M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour répondre à l'interrogation de M. le rapporteur, je précise qu'il est prévu de définir les modalités de rémunération des activités de soins ambulatoires des personnels enseignants de médecine générale, de façon à compenser la réduction d'activité professionnelle qu'entraînera l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de recherche, par la voie d'un conventionnement entre les UFR de médecine et la Caisse nationale d'assurance maladie. Les personnels enseignants de médecine générale ayant pour spécificité de conduire leur activité de soins en ville, il convient de trouver un moyen de transformer leurs honoraires en traitement.
Enfin, je souhaite conclure mon intervention en rappelant que cette proposition de loi prend place dans une politique plus globale, que je mène par ailleurs, visant à faire en sorte que la formation de nos futurs médecins réponde aux enjeux de la demande croissante de soins et des progrès de la recherche. Au coeur de cette action se trouvent, bien sûr, l'université et les étudiants.
Les disciplines médicales, comme les autres, bénéficieront de l'ensemble des dispositions que vous avez votées cet été, mesdames, messieurs les sénateurs, pour donner à notre enseignement supérieur des ambitions nouvelles.
Je veille tout particulièrement à préserver l'égalité républicaine dans le domaine des études médicales. C'est pourquoi, ayant pris connaissance de l'inquiétude suscitée par l'inscription aux épreuves classantes nationales de l'épreuve de lecture critique d'articles, et compte tenu de l'hétérogénéité des enseignements dispensés dans cette matière selon les universités, je vous ai proposé le report de la tenue de cette épreuve en 2008-2009, proposition que vous avez adoptée.
J'ai également réuni au ministère, le 1er octobre dernier, l'ensemble des doyens des facultés de médecine et les présidents de leur université afin de tirer les conséquences des dysfonctionnements survenus dans l'organisation du concours de première année de médecine à Lille.
Les formations médicales sont, vous le savez, très sélectives et très exigeantes. Elles déterminent la vie de milliers d'étudiants, animés par une vocation profonde et sincère. À ce titre, elles doivent se dérouler, à tous les niveaux, dans des conditions irréprochables, à la hauteur des enjeux qui sont les leurs.
À chaque fois, mon action s'est fondée sur le dialogue et la concertation, qui se poursuivent puisque j'ai confié au professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, la mission de faire des propositions sur la première année de médecine, d'ici au mois de janvier 2008, en vue d'élargir les débouchés, de créer des passerelles pour les candidats recalés et d'éviter ainsi l'impasse dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, la médecine, les sciences de la vie constituent des priorités de mon action. Au nom du Gouvernement, j'émets donc un avis très favorable sur ce texte d'initiative sénatoriale, qui rejoint et poursuit l'action politique que je mène depuis mon arrivée au ministère.
Je salue une nouvelle fois l'initiative du sénateur Francis Giraud et le travail accompli par la commission des affaires culturelles, présidée par M. Jacques Valade, qui, fidèle à son habitude, a su modifier le texte pour l'enrichir des précisions nécessaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui était attendue depuis longtemps par les enseignants, les internes en médecine générale et les facultés de médecine. Elle vient fort opportunément pallier les carences des pouvoirs publics en la matière.
On ne comprend pas, en effet, comment ni le gouvernement précédent ni le gouvernement actuel n'ont pu créer le cadre législatif nécessaire à la structuration de la filière universitaire de médecine générale instaurée pourtant voilà plus de cinq ans. On le comprend d'autant moins que la nomination de chefs de clinique en médecine générale, à laquelle vous aviez prévu de procéder, madame la ministre - vous l'avez rappelé à l'instant - n'est pas possible en l'absence d'un nouveau corps de personnels enseignants en médecine générale.
Je me réjouis, par conséquent, que la Haute Assemblée soit venue à votre secours...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Soyons positifs !
M. François Autain. ... en inscrivant à son ordre du jour cette proposition de loi, qui a précisément pour objet de créer cette nouvelle filière universitaire.
Espérons maintenant que, une fois adopté par le Sénat, ce texte sera très rapidement appliqué...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mais oui ! Bien sûr !
M. François Autain. ..., grâce à la diligence de nos collègues de l'Assemble nationale et, bien sûr, à votre soutien actif, madame la ministre !
