M. Gérard Cornu, rapporteur. C'est un peu excessif !
Mme Odette Terrade.... et nous tenons aux prérogatives de nos assemblées. Nous ne sommes dès lors pas favorables aux ordonnances, vous le savez bien !
D'autre part, au regard de l'expérience récente en droit du travail et de l'interprétation très libre que vous faites de la notion de « recodification à droit constant », la prudence nous conduit à nous opposer à ce transfert de compétences.
Alors que les Français en ont assez de voir les profits s'envoler, leurs salaires stagner et la misère augmenter, alors qu'ils veulent des emplois, une revalorisation des salaires, des minima sociaux, vous leur répondez « baisse des prix », mais celle-ci est laissée à la bonne volonté de la grande distribution.
La France doit prendre un certain nombre de mesures vitales pour la relance de son économie. Cette relance passe par le contrôle des puissances d'argent, de la spéculation stérile. Elle nécessite un encouragement financier des investissements réalisés pour l'emploi, le développement, la recherche. Elle suppose l'introduction d'une justice fiscale et l'abaissement des prélèvements indirects pour aider les ménages les plus modestes. Elle implique de revenir sur la casse du service public et des emplois publics.
Monsieur le secrétaire d'État, votre projet de loi sera sans effet sur une revalorisation durable et sensible du pouvoir d'achat de nos concitoyens. En fin de compte, la liberté que vous leur offrez consiste à travailler plus la semaine et à faire les courses le dimanche en achetant à bas prix des produits de moindre qualité.
Les membres du groupe CRC ne peuvent vous suivre dans cette voie. Vos objectifs affichés d'amélioration du pouvoir d'achat méritaient des mesures de fond autrement plus ambitieuses. Ces mesures, nous aurons à coeur de les porter dans le débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la perte de leur pouvoir d'achat est au centre des préoccupations de bon nombre de nos citoyens. Hélas, pour beaucoup, il s'agit du « pouvoir survivre » !
Désormais, la quasi-totalité des classes sociales, des plus modestes aux classes moyennes supérieures, connaissent des fins de mois difficiles. Les causes en sont connues : flambée des prix de l'immobilier, hausse du coût de l'énergie, du coût des carburants et des nouvelles consommations telles que la télévision, l'internet, le téléphone portable. J'arrête là cette énumération qui pourrait être sans fin.
Ainsi, selon l'étude « Noël 2007 » du cabinet Deloitte, les Français sont 56 % à juger que leur pouvoir d'achat est en baisse et beaucoup pensent qu'ils n'en ont plus du tout.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui a pour objectif de développer la concurrence pour le plus grand bénéfice des consommateurs dans les secteurs de la grande consommation, des télécommunications et de la banque.
Nous nous réjouissons des avancées indéniables que ce texte comporte, monsieur le secrétaire d'État, mais nous regrettons qu'il ne traite que de la partie émergée de l'iceberg. C'est pourquoi nous attendons avec impatience le second projet de loi sur le pouvoir d'achat qui, lui, prévoit un nouveau dispositif d'indexation des loyers, l'habitat étant le premier poste de dépenses des ménages.
Le projet de loi qui nous est présenté parachève tout d'abord la réforme de la loi Galland. Il prévoit ainsi de faire évoluer les relations entre les distributeurs et les fournisseurs en ce qui concerne la définition du seuil de revente à perte, l'intégration des marges arrière, l'instauration d'une convention unique de négociations commerciales, l'extension des contrats types pour les produits agricoles et halieutiques et la dépénalisation des infractions à la législation commerciale.
C'est vrai, les relations commerciales dans notre pays sont caractérisées par une telle opacité qu'elles sont incompréhensibles pour le consommateur et souvent pour le fournisseur lui-même. Aussi est-il urgent de les clarifier et de les simplifier. Toutefois, depuis trente ans, les pouvoirs publics n'ont cessé d'intervenir pour rééquilibrer les relations entre les différents acteurs de la filière commerciale. Mais chaque loi votée a développé - comme c'est souvent le cas - des effets pervers en sus des effets attendus.
