M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la loi de finances pour 2006 est le premier budget à avoir été examiné, voté et exécuté selon les règles de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, la LOLF. C'est aussi la première à faire l'objet d'un rapport annuel de performances, à l'occasion du projet de loi de règlement du budget de l'année 2006.
Appliquée dans le domaine de la sécurité, la LOLF parachève les efforts entrepris dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, pour rapprocher et coordonner l'action de la police nationale et de la gendarmerie nationale, et développer une culture du résultat et de l'efficacité.
Madame le ministre, l'exécution du budget de l'année 2006 a été conforme aux prévisions de la loi de finances initiale et les résultats obtenus en matière de lutte contre la délinquance dépassent parfois les objectifs ambitieux qui avaient été fixés. Le taux d'élucidation, en particulier, est supérieur aux prévisions. Ces excellents résultats sont à mettre en relation avec la politique menée depuis 2002, aussi bien par votre prédécesseur que par vous-même, madame le ministre, lorsque vous aviez la responsabilité de la gendarmerie nationale.
Tous les grands programmes d'équipement sont menés au rythme annoncé. Il en va de même de la réorganisation de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans le cadre de la réforme des corps et carrières et du plan d'adaptation des grades aux emplois.
Je ne doute pas un instant, connaissant votre compétence et votre grande détermination, que le budget pour 2007 sera exécuté de la même façon et qu'il permettra de mener à son terme la LOPSI, dans l'attente d'une future loi d'orientation.
Néanmoins, madame le ministre, le rapport annuel de performances appelle plusieurs remarques et questions.
Tout d'abord, ce rapport annuel, qui a été transmis au Parlement, est le premier du genre. Si vous me permettez l'expression, il « essuie les plâtres » ; il convient donc d'être indulgent à son égard. Toutefois, il faut souligner sa faible lisibilité, qui ne permet pas toujours de faire ressortir les mouvements de crédits et les décalages entre la loi de finances initiale et son exécution.
Il est également regrettable qu'un réel bilan du taux d'exécution de la LOPSI - il est d'ailleurs très bon - n'ait pas été effectué à la fin de l'année 2006. Une meilleure pédagogie est possible et je suis certain que le prochain exercice permettra d'apporter des améliorations.
De la même façon, le non-renseignement de certains indicateurs de performance, ainsi que leur modification d'une année sur l'autre - je crois en effet savoir que les indicateurs de la mission « Sécurité » évolueront encore dans le projet de budget pour 2008 - ne facilitent pas un suivi pluriannuel.
Après ces quelques remarques de forme, je souhaite vous interroger sur trois points.
S'agissant tout d'abord des forces mobiles, l'indicateur du taux d'emploi des CRS montre que 59 % de ces derniers ont été employés en 2006 pour des missions de sécurité publique, alors que seuls 36 % d'entre eux ont effectué des missions classiques d'ordre public. Ce résultat est inattendu, puisque, selon l'objectif fixé initialement, seulement 44 % des CRS auraient dû être affectés à des missions de sécurité publique.
Cette évolution très forte est propre aux CRS, puisque, dans le même temps, l'emploi des gendarmes mobiles a évolué en sens inverse. En effet, 67 % d'entre eux ont été employés pour des missions classiques d'ordre public, alors même que l'objectif était d'atteindre un taux inférieur à 64 %.
Madame le ministre, pouvez-vous nous dire s'il s'agit simplement d'un résultat conjoncturel et ponctuel ou s'il faut y voir au contraire une véritable différenciation des missions à la charge des CRS et des gendarmes mobiles ? Les CRS seraient progressivement orientés vers des missions de sécurité publique, tandis que les gendarmes mobiles feraient surtout du maintien de l'ordre. Cette question est importante, au moment où le rapprochement de la police et de la gendarmerie, d'une part, et le bon dimensionnement des forces mobiles, d'autre part, font l'objet d'un débat.
Par ailleurs, l'implication croissante des forces mobiles dans des missions de sécurité publique pose le problème de l'articulation entre une police d'intervention et une police locale, pour ne pas dire une police de proximité. Avez-vous engagé une réflexion sur cette question ?
Ma deuxième interrogation porte sur la formation continue des policiers.
L'indicateur sur le taux de réalisation des formations prioritaires montre que l'objectif de 95 % n'a pas été atteint, seuls 86 % de ces formations ayant été réalisés en 2006. Ce taux est inférieur à ceux de 2004 et 2005. Comment s'explique un tel résultat, madame le ministre ? Pouvez-vous indiquer, parmi ces formations dites prioritaires, celles qui ont été le plus affectées ?
Je profite d'ailleurs de cette occasion pour vous demander si une réflexion a été engagée sur la formation juridique des policiers. Dans mon avis sur le projet de loi de finances pour 2006, je me faisais l'écho de mon collègue François Zocchetto, qui, dans un rapport d'information, relevait l'inquiétude des magistrats face à la dégradation de la qualité des procédures. Nous pouvons d'ailleurs, les uns et les autres, accepter une grande part de responsabilité dans l'art de compliquer les procédures pénales.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. À cet égard, je rappelle que je proposais dans ce même avis la création d'un indicateur mesurant le nombre de procédures annulées pour vice de procédure imputable aux services de police ou de gendarmerie. Mais peut-être n'est-il pas possible de le calculer eu égard à l'état de l'informatisation de la justice ! Cette observation pose, là encore, le problème du continuum statistique des activités de la police et de la justice, pour lequel beaucoup de progrès restent à accomplir.
Ma dernière question portera sur le logement et la fidélisation des policiers en Île de France. Cette région, qui concentre 30 % des effectifs de la police nationale, souffre, d'une part, d'un taux d'encadrement très faible des gardiens de la paix et, d'autre part, d'une rotation des effectifs très élevée. Le flux de demandes de départ de l'Île-de-France vers la province déstabilise l'organisation des services et ne permet pas de tirer profit de l'expérience acquise par les personnels. La quasi-totalité des promotions sortant des écoles de police y est affectée pour compenser ces départs.
La réforme des corps et carrières apporte une réponse partielle à cette situation, en instaurant une durée de séjour obligatoire dans la première région administrative d'affectation. Une autre réponse consiste à améliorer les conditions matérielles des policiers, en particulier en les aidant à se loger. Selon le rapport annuel de performances, le nombre de logements réservés aux agents du ministère de l'intérieur a été supérieur en 2006 aux prévisions initiales, et ce pour un coût inférieur aux prévisions.
Madame le ministre, pourriez-vous indiquer au Sénat comment ce résultat remarquable a été atteint, alors que les prix sur le marché de l'immobilier ne baissent pas ? Par ailleurs, à quelles catégories de policiers ces logements ont-ils profité et combien de policiers affectés dans des zones difficiles en Île-de-France en ont bénéficié ?
Je vous remercie par avance, madame le ministre, de vos réponses, en vous renouvelant, à titre personnel, mon entier soutien pour l'action politique particulièrement efficace que vous menez. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la ministre, une fois rappelés les grands traits de l'exécution budgétaire de la mission « Sécurité » en 2006, je concentrerai mon propos sur un certain nombre de questions qui me paraissent centrales en matière de sécurité et sur lesquelles je souhaiterais recueillir votre jugement et vos intentions.
Il convient, tout d'abord, de se féliciter de ce que le budget de la mission « Sécurité » ait été « tenu » au cours de l'exercice 2006. Avec 15,9 milliards d'euros consommés en autorisations d'engagement et 15,3 milliards d'euros consommés en crédits de paiement, la mission présente des taux de consommation très proches de 100 %, respectivement 97,5 % et 99,3 % des crédits ouverts en 2006.
Je souhaite souligner que chacun des deux programmes décline cette bonne maîtrise de la dépense. L'entrée en vigueur de la LOLF aura certainement contribué à ce résultat, en particulier par une politique de plus grande responsabilisation des gestionnaires, qu'il convient ici de saluer.
Les efforts déployés en 2006 pour mobiliser les moyens en faveur de l'opérationnel ont permis, en outre, d'accroître de façon significative le niveau de performance de chacun des deux programmes. Ainsi, notamment, l'objectif de réduction de la délinquance générale en zone police a été atteint. Le nombre de crimes et délits constatés a reculé de 1,35 %, pour une prévision comprise entre 1 % et 4 % dans le projet annuel de performances pour 2006, tandis que le taux global d'élucidation est passé à 31,5 %, pour une prévision fixée à 30,4 %.
Au regard du débat récurrent sur les statistiques de la délinquance, je crois nécessaire de rappeler de nouveau que les indicateurs de performance du programme « Police nationale » sont renseignés à partir de l'état 4001, qui est utilisé depuis 1973, soit depuis plus de trente ans, ce qui permet de couper court à toute insinuation sur ce sujet. Cette situation a le mérite d'assurer une réelle stabilité pour établir des comparaisons dans le temps.
Ce tableau d'ensemble tout à fait positif désormais dressé, je souhaite insister tout particulièrement sur certains points, qui sont, me semble-t-il, au coeur du pilotage stratégique de la mission « Sécurité ».
J'évoquerai tout d'abord le caractère interministériel de cette mission. Il s'agit là d'une spécificité qui répond parfaitement à l'esprit de la LOLF et dont nous connaissons l'une des manifestations les plus concrètes : la coopération entre les forces de sécurité via les groupements d'intervention régionaux, les GIR. Précisément, quel bilan tirez-vous à ce jour, madame le ministre, de ces groupements constitués à parité de policiers et de gendarmes ? Plus largement, quelles avancées ont pu être réalisées pour consolider l'interministérialité de la mission en 2006 ? Et quelles sont les perspectives pour 2007 et 2008 ?
Comme vous le savez, il convient de jouer autant que possible sur les effets d'échelle entre la police et la gendarmerie, tant par la mutualisation des moyens que par des stratégies d'achats groupés susceptibles d'engendrer des économies substantielles pour les administrations et par des échanges d'informations.
J'insiste sur ce point, les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ne peuvent se contenter de coexister ; leurs actions doivent être coordonnées au mieux. De ce point de vue, la coopération opérationnelle entre les forces de police et de gendarmerie est une priorité. Aussi, je souhaiterais également vous interroger, madame le ministre, sur l'état d'avancement de l'interconnexion des réseaux informatiques et de la communication de ces deux forces ; c'était une véritable préoccupation voilà quelques années.
Par ailleurs, le pilotage de la mission « Sécurité » s'appuie sur la mise en oeuvre de la LOPSI du 29 août 2002.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, j'anticipais un taux de création d'emplois pour la police nationale, à la fin de 2007, de 95,4 %, et de 86,4 % pour la gendarmerie nationale, au regard de l'objectif fixé par la LOPSI.
L'exercice 2006 constitue une balise supplémentaire pour estimer la capacité d'atteindre finalement l'objectif arrêté par la loi de programmation. À cet égard, le taux de création d'emplois s'élève, respectivement pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale, à 66,6 % et à 72,8 % à la fin de l'année 2006.
En s'appuyant sur les prévisions retenues en loi de finances pour 2007, ce taux atteindra 82 % pour la police nationale et 86,4 % pour la gendarmerie nationale à la fin de l'année 2007.
Madame le ministre, dans la mesure où la densité policière en France est supérieure à celle de la plupart des autres pays comparables, l'objectif initialement fixé par la LOPSI en termes de création d'emplois n'était-il pas finalement situé au-delà du niveau nécessaire ?
