M. François Marc. C'est vrai !
M. Gérard Miquel. Les présidents des conseils généraux assument leurs responsabilités avec rigueur et efficacité. En lien avec d'autres représentants d'associations d'élus, ils vous ont fait part d'une proposition de réforme de la fiscalité locale, qui passerait par une loi organique sur les finances locales. Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales y est d'ailleurs favorable.
Cette réforme permettrait de redéfinir les ressources propres des collectivités, de conférer à l'autonomie fiscale une assise plus solide et plus durable et d'ouvrir aux collectivités la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel pour faire respecter les principes de libre administration, d'autonomie financière et fiscale et de péréquation.
Il ne suffit pas d'affirmer une forte volonté politique par des discours. Il faut que cela se traduise par des actes et par des engagements.
Le Président de la République a parlé d'une énième réforme de la taxe professionnelle pour 2009. Nous espérons qu'elle n'ira pas dans le sens d'une plus grande asphyxie pour les départements, comme celle qui a été amorcée par la précédente réforme !
Au cours du débat qui va suivre, monsieur le ministre, nous vous proposerons des amendements qui, dans le respect des équilibres, nous permettrons, je l'espère, de corriger les injustices les plus flagrantes de ce budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte où l'État est confronté à l'impérieuse nécessité de réduire nos déficits publics, le contrat de stabilité proposé aux collectivités pour 2008 constitue un compromis incontournable.
En effet, c'est un effort partagé par l'ensemble des acteurs publics qui nous conduira à la maîtrise indispensable de l'évolution de nos dépenses publiques.
Toutefois, ce débat sur les recettes des collectivités locales ne doit pas se limiter à la question de l'évolution globale des dotations de l'État aux collectivités. Nous devons aussi porter notre attention sur leur répartition.
Ainsi, au sein de l'enveloppe normée, et c'est un point positif, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, progressera cette année au rythme de l'inflation auquel s'ajouteront 50 % du taux de croissance.
C'est un sujet essentiel, car la DGF est un élément déterminant de la péréquation, surtout depuis les réformes votées dans le cadre des lois de finances pour 2004 et pour 2005.
C'est aussi cette péréquation qui doit déterminer une juste répartition des richesses sur notre territoire, à la ville comme à la campagne, en fonction de la situation réelle de nos collectivités.
C'est donc sur ce point que je concentrerai mon propos.
Il faut rappeler, tout d'abord, que les masses financières consacrées à la péréquation ont déjà connu, entre 2002 et 2003, une évolution importante de 22,4 %.
Puis, entre 2004 et 2007, les réformes engagées et les choix du Comité des finances locales ont également permis à la péréquation de croître en volume de plus de 31 %.
Au total, selon le dernier rapport présenté par notre collègue Joël Bourdin au nom de l'Observatoire des finances locales, le taux de péréquation au sein de la DGF est passé de 6,66 % en 1994 à 15,05 % en 2007. La masse des crédits qui lui est dédiée a plus que doublé entre 2002 et 2007.
Il s'agit là d'un effort sans précédent en faveur des communes et des départements les plus pauvres - je tenais à le souligner.
Néanmoins, il faut bien le reconnaître, il y a encore du chemin à faire dans ce domaine car la DGF reste encore insuffisamment péréquatrice, comme l'ont souligné plusieurs rapports du Sénat.
Au moment où l'État tend à limiter ses concours financiers aux collectivités locales, l'évolution de la solidarité nationale sera déterminante pour l'équilibre des budgets des communes et des départements les plus fragiles. C'est une affaire d'équité, comme vous l'avez si bien dit, monsieur le rapporteur général.
Aussi, dans ce contexte, je souhaite évoquer deux sujets qui préoccupent particulièrement nos collectivités.
En premier lieu, pour 2008, le projet de suppression de la compensation de l'exonération du foncier non bâti afférente aux terrains agricoles a suscité une vive inquiétude au sein de nos communes et de nos départements ruraux.
En effet, personne ne comprend qu'une mesure décidée arbitrairement par l'État en 2005 soit ensuite mise à la charge des collectivités, deux ans seulement après son application.
Heureusement, à la suite de la mobilisation des parlementaires et des associations d'élus locaux - notamment l'Association nationale des élus de montagne, par la voix de Michel Bouvard, et l'Association des maires de France -, l'Assemblée nationale a décidé de supprimer cette disposition pour les communes.
