeur et par le professeur Yvon Berland, permettent d'aborder les questions relatives à la répartition des professionnels de santé sur le territoire.
J'étais moi-même à Rennes vendredi dernier pour faire la synthèse des travaux, avec des professionnels de santé, des associations d'usagers, des responsables de l'assurance maladie, des élus locaux. Les premières conclusions de cette journée d'échanges, qui fait suite à plus d'une centaine d'auditions, nous permettent de retenir toutes sortes de solutions, de préconisations et de nombreux points de convergence.
Pour répondre à votre question, nous en tiendrons compte avec les doyens pour la répartition des étudiants dans les différentes facultés d'odontologie.
Enfin, parallèlement à ces mesures, un programme est en cours d'élaboration pour renforcer les capacités de formation des unités de formation et de recherche en odontologie.
Pour ce qui concerne le cas particulier du praticien étranger que vous avez évoqué, cet examen a été annulé parce qu'il ne présentait pas les caractères de régularité requis. Il n'y avait donc aucune mesure spécifique à l'encontre de tel ou tel candidat, mais plutôt la volonté de respecter un certain nombre de règles.
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque. Madame la ministre, je tiens à vous remercier de la précision avec laquelle vous avez répondu à la question que je vous ai posée, en évoquant chaque point aussi bien sur le long terme que sur le court terme.
Les élus se sont servi des outils que leur offre la loi d'aménagement du territoire afin de pouvoir rendre attractif l'exercice des professions médicales en milieu rural. Ils ont ainsi mis en place des maisons de santé et faciliter l'accès aux soins. Un proverbe dit : « Aide-toi, le ciel t'aidera ». Cela relevait donc de nos responsabilités. (Sourires.)
Il est également important, comme vous l'avez très justement dit, de faire du « cousu main » territoire par territoire, car les difficultés sont à géométrie variable. Ce matin, j'ai donc pu une nouvelle fois constater votre fine analyse du territoire.
C'est avec plaisir que j'ai écouté vos propos et c'est avec bonheur que vous serez accueillie en Périgord quand vous vous y rendrez. (Nouveaux Sourires.)
développement de l'énergie éolienne
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 118, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, je sais que le sujet des énergies renouvelables ne vous est pas tout à fait étranger, même s'il n'entre plus aujourd'hui directement dans vos compétences.
Le Président de la République s'est engagé à « faire de la France le leader des énergies renouvelables, au-delà de l'objectif européen de 20 % de notre consommation d'énergie en 2020 ». Mais, dans mon département - j'ai également pu le constater dans d'autres départements -, les administrations concernées, par exemple les préfectures, ne semblent pas avoir pris en main les questions correspondant à cette ambition proclamée par Nicolas Sarkozy à la suite du Grenelle de l'environnement, en particulier pour ce qui est du développement de l'énergie éolienne.
Il faut savoir que les zones de développement de l'éolien, les ZDE, se heurtent à de nombreuses difficultés dans plusieurs départements. La confusion règne sur le plan local !
Des dossiers soigneusement préparés par des élus locaux dans le cadre du dispositif de concertation prévu par la réglementation sur les ZDE, souvent avec l'aval d'une majorité des habitants concernés, sont rejetés malgré plusieurs années de travail préparatoire.
Les recommandations techniques changent ou s'empilent à une vitesse bien plus élevée que celle qui correspond à l'élaboration et à la réalisation d'une zone de développement de l'éolien.
La durée d'instruction de l'étude d'impact pour obtenir le permis de construire dépasse largement les délais réglementaires atteignant dans de nombreux départements souvent plus de deux années.
Dans mon département de Seine-et-Marne, compte tenu de la méthodologie préconisée par les services préfectoraux et de la cartographie qui en découle, le développement de l'éolien s'annonce minimal. Pourtant, ce département s'étend sur la moitié de la région d'Île-de-France, première région consommatrice d'électricité, et accueille ainsi une grande part du potentiel éolien francilien.
Dans un tel contexte, il semble difficile que la France atteigne ses objectifs de production d'énergies renouvelables.
