Mme Annie David. Monsieur le président, je ferai une présentation d'ensemble des amendements nos 42, 43, 44 et 45.
Madame la ministre, c'est votre ministère qui est chargé de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. Vous vous êtes souvent exprimée dans la presse sur ce sujet, tout comme M. le Premier ministre. Nous nous étonnons tout de même du partage de compétences organisé en la matière par M. Fillon. Il semblerait que nous n'ayons pas la même conception des demandeurs d'emploi.
À nos yeux, les demandeurs d'emploi sont des salariés privés temporairement de travail - même si le temporaire dure quelque peu à cause de votre logique libérale - et contre leur volonté. Nous estimons, pour notre part, qu'il appartient à l'État de les accompagner pour leur permettre, disons-le franchement, de se réinsérer dans le monde du travail.
Cette compétence, qui ne saurait être dévolue au privé, contrairement à la démarche qui est la vôtre aujourd'hui et que vous voulez encore accentuer, devrait relever du même ministère dont dépendent les salariés, c'est-à-dire du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, dont M. Xavier Bertrand a la charge.
En décidant de vous confier cette réforme, M. Fillon fait un aveu sur le fond : celle-ci n'aura pas pour objet de réduire le chômage en offrant aux demandeurs d'emploi des emplois stables et justement rémunérés. Dans votre ministère, madame la ministre, l'emploi fait allégeance à l'économie. On comprendra donc qu'il s'agit non pas de trouver un travail aux chômeurs, mais de combler les emplois vacants mal rémunérés, pénibles ou dangereux, comme je l'ai déjà dit dans mon intervention liminaire.
Le fait que ce soit le ministère de l'économie qui soit compétent pour encadrer cette fusion nous inquiète, et cela ne sera pas sans conséquences sur les missions de la future institution.
Après avoir auditionné les représentants nationaux du SNU, de FO, de la CFDT, de la CGT, et de CFTC-ASSEDIC, ainsi que ceux de la CGT-ANPE, nous vous proposons donc, mes chers collègues, d'adopter les amendements nos 42, 43, 44 et 45, qui visent à préciser les missions de la future institution.
Cela étant, je voudrais attirer plus particulièrement votre attention, mes chers collègues, sur trois éléments : la communication positive de l'institution en direction des entreprises, la lutte active contre les discriminations - et tel est l'objet de l'amendement n° 42 - et la participation à la réalisation des statistiques, prévue dans l'amendement n° 45.
Monsieur le président, pour répondre à la demande de la commission des affaires sociales, je souhaite modifier l'amendement n° 42, en supprimant le membre de phrase suivant : «, notamment en communiquant sur la loi et en signalant les pratiques délictuelles. »
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :
«1° Prospecter le marché du travail, procéder à la collecte des offres d'emplois, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre l'offre et la demande, participer activement à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle ;
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Annie David. Je voudrais conclure sur la communication positive de l'institution en direction des entreprises, et plus particulièrement des très petites et moyennes entreprises.
Il s'agit là de tenir compte d'une réalité économique. Les structures les plus petites sont souvent, malgré leur volonté, celles qui hésitent le plus à recourir à l'emploi, notamment en raison d'un manque d'information. Pour notre part, nous entendons acter ces besoins particuliers et tentons d'y répondre en faisant participer les entreprises à l'élaboration de stratégies en matière de création et de gestion d'emploi.
Par ailleurs, nous voulons également que cette nouvelle institution soit un outil performant pour lutter contre les formes de discrimination dans l'emploi, ce qui passe notamment par une information de qualité à destination des employeurs.
L'amendement n° 42 rectifié me semble aller dans le sens des annonces faites par le Gouvernement. Son adoption constituerait un changement considérable par rapport à la situation actuelle, car, depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale, certaines sociétés d'intérim qui participent au service public de l'emploi ont été, je le rappelle, condamnées par la justice de notre pays pour avoir délibérément instauré des pratiques discriminantes.
En considérant que le placement des travailleurs est un marché comme un autre, vous avez contraint les opérateurs privés à subir les règles du marché, certaines d'entre elles étant particulièrement odieuses.
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail par les mots :
et pour l'égalité professionnelle
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. S'il est un sujet aussi consensuel que la lutte contre les discriminations, c'est bien l'égalité professionnelle. Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de réparer ce qui est sans doute un oubli que nous avons constaté dans le texte.
