M. Christian Cambon. De surcroît, vous venez présenter un bon budget. Le groupe de l'UMP le votera bien évidemment avec beaucoup de détermination et de plaisir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Contrairement à M. Cambon et à vous, monsieur le ministre, je n'arrive pas à me réjouir qu'un ministère qui porte l'intitulé « immigration, intégration, identité nationale et codéveloppement » - inédit dans l'histoire de la Ve République - soit doté d'un budget propre pour 2008, ainsi que d'une véritable administration centrale. J'y vois là la traduction budgétaire d'une politique d'immigration axée essentiellement sur la traque aux étrangers que les mots « codéveloppement, intégration, accès à la nationalité française » ne sauraient faire oublier.
Le programme « Immigration et asile » vient parachever sur le plan budgétaire le rattachement de l'asile au ministère de l'immigration alors qu'il relevait auparavant du ministère des affaires étrangères. C'est très inquiétant, mais cela confirme bien la tendance à gérer l'asile - qui est la protection offerte par un pays à des personnes persécutées pour des motifs liés à la race, à la religion, à la nationalité, à l'appartenance à un certain groupe social ou encore en raison de leur opinion politique - comme on gère les flux migratoires.
Dans cette optique gestionnaire, vous n'hésitez pas à tabler sur une diminution de 10 % des demandes d'asile afin de réaliser de substantielles économies en abaissant de 3,7 % l'ensemble des crédits.
Le budget de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, va ainsi passer de 45,5 millions d'euros en 2007 à 43 millions d'euros en 2008. Les sommes dédiées à l'allocation temporaire d'attente passeront de 38 millions d'euros à 28 millions d'euros et la durée moyenne de la procédure d'asile, qui était de treize mois en 2007, passerait à dix mois en 2008. C'est une évaluation très optimiste, puisque déjà, au cours des premiers mois de l'année 2007, le rythme de diminution de la demande d'asile a fortement fléchi par rapport à 2006.
Monsieur le ministre, comment justifiez-vous une telle diminution du nombre de demandeurs d'asile ? Disposeriez-vous d'informations que nous n'aurions pas sur la situation dans le monde ? Y aura-t-il, en 2008, moins de famine, moins de guerre, moins de pauvreté ? Y aura-t-il, par conséquent, moins de réfugiés ? Je ne le pense pas !
En réalité, si le nombre de demandes d'asile est en baisse, c'est en raison de vos réformes successives, qui tendent toutes à restreindre l'accès au droit d'asile avec l'introduction de notions telles que celles d'acteurs de protection, d'asile interne, de liste nationale des pays d'origine sûrs, de protection subsidiaire, de procédure prioritaire, de multiplication des rejets au motif que la demande est manifestement infondée, etc. Vous faites des économies sur le dos des gens les plus pauvres du monde, les plus vulnérables aussi !
Que se passera-t-il si jamais l'hypothèse de cette diminution ne se confirmait pas comme le craignent à juste titre les différents rapporteurs de l'Assemblée nationale ?
À cet égard, il faut noter les priorités inquiétantes envisagées lors de la présidence française de l'Union européenne au second semestre de 2008, notamment avec l'instauration d'un régime européen de l'asile, dont l'objectif sera certainement - sous couvert d'harmonisation, bien évidemment - de restreindre les délais de recours, les délais de décisions, et d'un pacte européen sur l'immigration afin d'affirmer le refus des régularisations massives, l'approbation des accords de réadmission ...
Votre budget, c'est aussi les reconduites à la frontière via les centres de rétention administrative, qui sont de véritables machines à expulser du territoire.
En la matière, vous évoquez sans cesse les objectifs chiffrés à atteindre : 25 000 reconduites pour la fin de 2007, 26 000 prévues pour la fin de 2008, 28 000 ciblées en 2010. On peut donc s'interroger sur l'origine de ces chiffres. D'où viennent-ils ? Comment, sur quel critère et sur quel article de loi sont-ils fondés ?
Il faut savoir que ces objectifs - inhumains ! - sont impossibles à atteindre et ne servent qu'à manipuler l'opinion publique afin de leur laisser croire que le Gouvernement agit. J'en veux pour preuve le fait que les objectifs ont d'ores et déjà été revus à la baisse. L'an dernier, il était question de parvenir à 28 000 reconduites dès la fin de 2008 ; aujourd'hui, on parle de la fin de 2010. N'est-ce pas là l'aveu d'un effet d'affichage afin d'entretenir encore et toujours un certain électorat.
En revanche, il y a un chiffre qui est beaucoup moins mis en avant, y compris dans les médias, c'est celui du taux de mise en oeuvre effective des mesures d'éloignement par rapport aux procédures engagées. Ce taux ne dépasse quasiment jamais 30 %, l'année 2006 ayant été une année record avec 29,5 %, contre 27 % en 2005. Au premier semestre de 2007, ce taux était inférieur à 20 %.