Certes, le contexte d'insécurité qui prévalait au début des années 2000 pouvait justifier un tel niveau. Mais aujourd'hui, par souci d'une meilleure gestion des finances publiques, ne peut-on considérer que nous avons atteint un seuil satisfaisant ?
Par ailleurs, la LOPSI produisant ses effets jusqu'en 2007, avez-vous l'intention, madame le ministre, de présenter au Parlement un nouveau cadre pluriannuel pour anticiper et encadrer la dépense en matière de sécurité ?
Si la LOLF permet une plus forte responsabilisation des gestionnaires, d'autres leviers sont également au service de la mobilisation et de la performance des fonctionnaires. En particulier, le ministère de l'intérieur a joué un rôle précurseur, au cours des dernières années, en matière de « prime au mérite ».
Pouvez-vous préciser, madame le ministre, les conditions d'attribution de cette prime en 2006 ainsi que le bilan quantitatif, mais aussi qualitatif, de ce dispositif depuis son entrée en vigueur ?
En outre, au moment où des inquiétudes se font jour concernant le niveau de rémunération des fonctionnaires de police, il conviendrait certainement de travailler à une meilleure lisibilité de la politique salariale au sein de la mission.
Il en va de même pour les primes. Je me rappelle certaines conversations avec les représentants des syndicats, qui, au départ très rétifs à ce système de primes, se sont ensuite faits à cette idée pour, finalement, l'accepter.
En effet, cette rémunération apparaît comme relativement opaque du fait de la multiplication - pour ne pas dire l'enchevêtrement - des mesures catégorielles et statutaires.
Au sein du programme « Police nationale », des efforts importants ont été accomplis en 2006 en faveur de l'équipement des fonctionnaires de police : achat de 32 000 Sig-Sauer et de 1 100 pistolets Taiser à impulsions électriques, acquisition de 40 000 tenues, etc. Au total, une enveloppe de 34,2 millions d'euros a été consacrée à ce poste de dépenses.
Ces efforts sont nécessaires, car l'efficacité des forces de police repose notamment sur leur image, accessoirement sur la qualité de leur tenue, plus objectivement sur leur niveau d'équipement et sur leur capacité à s'adapter aux innovations technologiques.
Dans cette perspective, pouvez-vous faire le point, madame le ministre, sur les grands axes de la politique menée en 2006 en faveur de la police technique et scientifique ?
Les investigations conduites à l'issue des attentats de Londres, en 2005, ont amplement démontré l'utilité - pour ne pas dire la nécessité - des systèmes de vidéosurveillance, en particulier dans les grands centres urbains. Quelques semaines après sa prise de fonction, le nouveau préfet de police de Paris, Michel Gaudin, s'est d'ailleurs prononcé en faveur du développement de cet outil à Paris.
La vidéosurveillance présente un double avantage : d'une part, elle exerce un incontestable effet dissuasif ; d'autre part, elle constitue un remarquable outil d'aide à l'élucidation. Déjà, grâce aux milliers de caméras des réseaux SNCF et RATP, une proportion croissante d'agressions sont élucidées à Paris et leurs auteurs interpellés.
Aussi, je souhaiterais vous interroger, madame le ministre, sur vos intentions quant au développement de cet outil vidéo, qui doit naturellement s'envisager dans le strict respect des droits et des libertés publiques, comme l'a récemment rappelé la CNIL. Il faut trouver le meilleur équilibre possible entre la sécurité de tous et la liberté de chacun.
Enfin, dans un monde où les distances tendent à se rétrécir sous l'effet des formidables progrès des moyens de transport et de communication, la sécurité ne peut plus se penser sans une coopération internationale renforcée. Les frontières naturelles sont, en quelque sorte, déplacées et parfois gommées, et d'autres, plus immatérielles, apparaissent et doivent être protégées. De nouvelles menaces surgissent aussi.
Comme vous le savez, madame le ministre, je conduis actuellement, en ma qualité de rapporteur spécial, une mission de contrôle sur la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Parce qu'il s'agit là d'une dimension désormais essentielle de la sécurité nationale, je serai tout particulièrement attentif aux grands axes que vous définirez dans ce domaine, ainsi qu'aux moyens mis à la disposition de cette politique, via notamment le service central de coopération technique internationale de police, le SCTIP.
Tels sont, madame le ministre, les quelques points sur lesquels je souhaitais recueillir votre jugement et connaître vos intentions en ce début de législature, dans le cadre d'une mission « Sécurité » qui, je le répète, a su remplir ses obligations de résultats et de performances en 2006. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord exprimer le plaisir que j'éprouve à intervenir une nouvelle fois devant vous, mais avec une nouvelle « casquette ».
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis, cet exercice est nouveau. Et il ne serait pas intéressant qu'une première ne s'accompagne pas d'un certain nombre d'imperfections. (Sourires.) Nous essaierons donc de faire mieux les prochaines fois.
Le rapport sur le taux d'exécution de la LOPSI est aujourd'hui en cours de finalisation ; je pourrai probablement vous le communiquer avant la discussion du projet de loi de finances pour 2008.
Je voudrais situer dans un cadre un peu plus général la façon dont j'entends conduire la politique du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Ce ministère affirme plus que jamais son rôle déterminant dans la mise en oeuvre de l'action publique sur chaque parcelle de notre territoire national, en métropole comme outre-mer. En cela, il est fidèle à sa tradition historique et à sa préoccupation d'être au service des Français.
Comme nous autres élus le constatons auprès de nos mandants, la présence de l'Etat ne faiblit pas globalement. Au contraire, dans la situation actuelle, c'est vers l'État que l'on se tourne spontanément pour apaiser une crainte. Dans le contexte actuel de mondialisation, la proximité rassure. La première des proximités est celle du réseau de l'État. Face à cette attente, il convient de répondre avec justesse.
L'efficacité de l'État suppose une parfaite unité dans la mise en oeuvre de son action, une relation étroite entre son administration territoriale et les services directement en charge de la sécurité. Elle suppose également un lien avec les élus locaux, avec les collectivités territoriales. De notre capacité commune à répondre à l'attente des Français dépend l'efficacité de l'État.
Les conditions nouvelles de la vie sociale, l'évolution rapide du contexte international donnent à cette mission une intensité et une actualité sans précédent.
Notre action doit porter prioritairement sur la lutte contre l'insécurité. Car la sécurité est la condition de la mise en oeuvre de nos libertés et, finalement, c'est l'une des premières attentes, voire la première, de nombre de nos concitoyens.
Cette nécessaire efficacité et, parallèlement, cette nécessaire image de l'unité de l'action de l'État et des collectivités locales sont parfois mises à mal par la multiplication et la diversification des acteurs chargés de la sécurité sur le territoire national. Aussi, il appartient à l'État d'assurer la cohérence des dispositifs et de définir les priorités.
Les Français veulent être protégés contre les menaces, quelles qu'en soient l'origine et l'ampleur.
Sous ma responsabilité, l'action du ministère de l'intérieur sera dictée, davantage encore dans les temps qui viennent, par cet impératif de répondre à l'attente et au besoin de sécurité. À mes yeux, le ministère de l'intérieur est d'abord le ministère de la protection des Français au quotidien. Et celle-ci sera assurée à condition, en premier lieu, de lutter contre la délinquance.
Les résultats des importants efforts qui ont été soutenus depuis 2002 par mes prédécesseurs se sont confirmés au cours du premier semestre de 2007 puisque la délinquance générale a encore baissé. En outre, les résultats obtenus en juin ont été les meilleurs pour ce mois-ci depuis dix ans.
Néanmoins, au risque de vous surprendre, je tiens à dire que les chiffres, même fiables, ne disent pas tout. Si excellents soient-ils, je ne saurais me tenir quitte de ces résultats pour l'année 2006 s'agissant des crédits de la mission « Sécurité ».
Quels sont les résultats que nous avons obtenus grâce aux moyens que vous nous avez accordés ?
Monsieur le rapporteur spécial, vous vous demandez si le nombre des créations d'emplois prévues par la LOPSI et le format de nos forces de sécurité ne sont pas excessifs par rapport à ceux d'autres pays.
Notre ratio - un policier ou un gendarme pour 261 habitants - n'est pas fondamentalement différent de ce qu'il est chez nos voisins européens. Ainsi, il est de un pour 305 en Allemagne, soit un taux légèrement inférieur au nôtre, mais de un pour 199 en Italie, donc un taux légèrement supérieur. Nous nous situons donc dans la moyenne européenne.
Ce modèle me paraît équilibré et, finalement, assez bien adapté à nos besoins. Il nous permet de répondre aux nécessités créées par les fortes concentrations urbaines comme au besoin de maillage de l'ensemble de notre territoire, notamment dans les zones rurales, en métropole comme outre-mer.
Le niveau atteint étant satisfaisant, aucune création nette d'emplois n'est à l'ordre du jour.
Dans ce contexte, les forces mobiles constituent la marge de manoeuvre nécessaire.
Le constat que vous avez effectué, monsieur Courtois, découle, en réalité, de la mise en oeuvre, en 2006, du plan de lutte contre les violences urbaines et l'insécurité.
Ce plan a permis de renforcer les services territoriaux par l'affectation de forces mobiles en mission de sécurisation, soit vingt-cinq CRS et sept escadrons de gendarmes mobiles. Il existe une différenciation non pas dans les missions de ces forces, mais seulement dans leurs zones de compétences.
De plus, si ces forces effectuent des missions de sécurisation, elles n'en conservent pas moins la capacité de passer instantanément à une posture de maintien de l'ordre si la situation l'exige. Certes, des évolutions sont possibles et l'on peut y réfléchir, mais nous devons veiller à préserver cette faculté d'adaptation immédiate. Cela correspond à un réel besoin sur le terrain.
Vous avez également abordé la valorisation de la performance au sein des forces de sécurité.
La prime de résultats exceptionnels est désormais intégrée dans la gestion de la police comme de la gendarmerie nationales. Nos forces de sécurité sont ainsi aux avant-postes de la réforme de l'État.
En 2006, 36 000 fonctionnaires de police et 35 000 militaires de la gendarmerie ont vu leurs efforts récompensés.
Par ailleurs, des mesures ambitieuses de revalorisation de la condition des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie ont été lancées au travers du « plan corps et carrières » et du « plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées ».
Ces efforts, engagés en 2004, se poursuivront jusqu'en 2012.
S'agissant de la formation, sur laquelle vous avez insisté, monsieur Courtois, je suis comme vous très attentive au maintien du meilleur niveau des connaissances juridiques des policiers et des gendarmes, notamment dans le domaine de la procédure.
De façon plus générale, je souhaite renforcer le dispositif de formation des policiers comme des gendarmes. C'est essentiel si nous voulons que nos forces de sécurité soient à même de répondre à toutes circonstances.
J'insisterai surtout sur la formation continue. Celle-ci me paraît un instrument indispensable d'efficacité de nos forces de sécurité, de promotion sociale et d'évolution de carrière. L'une de mes priorités, au sein de ce ministère, sera de développer et de valoriser la formation permanente et, à travers elle, la promotion professionnelle.