Faut-il pour autant imputer l'augmentation excessive des marges arrière à la seule loi Galland ? Ce travers ne trouve-t-il pas aussi son origine dans le rapport de force inégale qui existe entre les centrales d'achats et les fournisseurs contraints d'accepter les conditions proposées par la grande distribution sous peine d'être déréférencés ?
J'en veux pour preuve l'impressionnant cahier des charges imposé par un grand nom de la distribution à ses fournisseurs, qui comporte onze pages de conditions générales d'achat et non de vente !
Je tiens, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à appeler votre attention sur deux sujets d'inquiétude : l'aménagement de nos territoires et la fragilisation de nos PME.
En ce qui concerne l'aménagement de notre territoire, le commerce de proximité participe de notre style de vie même. On voit bien ce qui se joue au travers de ce texte : l'exacerbation d'un déséquilibre déjà trop important entre petite et grande distribution, entre commerces de proximité et moyennes et grandes surfaces, entre centre-ville et périphérie.
Au cours du débat, nous devons conserver à l'esprit des données essentielles : alors que la France est le pays d'Europe où la densité des grandes surfaces est la plus élevée, parallèlement, notre population vieillissante réclame des commerces de proximité.
Enfin, le seul secteur de l'artisanat et du commerce alimentaire de proximité représente 25 % du marché du secteur alimentaire et près de 430 000 emplois. En 2006, ont été créés dans ce secteur trois fois plus d'emplois que dans la grande distribution. Quelles réponses voulons-nous apporter à la question de la vitalité de nos bourgs, à celle de l'animation de notre vie locale ou encore à celle de la qualité de nos produits et de la transmission de nos savoir-faire ? Ce sont des éléments qu'il convient de prendre en considération.
Le second sujet d'inquiétude concerne la fragilisation de nos PME. Si nous choisissons de nous engager dans une trop grande libéralisation des pratiques commerciales, il ne faudrait pas que, sous prétexte de faire baisser les prix de vente, la grande distribution étouffe, au travers de ses conditions, les PME déjà pressurées ou qu'elle soit tentée par des importations de produits à très bas coût d'acquisition du fait des conditions de rémunération indignes pratiquées envers les salariés...
M. André Dulait. Et les enfants !
M. Philippe Nogrix.... des pays de provenance. Nous serions inondés de ces produits à bas coût.
M. Bernard Dussaut. Eh oui !
M. Philippe Nogrix. Nous aurons également à débattre, grâce à l'amendement présenté par notre collègue Isabelle Debré et plusieurs des membres du groupe UMP, de l'ouverture dominicale du commerce de détail.
M. Bernard Dussaut. Il ne manquerait plus que cela !
M. Philippe Nogrix. Cet amendement concernerait trois secteurs : les établissements de commerce de détail d'ameublement, les établissements de commerce d'équipement de la maison et les établissements de commerce de bricolage. En définitive, il concernerait tous les commerces. Il suffira, en effet, dans une mercerie, de mettre une panoplie de trois tournevis pour dire que l'on fait aussi du bricolage et pouvoir ouvrir à n'importe quel moment, puisque la loi le permettra.
M. Bernard Dussaut. C'est du bricolage ! (Sourires.)
M. Philippe Nogrix. Cela ne fera qu'ajouter des dérogations aux 180 dérogations déjà existantes ! Quel est l'intérêt de légiférer sur ce sujet ?
Parallèlement, monsieur le secrétaire d'État, vous avez annoncé des évolutions de la réglementation actuelle dans trois directions : rendre possible l'ouverture de zones commerciales « huit ou dix dimanches par an », résoudre l' « absurdité » du découpage des zones touristiques et prévoir l'assouplissement des règles dans les grandes agglomérations.
Par ailleurs, le Conseil économique et social, que nous devons toujours écouter pour son expertise et sa connaissance des problèmes, a rendu récemment un avis sur le rapport de Léon Salto où est abordée l'ouverture dominicale des commerces. Comme le souligne ce rapport, il est bien difficile de se prononcer définitivement, à l'heure actuelle, pour ou contre l'ouverture dominicale des commerces tant les arguments se répondent, se contredisent et, parfois même, s'opposent.