Cependant, l'Assemblée nationale s'est aussi opposée à cette suppression pour les départements, prétextant que cette compensation ne constituait pas une recette significative pour eux.
Je souhaite faire remarquer, ici, que, en règle générale, plus les départements sont pauvres, plus ils sont inscrits dans une tradition agricole forte. C'est notamment le cas de la Lozère, de la Creuse et du Cantal.
À ce titre, le poids de leur recette pour le foncier non bâti agricole est inversement proportionnel à leur richesse. Pour illustrer ce propos, j'ajoute que, pour un département comme le Cantal, cette suppression représenterait une perte sèche de plus de 650 000 euros, soit une baisse de plus de 7,5 % des compensations de l'État au titre des quatre taxes ou encore l'équivalent d'un point et demi d'impôt inévitablement mis à la charge du contribuable.
Vraiment, monsieur le ministre, ces dotations de compensation des exonérations de taxe foncière sur les terrains agricoles ne doivent pas servir de variables d'ajustement au nouveau contrat de stabilité.
On ne peut pas, d'un côté, faire évoluer favorablement la péréquation et, de l'autre, diminuer une dotation qui bénéficie essentiellement aux départements ruraux les plus fragiles.
Ce qui a été fait pour les communes à l'Assemblée nationale doit donc être regardé ici attentivement pour les départements, notamment pour les territoires ruraux les plus démunis.
En l'occurrence, ce qui est en jeu, c'est la crédibilité de notre politique de solidarité nationale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le sens de l'amendement de la commission des finances !
M. Pierre Jarlier. Tout à fait !
En second lieu, je souhaite évoquer très rapidement un autre sujet sensible, celui de l'incidence de la réforme de la taxe professionnelle pour les intercommunalités à bases plafonnées fortes et à faibles ressources.
Celles-ci n'ont eu d'autre choix que celui d'augmenter leurs taux pour ajuster leurs ressources aux nouveaux services qu'elles offrent à la population. Elles sont aujourd'hui très fortement pénalisées par la réforme, en perdant parfois jusqu'à 30 % de leur recette de taxe professionnelle.
Je donnerai deux exemples concernant l'Auvergne. Dans la communauté de communes de Sumène-Artense, pour 488 000 euros de recette, il y a 50 000 euros de ticket modérateur, soit plus de 10 % de la recette. Dans la communauté de communes rurales de Margeride-Truyère, pour 66 000 euros de recette, on compte 23 000 euros de ticket modérateur, soit plus de 34 % de la recette totale au titre de la taxe professionnelle.
Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006, j'avais fait adopter un amendement pour limiter l'incidence des prélèvements affectant ces petites communautés de communes. Il a malheureusement été écarté en commission mixte paritaire.
Je sais que la commission des finances du Sénat, qui, comme le Gouvernement, s'était prononcée favorablement sur cet amendement, réfléchit à un nouveau dispositif dans la perspective de l'examen de la deuxième partie du présent projet de loi de finances. J'en remercie le président de la commission, Jean Arthuis, et le rapporteur général, Philippe Marini, dont chacun connaît la grande capacité d'expertise.
Cependant, les élus de ces intercommunalités très rurales, qui doivent déjà faire face à de nombreuses difficultés - notamment en montagne - comptent sur la compréhension du Gouvernement pour ajuster la réforme à la réalité de leur situation.
En effet, c'est là encore la solidarité nationale qui doit jouer pour assurer une réelle péréquation en faveur des territoires les plus fragiles.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un fait : la péréquation a considérablement augmenté ces dernières années, mais nous devons veiller à ce que l'État ne reprenne pas d'une main ce qu'il a donné de l'autre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Pierre Jarlier. En 2009, la DGF devra absorber l'impact des résultats du nouveau recensement. C'est dans ce cadre que la péréquation pourrait encore être renforcée, en liaison avec les associations nationales d'élus et le Comité des finances locales, car de nombreuses collectivités en difficulté attendent légitiment la mise en oeuvre d'une juste solidarité nationale ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Le Vern.
M. Alain Le Vern. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, devant les contrevérités entendues ces dernières semaines sur les finances des collectivités locales, je veux d'abord rappeler quelques réalités concernant les régions.
Pour être président d'une région depuis bientôt dix ans, pour avoir présidé l'Association des régions des France en alternance avec notre collègue Raffarin et pour ne pas être frappé d'amnésie, chers collègues, je dispose du recul utile.