Vous avez également évoqué, à juste titre, les conditions de fidélisation et de logement des policiers, en particulier en Île-de-France. Les gendarmes, logés en caserne, ne connaissent pas ce genre de problèmes, même lorsqu'ils sont en Île-de-France.
Il y a là un problème majeur. Il est difficile - je l'ai constaté en me rendant en Seine-Saint-Denis - de fidéliser un certain nombre de policiers, pour des raisons diverses que nous sommes en train d'analyser et auxquelles il conviendra d'apporter des réponses, mais aussi parce qu'il leur est extrêmement difficile de se loger.
Mes prédécesseurs l'ont également constaté et le nombre de logements réservés à des agents du ministère de l'intérieur sur des crédits ministériels du programme « Police nationale » a été supérieur aux prévisions initiales.
Ces résultats s'expliquent par la qualité du partenariat qui a pu être noué avec les bailleurs. Le ministère loge désormais plus de 17 000 agents en Île-de-France, contre 13 000 en 2004.
C'est donc un progrès considérable, mais il faut aller encore plus loin ! En discutant avec certains agents sur le terrain, je me suis rendu compte que de nombreux problèmes subsistaient : un policier me disait que, sa famille étant restée à Metz, il y retournait toutes les semaines, faute de pouvoir se loger en Île-de-France. Il est évident que cela n'incitera pas les policiers, notamment les jeunes, à demeurer sur place. Il faut donc continuer à mener cette politique.
L'adaptation des forces de sécurité aux besoins passe aussi par le renforcement de la coordination et des liens opérationnels.
Les groupes d'intervention régionale, les GIR, sont emblématiques de l'approche partagée de la mission de sécurité. Cinq ans après leur création, le bilan est particulièrement éloquent, puisque ces unités ont permis de mener plus de 3 000 opérations, ayant abouti à près de 5 000 placements sous mandat de dépôt.
Plus de 6 tonnes de cannabis, 154 kilos d'héroïne et 92 kilos de cocaïne ont été saisis. En outre, l'équivalent de 67 millions d'euros ont été placés sous main de justice. Cela montre l'efficacité de ces GIR.
Je veux donner un nouvel élan à cette remarquable réussite pour déstabiliser durablement les réseaux criminels, afin de mieux protéger la population, en particulier celle des quartiers les plus défavorisés, où se trouve souvent le noeud d'un certain nombre de trafics.
Enfin, cette adaptation des forces de sécurité aux nouvelles menaces passe par un meilleur usage des nouvelles technologies, sur lesquelles vous avez insisté.
J'aborderai d'abord l'interconnexion des réseaux informatiques et de communication.
Le réseau RUBIS de la gendarmerie nationale et le réseau ACROPOL, qui utilisent la même technologie numérique, sont désormais interopérables dans tous les départements métropolitains. Demain, cette interopérabilité sera adaptée au réseau ANTARÈS de la sécurité civile. Nous aurons donc réussi, en quelques années, cette interconnexion.
Dans le même esprit, les fichiers STIC de la police et JUDEX de la gendarmerie sont en cours de refonte dans l'application commune ARIANE.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de Mme la ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances a récemment procédé à un contrôle sur place et sur pièces dans un tribunal de grande instance et elle a constaté l'ampleur des dossiers du greffe de la chaîne pénale. Manifestement, les agents étaient accablés par ces dossiers et avaient du mal à transcrire les procès-verbaux dressés par les officiers de police judiciaire. Ces transcriptions, qui s'imposent pour que l'on puisse ouvrir le dossier pénal, prennent en moyenne au moins deux mois.
Naturellement, nous nous sommes demandé si les logiciels utilisés par les officiers de police judiciaire, policiers et gendarmes, étaient compatibles avec ceux de la justice. La réponse est négative. Madame la ministre, s'il est formidable que les réseaux RUBIS, ACROPOL et ANTARÈS soient rendus compatibles, des sommes gigantesques sont investies pour que chacun reste dans son pré carré. On élabore des lois pour remédier aux lenteurs de la justice, mais aussi longtemps que vous n'aurez pas brisé ces murailles de Chine, dont l'utilité nous paraît pour le moins contestable, nous serons toujours confrontés aux mêmes difficultés.
Avez-vous le sentiment que votre collègue de la justice partage votre appréciation et que nous sommes à la veille d'une mise en compatibilité des logiciels ?
M. le président. Veuillez poursuivre, madame la ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...mais ce n'est pas pour me déplaire !
Après avoir oeuvré au sein du ministère - et déjà un peu à l'échelon interministériel, il faut bien le dire, puisque la gendarmerie relève de deux ministères -, nous avons réussi à faire avancer les choses. Ce sera une nouvelle frontière s'agissant des actions à engager, vous avez tout à fait raison de l'indiquer.
Vous le savez, je suis très attachée à ce que j'appelle « la chaîne de la sécurité » : pour être efficace, chacun doit exercer pleinement ses attributions, mais également coopérer avec les autres. Quand bien même la police et la gendarmerie obtiendraient les meilleurs résultats, si la justice n'a pas les moyens, comme c'est le cas aujourd'hui, de répondre aux nombreuses interpellations auxquelles il est procédé, il y aura toujours un embouteillage.
Ce n'est pas la seule raison, mais c'est une raison majeure. Il existe des marges d'amélioration, et avec Rachida Dati nous avons l'intention d'agir ensemble. Ce dossier sera certainement l'un de ceux sur lesquels nous pourrons essayer d'avancer concrètement ; cela profitera à la fois à la justice et à la sécurité.
S'agissant de la vidéosurveillance, conformément aux orientations fixées par le Président de la République, je compte lancer un programme ambitieux pour les forces de sécurité, afin de les doter de caméras embarquées à bord des véhicules et des hélicoptères.
Ce qui s'est récemment passé en Grande-Bretagne a souligné l'utilité de recourir à la vidéosurveillance, à toutes les vidéosurveillances, y compris, par exemple, celles des autoroutes. Ce système a été utilisé pour remonter la chaîne des personnes qui ont conduit les deux voitures remplies d'explosifs à Londres.
Nous devons travailler dans ce sens, qu'il s'agisse de la RATP, des autoroutes ou d'un certain nombre d'institutions, publiques ou privées ; certaines d'entre elles sont d'ores et déjà, et conformément à la loi, dotées de vidéosurveillance. C'est ainsi que, notamment dans la perspective d'attaques terroristes, nous serons mieux à même de pouvoir anticiper et de réagir.
Ces nouveaux moyens permettront de lutter plus efficacement non seulement contre le terrorisme, mais également contre la délinquance et les violences urbaines.
Je réunirai dans quelques jours les associations d'élus et les opérateurs de transports publics pour définir les grands axes du projet que je viendrai vous présenter dans quelque temps.
Je souhaite également insister sur un point qui me paraît très important à la fois en ce qui concerne les victimes, mais également en termes de dissuasion : il s'agit du taux d'élucidation. Finalement, une victime est doublement victime si l'on n'arrive pas à retrouver l'auteur des violences qu'elle a subies. En outre, lorsque des délinquants ont le sentiment que, de toute façon, ils ne seront pas pris, ils sont en quelque sorte encouragés à récidiver.
Le taux d'élucidation n'a cessé de progresser au cours de ces dernières années, pour atteindre aujourd'hui 34,6 %. C'est nettement mieux qu'avant, mais c'est encore insuffisant, et je ne m'en contente pas. Il faut résolument conforter et, surtout, amplifier ces résultats.
Parmi les moyens utilisés, figure notamment la police technique et scientifique. Le fichier automatisé des empreintes digitales et celui des empreintes génétiques sont aujourd'hui exploités indistinctement par la police et par la gendarmerie. Il s'agit là d'un élément de mutualisation extrêmement important.
Au 1er juillet 2007, nous disposons d'un fichier de 2,7 millions d'empreintes digitales alors que le fichier national automatisé des empreintes génétiques totalise désormais 500 000 profils génétiques enregistrés. Tous deux ont permis que plus de 8 000 affaires soient résolues, dont 2 800 pour le seul premier semestre de 2007. Je m'en réjouis, car les victimes qui voient leurs agresseurs confondus reprennent confiance dans l'État.
Ce sont ces résultats, ces projets et ce développement qui nous permettront de faire progresser considérablement le taux d'élucidation.
Le bilan que je viens de dresser de notre action dans le domaine de la sécurité montre comment nous nous sommes efforcés de répondre à votre attente, en utilisant, avec nos prédécesseurs, les moyens qui ont été mis à notre disposition. À l'évidence, nous devons poursuivre dans cette voie.
C'est la raison pour laquelle je présenterai prochainement au Parlement un projet de loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure, qui traduira plus nettement encore les axes stratégiques de mon ministère.
En effet, a fortiori dans un domaine comme celui-ci, une loi d'orientation permet de donner à l'action projetée de la visibilité, ce qui constitue un élément de notre efficacité.
Je vous livre d'ores et déjà les trois objectifs prioritaires autour desquels ce texte sera construit, à savoir la modernisation, la mutualisation et le management.
Tout d'abord, la modernisation sera marquée par l'instauration d'un dispositif d'analyse et d'anticipation. En effet, mon ministère a besoin d'une délégation aux affaires stratégiques, capable d'imaginer ce que seront les principaux risques demain, afin de nous permettre de les anticiper.
En outre, le recours aux technologies les plus avancées figurera parmi nos priorités, en particulier dans le domaine de la police scientifique et technique, qui n'en est qu'à ses débuts.
Ensuite, des actions seront proposées en matière de mutualisation. Ainsi, une complémentarité accrue entre la police et la gendarmerie nationale, dans le respect des spécificités de chacune, sera recherchée à travers l'ajustement des compétences géographiques, à partir d'un bilan sur lequel je vous interrogerai. Par ailleurs, s'agissant des moyens d'investigation, le rapprochement entre les services chargés du renseignement de sécurité intérieure permettra de renforcer leur efficacité.
Enfin, le management et la gestion des ressources humaines constitueront la troisième priorité du projet de loi, l'objectif étant la fidélisation des policiers, qui constitue une des conditions de l'efficacité. Notre rôle est de favoriser la consolidation du lien social, afin que les Françaises et les Français aient le sentiment de bien vivre dans ce pays, car la sécurité fait partie de ce « bien vivre ».
C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de fonctionnaires bien intégrés, qui accomplissent la mission pour laquelle ils ont été engagés, bien centrés sur leur coeur de métier. Nous avons besoin d'une police localisée, qui connaisse le lieu où elle intervient - le quartier, la population, les responsables politiques.
C'est, d'ailleurs, dans ce sens que j'ai lancé les conférences de cohésion au plus près du terrain, associant la police, les élus locaux, les associations, mais également l'ensemble des services de l'État susceptible d'intervenir. J'ai mené cette conférence en Seine-Saint-Denis et je continuerai à le faire dans d'autres départements. J'ai également demandé aux préfets de les organiser à leur tour.
Enfin, comme vous l'avez dit, nous ne pourrons assurer une protection efficace et durable des Français que si nous nous inscrivons désormais dans la dimension européenne et, au-delà, internationale, car notre priorité est bien d'organiser la lutte contre la menace terroriste, ainsi que contre certains produits dérivés de la mondialisation - le blanchiment, le crime organisé - souvent liés, d'ailleurs, au terrorisme. Là encore, notre capacité d'anticipation et d'analyse stratégique, ainsi que notre aptitude à utiliser les nouvelles sources de la technologie sont essentielles.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons beaucoup de travail à accomplir, mais je m'en réjouis, car nous avons aussi des perspectives positives.
