M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la gendarmerie n'échappe pas à la règle gouvernementale de la « forte contrainte ». En effet, il se trouverait « à la recherche d'un équilibre entre deux priorités » : maintenir l'effort entrepris pour améliorer la sécurité des Français tout en participant à la réduction du déficit budgétaire.
Hélas ! la lecture des chiffres révèle une tout autre réalité. Avec ce projet de loi de finances pour 2008, nous sommes en pleine fiction budgétaire : ce budget de transition, placé entre la fin d'exécution de la LOPSI du 29 août 2002 et la future loi d'orientation et de performance pour la sécurité intérieure, est en régression aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, qui baissent respectivement de 2,52 % et de 0,58 %.
Il n'y a donc pas de quoi pavoiser, d'autant qu'à cette diminution des crédits s'ajoute une réduction des effectifs. S'il est prévu de financer la création de 475 emplois au titre de la LOPSI, cette mesure est contrebalancée par le non-remplacement d'une partie des départs à la retraite, qui concerne 475 postes.
Toujours inspiré par la forte contrainte budgétaire, ce projet de budget vise à une nette réduction des effectifs, ce qui me fait penser à cette remarque récente du philosophe éditorialiste Jean-Claude Guillebaud : « Une société qui croit pouvoir régler ses problèmes en évacuant les humains est une société qui devient folle. »
L'assassinat d'une jeune femme sur la ligne D du RER, le dimanche 25 novembre dernier, en plein midi, en est une tragique illustration.
Par ailleurs, je n'oublie pas la diminution de l'enveloppe des subventions d'investissement destinées aux collectivités territoriales.
M. Philippe Madrelle. La création d'une mission d'information sur la gendarmerie au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées était attendue, mais j'aurais souhaité, à l'instar de mon ami André Rouvière, la constitution d'une mission d'information ouverte à tous les sénateurs, pour qu'ils puissent s'exprimer sur les problèmes de la gendarmerie, car le malaise qui existe au sein de cette arme intéresse tous les élus, sans distinction.
Si la question des rémunérations constitue un sujet sensible pour les gendarmes, qui ne peuvent accepter le décalage croissant avec les policiers alors qu'on leur demande d'effectuer les mêmes missions, l'évolution de la condition des militaires de la gendarmerie ne peut se limiter à une simple affaire de grille indiciaire.
Ce qui les soucie, ce sont, bien sûr, leurs conditions de travail et leur statut militaire, mais c'est aussi l'exercice de leur métier, la façon dont ils pourront remplir leurs missions à l'avenir.
Après les récentes déclarations du Président de la République concernant le projet de rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, nous nous interrogeons, madame la ministre, sur la possibilité de coexistence des policiers et des gendarmes, qui sont appelés à exercer les mêmes missions dans une même force de sécurité sous deux statuts différents.
Vous le savez, les gendarmes sont profondément attachés à leur statut militaire. Pouvez-vous nous assurer qu'au-delà de la réorganisation du dispositif de sécurité ce statut militaire sera préservé ? En effet, la mutualisation des moyens entre gendarmerie et police ne risquera-t-elle pas de faire disparaître leur singularité et leur caractère, civil pour l'une, militaire pour l'autre ?
Si vous êtes à la recherche d'une force de sécurité « de proximité », vous l'avez déjà : c'est la gendarmerie. Il ne faudrait pas, de restructurations en mutualisations et de fusions en modernisations, déshabiller Pierre pour habiller Paul !
Le redéploiement annoncé entre les zones de compétence de la police et de la gendarmerie n'annonce-t-il pas la fermeture de nombreuses brigades de gendarmerie ? Êtes-vous simplement à la recherche d'économies ou avez-vous réellement le souci de répondre au besoin de sécurité des Français ?
En conclusion, je tiens à rendre hommage à ces femmes et à ces hommes qui, chaque jour, sur le terrain, accomplissent des missions de plus en plus dangereuses, de plus en plus exposées, pour assurer notre sécurité et notre défense. Je sais que vous comprenez parfaitement bien, madame la ministre, le souci des élus de veiller aux conditions d'exercice et de carrière des gendarmes.