Petit à petit, l'autonomie des régions en matière de ressources fiscales propres s'est trouvée réduite, limitant la portée des décisions de nos assemblées délibérantes.
En 1998, la fiscalité régionale représentait deux tiers des ressources, contre un tiers aujourd'hui, ce qui, comme le rappelait récemment le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, entraîne plusieurs inconvénients majeurs.
D'abord, la multiplication au fil des années des dégrèvements et exonérations compensés par l'État a pour effet de distendre le lien entre la collectivité qui vote l'impôt et le contribuable.
Ainsi, on évalue à 50 % le nombre de ménages non concernés par la fiscalité régionale, ces 50 % étant par ailleurs et paradoxalement les plus concernés par les actions des régions, notamment en termes de formation, de transports et d'emploi.
Cette distance n'est pas bonne pour la démocratie. Dans une République équitable, chacun doit savoir qui fait quoi et avec quels financements publics.
Ensuite, les impôts qui demeurent n'ont plus que peu de liens avec les compétences des régions. Nous souhaitons qu'il soit mis fin à cette situation nuisible à l'exercice de la démocratie. Toutes les associations d'élus le demandent.
La situation actuelle, chers collègues, se trouve par ailleurs aggravée par les décisions de la droite.
En effet, ayant conduit les finances du pays « à la faillite », selon le Premier ministre lui-même, les gouvernements successifs ont usé et abusé d'une imagination débordante pour punir les régions - ce n'est pas mon collègue Masseret, lui aussi président de région, qui me démentira -, coupables d'être gérées par la gauche dans leur quasi-totalité, alors que les vrais problèmes sont, il faut le dire et le répéter, le déficit et la dette de l'État que vous creusez chaque jour un peu plus.
M. Philippe Marini, rapporteur général. « En faisant des cadeaux aux riches » ! (Sourires au banc des commissions.) Vous oubliez de le dire !
M. Alain Le Vern. Lorsque vous accordez 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux plus riches de nos compatriotes,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà, je l'attendais !
M. Alain Le Vern. ...vous privez notre pays de 15 milliards d'euros d'investissements utiles.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr !
M. Alain Le Vern. Cela représente, chers collègues qui, pour beaucoup d'entre vous, gérez des collectivités locales, la moitié environ de ce que les collectivités locales investissent chaque année pour aménager le territoire et pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une argumentation subtile !
M. Alain Le Vern. J'ajoute que les collectivités locales investissent sans augmenter leur dette de 1 euro, celle-ci étant stabilisée depuis de plus de dix ans à environ 106 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. En augmentant un peu les impôts de temps à autre !
M. Alain Le Vern. Là est le cercle vertueux ! Quand vous voulez parler de l'avenir, il faut effectivement s'appuyer sur ces collectivités locales plutôt que de chercher à les punir !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les punir ! Vous ne faites vraiment pas dans la dentelle !
M. Alain Le Vern. Ces 15 milliards d'euros de cadeaux aux plus riches, vous les faites payer aussi aux régions - nous en avons beaucoup parlé au cours de ce débat - en rompant le pacte de confiance, de stabilité.
Le contrat de croissance et de solidarité en vigueur depuis 1999 prévoyait que la dotation de l'État aux collectivités augmente du montant de l'inflation prévisionnelle majorée de 33 % de la croissance du produit intérieur brut de l'année en cours. Ce ne sont pas les amendements mineurs qui nous ont été présentés récemment et les arrangements de dernière minute qui changeront cette réalité !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les arrangements de dernière minute ?
M. Alain Le Vern. Tout au plus, allez vous y ajouter davantage de confusion.
Jai rappelé tout à l'heure que les deux tiers des ressources des régions dépendaient des dotations de l'État.
Ainsi une augmentation réaliste des dotations au travers de ce pacte de stabilité était-elle vitale. Vous avez décidé unilatéralement d'y mettre fin par le « zéro volume » imposé par le Premier ministre, et donc de faire évoluer les dotations selon la seule inflation, au prétexte de faire partager votre politique de réduction des déficits et de désendettement de la France. Nous aurions pu l'admettre si, au même moment, chers collègues, vous n'adressiez pour 15 milliards d'euros de cadeaux aux plus riches de ce pays : les pauvres, ils ne partageront pas les objectifs d'assainissement et recevront des chèques allant jusqu'à 1 million d'euros pour certains.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est curieux, malgré tout ça on vote pour nous aux élections !