Cependant, notre conception de la sécurité intérieure et extérieure ne peut s'arrêter à la seule logique des moyens, des ressources en hommes, en matériels, et des technologies. Notre sécurité implique aussi la formation du citoyen pour la mise en oeuvre d'une relation nouvelle avec les institutions et les forces chargées de sa sécurité au quotidien.
Nous avons besoin de recréer du lien et d'établir une relation de confiance entre le citoyen, les agents de la sécurité et tous ceux qui, à travers nos institutions, représentent l'État.
Cette perspective ambitieuse nous concerne tous dans nos responsabilités et dépasse les clivages politiques. Elle est nécessaire dans le monde actuel, et j'entends l'inscrire dans la vision stratégique du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales.
L'outil de la programmation la portera, mais on ne peut porter que ce à quoi l'on croit. Nous sommes tous ici parce que, quels que soient les groupes auxquels nous appartenons, nous pensons pouvoir faire avancer les choses pour les Français et pour la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Madame la ministre, je vous ai interrogée sur la coopération internationale.
Dans quelle mesure souhaitez-vous l'intensifier, s'agissant notamment de pays qui ont été tenus éloignés de la démocratie au sens où nous l'entendons au sein de l'Union européenne - en France, en particulier - et où les forces de police n'ont pas le même degré de sophistication que nous en matière de respect de l'individu et de maintien de l'ordre ?
Ayant la conviction que nous pouvons les ramener vers des normes démocratiques comparables aux nôtres, je voudrais savoir, madame la ministre, si vous seriez prête à développer la coopération internationale entre nos forces de sécurité et celles de ces pays.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je n'ai pas beaucoup développé le domaine international dans ma réponse, mais vous savez combien j'y suis attachée. Le ministère de l'intérieur a un rôle important à jouer dans ce domaine, et je compte m'y atteler.
Sur le plan européen, la prochaine présidence française de l'Union européenne nous permettra de renforcer les coopérations existantes.
Au-delà, tout comme vous, je suis persuadée que nous pouvons avoir une influence quant à la diffusion de nos normes et d'un certain savoir-faire qui implique, en particulier, le respect de la personne humaine et des libertés.
Nous sommes en quelque sorte un modèle en matière de police, de gendarmerie et de forces armées, car elles sont capables de retenir la force et de l'adapter exactement aux besoins. Nous nous devons de le valoriser et de l'utiliser comme un facteur de rayonnement de nos savoir-faire français.
C'est la raison pour laquelle, à l'instar des normes que j'ai fixées pour les grandes écoles militaires, j'ai d'ores et déjà souhaité que nos écoles de police s'ouvrent beaucoup plus largement à l'international avec l'objectif d'atteindre rapidement un taux de 20% à 25 % d'élèves ou de stagiaires étrangers, contre 10 % environ actuellement.
M. le président. Nous en venons maintenant aux questions des orateurs des groupes politiques.
Afin de préserver le caractère interactif de nos débats, je rappelle que l'auteur de la question dispose de trois minutes, le ministre de trois minutes pour répondre et l'orateur de deux minutes pour lui répliquer, s'il le souhaite. Je vous demande à tous de bien vouloir respecter cette règle.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, « il est des territoires qui ont tellement plus de handicaps que, si on ne leur donne pas plus qu'aux autres, ils ne pourront pas s'en sortir ». Ces propos ont été tenus par l'actuel Président de la République, alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle.
Cette phrase s'applique parfaitement à la problématique du maintien de l'ordre public et de la sécurité en Guyane ! En effet, c'est bien parce que la Guyane doit faire face à une situation très spécifique en matière de sécurité, directement liée à sa géographie, qu'elle nécessite, plus que d'autres territoires, d'importants moyens matériels, humains et financiers qui soient particulièrement adaptés.
C'est la raison pour laquelle je souhaite attirer votre attention, madame le ministre, sur les problèmes qui sont propres à la Guyane et se situent au coeur de son actualité la plus récente, touchant à la sécurité sur ses fleuves et ses rivières.
Vous êtes certainement informée des accidents dramatiques qui s'y sont produits récemment et vous n'ignorez pas que de très nombreux Guyanais circulent quotidiennement sur les fleuves frontaliers Maroni et Oyapock
Or ces deux voies navigables, pour ne parler que d'elles, sont dépourvues de toute qualification juridique, ce qui pose la question de la nature des contrôles qui sont effectués sur ces fleuves que nous partageons avec nos voisins brésiliens et surinamais.
Les quelques arrêtés préfectoraux concernant les aménagements de ces voies ou rappelant les consignes de sécurité ne sauraient suffire. L'absence de réglementation sur les conditions de sécurité et de circulation fait cruellement défaut.
Ces deux fleuves étant de véritables autoroutes participant à la continuité territoriale déjà incomplète et permettant l'accès au territoire guyanais, ne croyez-vous pas, madame le ministre, qu'il est temps de leur conférer un statut juridique adapté comme préalable à l'instauration de contrôles fréquents et efficaces de la part des polices et des brigades nautiques ?
En effet, en matière de sécurité, il en va pour la Guyane et ses fleuves comme pour la France hexagonale et ses routes : il ne suffit pas d'édicter des règles et de produire une réglementation ; il faut également prévoir des contrôles, et qui dit « contrôles » dit aussi « moyens humains et matériels » pour les effectuer.
Ensuite, la sécurité des fleuves et des rivières de Guyane pose une autre question, spécifique à ce territoire sud-américain, celle des moyens de lutte contre l'orpaillage illégal, véritable fléau économique et environnemental, qui n'est pas sans lien avec l'immigration clandestine de masse que nous subissons.
Au cours de l'année 2007, plusieurs opérations de grande ampleur ont été menées, avec succès, contre les trafiquants, les plus récentes datant de la semaine dernière.
Au mois de janvier dernier, une mission conduite à l'embouchure de l'Approuague, sur le secteur de Ouanary, a permis la saisie d'une pirogue de douze mètres, qui servait manifestement au transport d'équipements indispensables aux orpailleurs.
Madame le ministre, pouvez-vous nous indiquer si de nouveaux moyens matériels et humains seront affectés prochainement aux forces de gendarmerie qui luttent contre l'orpaillage illégal ? De son propre aveu, la gendarmerie de Guyane manque cruellement de moyens de projection.
Là encore, un hélicoptère EC 145 promis en 2003 par le ministre de l'intérieur tarde à arriver ! Il est désormais annoncé pour la fin de cette année. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Je vous remercie, madame le ministre, de bien vouloir répondre à mes questions concernant la sécurité civile en Guyane.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, s'agissant d'abord des questions juridiques, en tant que professeur de droit, je n'ignore pas l'existence du problème que vous avez soulevé concernant les fleuves, mais il relève encore, pour l'instant, du ministère des affaires étrangères et d'une négociation entre pays, et non pas du ministère de l'intérieur. Par conséquent, si je ne peux qu'approuver votre demande, je ne peux vous répondre dans ce domaine.
En revanche, je peux apporter une réponse aux autres questions que vous avez posées.
Comme vous le savez, je me suis rendue en Guyane voilà quelques mois, ce qui m'a permis de constater sur le terrain les grands problèmes occasionnés par l'orpaillage, ainsi que par l'immigration illégale.
Je confirme qu'un effort significatif a été consenti pour que la gendarmerie départementale puisse mieux assurer la sécurité des populations et la lutte à la fois contre l'orpaillage et contre la délinquance qui résulte de l'immigration illégale. C'est ainsi qu'une section de recherches dotée de moyens techniques de police judiciaire performants a été créée et que l'effectif du groupe de pelotons mobiles a été augmenté de quinze gendarmes.
Je sais, et je l'ai constaté de visu, que, dans cet immense territoire qu'est la Guyane, les moyens de circulation sont extrêmement importants. D'ores et déjà, les services de l'État disposent de trois hélicoptères qui peuvent répondre aux missions d'urgence. En outre, en raison des retards qui affectent un certain nombre de liaisons, j'ai également décidé de donner immédiatement au préfet les crédits nécessaires pour qu'il puisse, en tant que de besoin, louer un appareil à des moyens privés : ce qui compte, c'est que la mission soit accomplie.
À l'heure actuelle, les moyens sont donc disponibles pour répondre, monsieur le sénateur, aux besoins que vous avez évoqués.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame le ministre, je vous remercie de vos réponses, et je prends acte que le préfet dispose désormais de moyens pour louer des hélicoptères. J'espère que la sécurité de la population guyanaise pourra ainsi être assurée convenablement.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour 2006 de la mission « Sécurité », qui nous occupe ce soir, confirme à mes yeux l'idéologie répressive voulue par le précédent locataire de la Place Beauvau.
Cette idéologie a été imposée sans réflexion de fond sur les causes de la délinquance, sur son traitement social ni, bien évidemment, sur sa nécessaire prévention. Elle se double d'une obsession sécuritaire que nous retrouvons dans la série de textes réformant le code pénal et le code de procédure pénale que les gouvernements de droite successifs ont fait adopter, en moins de cinq ans, par leur majorité parlementaire ; je ne les énumère pas ici, chacune et chacun les connaît.
Cela étant, à la veille de la présentation d'un nouveau projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, un constat s'impose : la droite a échoué et n'est pas parvenue à lutter efficacement contre l'insécurité. Au-delà de ma propre réflexion politique, j'en prendrai simplement pour preuve les résultats de l'enquête de victimisation de l'Observatoire national de la délinquance, l'OND, qui montrent qu'en 2005 plus de 9 millions d'atteintes aux biens auraient été commises et que près de 4 millions de personnes auraient été victimes la même année d'au moins une agression, soit au total plus de 12 millions de crimes et délits. On est bien loin des 3,7 millions de crimes et délits constatés par la Place Beauvau !
Le même constat s'impose en matière de lutte contre la récidive. Sinon, comment expliquer cette nouvelle loi, adoptée à toute allure voilà à peine une quinzaine de jours, qui, in fine, va augmenter encore le nombre de détenus, alors qu'au 1er juin 2007 on recensait 12 000 personnes en surnombre dans les prisons ?
En revanche, ces choix politiques ont réussi à crisper davantage encore les relations entre les populations, singulièrement celles des quartiers dits « sensibles », et les forces de l'ordre. Cela a été mis en lumière par le rapport sénatorial publié après les émeutes de 2005, rapport qui préconise, madame la ministre, le rétablissement de la police de proximité, supprimée par votre prédécesseur dès son arrivée à la tête du ministère de l'intérieur en 2002.
Plusieurs autres études et rapports montrent qu'il est plus que temps de retisser le lien de confiance entre le citoyen et la police. Vous-même, madame la ministre, êtes assurément convaincue de cette nécessité, puisque vous l'avez évoquée non seulement ici même, mais aussi dans un courrier que vous avez récemment adressé au président du conseil général de la Seine-Saint-Denis.
Mais comment ce lien peut-il se nouer quand vos orientations budgétaires continuent de privilégier, d'une part, la culture du chiffre et du résultat, qui contribue à créer un climat délétère dans certains quartiers, et, d'autre part, la répression et l'enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance ?