En réalité, pour expulser effectivement 25 000 personnes, il faut en interpeller trois à cinq fois plus. Il ne suffit pas d'interpeller des personnes pour les faire entrer dans les statistiques, encore faut-il suivre et respecter la procédure jusqu'au bout. Plus de 70 % des mesures d'éloignement ne sont pas mises en oeuvre en raison de l'annulation de la procédure d'éloignement par le juge judiciaire ou administratif, de la non-délivrance de laissez-passer consulaire ou encore de l'impossibilité de placer une personne en CRA faute de places, d'où d'ailleurs l'objectif des 2 400 places en CRA pour l'été 2008.
Cette politique est une aberration. Elle conduit à faire du chiffre à tout prix. Pour traquer les étrangers, vous multipliez donc les contrôles au faciès et vous recherchez des auxiliaires de police partout : agents de l'URSSAF, des CAF, de l'UNEDIC, de l'ANPE, de l'inspection du travail, etc.
Cette politique est à l'origine de situations aussi dramatiques qu'ubuesques : multiplication du nombre de défenestrations, parfois mortelles, consécutives à des contrôles de police ; placement en rétention administrative ou en zone d'attente de personnes qui n'ont rien à y faire, et je pense ici à ce couple et à son bébé de trois semaines qui ont failli être expulsés avant même d'obtenir la réponse à leur demande d'asile ou encore à cette jeune femme qui, malgré son passeport français, a été placée en zone d'attente pendant onze heures à Orly ; multiplication des arrestations pour délit de solidarité ou entrave à la circulation d'un aéronef.
Il s'agit, selon moi, d'une criminalisation de l'action militante et citoyenne. Il convient de la différencier de celle des passeurs, des employeurs de main-d'oeuvre étrangère, des marchands de sommeil, qui, eux, tirent profit des gens en situation irrégulière et savent pour ce faire contourner les lois de plus en plus restrictives en matière d'immigration.
Quant au coût moyen d'une reconduite à la frontière, celui-ci est estimé dans cette mission à 1 800 euros. C'est déjà beaucoup, mais cela reste très en deçà de la réalité, car d'autres ministères sont impliqués dans la prise en charge des expulsions. Vous avez d'ailleurs vous-même évoqué, au cours d'une émission télévisée, le coût moyen de 13 000 euros par expulsion.
Mme Éliane Assassi. Vos propos n'étaient pas très clairs. En réécoutant l'émission, j'ai bien entendu 13 000 euros par expulsion.
Mme Éliane Assassi. Par conséquent, il serait temps que les parlementaires connaissent enfin le coût moyen complet d'une reconduite à la frontière.
Auparavant, pour atteindre vos impératifs chiffrés, vous vous en preniez aux Roumains et aux Bulgares. Le problème, c'est que vous ne pouvez plus les expulser, car ils font partie de l'Europe depuis le 1er janvier 2007. On voit bien là les limites de votre politique d'immigration.
Par ailleurs, vous avez annoncé une réforme de la Constitution afin de fixer chaque année des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation en France et selon les régions d'origine, d'une part, et pour unifier le contentieux au profit d'un seul ordre juridictionnel, d'autre part. N'avez-vous pas l'impression de revenir à une politique qui aurait des « relents colonialistes » ?
Mme Éliane Assassi. Compte tenu du fait que le nombre de recours ne pourra qu'exploser sous l'effet des lois successives contre l'immigration que vous avez fait voter, vous projetez d'uniformiser le contentieux de l'entrée, du séjour et de l'éloignement des étrangers au profit d'un seul ordre juridictionnel. Vous souhaitez également que l'État soit systématiquement représenté lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention. En réalité, il s'agit d'éviter que les décisions prises par les juges des libertés et de la détention, qui annulent plus du tiers des procédures d'éloignement, ne viennent perturber les expulsions.
Il existe un décalage total entre les effets d'annonce et la réalité de ce projet de budget pour l'année 2008, lequel est avant tout un budget politique, idéologique, porté par la présente mission dans le cadre d'un nouveau ministère directement créé à la suite de l'élection de M. Sarkozy. L'argent public est utilisé à des fins purement répressives pour mettre en oeuvre une politique aux résultats aussi contestables qu'inefficaces.
Compte tenu de ces observations, les sénateurs du groupe CRC voteront contre ce projet de budget. (Mme Catherine Tasca applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une mutation de nos politiques d'accueil et d'immigration est en cours ; l'immigration zéro n'existe pas. Et je loue les trois axes désormais promus : développement d'une immigration choisie et concertée, politique d'intégration, amélioration des conditions du droit d'asile.
Le groupe du RDSE, soucieux de défendre les valeurs de la personne humaine, entend soutenir ce programme d'action dès lors qu'il s'agit bien d'une politique combinée et non exclusive. La mission budgétaire que nous examinons aujourd'hui offre les conditions économiques de cette mise en oeuvre.
Nos concitoyens surestiment généralement dans les études d'opinion le poids supposé des immigrés sur notre territoire, qu'ils évaluent à un taux de 30 % de la population, alors même qu'ils n'en représentent que moins de 10 %, selon les derniers chiffres fournis par l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques.
Comme le notent les démographes de l'INED, l'Institut national d'études démographiques, la vision d'une « intrusion massive » d'immigrés sur l'ensemble du territoire français depuis une vingtaine d'années ne correspond pas à la réalité, qui s'apparente bien plutôt à un modèle d'« infusion durable ». Pour autant, gardons-nous bien de tout angélisme : les mêmes études démographiques rappellent que ce « modèle de l'infusion » traduit bien néanmoins un apport générationnel, continu, qui a largement conduit à modifier la composition de la société française et à poser d'innombrables problèmes, réels et non fantasmés, liés aux difficultés d'insertion économique et sociale et aux tensions dues à la concentration géographique.
Nous sommes bien à un tournant de notre politique migratoire, déjà entamé avec les lois de novembre 2003 et de juillet 2006, et poursuivi avec la récente promulgation de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, intervenue sous cette nouvelle législature.
Le véritable défi porte bien sur les conditions de gestion, notamment territoriale, des flux migratoires, et non sur leur étendue. Le dernier rapport de l'OCDE pour 2007 indique très clairement que la population d'âge actif dans les démocraties consolidées a déjà entamé son déclin du fait du départ à la retraite des populations baby-boomers nées après la Seconde Guerre mondiale.
La nouveauté réside non dans le phénomène en lui-même, mais dans le fait qu'il va désormais se produire dans un contexte de demande de biens et de services persistant en raison, notamment, d'un nombre croissant de retraités consommateurs.
Cette demande ne pourra être satisfaite qu'en partie par les augmentations de productivité ou par la remise au travail de nombre de nos concitoyens qui se maintiennent volontairement en marge du marché du travail - nous les entretenons malheureusement dans un environnement économique et juridique pervers - ou encore par la pratique, moins louable, de délocalisation de production. Elle exigera immanquablement le recrutement de travailleurs dans certains secteurs et certaines professions.
Les expériences étrangères des modèles de politiques migratoires sélectives établies en faveur de travailleurs qualifiés, tels que celui du « système à point » canadien fondé sur des critères individuels sélectifs autonomes du marché du travail ou celui d'une adéquation entre l'offre et la demande par besoins locaux et sectoriels du marché de l'emploi, comme en Suisse ou dans l'Europe du sud, en Italie ou en Espagne, montrent toutes que l'action publique sur la logique du marché est contrainte par la logique des droits fondée notamment sur le regroupement familial. Dès lors, la sélectivité qualitative ne peut pallier totalement les flux quantitatifs.
Ayant cela à l'esprit, la nouvelle politique de gestion concertée est bénéfique et même incontournable afin d'accompagner les mutations de notre marché interne de l'emploi et de faire face à la concurrence des échanges professionnels internationaux dominés par l'attrait anglo-saxon.
Mais, dans tous les cas, la pression des migrations des personnes les moins qualifiées ne s'arrêtera pas pour autant.
Une fois cette réalité avancée, faut-il prendre la mesure des impacts différenciés de cette tendance lourde et immuable ?
La République est une et indivisible. La France se compose tout autant de zones géographiques de métropole et d'outre-mer, qui connaissent des spécificités territoriales, démographiques et socio-économiques irréductibles les unes aux autres.
Ainsi, en métropole, ce sont bien plutôt les effets différés des conditions du brassage de populations issues d'une immigration successive qui se révèlent, dans un contexte économique difficile, sources de tensions.
Certaines collectivités territoriales ultramarines doivent, quant à elles, subir les effets directs d'une immigration cette fois-ci totalement dérogatoire au modèle global d'infusion durable.
La Guyane, entre autres, est ainsi devenue en quelques années un Eldorado pour des dizaines de milliers de désoeuvrés, principalement en provenance du voisin brésilien et du Surinam, travailleurs exploités attirés pour une part par les sites aurifères clandestins, mais aussi étrangers soucieux de bénéficier des règles d'acquisition de la nationalité française et d'un accès garanti au service public de l'éducation pour leurs enfants.
Le territoire guyanais est ainsi le département d'outre-mer où l'immigration est la plus forte, comme l'attestent les récentes données statistiques de l'INSEE. On y dénombrerait environ 20 000 émigrés clandestins, et plus de 30 % de la population serait de nationalité étrangère.
Le droit français de la nationalité est fondé sur un modèle mixte, a contrario du modèle américain, mais il privilégie le droit du sol sur la dimension de la filiation.
En septembre 2005, le ministre de l'outre-mer de l'époque, M. François Baroin, se référant à la situation de Mayotte, osait poser publiquement la nécessité d'une dérogation au droit commun de la nationalité pour faire face à cette pression migratoire.
Monsieur le ministre, aujourd'hui, je repose les termes du débat.
L'article 73 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, a offert l'expérimentation législative aux départements d'outre-mer, mais l'a inscrite dans un carcan qui exclut la prise en compte de ces spécificités dans la modification du droit de la nationalité.
Dans le cadre du vote de la mission « Immigration, asile et intégration » par le groupe RDSE, je souhaite connaître les possibilités permettant de peser sur l'appel migratoire induit par les garanties sociales et économiques offertes par l'accès à la nationalité française sur certains territoires, dès lors sous tensions.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention et celle de nos collègues sur l'esclavage moderne dont souffrent les Haïtiens en République dominicaine.
Cette situation découle, dans une large mesure, de la désertification économique et de l'instabilité politique d'Haïti, en dépit des efforts des secteurs démocratiques et de la communauté internationale.
Cette instabilité alimente une immigration massive et des drames dont sont victimes des boat people qui, au péril de leur vie, traversent l'Atlantique pour rejoindre les rives des États-Unis ou se risquent sur la mer des Caraïbes pour des destinations clandestines.
Le constat n'est pas nouveau. C'est celui d'un échec des tentatives effectuées jusqu'à présent.
Notre démarche se situe dans un contexte nouveau : celui du devenir de cette population lorsque la mécanisation des plantations de canne à sucre sera mise en oeuvre en République dominicaine et que se produira l'inévitable augmentation des flux migratoires haïtiens dans les autres zones de la Caraïbe.
Nous tenons à vous alerter sur les conséquences éventuelles de cette nouvelle donne pour la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique ainsi que sur les risques de réactions xénophobes à l'instar de celles qu'ont connues certains départements français d'Amérique.
Monsieur le ministre, votre tâche dans un domaine où il faut de l'intelligence, de l'humanisme et de la fermeté n'est pas simple. Beaucoup de voix s'élèveront pour combattre l'action que vous souhaitez mener.
Cependant, vous aurez également à vos côtés des femmes et des hommes, de France et d'outre-mer - ils sont d'ailleurs beaucoup plus nombreux qu'on ne le pense -, pour vous aider dans cette tâche difficile, car il s'agit de préserver ce qu'il y a de plus noble : l'homme ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites au cours de la matinée, notamment par Christian Cambon, qui s'est exprimé au nom du groupe UMP.
J'apporterai simplement quelques précisions. Dans ce débat où parfois l'aridité des chiffres cache la réalité de la situation, il est important d'éclairer certains points particuliers.
Si l'immigration est un sujet qui passionne tous les Français, parfois avec excès, personne n'est insensible à ce problème.
La création de votre ministère et, à partir du 1er janvier 2008, la création d'une nouvelle administration centrale est une étape supplémentaire sur la voie de la politique mise en place à partir de 2005, qui s'est traduite par la loi de 2006 et qui a été mise en oeuvre par le comité interministériel de contrôle de l'immigration, le CICI, dont le secrétaire général a fait un travail remarquable.
Monsieur le ministre, au-delà de l'aridité des chiffres, cette politique, compte tenu de votre sensibilité personnelle, devrait parvenir à un équilibre et à inscrire l'intégration dans la politique de l'immigration.
La politique de l'intégration est la clef de voute de l'édifice et le gage du succès de la politique qui sera menée. De ce point de vue, je ne partage pas du tout les propos un peu excessifs qui ont été tenus sur la réussite d'une telle entreprise.
En réalité, pendant des années, rien n'a été réellement fait. Monsieur le ministre, vous avez défini une ligne claire, fondée sur le logement, sur l'emploi et sur l'acquisition de la langue française.
Cette politique de l'intégration, à partir du moment où elle est clairement définie, a toutes les raisons d'être le point d'équilibre d'une politique de l'immigration véritablement réussie pour la durée de la mandature.
J'insisterai sur un point particulier.
L'article 2 de la loi du 24 juillet 2006 prévoyait la création d'une carte de séjour « compétences et talents ».
Un décret en date du mois de mars de cette année devait normalement mettre en place les conditions d'attribution de cette carte. Il me semble que vous avez même choisi, monsieur le ministre, les personnalités qui définiront, dans la mesure du possible, les conditions d'attribution de cette carte.
Il s'agit d'une innovation importante, car elle définit avec une très bonne sensibilité les relations que nous devons avoir à l'égard d'une certaine sorte d'immigration.
J'aimerais donc avoir des précisions, d'une part, sur la mise en place et le travail de cette commission, et, d'autre part, sur la date d'attribution des premières cartes de séjour « compétences et talents ».
En tout état de cause, monsieur le ministre, je vous renouvelle le soutien d'une large majorité de mes collègues pour la politique de rupture qui a été engagée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de constater à quel point le tout premier budget de ce ministère reçoit un assentiment assez large.
Aujourd'hui, ce ministère est doté d'un budget propre organisé autour de trois programmes : le programme 301 « Codéveloppement », qui a été approuvé jeudi dernier, le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », doté de quelque 195 millions d'euros, et le programme 303 « Immigration et asile », doté de quelque 414 millions d'euros.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur ces deux derniers programmes - le premier programme a déjà été adopté - ni sur le contenu des excellents rapports des différentes commissions du Sénat.
Je ferai simplement quelques remarques sur les observations de chacun des orateurs.
Tout d'abord, M. André Ferrand m'a invité à mobiliser mes services pour assurer - c'est un sujet qui lui tient particulièrement à coeur - la promotion de l'immigration professionnelle.
Vous avez insisté, monsieur le rapporteur spécial, sur la nécessité à la fois de simplifier les procédures, ce en quoi je vous rejoins totalement, et de mettre en place dans le projet de loi de finances pour 2009 des indicateurs de résultat.
Je partage très concrètement ces préoccupations. L'année 2007 n'est pas encore achevée, mais nous savons déjà qu'elle sera marquée par une forte progression de l'immigration professionnelle.
Je signerai avant la fin de l'année, avec Mme Christine Lagarde, les arrêtés ouvrant notre marché du travail aux ressortissants des nouveaux États membres de l'Union européenne - 150 métiers sont concernés - et à ceux des pays tiers - 30 métiers sont visés.
Mme Tasca a évoqué la convergence entre le gouvernement français et la Commission européenne. Je vous confirme, madame la sénatrice, qu'il y a effectivement une convergence, mais elle me semble aller dans le bon sens.
On a entendu pendant des années les mêmes critiques, qui n'étaient d'ailleurs pas totalement infondées, sur le fait que la Commission européenne était composée exclusivement de technocrates totalement déconnectés des réalités, vivant sur une autre planète...
La situation a complètement changé. Les responsables de la Commissions européenne sont aujourd'hui, pour la plupart d'entre eux, des membres ayant exercé des responsabilités importantes, démocratiques, électives dans leurs pays d'origine. Cela change la nature de la crédibilité des positions de la Commission.
Vous avez donc raison, madame Tasca, même s'il ne s'agissait certainement pas de votre part d'un compliment : il existe une convergence, et elle constitue pour moi un atout !
Cette concordance de vues entre le Gouvernement et la Commission européenne, que vous avez eu raison de souligner, madame, est particulièrement vraie en ce qui concerne le vice-président de la Commission européenne, Franco Frattini, chargé des questions de justice et d'immigration, élu et ex-ministre des affaires étrangères en Italie, qui n'a d'ailleurs pas renoncé à exercer de nouvelles responsabilités dans son pays d'origine !
Pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République, monsieur le rapporteur spécial, il nous faut effectivement aller plus loin.
Au sein de la nouvelle administration centrale qui sera créée le 1er janvier prochain, j'ai d'ailleurs décidé d'instituer une mission de promotion de l'immigration professionnelle entièrement dédiée à cette tâche. Je souligne que, jusqu'à ce jour, quels que soient les gouvernements, aucune administration n'était chargée de ces préoccupations.
Quant à ceux qui s'interrogent sur l'utilité de ce ministère, je dirai qu'il y a déjà au moins un point important : nous adressons ainsi un signal fort.
La seconde étape sera la mise en place de quotas par métiers et par pays d'origine.
Si elle ne pose pas de problèmes majeurs en matière d'immigration professionnelle, la définition de quotas en matière d'immigration familiale soulève des difficultés juridiques dont j'ai décidé - je l'avais annoncé devant le Sénat - de confier l'étude à un groupe de travail que j'installerai en début d'année prochaine et qui devra me rendre ses conclusions en avril.
Je ferai dès à présent quelques remarques sur les amendements déposés par M. Ferrand, au nom de la commission des finances.
Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée s'agissant de la réduction de 500 000 euros de la subvention pour charges de service public versée à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre. En revanche, il demandera le retrait de l'amendement relatif à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSÉ.
Le sujet n'est pas très simple, car l'ACSÉ est chargée de la politique de la ville, et la disposition proposée par la commission des finances nécessiterait des discussions avec la ministre responsable de ce secteur.
Le Gouvernement approuve aussi l'amendement qui vise à créer un « document de politique transversale » donnant une vision globale de la politique dont j'ai la responsabilité ; c'est une très bonne idée.
Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Branger, pour l'avis favorable qu'il a bien voulu rendre sur les crédits de cette mission. Je voudrais simplement insister sur la question de l'OFPRA et sur la réforme de la Cour nationale du droit d'asile, nouvellement créée, qui a remplacé la Commission des recours des réfugiés.
Comme vous le savez, monsieur Branger, l'OFPRA est désormais placé sous la responsabilité de mon ministère. Nous allons procéder à des réformes qui sont d'ailleurs attendues. J'engagerai, comme je l'ai déjà dit devant la Haute Assemblée, une grande réforme du statut de la nouvelle Cour nationale du droit d'asile en 2009. Cette réforme, j'y insiste, portera sur son autonomie budgétaire, sur la professionnalisation des magistrats et sur la réduction du nombre de formation de jugement.
Cette démarche d'ensemble devrait aboutir à réduire significativement - c'est l'intérêt de tous - les délais de procédure, qui sont actuellement de treize mois et demi, pour atteindre progressivement neuf mois. Sur ce point aussi, j'attends les résultats de la mission RGPP, la révision générale des politiques publiques, et des travaux qui devraient être conduits dans les prochaines semaines par le Conseil d'État. Une mission a été confiée sur ce sujet à M. Jacky Richard, avec l'appui de l'Inspection générale de l'administration.
Je serai très attentif au maintien de moyens suffisants permettant à l'Office de poursuivre la réduction du stock de demandes, et donc des délais. Il est vrai que les crédits de l'OFPRA - je réponds ainsi à Mmes Tasca et Assassi - sont en diminution de 5 % ; mais je constate que la demande d'asile était, à la fin d'octobre 2007, encore en diminution de 14,8 % par rapport à la même période de 2006. Il y a donc là une corrélation, même si ce n'est pas au centime près, naturellement : il n'est pas anormal que la baisse des demandes se traduise par une légère baisse des crédits.
Le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. François Buffet, a également émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Vous partagez, monsieur Buffet, les préoccupations de M. Branger concernant l'immigration économique. J'ai présidé, le 7 novembre dernier, le comité interministériel de contrôle de l'immigration, qui est animé par Patrick Stéfanini. Nous avons défini trois catégories.
La première catégorie concerne les ressortissants européens des nouveaux États membres. En l'occurrence, c'est un processus européen sur l'aboutissement duquel nous n'avons pas à émettre d'opinion. En revanche, nous avons une maîtrise du calendrier, et j'ai souhaité que l'accès au marché du travail français soit progressif pour cette catégorie.
La deuxième catégorie concerne les étrangers venant de pays extérieurs à l'Union européenne, ce que l'on appelle les pays tiers.
La troisième catégorie concerne les pays hors Union européenne avec lesquels nous entretenons des relations privilégiées : j'ai souhaité l'inclure, parce que l'on ne peut naturellement pas faire comme si elle n'existait pas.
Sur ce sujet, je cite souvent le cas de l'Australie - le Premier ministre sortant, qui avait pris cette décision, a été battu, me direz-vous -, qui a pris une mesure unilatérale envers le continent africain en décidant de ne plus accorder aucun titre de séjour à ses ressortissants jusqu'au 30 juin 2008. La différence, c'est que l'Australie n'a absolument pas la même histoire, les mêmes responsabilités, les mêmes liens que ceux que nous avons avec l'Afrique. Nous devons donc prendre en compte les éléments historiques, ainsi que les devoirs d'ailleurs, madame Assassi, qui nous lient à un certain nombre de ces pays.
C'est la raison pour laquelle j'ai insisté pour qu'il y ait ces trois catégories : nouveaux États membres, pays tiers et pays extérieurs à l'Union avec lesquels nous avons des liens assez forts.
Depuis le 1er mai 2006, les ressortissants des nouveaux États membres ont déjà eu accès à soixante et un métiers, qui représentent 25 % du marché du travail. Nous avons proposé d'ajouter quatre-vingt-neuf métiers, ce qui fait un total de cent cinquante métiers, soit près de 40 % du marché du travail.
Sur la demande d'asile, que vous avez également évoquée, monsieur Buffet, j'ai déjà répondu assez largement à M. Branger.
En ce qui concerne la question du pilotage et de la formation linguistique par l'ANAEM dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, 2007 est une année de transition, et nous aurons l'occasion de faire le point ultérieurement.
Monsieur Buffet, vous avez aussi posé la question de l'organisation des « réseaux » d'administrations chargées, à l'étranger, de promouvoir l'immigration de travail. Je souhaite très clairement que, dans le cadre de la RGPP, l'audit consacré à l'action extérieure de l'État nous donne des éléments pour mieux gérer les différents réseaux.
Ces réseaux sont constitués des consulats, mais aussi des missions économiques. Le réseau des missions économiques lié à Bercy doit être mobilisé pour être au contact des personnes qui souhaitent porter en France un projet de développement économique.
Vous m'avez également interrogé sur la place de la politique de l'immigration en Europe. C'est une question très importante qui sera au coeur de l'agenda européen au second semestre 2008, puisque des clauses de rendez-vous sont d'ores et déjà prévues. Trois manifestations seront portées par mon ministère lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008 : la deuxième conférence ministérielle sur l'immigration et le développement, ce que l'on appelle le suivi de la conférence de Rabat, prévue les 20 et 21 octobre, la conférence sur l'intégration prévue les 17 et 18 novembre et la conférence sur le régime européen d'asile prévue les 13 et 14 octobre.
La mise en place d'un « pacte européen de l'immigration » - Mme Tasca y a fait allusion -, qui est ma première priorité, sera un signal très utile au sein de l'Union européenne et extrêmement positif à l'égard des pays tiers sources d'émigration qui souhaitent comprendre la politique que nous entendons mener. Nous devons aboutir à un socle de règles communes en matière de gestion des flux migratoires.
Ma deuxième priorité pendant cette présidence portera sur l'obtention de résultats concrets dans le partenariat avec les États tiers qui sont sources et pays de transit de l'immigration.