Pour ce qui concerne la lutte contre les discriminations, les discours et les promesses se succèdent à l'envi. Sur le plan légal, ils se résument à un projet de loi d'adaptation de diverses mesures communautaires déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, un texte de mise en conformité qui ne modifiera pas vraiment notre législation.
S'agissant de l'égalité professionnelle, le Parlement a adopté la loi du 23 mars 2006, ayant pour objet de supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes d'ici à 2010. Or, ce n'est pas vous faire un procès, madame la ministre, que de constater que les femmes gagnent toujours en moyenne 20 % de moins que les hommes, qu'elles sont, pour 80 % d'entre elles, des salariés à temps partiel, le plus souvent un temps partiel contraint, et que 77 % des travailleurs à bas salaire sont des femmes. Les handicaps sont donc multiples.
Cette loi de 2006 prévoyait la prise en compte de l'égalité des sexes au sein du service public de l'emploi, des maisons de l'emploi et des services de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
À l'issue de la conférence tripartite qui s'est tenue au cours de l'automne dernier, votre collègue Xavier Bertrand a présenté des pistes d'action pour assurer l'égalité professionnelle. J'en rappelle les principales : l'accompagnement des entreprises pour s'approprier les outils existants, la mise en place de référents sur le sujet dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et la signature d'accords salariaux comportant des mesures d'égalité sous peine de refus d'agrément.
Des sanctions financières seraient même envisagées pour les employeurs qui n'auraient pas prévu au plus tard à la fin de l'année 2009 un plan de rattrapage pour les salaires des femmes. De plus, un projet de loi devrait être déposé sur ce sujet avant la fin du premier semestre de 2008.
Notre question est donc simple : où en êtes-vous ? Mais nous avons une question subsidiaire : les salariés de la nouvelle institution ne rendraient-ils pas service, conformément à leur vocation de conseil, aux salariés comme aux employeurs en les informant des évolutions législatives ? Cela irait dans le sens de la volonté générale qui s'est exprimée en la matière et permettrait aux employeurs d'anticiper les sanctions financières, qui seront, nous n'en doutons pas, particulièrement sévères.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 42 ayant été modifié par Mme David, il devient très proche de l'amendement n° 73.
Ces deux amendements, qui visent à lutter contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle, répondent aux objectifs ...
M. Guy Fischer. Légitimes !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ... de la politique de l'emploi.
En conséquence, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 42 rectifié, sachant que, s'il est adopté, l'amendement n° 73 sera satisfait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. J'ai un infini respect pour le travail qui a été réalisé par la commission des affaires sociales, sous l'autorité de Mme le rapporteur. J'aurais plutôt tendance à m'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée pour ce qui concerne ces deux amendements.
Toutefois, je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que l'article 2 du projet de loi, dans la rédaction proposée pour l'article L. 311-7 du code du travail, comporte déjà six alinéas particulièrement complets, décrivant de manière exhaustive, me semble-t-il, la mission de la nouvelle institution.
En précisant que celle-ci doit « veiller au respect des règles relatives à la lutte contre les discriminations à l'embauche », on fait très précisément référence à un certain nombre de questions relatives au libellé des offres d'embauche, auquel la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, est d'ailleurs, elle aussi, particulièrement sensible.
Certes, on peut allonger encore la liste en prévoyant d'y faire figurer la lutte contre toutes les inégalités, mais jusqu'où ce souci de l'exégèse de la loi va-t-il nous conduire ? Que faisons-nous figurer dans la loi et que faisons-nous figurer dans le décret ? Telles sont les questions que je me pose.
Je crains que tous les amendements qui vont venir en discussion n'aient le même objet. C'est un travail de dentelle qui, certes, peut être efficace, mais a-t-il véritablement sa place dans la loi ?
Je ne suis évidemment pas insensible, vous l'imaginez, à la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, et je participe moi-même à ce combat. Je suis évidemment aux côtés de mon collègue Xavier Bertrand, mais c'est à lui qu'il appartient de traiter ces questions dans le cadre de ses attributions.
J'indique, au passage, madame David, qu'il me paraît plutôt de bon augure de voir figurer l'emploi à côté de l'économie. Cela ne constitue pas un handicap, car l'emploi est une résultante de l'économie. L'ensemble des entreprises et des acteurs économiques concourent évidemment à la création d'emplois et, donc à l'économie française.
Pardonnez-moi cette digression un peu longue, monsieur le président, mais le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements. Je suis surprise, je dois l'admettre, par l'avis favorable de la commission, car je ne suis pas certaine que ces amendements participent de cette concision et de cette précision qui sont la marque du bon travail législatif.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 42 rectifié.