Premièrement, l'argument de la croissance économique joue-t-il en faveur de l'ouverture dominicale ? Sans aucun doute s'agissant des 78 millions de touristes qui visitent la France chaque année. Mais, dans les zones moins touristiques, l'effet demeure incertain.
Deuxièmement, la création d'emplois est-elle un argument essentiel en faveur de cette ouverture ? Oui, mais il faudrait comparer ces créations avec les destructions d'emplois dans les secteurs qui ne pourraient pas ouvrir le dimanche.
Troisièmement, l'amélioration du service au consommateur justifie-t-elle cette mesure ? Bien sûr, mais ce serait au détriment des activités culturelles et familiales. Le dimanche, les familles n'auront-elles plus pour seul loisir que d'aller se promener dans les grandes surfaces pour y contempler ce qu'il y a à consommer, au lieu de passer un moment ensemble, de participer à une activité associative, sportive ou culturelle ?
Enfin, si les grands commerces ont peu de mal à s'adapter, les petits commerçants en auront-ils la possibilité ?
C'est pourquoi les sénateurs du groupe UC-UDF souhaitent que seuls les salariés qui le désirent vraiment puissent travailler le dimanche, mais surtout qu'une égalité de traitement soit assurée sur l'ensemble du territoire, la logique des zones touristiques ayant atteint ses limites.
Par ailleurs, ce projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs comporte des avancées indéniables, notamment dans le domaine des communications électroniques ou en termes de clarification des relations entre les banques et leurs clients : les mesures qu'il prévoit sont bonnes parce qu'elles tendent à protéger le consommateur, qui a besoin d'être protégé.
Le développement des services de communication électronique, qu'il s'agisse de la téléphonie mobile ou de l'accès à Internet, a été considérable au cours de la dernière décennie. Sommes-nous capables de comprendre l'évolution passée et le futur que les nouvelles technologies nous préparent ?
L'importance des investissements à consentir pour devenir opérateur ou fournisseur de services a limité l'animation du marché à un très petit nombre d'acteurs. Cette situation quelque peu oligopolistique a conduit à des abus, qui ont été sanctionnés. Les opérateurs de téléphonie mobile dits « historiques », largement dominants sur le marché français, restent cependant quelque peu suspects de fausser le marché, tout au moins aux yeux des consommateurs.
Toutefois, dans le domaine des communications électroniques, il est indispensable de trouver le bon équilibre entre les intérêts des consommateurs et la bonne santé de ce secteur économique dont l'effet de levier est très puissant pour la croissance du pays. Je tiens à rappeler que la France se distingue par les meilleures offres, notamment en termes de tarifs, pour le haut débit et la téléphonie mobile, avec la facturation à la seconde et la messagerie gratuite, par exemple.
De plus, les bouleversements technologiques à venir, notamment la télévision mobile personnelle, vont transformer plus radicalement encore l'usage des communications électroniques dans la vie quotidienne ; à ce titre, la question des capacités des terminaux et de leur coût deviendra cruciale. C'est pourquoi j'appelle à la plus grande prudence quant à la durée d'engagement qui conditionne les subventions des terminaux qui seront mis en place.
L'image des banques dans l'opinion se dégrade progressivement, principalement à cause de l'augmentation des frais bancaires. En effet, ces frais paraissent bien complexes aux yeux des clients : ils sont peu lisibles et, surtout, le lien est difficile à établir entre leur montant et le service réellement rendu. Comment accepter qu'aujourd'hui, au moment où l'électronique entre dans notre vie quotidienne, le chèque soit gratuit et un virement par Internet payant, alors qu'il suffit d'un clic et que l'opération est automatique ! Les banques ont glissé subrepticement cette prestation dans leurs frais. Quelle raison économique peut-on avancer pour justifier une mesure aussi incompréhensible ?
Monsieur le secrétaire d'État, le présent projet de loi va dans le bon sens car il vient renforcer les garde-fous qui existent déjà. En effet, deux mesures importantes concernent les relations entre les banques et leurs clients.