Ce projet de budget pour 2008 ne peut, hélas ! que renforcer le malaise existant au sein de la gendarmerie. Le groupe socialiste ne le votera donc pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République a placé au premier rang de ses préoccupations la restauration de l'autorité de l'État : il veut un État fort, qui assure la sécurité de tous et, au premier chef, celle des plus faibles. Ce sont eux qui, nous le savons, souffrent le plus durement des conséquences de l'insécurité.
La sécurité, c'est l'une des valeurs de la République. Policiers et gendarmes sont garants du respect des principes républicains, garants de la liberté de chacun d'aller et venir, garants de la paix sociale, mais aussi de l'ordre républicain.
J'en veux pour preuve le comportement admirable de courage des fonctionnaires exposés très récemment aux événements de Villiers-le-Bel : ils ont fait face en veillant à ne pas enflammer une situation extrêmement préoccupante. Malgré la violence des agressions auxquelles ils ont été confrontés, allant jusqu'à des tirs à balles réelles, ils ont su garder leur sang-froid. Ils ont fait honneur à la République. Le groupe UMP tient à leur rendre une nouvelle fois hommage. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Ce projet de budget pour 2008 se caractérise par la recherche d'un équilibre entre, d'une part, le maintien de l'effort entrepris dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et, d'autre part, la maîtrise des dépenses budgétaires et la réduction des déficits.
Vous nous avez expliqué en commission, madame la ministre, que ce projet de budget était au service de trois priorités : accroître la sécurité, condition essentielle de l'exercice des autres libertés, réaffirmer l'autorité et l'impartialité de l'État, enfin, construire une relation de confiance entre les citoyens, l'État et les collectivités locales.
Au titre du renforcement de la sécurité, vous vous êtes assigné deux objectifs, que, bien évidemment, nous approuvons : diminuer de 5 % la délinquance générale et de 10 % la délinquance de voie publique, et porter à 40 % le taux d'élucidation des crimes et délits.
En effet, comme vous l'avez vous-même souligné, madame la ministre, l'élucidation d'une infraction est, d'une part, la première façon de rendre justice aux victimes et, d'autre part, un élément fort de prévention et de dissuasion.
Il s'agit là d'objectifs ambitieux, qu'il faut tenir. Comme l'a souligné le Président de la République le 29 novembre dernier, lors de la rencontre entre police et gendarmerie, il faut renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité et, pour cela, adapter nos moyens aux nouveaux comportements des délinquants.
C'est bien dans ce sens que vous avez indiqué devant notre commission les trois grands axes d'une réforme de la police et de la gendarmerie : modernisation, mutualisation, reconnaissance du travail accompli.
À cet égard, il est prévu, dans le projet de budget pour 2008, une augmentation substantielle de la part des investissements par rapport à la part prééminente des dépenses de personnel : un milliard d'euros seront consacrés à la modernisation des outils. Ces crédits bénéficieront en particulier au développement de la vidéoprotection.
Je souhaiterais, comme nombre de mes collègues qui se sont exprimés avant moi, me féliciter de cette décision. En tant que maire d'une commune qui a très tôt fait le choix de la vidéosurveillance, je puis rassurer Mme Assassi : la vidéosurveillance a permis d'obtenir des résultats spectaculaires en termes non seulement d'élucidation des infractions, mais aussi de dissuasion.
En termes de mutualisation des moyens, les GIR ont été créés pour généraliser la coopération entre les services de l'État - police, gendarmerie, fisc et douanes - et frapper ainsi plus efficacement l'économie souterraine et les trafiquants.
Les résultats sont incontestables, mais il faut désormais passer à une autre étape pour obtenir de meilleurs résultats encore.
Pour cela, les modes d'organisation doivent être repensés de façon à prendre en compte de façon plus étroite les notions d'agglomération et de plaque urbaine.