Mme Annie David. Je comprends bien, madame la ministre, que l'on ne puisse multiplier indéfiniment les alinéas dans un article de loi, en particulier lorsqu'il vise des missions bien précises.
Cependant, nous proposons, en l'occurrence, non pas d'ajouter une septième mission à celles qui sont déjà prévues par cet article, mais de modifier le texte existant au deuxième alinéa en ajoutant simplement la notion d'égalité professionnelle.
Je regrette donc, madame la ministre, que cet amendement n'ait pas recueilli un avis favorable du Gouvernement, et j'espère que la commission, quant à elle, maintiendra son avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, je pensais que vous alliez sinon émettre un avis favorable, du moins vous en remettre à la sagesse du Sénat, mais vous êtes revenue quelque peu en arrière.
Il ne me semble pas que l'ajout de la notion d'égalité professionnelle soit de nature à alourdir exagérément un texte qui fait très légitimement référence aux discriminations à l'embauche, discriminations dont on connaît les méfaits. En effet, cette notion montre le souci du législateur de faire en sorte que les propositions d'emploi soient identiques, assorties des mêmes conditions, notamment de rémunération, pour un homme et pour une femme.
Il relève tout à fait des missions d'une institution publique de veiller à cette égalité professionnelle.
Par conséquent, madame la ministre, peut-être pourriez-vous revenir sur votre avis défavorable et vous en remettre à la sagesse du Sénat, car vous sentez bien dans quel sens il va se prononcer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, me rendant aux arguments conjugués de manière aussi paritaire par Mme David et par M. Godefroy et, surtout, à la sagesse de Mme le rapporteur, je reviens sur l'avis défavorable que j'ai exprimé en premier lieu et je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement, en vous demandant de me pardonner cette valse-hésitation. (Sourires.)
Je n'ai pas de regret à changer d'avis, car il me semble en effet opportun d'ajouter la notion d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes comme objectif complémentaire de la mission au titre du 1°. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C'est bien !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Merci, madame la ministre !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 73 n'a plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 43, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :
« 2° Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel, prescrire toute action utile pour développer leurs qualifications professionnelles, favoriser leur reclassement et faciliter leur mobilité en se fondant sur le libre choix et volontaire de l'individu.
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 74, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
compétences professionnelles
rédiger comme suit la fin du troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour le l'article L. 311-7 du code du travail :
, et leurs qualifications, favoriser leur reclassement et faciliter leur mobilité en préservant leur faculté de choix ;
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Derrière cet amendement se profile une question majeure : en quoi ce texte sera-t-il utile aux demandeurs d'emploi ?
S'il ne peut évidemment, en soi, conduire à des créations d'emplois, en quoi va-t-il améliorer la situation des chômeurs et leur permettre de retrouver un emploi stable, correctement rémunéré et dans des conditions décentes ?
La rédaction de ce 2° du texte proposé pour l'article L. 311-7 du code du travail nécessite une réflexion. Ainsi, il est dangereux d'utiliser le terme d' « employabilité » dans un texte de loi, car c'est une notion totalement imprécise. Peut-on d'ailleurs la définir de façon objective ?
Cette définition relèverait peut-être du rôle des agents d'un service public de l'emploi, à cela près qu'un demandeur d'emploi, selon son âge, sa qualification, ses possibilités d'adaptation tant professionnelles que personnelles, qui pourra être considéré comme employable ici, ne le sera pas forcément dans une autre branche d'activité ou dans une autre entreprise. Jamais aucun critère objectif n'a été et ne pourra sans doute être établi sur cette notion dangereuse, je le répète, d'employabilité.
Nous avons récemment franchi un nouveau pas en passant de la notion d' « offre valable d'emploi », sur laquelle le débat était déjà vif, à celle d' « offre acceptable d'emploi », à laquelle j'ai fait référence en défendant ma motion tendant au renvoi à la commission et sur laquelle je n'ai d'ailleurs pas obtenu de réponse de Mme la ministre.
Nous ne pouvons approuver la notion d' « offre acceptable d'emploi ». En effet, elle laisse clairement entendre qu'il s'agit d'établir non plus si l'offre d'emploi est valable ou non, ce qui n'est déjà pas facile, et les experts sont intarissables à ce sujet, mais si elle est « acceptable ». Cela signifie que l'offre qui est considérée comme étant acceptable par telle personne doit donc être acceptée par cette dernière, que cela lui plaise ou non, compte tenu de ses caractéristiques, par exemple son faible niveau de qualification ou la durée du chômage. Autrement dit, ce qui se cache derrière l'offre acceptable, c'est une acceptation contrainte !