Le texte de cette proposition de loi est simple et, je le regrette, quelque peu lapidaire, puisqu'il renvoie les modalités de règlement du statut, du recrutement et des conditions d'exercice des personnels titulaires en médecine générale à la publication d'un décret en Conseil d'État.
Certes, vous venez de nous éclairer sur la teneur de ce décret, mais j'aimerais, si cela était possible, en savoir un peu plus. Il me serait agréable que vous puissiez répondre à un certain nombre de questions que je me pose : combien de postes allez-vous créer et à quelle cadence ? Quelles seront les conditions de recrutement et les procédures d'intégration des enseignants associés actuels ? Comment règlerez-vous la question de leur rémunération - vous y avez répondu partiellement - tout en leur permettant, ce qui est essentiel, de continuer d'exercer la médecine générale et de se consacrer à la recherche ?
Voilà autant de questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses. C'est pourquoi il aurait été certainement utile que vous nous présentiez, au cours de ces débats, votre projet de décret, qui, je l'espère, sera publié rapidement, contrairement aux habitudes qui ont été prises en matière de mise en oeuvre des mesures relatives à l'enseignement de la médecine générale par les gouvernements qui vous ont précédée.
Par ailleurs, ce texte est étroitement liée au problème de la démographie médicale, que nous avons abordé dans cet hémicycle voilà quelques semaines, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'où mon regret de ne pas voir associée pleinement à cette proposition de loi la commission des affaires sociales, même si de nombreux signataires en sont membres, à commencer par le premier d'entre eux, notre excellent collègue le professeur Francis Giraud.
M. Henri de Raincourt. Certes !
M. François Autain. La discussion relative à la démographie médicale à laquelle je viens de faire référence nous a permis de mettre en exergue le risque de pénurie d'omnipraticiens qu'aucun d'entre nous, je crois, ne nie, même si nous ne l'apprécions pas toujours de la même façon.
Il faut reconnaître que les chiffres prospectifs avancés par M. Jean-Léonce Dupont dans son rapport sont inquiétants. Il évalue, en effet, le risque de diminution du nombre d'omnipraticiens à 13 % d'ici à 2025.
Pour ma part, je pense que la situation réelle diffère sensiblement de celle qui est traduite par ces chiffres.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Il faut y porter remède !
M. François Autain. En effet, il semblerait que M. le rapporteur, pour établir ses estimations, soit parti du principe que la totalité de la cohorte d'étudiants inscrits en diplôme d'études spécialisées se destine à l'exercice de la médecine générale.
Or, ce n'est malheureusement pas le cas. En effet, seuls 30 % des étudiants ayant choisi de passer ce diplôme se destinent à devenir omnipraticiens. Les 70 % restants sont composés d'internes souhaitant valider un diplôme d'études spécialisées complémentaires pour des spécialités aussi diverses que la gériatrie, les urgences ou encore l'angiologie, ainsi que d'étudiants n'aspirant pas à exercer la médecine, mais qui comptent mettre à profit ce cycle d'études somme toute assez court, puisqu'il est de trois ans - alors qu'il est de quatre ans pour toutes les autres spécialités - afin d'enrichir leur curriculum vitae et de pouvoir ainsi, par la suite, être recrutés, par exemple, par la presse médicale, les industriels du médicament, l'assurance maladie ou les collectivités locales.
Il faut vraisemblablement, pour mieux circonscrire la question du déficit de généralistes qui pourrait intervenir dans un avenir proche et celle de la multiplication des zones rurales et urbaines sous-médicalisées qui en résulte, considérer que le nombre final de généralistes s'installant d'ici à dix ans se situe entre 20 % et 40 % de la cohorte initiale, celle-ci étant en elle-même déjà inférieure à la moitié des étudiants en médecine de troisième cycle.
Ainsi, pour 2 000 postes d'internes en médecine générale pourvus cette année, il faut compter que seule une partie d'entre eux, entre 400 et 800 étudiants, s'installera en qualité d'omnipraticiens.
C'est un constat qui, mes chers collègues, est révélateur du malaise, voire du mal qui ronge la médecine générale dans notre pays. Comment, en effet, imaginer que cette filière d'enseignement puisse, en l'état actuel des choses, susciter des vocations et attirer très majoritairement des étudiants dont l'objectif, en obtenant le DES de médecine générale, est d'exercer dans cette discipline ?