En effet, la situation particulièrement difficile en Île-de-France nous permet d'envisager ce renforcement. Force est de constater que la seule coopération policière apparaît désormais insuffisante. Il n'y a pas de frontière entre Paris et la banlieue pour les bandes délinquantes, sans cesse en mouvement, qui utilisent les réseaux routiers et ceux, particulièrement denses, des transports collectifs.
C'est pourquoi il faut aboutir à une organisation plus intégrée de Paris et de la petite couronne.
Nous soutenons donc cette mutualisation des forces, en matière d'ordre public et de circulation, plutôt qu'une forte autonomie des capacités de chaque département. Nous ne pouvons que partager votre projet, madame la ministre, car c'est bien ce qui permettra d'obtenir à terme une meilleure performance.
Je souhaiterais, à ce stade de mon propos, relayer ici les inquiétudes de nombre de mes collègues élus locaux sur l'avenir de la gendarmerie.
En effet, de multiples rumeurs circulent sur les évolutions statutaires de la police et de la gendarmerie ou sur la fermeture de nombreuses brigades de gendarmerie.
À titre d'exemple, je citerai mon département du Val-de-Marne, où, autrefois, un maillage de gendarmeries très efficaces et extrêmement bien intégrées à la population se montrait particulièrement efficace pour la répression de la délinquance. Nous avons dû nous résoudre, bon gré, mal gré, comme nombre de régions de France, à voir partir les gendarmeries vers d'autres territoires, qui - nous l'avons bien compris - en avaient besoin.
Aujourd'hui, nous sommes inquiets de constater que les gendarmes qui nous restent sont affectés à des tâches purement administratives ou de pure police judiciaire.
Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre ? Prendrez-vous des initiatives concrètes pour réaffecter ces gendarmes expérimentés au travail de terrain, dans lequel ils excellaient ?
J'ai évoqué, voilà un instant, la mutualisation de nos forces de sécurité. Certes, police et gendarmerie sont deux institutions qui ont leur culture, leur histoire, leur identité, leurs succès, mais aussi malheureusement leurs drames, à savoir tout ce qui forge et soude une communauté.
Le Président de la République s'y est engagé : il n'y aura pas de fusion entre ces deux corps.
Il faut tirer un meilleur profit des forces de chacune d'entre elles, police et gendarmerie. Il faut impérativement renforcer les coopérations, développer les mutualisations, les faire mieux travailler ensemble pour améliorer encore leur efficacité.
Vous avez souhaité, madame la ministre, poursuivre, d'une part, l'actualisation de la carte territoriale entre zones « police » et zones « gendarmerie » et, d'autre part, développer la polyvalence des forces.
Pouvez-vous nous dire, même si cela semble encore quelque peu prématuré, quelles seront les grandes lignes qui présideront à la future loi relative à la gendarmerie nationale redéfinissant le fonctionnement de cette dernière, loi qui devrait assurer l'unicité de commandement organique et opérationnel des deux forces au sein de la mission de la sécurité intérieure ?
Comme ont eu l'occasion de le souligner MM. les rapporteurs et mes collègues de l'UMP, ce projet de budget courageux et ambitieux répond concrètement à l'une des priorités que les Français ont choisies de manière claire et sans appel lors de la dernière élection présidentielle. Toute notre confiance vous acquise pour sa mise pour sa mise en oeuvre et nous vous accompagnerons dans les réformes à venir pour que nos concitoyens puissent partager enfin ce droit essentiel de vivre en toute sécurité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier sincèrement chacun des orateurs du travail effectué sur ce budget, ô combien important, comme l'ont encore montré les événements survenus ces derniers jours.
La sécurité, monsieur Laménie, c'est effectivement le premier des droits et la première des libertés, celle de laquelle découlent toutes les autres.
La sécurité, en réalité, c'est une chaîne dont chaque maillon a un rôle à jouer, qu'il s'agisse de la famille, de l'éducation nationale, des collectivités, de la police, de la justice ou des associations de réinsertion.
L'important, madame Assassi, est de ne pas tout mélanger.