C'est pourquoi il nous paraît indispensable de préciser dans un texte traitant du service public de l'emploi que ce sont les qualifications des demandeurs d'emploi qui doivent être améliorées, car les qualifications sont répertoriées depuis longtemps, et que la liberté de choix des demandeurs d'emploi doit être préservée, afin de leur donner la possibilité de refuser une offre qui ne tient pas compte de leur formation et des qualifications acquises, qui prévoit une rémunération très inférieure à leur ancien salaire, ou qui porte un grave préjudice à leurs conditions de vie.
Tel est l'objet de cet amendement qui nous semble tout à fait important tant la notion d' « offre acceptable d'emploi » reste à l'heure où je parle totalement indéfinie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 43, nous avons dit tout à l'heure que la précision alourdissait énormément la rédaction de l'alinéa visé.
En ce qui concerne la mobilité volontaire, n'est-il pas souhaitable que le salarié contraint de changer de région à la suite d'un licenciement ait la possibilité de le faire ? Si la nouvelle institution lui propose un emploi ailleurs, il serait dommage de ne pas l'autoriser à changer de région.
Ces observations valent également pour l'amendement n° 74.
Au demeurant, je continue à penser que les dispositions proposées relèvent davantage de la politique de l'emploi que de la fusion ici en débat et des objectifs qui sont fixés à l'institution.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 43 et 74.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. S'agissant de l'amendement n° 43, la rédaction du texte qui vous est soumis étant suffisante pour indiquer les missions de l'institution en faveur des demandeurs d'emploi, il ne me paraît pas utile de l'alourdir.
Sur l'amendement n° 74, je ne vous ai pas répondu, monsieur Godefroy, car la définition de l'offre valable d'emploi est actuellement à l'étude par les partenaires sociaux, dans le cadre des négociations, discussions et concertations qui se tiennent tous les vendredis, depuis le début du mois de septembre, et qui devraient aboutir, nous l'espérons tous, à un accord en fin de journée demain.
Si un tel accord n'intervenait malheureusement pas, nous aborderions ce point, comme le Premier ministre me l'a demandé, lors d'une conférence qui se tiendra à la fin du mois de mars, en préalable à la négociation sur la nouvelle convention d'assurance chômage. À cette occasion, les discussions porteront sur les sujets de la compétence des partenaires sociaux, auxquels nous demanderions notamment d'examiner à nouveau cette notion d'offre valable d'emploi. Le cas échéant, un autre texte serait soumis à votre assemblée.
Pour l'instant, la définition de l'offre valable d'emploi est donc entre les mains des partenaires sociaux, auxquels nous avons demandé de mener leur réflexion à l'aune d'une série de critères figurant dans une convention de l'Organisation internationale du travail, mais dont, curieusement, nous ne nous servons pas beaucoup, contrairement à un certain nombre de pays. Si elle était appliquée à la lettre, cette convention nous amènerait à avoir un des systèmes les plus restrictifs en Europe.
Par conséquent, cette question de l'offre valable d'emploi me paraît relever non pas du texte dont nous débattons aujourd'hui, mais bien plutôt d'une concertation et d'une réflexion entre les partenaires sociaux et d'un autre texte ultérieurement si cela se révélait nécessaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 43 et 74.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 43.
Mme Annie David. Là encore, il s'agit non pas d'ajouter des missions à celles figurant dans cet article 2, mais au contraire d'alléger celles de ce 2° en supprimant la notion « d'amélioration de l'employabilité des demandeurs d'emploi ».
En effet, pour nous, à l'évidence, on ne peut accoler le terme d'employabilité à un salarié, qu'il soit actif ou privé d'emploi. Je l'ai très souvent entendu en entreprise lors de différents entretiens. C'est à mes yeux de la barbarie que de parler d'employabilité lorsqu'il s'agit des compétences professionnelles des travailleurs.
Ensuite, s'agissant de la mobilité, nous proposons d'ajouter les mots : « en se fondant sur le libre choix et le volontarisme de l'individu ». Selon nous, si elle ne peut pas être refusée de façon systématique, la mobilité ne peut pas non plus systématiquement être acceptée. Pensez au cas où, par exemple, on propose à un salarié d'aller travailler à Lille ou à Marseille, alors qu'il réside avec sa famille à Grenoble et que son conjoint occupe un emploi dans la région. La mobilité obligerait dans ce cas l'un des conjoints à démissionner pour suivre l'autre, ce qui n'est pas acceptable.