Actuellement, les étudiants choisissent dans leur très grande majorité toutes sortes de spécialités, à l'exception de la médecine générale, celle-ci résultant d'un choix par défaut à l'issue d'épreuves classantes nationales, de telle sorte que l'on dénombre 3 172 postes non pourvus dans cette spécialité à l'issue de cet examen au cours des quatre dernières années.
En n'ayant pas ouvert aux médecins généralistes les carrières universitaires en 2004 concomitamment à la mise en place d'une formation universitaire spécifique d'interne en médecine générale, les pouvoirs publics ont très probablement contribué à dévaloriser le diplôme de médecine générale. C'est ainsi que les enseignants médecins généralistes ne sont toujours pas représentés dans les commissions et jurys de thèse, alors qu'en 2007 se présente la première génération d'étudiants en médecine générale issue de la réforme de 2004.
En outre, la profession de médecin généraliste reste méconnue des étudiants. L'obligation de suivre un stage d'externat au cours du deuxième cycle de leur formation en médecine générale, pourtant inscrite dans la loi depuis 1997, aura été budgétisée pas moins de dix années plus tard, en 2007, et ce de façon partielle, puisque seuls 25 % des financements nécessaires à la mise en oeuvre de la totalité des stages pour 2008 sont inscrits au programme 171 du budget de la santé.
Les quelques expériences de mise en oeuvre de stages de deuxième cycle qui ont été menées jusqu'à présent ont été financées par les facultés de médecine elles-mêmes ou grâce à des reliquats issus du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins.
Au final, rares sont les étudiants qui ont suivi ce stage de trois mois hors de l'hôpital, chez un médecin généraliste. Cette situation est d'autant plus dommageable que la médecine générale se pratique, s'appréhende et s'apprend très précisément en dehors de l'hôpital.
C'est là tout l'intérêt et toute la nouveauté de cette proposition de loi de prendre en considération cette spécificité en sortant l'enseignement de la médecine générale d'un strict contexte hospitalo-universitaire.
Songez, mes chers collègues, que l'on compte aujourd'hui 120 enseignants associés pour enseigner la spécialité de médecine générale à quelque 6 000 étudiants alors que, pour l'ensemble des spécialités, on dispose de 5 200 praticiens hospitaliers professeurs des universités pour un nombre d'étudiants à peu près équivalent ! Il arrive même que, dans certaines spécialités, il y ait autant d'enseignants que d'étudiants dans un certain nombre de facultés...
Le contraste est saisissant et rend compte sans aucun doute de la situation peu enviable dans laquelle se trouve aujourd'hui la médecine générale dans notre pays.
Il faut espérer que, même si ce texte n'est pas d'initiative gouvernementale, il sera, une fois adopté, suivi rapidement d'effets. En tout cas, madame la ministre, vous pouvez être assurée de mon soutien et de celui du groupe CRC. Vous l'aurez compris : nous observerons avec beaucoup d'attention votre action ainsi que les moyens que vous consacrerez effectivement à l'enseignement de la médecine générale pour lui donner ses lettres de noblesse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux profiter de ce débat pour évoquer un problème qui me tient à coeur et qui nous intéresse tous.
Je vais partir de deux constats : d'une part, notre pays souffre d'une pénurie de médecins, notamment dans un certain nombre de zones, qu'elles soient rurales ou urbaines.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. C'est sûr !
M. François Fortassin. D'autre part, nous sommes tous des malades potentiels. (Sourires.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. En sursis !
M. François Fortassin. S'il est certes appréciable de s'entendre annoncer que nous serons très bien soignés dans dix ans...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Il faut y arriver !
M. François Fortassin. ..., il serait néanmoins souhaitable que ce délai fût raccourci. Chacun comprendra... (Nouveaux sourires.)
Cette pénurie risque de durer longtemps, en raison de la longueur des études médicales.
Comment sortir de cette situation ?
Une première solution pourrait résider dans les recrutements massifs de médecins étrangers.
M. André Dulait. Il faudra dix ans quand même !
M. François Fortassin. Ce ne serait pas forcément très glorieux, car cela équivaudrait à piller un certain nombre de pays, généralement pauvres, dépensant beaucoup d'argent pour former des médecins qui, ensuite, exerceraient en France.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Et qui ne retourneront pas dans leur pays d'origine !