Pour ces raisons, locales et nationales, j'aimerais savoir si l'État va prendre ses responsabilités dans le développement de l'éolien et si des prescriptions précises seront envoyées aux préfets en ce sens.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, ma première intervention en tant que ministre de l'écologie et du développement durable en 2002 avait eu lieu ici même, au Sénat, dans le cadre d'un texte relatif à l'implantation des éoliennes. C'est donc avec un très grand plaisir que je répondrai à votre question, mais, cette fois-ci, au nom de M. Jean-Louis Borloo.
Le Grenelle de l'environnement a arrêté, lors des tables rondes du mercredi 24 et du jeudi 25 octobre 2007, la mise en place de plusieurs programmes sur les thèmes de l'énergie, du changement climatique, de la préservation de la biodiversité ainsi que de la prévention des effets de la pollution sur la santé. L'ambition a été affichée d'augmenter de 20 millions de tonnes équivalent pétrole la production d'énergie renouvelable en 2020 et d'atteindre une proportion d'au moins 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie.
Parmi toutes les énergies renouvelables productrices d'électricité, l'énergie éolienne est celle qui présente le plus grand potentiel de développement à court terme.
La puissance éolienne installée en métropole s'élevait à la fin de 2007 à plus de 2 000 mégawatts, soit trois fois plus qu'en 2005. La France est devenue le troisième pays européen en termes de marché annuel.
Selon la dernière enquête réalisée par le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, qui couvre la période du 1er février 2006 au 1er février 2007, environ 300 permis de construire ont été délivrés, ce qui représente une puissance de 1 500 mégawatts environ. À cela s'ajoutent 900 demandes de permis qui étaient en cours d'instruction par les services de l'État pour une puissance de plus de 5 000 mégawatts. Ces chiffres encourageants montrent qu'une dynamique pérenne de l'éolien a été installée en France.
Pour le département de Seine-et-Marne, 8 projets totalisant 40 mégawatts déposés entre le 1er février 2006 et le 1er février 2007 étaient en cours d'instruction au 1er février 2007. Il est à noter qu'aucun permis de construire n'a été refusé au cours de cette période.
Bien évidemment, le développement de l'énergie éolienne doit être maîtrisé, avec le souci constant du respect des milieux naturels, des paysages, du patrimoine et du cadre de vie. Faute de respecter ces conditions, le développement de l'énergie éolienne se heurterait à l'hostilité de nos concitoyens et s'en trouverait compromis.
Madame la sénatrice, je transmettrai à M. Jean-Louis Borloo vos observations, qui, si j'ai bien compris, relèvent non pas d'une remise en cause de la réglementation, mais plutôt du souhait que celle-ci soit appliquée sans tarder et sans se réfugier derrière des arguties.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je ne partage pas du tout le diagnostic qui vient d'être posé. Je ne pense pas que l'on puisse parler de dynamique de l'éolien, au contraire !
Il s'agit certainement de l'énergie renouvelable la plus difficile à mettre à oeuvre. Tout d'abord, il faut convaincre les habitants et les élus. Ensuite, une fois que toutes les conditions sont réunies, on se heurte à des prescriptions confuses : les préfets n'appliquent pas la réglementation de la même manière d'un département à l'autre. Je demande donc au Gouvernement de prescrire des recommandations très claires afin que ce choix politique soit enfin mis en oeuvre.
Tout le monde le sait, l'énergie éolienne peut représenter à terme 15 % de l'énergie électrique dans notre pays. Or nous sommes très en retard en la matière. La France se fait d'ailleurs régulièrement tancer par la Commission européenne, et cela a encore été le cas très récemment.
Pour ma part, je pense qu'il y a une sorte de consensus négatif contre cette énergie. Elle pourrait parfaitement se développer sur nos territoires. Qui plus est, ce serait une source de revenus pour les collectivités locales.
J'ai visité des champs d'éoliennes dans l'Aisne, à peine à une cinquantaine de kilomètres de mon département. Or tout le monde en était satisfait, aussi bien les élus, qui trouvaient là une ressource non négligeable pour leurs finances locales, que leurs administrés, qui bénéficient indirectement des retombées grâce à une pression fiscale moindre. Et leur environnement n'en est pas détruit pour autant !