MM. Henri de Raincourt et Bernard Saugey. Bien sûr !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Certes, les acteurs concernés doivent travailler en étroite liaison les uns avec les autres. Toutefois, si nous voulons être efficaces, il appartient à chacun de rester dans son rôle et de ne traiter que les sujets relevant de son domaine de compétences. Ce n'est pas en ouvrant tous les dossiers à la fois que l'on peut régler les problèmes.
Si je suis parmi vous aujourd'hui pour vous parler de la lutte contre la délinquance, c'est tout simplement parce que cela relève de ma responsabilité.
N'en déplaise à certains, les progrès accomplis pour faire reculer la délinquance sont, depuis 2002, très importants.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Tout le monde pourra le vérifier : à instruments de mesure et à critères d'appréciation inchangés, les actes de délinquance ont augmenté entre 1997 et 2002,...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. Tout à fait !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ... alors que, depuis 2002, toujours avec ces mêmes instruments et critères, la délinquance a baissé ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Gautier. Et les émeutes ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Bien entendu, le ressenti de celui ou de celle qui vient de se faire agresser ou de se faire voler son sac à main a changé a le sentiment qu'il y a encore de la délinquance et de l'insécurité, et ce sera toujours le cas. Mais les chiffres sont là ! Et l'amélioration constatée se poursuit cette année, s'amplifiant même au dernier semestre.
De mai à octobre, la délinquance générale a baissé de 3,57 %, et celle de voie publique de 7,49 %, toujours, je le répète, avec les mêmes critères que ceux qui ont été utilisés les années précédentes.
Quant au taux d'élucidation, indicateur essentiel, notamment pour les victimes, il a parallèlement progressé dans des proportions également considérables : inférieur à 25 % en 2001, toujours avec les mêmes critères, il a été porté à 34,3 % en 2006, il atteint 35,3 % sur le cumul des dix premiers mois de 2007 ; je peux même vous annoncer qu'il a passé la barre des 39 % en octobre !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bravo !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il s'agissait pour moi d'obtenir en deux ans un recul de la délinquance générale de 5 % et celle de voie publique de 10 %, tout en portant le taux d'élucidation à 40 % : cet objectif est donc d'ores et déjà en voie d'être atteint.
Un tel constat, effectué avec des outils de mesure inchangés, ne peut que nous réjouir, mais ne doit pas cacher la nécessité de mener une action toujours plus soutenue pour combattre la délinquance, surtout dans ses formes violentes. N'oublions jamais que, dans notre société, ce sont toujours les plus fragiles qui sont les premières victimes de la délinquance et de la violence.
Cette violence, hélas ! se rappelle trop souvent à nous.
Non, madame Assassi, monsieur Rouvière, monsieur Charles Gautier, les violences urbaines qui se sont produites récemment à Villiers-le-Bel - je note d'ailleurs que le problème a été réglé en quarante-huit heures - ne tiennent pas à notre politique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Mais si !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Pour qu'il n'y ait pas de contestation, j'ai fait procéder à une petite recherche sur les violences urbaines commises entre 2000 et 2002.
En avril 2000, la Courneuve a connu une journée d'émeutes à la suite d'un décès accidentel. Des affrontements ont eu lieu à Pau, le 30 octobre 2000, ainsi qu'à La Défense, en janvier 2001.
Mme Éliane Assassi. C'est toujours le même discours !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. À Nice, en avril 2001, à la suite d'un contrôle d'identité, six véhicules de police ont été brûlés et trois gardiens de la paix ont été blessés.
Mme Éliane Assassi. Les causes sont sociales !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En novembre de la même année, à Strasbourg et à Trappes, il y a eu une « chasse aux policiers », avec, chaque fois, une quarantaine de jeunes impliqués et trois gardiens de la paix blessés.
Mme Éliane Assassi. À quoi rime cette énumération ?
M. Charles Gautier. Dans laquelle ne figurent même pas les émeutes de 2005 !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous pouvez être fière, madame Assassi, d'un tel bilan ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
En septembre 2001, Toulouse a vécu plusieurs nuits d'émeutes dans le quartier du Mirail.