M. François Fortassin. Force est de constater, par ailleurs, que la validation de leurs diplômes, ou la vérification de leur validité, ne s'effectue que difficilement dans notre pays ; sinon, comment expliquer que 6 000 des 13 500 médecins étrangers dénombrés en France n'aient jamais vu leurs diplômes validés ?
D'autres solutions peuvent être envisagées, à partir de quelques comparaisons avec d'autres métiers.
Ainsi, les ingénieurs français ont la réputation d'être de très grande qualité. Or, la moitié d'entre eux ne sont jamais passés par une école d'ingénieurs, mais se sont formés grâce aux acquis de l'expérience et ont suivi des formations au cours de leur carrière.
Dès lors, pourquoi ne pas offrir aux meilleurs professionnels de la filière paramédicale, notamment aux infirmières et aux infirmiers, sous réserve qu'ils aient au moins dix ou douze ans d'expérience et qu'ils suivent une formation de trois ans, la possibilité d'exercer en tant que médecins généralistes, étant entendu qu'en contrepartie ils s'engageraient à s'installer dans des zones déficitaires pendant environ sept ou huit ans ?
De nombreux problèmes se trouveraient réglés, notamment celui de la pénurie médicale à venir, que l'on éviterait ainsi.
C'est une idée que je lance et que vous devriez, d'ailleurs, accueillir favorablement, madame la ministre : j'ai, en effet, appris que, voilà quelques mois, lors de la campagne pour l'élection présidentielle, M. Sarkozy avait dit qu'il était important que des infirmières puissent accéder au grade de médecin généraliste. Vous devez être mieux renseignée que moi sur ce point, puisque je ne fréquentais pas assidûment l'entourage du futur Président de la République !
Enfin, nous devons affirmer, les uns et les autres, que, si la médecine doit être libérale dans sa pratique, elle devrait être encadrée par la puissance publique dans son organisation...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. François Fortassin. ..., car certaines situations sont absolument choquantes !
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. François Fortassin. Comment pouvons-nous accepter, par exemple, que, dans un canton de 15 000 habitants qui ne compte qu'une douzaine de médecins, ces derniers puissent ne prendre aucun tour de garde sans encourir la moindre sanction ? Certes, ils sont parfois réquisitionnés par le préfet, mais uniquement en cas d'épidémie de grippe ! Par ailleurs, un assez grand nombre de médecins refusent de soigner des patients au motif qu'ils sont bénéficiaires de la CMU !
Jusqu'à preuve du contraire, voilà la réalité ! J'attends donc que l'on exerce des sanctions contre ces refus de soins !
Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les précisions que je souhaitais apporter. Cela étant, je souscris totalement à la proposition de loi de mon collègue Francis Giraud, car nos conceptions respectives ne sont absolument pas antinomiques. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Gautier. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier.
M. Pierre Bordier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout, bien sûr, à remercier notre collègue Francis Giraud de son initiative.
Cette proposition de loi répond, en effet, à une demande pressante des professionnels de santé et des étudiants en médecine générale. Elle va permettre de créer de nouveaux corps de personnels enseignants et, donc, de consolider la filière universitaire de médecine générale, dans une période où l'exercice de cette discipline doit être fortement encouragé.
Cela a déjà été souligné, la médecine générale est le pivot de notre système de santé, ce qui a été confirmé au travers de la réforme de l'assurance maladie, qui a institué le parcours de soins.
L'enseignement de la médecine générale a connu de fortes évolutions. Plusieurs étapes ont été nécessaires pour lui permettre d'occuper une place institutionnelle dans les facultés de médecine.
La réforme des études médicales de 1982 a, pour la première fois, affiché une spécialisation en médecine générale. Le troisième cycle incluait alors un premier stage de sensibilisation à la pratique de vingt demi-journées en cabinet, ce qui entraîna un premier recrutement de maîtres de stage.
Ensuite, en 1997, le troisième cycle de médecine générale comprenant quatre semestres de stages hospitaliers s'allongea d'un cinquième semestre en cabinet. La médecine générale prit, à cette occasion, véritablement pied à l'université. Les recrutements de médecins généralistes comme enseignants associés se développèrent.
Enfin, en 2002, la médecine générale devint une spécialité, sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées, lui-même mis en place en 2004.
L'aboutissement de cette évolution est, très logiquement, la demande de création d'une filière universitaire de médecine générale, avec des corps de personnels enseignants en médecine générale.
