M. Dominique Braye. Démago !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ...à ceux qui « tiennent » face à une masse de travail ingérable dans les consulats d'Algérie et d'Afrique, à ceux qui ont subi le choc, à Rome, à Berlin, à Milan et ailleurs, du surcroît de travail lié à la suppression des autres consulats, aux agents de Paris et de Nantes, qui trouvent des solutions aux difficultés les plus épineuses de nos compatriotes expatriés.
Monsieur le ministre, la baisse des moyens de votre ministère a aussi des conséquences sur l'activité diplomatique proprement dite. Trop d'ambassades, dans des pays sensibles ou en crise, fonctionnent avec seulement deux ou trois diplomates. Est-il normal qu'à Kaboul, par exemple, il n'y ait pas plus de personnels qu'à Trinidad-et-Tobago ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. C'est grotesque !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En dépit de leur talent et de leur dévouement, la qualité du travail diplomatique s'en ressent. Par ailleurs, et là il s'agit de l'avenir, comment attirer de nouveaux talents, des analystes, des négociateurs, des polyglottes, dans un ministère où les perspectives de promotion sont à ce point bloquées ?
La baisse des crédits d'intervention a de lourdes conséquences diplomatiques. Par exemple, le rôle que la France peut jouer dans le rétablissement d'une paix durable dans les Balkans, qui vous intéresse particulièrement, monsieur le ministre, est réduit par des obstacles financiers dérisoires. Ainsi, la formation en langue française des officiers des armées de cette région - je pense à la très francophone Albanie - est supprimée pour l'année à venir, 20 000 euros disparaissant du budget coopération défense du poste de Tirana. Il en est de même, me semble-t-il, pour un certain nombre de postes de cette région. Pourriez-vous veiller, monsieur le ministre, à ce que ces actions soient maintenues ?
Je passerai maintenant à quelques interrogations sur les sujets du moment.
Concernant les Balkans, dont je reviens, comment voyez-vous, à quelques jours d'une date fatidique, l'évolution de la situation au Kosovo ?
Pouvez-nous dire, huit jours après l'échec de l'élection présidentielle au Liban, comment on peut envisager l'avenir ? Au demeurant, je sais bien que cette question aurait pu être posée à madame Soleil !
Enfin, monsieur le ministre, vous étiez à la conférence d'Annapolis. J'avoue avoir été étonnée de vous voir aussi satisfait du résultat.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En effet, la déclaration finale écarte l'Europe, donc la France, et les pays arabes des négociations futures, qui sont placées sous un strict contrôle américain.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cette décision finale écarte tout retour à la légalité internationale définie par l'ONU pour la résolution du conflit israélo-palestinien.
M. Robert Hue. Effectivement !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Alors que la base territoriale d'un État palestinien a disparu du fait de la colonisation et de la construction de routes réservées aux colons et du mur, on continue à alimenter le mythe d'un processus de paix.
Je m'élève enfin contre le fait que la France se soit faite complice de l'occupation et de la colonisation en laissant Alstom construire le tramway de Jérusalem destiné aux seuls colons de French Hill et en faisant signer le contrat en présence de son ambassadeur à Tel-Aviv.
La politique française à l'égard du Moyen-Orient n'est-elle pas en train de perdre son autonomie, son originalité et sa crédibilité ?
Enfin, quelle est la légitimité de la conférence des donateurs qui va bientôt se réunir à Paris ? L'État d'Israël asphyxie l'économie palestinienne et fait financer son occupation militaire et sa conquête territoriale de la Cisjordanie par la communauté internationale depuis 1993. La France et la communauté internationale doivent-elles persister à se prêter à ce jeu ? Nous avons assez payé pour que l'État d'Israël conquière la Cisjordanie !
Pour conclure, le groupe socialiste est inquiet, réticent, parfois en désaccord, avec la nouvelle politique étrangère de la France. Le budget qui nous est présenté réduisant excessivement les moyens de vos services, monsieur le ministre, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il va falloir, me semble-t-il, rétablir quelques vérités et donner des précisions sur un sujet dont nous avons déjà beaucoup parlé - je suis désolé d'y revenir, mes chers collègues ! -, à savoir la prise en charge par l'État - il ne s'agit pas de gratuité, il faut bien le préciser -, dans les établissements français à l'étranger, des élèves des classes de terminale, de première et de seconde qui ne sont pas pris en charge par ailleurs, c'est-à-dire dont la scolarité ne serait pas remboursée aux parents. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'exclame.) Je vous ai laissé parler, ma chère collègue, alors laissez-moi vous expliquer la situation que vous n'avez apparemment pas très bien comprise !
M. Dominique Braye. Très juste !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !
M. Robert del Picchia. Vous le savez tous, Nicolas Sarkozy, candidat à l'élection présidentielle, a annoncé cette mesure et élu Président de la République, il tient sa promesse.