Je n'oublie pas non plus les violences urbaines commises à Vitry-sur-Seine en décembre 2001.
M. Éric Doligé. Qu'est-ce qu'ils sont mauvais ! Voilà la vérité !
Mme Éliane Assassi. Parlez des causes sociales !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Alors, quand vous insinuez que c'est nous qui créons les difficultés entre la police et les jeunes, permettez-moi de vous rappeler, simplement et en toute sérénité, ces chiffres, que vous pourrez retrouver dans tous les journaux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Gautier. Parlez de 2005 !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il faut aussi dénoncer les violences dirigées contre des pompiers. J'en ai rencontré un certain nombre en Seine-Saint-Denis. J'ai été scandalisée, comme vous tous, je l'espère, que des pompiers en train de porter secours à des personnes blessées soient agressés par certains. Et, dans ce cas-là, cela n'a rien à voir avec un quelconque problème relationnel entre la police et les jeunes !
M. Auguste Cazalet. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Qu'il me soit ici permis, en mon nom et au nom, je l'espère, de la représentation nationale tout entière, de rendre une nouvelle fois hommage au sang-froid et à la maîtrise des policiers, des gendarmes et des pompiers, qui, chaque jour, font tout simplement leur métier, et dans des conditions extrêmement difficiles. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Je recevrai d'ailleurs prochainement les policiers et les pompiers blessés à Villiers-le-Bel, comme j'ai reçu les deux adjoints de sécurité qui avaient été agressés au seul motif qu'ils avaient fait leur devoir de citoyen en témoignant auprès des magistrats à la suite de ces événements. Je veux leur dire, en notre nom à tous, notre reconnaissance.
Je me suis rendue cinq fois, de jour comme de nuit, à Villiers-le-Bel. Je peux en témoigner, toute la population s'est sentie soulagée par la présence de la police. Ne l'oublions pas, 99 % des habitants de ces banlieues et de ces cités difficiles n'aspirent qu'à vivre comme tout le monde dans la tranquillité et la sécurité, pour pouvoir élever leurs enfants et progresser dans la société.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Qui vous a dit le contraire ?
M. Charles Gautier. C'est une évidence !
Mme Éliane Assassi. Vous faites pourtant le contraire de ce qu'il faudrait !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il y a aussi les violences sexuelles. Mes pensées, comme les vôtres, vont naturellement à cette jeune fille tuée sauvagement dans le RER par un pervers récidiviste.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Pourquoi était-il dehors ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si les rames avaient été équipées d'un système de vidéoprotection, on aurait peut-être pu lui porter secours.
Les violences accompagnent aussi parfois des vols. Qui a oublié ce convoyeur de fonds abattu Porte de Bagnolet voilà une semaine ?
Mme Éliane Assassi. C'est récurrent, à Paris !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Les violences sont liées au chômage !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je citerai encore les violences intrafamiliales, moins bien connues, mais ô combien nombreuses, avec le drame quotidien vécu par des femmes et des enfants battus, violences contre lesquelles nous devons redoubler d'efforts.
Je ne saurais oublier les violences routières, qui, chaque semaine, notamment le week-end, font de nombreuses victimes et déciment tant de familles.
Les violences terroristes représentent, elles aussi, une grande menace. Nous en avons encore eu la preuve la semaine dernière, avec l'assassinat de deux gardes civils espagnols - le deuxième vient en effet de succomber à ses blessures - à Capbreton.
Ces violences nous le rappellent malheureusement chaque jour : la sécurité, préoccupation première des concitoyens, est une responsabilité majeure pour les gouvernants. Dans ce domaine, il nous faut agir sans démagogie, sans approximation, mais avec une extrême fermeté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour répondre aux risques d'aujourd'hui et aux défis de demain, la France a besoin d'un grand ministère moderne de la sécurité intérieure. Telle est bien mon ambition. Y répondre exige de mettre en place une stratégie, que je vous expose dans ce projet de budget et qui tient en deux axes : mettre des moyens modernes au service des hommes pour accroître leur efficacité.
La modernité des outils est un élément important tout simplement parce que le crime, la terreur et même l'insécurité routière changent de nature avec les nouvelles technologies et la mondialisation.
Face aux bandes, aux violences urbaines et à la cybercriminalité, phénomènes que nous ne connaissions pas il y a quelques années, il convient que la riposte soit à la fois adaptée et souple. Policiers et gendarmes doivent donc adopter des méthodes et disposer des équipements à la hauteur de ces enjeux.
Il nous faut, par conséquent, nous adapter aux technologies du futur et anticiper les évolutions stratégiques, comme vous l'avez souligné, monsieur Laménie.
Aujourd'hui, nous sommes en train d'assister à une véritable course à la modernité entre gendarmes et policiers, d'une part, et criminels, d'autre part. Je veux donc donner aux gendarmes et aux policiers les moyens d'agir aujourd'hui et demain, tout en anticipant ceux dont ils auront besoin après-demain. Dans ce domaine, nous ne pouvons pas « garder le nez dans le guidon » !
Depuis mon arrivée Place Beauvau, j'ai fait de l'adaptation aux technologies du futur ma priorité. J'y consacre d'ailleurs un milliard d'euros de crédits dans ce projet de budget.
En outre, j'ai lancé le regroupement, trop longtemps retardé, des laboratoires de police technique et scientifique sur un site unique en Île-de-France : 12 millions d'euros sont affectés à cette opération.
Par ailleurs, la technologie du fichier automatisé des empreintes digitales et celle du fichier national automatisé des empreintes génétiques seront adaptées à l'accroissement considérable du volume des données recueillies.
J'ai également lancé un plan d'envergure sur la vidéoprotection, car son efficacité, madame Assassi, est avérée, y compris par vos propres amis dans les communes où ils l'ont installée !
MM. Christian Cambon et Henri de Raincourt. C'est évident !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Dans les parkings souterrains, la diminution de la délinquance atteint quasiment 100 %. Dans les lieux où sont installés des moyens de vidéoprotection, la baisse constatée est de 40 %. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, pouvons-nous refuser cette protection à nos concitoyens ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il n'y a aucune raison !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Les études menées à ce sujet ont fait la démonstration de l'efficacité du dispositif. C'est bien la raison pour laquelle j'ai l'intention de développer la vidéoprotection : elle est tout simplement de nature à renforcer la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
En la matière, notre retard est considérable. J'ai donc décidé de tripler le nombre de caméras installées sur la voie publique.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Et la liberté ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. De plus, j'entends notamment offrir aux communes et aux institutions dotées de dispositifs de vidéosurveillance la possibilité de raccorder leurs caméras aux commissariats ou aux gendarmeries, afin que les forces de l'ordre puissent intervenir. J'ai dégagé des crédits à cette fin dès le budget de 2007 ; d'autres sont prévus pour 2008, ainsi que dans la prochaine loi d'orientation.
Je souhaite développer cet outil, qui présente un triple avantage : une intervention très rapide ; une amélioration du taux d'élucidation, parce que notre devoir à l'égard des victimes est d'abord d'identifier leurs agresseurs ; une plus grande dissuasion, dans la mesure où, les chiffres que je viens de citer le prouvent, la vidéoprotection joue véritablement un rôle important en matière de prévention de la délinquance.
M. Philippe Madrelle. N'oubliez pas la présence humaine !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il convient d'équiper la police et la gendarmerie de matériels de protection performants, puisque celles-ci risquent de plus en plus d'être prises pour cible, y compris par des tirs d'armes de chasse, comme cela a été le cas à Villiers-le-Bel.
De même, il importe de développer l'usage des armes non létales chez les forces de l'ordre. Selon moi, il vaut toujours mieux pouvoir neutraliser quelqu'un avec une arme de cette nature plutôt qu'avec une arme de tir.
Les dotations de lanceurs de 40 millimètres, lesquels offrent un rayon de riposte et, partant, un rayon de protection plus larges, ainsi que celles de pistolets à impulsion électrique, qui évitent l'emploi d'armes à feu, vont donc être augmentées très sensiblement.
Madame Assassi, vous qui m'avez interrogée sur ce sujet, je tiens à vous répondre que, dans la gendarmerie, l'utilisation des pistolets à impulsion électrique a permis de réduire d'un tiers l'usage des armes à feu. C'est à mon sens un gros avantage et j'entends développer ce type de matériels, que cela plaise ou non ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ils sont effectivement de nature à assurer la protection des intéressés et à éviter, en cas de légitime défense, les drames que peuvent provoquer les armes à feu.
Par ailleurs, les centres d'information et de commandement seront modernisés, en commençant par ceux de six départements l'année prochaine.
La première version du système ARIANE sera déployée sur tout le territoire et le réseau ACROPOL sera installé outre-mer.
Monsieur Faure, vous m'avez interrogée sur la différence entre RUBIS et ACROPOL. La création du premier est antérieure ; ACROPOL date des années quatre-vingt, mais ce sont à peu près les mêmes technologies. Quant au système ARIANE, il a été mis en place dans les années quatre-vingt-dix et fonctionne aussi en milieu rural.
Ce projet de budget permettra aussi d'accroître les moyens aériens de la sécurité intérieure. Les drones ELSA -« engin léger de surveillance aérienne » -, nettement moins onéreux que des hélicoptères, sont particulièrement utiles à la surveillance à l'occasion de grands rassemblements.
La deuxième action à privilégier, dans le cadre de la modernisation, est l'anticipation stratégique.
La délinquance change en même temps que la société. Il est donc indispensable que les personnes chargées d'assurer la sécurité disposent d'une bonne visibilité, afin de ne pas réagir avec un temps de retard, qu'il s'agisse d'équipement ou de stratégie.
C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de doter le ministère de l'intérieur d'une direction chargée de la prospective et de la réflexion stratégique, la direction des affaires stratégiques, qui s'appuiera sur les instituts de recherche et les universités, et observera ce qui se passe à l'étranger, afin de prendre les devants par rapport à des risques éventuels pouvant survenir sur notre territoire.
Cette direction permettra de prendre une avance sur les délinquants, en termes tant de méthodes employées par les policiers et les gendarmes que de moyens mis à leur disposition pour les protéger ou pour agir, et ce quelle que soit la forme de la délinquance.
De plus en plus, à l'heure de la mondialisation, la délinquance est transfrontalière : elle vient sur notre territoire et en repart. L'efficacité de la sécurité exige donc une prise en compte forte de la dimension internationale de la menace.
La lutte contre les délinquants doit s'élargir sur tout le territoire européen. La présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de faire avancer l'Europe de la sécurité, dont j'ai souhaité la mise en place - comme j'ai voulu celle de l'Europe de la défense lorsque j'occupais d'autres fonctions -, sur des sujets très concrets : formations partagées des cadres de la police, amélioration des modalités d'échange de renseignement, échange de personnels, exercices communs, mutualisation de matériels, harmonisation des réglementations. Faire avancer ces dossiers nous permettrait de marquer la présidence française de manière très positive.
Nous devons également promouvoir et exporter nos pratiques d'excellence. Nous avons en effet, dans un certain nombre de pays, une réputation à la fois d'efficacité et de respect des personnes.
Il est bien évident que les technologies de pointe et la modernisation des moyens doivent être mises au service de l'efficacité des hommes et des femmes qui, dans la police comme dans la gendarmerie, veillent chaque jour sur notre sécurité.
Vous avez beaucoup parlé des rapports de la police et de la gendarmerie.
Chacun, dans cet hémicycle, connaît mes convictions : il est nécessaire de disposer de deux forces de police à statut différent. J'ai toujours défendu la « militarité » de la gendarmerie ; je continue de la défendre et je ne cesserai jamais de la défendre.
Chaque service doit évidemment conserver son identité et ses missions, mais la logique de l'action policière doit privilégier l'efficacité des missions plutôt que la spécificité des structures. C'est tout l'enjeu de la mutualisation. Nul ne gagne à ce que la même tâche soit accomplie deux fois par deux personnes ou deux services différents : mieux vaut agir ensemble.
Cela signifie, tout d'abord, qu'il convient d'améliorer la répartition des missions.
La première voie dans la recherche de cohérence et d'efficacité est la création d'une direction centrale du renseignement intérieur, qui permettra, monsieur de Montesquiou, de rationaliser le renseignement intérieur et la lutte antiterroriste.
Cette direction centrale prendra en charge le contre-espionnage, la contre-ingérence, le contre-terrorisme, la protection du patrimoine et la contestation à potentialité violente. Elle s'appuiera sur des structures centrales fortes et, en même temps, sur un maillage territorial fin : ce sont deux conditions de l'efficacité.
L'organisation territoriale de la police est une deuxième voie dans la recherche de la cohérence et de l'efficacité.
La police territoriale est en cours de réorganisation.
On parle beaucoup de police de proximité. Je préfère, pour ma part, parler de territorialité, car les termes « police de proximité » ont été employés à d'autres fins, dans un autre contexte et avec un autre contenu.
Que ce la soit bien clair : il est évident que la police comme la gendarmerie doivent être présentes sur le terrain. Elles le seront d'autant plus qu'entre la police et la gendarmerie nous avons créé 13 000 postes, qui n'existaient pas auparavant.
M. Jean-Pierre Raffarin. Absolument !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si l'on veut des forces sur le terrain, il faut qu'il y en ait suffisamment !
M. Bernard Saugey. Il faut le dire !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Or c'est depuis 2002 que ces 13 000 postes ont été créés. Avant, leur nombre avait plutôt diminué !
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La vraie proximité et la vraie territorialité consistent à avoir des hommes et des femmes sur le terrain, dans nos commissariats, dans nos postes de police, dans nos gendarmeries : c'est la première des choses !
Mme Éliane Assassi. Pas au commissariat de Clichy-sous-Bois !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela ne doit pas nous empêcher d'en rechercher la meilleure utilisation.
Je vous parlais tout à l'heure de la vidéoprotection. Je préfère avoir, plutôt qu'une personne immobile dans un secteur, qui ne peut voir qu'à 100 mètres - et encore si elle a de bons yeux ! -, des caméras permettant d'intervenir immédiatement, dès que l'on décèle un incident dans le secteur.
Nous voulons avoir trois niveaux : des forces présentes en permanence, d'autres qui sont rattachées en permanence sur un secteur mais qui peuvent se déplacer dans le département ou dans les départements voisins si le besoin s'en fait sentir, et des forces très mobiles, les CRS, qui se rendent sur place en cas de besoin spécifique.
Chacun doit être utilisé en fonction de ses savoir-faire, de son implantation, de sa mobilité et de sa rapidité.
Les unités de sécurisation seront composées d'effectifs en tenue ou en civil. Les estimations réalisées par la direction générale de la police nationale situent effectivement à une vingtaine, monsieur Courtois, le volume d'unités souhaitables dans les endroits sensibles.
Fortes de 60 à 100 policiers selon les besoins, ces unités seront installées dans des départements à fort potentiel d'emploi, mais bénéficieront d'une compétence territoriale élargie permettant leur envoi immédiat dans le département ou dans les départements voisins.
Je souhaite que, dès 2008, au moins trois de ces unités soient créées, ce qui nous permettra d'observer leur fonctionnement et d'affiner la mise en oeuvre du dispositif.
Je n'ai pas pour autant l'intention de dissoudre les unités de CRS. Il faut simplement poser les bases d'une meilleure utilisation des CRS, qui corresponde davantage à leur savoir-faire et à leurs missions. Cette évolution des CRS s'accompagnera d'une réflexion sur l'implantation des unités.
Franchement, quand je vois des unités de CRS garder des centres de rétention administrative, je me dis que les CRS ne sont pas bien employés !