M. Alain Le Vern. Franchement, monsieur le ministre, avez-vous besoin d'un bouclier fiscal pour vous protéger des collectivités locales et des pauvres ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Ce bouclier fiscal, chers collègues, vous le savez, va devenir un boulet fiscal que nous allons porter pendant plusieurs années.
M. Jean-Pierre Masseret. C'est vrai !
M. Alain Le Vern. Cela mérite d'être sanctionné. C'est une politique qui porte votre signature, et nous la combattons.
Plus grave, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, Mme la ministre des collectivités territoriales évoquait « la compensation intégrale des transferts de compétence ». Comment oser tenir de tels propos si contraires à la réalité et à la vérité ?
Nous le savons tous ici, les gouvernements Raffarin et Villepin, dont certains d'entre vous étaient membres, ont systématiquement et scientifiquement organisé les transferts afin d'alléger les charges de l'État alors que vous étiez déjà en train mettre en oeuvre les politiques budgétaires qui ont conduit le pays à la situation que nous connaissons.
Gérard Miquel vient de démontrer à l'instant,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais il l'a fait beaucoup plus gentiment !
M. Alain Le Vern. ...comment les départements sont les victimes de vos choix, notamment à propos des personnels TOS. Pour les régions, la démonstration est la même. Et c'est vrai pour toutes les compétences.
Je tiens ici toutes les preuves, et ne me dites pas que ce sont les compétences qui continuent d'évoluer ! À volume constant, les finances transférées se révèlent insuffisantes.
D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, chers collègues, pourquoi auriez-vous inventé le financement par le transfert d'une part de la TIPP ? C'est bien l'aveu que « le compte n'y était pas ». Il vous a même fallu obtenir une autorisation de la Commission européenne pour le faire et pour trois ans seulement, et cela inquiète d'ailleurs aujourd'hui les régions, car cette recette dépend des volumes consommés et non des prix, ce qui se traduira inévitablement par une érosion des recettes pour les régions qui ont dû y recourir, la baisse de la consommation étant désormais inéluctable.
Les transferts liés à la décentralisation augmentent chaque jour, comme la charge des régions en matière de formations sanitaires et sociales.
II manque plusieurs millions pour chaque région. Votre ami M. Zeller, président de la région Alsace, évalue les crédits faisant défaut à 2,3 millions d'euros par an. Allez-vous, lui aussi, le taxer de malhonnêteté intellectuelle ?
M. le président. Oh !
M. Alain Le Vern. Vous avez ainsi transféré des bâtiments hors normes de sécurité, des ports abandonnés - j'en sais quelque chose, présidant moi-même aux destinées du port de Dieppe -, dont vous exigez, par l'intermédiaire de vos préfets, qu'ils obéissent aux critères de sécurité internationale, alors que vous n'avez pas transféré le moindre euro puisque vous n'aviez rien fait dans la période de référence ayant servi au prétendu calcul de transfert...(M. Jean-Pierre Masseret opine.) Vous continuez de décider du nombre de boursiers - il s'envole ! -, du montant des bourses - vous êtes généreux avec les finances des autres !
À propos de générosité, rappelons ici votre réforme de la taxe professionnelle qui consiste à faire payer aux collectivités locales une part importante des dégrèvements accordés aux entreprises : cette refacturation aux régions, c'est en moyenne 3 % de baisse des recettes de taxe professionnelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Faux ! C'est une image d'Épinal !
M. Alain Le Vern. Monsieur le ministre, le temps dont je dispose me prive de poursuivre cet exercice de vérité. (M. Henri de Raincourt s'esclaffe.) Vous avez décidé de faire payer les régions. Aborder ce débat suivant une approche technique, c'est perdre de vue la réalité politique.
Vous parlez d'équité ; la réalité, c'est l'arbitraire. Vous parlez de solidarité ; la réalité, c'est l'injustice.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La justice n'est que de votre côté, c'est bien connu !
M. Alain Le Vern. Vous parlez de confiance ; la réalité, c'est la défiance. Vous parlez de partenariat ; la réalité, c'est la défausse.