Sans une volonté politique et des prescriptions claires des services de l'État, nous aurons du mal à faire décoller cette énergie.
enlèvement international d'enfants : droit de garde et droit de visite transfrontière
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, auteur de la question n° 105, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cette question, que j'ai déposée il y a plus de quatre mois, s'adressait effectivement à Mme la garde des sceaux. Or j'ai appris hier qu'elle ne pourrait pas être présente ce matin. Je le regrette beaucoup. Néanmoins, je reste confiante dans la réponse que me communiquera Mme Bachelot-Narquin, dont j'apprécie beaucoup la compétence et dont je connais l'intérêt pour ces sujets.
Les enlèvements ou déplacements internationaux d'enfants avec a fortiori aucun accès pour l'un des parents à l'enfant enlevé sont un problème récurrent très grave qui ne cesse de s'accroître. Malheureusement, l'application des conventions multilatérales censées régler ces situations s'avère souvent inefficace, ce qui constitue un véritable mépris des droits de l'enfant tels que reconnus par l'ONU.
La convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants - avec 80 États contractants -, qui vise au retour des enfants déplacés et au respect des droits de garde et de visite, n'atteint pas toujours son objectif, comme l'a souligné la commission spéciale de la conférence de La Haye, qui s'est réunie en novembre 2006.
Malgré l'obligation qui est faite aux autorités centrales des États contractants, le droit de visite transfrontière visé à l'article 21 n'est pas toujours assuré. Beaucoup de nos compatriotes, notamment des femmes, dans l'incapacité d'assumer les frais très élevés de justice dans certains pays comme les États-Unis, ne bénéficient pas de l'assistance juridique et juridictionnelle telle qu'inscrite à l'article 25.
La barrière de la langue et la complexité des systèmes juridiques étrangers motivent souvent le retour d'un parent avec ses enfants dans son pays où il pense de bonne foi pouvoir mieux se défendre. L'État peut-il accepter de renvoyer un enfant dans un pays requérant son retour sans avoir en échange la garantie que le parent français pourra s'y défendre et y exercer son droit de visite de manière effective ?
Avec l'entrée en vigueur, en mars 2005, du règlement européen relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II bis », l'application directe d'ordonnances de justice d'un État membre dans un autre État membre peut s'avérer catastrophique lorsque les décisions sont prises unilatéralement, dans le secret et en l'absence de tout débat contradictoire. En Allemagne, par exemple, les décisions du juge administratif local, le Jugendamt, sont applicables directement au parent étranger sans qu'il n'ait été procédé à son audition.
D'autres difficultés proviennent de la diversité des approches en droit de la famille : certains États n'admettent pas le principe de l'autorité parentale conjointe ou ne reconnaissent pas la filiation au père d'un enfant né hors mariage. En matière de recouvrement de pensions alimentaires, n'est-il pas choquant que nos tribunaux acceptent l'exequatur sans tenir compte du fait que le parent débiteur en raison de l'obstruction de l'autre parent est empêché d'exercer son droit de visite par le parent en ayant la garde ?
Madame la ministre, face à ces situations douloureuses, quelles dispositions le Gouvernement a-t-il prises ou envisage-t-il de prendre ? Des mesures comme l'octroi d'une aide juridictionnelle aux parents dans l'incapacité financière de défendre leurs droits à l'étranger, l'utilisation de vidéoconférences pour ceux qui n'ont pas les moyens de se déplacer devant des juridictions étrangères - j'ai mentionné tout à l'heure les États-Unis - la formation des juges en droit international de la famille à l'École nationale de la magistrature et la nomination dans toutes les cours d'appel d'un magistrat compétent en matière de déplacements internationaux d'enfants paraissent indispensables.
Alors que la France vient de ratifier la convention de La Haye de 1996, ne conviendrait-il pas que nos tribunaux prennent mieux en compte l'intérêt supérieur de l'enfant en s'assurant, avant de rendre leurs décisions, que le contact d'un enfant avec ses deux parents sera effectif, notamment par l'usage d'un véritable droit de visite transfrontière ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, si pleine d'humanité. Derrière les problèmes techniques que vous évoquez se trouvent des familles, des enfants qui souffrent. Vous en avez parlé avec beaucoup de délicatesse et une grande connaissance.
Vous soulevez une question importante, qui concerne les enfants des familles binationales et qui se traduit très souvent par des situations dramatiques. La ministre de la justice, Mme Rachida Dati, y est particulièrement attentive et, comme moi, très sensibilisée.