La première concerne l'élargissement du champ de la médiation bancaire - notre collègue Hérisson en parlé. Elle étend cette procédure à tout litige relatif aux services fournis et à l'exécution de contrats conclus dans le cadre des dispositions des titres Ier et II du livre III du code monétaire et financier et aux litiges relatifs aux produits mentionnés aux titres Ier et II du livre II du même code.
La seconde disposition prévoit que les banques devront fournir un récapitulatif annuel des frais bancaires payés par les clients au titre de la gestion de leur compte de dépôt. Cette mesure permettra d'atténuer l'opacité reprochée par les clients.
Enfin, les députés ont ajouté un article visant à améliorer l'information du bénéficiaire potentiel d'un prêt à taux variable. Ce dispositif, complété par l'amendement de la commission des affaires économiques tendant à renforcer l'information du consommateur sur sa liberté de choisir son assurance en matière de crédit immobilier, permettra aux souscripteurs de crédit de disposer d'une information transparente et complète avant de s'engager. Je remercie M. le rapporteur d'avoir déposé cet amendement, au nom de la commission.
Le groupe UC-UDF a cependant souhaité aller plus loin afin de renforcer la lutte contre le surendettement. En effet, le nombre des dossiers de surendettement a augmenté en 2007, malgré les dispositions de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dite loi Borloo. Environ 15 % des ménages français, soit environ 7,5 millions de personnes, avouent rencontrer des difficultés à rembourser leurs créances. Il faudra travailler sur ce sujet : les crédits sont accordés sans étude approfondie de la situation des bénéficiaires, parfois directement à la caisse d'un grand magasin.
C'est pourquoi nous soumettrons à notre assemblée des amendements visant à responsabiliser les établissements de crédits en les obligeant à étudier la situation financière des souscripteurs et à rendre obligatoire un délai d'agrément de sept jours, sans aller jusqu'à l'instauration de listes noires puisque la CNIL, comme vous le savez, est hostile à la création de listes positives récapitulant l'ensemble des crédits souscrits par les particuliers, ce qui serait susceptible de porter atteinte à la liberté individuelle.
Il me reste à féliciter le rapporteur pour son excellent travail. Je me réjouis d'ailleurs qu'il nous propose d'approfondir le travail réalisé par les députés, en renforçant la protection du consommateur dans le cadre de la vente à distance et en reconnaissant le pouvoir du juge de soulever d'office un moyen tiré des règles protectrices issues du droit de la consommation.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UC-UDF, dans sa très grande majorité, votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Avec ce projet de loi que M. le secrétaire d'État qualifie de « grand public », l'objectif du Gouvernement est d'agir sur le levier de la concurrence pour faire baisser les prix et augmenter ainsi le pouvoir d'achat, promesse du candidat Sarkozy.
M. Michel Teston. Le projet de loi pour le développement de la concurrence au service du consommateur comporte donc des dispositions concernant la grande distribution, les services bancaires et le secteur des communications électroniques. Mon intervention portera sur le volet relatif aux communications électroniques, pour déterminer si ce texte est de nature à mieux garantir le consommateur face à son fournisseur ou s'il s'agit seulement d'en donner l'illusion.
J'examinerai d'abord les mesures figurant dans le projet du Gouvernement ; ensuite, celles qu'ont ajoutées nos collègues députés ; enfin, les propositions que la majorité de la commission des affaires économiques compte soumettre au Sénat, ce qui me permettra d'annoncer à grands traits les propositions d'amendements que nous défendrons lors de l'examen des articles.
Dans le texte du Gouvernement, trois articles seulement étaient consacrés au secteur des communications électroniques. Le premier portait sur la gratuité des temps d'attente lorsqu'un consommateur veut accéder aux services de son propre fournisseur : service après-vente, assistance technique ou traitement des réclamations. Le deuxième limitait à dix jours le préavis de résiliation du contrat comme le délai de restitution des avances et du dépôt de garantie, en cas de cessation du contrat. Le troisième appliquait la législation sur les sanctions à ces nouvelles obligations.
Le texte du Gouvernement comportait donc certaines avancées, suffisamment timides pour inciter l'un de nos collègues députés à qualifier ces mesures de « cosmétiques ». En tout cas, les avancées étaient modestes, alors que les communications électroniques concernent un nombre très important de Français : 53 millions d'entre eux sont abonnés au téléphone mobile.