Madame Tasca, je ne peux pas laisser dire que l'asile est sacrifié. Cela ne correspond à aucune réalité dans la nouvelle administration centrale que je mettrai en place au 1er janvier 2008. À cette date, pour la première fois dans notre pays, sera créé un service de l'asile. Sans vouloir polémiquer, il faut reconnaître que cela ne s'était jamais fait. Au-delà des obstacles partisans, je pense que, sur le fond, c'est une bonne nouvelle qu'existe pour la première fois un service de l'asile regroupant toutes les administrations compétentes.
Madame Tasca, je précise, afin de vous rassurer - mais je ne sais pas dans quelle langue ou quel patois je dois le dire pour que vous m'entendiez ! -, que ce service de l'asile sera distinct de la direction de l'immigration. Ce sont deux choses différentes. Vous avez répété un nombre incalculable de fois que ce service était le bras armé de la politique de l'immigration Je suis donc obligé de dire pour la cinquantième fois que ce sont deux politiques distinctes ! Il n'y a pas d'ambiguïté sur ce sujet !
Je vous propose un rendez-vous pour l'année prochaine, que ce soit avec moi ou avec mon successeur, puisque je n'ai pas, contrairement à vous, la garantie d'occuper les mêmes fonctions l'an prochain : vous verrez alors qu'il n'y a aucun lien entre ces deux politiques. Je ne confonds pas asile et immigration, et je m'efforce vraiment de le démontrer par des actes.
Ce budget n'est pas imprudent - et je réponds également à Mme Assassi qui a évoqué ce sujet -, s'agissant de l'asile.
Si nous ne créons pas de nouvelles places de CADA, c'est précisément parce que la demande d'asile a beaucoup diminué. Je vous rappelle qu'elle a baissé de 10 % en 2005, de 35 % en 2006 et de 13 % à 14 % en 2007. Dois-je vous rappeler également que c'est précisément entre 2002 et 2007 que nous avons, nous, multiplié par quatre le nombre de places en CADA, qui est passé de 5 000 à 20 000 ?
Pour 2008, nous avons retenu l'hypothèse d'une poursuite de la demande d'asile de 10 %, taux qui paraît aujourd'hui raisonnable.
S'agissant du codéveloppement, je souligne que ce n'est pas une fiction ; c'est une réalité très forte et un véritable espoir.
Ainsi, le dernier accord signé avec le Bénin consacre de nombreuses stipulations au codéveloppement. J'ai évoqué, jeudi après-midi, le parcours exemplaire et très symbolique de ce point de vue du ministre de la santé béninois, et j'invite les sénateurs qui étaient présents à ce moment à en parler autour d'eux. Cet accord prévoit pour le Bénin une enveloppe de 5 millions d'euros par an sur trois ans, dont 3 millions d'euros pour le seul codéveloppement en matière de santé.
Ce pays de 10 millions d'habitants répartis sur 116 000 kilomètres carrés compte un seul scanner. Imaginez ce que serait la situation dans notre pays, où, sur chacun de nos territoires, les demandes de scanner sont incessantes ! Les besoins sont donc pressants au Bénin. Nous avons donc signé avec le ministre de la santé béninois un accord prévoyant un concours de 3 millions d'euros par an.
Je souligne que cet accord n'est pas limité à la capitale. Il concerne aussi des hôpitaux situés dans le centre du pays de manière à mettre en place un véritable équilibre. Ledit ministre de la santé et le président du Bénin, le docteur Boni Yayi, ont souligné devant la presse le caractère historique de cet accord. C'est en effet une avancée formidable qui est faite en matière de solidarité, et nous souhaitons que ce type d'accord soit développé le plus largement possible.
Je remercie M. Cambon de ses propos amicaux, encourageants, presque affectueux à l'égard de mon ministère et de la politique qui est engagée.
Les accords de gestion concertée des flux migratoires reposent sur un trépied, et je vous invite à bien l'expliquer autour de vous.
Le premier point concerne l'organisation de la migration légale. Lors de la signature de ces accords, il faut se mettre d'accord en toute transparence sur ce que l'on souhaite faire. Cela peut impliquer de faciliter la délivrance des visas pour un certain nombre de catégories, telles que les étudiants ou certaines professions. Avec le Congo et le Bénin, nous avons signé un accord quantitatif concernant la formation professionnelle. Ce sont donc des accords qui spécifient l'organisation de la migration légale.
Le deuxième point a trait à l'organisation de la lutte contre l'immigration illégale, en prévoyant des accords de réadmission, notamment. Les pays acceptent l'organisation de la migration légale et prennent conscience de la nécessité de lutter ensemble contre les formes d'immigration illégale. Chaque accord prévoit donc un certain nombre de clauses de réadmission des ressortissants en situation irrégulière. Je n'entre pas dans le détail, mais cela implique des coopérations en matière policière.
Le troisième point est le codéveloppement. Comme je viens de l'indiquer, ce sont des concours précis, ciblés, concrets, qui ont pour objet de répondre directement aux besoins, sans se perdre dans les sables.
Les accords de réadmission imposent, bien évidemment, des contreparties, les pays concernés s'engageant à recevoir ceux que nous n'acceptons pas sur le territoire national.
J'en ai parlé avec le Président de la République du Bénin et avec le Président de la République du Mali. Le Mali est un grand pays de 1 250 000 kilomètres carrés qui compte de 14 millions à 15 millions d'habitants, dont 45 000 à 50 000 vivent légalement en France, les immigrés clandestins assez nombreux. Pour ces pays, les contreparties des accords de réadmission sont la délivrance de visas de circulation, mais aussi la dispense de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques ou de services.
Ce sujet, loin d'être anecdotique, est extrêmement sensible. Je n'étais pas, contrairement à certains d'entre vous, un spécialiste des relations avec ces pays, terres d'émigration. Depuis six mois, à chacune de mes visites, j'ai compris que c'était un sujet très symbolique pour ces pays, qui le voient comme une forme du respect, de la reconnaissance qu'ils attendaient et qui, en tout cas à mon sens, leur était due.
La contrepartie, c'est aussi l'ouverture de notre marché du travail dans des conditions qui soient plus favorables que ce que prévoit le droit commun.
C'est, enfin, un effort de codéveloppememt.
Nous avons en vue la signature d'un certain nombre d'accords. En 2007, quatre accords sont intervenus, et nous avons l'espoir d'en signer six en 2008. Cela ne veut pas dire que nous nous concentrons exclusivement sur les pays traditionnels d'Afrique subsaharienne, même s'ils sont évidemment au coeur des préoccupations.
À cet égard, je partage tout à fait l'avis de Georges Othily sur la nécessité de signer un accord avec Haïti, et je serai heureux qu'il m'accompagne lors de mon déplacement dans ce pays. Il faudra signer un accord avec le Brésil, qui a une frontière commune avec le département de la Guyane, et sans doute aussi avec Madagascar. Il importe également de ne pas oublier certains pays avec lesquels les relations ne sont pas suffisamment fortes, notamment les pays asiatiques, afin de définir ensemble les politiques à mettre en oeuvre.
J'ai représenté la France aux cérémonies du 50e anniversaire de la création de l'État malaisien, ce qui m'a donné l'occasion de discuter avec les responsables de pays voisins - en 1957, seuls dix-huit pays avaient reconnu cet État, dont la France, qui a ainsi joué un rôle particulier. La signature d'accords tendant à organiser les flux migratoires avec ces pays devrait être possible, même si certains d'entre eux n'ont évidemment pas besoin d'accord de codéveloppement.
Madame Assassi, ne croyez pas que le fait que le groupe CRC ne vote pas les crédits de cette mission me bouleverse. Je m'y étais psychologiquement et physiquement préparé ! (Sourires.) Je regrette cependant de ne pas pouvoir vous convaincre.
Je souhaite attirer votre attention sur un paradoxe, mais prenez cette remarque comme l'expression de ma volonté d'avancer. Vous suspectez le Gouvernement des pires intentions dans le domaine de l'accueil des réfugiés politiques. Or, pour la première fois depuis cinquante ans, un gouvernement s'engage à donner la pleine autonomie à la juridiction chargée de contrôler les décisions de l'OFPRA. J'y vois une contradiction : soit notre politique est vraiment épouvantable et nous verrouillons tout, soit elle ne l'est pas, précisément parce que nous donnons de l'autonomie et de la liberté ! Nous accordons effectivement plus d'autonomie et de liberté, et la première partie de votre raisonnement s'en trouve donc affaiblie. En créant cette Cour nationale du droit d'asile et en préparant dès maintenant son autonomie budgétaire, nous montrons, je le répète, que l'asile n'est pas - et ne sera pas - la variable d'ajustement de la politique migratoire !
Quant à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, vous me donnez l'occasion de confirmer mon désaccord très clair avec les solutions que vous préconisez. Le Gouvernement et la majorité qui le soutient ont adopté une ligne de conduite simple, claire, nette, juste, transparente : un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf cas particulier ou situation exceptionnelle. Nous sommes naturellement attentifs aux situations individuelles, mais le principe est clair : une personne en situation illégale, qui ne respecte donc pas nos lois et les règles que tous les autres pays appliquent par ailleurs, a vocation à être reconduite à la frontière, de manière volontaire - dans la majorité des cas, je l'espère -, ou sous la contrainte dans le cas contraire. Nous nous donnons les moyens de cette politique, et telle est la différence qui nous sépare !
J'ouvre une parenthèse qui va peut-être vous agacer, madame Assassi. Lors du dernier conseil européen des ministres, qui s'est tenu au Portugal, puisque nous sommes sous présidence portugaise, un ministre italien a demandé à me rencontrer. Le gouvernement italien se situe plutôt au centre, voire au centre-gauche - il comprend plutôt des amis de Mme Tasca... Mais le ministre des affaires sociales qui a demandé à me voir est un ancien communiste.
Je ne vous comprends donc pas : le Gouvernement peut engager un dialogue constructif avec un communiste italien mais, dès qu'il a affaire au parti communiste français, il se voit reprocher le caractère inacceptable de sa politique ! Permettez-moi de relever cette petite contradiction !