Ces situations sont juridiquement très complexes, car elles font intervenir, comme vous l'avez dit, des législations différentes.
Il y a déjà eu des avancées ; vous les avez évoquées.
C'est la convention de La Haye qui lie la France depuis 1983. Elle vise à assurer le retour d'un enfant illicitement déplacé au lieu de sa résidence habituelle. Elle protège le droit de visite du parent avec lequel l'enfant ne vit pas habituellement. Elle permet d'organiser l'exercice effectif de ce droit.
C'est pourquoi il est important qu'un bilan régulier soit fait de son fonctionnement pour que les autorités des États soient alertées en cas de dysfonctionnement.
Cette convention a été complétée pour l'Union européenne par un règlement de 2003, appelé « Bruxelles 2 bis ». Ce texte n'avait pas pour objet de modifier le droit de la famille applicable au sein de chaque État membre. Il établit des règles de compétence des juridictions en matière de droit familial.
Enfin est intervenue la convention de La Haye de 1996 sur la responsabilité parentale et la protection des enfants.
La loi autorisant sa ratification a été adoptée. Elle n'est pas encore expressément ratifiée, car il s'agit d'une matière entrant dans le droit communautaire. La France est dans l'attente de la décision de la Commission. Tout sera mis en oeuvre, dans son application, pour que l'intérêt de l'enfant soit pris en compte et que les droits de visite soient respectés.
Les textes le rappellent pour les juridictions françaises, mais nous ne pouvons pas nous opposer à des décisions prises par les juridictions d'autres États alors que nous nous sommes engagés à les reconnaître.
Le Gouvernement a conscience qu'il faut aller plus loin et plus vite.
Tout d'abord, le parent dont l'enfant est victime d'un déplacement peut solliciter, dans l'autre État, l'assistance d'un avocat. Dans ce domaine, de nombreuses conventions facilitent l'accès international à la justice.
La France est signataire de près de cinquante conventions bilatérales. Elle est aussi partie à plusieurs conventions multilatérales et aux accords européens issus d'une directive de 2003.
À chacun de ses déplacements à l'étranger, la ministre de la justice, garde des sceaux, s'entretient des déplacements illicites d'enfants avec mes homologues étrangers. Elle l'a fait au Maroc et en Algérie notamment, afin d'évoquer des cas très douloureux dont le ministère de la justice avait été saisi.
Enfin, vous avez raison de souligner, madame la sénatrice, l'importance du droit international dans la formation des magistrats.
Des sessions de formation continue sont organisées par l'École nationale de la magistrature. Il faut aussi renforcer la dimension internationale de la formation des élèves magistrats.
Vous avez, madame la sénatrice, indiqué un certain nombre de pistes de réflexions. Vous avez fait des propositions très concrètes. Bien entendu, je les transmettrai à ma collègue Mme Rachida Dati pour qu'elle les examine et qu'elle détermine la suite à leur donner.
Vous le voyez, ces préoccupations sont déjà prises en compte. Le Gouvernement s'attachera à les promouvoir au cours de la prochaine présidence française de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui témoigne de votre attachement personnel à ces questions et à la résolution de ces cas extrêmement difficiles.
Je vous sais gré, également, de transmettre mes propositions à Mme la garde des sceaux.
À l'occasion de sa présidence de l'Union européenne, la France pourrait, effectivement, apporter beaucoup. Nous avons vraiment un travail à faire sur ces sujets. Une initiative française qui consisterait, par exemple, en une évaluation de tous ces problèmes, pour établir ensuite le bilan de l'ensemble des cas difficiles sur le plan européen, serait utile.
Il serait également bon de mettre en place des initiatives pour que les choses se passent dans la transparence et qu'il y ait une certaine harmonisation de nos juridictions en matière de garde et de droit des enfants.
Certains pays ont des dispositions très anciennes. Il y existe des obstacles liés à la nature de leur droit interne. Cependant, madame la ministre, comme vous l'avez dit, il faut absolument que le droit des enfants soit le premier élément pris en considération. Le droit d'un enfant à ses deux parents doit aller bien au-delà des intérêts nationaux et des juridictions internes.
devenir de l'entreprise areva t & d à montrouge
M. le président. La parole est Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 140, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je regrette l'absence de Mme Christine Lagarde. J'espère que ce n'est pas une marque de désintérêt de sa part pour ce sujet très important !
Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, depuis le 10 janvier, 90 % des salariés de l'usine AREVA T & D à Montrouge sont en grève. Ils protestent contre la décision d'AREVA de fermer ce site spécialisé dans la fabrication de transformateurs à haute tension.
La direction met en avant des pertes opérationnelles de plus de 11 millions d'euros. Pourtant, le groupe AREVA se porte bien. Son chiffre d'affaires est en hausse de plus de 10 milliards d'euros en 2006.
Il s'agit d'une augmentation liée, essentiellement, à la hausse des cours de l'uranium et à la forte progression de l'activité de transmission et de distribution, celle-là même qui nous intéresse aujourd'hui.
Le pôle de transmission et de distribution a signé de fructueux contrats au Qatar, en Lybie, en Chine, en Arabie saoudite et, tout récemment, en Inde.
Au même moment, les quatre-vingt-neuf salariés d'AREVA-Montrouge vont être laissés sur le carreau.
Cette fermeture constituera un terrible gâchis humain et industriel.
Ce sera un gâchis humain, car les perspectives de reclassement pour les salariés s'avèrent difficiles, voire impossibles ; du fait de la pyramide des âges, de l'absence de politique de formation et de la situation de désindustrialisation de la région parisienne.
Après la fermeture de Montrouge, il n'y aura plus de site de fabrication de ce type en France. Les salariés s'inquiètent donc.
Par ailleurs, cette fermeture aura des répercussions locales. Ainsi, sur le seul site d'AREVA-Montrouge, 109 entreprises extérieures interviennent.
Après le départ de Schlumberger, d'Orange et d'Ela Medical, Montrouge sera bientôt un désert industriel, au point que les commerçants de la ville, les habitants et, depuis peu, le maire sont solidaires des grévistes !
Il s'agit également d'un gâchis industriel très inquiétant.
Le marché du transport d'électricité en Europe a de beaux jours devant lui, notamment en France.
Or, avec cette fermeture, AREVA prive EDF d'un laboratoire de haute tension comprenant les équipements et l'expertise d'un service de recherche et de développement de haut niveau nécessaires à la surveillance et à la maintenance de l'important parc installé, donc à la pérennité et à la sécurité du transport de l'énergie.
Le parc actuel comporte de nombreux transformateurs de mesure anciens, pour lesquels l'absence de surveillance peut entraîner la défaillance, voire, à l'extrême, l'explosion !
On ne peut que comprendre la réaction des salariés d'occuper l'usine. Cette occupation a duré treize jours, jusqu'à ce que la direction assigne trente et un grévistes en justice. Cette procédure d'intimidation ne visait, en fait, qu'à obtenir la fin de l'occupation. C'est chose faite depuis mardi dernier.
Un médiateur a été nommé, et je viens d'apprendre qu'il a décidé de se retirer.
La grève continue, la direction émettant toujours des propositions a minima sur le reclassement et le dédommagement des salariés.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, quelles garanties l'État, actionnaire à 91 % d'AREVA, compte apporter aux salariés pour que la direction accepte de mener de réelles négociations.
Permettez-moi également de rappeler les engagements pris par Anne Lauvergeon en décembre dernier devant des députés. Elle a affirmé : « AREVA ne laisse jamais personne sur le bord du chemin et met tout en oeuvre [...] pour que chaque salarié retrouve un travail. »
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Madame le sénateur, vous avez appelé l'attention de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, sur la situation de l'établissement AREVA T & D à Montrouge, dont les salariés sont en grève depuis le début du mois de janvier. Elle m'a chargé de vous présenter ses excuses pour son absence et de vous répondre à sa place.
La société AREVA T & D, qui a en charge le pôle de transmission et de distribution du groupe, a annoncé en septembre 2007 son intention de fermer le site de Montrouge, qui emploie quatre-vingt-neuf salariés, à compter du 31 août 2008. En effet, ses résultats sont négatifs depuis plusieurs années, malgré un effort important de ses salariés, ce qui démontre, aux yeux de la direction d'AREVA, l'absence durable de rentabilité du site.