Monsieur le ministre, saurez-vous proposer à l'ensemble des collectivités des règles transparentes, simples, efficaces, qui rendraient harmonieuses les relations entre un État fort et des collectivités partenaires ? Vous dites le souhaiter mais vous faites le contraire. Nous jugerons aux actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était temps de poser les prémisses d'une nouvelle gouvernance en matière de finances. Le présent projet de loi de finances pour 2008 marque une étape décisive puisque les propositions formulées au cours de ces derniers mois, qui visent à introduire de nouvelles règles dans les relations financières entre l'État et les collectivités, y trouvent un début de traduction.
Je pense bien évidemment à la conclusion d'un nouveau pacte entre l'État et les collectivités territoriales. Ainsi, dorénavant, le contrat de stabilité, qui remplace le contrat de croissance et de solidarité en vigueur depuis 1999, va modifier le calcul des dotations en l'indexant uniquement sur l'inflation, norme de progression fixée pour l'ensemble des dépenses de l'État. Ai-je besoin de rappeler qu'en vingt-cinq ans la dette financière de l'État a triplé, passant du cinquième aux deux tiers de notre production nationale ? Ce fait que, de budget en budget, on a voulu ignorer nous contraint aujourd'hui à réduire énergiquement nos dépenses.
Les collectivités, comme tout un chacun, en sont conscientes et se préparent à participer à l'effort global de maîtrise des dépenses publiques.
Je m'interroge tout de même sur le dispositif qu'il faut mettre en oeuvre pour instaurer cette stabilité alors même que les dépenses des collectivités augmentent plus vite que l'inflation. Pour ne prendre que le seul exemple des communes, l'accroissement de leurs dépenses est en moyenne supérieur de deux points à l'inflation.
Je tenais, à cet égard, à donner acte au Gouvernement d'avoir su préserver pour l'année 2008 l'évolution de la dotation globale de fonctionnement. Elle sera, comme les années précédentes, indexée sur l'inflation majorée de 50 % de la croissance du PIB.
Il a été institué de fait une sorte de période transitoire qui va « donner du temps au temps » et permettre aux collectivités de s'adapter. Il est en effet très difficile pour les élus locaux de passer brusquement d'un taux de progression à un autre et d'ajuster, en moins de trois mois, les dépenses prévues pour l'année suivante.
Lors du débat d'orientation budgétaire en juillet dernier - vous étiez présent, monsieur le ministre -, j'avais souligné, comme nombre de mes collègues, l'inquiétude des élus à ce sujet. Je suis satisfait, ce soir, de voir que vous en avez tenu compte.
Ces nouvelles donnes de croissance de l'enveloppe normée, plus contraignantes pour les collectivités, doivent aller de pair avec une prise en compte plus systématique et plus approfondie des besoins des élus locaux. Ainsi, en contrepartie du contrat de stabilité, le Gouvernement affiche la volonté d'établir un véritable partenariat de confiance entre l'État et les collectivités afin de les associer aux décisions qui les concernent. Cela me semble être le coeur de « la nouvelle gouvernance » recherchée.
J'espère donc, monsieur le ministre, que la Conférence nationale des exécutifs, qui a été mise en place le 4 octobre dernier à cet effet, sera une véritable instance de discussion et de concertation, et non une simple structure d'enregistrement.
Je voudrais d'ores et déjà saluer la décision prise de créer, au sein du Comité des finances locales, une commission consultative sur l'évolution des normes, laquelle serait chargée de rendre un avis sur les projets de textes réglementaires et de faire une étude d'impact sur les compétences ou les finances des collectivités. C'est, à mon sens, une bonne chose, car il n'est pas de bonne pratique de placer les élus locaux devant le fait accompli, comme cela est le cas depuis de nombreuses années. Cela pose une véritable question de démocratie locale, notamment en ce qui concerne le droit des collectivités de lever l'impôt.
Nous le savons tous, l'une des sources des dépenses supplémentaires, le plus souvent méconnue d'ailleurs, naît de la surabondance de réglementations qui, sous des prétextes sécuritaires ou environnementaux, ont considérablement chargé la barque des collectivités.
À titre d'exemple, je citerai le coût pour les petites communes rurales de la mise en oeuvre des dispositions relatives au contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, sans parler du coût prohibitif des investissements pour la lutte contre les incendies.
Avec ce nouveau pacte, semble donc bien s'amorcer une réforme plus globale de la fiscalité locale. Mais cela arrive à un moment, vous le savez bien, monsieur le ministre, où nos concitoyens sont coincés entre la baisse de leur pouvoir d'achat et leur désir légitime de faire profiter leur famille, leurs enfants, de l'accès à la consommation qui leur est proposé par les médias à longueur de journée.