Ayant reçu le rapport de l'Institut national des hautes études de la sécurité, l'INHES, dont vous ne souhaitez pas la diffusion, vous mentionnez, comme tout à l'heure encore, la nécessité d'une police localisée et territorialisée. Dont acte !
La lutte contre l'insécurité mérite, en effet, mieux que le saupoudrage ou que les effets d'annonce auxquels nous avons été habitués ces dernières années. Ne serait-il pas urgent, madame la ministre, d'utiliser l'argent public autrement et d'investir davantage dans la prévention, grâce notamment à la mise en place d'une police de « proximité » et au rétablissement des commissariats au coeur des quartiers, avec des policiers bien formés, bien encadrés ?
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Éliane Assassi. Ces missions de service public -qui, j'ose l'espérer, ne seront pas frappées un jour par le service minimum ! - seraient sans doute plus efficaces pour combattre l'insécurité, et ce dans l'intérêt non seulement des citoyens, mais aussi des policiers eux-mêmes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Assassi, j'ai parfois un peu de mal à suivre la logique de vos propos ; nous devrions tout de même parvenir à nous comprendre.
D'abord - mais c'est classique -, nous n'avons sans doute pas les mêmes chiffres, puisque vous parlez d'échec là où l'on voit que, depuis 2002, date sans doute assez symbolique, la lutte contre l'insécurité a donné des résultats et que celle-ci a régressé. Ainsi, les chiffres du mois de juin dernier sont les meilleurs depuis dix ans. Or je ne les ai pas produits moi-même, ils proviennent d'une source extérieure !
Mme Éliane Assassi. Les miens aussi !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous reprochez, par ailleurs, au Gouvernement d'avoir une tendance sécuritaire. Je sais quel département vous représentez, et j'y suis allée. C'est la quatrième fois que je me rends en Seine-Saint-Denis.
Mme Éliane Assassi. Tous les ministres viennent ! Il y en a eu dix-huit !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Et ce n'est pas à la préfecture que je suis allée, je n'y ai pas encore mis les pieds : je suis allée discuter avec les gens, tout simplement, dans la rue.
Je peux vous dire que le commerçant de la petite supérette qui, toutes les semaines, se fait attaquer ne nous trouve pas trop sécuritaires, que les femmes que j'ai rencontrées ne nous trouvent pas trop sécuritaires, au contraire, leurs demandes le montrent !
Vous trouvez que la relation avec la population est crispée. Sincèrement, je n'ai vraiment pas eu ce sentiment les deux fois où je suis allée à la rencontre des commerçants, où j'ai discuté avec les gens dans la rue.
En revanche, c'est certain, il reste toujours des progrès à faire : la tâche n'est jamais finie. Oui, je veux une police qui soit une police localisée, mais non une police de proximité ; car, lorsqu'on a mis en place la police de proximité, on a chargé les policiers de missions pour lesquelles ils ne sont pas faits. Bien entendu, la prévention est un maillon de la chaîne de la sécurité. Mais c'est aux animateurs sociaux, aux animateurs sportifs qu'elle incombe. Les policiers sont là pour faire régner la sécurité. Il est bon qu'ils connaissent les habitants, mais l'un ne doit pas faire le travail de l'autre !
Mme Éliane Assassi. Et la PJJ ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C'est pourquoi je parle de « police localisée » ; lorsqu'il était question de police de proximité, vous le savez très bien, l'idée sous-jacente était qu'il lui revenait d'assurer la prévention. (Mmes Éliane Assassi et Marie-France Beaufils s'exclament.) Or c'est quand chacun fait ce qu'il a à faire et ce pour quoi il est formé qu'il le fait bien.
Bien sûr, il faut que les policiers soient bien formés, bien sûr, il faut que les policiers aient toute leur place dans le quartier, et c'est effectivement ce sur quoi j'ai l'intention d'agir. Si j'ai bien compris, madame Assassi - et je m'en réjouis ! -, nous nous retrouvons sur ce point, et je ne doute pas que vous voterez mon budget !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Cependant, je n'utiliserai pas les deux minutes qui me sont accordées, parce que, pour être sincère, vos propos ne me surprennent pas : je n'en attendais pas davantage de vous !
Vous citez des chiffres, j'en cite d'autres, dont, je suppose, vous disposez aussi : je suis sénatrice, vous êtes ministre de l'intérieur.
J'attire néanmoins votre attention sur un point, madame la ministre. Toutes les études, tous les rapports, je l'ai souligné tout à l'heure, ont un dénominateur commun : ils montrent la nécessité de reconstruire du lien, dans les quartiers, entre les citoyens et les forces de police. Cela ne vaut pas seulement pour les quartiers dits « sensibles », car nous connaissons aussi, vous l'avez vous-même rappelé, des problèmes d'insécurité dans les zones rurales.
Quoi qu'il en soit, je pense qu'il serait pertinent d'apporter une réponse globale à la question de la sécurité afin de renforcer ce lien social et de contribuer ainsi à ce à quoi nous aspirons tous : le mieux-vivre-ensemble, facteur essentiel, me semble-t-il, de la lutte contre l'insécurité. Mais, je le répète, cela suppose des moyens financiers à la hauteur, et des personnels bien formés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame le ministre, ma question a déjà été posée par M. le rapporteur pour avis - ce qui prouve qu'elle était très bonne ! (Sourires.) Je vous demanderai cependant quelques précisions supplémentaires.
Monsieur le président, vous avez fait observer que nous entamions un débat interactif et que nous en étions encore à l'apprentissage de ce métier nouveau. Peut-être, alors, m'autoriserez-vous à entrer dans l'interactivité, à formuler des remarques et à poser des questions suscitées par le débat qui a déjà eu lieu et par les réponses qu'a apportées Mme le ministre.
Je reviendrai brièvement sur la cohérence des logiciels entre le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur, entre la justice et la police, pour indiquer qu'il y a pire : les logiciels des différents tribunaux ne sont pas compatibles entre eux ! Entre un tribunal de commerce et un tribunal de grande instance ou une cour d'appel, il n'y a pas de communication possible ; tout doit être repris ! Ce n'est qu'une remarque, mais elle porte sur un point qui est lourd de conséquences, et nous avons beaucoup de travail à fournir dans ce domaine.
Madame le ministre, vous avez abordé la question du taux d'élucidation. De quoi s'agit-il ? Est-ce le taux d'élucidation des délits ? Est-ce le taux d'élucidation des crimes ? Ce n'est pas du tout la même chose ! Lorsque l'on dresse un procès-verbal pour racolage sur la voie publique, il n'est pas impossible d'amener la prostituée à avouer qu'elle a racolé aussi la semaine précédente et d'aboutir ainsi à un nombre de délits élucidés supérieur à celui des faits constatés. Un taux global ne veut donc pas dire grand-chose, et il faudrait affiner nos statistiques.
Ma question portait à l'origine, comme celle de M. Courtois, sur les escadrons de gendarmerie mobile et les CRS. J'avais moi aussi constaté, en lisant le rapport qui nous a été communiqué, que les unités mobiles sont de moins en moins utilisées pour le maintien de l'ordre. J'aimerais savoir si cette évolution va se poursuivre et, en particulier, si les CRS vont être, plus que par le passé, utilisées pour le maintien de l'ordre au quotidien, notamment en banlieue.
Ma question n'est pas neutre, et vous y avez en partie répondu. J'aimerais cependant que vous apportiez quelques précisions. En effet, vous avez indiqué en substance que les CRS garderaient leur mission générale d'intervention dans l'ensemble du pays ; j'aimerais savoir comment. Car, s'ils devaient ne s'occuper que du maintien de la sécurité dans les quartiers, ou s'en occuper très prioritairement, cela pourrait signifier qu'ils n'est plus nécessaire qu'ils conservent leurs casernements actuels, à Limoges (Sourires.) ou ailleurs, et qu'il vaudrait mieux qu'ils soient logés près des zones de banlieue.
Reste, madame le ministre, la question de la formation. M. Courtois a évoqué une formation juridique, c'est très bien. Je me demande s'il serait possible d'enseigner aussi un peu de psychologie aux policiers, en particulier aux CRS. Mon impression - et je ne suis pas le seul à l'avoir - est que les CRS n'ont peut-être pas été suffisamment formés pour les nouvelles missions auxquelles on les destine, et que la multiplication des contrôles a peut-être joué un rôle dans l'exaspération qui, à certains moments, a pu envahir certains jeunes dans la périphérie des quartiers.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, si vous le permettez, je laisserai de côté le problème de la cohérence des logiciels de la justice, qui ne me concerne pas directement.
Le taux d'élucidation que j'ai indiqué est effectivement un taux global, et je pourrai, si vous le souhaitez, vous fournir davantage de précisions. Sachez cependant que pour les crimes, par exemple, le taux d'élucidation atteint quasiment 85 %. Il est donc, effectivement, beaucoup plus élevé. Il n'empêche qu'il me paraît bon de fixer des objectifs - et je pense que ceux que j'ai fixés seront dépassés -, parce que les gens se sentent tout aussi concernés par l'élucidation des vols, par exemple. L'image générale se dégage de l'ensemble.
En ce qui concerne les CRS et les unités mobiles, l'idée est effectivement de disposer d'une capacité de réaction partout où le besoin apparaîtra. Sans doute certains aspects pourront-ils être revus, en particulier, une régionalisation pourra être envisagée, mais l'idée demeure bien que les missions restent bien exactement les mêmes.
Quant à la formation, notamment la formation psychologique, c'est une donnée que j'intègre tout à fait.
Dans un certain nombre de cas, il est bon de dispenser une formation au rapport avec les autres. On le fait dans les armées, par exemple pour les militaires qui partent à l'étranger. La formation porte sur certaines habitudes, sur la façon de se présenter, etc
. Il faut certainement renforcer la capacité des policiers et des gendarmes - très souvent, il s'agit de jeunes - à aller vers l'autre. Si l'on veut une police localisée et une gendarmerie qui joue son rôle de maillage dans le pays, il est indispensable que ces jeunes apprennent - peut-être à l'école - comment on y parvient. N'oubliez pas que, quand on est jeune, on est souvent timide ; c'est avec de l'expérience et une certaine connaissance que l'on améliore le rapport à l'autre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la ministre, j'ai bien noté que les missions de la police mobile, les CRS et la gendarmerie mobile, demeurent.
Toutefois, je veux insister sur le fait qu'il s'agit tout de même de deux métiers différents ; vous en êtes plus consciente que moi encore. Il va donc falloir leur apprendre ce second métier.
Je m'explique : actuellement, les CRS et les gendarmes mobiles constituent des forces de répression ; ce n'est pas un reproche, c'est ainsi. Il va falloir leur apprendre le contact avec la population. Quand je parle de « contact », je ne parle pas seulement de la matraque ! (Sourires.) Je pense, en l'occurrence, à la façon dont il faut aborder les jeunes pour pouvoir discuter avec eux. Il va falloir qu'ils intègrent bien cette donnée, ce qui nécessitera de votre part, madame la ministre, un effort de persuasion.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame la ministre, je voudrais vous interroger sur les adjoints de sécurité.