La première lecture à l'Assemblée nationale a été caractérisée par de nombreuses initiatives, émanant tant de la majorité que de l'opposition, qui se sont traduites par l'adjonction d'articles nouveaux, dont la plupart devraient permettre une meilleure protection du consommateur. Ainsi, nous examinons aujourd'hui un texte dans lequel figurent de nombreuses améliorations.
La première porte sur la gratuité du temps d'attente pour les numéros surtaxés, reconnue par l'article 6 A nouveau. Il s'agit de généraliser cette gratuité à tous les appels et, non plus uniquement, aux appels vers les plateformes de service après vente, assistance et réclamation, comme cela est prévu à l'article 7.
La deuxième amélioration consiste à imposer la mention de la durée d'engagement restant à courir ou de la date de la fin du contrat sur les factures envoyées au client. C'est un progrès important en matière de transparence des relations entre consommateur et opérateur, introduit par l'article 6 bis nouveau.
La troisième amélioration tend à prolonger les services gratuits initialement offerts et facturés dès l'expiration de la période promotionnelle. Actuellement, le client qui ne désire pas bénéficier de ces services doit faire une démarche afin de les supprimer. Cette pratique se rapproche beaucoup d'une vente forcée. L'adoption, par l'Assemblée nationale, d'un dispositif subordonnant le passage du gratuit au payant à l'accord exprès du consommateur est positive ; elle fait l'objet de l'article 6 ter nouveau.
La quatrième amélioration a trait à la durée d'engagement contractuel. C'est une question essentielle dans la mesure où, à ma connaissance, la France est le seul pays où la durée d'engagement est généralement de vingt-quatre mois. Depuis l'examen à l'Assemblée nationale, il est prévu que, pour toute offre d'abonnement d'une durée supérieure à douze mois, l'opérateur est tenu de proposer simultanément la même offre de services pour une durée d'engagement limitée à douze mois et d'offrir au consommateur agissant à des fins non professionnelles de résilier le contrat par anticipation à compter de la fin du douzième mois suivant l'acceptation d'une telle clause, moyennant le paiement d'un tiers, au plus, du montant dû au titre de la fraction non échue de la période minimale du contrat.
La cinquième amélioration consiste en l'obligation imposée aux opérateurs de téléphonie mobile d'insérer, dans leur offre commerciale, un abonnement forfaitaire familial comprenant au minimum trois utilisateurs. Le texte adopté par l'Assemblée nationale est ainsi plus favorable aux consommateurs que le texte présenté par le Gouvernement.
Le groupe socialiste du Sénat considère cependant qu'il convient d'aller plus loin et présentera des amendements pour mieux protéger le consommateur face à son fournisseur.
En matière de transparence et d'information, nous demanderons, notamment, que les opérateurs fournissent régulièrement à leurs clients des informations sur leur profil de consommation. Ces informations sont précieuses afin que chacun puisse adapter son contrat à ses pratiques réelles.
Quant à l'interdiction de non-surtaxer certains numéros, nous proposerons de l'étendre aux numéros des services publics, des collectivités territoriales et de la santé, dont les missions d'intérêt général justifient un traitement égal pour tous les citoyens.
Sur la question de la durée d'engagement et des frais de résiliation, nous estimons qu'une durée d'engagement de douze mois est pertinente et qu'une durée supérieure serait excessive. Si le principe de l'engagement de douze mois n'était pas retenu par notre assemblée, il serait nécessaire de veiller à ce que les frais de résiliation des engagements de plus de douze mois ne soient pas prohibitifs. En conséquence, nous demanderons qu'une information claire et explicite soit fournie au consommateur sur les frais de résiliation.
Enfin, pour répondre à l'attente légitime des personnes sourdes et malentendantes, nous proposerons la création de centres relais téléphoniques.
M. Bernard Dussaut. Très bien !
M. Michel Teston. Si l'Assemblée nationale a amélioré cette partie du projet de loi sur certains points, elle a aussi fait fausse route, à mon sens, en introduisant le dispositif prévu à l'article 6 quater nouveau.