Cette question des personnels enseignants a fait l'objet d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, présenté en février dernier.
Les auteurs du rapport ont relevé que les différents statuts existants, de type « hospitalo-universitaire », sont inadaptés aux spécificités de la médecine générale. En effet, celle-ci n'étant pas une spécialité hospitalière, elle ne s'exerce pas dans les hôpitaux et ne porte pas sur les mêmes soins. Aussi préconisent-ils un statut spécifique de type « universitaire » pour les enseignants.
Dans la proposition de loi, Francis Giraud et ses collègues s'inspirent des conclusions de ce rapport, notamment en imposant, à bon escient, un lien entre enseignement, recherche et soins, comme cela a déjà été souligné plusieurs fois. En effet, l'articulation entre une activité d'enseignement et une activité de soins constitue le fondement du profil de l'enseignant en médecine générale. La légitimité à intervenir sur un plan pédagogique s'appuie sur la pratique professionnelle.
Il restera à déterminer par décret quel doit être le « volume » de l'exercice de l'activité de soins. Prévu au dernier alinéa de l'article 1er, ce décret aura une très grande importance, puisqu'il fixera également le statut des personnels enseignants, les conditions de leur recrutement et d'évolution de leurs fonctions. Nous vous faisons toute confiance, madame la ministre, pour que ce décret voie le jour rapidement, conformément d'ailleurs à ce que vous nous avez indiqué.
Il sera nécessaire, en outre, d'accompagner la montée en charge de la filière universitaire de médecine générale par des moyens budgétaires importants, notamment en termes de postes, d'autant que, selon le rapport précité, les effectifs sont actuellement faibles dans les départements universitaires de médecine générale, avec de fortes disparités selon les UFR.
Comme l'a relevé M. le rapporteur, l'un des enjeux de la réforme est d'améliorer la formation des étudiants. Il s'agit, d'une part, d'harmoniser l'enseignement de la médecine générale dans les UFR, et, d'autre part, de permettre le développement de la recherche, aujourd'hui trop limitée, ce qui n'est possible qu'en créant des postes d'enseignants-chercheurs.
À ce sujet, je m'associe au souhait de M. le rapporteur de voir se développer une recherche de haut niveau en médecine générale, laquelle occupe en effet un positionnement particulier au sein du système de santé. Le médecin généraliste est ainsi amené à prendre en charge des affections que ne voient pas, ou voient rarement, les autres intervenants du système de santé.
Il faut développer la recherche portant sur les problèmes de santé rencontrés par les médecins « de première ligne » et sur les actions de prévention qui peuvent être menées du fait de cette position de premier contact. La recherche en médecine générale est indispensable pour améliorer et garantir la qualité des soins prodigués par les médecins généralistes.
Bien évidemment, l'adoption de la présente proposition de loi, en permettant une réforme importante pour le troisième cycle de médecine générale, va contribuer à renforcer l'attractivité de la filière. La médecine générale pâtit, en effet, d'une désaffection inquiétante chez les étudiants, au moment même où un nombre plus important de généralistes serait nécessaire pour faire face au vieillissement de la profession et au rôle pivot du médecin traitant.
Dans un rapport publié en 2006, l'Observatoire national de la démographie des professions de santé a rappelé que, lors de l'examen classant national, une part significative des postes de médecine générale ouverts - 33 % en 2004 et 40 % en 2005 - n'ont pas été pourvus.
Pour l'Observatoire, trois explications peuvent être avancées : la méconnaissance du métier, sa pénibilité liée aux conditions de travail et aux horaires, et son manque de perspectives.
Pendant la plus grande partie de leurs études, les étudiants en médecine ne sont pas suffisamment incités à rejoindre la médecine générale.
Il a fallu attendre un arrêté du 23 novembre 2006 pour que les étudiants de deuxième cycle se voient proposer des stages dans les cabinets médicaux, leur permettant ainsi d'entrer en contact avec des enseignants généralistes. Jusque-là, les étudiants du bloc commun des six premières années ne pouvaient s'identifier qu'au seul modèle qui leur était présenté : le médecin spécialiste hospitalier.
Je me réjouis de l'avancée permise par la mise en place du stage de deuxième cycle, car il est temps de sortir du « 100 % CHU », afin que les étudiants bénéficient d'une véritable approche de la médecine générale.
Madame la ministre, envisagez-vous d'autres mesures pour inciter les étudiants à choisir la filière de médecine générale ? Ne l'oublions pas, le manque d'attractivité de la profession aggrave le problème actuel de démographie médicale. Notre collègue Jean-Marc Juilhard, dans un récent rapport d'information de la commission des affaires sociales du Sénat, présente certaines pistes pour réduire la fracture territoriale. Il propose, par exemple, d'encourager les stages en médecine générale en zone sous-médicalisée.
Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que cette proposition de loi puisse être adoptée, car elle est de nature à contribuer au renouveau de la médecine générale, maillon essentiel de notre système de santé. Bien évidemment, notre groupe la votera ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Henri de Raincourt. Quel talent !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le président, je tiens dès maintenant à apporter un certain nombre de précisions, car, comme j'ai pu m'en rendre compte la semaine dernière, la réponse du Gouvernement aux différents orateurs est, à n'en point douter, un moment important de la vie parlementaire ! (Sourires.)
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Absolument !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Autain, s'agissant des effectifs, je rappelle que quarante-huit postes ont été créés, dont vingt de chef de clinique.
M. François Autain. Ce n'est pas beaucoup !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Une montée en charge est certes nécessaire, mais son importance dépendra évidemment des demandes qui me seront adressées à l'occasion de la réunion portant sur la révision annuelle des effectifs universitaires.
En tout état de cause, les conditions de recrutement seront similaires à celles des autres enseignants. À l'issue de cette révision annuelle, les deux ministres chargés respectivement de la santé et de l'enseignement supérieur décideront conjointement du nombre de créations de postes.
Vous m'avez également interrogée sur les modalités à retenir pour valider les DES en cours. J'ai publié une circulaire pour rassurer les doyens sur ce sujet et leur permettre de valider les diplômes des étudiants actuellement en cours de formation et qui attendaient la création de postes d'enseignant titulaire.
Plusieurs orateurs, notamment M. Bordier, ont évoqué le décret d'application. Il sera évidemment publié après l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, qui aura lieu, je l'espère, avant la suspension des travaux parlementaires précédant les élections municipales.
J'ai déjà répondu aux interrogations portant sur la rémunération et la compensation du manque à gagner. Les honoraires perçus par les enseignants seront transformés en traitement, et ce par la voie d'une convention entre les UFR et la Caisse nationale de l'assurance maladie.
En outre, les modalités relatives à la procédure d'intégration seront définies par décret. L'enjeu, aujourd'hui, c'est de prévoir l'intégration d'une partie des personnels actuels, tout en permettant aux nouveaux entrants d'avoir accès au statut. Parmi toutes les personnes qui souhaitent bénéficier de ce statut, nous veillerons à maintenir un équilibre entre celles qui exercent d'ores et déjà la médecine générale et celles qui poursuivent leurs études, en tenant compte, bien évidemment, du nombre de postes ouverts.
Monsieur Fortassin, vous l'avez fort justement relevé, l'accès des professions médicales et paramédicales à la filière LMD est effectivement une priorité pour le Président de la République, qu'il a d'ailleurs affichée pendant toute sa campagne, vis-à-vis tout particulièrement des infirmières.
Une mission a été confiée sur les formations paramédicales - donc, y compris sur les infirmières - à l'IGAS, l'IGAENR et l'IGF, qui poursuivent actuellement leurs travaux. La Commission pédagogique nationale des études médicales travaille, elle, sur l'intégration des études médicales dans le cursus LMD. La mission confiée à Jean-François Bach s'inscrit, elle aussi, pleinement dans cette réflexion d'ensemble.
Dans ce cadre, monsieur Bordier, il importera de prévoir de nouvelles passerelles d'accès vers les études médicales, y compris pour des étudiants titulaires d'une licence générale.
Au demeurant, la meilleure manière d'inciter les étudiants à choisir la médecine générale n'est-elle pas, finalement, d'adopter cette proposition de loi ? Elle va, en effet, nous permettre d'accueillir les professionnels de cette discipline comme on le fait pour tous les autres spécialistes. Les débouchés ne se limiteront plus à l'exercice clinique, mais donneront également accès à l'enseignement et à la recherche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les médecins généralistes vont, enfin, être traités comme des vrais spécialistes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.