En 2006, le nombre d'adjoints de sécurité « classiques » est resté à peu près stable. Selon le rapport de notre collègue Aymeri de Montesquiou, ils étaient un peu plus de 10 000 ; 2 000 adjoints de sécurité supplémentaires ont été engagés dans le cadre du plan « banlieues », mais ils ne sont pas comptabilisés dans les postes 2006, qui seront régularisés en 2007.
Madame la ministre, je voudrais tout d'abord connaître votre sentiment sur leur efficacité, notamment au regard du plan « banlieues ». Compte tenu des tâches qui leur sont affectées, n'y a-t-il pas là l'amorce d'une police « localisée », ou « de proximité », je ne veux pas entrer dans un débat sémantique sur ce sujet ?
Il est bien certain qu'ils remplissent une des fonctions essentielles de la police, qui est d'empêcher la commission des infractions qu'il convient non pas seulement de sanctionner, mais aussi d'empêcher.
J'aimerais donc avoir votre sentiment sur l'efficacité de cette politique de recrutement d'adjoints de sécurité. Et, si vous entendez continuer dans cette voie, je souhaiterais que vous nous disiez sous quelle forme.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, aujourd'hui, les adjoints de sécurité jouent un rôle tout à fait essentiel au sein de la police nationale.
D'abord, nous essayons d'améliorer leur formation en leur donnant les moyens d'assurer réellement une mission. Le fait qu'ils aient trois mois de stage en école de police ou en centre de formation leur donne déjà des éléments de base et permet de mieux les intégrer.
Lors de la discussion de la loi de finances, le Sénat a pu constater que le ministère de l'intérieur était autorisé à recruter davantage d'adjoints volontaires dans le cadre de la politique générale de cohésion sociale. L'enjeu est double. En effet, il ne s'agit pas seulement de donner à ces jeunes un emploi ou la possibilité d'intégrer la police nationale, il s'agit également de créer ce lien que nous évoquions tout à l'heure. C'est une façon pour toutes les familles et pour l'entourage de ces jeunes de voir la police différemment.
En somme, c'est une politique qui a de multiples intérêts et, pour ma part, je ne vois aucune raison de la restreindre, au contraire.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la récente élection présidentielle a marqué et entériné une formidable volonté de rupture du peuple français
Au coeur de la rupture depuis 2002, la sécurité fait toujours office de priorité pour nos compatriotes, qui ont démontré leur attachement à l'action de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur.
Néanmoins, la route est encore longue et l'obligation de résultat incontournable.
Si, sur le plan national, les résultats sont à saluer, dans mon département, la Seine-Saint-Denis, l'insécurité s'aggrave, malgré les efforts considérables des forces de l'ordre. D'ailleurs, à ce titre, je tiens à saluer M. Jean-François Cordet, l'un des meilleurs préfets qu'ait connus le département et dont le discours de vérité aura grandement servi la Seine-Saint-Denis.
Les objectifs affichés dans le budget 2006 au titre du programme « Police nationale » et du programme « Gendarmerie nationale », qui s'élèvent à 15,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement, résident dans l'utilisation efficace des forces de l'ordre pour répondre à l'insécurité. Pour ce faire, il est prévu de recruter 3 300 personnels supplémentaires.
Cependant, force est de constater que la situation en Seine-Saint-Denis ne correspond pas aux objectifs annoncés et dénote dans un bilan global extrêmement positif.
Dans mon département, l'implantation des forces de l'ordre est compliquée. À titre d'illustration, le départ, en septembre prochain, de 250 policiers et l'incertitude qui entoure leur remplacement immédiat renforcent l'inquiétude de la population.
Pourtant, me semble-t-il , cette situation pourrait être évitée par la mise en oeuvre d'une meilleure politique des ressources humaines permettant d'assurer la continuité des effectifs et la transmission des compétences, notamment par la mise en oeuvre du « tuilage », c'est-à-dire d'une durée adaptée pendant laquelle les fonctionnaires partant à la retraite s'occupent de l'installation des arrivants.
Par ailleurs, le problème de l'incitation et de la fidélisation des personnels de police reste un sujet central dans un département qui fait souvent office d'épouvantail pour les policiers les plus expérimentés.
L'incitation à l'égard des fonctionnaires de police est prévue dans le budget pour 2006 du programme « Police nationale » ; elle implique, à hauteur de 33 millions d'euros, des prêts à taux zéro, des places en crèche et des logements supplémentaires dans ces zones urbaines sensibles. Cette démarche constitue un progrès considérable en matière d'incitation et mérite d'être approfondie.
L'autre problématique concerne la fidélisation. À l'heure actuelle, en Seine-Saint-Denis, les cadres de la police partent quasi systématiquement au terme des deux ou, au maximum, trois années réglementaires de présence qui les lient à une même affectation. Cette situation entraîne un roulement permanent et empêche toute entreprise de familiarisation des forces de l'ordre avec la population. Un élément de réponse à ce turnover constant réside certainement dans la prime de fidélisation. Actuellement, elle s'élève à 805 euros par an, soit 67 euros par mois, ce qui, vous en conviendrez, madame la ministre, n'est pas cher payé !
Au-delà d'un bon équilibre en 2006 entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement pour la mission « Sécurité », pouvez-vous nous indiquer comment parvenir à instituer une politique des ressources humaines plus efficace et adaptée aux spécificités de chaque territoire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, la politique des ressources humaines est trop vaste pour que j'en traite durant les trois minutes qui me sont accordées. Je répondrai néanmoins à deux questions que vous avez soulevées.
La première concerne le problème du « tuilage », qui se pose en effet pour les départs à la retraite ainsi que pour les changements de poste.
À vrai dire, cette question est difficile à régler, parce que l'on essaie aussi de prendre en compte les contraintes des personnels, par exemple les difficultés d'inscription des enfants à l'école ou la nécessité de prendre des congés ; ils peuvent donc partir un peu plus tôt. Le résultat - je suis une élue locale comme vous -, c'est qu'on a souvent l'impression qu'il se passe un grand laps de temps entre le départ de quelqu'un et son remplacement.
Je n'affirmerai pas, contrairement à ce que l'on me fait dire, d'ailleurs, que tel n'est pas parfois le cas, mais c'est un autre sujet !
Pour essayer de rendre compatibles à la fois les besoins des élus mais également les contraintes des agents, j'ai demandé au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale de me faire, pour la rentrée, des propositions afin de tenter d'améliorer ce système de « tuilage ».
La seconde question a trait à la fidélisation des personnels. On l'a un peu évoquée tout à l'heure. Je pense que la crainte du quartier n'est pas le problème majeur. De la même façon, celui de la prime n'est pas le problème essentiel.
J'ai constaté un premier fait, qui m'a beaucoup étonnée, à savoir que sont affectés dans ces quartiers des personnels qui viennent d'ailleurs et qui n'ont qu'une envie : retourner dans leur région d'origine. C'est vrai pour tous les personnels. Parmi ceux que j'ai rencontrés en Seine-Saint-Denis, il n'y en avait pas 20 % qui étaient originaires de la région parisienne. Il s'agit là d'un vrai problème. Je n'ai pas la réponse, mais nous devons réfléchir aux modalités de recrutement.
La deuxième difficulté réside dans le logement. Je l'ai évoquée tout à l'heure, je n'y reviendrai pas, mais je demande aux élus de ces quartiers de m'aider à trouver des logements disponibles pour les policiers, non pas sur place - on ne peut pas leur demander d'habiter dans le quartier où ils travaillent, ce ne serait pas judicieux, d'ailleurs ! -, mais par des échanges, pour que nous puissions loger les policiers en poste à un endroit dans une autre commune du même département ou d'un département voisin. Je suis sûre que l'on peut y arriver.
Par ailleurs, il faut aussi, dans la carrière, tenir compte de la difficulté du poste. C'est également un moyen de valoriser les agents.
Enfin, je n'y insisterai pas, mais j'ai pu entrevoir une lueur d'espoir lors de ma visite à la nouvelle promotion des commissaires de police. En effet, le major a demandé à aller en Seine-Saint-Denis et le troisième dans l'Essonne. Je pense que c'est un signe encourageant.
M. Josselin de Rohan. Eh bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait tout à fait. Je constate que vous réfléchissez sur ce problème de remplacement, qui est extrêmement important dans nos quartiers.
Quant à la fidélisation, il est vrai que nous avons des effectifs qui sont extrêmement jeunes : à vingt ans, ils sont encadrés par des officiers qui, eux mêmes, ne sont là que depuis deux ans. La situation est donc extrêmement compliquée et le fait que vous ayez entamé une réflexion sur ce sujet va, bien entendu, tout à fait dans le bon sens.
Je vous remercie également d'être venue à plusieurs reprises en Seine-Saint-Denis. Vous avez pu constater sur le terrain que c'est un département attachant à certains égards, avec des quartiers qui sont extrêmement sensibles, mais que ce n'est pas forcément celui que l'on décrit chaque fois dans cet hémicycle !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. C'est le festival de la Seine-Saint-Denis !
Pour faire suite aux propos de M. Demuynck, madame la ministre, je sais que nombre d'élus de la Seine-Saint-Denis sont disponibles pour réfléchir et travailler avec vous afin d'essayer de trouver les solutions les meilleures. Je vous propose donc de nous inviter, nous aussi, lorsque des réunions de concertation sont organisées en votre présence sur le territoire de notre département.
Par la présente question, je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur l'argent public qui est consacré à la lutte contre l'immigration clandestine.
En 2006, 28 361 reconduites à la frontière ont été dénombrées, qui ont coûté la bagatelle de 41,92 millions d'euros pour la seule métropole.
Durant cette même année, le montant des séjours en centres de rétention administrative gérés par la police aura coûté 7,2 millions d'euros. Et ce n'est pas fini, puisque, pour l'année 2007, les reconduites à la frontière devraient être encore plus nombreuses.
Je n'oublierai pas non plus les crédits d'investissement qui couvrent les coûts de construction des centres de rétention administrative, les CRA - il est, en effet, prévu de porter le nombre de places à 2 400 à l'été 2008 - ni les coûts de développement des systèmes d'information destinés à la lutte contre l'immigration clandestine et au contrôle aux frontières.
Par ailleurs, la police de l'air et des frontières, la PAF, qui est chargée de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, loue, depuis 2006, à une compagnie privée un bimoteur de dix-neuf places, le Beech 1900.
Pouvez-vous nous dire à combien revient cette location qui permet de reconduire en toute discrétion les étrangers jusqu'en Europe centrale et dans les Balkans ? Sur quel budget cet argent est-il pris ? Est-il vrai que le Gouvernement envisage d'avoir recours à un second appareil de ce type ?
Dans un même ordre d'idées, ne pensez-vous pas, madame le ministre, qu'il est temps que l'argent public soit consacré à autre chose qu'à la construction de centres de rétention administrative et à la mise en oeuvre des mesures d'expulsion du territoire ? Ne vaut-il pas mieux investir davantage dans l'accueil et l'intégration des populations étrangères, et surtout dans le codéveloppement ?
À cet égard, compte tenu de la création d'un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, comment vont désormais s'articuler les missions qui relevaient jusqu'à présent du seul ministère de l'intérieur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Assassi, lorsque je tiens des réunions de cohésion, les maires des communes concernées y sont invités, quelle que soit leur appartenance politique, car ils connaissent sur le terrain les problèmes d'insécurité.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'estime donc qu'il est normal de travailler avec eux.