Nous proposons de préciser la notion de mobilité qui ne peut être laissée en l'état.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 74.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'ajoute aux propos tenus par Annie David que ce terme d'employabilité avait été utilisé dans le cadre du drame social de Moulinex. À chaque fois qu'il était question d'employabilité pour les anciennes ouvrières de l'entreprise, c'était généralement pour dire qu'elles n'étaient pas réemployables, sauf à accepter des emplois sans aucune qualification, ou très éloignés de leur domicile, ce qui était exiger beaucoup de salariées d'un certain âge qui avaient travaillé toute leur vie au sein de l'entreprise. La plupart d'entre elles n'ont d'ailleurs toujours pas retrouvé d'emploi, car on n'avait pas d'emploi à leur proposer en fonction de cette fameuse « employabilité », terme qui me choque moi aussi beaucoup.
En revanche, j'ai bien noté l'engagement de Mme la ministre de revenir devant le Parlement si les partenaires sociaux ne se mettent pas d'accord sur la définition de l' « offre valable d'emploi ».
Cela étant, nous tenons à maintenir cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa (4°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« ...°Contribuer à l'élaboration et à l'évolution de l'offre de formation professionnelle à partir du constat découlant des besoins des demandeurs d'emploi ;
« ...°Développer une expertise sur l'évolution prospective des emplois et des qualifications ;
« ...°Développer une expertise et capacité de conseil en matière de stratégie de gestion de l'emploi auprès des entreprises en particulier des très petites et petites et moyennes entreprises ;
« ...°Recueillir les données relatives à l'adéquation locale des offres et des demandes d'emploi, à l'évolution des qualifications, de l'évolution de la situation de l'emploi sous toutes ses formes et participer au schéma de développement national, régional, local de formation et de reconnaissance des qualifications ;
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les missions de la nouvelle institution.
S'il était adopté, la nouvelle institution empiéterait sur les compétences d'autres acteurs et, en particulier, celles des maisons pour l'emploi, auxquelles nous sommes attachés, en tout cas quand elles fonctionnent bien, ou encore sur les compétences des chambres de commerce et d'industrie, qui peuvent conseiller les entreprises. Il nous apparaît donc qu'il existe un risque de chevauchement.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, et pour les mêmes motifs.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa (5°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :
« 5° Participer, au sein d'un service public national des statistiques, au recueil et à l'élaboration de données relatives à l'emploi, à l'indemnisation des demandeurs d'emploi, à la récurrence des demandes d'emploi, et aux demandes d'emploi de longue durée. Participer à la mise en place d'une statistique des emplois occupés par les demandeurs d'emplois à la recherche d'un autre emploi. Élaborer une statistique descriptive des offres d'emplois en fonction de l'emploi offert que ce soit la durée du contrat, les horaires de travail, la qualification exigée, le salaire proposé, et des caractéristiques de l'offre d'emploi : récurrence de l'offre sans augmentation d'effectif, délai de satisfaction. Ces données statistiques sont diffusées et mises à la disposition du public ;
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. En commission, cet amendement a été jugé très explicite, peut-être trop, et il a été dit qu'il aurait plutôt sa place dans un décret ou dans un règlement intérieur.
Monsieur le président, je souhaite donc rectifier mon amendement, pour ne conserver que la première phrase du texte proposé pour le 5°.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa (5°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :
« 5° Participer, au sein d'un service public national des statistiques, au recueil et à l'élaboration de données relatives à l'emploi, à l'indemnisation des demandeurs d'emploi, à la récurrence des demandes d'emploi, et aux demandes d'emploi de longue durée ;
Veuillez poursuivre, madame David.
Mme Annie David. Il faut faire apparaître le fait que cette nouvelle institution conserve une compétence particulière en matière de statistiques pour fournir, en complément des URSSAF, à l'État, aux employeurs et aux citoyens des éléments chiffrés qui sont toujours utiles.
M. le président. L'amendement n° 92 rectifié, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Brisepierre et MM. Cointat, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Guerry, est ainsi libellé :
Compléter le 5° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Créer une base de données des Français à la recherche d'un emploi à l'étranger ou y travaillant déjà.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame le ministre, comme vous le savez en tant qu'ancien ministre du commerce extérieur, nos résultats économiques dépendent aussi de l'importance de notre présence à l'étranger.