M. Jean-Louis Carrère. C'est merveilleux !
M. Robert del Picchia. On peut faire toutes les critiques que l'on veut, mais cette mesure sera effective cette année pour les élèves de terminale. Elle concernera également, à la rentrée scolaire de 2008, les classes de première et, au dernier trimestre, les classes de seconde.
Le Président de la République a rappelé à plusieurs reprises cette décision devant les communautés françaises à l'étranger, par lesquelles il a été non seulement applaudi, mais aussi approuvé.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il n'a pas été applaudi par les associations de parents d'élèves !
M. Robert del Picchia. Mes chers collègues, on pouvait se poser la question de savoir s'il s'agissait d'une bonne mesure. Mais il est aujourd'hui trop tard, car la décision est prise. En revanche, on peut se demander si sa mise en oeuvre s'effectue correctement.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. C'est la bonne question !
M. Robert del Picchia. M. le rapporteur spécial Adrien Gouteyron a d'ailleurs soulevé le problème des montants excessifs de certaines écoles, qui viennent grever le budget prévu.
Pour ma part, je souhaite formuler une proposition.
Au départ, nous avions prévu un plafond de remboursement des frais liés à cette scolarité. Puis, on nous a dit, dans nos réunions, que le dispositif serait ouvert, qu'aucun plafond ne serait fixé et que tout serait remboursé.
Cependant, compte tenu de l'expérience qui est la nôtre et des inquiétudes exprimées par M. le rapporteur spécial quant au coût excessif de la mesure - qui, au demeurant, ne toucherait que quelques lycées -, il me paraît tout de même nécessaire de fixer un plafond.
Pour en déterminer la hauteur, nous pouvons en débattre au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, par exemple, et soumettre nos propositions tant à l'Élysée qu'au Quai d'Orsay. Je suis certains que nous parviendrons à un compromis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Bonne attitude !
M. Robert del Picchia. Les parents d'élèves dans les lycées aux États-Unis seraient très satisfaits de se voir remboursés en grande partie les frais de scolarité qu'ils ont déboursés, car à l'heure actuelle ils paient, et beaucoup.
On a parlé d'écoles privées à l'étranger. Mais, madame le rapporteur pour avis, les écoles publiques françaises sont gratuites en France, tandis que les écoles françaises à l'étranger sont toutes de droit privé et sont payantes, et vraisemblablement chères pour beaucoup d'entre nous. C'est un fait et l'on ne peut pas le changer ! Donc, essayons d'en tenir compte, et d'y voir un peu plus clair !
S'agissant de la fixation d'un plafond, je suis persuadé que mes collègues sénateurs représentants les Français établis hors de France seront d'accord avec moi pour la proposer au prochain conseil d'administration de l'Agence.
Mes chers collègues, pourquoi débattre encore de cette mesure ? Je suis quelque peu étonné d'entendre dire qu'elle entraînera une augmentation des frais de scolarité, et que tous les parents d'élèves vont payer ! En effet, la prise en charge ne concerne que le haut de la pyramide, c'est-à-dire les classes de terminale, de première et de seconde. Pourquoi ? Pour parler honnêtement et en toute transparence - nous ne sommes plus à l'époque où l'on cachait les choses ! -, c'est tout simplement parce que c'est là que la mesure coûtera le moins cher, car les élèves sont moins nombreux. Le budget de l'État ne permettrait pas de prendre en charge toutes les classes. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'esclaffe.) Mais, oui, ma chère collègue, moi, je suis transparent et honnête !
M. Dominique Braye. Il faut toujours être transparent et honnête !
M. Robert del Picchia. Telle est donc la raison pour laquelle l'application du dispositif commence par les classes de terminale, de première et de seconde.
Ensuite, l'autre raison - car il y en a une deuxième, mes chers collègues ! - tient au fait que les parents d'élèves qui se voient « exonérés » de frais de scolarité en classe de terminale ont assumé de tels frais depuis la onzième. Autrement dit, ils ont payé pendant onze ans, contribuant ainsi à faire fonctionner les lycées français à l'étranger. Il me paraît donc normal de commencer par eux. Si la mesure concernait les classes de douzième, onzième et dixième, le nombre de bénéficiaires serait trop important pour permettre une prise en charge. À supposer qu'elle soit possible, ira-t-on alors dire aux parents dont les enfants sont en classe de huitième qu'ils devront désormais payer ? Non ! En revanche, il faut exonérer ceux qui les ont payés pendant onze ans.
Tels sont les précisions que je tenais à apporter, mes chers collègues, de façon à dissiper tout malentendu sur la prise en charge par l'État des frais de scolarité et dont ne peuvent bénéficier que ceux pour lesquels de tels frais ne sont pas pris en charge par ailleurs.
M. Dominique Braye. C'est très clair !
M. Robert del Picchia. Autre argument avancé par certains, les entreprises ne vont pas payer. Certes, elles cesseront de financer la prise en charge de la scolarité pour les quelques élèves de terminale, mais elles continueront de le faire pour les autres. Cessons donc de tirer la sonnette d'alarme pour des choses qui n'existent pas !
S'agissant des bourses, un problème se pose. Il est vrai qu'elles augmentent et qu'il faut les relever autant que faire se peut. Nous allons nous y employer. Je rassure d'ailleurs ceux qui s'inquiètent de la capacité du budget à faire face à cette augmentation : les sénateurs représentant les Français établis hors de France feront une demande au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pour combler le manque, s'il y a lieu, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Nous reviendrons sur ce point en septembre prochain.
M. Jean-Louis Carrère. Après les élections municipales !
M. Robert del Picchia. Monsieur le ministre, à présent, je veux attirer votre attention sur les consulats à gestion simplifiée.
Plusieurs conseillers élus à l'Assemblée des Français de l'étranger ont fait part de leur désapprobation en ce qui concerne la transformation de consulats généraux en consulats à gestion simplifiée.
D'abord, ils ne savent pas très bien comment ceux-ci fonctionnent et à quoi cela correspond. En tout cas, les coûts de représentation restent élevés alors que ces consulats n'effectuent plus les actes de la vie civile et ne sont pas utiles aux Français de l'étranger. Ces crédits ne seraient-ils pas mieux employés dans les consulats honoraires, qui accomplissent un travail administratif, ou dans les consulats qui ne reçoivent pas les moyens correspondant à leur charge ?
Sans porter de critique sur les consulats à gestion simplifiée, nous souhaiterions cependant avoir une explication claire, notamment en ce qui concerne l'utilisation du financement.
Nous nous interrogeons également tous sur l'évolution du réseau consulaire. En effet, à chaque fois on nous dit qu'une réflexion est en cours ou que des travaux sont menés. On ne sait donc pas très bien où nous allons.
Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur la sous-action 02 « Offre aux Français de l'étranger de services publics administratifs ». Elle prévoit une dotation de 3 348 000 euros pour l'Assemblée des Français de l'étranger, instance très importante à nos yeux.
Le projet annuel de performance précise que « la dépense 2008 prend en compte la réévaluation depuis juillet 2006 des indemnités versées aux membres élus de l'AFE ». La mise en paiement de l'indemnité mensuelle, instaurée par décret, a été l'occasion, chaque année, de retards de versement et de difficultés pour nos élus dans l'exercice de leur mandat. C'est pourquoi, le 14 juin dernier, j'avais déposé une proposition de loi visant à inscrire dans le marbre législatif le principe de l'indemnité mensuelle complémentaire, pour éviter les retards. Le problème est réglé dans le budget cette année. Mais quid pour l'année prochaine et les suivantes ? Je vous remercie de bien vouloir me rassurer sur ce point.
Enfin, j'aborderai le vote par Internet. On en parle toujours quelques mois avant les élections pour constater qu'il est trop tard pour mettre en place les moyens nécessaires. On l'a constaté en juin 2006. Les prochaines élections à l'AFE auront lieu en juin 2009, mais c'est maintenant que nous devons réfléchir au dispositif à instaurer.
Je vous soumets deux propositions.
Tout d'abord, je suggère la création, par décret, d'un comité de suivi, composé d'élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, qui participeraient à la définition du cahier des charges du vote par Internet, c'est-à-dire des objectifs et des moyens pour les atteindre. La priorité en 2006 a été mise sur la sécurité du vote. La priorité en 2009 doit être la participation.
Je vous rappelle qu'en 2003, pour 14 000 votants, le scrutin avait coûté 70 000 euros. En 2006, on a voulu faire les choses beaucoup mieux, mais le scrutin a coûté 2 millions d'euros, pour un nombre de votants quasiment identique.
Par conséquent, monsieur le ministre, si vous acceptez ma proposition, le comité de suivi pourra peut-être vous rendre service !
Ensuite, je propose l'inscription dans un décret pérenne du cadre du vote par Internet, ce qui permettrait d'éviter la publication d'un décret compliqué pour chaque scrutin. Il n'y aurait qu'un seul décret, quitte à y apporter, le cas échéant, des ajustements par arrêté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Dominique Braye. Merci de nous avoir fait comprendre ça !
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je veux vous soumettre quelques réflexions et interrogations portant sur les opérations extérieures, les OPEX, en particulier sur leur évolution, sur le rôle du Parlement à cet égard et, enfin, sur leur coût.
Le premier point concerne donc leur évolution. Voilà quelques années les OPEX duraient quelques mois, au plus quelques années. À l'heure actuelle, nous sommes informés - souvent par la presse, hélas ! - du moment où elles débutent, mais ne savons ni quand ni comment elles se termineront. Autrement dit, elles s'inscrivent de plus en plus dans la durée.
Le premier constat est qu'une armée, aussi puissante soit-elle, ne peut plus gagner toute seule la paix. C'est le cas en Afghanistan, au Kosovo, au Liban, en ce qui nous concerne. Mais il en est de même notamment en Palestine, en Irak et au Darfour.
Ce constat suscite des interrogations : ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, être beaucoup plus prudents à l'avenir avant de nous engager dans d'autres interventions extérieures ? Ne serait-il pas indispensable de mieux cerner les conditions autres que purement militaires et de consulter le Parlement afin qu'il en débatte et aborde la diversité d'une opération. Aujourd'hui, je le redis, l'aspect militaire n'est qu'une partie d'une situation complexe. Il ne suffit plus à lui seul à régler, par la paix, un conflit.
J'illustrerai mon propos par deux exemples, qui paraîtront peut-être insignifiants, mais qui m'interpellent parce qu'ils se distinguent par leur manque de réalisme et par le fait qu'ils constituent des obstacles à la paix.
Le premier exemple est le Kosovo, que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Je souhaiterais connaître votre opinion sur le fait que je vais citer.
Nos militaires sont nombreux au Kosovo. Depuis septembre 1999, ils y sont efficaces et appréciés. Mais l'ONU, qui n'a vu que l'aspect militaire de la situation, n'a pas exigé - et je ne me trompe pas de verbe - que, dans les mêmes écoles, les jeunes Albanais apprennent le Serbe et que les jeunes serbes apprennent l'Albanais. Autrement dit, à l'heure actuelle, dans des écoles différentes, chacun ignore l'histoire et la langue de l'autre. Et l'ONU imagine que ces futurs adultes pourront cohabiter en paix, en s'ignorant, en ne pouvant pas communiquer, sur un même territoire, souvent dans une même commune, voire dans un même immeuble.
Avant de répondre positivement, nous aurions dû examiner cet aspect, qui n'a rien de militaire, mais qui, avec d'autres aspects du même type, est essentiel à la paix dans un Kosovo que l'on souhaite multiethnique.
Certes, des écoles communes n'auraient certainement pas suffit à rapprocher Albanais et Serbes, mais il est certain que des écoles différentes les éloignent encore davantage.
Mon second exemple touche à l'Afghanistan. La situation y est surprenante, et je dirai dangereuse - appréciation que chacun rejoindra certainement. L'OTAN, nos alliés et nous-mêmes avons autorisé, peut-être tacitement, le président Karzaï à réarmer les chefs de guerre. Monsieur le ministre, dans quels lieux et à quels moments dans l'histoire de l'humanité a-t-on constaté que la paix pouvait procéder de l'armement de groupes concurrents et souvent antagonistes ? Je crains que l'OTAN, nos alliés et nous-mêmes ne nous enlisions dans une situation inextricable, mal engagée, qui, hélas ! ne pourra pas déboucher sur la paix.
Compte tenu de ces considérations, - et c'est le deuxième point que je souhaite aborder - ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le Parlement doit être consulté ? La durée indéterminée des OPEX, les risques en vies humaines, les fanatismes qui se développent, le coût de plus en plus lourd exigent la consultation a priori du Parlement.
Il est scandaleux que les parlementaires apprennent, je le répète, par la presse l'engagement de nos soldats sur tel ou tel théâtre d'opérations. Le Parlement devrait faciliter le rétablissement du lien armée-nation, lien que vous avez rompu en supprimant brutalement le service militaire obligatoire. Vous avez commis là une très lourde faute.
Les OPEX nécessiteront de plus en plus l'adhésion d'une majorité de la population. Le Parlement ne pourra pas continuer à être tenu à l'écart des décisions qui ne sont prises, à l'heure actuelle, que par le seul Président de la République.
Enfin, le troisième point que je voulais évoquer concerne le coût des OPEX. Celui-ci sera de plus en plus élevé. Le projet de budget pour 2008 prévoit 375 millions d'euros, somme identique à celle qui a été inscrite dans le budget pour 2007. Ce montant ne correspond pas du tout à la réalité du coût des OPEX, chacun le sait et le déplore. Mais ce qui est grave, c'est que cette somme déroge à la LOLF, que vous avez mise en place.
Qui, sur ces travées connaît le montant réel des crédits nécessaires au maintien de nos actions au Kosovo, au Liban, en Afghanistan, ou ailleurs ? Même les membres de la commission des affaires étrangères l'ignorent. Ce n'est pas normal et c'est contraire aux règles de transparence budgétaire que vous avez voulu instaurer et que vous ne respectez pas.
Monsieur le ministre, quand le Parlement pourra-t-il jouer son rôle dans la décision et dans le suivi des OPEX ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. Jean-Pierre Cantegrit. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget s'inscrit dans un contexte spécifique : il s'agit du premier du quinquennat Sarkozy.
Ce contexte présente des caractéristiques particulières.
Tout d'abord, le vent de l'alignement transatlantique souffle très fort (M. le ministre s'exclame),...
M. Robert Hue. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. ...ne vous en déplaise, monsieur le ministre ! Les troupes françaises sont en Afghanistan, sous commandement de l'OTAN, engagées dans une opération assez mal définie, c'est du moins la perception que j'en ai. Supportez que nous percevions les choses de cette manière, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Carrère. Les annonces de la campagne électorale sur la révision de cette participation française semblent lointaines...
En outre, la politique étrangère qui est conduite est brouillée par des émissaires très spéciaux et par la proclamation urbi et orbi d'une « rupture » qui tarde à se manifester, notamment à l'égard de l'Afrique.
Il s'agit d'une politique étrangère active, certes, qui semble retrouver une fierté nationale dans le nombre des commandes passées par les pays étrangers à notre « supervendeur »... Cet aspect « mercantile » de la politique étrangère est important pour notre économie, mais est-ce le seul message porté par notre diplomatie, le seul aspect sur lequel communiquer ?
A contrario, c'est une politique étrangère avare en propositions nouvelles : sur le désarmement, sur la lutte contre la prolifération nucléaire - d'ailleurs, faut-il vendre des centrales nucléaires à n'importe quel État ? -, sur le combat contre la pauvreté... nous ne voyons rien venir, ou si peu !
Le moins que l'on puisse dire de ce premier budget du quinquennat, c'est que, loin de la rupture annoncée, il s'inscrit dans la continuité, il décline les travers déjà constatés par ailleurs dans ce projet de loi de finances pour 2008, à savoir l'insuffisance, l'injustice, et donc l'insincérité.
Mes amis socialistes ont eu l'occasion, à propos de chaque mission, de mettre en évidence les nombreux défauts d'un projet de budget qui sera certainement revu et corrigé... après les élections municipales. Courageux, peut-être, mais certainement pas téméraires !
Je m'attarderai simplement sur quelques points.
Le paradoxe de la mission « Action extérieure de l'État » réside dans le fait qu'un si petit budget soit consacré à une très grande mission qui relève, au plus haut point, des fonctions régaliennes de l'État, à savoir représenter la France, faire vivre la politique extérieure de notre pays, participer à la construction de l'Europe, développer notre puissance culturelle vers l'extérieur, en bref projeter et faire rayonner la France sur la scène mondiale.
Hélas ! vu la minceur des crédits alloués cette année, le ministère des affaires étrangères ne disposera pas des moyens nécessaires pour accomplir cette haute mission, au moment où les projets de « réforme » s'accumulent : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, réforme des services de renseignement, etc.
En fait, je crains que ce vent de réformes venu de l'Est - c'est-à-dire de Bercy ! - ne tourne qu'autour d'une stricte logique comptable qui, loin de permettre de résoudre les problèmes posés, ne fera, à terme, qu'accentuer les tensions budgétaires.
Les propos des responsables de ce ministère sont, hélas ! éloquents quant au formidable décalage existant entre les ambitions affichées et les moyens accordés.
Il est question d'une rigueur accrue pour l'administration du Quai d'Orsay ; va-t-on ainsi continuer la politique de « coupes claires » dans le réseau diplomatique et de réduction d'une administration qui a déjà réalisé des efforts substantiels en termes de diminution des effectifs ?
Peut-on sérieusement envisager de mettre en oeuvre une grande « politique étrangère et européenne », généreuse, créative et influente tout en rognant ses moyens, en réduisant le personnel mis à son service et en faisant des économies de bouts de chandelle ?
Sous des dehors de réforme et de modernisation, c'est toujours la même farouche volonté de déconstruire l'État qui anime ce gouvernement, avec cette idéologie obsessionnelle du « moins d'État », dont l'expérience prouve qu'elle est une thérapeutique qui souvent contribue à tuer le malade.
Même si parfois la solidarité majoritaire oblige à quelques euphémismes diplomatiques et à des contorsions sémantiques, les rapporteurs en ont signalé les insuffisances : déclin irrémédiable de notre politique culturelle, scientifique et d'éducation extérieure, sous-estimation de nos contributions obligatoires, financement chaotique de notre audiovisuel extérieur, diminution de l'ordre de 6 % des crédits de coopération militaire, affaissement des crédits consacrés à l'aide au développement...
Cette situation a été aggravée avec la création du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, qui disposera des crédits alloués au codéveloppement - environ 25 millions d'euros -, alors que la politique d'aide au développement continue de relever de la responsabilité du ministre des affaires étrangères... On nuit ainsi à la cohérence, à la visibilité de l'action du ministère des affaires étrangères en matière d'aide publique au développement. Quelle mauvaise raison politique pousse à « déshabiller » ainsi une mission budgétaire déjà mal en point ?
Je profite de cette occasion pour vous poser une autre question, monsieur le ministre : comment allez-vous faire pour mener avec votre collègue une politique commune et efficace en matière de visas ? Pouvez-vous nous expliquer, concrètement, comment seront pratiqués les tests ADN ? Quels malheurs sortiront de cette nuisible boîte de Pandore ? Ces interrogations méritent une réponse claire ; l'image de la France, sa force d'influence dans le monde sont en jeu, vous le savez bien.
J'en viens à ma conclusion.
Avec une aussi faible augmentation des crédits, le constat est sans appel : le projet de budget que vous nous présentez ne permettra pas de mener une politique extérieure adaptée aux nécessités du moment.
Vous faites preuve, monsieur le ministre, cela est vrai, d'une grande volonté politique, très médiatisée certes, mais louable, face à tant de malheurs et de crises non résolues. Hélas ! les moyens de votre ministère, victimes du « moins d'État », auront du mal à suivre. Vous êtes un homme d'expérience, monsieur le ministre, et vous savez que la volonté sans les moyens peut vite devenir une stérile gesticulation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur la francophonie, mais il serait illusoire de penser pouvoir établir, dans les cinq minutes qui me sont imparties, un « état des lieux » exhaustif de la francophonie et de son financement pour 2008.
Cela est d'autant plus vrai que, dans la nouvelle nomenclature budgétaire, pas moins de quatre missions contribuent à l'action en faveur de la francophonie et de la langue française : je veux parler des missions « Aide au développement », « Action extérieure de l'État », « Culture » et « Médias ». Cette dispersion des crédits rend, par conséquent, difficilement lisibles les politiques prévues et empêche d'en dégager une vision claire et synthétique.
Cependant, au-delà de son architecture complexe, le projet de budget pour 2008 de la francophonie présente des aspects contrastés.
Si l'on s'en tient à la francophonie institutionnelle, je me réjouis du maintien des crédits qui lui sont alloués pour 2008 : comme en 2007, 58,4 millions d'euros seront attribués à l'Organisation internationale de la francophonie, OIF, et à ses différents opérateurs, tels que l'Agence universitaire de la francophonie, ou bien encore l'Association internationale des maires francophones.
Je tiens d'ailleurs, monsieur le ministre, à attirer votre attention sur le rôle grandissant des collectivités territoriales et de leurs réseaux dans la promotion de la francophonie.
Si l'on veut bien faire un peu de prospective, il me semble en effet évident que l'avenir de la francophonie se jouera à des niveaux d'intervention de plus grande proximité, comme les communes ou les régions. Par leurs compétences et les moyens qu'elles consacrent maintenant à la coopération internationale, notamment à la coopération décentralisée, elles apporteront, j'en suis convaincu, un nouvel élan. L'Association internationale des régions francophones, qui est présidée par mon collègue député rhônalpin Thierry Cornillet, s'y emploie d'ailleurs avec succès, sous l'impulsion des régions de France et d'Afrique.
Je l'ai dit : la francophonie institutionnelle se porte plutôt bien. Les initiatives sont nombreuses, et la volonté ne manque pas.
La création de la Maison de la francophonie, dont la vocation est de réunir l'Organisation internationale de la francophonie et différentes institutions francophones sur un site unique, en est une illustration. Toutefois, la récente remise en cause de son lieu d'implantation n'est pas sans susciter de nombreuses inquiétudes. En effet, après avoir envisagé plusieurs sites, le gouvernement de l'époque, sous la présidence de Jacques Chirac, avait porté son choix sur un bâtiment situé avenue de Ségur. Or, le coût des travaux à réaliser ayant été sous-estimé en raison d'une mauvaise évaluation des contraintes de désamiantage, le choix du site reste en suspens. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des éléments d'information à ce sujet.
Ce manque de visibilité à long terme, dont le problème de l'implantation de la Maison de la francophonie n'est qu'un exemple, ainsi que l'insuffisance de la mutualisation des moyens, notamment financiers, incitent mes collègues socialistes et moi-même à voter contre le projet de budget de la francophonie pour 2008.
Pour autant, et afin de conclure sur une note plus positive, je citerai M. Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l'OIF, qui, dès 1995, prédisait que la francophonie du troisième millénaire serait imaginative et subversive ou ne serait pas. Gageons, monsieur le ministre, que cette déclaration pleine de réalisme inspirera votre action future, afin de donner à la francophonie ce supplément de popularité et de proximité qui lui manque jusqu'à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différents intervenants et pris connaissance des rapports du rapporteur spécial, M. Adrien Gouteyron, et des rapporteurs pour avis, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. David Assouline et M. Yves Pozzo di Borgo, qui remplace M. Jean-Guy Branger. Je tiens à les remercier de la qualité de leur contribution.
Je fais miennes la plupart des questions, des remarques, des préoccupations qui ont été exprimées ce matin.
Nous sommes, en réalité, mus par le même objectif : garantir les moyens adéquats à notre diplomatie et vérifier que nos objectifs et nos modes d'action sont en phase.
Je vais, bien entendu, m'efforcer de répondre aussi précisément que possible à vos différentes interventions, en les regroupant, si vous me le permettez, selon les principaux thèmes autour desquels notre débat s'organise.
À cet égard, j'ai relevé cinq « têtes de chapitre » : la question de notre réseau diplomatique et de son évolution ; celle de l'évolution de nos moyens et de nos effectifs ; le dossier de nos contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix ; la problématique des affaires consulaires et la question, toujours sensible, de la politique des visas ; enfin, j'évoquerai l'important thème, qui me tient particulièrement à coeur, de notre diplomatie culturelle et de ses orientations.
Je voudrais faire brièvement état, sur chacun de ces points, de mes propres réflexions, et répondre à vos questions plus précises.
S'agissant tout d'abord de notre réseau et de notre présence dans le monde, plusieurs d'entre vous - notamment MM. Gouteyron et Pozzo di Borgo - l'ont rappelé, le réseau diplomatique français est le deuxième, par la taille, après celui des États-Unis.
Doit-on considérer cette situation comme un atout ? Oui. Faut-il conserver notre réseau en l'état ? Non. En avons-nous d'ailleurs encore les moyens ?... Quelles sont les évolutions nécessaires ? Nous verrons !
Au cours de chacun de mes déplacements - vous m'accorderez qu'ils sont assez nombreux ! -, je mesure combien notre diplomatie, notre voix dans le monde sont tributaires d'une présence forte partout où nous devons faire prévaloir nos intérêts, politiques, certes, mais aussi culturels et économiques.
Cela étant, des réorientations sont indispensables, tout simplement parce que le monde bouge. Je voudrais partager avec vous les quelques réflexions que m'inspire cette question, centrale pour le Quai d'Orsay, de l'évolution de notre réseau diplomatique à l'étranger.
Je suis en premier lieu convaincu qu'il nous faut préserver une présence aussi mondiale que possible. Je retiens à cet égard bien volontiers la formulation de M. Adrien Gouteyron d'un « réseau diplomatique universel ». La France ne peut pas en effet vouloir s'adapter à la mondialisation et, en même temps, se rétracter ; ce serait courir le risque d'un très net affaiblissement.
Cela dit, et c'est une évidence, nous ne pouvons être présents partout de la même manière, et je rejoins sur ce point bien volontiers l'analyse développée par M. Yves Pozzo di Borgo. Notre dispositif actuel est encore marqué par une trop grande rigidité. Il est indispensable de faire évoluer nos dispositifs, notamment vers les grands pays émergents, même si j'ai pu constater lors de mon déplacement en Chine, il y a un mois, combien nous avons su accroître significativement notre présence dans cet immense pays. C'est là le défi qui nous est posé : définir et mettre en oeuvre un réseau souple, adaptable, modulable, organisé pays par pays en fonction de la nature réelle de nos intérêts, qui ne sont pas les mêmes partout.
Je ne peux qu'approuver MM. Adrien Gouteyron et Yves Pozzo di Borgo quant à l'impératif de rationaliser nos réseaux sur le plan interministériel. Cet objectif est aisé à fixer, mais, bien qu'il ait été réaffirmé par de nombreux gouvernements, il n'a jamais été atteint en raison, vous le savez, de la résistance farouche de certains départements ministériels mieux dotés que nous. Nos remarques, qui ne sont pas nouvelles, se heurtent à ce double mur de la tradition et de la facilité.
Notre présence à l'étranger ne saurait être la simple juxtaposition de réseaux ou de structures propres à chaque administration, mais, au contraire, une véritable « équipe de France » totalement interministérielle. Il est clair que ce n'est pas le cas.
J'ai évoqué l'idée de faire de nos ambassades des « bureaux conseil de la France » et aussi des « maisons des droits de l'homme » - ce n'est pas incompatible -, en appui à nos entreprises, à nos ONG, à nos collectivités locales, à nos universités, etc.
Se pose aussi la question de notre réseau en Europe, qui a été soulevée par MM. Yves Pozzo di Borgo et Robert del Picchia. Nous avons, et probablement pour longtemps, encore besoin d'ambassades fortes, car l'Europe est le premier horizon de notre diplomatie, d'autant qu'elle a été, vous me l'accorderez, récemment « réanimée ».
La visite de nos grands postes en Europe confirme que certains d'entre eux sont relativement lourds. C'est d'ailleurs l'avis de nos ambassadeurs sur place, qui - vous avez raison de le dire - devraient être les décideurs. Dans les grands pays voisins de la France, nos ambassades comprennent entre 300 et 400 personnes. Est-ce nécessaire ? Je ne le crois pas. C'est le tropisme de tous les ministères, et pas seulement du Quai d'Orsay, d'ajouter au fur et à mesure des personnes qui, après tout, sont certainement utiles. Cette tendance ne me semble pas raisonnable. Aux dires mêmes des ambassadeurs, nous pourrions revoir notre réseau en Europe.
D'importants redéploiements ont été mis en oeuvre ces dernières années, qui devront certainement être poursuivis si nous voulons nous renforcer dans les grands pays émergents. En effet, nous ne pouvons pas tout faire : si nous avons beaucoup de personnels dans ce réseau particulier que constituent les postes européens, nous ne pourrons pas développer notre présence dans les pays émergents. J'ai parlé de la Chine. Mais sommes-nous assez présents en Inde ? Pas du tout. (M. Yves Pozzo di Borgo acquiesce.) Sommes-nous tout simplement assez attentifs à ce pays ? Absolument pas. Je connais la situation, mais il est plus facile de le savoir que d'imaginer d'autres géométries.