C'est donc vers les collectivités que nos concitoyens se tournent pour trouver, bien sûr gratuitement, toujours plus de services, de distractions, de solidarité. Voilà la réalité que les maires côtoient tous les jours et à laquelle nous allons devoir faire face.
Le souci d'apporter à nos concitoyens les meilleures conditions d'existence afin qu'ils ne désertent pas nos communes fait que le système actuel est à bout de souffle. Dans l'urgence, on doit donc réformer les quatre vieilles, répartir autrement les dotations, introduire plus de péréquation. Tout le monde s'accorde sur ces orientations : améliorer l'autonomie financière des collectivités et satisfaire aux exigences de clarté et de lisibilité.
Monsieur le ministre, n'oublions pas que les collectivités sont les premiers investisseurs et qu'elles font vivre des milliers d'entreprises et des millions de travailleurs : 90 % des dépenses d'équipements sportifs sont financées par les collectivités. Il faut donc être attentif aux conséquences qu'auraient des mesures engagées sans préparation, sans concertation et surtout sans étude d'impact sur le développement économique de nos territoires. Veillons à ne pas casser le dynamisme des collectivités, car les effets qui en résulteraient seraient désastreux pour le pouvoir d'achat des Français.
Certes, la péréquation existe. Au travers de la DGF, elle est d'ailleurs le meilleur outil de réduction des inégalités de richesse entre les collectivités. Les masses financières consacrées à la péréquation ont connu une progression importante depuis 2002 et les différentes réformes menées entre 2004 et 2006, ainsi que le choix du Comité des finances locales, ont permis à la part de l'enveloppe consacrée à la péréquation de croître en volume de plus de 31 % de 2004 à 2007.
Pour autant, - et nous avons été nombreux à le dire ce soir - une politique volontariste ne suffit pas. Force est de constater que le système actuel de péréquation est trop timide. D'énormes disparités et inégalités entre les collectivités existent. L'écart de potentiel fiscal par habitant entre les communes va de un à l'infini, ce qui pose la question de l'égalité du citoyen devant le service public délégué aux collectivités.
Mes chers collègues, disons les choses : une péréquation juste doit être inégalitaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr, sinon ce n'est pas une péréquation !
M. Bernard Murat. Sinon, comment assurer une relative égalité entre des collectivités extrêmement diverses par leur nature, leur situation géographique et humaine ? Aller vers un renforcement des sommes disponibles pour la péréquation communale, puisqu'un geste s'impose envers les collectivités ? Répartir les sommes en fonction du potentiel fiscal et du revenu moyen par habitant ? Nous pourrions veiller au renforcement de la péréquation en augmentant, par exemple, la part de la dotation de solidarité rurale au sein de la DGF.
À cet égard, je voudrais également souligner que, si la DSR augmente dans ce budget, il lui est assuré une progression identique à celle que connaît la dotation de solidarité urbaine ; il serait normal qu'elle soit alignée sur cette dernière. Les petites communes rurales doivent pouvoir compter sur le soutien financier de l'État pour garantir à leurs habitants un service public de qualité. Vous avez d'ailleurs annoncé, monsieur le ministre, une réflexion sur ce sujet. Peut-être pourrez-vous nous en dire un peu plus sur l'état d'avancement des travaux exploratoires.
Avant de conclure, je souhaite évoquer le fonds « catastrophes naturelles » que vous avez souhaité créer.
Doté de 20 millions d'euros pour 2008, il sera destiné à la réparation des dégâts causés aux biens non assurables des collectivités par des catastrophes très particulières. Il permettra donc de prendre en compte les sinistres localisés et d'ampleur limitée ; je pense, par exemple, aux orages que nous avons connus cet été en Corrèze, dans les cantons de Juillac, Seilhac et Lubersac. Voilà une réponse pragmatique, monsieur le ministre, aux attentes des élus, les règles actuelles permettant difficilement une indemnisation des communes en pareil cas.
En conclusion, je me permets simplement de redire que la réforme des finances locales ne pourra prospérer que si l'État affirme concrètement sa volonté de favoriser l'autonomie fiscale. L'interventionnisme de l'État en la matière doit être réduit au minimum, ce qui implique une redistribution des impôts locaux entre les différents niveaux de collectivités et une spécialisation accrue de ces derniers. Est également indispensable une reconnaissance particulière de l'intercommunalité qui, à mon avis, est la nouvelle échelle pertinente pour mener des politiques d'investissement et de solidarité ambitieuses, en gardant la proximité à laquelle sont de plus en plus attachés nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer les dotations de l'État aux collectivités locales, les ressources locales et les préoccupations qui sont les nôtres face à l'évolution des dépenses.