Dans un contexte de mondialisation galopante, de compétitivité exacerbée, il est indispensable de développer, mais aussi de mieux appréhender, voire de mieux canaliser la mobilité transfrontière, afin qu'elle soit véritablement un atout pour notre pays.
De l'avis de beaucoup de responsables et d'acteurs de cette mobilité, élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, chambres de commerce françaises à l'étranger, comités consulaires ou ANPE, il est essentiel d'avoir une meilleure coordination administrative - et je vous félicite, madame la ministre, de ce projet de loi -, mais aussi de disposer de meilleurs outils de connaissance et d'évaluation de cette mobilité transfrontière.
Cet amendement vise donc, sur le fondement du volontariat, à créer une base de données des Français travaillant à l'étranger ou y recherchant un emploi. Cette base, qui pourrait être mise en place par le réseau spécialisé pour le placement et la réinsertion des Français à l'étranger, le réseau ANPE- ANAEM, serait utile pour plusieurs raisons.
D'une part, elle permettrait de créer un outil d'analyse rationnelle de la mobilité professionnelle française transfrontière, avec des critères d'appréciation tant qualitatifs que quantitatifs.
D'autre part, elle permettrait de mettre en adéquation les offres d'emploi et les profils de nos ressortissants à l'étranger, en améliorant le suivi de leur parcours professionnel.
En outre, elle permettrait d'exercer, grâce au réseau hors-frontières ainsi créé, de véritables veilles quant à de nouvelles possibilités d'emploi dans les différents pays et secteurs d'activité.
De plus, en croisant les informations de l'ANPE, des ASSEDIC, des comités consulaires pour l'emploi et la formation à l'étranger, les CCEFP, et des missions économiques, elle contribuerait à renforcer les contrôles et à lutter contre les fraudes, en nombre croissant, de personnes percevant des allocations chômage en France mais exerçant un emploi à l'étranger.
Enfin, et c'est essentiel, elle pourrait mieux aider à la réinsertion des personnes souhaitant rentrer en France pour y retrouver un emploi. Actuellement, l'expérience et les compétences internationales des Français expatriés ne sont que rarement valorisées à leur retour, alors qu'elles pourraient être extrêmement utiles aux entreprises françaises et à notre économie dans son ensemble.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission n'était pas favorable à l'amendement initial n° 45 de Mme David. À présent, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement sur sa version rectifiée.
S'agissant de l'amendement n° 92 rectifié, je ne doute pas que notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam connaisse très bien la situation des Français de l'étranger et ses arguments me paraissent convaincants. Cependant, et sans mettre en cause son bien-fondé, la commission a émis un avis réservé sur cet amendement et souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur cette situation très particulière.
Je dois reconnaître que, bien que plusieurs amendements les concernant aient été déposés, je n'ai pas eu le temps de me pencher sur le sort des Français de l'étranger en particulier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 45 rectifié, car il ne lui paraît pas nécessaire d'alourdir le texte proposé pour l'article L. 311-7 du code du travail. Il nous semble que la convention tripartite y pourvoira.
Quant à l'amendement n° 92 rectifié, si je comprends bien vos propos, madame Garriaud-Maylam, il concerne plus particulièrement les Français résidant à l'étranger non loin de nos frontières.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pas seulement !
Mme Christine Lagarde, ministre. Certes, mais notamment !
Le 5° de l'article 2 dispose bien que la nouvelle institution aura notamment pour mission de « recueillir, traiter, diffuser et mettre à la disposition des services de l'État et de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage les données relatives au marché du travail et à l'indemnisation des demandeurs d'emploi ». Certes, cette mission est assez générique et globale et ne concerne pas spécifiquement les Français de l'étranger, qui, par définition, n'ont pas vocation à travailler en France.
La question que vous avez soulevée est parfaitement légitime, mais elle mérite expertise. J'estime en effet que la mise en place d'une base de données spécifique pour les Français de l'étranger devrait préalablement faire l'objet d'une étude de faisabilité opérationnelle. Cela étant, j'ai bien conscience de la nécessité de mettre en place des outils statistiques, d'information et de contrôle spécifiques, ne serait-ce que pour lutter contre les fraudes, mais dans le cadre de ce qui est prévu au 5°du texte proposé pour l'article L. 311-7 du code du travail.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous serais reconnaissante de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice.