M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelons-nous que l'une des propositions du candidat Sarkozy, en matière d'école, consistait à « créer des études dirigées dans tous les établissements pour que les enfants dont les parents le souhaitent puissent faire leurs devoirs à l'école avec l'aide d'une personne compétente ». Lors du débat de l'entre-deux tours avec sa concurrente, M. Sarkozy est même allé jusqu'à reprendre la proposition encore plus précise de Ségolène Royal, qui prônait un soutien scolaire individualisé.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, vous avez présenté le lancement du dispositif d'accompagnement éducatif hors temps scolaire dans les collèges de l'éducation prioritaire comme un « objectif gouvernemental fort » et l'un des faits marquants de la première rentrée scolaire du quinquennat.
Or la réalité est bien éloignée des promesses du chef de l'État, comme le montre l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Précisons, tout d'abord, que l'accompagnement éducatif consiste à offrir aux collégiens volontaires, après la classe et pendant quatre jours par semaine, deux heures d'encadrement pédagogique consacrées soit à l'aide aux devoirs et aux leçons, soit à la pratique culturelle et artistique, soit aux activités sportives. Le dispositif n'est pas individualisé.
Finalement, cette mesure vise à satisfaire non pas une promesse du candidat Sarkozy, mais trois à la fois ! II me semble que les professeurs d'arts plastiques et les enseignants d'éducation physique et sportive, ou EPS, seront ravis de découvrir ces louables intentions, eux qui, depuis 2002, voient leurs disciplines, qui ne sont pas extérieures au temps scolaire, de plus en plus marginalisées dans les programmes, tandis que les décharges horaires dont ils bénéficiaient pour s'investir dans les associations sportives de leurs établissements disparaissent.
La modification récente du décret du 25 mai 1950 portant fixation des maximums de service des professeurs et des maîtres d'EPS a ainsi entraîné la suppression de plusieurs centaines d'emplois à temps plein mis à la disposition des associations sportives.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, que signifie pour ces enseignants la décision de déléguer à des associations l'animation des temps d'accompagnement éducatif consacrés aux pratiques culturelles et sportives ? À leur place, ne sentiriez-vous pas votre travail bafoué, votre engagement pédagogique dévalorisé, vos compétences niées ?
En tout état de cause, nous devons nous interroger sur les intentions gouvernementales qui sont éventuellement cachées derrière les modalités de mise en oeuvre de l'accompagnement éducatif quant au devenir de l'EPS et de l'éducation artistique à l'école.
S'agit-il de sortir l'apprentissage de ces disciplines des cursus et des programmes de l'enseignement des collèges, au profit de temps d'animation confiés à des organismes extérieurs ? Nous avons déjà posé cette question quand nous avons débattu du tronc commun d'enseignement.
Cette tendance à marginaliser dans le temps proprement scolaire des disciplines qui sont pourtant essentielles à l'apprentissage de la vie en société, en les transformant en quasi-garderies, au nom de la priorité donnée à l'acquisition des savoirs fondamentaux, est d'autant plus inquiétante que le budget du ministère de la culture est marqué par des coupes sévères dans les crédits finançant les actions en faveur de l'accès à la culture, crédits qui baisseront de près de 20 %, à périmètre constant, entre 2007 et 2008.
S'ils ne concernent que quelques dizaines de millions d'euros, ces arbitrages sont révélateurs des priorités politiques de la majorité présidentielle : d'un côté, on creuse le déficit budgétaire en accordant des baisses d'impôts économiquement inefficaces aux catégories les plus aisées de la population ; de l'autre, on fait peser l'effort de maîtrise des dépenses publiques sur les actions d'éducation et de sensibilisation de tous à la culture.
En outre, en termes de conception, de réalisation et d'évaluation d'une politique publique, la mise en oeuvre du dispositif d'accompagnement éducatif présente de nombreuses lacunes.
Observons, tout d'abord, que le dispositif dont vous proposez l'extension dans votre budget a été conçu sans évaluation préalable de la réalité des besoins, qui ne sauraient être les mêmes dans tous les collèges du pays. Vous me répondrez, monsieur le ministre, que vous avez choisi de commencer à mettre en place ce dispositif en novembre dernier, là où sa nécessité se faisait a priori la plus pressante, c'est-à-dire dans les établissements de l'éducation prioritaire.
Pouvez-vous alors dresser un premier bilan de l'application de cette mesure ? Je ne réclame pas une évaluation exhaustive, car c'est encore trop tôt, mais les premières remontées d'informations répondent-elles à vos objectifs ?
Au fait, de quels objectifs parle-t-on ? Demander à un seul dispositif de politique publique de « courir trois lièvres à la fois » - l'aide aux devoirs, l'éducation artistique, la pratique du sport -, c'est généralement le meilleur moyen de les laisser filer tous les trois. Le risque est d'autant plus grand que le système actuel a été construit par assemblage de pièces anciennes.
En l'occurrence, l'un de vos prédécesseurs, aujourd'hui Premier ministre, lorsqu'il essayait, au printemps 2005, de répondre - déjà ! - à l'inquiétude des jeunes, avait annoncé la création de 1 500 emplois d'assistants pédagogiques, recrutés sous le régime précaire des assistants d'éducation, afin d'apporter un soutien aux élèves en difficulté. Or que découvre-t-on aujourd'hui ? Le recrutement projeté de 6 000 de ces mêmes assistants pédagogiques, dont 5 000 seraient engagés à la rentrée 2008-2009, pour assurer le volet « aide aux devoirs et aux leçons » de l'accompagnement éducatif !
Ainsi, monsieur le ministre, et sans mettre en cause le moins du monde votre bonne volonté, je suis bien obligé de dire qu'en matière d'accompagnement éducatif on se contente, une nouvelle fois, de substituer une mesure à une autre.
L'éparpillement des dispositifs dont votre ministère est coutumier se poursuit donc, au mépris de toute cohérence de politique publique et au détriment de la continuité de l'action pédagogique des enseignants.
À votre décharge, il faut noter que le lancement de ce dispositif, pendant l'année scolaire 2007-2008, puis son extension, dans la perspective de la rentrée 2008-2009, s'inscrivent dans un cadre budgétaire extrêmement contraint pour l'éducation nationale.
Le budget global alloué à l'enseignement scolaire est ainsi en baisse de 1,2 %, en euros constants, par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale pour 2007, alors même que le nombre d'élèves du second degré public stagne, voire augmente légèrement en premier cycle, et que tout le monde s'accorde sur la nécessité d'accorder une priorité marquée à l'éducation.
Les crédits alloués à l'action « Pilotage et mise en oeuvre des politiques éducatives et de recherche », qui financent, notamment, les associations apportant un soutien à la politique éducative, atteignent à peine leur niveau de 2006, puisqu'ils s'élèveront à 411,69 millions d'euros en 2008, contre 413,55 millions d'euros en 2006, après un étiage à 366,67 millions d'euros en 2007.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser comment seront financées les interventions des associations dans le cadre de l'accompagnement éducatif ?
En fait, les enseignants des collèges, qui voient nombre de leurs collègues partir en retraite sans être remplacés, seront mobilisés pour ce dispositif par le biais d'heures supplémentaires, l'éducation nationale apportant par là sa contribution à la théologie présidentielle du « travailler plus pour gagner plus » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, pouvons-nous savoir si le projet de loi de finances prévoit la rémunération des heures supplémentaires des agents publics dans les mêmes conditions que celles qui sont envisagées par le code du travail, soit 25 % de plus que les heures dites « normales », comme l'a annoncé le chef de l'État le 29 novembre dernier ?
De plus, la participation des enseignants à l'accompagnement éducatif sera-t-elle volontaire ou imposée ? Il serait pour le moins étrange que ce ne soit pas le professeur chargé des heures de classes qui aide ses élèves à faire leurs devoirs, mais l'un de ses collègues !
Quoi qu'il en soit, la lecture du bleu budgétaire ne rassure pas quant aux moyens réellement dédiés à la mise en oeuvre de l'accompagnement éducatif dans tous les collèges du pays à la rentrée 2008 : les 63 000 heures supplémentaires prévues viseraient à permettre le non-renouvellement de 3 500 emplois d'enseignants du second degré ; les 6 000 emplois promis d'assistants pédagogiques se réduiraient en fait à la transformation de postes - déjà existants - de maîtres d'internat et de surveillants en 3 260 emplois à temps plein d'assistants d'éducation.
Notons d'ailleurs qu'entre les années scolaires 2002-2003 et 2006-2007, le nombre des personnels d'éducation est passé de 117 535 à 88 292, soit une baisse de près de 25 %. En effet, un peu moins de 57 000 assistants d'éducation sont désormais chargés d'assurer les missions de près de 51 000 maîtres d'internat et surveillants et de près de 56 000 aides-éducateurs, qui sont en extinction depuis que la droite a décidé de supprimer les « emplois-jeunes ». Si nous mettons ces évolutions en perspective sur plusieurs années, il s'agit bien de coupes sévères !
Autrement dit, on voudrait nous faire croire, avec l'accompagnement éducatif hors temps scolaire, que quelques milliers d'enseignants en heures supplémentaires et quelques centaines d'assistants d'éducation en contrats précaires suffiront à apporter le soutien scolaire qu'attendent des centaines de milliers de parents pour leurs enfants - et je n'évoque même pas l'aide individualisée qui avait été mise en avant.
L'ambition affichée d'offrir à tout élève qui en ressent le besoin une aide aux devoirs après la classe est donc à ranger au nombre des mirages de la geste présidentielle, au détriment d'une action publique résolue en faveur de la réussite éducative de tous. Au demeurant, monsieur le ministre, ce sera bientôt aux résultats, et pas seulement aux intentions, que nous vous jugerons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui est tout à fait à l'actualité : alors que l'effort de la nation en faveur de l'enseignement scolaire est comparable, sinon supérieur, à celui qui est consenti par beaucoup d'autres pays européens, nous apprenons qu'un classement récent, dit « PISA », montre une baisse du niveau des jeunes Français dans les connaissances fondamentales dispensées par l'enseignement scolaire.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est reparti !
M. Jacques Legendre. Même si, bien sûr, les comparaisons peuvent toujours être discutées,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Et elles le sont !
M. Jacques Legendre.... les élèves français passeraient de la dixième à la dix-neuvième place.
M. Jean-Marc Todeschini. C'est de la caricature !
M. Jacques Legendre. Comment se fait-il que nos résultats diminuent alors que nos moyens sont au moins comparables ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faudrait voir qui paye les enquêtes !
M. Jacques Legendre. Tout ministre, tout Gouvernement doit se poser cette question, me semble-t-il, et y répondre sans passion, sans mise en cause personnelle, sans procès (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), mais avec la volonté d'améliorer la situation.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien le monde de l'éducation et vous préférez, à juste titre, les réponses concrètes aux débats passionnels. Je soulignerai quelques éléments qui me paraissent devoir nourrir notre discussion.
La maîtrise de la langue française par tous les jeunes doit être notre première exigence. En effet, comment un jeune peut-il espérer réussir dans l'enseignement secondaire...
M. Jean-Marc Todeschini. Avec des moyens !
M. Jacques Legendre.... s'il y entre sans maîtrise véritable de la langue française ?
Votre prédécesseur s'était interrogé sur la pertinence du recours à la méthode globale pour enseigner la langue française aux élèves du primaire, ce qui a déchaîné les passions, semble-t-il. Il faut revenir à l'essentiel. Notre problème n'est pas d'être pour une méthode ou pour une autre. L'important est que les élèves maîtrisent la langue française.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire si cela reste bien l'une de vos priorités et si vous poursuivez dans la voie qui a été tracée par votre prédécesseur : faire en sorte que les jeunes Français apprennent leur langue dans de bonnes conditions et qu'ils en aient une connaissance satisfaisante quand ils abordent le collège.
La deuxième préoccupation - mais tout est lié - concerne les programmes de français. Votre illustre prédécesseur M. Fillon en avait fait le premier pilier du socle commun. Il s'était encore exprimé à ce sujet le 23 avril 2005. Les nouveaux programmes de l'école élémentaire, rédigés sous l'égide de l'inspection générale de l'éducation nationale, semblent éloignés de l'esprit de la loi et de la lettre de son décret d'application. Ils ne semblent pas non plus tenir vraiment compte des rapports de M. Alain Bentolila. Les exigences fixées pour la fin du primaire sont basses et les programmes du collège ne semblent pas devoir corriger cette situation.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour fixer des exigences un peu plus élevées afin que les programmes de français, de l'école primaire au baccalauréat, permettent de maîtriser la langue française et d'acquérir une véritable culture littéraire ? Je ne doute pas que vous y soyez personnellement très attaché.
Je voudrais maintenant parler d'un sujet qui m'a amené à déposer deux rapports relatifs à la diversification de l'enseignement des langues, rapports qui ont été approuvés à l'unanimité par la commission des affaires culturelles. En France, nous avons développé et généralisé la connaissance de l'anglais comme première langue étrangère. C'est pratiquement inéluctable. Mais, pour autant, il ne faudrait pas que nous limitions de plus en plus le choix de la deuxième langue à une seule langue - souvent l'espagnol - en laissant péricliter l'enseignement d'autres langues essentielles.
Je pense par exemple à l'allemand : n'oublions pas que l'Allemagne est notre premier partenaire économique et politique. Je pense également au russe, qui est la langue d'un pays important - plus que jamais -, dont la culture est très riche. M'étant entretenu de cela avec l'ambassadeur de Russie, j'ai récemment reçu une lettre où il me disait qu'il était grand temps de réfléchir sérieusement à de nouvelles voies de promotion de la langue russe en France. Il a tout à fait raison.
Je pense à l'Arabe, en raison de nos échanges internationaux. Le Président de la République est d'ailleurs en ce moment en Algérie, dont la langue officielle est l'arabe. Il serait utile que certains de nos compatriotes, et pas seulement ceux qui sont d'origine maghrébine, maîtrisent cette langue.
Il y a par ailleurs une importance certaine à enseigner l'arabe dans l'école de la République, de manière à valoriser les acquis familiaux d'un certain nombre de jeunes. Cela pourrait être un plus pour eux, d'autant qu'ils connaissent souvent des difficultés par ailleurs. Je rappelle que le Sénat, lors du débat sur la loi « Fillon », s'était prononcé pour que cet apprentissage figure dans les priorités du socle commun.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jacques Legendre. Je pourrais aussi parler de certaines langues qui sont appelées à devenir importantes comme le japonais ou le mandarin. Compte tenu de la place de la France dans le monde et de la globalisation des échanges, il est nécessaire d'armer les jeunes Français à vivre cette mondialisation en connaissant plusieurs langues étrangères. Au lieu de dire que personne ne veut apprendre telle ou telle langue, il faut adopter une attitude permettant aux parents et aux élèves de comprendre qu'il est important de maîtriser plusieurs langues étrangères. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, cette attitude proactive.
M. Bodin et moi avons récemment rendu un rapport d'information sur la situation des classes préparatoires aux grandes écoles et dénoncé un resserrement de l'origine sociale des élèves de ces classes. C'est un problème social et politique grave, puisque les classes préparatoires fournissent une partie de l'élite de ce pays.
Monsieur le ministre, allez-vous reprendre certaines des préconisations de ce rapport, adoptées à l'unanimité par la commission des affaires culturelles, afin de revoir la carte des classes préparatoires et de diversifier leur composition. En outre, il faudrait développer des internats pour permettre aux élèves de ces classes préparatoires d'accomplir leur scolarité dans les meilleures conditions possibles.
Tout en souhaitant obtenir des réponses à toutes ces questions, monsieur le ministre, je vous annonce dès maintenant que je voterai très volontiers le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord inviter notre assemblée à se méfier de cette sorte de jubilation morbide, si tristement française, qui consiste à dénigrer sans cesse les performances de notre patrie.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. N'oubliez jamais, après avoir énuméré cette longue litanie des échecs attribués à notre pays, que nous sommes tout de même la sixième puissance économique du monde. Il faut bien que nous ayons trouvé quelque part le moyen de l'être ! Nous n'avons aucune ressource qui fausserait le classement, sinon la matière grise de nos compatriotes, de nos travailleurs, de nos jeunes. Ne le perdez jamais de vue, et n'avalons pas tout rond ce que les journaux mettent en première page. Hier, selon le Boston College - bien connu de vous tous... (Sourires) -, les performances de l'éducation nationale française étaient tout à fait déplorables. Ce Boston College a juste oublié d'étudier les raisons pour lesquelles les États-Unis d'Amérique produisent deux fois moins de diplômés scientifiques pour 100 000 habitants que les Français ! Comment ce peuple d'ignorants, qui ne sait ni lire ni écrire, parvient-il à cette performance ?
Quant aux statistiques de l'OCDE, je n'ai pas l'intention de toutes les récuser, mais je me pose des questions à leur sujet. Je me souviens de ce moment particulièrement ridicule où ces fonctionnaires étaient venus m'expliquer - j'étais alors ministre - les défauts du système français, avec pour conséquence, entre autres, l'incapacité des jeunes Français à faire preuve d'esprit critique lorsqu'on leur donne des ordres ! Celui qui avait réalisé cette enquête n'avait certainement pas rencontré de jeune Français depuis longtemps... (Nouveaux sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Ni de vieux !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si les jeunes Français ont une caractéristique commune, ce n'est sûrement pas celle-là !
Soyons méfiants et inversons la méthode. Au lieu de nous dénigrer nous-mêmes, partons de nos succès (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste), essayons de comprendre comment nous pourrions les développer et aller plus loin et utilisons la force du système éducatif français, qui résulte tout de même de l'effort accumulé de générations et de gouvernements de couleur différente.
J'ai dit à l'instant ce qu'il en était des matières scientifiques et des questions essentielles que sont pour les économies contemporaines les systèmes de formation.
J'évoquerai maintenant le domaine qui nous intéresse tous, l'élévation du niveau de qualification des jeunes Français. En dix ans, nous avons doublé le nombre des jeunes bacheliers. Le précédent doublement nous avait demandé quatre-vingts ans.
Le pays s'était donné pour objectif de doubler le nombre des ingénieurs. Eh bien, nous y sommes parvenus, puisque, de 21 000 en 1990, ils sont passés à 37 000 aujourd'hui. Nous avons multiplié par quatre le nombre de diplômés de DESS et de licenciés. Ce ne sont pas des petits résultats !
Quand on examine ces données, gardons à l'esprit que ceux qui nous critiquent sont positionnés sur un marché international. Les établissements comme le Boston College veulent attirer à eux ces étudiants qui ont fréquenté les institutions gratuites de la République française. Nous sommes l'un des pays où le nombre de chercheurs étrangers est le plus élevé proportionnellement au nombre global de chercheurs : 25 % des effectifs du CNRS, ce n'est pas rien !
S'agissant de la France en tant qu'économie de production, et pas seulement de services, les comparaisons nous mettent derrière les Anglais, alors que ceux-ci totalisent dans leur production intérieure brute des résultats qui sont purement scripturaux, des résultats de bourse et non de production.
M. le Président de la République a récemment manifesté sa volonté de garder des usines en France. Si nous voulons que nos industries restent productives, que doit-on faire ? Il faut bien sûr former des cadres supérieurs, des ingénieurs, des architectes, des intellectuels de haut niveau. Mais il convient surtout de d'élever la base productive à un haut niveau de qualification. C'est un objectif pour le pays. D'où sortir cette base productive, où la former sinon dans le système général de l'enseignement professionnel ?
Et là, monsieur le ministre, le compte n'y est pas. Vous êtes un homme de la maison qu'est l'éducation nationale, vous en connaissez les préjugés de caste en même temps que la grandeur. Mais ce que l'on passe d'abord à la trappe, c'est l'enseignement professionnel. Pourquoi ? Parce que la plupart de ceux qui y travaillent n'y ont pas inscrit leurs propres enfants ! (Mme Gisèle Printz applaudit.) Je le dis avec un peu de rugosité, mais c'est une partie de la réalité.
Or la moitié des jeunes Français suivent un enseignement professionnel et technologique ou un apprentissage. Parmi eux, 30 % se trouvent dans l'enseignement professionnel, les autres étant répartis dans les autres filières. Et c'est comme si ces jeunes n'existaient pas !
Pourtant, ils forment une masse vitale, la base de notre capacité productive. Les travailleurs français se sont d'ailleurs mieux adaptés que les autres, notamment les Allemands, car le système éducatif les avait préparés aux modifications des machines. La durée de vie d'une machine est passée de quinze ans à dix ans ou à quatre ans, voire moins dans certaines branches où l'outil informatique est utilisé. Comment expliquez-vous que la production ait suivi, sinon par le fait que les travailleurs avaient la capacité d'auto-adaptation, compte tenu des bases suffisantes qui leur avaient été données.
Nous devons manier ces notions avec beaucoup de précaution sans suivre la dernière mode, la dernière trouvaille de je ne sais quelle officine internationale qui ne pense qu'à faire du commerce avec tout cela. Dans cette histoire, la France joue sa peau !
Les différentes catégories sont toujours les mêmes. Il y a ceux qui n'y connaissent rien et qui ne veulent pas en entendre parler et les têtes d'oeufs qui ont trouvé la bonne occasion de faire des économies : réduire, réduire et encore réduire les budgets. Le ministre, quel qu'il soit et même s'il n'en pense pas moins, est obligé d'accepter, car il est membre du gouvernement.
La grande trouvaille consiste à réduire le budget de l'enseignement professionnel en comptant sur sa prise en charge par le secteur privé, grâce à l'apprentissage. Or, si celui-ci fonctionne très bien pour les métiers où le tour de main et le geste sont essentiels et où la connaissance se transmet visuellement, en revanche, il est plus délicat pour tous les autres métiers, car le niveau technique s'est considérablement élevé et un haut niveau de connaissances générales est devenu nécessaire.
Nous avons besoin d'ouvriers titulaires d'un CAP, mais aussi, et surtout, d'un plus grand nombre de détenteurs d'un bac professionnel. C'est le coeur de l'affaire. Que se passe-t-il aujourd'hui ? Je sais que M. le ministre veut bien faire ; il écrit des communiqués touchants où il déclare que, pour améliorer l'accès au bac professionnel, il va faire passer celui-ci en trois ans. Je souhaiterais formuler deux remarques à ce propos.
C'est d'abord une question de classes. L'objectif de 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat a commencé à être remis en cause lorsque nous sommes parvenus à peu près à ce pourcentage pour les filières de l'enseignement général. Et pourtant, au total, le résultat n'est que de 60 %. D'où vient la différence ? De l'enseignement professionnel, où la moitié de nos jeunes ne vont pas jusqu'au bac professionnel et s'arrêtent au BEP.
L'objectif est la promotion des travailleurs et des milieux populaires. Il faut comprendre pourquoi les choses ne se passent pas aussi bien qu'on le voudrait et trouver des solutions concrètes, techniques.
Pour quelles raisons, croyez-vous, les jeunes ne vont-ils pas jusqu'au bac professionnel ? Parce qu'ils s'ennuient à l'école ? Non, ce n'est pas le sujet. En premier lieu, ils doivent suivre des remises à niveau qui demandent un peu plus de temps. En second lieu, toutes les filières ne sont pas au même endroit. Si un jeune est inscrit en BEP et qu'il veut suivre la filière du bac pro, il doit parfois se déplacer dans la ville d'à côté. Or il n'y a que les petits bourgeois qui croient que toutes les familles possèdent deux voitures ! Que fait le jeune ? Il quitte l'école pour l'emploi en espérant que les choses s'arrangeront.
Par ailleurs, beaucoup d'élèves sont pères ou mères de famille - d'après les statistiques, la moyenne d'âge des effectifs de l'enseignement professionnel est plus âgée -, et il faut qu'ils mangent. Donc, si l'on veut les amener à un niveau suffisant de qualification pour le bien du pays, il convient de leur donner les moyens matériels de continuer leurs études.
Telle est la clé de la situation, et non de raccourcir la préparation au bac pro. Vous vous trompez, monsieur le ministre ; vous avez été mal conseillé. Je sais qui se charge de ce boulot depuis des années : les grands trouveurs de Bercy et les grands intelligents de l'Union des industries et métiers de la métallurgie, l'UIMM.
Monsieur le ministre, on parle souvent des permanents ouvriers des syndicats, mais méfiez-vous des permanents patronaux. Certains n'ont pas mis les pieds dans une boîte depuis quinze ou vingt ans. Cela ne les empêche pas de vous expliquer comment former les ouvriers. Ils sont aussi suspects que ceux qui n'ont pas travaillé, surtout lorsqu'ils relaient des trouvailles comme celle de l'UIMM visant à ramener la formation au baccalauréat professionnel à trois ans.
L'IUMM souhaite un bac pro à trois ans pour plusieurs raisons. D'abord, ses représentants pensent aux économies qui résulteront de la diminution du temps de formation. Ensuite, ce sont des partisans acharnés du partage aberrant entre l'éducation nationale et le monde de l'industrie : l'éducation nationale s'occupant des connaissances générales - comme ils disent - et eux certifiant les compétences professionnelles.
La délivrance d'un certificat de compétences est au coeur de la polémique entre le système républicain de l'enseignement professionnel et les organismes anglosaxons qui ont partout mis en place ce certificat de compétences.
Le certificat de compétences, c'est le piquet qui tient le travailleur à la gorge. Un diplôme et une qualification se négocient dans les conventions collectives. En revanche, un certificat de compétences n'a de durée que celle du produit que vous savez fabriquer. Un certificat de compétences, dans le secteur de l'automobile, a une durée de cinq ans et la durée de vie d'une automobile est de sept ans sur le marché.
Voilà pourquoi la question scolaire est toujours une question sociale. Et elle nous renvoie à l'idée que nous nous faisons du développement de notre patrie républicaine.
Monsieur le ministre, c'est une erreur de généraliser le bac pro à trois ans. Un chiffre le prouve. Aujourd'hui, le baccalauréat professionnel se prépare en quatre ans - les études courtes professionnelles m'ont toujours fait sourire. Mais il faut savoir que 20 % des jeunes qui arrivent aujourd'hui au bac pro ont eu besoin d'une cinquième année. On voit mal comment ils s'en sortiraient en trois ans !
Monsieur le ministre, je plaide pour la jeunesse ouvrière, je plaide pour les travailleurs, je plaide pour le développement de notre pays en tant que puissance industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » est une des missions les plus importantes de l'État, à la fois en termes de moyens budgétaires et d'effectifs. Elle bénéficie en effet d'un budget de 59,26 milliards d'euros pour 2008 et permet d'assurer la scolarisation de plus de 12 millions d'élèves.
Depuis plusieurs décennies, le budget de l'éducation nationale est en progression constante. Il augmente même plus rapidement que la richesse nationale. La France se situe bien au-dessus de la moyenne des nations comparables en matière de dépenses éducatives.
Mais force est de constater que l'évolution importante des moyens de l'école n'a pas toujours produit les effets escomptés pour assurer l'égalité des chances.
Notre système scolaire repose en effet sur un principe qui commande que ni l'origine sociale ni l'appartenance à une minorité ne préjugent de la réussite scolaire des élèves. Or, dans les faits, nous en sommes très loin, puisque statistiquement la proportion d'enfants d'ouvriers ou de jeunes issus des quartiers sensibles accédant aux grandes écoles reste faible.
Le budget que nous présente le Gouvernement s'inscrit pleinement dans les objectifs fixés par le Président de la République, dont les ambitions pour l'école ont été clairement déclinées au travers de la « lettre aux éducateurs » lors de la rentrée scolaire 2007.
Ce budget démontre que l'on peut faire beaucoup mieux pour les élèves en difficulté, tout en réduisant le nombre d'enseignants, dans un effort global de maîtrise des dépenses publiques, sans que pour autant les conditions de vie et de travail des enseignants et des élèves s'en trouvent affectées.
Monsieur le ministre, conformément à votre souci de résultats et de lutte contre l'échec scolaire, l'école va faire beaucoup plus pour les élèves en difficulté.
La suppression des cours le samedi matin dans les écoles élémentaires permettra concrètement de proposer une aide personnalisée aux élèves qui connaissent des difficultés.
L'accompagnement éducatif mis en place dans les collèges de l'éducation prioritaire, dont le dispositif sera généralisé à l'ensemble des collèges à la rentrée 2008, permettra aux élèves qui le souhaitent de bénéficier d'une aide pour leurs devoirs ou bien de pratiquer une activité culturelle, artistique ou sportive, quatre jours par semaine, pendant une durée de deux heures après les cours.
Les enseignants volontaires qui encadreront l'aide aux devoirs seront rémunérés en heures supplémentaires, lesquelles seront défiscalisées, conformément aux dispositions de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA.
Cette orientation traduit la volonté du Président de la République d'avoir des fonctionnaires mieux considérés et mieux payés.
Dans l'école de demain, les enseignants gagneront plus s'ils choisissent de s'investir davantage. Ces heures supplémentaires leur permettront de mieux suivre les élèves, de mieux les aider et de mieux les accompagner dans leur parcours scolaire.
Monsieur le ministre, vous avez clairement exprimé votre volonté de recentrer le premier degré sur ses missions fondamentales, à savoir l'apprentissage et la maîtrise du français, les performances en lecture de certains élèves étant encore bien trop faibles.
Cette maîtrise conditionne tous les enseignements ultérieurs : entre autres pédagogies, la pratique des langues étrangères qui m'est chère.
L'apprentissage des langues étrangères, me paraît aujourd'hui fondamental, la mondialisation des échanges et l'Europe à vingt-sept membres en font une nécessité ; je rappelle que vingt-trois langues sont parlées en Europe.
Une initiation à l'Anglais est déjà dispensée à l'école primaire, c'est un premier pas. Une sensibilisation, et j'insiste sur ce terme, au multilinguisme dès l'école primaire en ayant recours aux nouvelles technologies mériterait, je pense, réflexion.
Ne pourrait-on pas envisager par ailleurs qu'un collégien puisse être initié à deux langues étrangères dès l'entrée en cinquième alors qu'actuellement cette pratique n'est envisagée qu'à partir de la quatrième ?
Mes dix années d'expérience de professeur d'Anglais dans un collège classé en ZEP me conduisent à penser que faute d'un bain linguistique qui permet d'apprendre une langue en situation, une imprégnation quotidienne serait nécessaire pour progresser. Cette méthode est d'ailleurs utilisée dans des pays voisins.
Par ailleurs, l'égalité des chances se traduit par une meilleure information des élèves sur leur orientation, qui doit être plus lisible.
Il faut en effet rompre avec une certaine méconnaissance du monde du travail et exposer clairement les débouchés qu'offrent certaines filières comme la voie professionnelle qui souffre encore actuellement d'un déficit d'image.
Il est navrant de constater que l'orientation vers des formations professionnelles se fait après un échec et par défaut dans la plupart des cas.
Il faut créer des passerelles entre les différentes filières scolaires, et je souscris entièrement à votre initiative, monsieur le ministre, d'instituer un parcours de découverte des métiers et des formations pour tous les collégiens à partir de la classe de cinquième.
L'égalité des chances, c'est aussi donner la possibilité à tous les parents, quels que soient leur lieu de domicile et leur appartenance sociale, de pouvoir inscrire leur enfant dans l'établissement de leur choix en fonction de ses ambitions et de ses qualités.
La priorité a été donnée aux élèves boursiers et handicapés dès juin 2007. Les premiers résultats de l'assouplissement de la carte scolaire sont encourageants et cette mesure n'a pas conduit à de fortes baisses d'effectifs dans les collèges « ambition réussite », comme certains pouvaient le redouter.
Enfin, il me paraît indispensable d'encourager le soutien individuel apporté aux élèves handicapés grâce aux enseignants et aux auxiliaires de vie scolaire. Je ne peux que me réjouir du recrutement de 2 700 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires afin d'assurer à ces élèves les conditions d'accueil et d'apprentissage qui leur permettront de s'épanouir dans le cadre scolaire.
Monsieur le ministre, le groupe UMP apportera tout son soutien au budget que vous défendez et qui traduit fidèlement les engagements pris par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)