Sur le plan consulaire, et vous avez sur ce point entièrement raison, monsieur Pozzo di Borgo, le moment est effectivement venu de tirer les conséquences de la construction européenne en matière consulaire. J'ai bien entendu aussi Mme Cerisier-ben Guiga. Il nous faut agir d'une manière pragmatique, comme nous venons de le décider hier lors du sommet franco-italien qui s'est tenu à Nice et qui s'est conclu par des mesures concrètes de coopération consulaire entre la France et l'Italie.
Avouez qu'entre ces deux pays, cela ne devrait pas être trop dur ! Les Italiens sont du même avis. Nous avons moins de consulats français en Italie que les Italiens n'ont de consulats en France. Il faut que je fasse très attention, car si je cite une ville en particulier (Sourires), on va penser que son consulat va être supprimé ! Mais il faut reconnaître que certains de ces postes ne sont pas très utiles. Honnêtement, avec les moyens de communication modernes, les réponses aux demandes, notamment de documents administratifs et de renseignements, pourraient être apportées de manière relativement simplifiée, par Internet. Nous pourrions les uns et les autres, c'est-à-dire les Italiens comme les Français, répondre aux demandes réciproques.
Je conviens avec vous, monsieur Robert del Picchia, que l'expression « consulats à gestion simplifiée » n'est pas des plus heureuses. Nous avons besoin d'une présence consulaire, mais aussi politique et culturelle dans les grandes régions européennes, car c'est bien dans ces nouveaux territoires régionaux de l'Europe que se jouent les solidarités et les coopérations qui organiseront l'Europe de demain. Si l'on prend l'exemple de l'Espagne, en particulier de la Catalogne, c'est bien là que nous devons être présents. Les régions espagnoles et françaises se correspondront.
Toutes ces réflexions engagent l'avenir de notre outil diplomatique. Elles sont au coeur de la démarche du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, qui m'a été confiée par le Président de la République et par le Premier ministre.
Comme vous le savez, j'ai constitué, pour conduire cet exercice, une Commission du Livre blanc dont la présidence a été confiée à MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer. J'ai assisté à quelques-unes des rencontres de cette commission. Celle-ci rendra d'ici à l'été ses conclusions et ses recommandations. J'ai souhaité que votre Haute Assemblée soit représentée dans cette commission. Je me félicite que M. Jean François-Poncet et Mme Catherine Tasca contribuent activement à ces travaux du Livre blanc. Il faudra d'ailleurs l'articuler avec le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
J'en viens au deuxième thème de vos interventions, celui de l'évolution de nos moyens.
Je ne peux évidemment qu'approuver les observations que j'ai entendues à cette tribune : l'ampleur des missions sans cesse croissantes confiées à notre diplomatie à la lueur des crises multiples qui saisissent notre monde, la modestie de nos moyens ainsi que le souhait d'un effort accru, notamment, comme le réclament Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. David Assouline, en faveur de notre coopération culturelle à l'étranger.
Vous l'avez noté : la France consacre de l'ordre de 1,5 % du budget de l'État à sa diplomatie. À structure constante, le budget que je vous présente pour 2008 augmentera d'environ 1,5 % par rapport à 2007. Est-ce assez ? Je ne vais pas répondre oui, car je sais que ce n'est pas assez. Est-il possible d'avoir plus ? Je ne le crois pas. Demandez aux autres ministères s'ils veulent se sacrifier un peu pour le mien, et vous verrez leur réponse ! Je déplore autant que vous cette situation. Je me suis débattu comme un beau diable, lors de la création d'un nouveau ministère, pour garder l'essentiel ; honnêtement, j'ai réussi. S'agissant du codéveloppement, je vous répondrai dans quelques instants.
Vous avez approuvé jeudi soir les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui vous ont été présentés par le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, Jean-Marie Bockel. Je ne reviens donc pas globalement sur ce dossier, je vous apporterai simplement quelques précisions tout à l'heure.
Concernant l'autre mission dont le Quai d'Orsay est chef de file, à savoir la mission « Action extérieure de l'État » dont je vous demanderai d'approuver les crédits, les moyens qui lui sont consacrés croissent de plus de 3,5 %, ce qui représente une augmentation significative dans le contexte général de nos finances publiques. Ce budget, et je rassure sur ce point M. Gouteyron, ne réduit donc pas la voilure, même si bien entendu chacun, et moi le premier, aurait souhaité beaucoup plus.
Plusieurs intervenants ont regretté que ce budget prévoie de nouvelles diminutions d'effectifs. En effet, en 2008, 234 postes équivalents temps plein travaillé seront supprimés par rapport à 2007 (M. Jean-Louis Carrère s'exclame), ce qui entraîne une baisse de 1,5 % des effectifs du ministère des affaires étrangères et européennes. Vous avez relevé, à juste titre, que les emplois du ministère ont déjà connu tout au long de ces dernières années une baisse continue, de l'ordre de 12 % sur les dix dernières années.
J'en ai évidemment bien conscience, à réseau constant, une limite sera rapidement atteinte, si elle ne l'est déjà. J'estime cependant qu'une autre approche est possible,...