S'agissant des questions relatives à l'immigration que vous m'avez posées, le budget y afférent sera rattaché au ministère de l'immigration à partir de 2008.
Je ne connais pas le coût de l'avion que vous avez cité et je ne puis malheureusement vous apporter de réponses dans ce domaine. Il faudra que vous vous adressiez à M. Hortefeux. Moi, quand je ne sais pas quelque chose, je préfère le dire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame le ministre, s'agissant de l'immigration, vous étiez cogestionnaire de la mission « Sécurité » en 2006, puisque vous aviez à votre charge le programme « Gendarmerie ». (Mme le ministre acquiesce.)
La commission des finances avait alors auditionné les responsables du centre de rétention administrative de Roissy. Il était apparu que le nombre de places ne correspondait pas au nombre de personnes venant de l'étranger et étant en situation irrégulière. Dans ces conditions, certaines d'entre elles disparaissaient dans la nature.
Madame le ministre, avez-vous le sentiment que des efforts ont été accomplis pour assurer une meilleure adéquation entre le nombre de places prévues et le nombre d'étrangers en situation irrégulière arrêtés par la police de l'air et des frontières ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je n'ai pas les chiffres précis mais, à ma connaissance, assez peu de personnes sont en rétention. A priori, leur nombre correspond aux capacités d'accueil.
Si vous le souhaitez, madame Assassi, monsieur le président de la commission des finances, je vous communiquerai ultérieurement les chiffres en la matière.
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Madame le ministre, je souhaite vous interroger sur la gendarmerie. Ma question n'est pas nouvelle, vous allez le constater, car je vous l'ai déjà posée oralement et par écrit. Mais, hélas ! je n'ai jamais eu de réponse.
M. André Rouvière. Pardon, j'ai eu des réponses : des réponses d'attente, mais non sur le fond !
Aurai-je plus de chance aujourd'hui ? Je le souhaite, madame le ministre, pour que les séances de questions-réponses jouent un rôle réel en matière d'information.
Ma question porte sur les communautés de brigades.
Dès le 6 décembre 2004, je vous demandais ici même, en séance publique : « Avez-vous l'intention de faire réaliser, en 2005, un bilan d'étape sur le fonctionnement des communautés de brigades ? »
Vous m'avez alors répondu : « Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogée sur mon intention de faire réaliser un bilan d'étape. Dans le courant ou à la fin de l'année 2005 sera réalisé un audit. Il nous permettra de mieux apprécier ce qui se passe sur le terrain. »
Cet audit a bien été réalisé. Mais, pour des raisons qui m'échappent, vous avez jusqu'à présent refusé de le communiquer. Pourquoi, madame le ministre ?
Je vous ai écrit de nouveau à ce sujet. Vous m'avez répondu en date du 11 janvier 2007. Permettez-moi de donner lecture de votre réponse.
« Monsieur le sénateur,
« Vous avez récemment sollicité des informations relatives au bilan de l'organisation de la gendarmerie nationale en communautés de brigades.
« J'ai aussitôt prescrit un examen particulièrement attentif de votre correspondance.
« Bien évidemment, je ne manquerai pas de vous tenir informé, dès que possible, de la suite qui aura pu lui être réservée. »
Or nous sommes au mois de juillet 2007...
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'ai ajouté une formule de politesse que j'ai moi-même signée ! (Sourires.)
M. André Rouvière. Certes, et je vous en remercie, madame le ministre ! (Nouveaux sourires.) Mais j'aurais aimé que vous apportiez une suite plus concrète... J'espère que je l'aurai aujourd'hui !
Je tiens à vous le dire, il ne s'agit pas là d'un acharnement de ma part, mais ce bilan nous permettrait, notamment dans le monde rural et en zone de montagne, de vous faire des suggestions, afin de prévoir des aménagements pour améliorer la situation.
D'après mes informations - je ne sais pas si elles sont exactes -, les modalités de fonctionnement des communautés de brigades sont très différentes d'un département à un autre. Si un bilan était dressé, nous pourrions faire des comparaisons entre les départements qui ont des préoccupations similaires. Ce serait intéressant non seulement pour les parlementaires, mais également pour les maires.
Madame le ministre, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez changé de casquette. Allez-vous changer d'attitude à propos de cette question ? Je le souhaite ardemment, et je vous en remercie par avance.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, deux types de bilan peuvent être réalisés : un bilan quantitatif et un bilan qualitatif.
Je peux vous communiquer le bilan quantitatif, qui est relativement simple. Au 1er juillet 2007 - vous le voyez, les chiffres sont très récents -, 1 068 communautés de brigades sont réparties dans 93 groupements de gendarmerie départementale, et 658 brigades territoriales sont restées autonomes. Certains ajustements sont réalisés à la marge. Vous avez donc votre réponse, monsieur le sénateur ! Plus exactement, devrais-je dire, vous avez une partie de votre réponse !
En réalité, je le crois deviner, c'est le bilan qualitatif qui vous intéresse, pour connaître le taux de satisfaction.
Toutefois, pour pouvoir obtenir un taux de satisfaction, il faut que le dispositif soit en place depuis un certain temps. Je ne pourrai vous donner une réponse qualitative que lorsque je disposerai des indices de satisfaction en interne et en externe.
On parle toujours des trains qui n'arrivent pas à l'heure, mais jamais de ceux qui arrivent à l'heure ! Pourtant, je puis vous dire que, en interne, les personnels sont satisfaits. Mais, ce qui m'intéresse aussi, c'est de savoir comment est perçu, à l'extérieur, le fonctionnement de ces communautés de brigades, même si, dans l'administration, on n'a pas toujours envie de le savoir. Les élus sont-ils satisfaits ? S'ils ne le sont pas, pourquoi ? Voilà l'enquête que je souhaite maintenant mener. Nous devons ensemble interroger les élus - et nous allons d'ailleurs le faire par écrit - pour pouvoir ensuite procéder à un certain nombre d'ajustements.
Avez-vous obtenu votre réponse, monsieur le sénateur ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. C'est un début de réponse, madame le ministre, et je vous en remercie ! (Nouveaux sourires.)
Se posent des problèmes d'insatisfaction et de mécontentement surtout dans les zones de montagne ou de moyenne montagne, où les communications d'une vallée à l'autre ne sont pas forcément faciles, lorsque la gendarmerie est fermée et qu'il faut faire de très nombreux kilomètres pour rejoindre celle qui est ouverte.
Tout à l'heure, j'ai parlé des différences de fonctionnement des communautés de brigades selon les départements. Je ne sais pas si c'est vrai, mais on m'a dit récemment que, dans certains départements, la pression des élus a permis de faire en sorte que toutes les gendarmeries soient ouvertes dans une même communauté de brigades, et qu'une permanence soit assurée.
Je n'attends pas une réponse de votre part aujourd'hui, madame le ministre, mais j'aimerais savoir si cette information est exacte. Comment sont-ils arrivés à mettre en place un tel système ? Car le problème, c'est de se retrouver devant la porte fermée de certaines brigades.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame le ministre, je veux vous interroger sur l'interopérabilité des réseaux de transmission. Je vous aurais volontiers interrogée sur les sapeurs-pompiers, mais j'ai bien compris que cette question ne relève pas de la mission concernée. Je trouverai donc une autre occasion de le faire ! (Sourires.)
Vous avez dit tout à l'heure, dans votre intervention, que les réseaux de transmission sont essentiels. Actuellement, il existe un réseau pour la police et un autre pour la gendarmerie. Le ministère de l'intérieur est en train de développer une politique active visant à mettre en place un réseau unique. Vous n'hésitez d'ailleurs pas à solliciter les collectivités territoriales pour qu'elles s'engagent dans la même voie s'agissant des services d'incendie et de secours.
Dans le département que j'ai l'honneur de représenter, avec le concours de l'État, nous sommes en train de mettre en place le réseau ANTARES sur tout le territoire départemental ; il servira de base au réseau unique. Contrairement à la gendarmerie, la police dispose déjà de ce réseau. Certes, je comprends bien que tout le monde ne puisse pas avoir le même, mais, dans une commune rurale, la brigade de gendarmerie ne pourra pas se servir du réseau ANTARES, alors que la caserne des sapeurs-pompiers le pourra ! C'est plutôt incompréhensible...
Madame le ministre, comment allez-vous faire pour rendre efficace l'interopérabilité du réseau unique, non seulement entre les services de police, mais également avec les autres services qui concourent à la mission de secours ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Mercier, l'interopérabilité du réseau va effectivement se faire avec le réseau ANTARES. Pour l'instant, nous n'avons pas encore réussi, mais nous allons procéder de la même façon que pour les réseaux RUBIS et ACROPOL.
M. Michel Mercier. Ça ne marche pas bien !
M. Michel Mercier. Si cela marchait bien, ce ne serait pas la peine d'en mettre un autre en place !
M. le président. J'ai le sentiment que l'on entendra encore parler de cette question dans les mois qui viennent !
M. Michel Mercier. Nous en reparlerons une autre fois, madame le ministre !
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Madame le ministre, ma question concerne les grands rassemblements, les festivals de musique techno comme les conventions évangéliques. C'est de saison, car, chaque année, des maires, confrontés à des afflux massifs et soudains de participants à ces rassemblements, sont dépassés.
Depuis 2002, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, de nombreux rassemblements sont encadrés, l'État mettant notamment à disposition des terrains et du personnel de sécurité et de secours. Une coopération entre les organisateurs et l'État s'est donc instaurée, et je m'en réjouis, mais ce n'est pas le cas pour tous ces événements, loin s'en faut.
Certes, les motivations des rassemblements évangéliques et des « grands passages », d'une part, des teknivals, free-parties et autres rave-parties, d'autre part, sont de nature différente. Mais, pour les populations locales, le résultat est souvent le même.
Les participants, gens du voyage ou « teufeurs », qui peuvent être plusieurs milliers, voire des dizaines de milliers, laissent généralement les zones qu'ils ont envahies, l'espace de quelques jours, écologiquement dévastées. Je ne vous parlerai ni du piétinement et de la circulation automobile, qui détruisent la végétation, ni des tonnes d'ordures qui restent en plein champ, et dont le ramassage est à la charge de la commune ou de la communauté de communes, ni des systèmes de sonorisation !
L'Union amicale des maires du Calvados, que je préside, attire d'ailleurs régulièrement l'attention sur les très grands rassemblements de gens du voyage qui ont lieu tous les étés dans notre département. Il arrive que plus de trois cents caravanes stationnent ensemble, particulièrement le long de la côte, dans des espaces naturels protégés ou sur des terres qui sont l'outil de production de nos agriculteurs.
Voilà pourquoi je souhaite me faire l'écho devant vous, madame le ministre, du désarroi des maires et des populations. Même quand ils sont encadrés, ces rassemblements se tiennent parfois sans véritable concertation avec les autorités locales et peuvent donner le sentiment à la population et aux élus d'être mis devant le fait accompli.
Pouvez-vous, madame le ministre, nous dresser un bref bilan des actions menées en 2006 pour encadrer ces grands rassemblements et nous préciser dans quelle mesure les moyens mobilisés par l'État à cette fin ont permis d'atteindre les objectifs de performance fixés par votre ministère ?