L'évolution des dotations de l'État qui sont incluses dans le périmètre du contrat de stabilité suivra désormais le même rythme que les dépenses de l'État, c'est-à-dire celui de l'inflation.
Le projet de loi de finances pour 2008 entend amorcer un nouveau partenariat entre l'État et les collectivités territoriales. Vous demandez aux collectivités locales de participer à l'effort de maîtrise des dépenses. Pourquoi pas ? Mais il faudrait veiller à ce que cet effort ne se fasse pas à leur détriment. Comment donc concilier cet objectif avec le rythme d'évolution rapide des dépenses ?
Je voudrais insister une nouvelle fois - c'est une demande récurrente de nos assemblées générales de maires, du Congrès des maires de France et de nombre de nos collègues du Sénat - sur les modifications incessantes des normes, qu'il s'agisse des normes européennes ou françaises, dont nous n'avons pas la maîtrise directe en qualité de maires ou d'élus, et des mesures statutaires applicables aux personnels de la fonction publique territoriale. Toutes ces normes ou ces contraintes nouvelles ont des conséquences financières pour nos collectivités. Malheureusement, elles font souvent évoluer beaucoup plus rapidement nos dépenses que les recettes devant nous permettent d'y faire face.
Il ne faudrait pas que l'effort qui va nous être demandé creuse les inégalités territoriales. L'objectif d'une meilleure péréquation entre les collectivités doit être poursuivi. À cet égard, je me félicite de la décision du Comité des finances locales d'assurer en 2007, comme en 2006, une progression de la dotation de solidarité rurale identique à celle de la dotation de solidarité urbaine, soit une augmentation de 13,4 %.
Je n'en dirai pas autant, monsieur le ministre, de l'évolution de la dotation globale d'équipement. J'ai en main l'annexe 9 du rapport de l'Observatoire des finances locales pour 2007 : les crédits ouverts en loi de finances initiale au titre de la DGE s'élevaient à 872 millions d'euros en 2003, à 904 millions en 2004 et à 932 millions en 2005 ; ils tombent à 770 millions en 2006 et à 691 millions en 2007. Cela signifie que les collectivités locales, les communes en particulier, ne peuvent compter sur le concours de la DGE dans la limite de ces enveloppes. Si les communes ne pouvaient pas bénéficier des concours financiers des conseils généraux et des conseils régionaux, elles auraient du mal à faire face aux investissements à réaliser. (M. Louis de Broissia approuve.)
S'agissant toujours de la DGE, monsieur le ministre, je voudrais insister sur deux points.
En premier lieu, j'attire votre attention sur la date de notification des enveloppes financières aux préfets. J'ai présidé la semaine dernière la commission des élus de mon département chargée de déterminer les modalités d'attribution de la dotation globale d'équipement, en présence de la secrétaire générale de la préfecture. J'ai pu lui faire confirmer que les fonds parvenaient à la préfecture aux environs de la mi-avril. Les services de la préfecture devant instruire plusieurs dizaines de demandes, les arrêtés attribuant les subventions ne sont notifiés, au plus tôt, que dans le courant du mois de mai, sinon en juin.
Il est ensuite reproché aux collectivités de ne pas consommer suffisamment de crédits, si bien que le ministère récupère les reliquats non consommés en fin d'année. Certes, nous disposons de deux ans pour les consommer, mais ces péripéties se reproduisant la deuxième année, une partie des crédits de la deuxième année n'est pas consommée. Ainsi, le département de l'Oise a perdu, au titre de l'année 2006, près de 600 000 euros qui sont repartis dans les caisses de l'État.
En second lieu, le préfet nous a reproché de ne pas respecter les directives relatives aux taux de subvention, ceux-ci devant, pour les deux tiers, se situer entre 25 % et 35 %. Pour autant que je sache, il appartient à la commission de déterminer les secteurs d'intervention et de fixer les taux. À mon sens, le préfet n'a pas à nous dicter les taux devant être attribués. Je suis assez surpris d'apprendre l'existence d'une circulaire de Mme le ministre de l'intérieur...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dommage qu'elle ne soit pas restée !