Au motif de développer la concurrence, vecteur essentiel de l'amélioration du pouvoir d'achat selon l'auteur de l'amendement qui avait pour objet d'insérer ce dispositif dans le projet de loi, cet article permet le fractionnement de la deuxième composante du service universel en chacun de ses éléments : les renseignements d'un côté, l'annuaire d'abonnés de l'autre. Il autorise aussi plusieurs opérateurs à assurer une même composante et supprime la clause de sauvegarde, qui précisait jusqu'alors que l'opérateur doit être en capacité d'assurer sur l'ensemble du territoire la composante du service universel au titre de laquelle il a été retenu.
Nous proposerons donc de supprimer ce dispositif qui, loin de favoriser les consommateurs, risque de remettre en cause la qualité du service public des télécommunications par un fractionnement inégalitaire.
Cela étant, puisque cet article a été introduit par l'Assemblée nationale, j'en tire la conclusion que nous pouvons légiférer, dans le cadre de l'examen du présent projet de loi, sur le contenu du service universel. Nous proposerons donc, par voie d'amendement, d'élargir le champ du service universel des communications électroniques à la téléphonie mobile, notamment de dernière génération, ainsi qu'à l'internet à haut et à très haut débit, afin de répondre à l'attente de bon nombre de nos concitoyens.
D'une manière générale, nous serons particulièrement vigilants à ce que certaines améliorations apportées par l'Assemblée nationale ne soient pas vidées de leur contenu.
En effet, l'adoption de certains amendements de la commission des affaires économiques aurait pour conséquence directe une moindre protection des consommateurs, ce qui irait à l'encontre de l'esprit du texte.
M. Bernard Dussaut. Exact !
M. Michel Teston. J'illustrerai mon propos par deux exemples.
En premier lieu, comme cela a été souligné auparavant, instaurer la gratuité du temps d'attente pour les services téléphoniques surtaxés constituerait un réel progrès. Or le rapporteur propose la suppression de cette disposition introduite à l'Assemblée nationale. Nous sommes opposés à cette suppression, les obstacles techniques invoqués n'étant pas insurmontables à moyen terme.
En second lieu, selon le rapporteur, la mise en place de « forfaits famille » irait à l'encontre de la liberté commerciale des opérateurs. Il convient tout de même de rappeler que le texte que nous examinons est censé viser à augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs et non pas, prioritairement, les marges des opérateurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il nous paraîtrait donc malvenu de supprimer l'article en question.
Au final, et compte tenu de ces remarques, le constat suivant peut être dressé : l'Assemblée nationale a apporté certaines améliorations au texte du Gouvernement ; ces avancées, qui ne sont toutefois pas suffisantes, risquent d'être réduites en raison des choix effectués par la majorité des membres de la commission des affaires économiques. Nous serons attentifs à l'accueil qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 27 novembre dernier, interrogés sur leur situation personnelle par la SOFRES, les Français ont fait état d'une dégradation de leur pouvoir d'achat et d'une extension du chômage dans leur entourage. Ils ont aussi dit avoir des difficultés à mettre de l'argent de côté et, en conséquence, ne pas prévoir d'achats importants à court terme.
Lors de la rentrée de 2007, les Français ont en majorité fait état d'une dégradation de leur pouvoir d'achat : 58 % d'entre eux ont dit qu'il avait plutôt diminué en un an, tandis que 8 % seulement ont estimé qu'il avait plutôt augmenté.
Les pronostics sur l'évolution du pouvoir d'achat confirment cette tendance négative : si 12 % des Français pensent qu'il va augmenter au cours des douze mois à venir, 41 % d'entre eux croient qu'il va rester stable et 42 % qu'il va diminuer.
Le pouvoir d'achat et la crainte de le voir baisser sont donc aujourd'hui la préoccupation première des Français. Ce fut un enjeu fondamental et un thème majeur de la campagne présidentielle,...
M. Bernard Dussaut. Eh oui !
M. Michel Houel.... et il n'était donc pas possible de laisser les choses en l'état.
M. Bernard Dussaut. Cela s'aggrave !
M. Michel Houel. La relance du pouvoir d'achat est une grande cause nationale du Président de la République, que nous avons le devoir de soutenir. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Odette Terrade. C'est limité, comme soutien !