À la suite de l'annonce de l'engagement de la procédure de fermeture par la direction d'AREVA le 11 janvier dernier, les salariés ont décidé de bloquer le site en exigeant le retrait de ce projet.
L'usine de Montrouge avait déjà connu un conflit social au mois de novembre 2007, avec blocage du site.
Les négociations locales informelles avec l'appui des pouvoirs publics n'ont pas permis de trouver une réponse aux revendications des salariés, notamment sur le niveau des mesures de reclassement et le montant de l'indemnité de licenciement proposé par la direction.
Une délégation des salariés, accompagnée de Mme la députée Marie-Hélène Amiable, a été reçue au cabinet de Christine Lagarde le 23 janvier dernier. Cette réunion a permis de renouer le dialogue entre les parties. Elle a eu pour effet immédiat l'annulation de la procédure de référé engagée par l'entreprise pour libérer l'accès au site, le déblocage de l'usine et la reprise des négociations le lendemain sous la médiation du directeur départemental du travail et de l'emploi.
Les négociations se poursuivent et le Gouvernement, dont l'intervention a contribué à renouer le dialogue entre les parties, espère que ces dernières trouveront maintenant rapidement un accord pour élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi équilibré permettant le retour à l'emploi de l'ensemble des salariés dont le poste est supprimé à la suite de la décision de fermeture du site.
Je vous prie de croire, madame le sénateur, que Christine Lagarde se tient personnellement et quotidiennement informée par ses conseillers de l'évolution de ce dossier, et que le Gouvernement est totalement mobilisé.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je tiens à ajouter quelques mots pour réagir à la réponse de M. le secrétaire d'État et pour insister sur les conséquences de la décision d'AREVA.
Il s'agit d'une situation assez classique qui aura, malheureusement, des répercussions sur le plan humain, en raison de l'état de la pyramide des âges que j'ai évoqué, mais aussi de la non-anticipation de la restructuration, via un plan de formation de salariés très spécialisés, et du non-investissement à Montrouge. Tous ces éléments risquent d'empêcher ces personnels - quatre-vingt-neuf employés - de retrouver du travail.
Je tiens également à rappeler qu'il n'y aura plus aucun site de ce type en France et à insister sur le cynisme avec lequel on a obligé ces salariés hautement qualifiés à former des ingénieurs pour d'autres sites. Tout cela, bien évidemment, pour répondre à la sacro-sainte exigence de baisse du coût du travail !
Cette fermeture aura également des répercussions sur le plan industriel. Elle cache, en fait, une délocalisation orchestrée de la production en Allemagne, où AREVA a acquis Ritz Haute Tension, qui fabrique les mêmes produits. Reste à savoir si cette usine parviendra au même degré de certification, et donc de sécurité, pour les objets produits !
Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, pour justifier cette décision, AREVA invoque des raisons économiques et la petitesse du site.
Or, ainsi que vous l'avez souligné, un plan de redressement a été mis en place, qui a porté ses fruits puisqu'en un an les pertes sont passées de 1 million à 123 000 euros. J'insiste sur le fait que les salariés s'y sont particulièrement investis.
Je rappelle que, parallèlement, AREVA n'hésite pas à engloutir des sommes importantes pour ses investissements à l'étranger.
Je souligne également que le cabinet d'expertise comptable Secafi Alpha, mandaté par le comité d'entreprise, avait relevé des lacunes surprenantes, notamment l'absence de chiffrage du coût global prévisionnel du projet de liquidation du site. C'est pourquoi je pense que, lorsqu'on invoque des pertes, il faut tout prendre en compte.
Enfin, je me demande si la décision de fermer le site de Montrouge n'a pas été prise a priori, en faisant l'hypothèse de la rentabilité du projet sans en apporter la démonstration comme l'exige le livre IV du code du travail.
On doit s'interroger également, au final, sur le coût social pour la collectivité de la mise au chômage probable de salariés. Cela pose, une nouvelle fois, la responsabilité sociale de certains grands groupes à l'image d'AREVA, entreprise publique qui plus est !
Je sais que, cet après-midi, les négociations doivent reprendre. Je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à intervenir auprès de la direction d'AREVA pour que ces négociations aboutissent, et ce dans le sens de celles qui ont eu lieu précédemment sur le site de Saint-Ouen.