M. Michel Houel. Il faut donc se féliciter de ce que le Gouvernement s'attaque à la « vie chère », motif d'angoisse dénoncé systématiquement, depuis de longs mois, par nos concitoyens.
En juillet dernier, nous avons voté la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, qui réhabilite le travail et correspond aux attentes des Français en matière de pouvoir d'achat et d'emploi.
M. Bernard Dussaut. Elle n'a pas beaucoup d'effet !
M. Michel Houel. Ce texte vise notamment à augmenter les revenus disponibles des Français grâce à des mesures telles que la défiscalisation des heures supplémentaires, le crédit d'impôt lié aux intérêts des emprunts contractés en vue de l'acquisition d'une résidence principale ou l'extension du champ des exonérations de droits de succession.
Pour obtenir la hausse des salaires, il est plus réaliste de parier sur la revalorisation du travail, car selon nous, avant de redistribuer la richesse, il faut commencer par la créer. À cet égard, l'honnêteté voudrait que l'on laisse à cette loi le temps de produire ses effets, par la montée en charge et la pleine application des mesures qu'elle comporte. Je trouve particulièrement déplacé et abusif de déclarer que ce texte n'a pas suscité, au regard de la croissance et de la confiance, le choc voulu par le chef de l'État.
Peut-on espérer, dans ce pays, avoir un peu de temps pour réaliser les réformes et surtout pour être jugé sur leurs effets ? Tout ne se fera pas en un jour, et je rappelle que, si la confiance ne se décrète pas, elle a besoin, pour se développer, d'un contexte que nous sommes justement en train de créer. Alors, mesdames, messieurs de l'opposition qui avez manifesté tout à l'heure votre insatisfaction, je vous demanderai tout simplement un peu de patience !
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Bernard Dussaut. Cela fait des années que vous êtes au pouvoir !
M. Michel Houel. Le second axe de la relance du pouvoir d'achat, c'est la baisse des prix.
Le présent projet de loi a précisément pour principal objet d'amener la diminution des prix, en misant sur les vertus de la concurrence bien régulée au service des consommateurs. Cette démarche s'inscrit dans une logique pragmatique et concrète, prenant en compte les acteurs du marché et ayant des répercussions visibles et mesurables sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Envisager la concurrence non comme une fin en soi, mais comme un moyen, dont l'emploi se justifie pleinement lorsqu'il est mis au service du consommateur et de son pouvoir d'achat, est une démarche qui reçoit notre plein et entier soutien.
Ce texte vise donc au développement de la concurrence au bénéfice des consommateurs. Il s'agit d'adresser un signe fort à nos concitoyens en améliorant leur confiance. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des mesures contenues dans ce projet de loi, le rapporteur, mon collègue Gérard Cornu, l'ayant déjà fait avec beaucoup de brio.
Je souhaite simplement faire certaines remarques et souligner les mesures qui me paraissent les plus importantes.
Trois postes de dépenses incontournables sont visés dans ce projet de loi : les produits de grande consommation, dont les prix ne reflètent pas totalement, pour les consommateurs, le résultat des négociations entre distributeurs et fournisseurs ; les communications électroniques, qui sont devenues indispensables et pèsent parfois très lourdement sur le budget des ménages ; les services bancaires, dont la transparence, en matière de frais supportés par les clients, mérite souvent d'être améliorée.
Pour ma part, je centrerai mon propos sur le premier point, qui me paraît fondamental.
La réintégration dans le prix de revente de la totalité des marges arrière constitue une option de première ampleur. C'est en quelque sorte la fin du flou artistique, et une vraie simplification du calcul et de la détermination du prix d'achat effectif. L'intégralité des marges arrière, c'est-à-dire les sommes versées aux grandes surfaces par les fournisseurs en échange de la promotion de leurs produits, devra désormais être intégrée dans le calcul du prix de vente au consommateur. Ristournes, rabais et frais de coopération commerciale devront donc figurer sur les factures des fournisseurs à leurs distributeurs. Il s'agit d'un progrès considérable et de l'aboutissement d'un processus de réflexion et de réforme débuté en 2004 par le bilan contrasté des effets de la loi Galland.
C'est donc le retour au fameux « triple net » pour aider à redonner du pouvoir d'achat aux Français en favorisant l'accélération de la baisse des prix constatée à la suite de la réforme dite Dutreil. Cela nous paraît être la solution la plus proche de la réalité économique. L'article visé ne remet pas en cause l'interdiction de la revente à perte, dont le principe remonte à 1963 et qu'il faut, à mon sens, absolument maintenir. Cela permet d'empêcher l'apparition d'une spirale déflationniste destructrice pour les fournisseurs, le petit commerce de proximité, ainsi que, bien évidemment, les consommateurs.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Tout à fait !
M. Michel Houel. Je profite de cette occasion pour dire que nous sommes un certain nombre à accueillir avec la plus grande réserve les premières propositions de la commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Attali, qui suggère notamment l'abandon de cette prohibition.
Le seuil de revente à perte intégrant désormais la totalité des marges arrière, les distributeurs disposeront d'une grande souplesse, leur permettant de vendre à prix coûtant. Le passage au « triple net » doit conduire à des baisses significatives des prix de revente au consommateur, compte tenu du niveau moyen des marges arrière qu'exigent les distributeurs. Contrairement à ce que pourraient donner à croire certaines affirmations outrancières, rien n'interdit désormais aux distributeurs de redonner du pouvoir d'achat aux Français. Monsieur le secrétaire d'État, vous parlez d'un gain de 2,5 milliards d'euros...
Le texte prévoit également un contrat unique de coopération commerciale retraçant la totalité de la négociation commerciale entre un fournisseur et un distributeur. Cela devrait apporter un surcroît de transparence dans les relations commerciales. C'est là un allégement très important de la complexité juridique des relations commerciales, qu'il faut saluer.
Je souhaite en outre revenir sur la modification du régime des contrats types agricoles. Ces contrats pourront ainsi comporter une clause de rendez-vous en cas de fortes variations des cours des matières premières. Il s'agit d'un point important, la hausse des matières premières étant en effet particulièrement significative depuis plusieurs mois. Ainsi, le cours du blé tendre avait augmenté, au mois de juillet 2007, de 61,3 % en glissement annuel, celui du maïs de 54 %, tandis que le cours du lait a crû de près de 6 % entre janvier et juillet. Ces évolutions affectent par ricochet d'autres productions ; ainsi, le coût de production de certaines viandes de volaille ou de porc s'explique, à hauteur de plus de 50 %, par le prix des céréales, lesquelles constituent la base de l'alimentation du bétail.
En ce qui concerne la dépénalisation du refus de communication des conditions générales de vente, elle répond au constat de l'inefficacité des sanctions pénales, compte tenu de la faiblesse du montant des amendes et de la longueur des procédures, dont le terme éloigné n'incite pas à faire cesser les pratiques abusives. Le refus de communication des conditions générales de vente doit, à notre avis, relever de la sanction civile. Pour autant, il convient de veiller à ce que demeurent pénalement sanctionnées les infractions les plus graves et les cas de récidive.
Je suis favorable à l'instauration d'un système d'amendes civiles dont les montants seraient proportionnels aux avantages tirés de la pratique illicite. Par ailleurs, la suppression de l'inscription au casier judiciaire, pour les dirigeants d'enseigne, des infractions sur la revente à perte me paraît souhaitable. J'espère que les propositions du groupe de travail chargé de réfléchir à la dépénalisation de la vie des affaires, présidé par M. Jean-Marie Coulon, permettront de trouver un équilibre adapté à la situation.
Voilà les points sur lesquels je souhaitais intervenir et donner mon sentiment, monsieur le secrétaire d'État. Ce texte fait suite à un constat et doit permettre d'améliorer la situation, ainsi que de renforcer la confiance des consommateurs.
Les bilans des lois Galland et Dutreil ne sont plus à faire ; la réglementation est jugée complexe par les professionnels, si bien que les entreprises demandent une rupture avec le schéma traditionnel de la négociation.