Par ailleurs, quelles perspectives envisagez-vous pour les mois et les années à venir, afin, d'une part, de poursuivre la politique mise en oeuvre en 2002, qui allie dialogue et fermeté avec les organisateurs, et, d'autre part, de mieux informer et mieux accompagner les élus locaux, notamment lorsqu'ils sont confrontés à des manifestations qui se tiennent sans autorisation ni encadrement ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, il s'agit encore une fois d'un sujet important et ô combien délicat ; mon expérience d'élue local peut, là encore, s'avérer très utile. Il nous arrive en effet d'être confrontés, en cette qualité, à ce type de préoccupations, du moins à certaines d'entre elles.
Vous l'avez souligné à juste titre, tous ces rassemblements ne sont pas de même nature : les conditions sont relativement différentes quand il s'agit d'un teknival, d'un rassemblement évangélique ou d'une rave-party.
À vrai dire, lorsque plusieurs dizaines de milliers de personnes sont ainsi rassemblées, tout le problème réside dans le fait qu'il est tout autant impossible d'interdire que de laisser faire, ce qui est d'ailleurs pire que tout. Au demeurant, ce sont les quelques cas où aucun contrôle n'a eu lieu, notamment lors de certains grands déplacements, qui ont posé le plus de problèmes. À Saint-Jean-de-Luz, nous nous sommes ainsi nous-mêmes trouvés brusquement confrontés à un afflux massif de plusieurs centaines de caravanes.
Par conséquent, nous nous efforçons toujours d'anticiper au maximum la situation et d'assurer un minimum d'encadrement.
Dans certains cas, finalement, cela ne se passe pas trop mal : malgré les problèmes - et Dieu sait s'il y en a eu ! -, le teknival 2007 a accueilli quarante mille personnes sans incident notable à déplorer, contrairement à ce qui a pu se produire dans le passé.
À cet égard, le système de la réquisition présente déjà l'avantage de garantir une certaine remise en état des terrains et de bien définir les responsabilités sur le plan juridique. Les personnes concernées savent, en effet, vers qui se tourner.
Pour autant, puisque tout bloquer et tout interdire s'avère impossible, il convient de trouver la solution qui soit la moins mauvaise possible.
Pour en avoir fait moi-même l'expérience, l'accueil d'un rassemblement évangélique se passe relativement bien : les organisateurs agissent souvent d'une manière assez convenable et assurent une remise en état des infrastructures satisfaisante. Dans de tels cas, il y a en effet un véritable encadrement.
Au contraire, les manifestations pour lesquelles nous rencontrons énormément de difficultés sont celles où aucun encadrement n'est prévu.
Cela dit, monsieur Dupont, je suis d'accord avec vous, le problème est réel : si des avancées ont bien été réalisées, les difficultés rencontrées restent encore relativement importantes.
Lorsque j'étais ministre de la défense, j'avais proposé qu'un certain nombre de terrains puissent être cédés afin d'être consacrés uniquement à ce genre de rencontres. À mes yeux, cette solution est susceptible de satisfaire certaines demandes, à condition, bien entendu, que les élus locaux concernés donnent leur accord. Pour le coup, ce seront eux qui auront régulièrement à gérer ces problèmes, alors que les rassemblements sont aujourd'hui à peu près répartis équitablement sur l'ensemble de la France. Cette proposition suscite donc quelques réticences.
C'est la raison pour laquelle j'envisage de confier une mission sur ce sujet à un ou plusieurs parlementaires. Ce faisant, je n'ai aucune intention de repousser la solution de ce problème à plus tard. De toute manière, il importe que nous la trouvions ensemble et il serait donc intéressant que des parlementaires puissent nous faire des propositions extrêmement concrètes à ce sujet. Nous pourrions en débattre entre nous, car, je le répète, c'est un problème qui nous concerne tous.
Lorsqu'un rassemblement a lieu, le ministère de l'intérieur met des personnels à disposition et essaie au maximum de tout contrôler pour qu'il y ait le moins de débordements possible. Mais, nous le savons, cela n'est jamais totalement satisfaisant, et il est dans l'intérêt de tous de pouvoir progresser dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse. En posant cette question, j'ai voulu attirer votre attention sur les difficultés que nous connaissons en la matière et auxquelles les maires sont très sensibles, car elles touchent à la fois à la sécurité de nos concitoyens et à la tranquillité de notre pays.
Il convient donc d'y porter tout notre intérêt, et je vous remercie par avance de continuer à le faire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la ministre, si votre illustre prédécesseur était un adepte farouche de la culture du résultat, toute la question est de savoir comment s'apprécie ce dernier, à la fois collectivement et individuellement.
Je ne reviendrai pas sur les déclarations qu'il avait faites à Toulouse, car nous avons déjà évoqué le rôle que devaient jouer la police, d'un côté, et les animateurs sociaux, de l'autre.
Cela étant, afin de quantifier les résultats obtenus, l'ancien ministre de l'intérieur avait mis en place des instruments de mesure de la « répression », assortis toutes les semaines d'une sorte de tableau d'honneur des préfets et des commissaires centraux dans les départements et les grandes villes.
Ma première question est donc la suivante : ce tableau d'honneur est-il toujours en vigueur ?
De plus, le fait de nous dire et de nous répéter que la délinquance diminue depuis deux, trois, voire cinq ans, n'a pas grand sens lorsqu'il s'agit de la délinquance générale. Des distinctions doivent en effet être opérées entre, d'une part, les petits délits qui mêlent, par exemple, le simple vol de cerises et celui de portables, lesquels sont d'ailleurs de plus en plus sécurisés, ce qui entraîne naturellement une baisse du nombre des infractions constatées, et, d'autre part, les agressions sur la voie publique. Ce n'est tout de même pas la même chose !
Madame la ministre, c'est surtout une telle distinction qui présente un réel intérêt. Dans cette perspective, que comptez-vous faire ? Allez-vous noter les forces de sécurité en fonction de leurs résultats ?
Est-ce celui qui fait le plus de chiffres qui aura la meilleure note ? Du reste, comment mesurer ces données ? Est-il plus logique que l'agent distribuant le plus de procès-verbaux de stationnement se voie attribuer une meilleure note que celui qui facilitera la circulation et dégagera les voies en convainquant les automobilistes de se garer ailleurs ? Voilà les vraies questions, que se posent d'ailleurs également les syndicalistes, et sur lesquelles j'attends vos réponses.
Si je vous interroge à ce sujet, c'est parce que j'ai lu dans la presse un article évoquant le système d'évaluation mis en place pour les CRS dans le département de la Seine-Saint-Denis : « Vingt points pour l'arrestation de l'auteur d'un vol avec violence, [...] un point pour un automobiliste sans permis ».
Personnellement, s'il s'agit d'un simple décompte administratif comme les autres, je n'y suis pas forcément opposé, n'ayant pas d'idées arrêtées sur la question. Encore faut-il laisser à la justice le soin de préciser l'ampleur de la faute et du délit.
Toutefois, toujours dans le même article, à en croire le journaliste citant un haut responsable de la hiérarchie policière, il s'agirait d'une simple reconnaissance du travail bien fait, qui ne servirait en aucun cas à décider des promotions et de la rémunération des fonctionnaires.
Pour ma part, si les fonctionnaires peuvent effectivement « marcher » à la reconnaissance, il est légitime qu'ils « marchent » également à la rémunération et à la prime au rendement.
Dans ces conditions, madame le ministre, s'agit-il véritablement d'une prime au rendement ? Est-elle assise ou non sur la distribution des points que je viens d'évoquer ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame le ministre, dans le prolongement des propos tenus par mon collègue Jean-Claude Peyronnet, je souhaiterais vous poser une question d'ordre philosophique.
Nous avons en effet pu constater, voilà quelques mois, que les gendarmes et les policiers n'avaient pas la même lecture, en termes d'efficacité, de l'indicateur des contrôles d'alcoolémie.
Ainsi, pour les gendarmes, la baisse du taux d'infractions constatées était le signe d'une meilleure efficacité. C'était le contraire pour les policiers : plus ce taux augmentait, plus les forces de l'ordre étaient efficaces, car, à leurs yeux, elles avaient su privilégier les contrôles le dimanche matin, à la sortie des lieux où la consommation d'alcool a tendance à être importante.
Au fond, quelle est la philosophie générale ? Si ce type d'indicateurs fait désormais, me semble-t-il, l'objet d'interprétations plus précises, la situation est loin d'être simple. Je le répète, il est tout aussi tentant de voir dans la baisse d'un taux le fruit de l'efficacité des contrôles exercés ou, au contraire, l'inadéquation des lieux de contrôles choisis. Nous avons donc bien du mal à trancher ce genre d'interrogations.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur Peyronnet, nous avons tous à répondre aux vraies attentes de nos concitoyens. C'est logique, cela fait partie de nos fonctions et c'est bien la raison pour laquelle nous sommes tous réunis ici.
Le Point et L'Express, sans s'être forcément concertés, ont décidé de recenser le nombre de questions posées par les parlementaires et celui de leurs interventions en séance. Dans ce domaine particulier, cela constitue aussi un élément de référence.
Vous l'avez justement souligné, monsieur Arthuis, tout le problème est de savoir quels sont les vrais critères et les vrais indices. En effet, il n'est pas choquant en soi que l'on puisse demander des comptes à tous ceux qui, comme vous et moi, participent à l'action de l'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serais pas plus choquée que vous-mêmes m'en demandiez. Au demeurant, les Français nous paient et paient tous les fonctionnaires pour remplir un certain nombre de services. Ce n'est donc pas le fait d'avoir à rendre compte qui pose problème.
Je le répète, la vraie difficulté, comme vous l'avez dit, c'est de trouver les critères qui permettent effectivement de juger de la réelle satisfaction du citoyen, c'est-à-dire de la réelle efficacité des actions menées.
En la matière, d'ailleurs, il n'y a pas de compétition entre les départements par rapport au système mis en place. Il faut simplement y voir la recherche de bonnes pratiques, qui pourrait d'ailleurs s'intégrer dans le cadre d'une expérimentation. C'est précisément l'une des méthodes que je préconise : faire d'abord un essai localement, puis, s'il s'avère concluant, l'étendre à d'autres endroits. Par conséquent, là aussi, je ne vois pas ce qu'il y aurait de condamnable à agir ainsi.
À cet égard, dans un certain nombre de cas, nous continuons de réunir les préfets et les directeurs des services concernés pour les entendre sur les objectifs qu'ils se fixent et sur les résultats qu'ils obtiennent.
Vous m'interrogez, monsieur Peyronnet, sur les conséquences à tirer en termes de carrière et de rémunération. Tout à l'heure, j'ai déjà évoqué cette question des primes : d'une façon générale, au jour d'aujourd'hui, les seules vraies notations ont concerné quarante commissaires qui étaient affectés sur des postes contractualisés à cet effet ; le dispositif était donc accepté, et même souhaité, par les intéressés. Quant aux CRS, il s'est agi purement et simplement d'une expérimentation sur quatre mois, qui n'avait pas du tout vocation à être étendue.
Il faut donc bien distinguer, d'une part, certains symboles, sur lesquels nous avons pu nous accrocher les uns les autres, et, d'autre part, une démarche, qui me paraît complètement logique puisqu'elle participe de la responsabilité de l'État à l'égard des Français.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Madame le ministre, je souhaite tout d'abord vous faire part de mon regret, toujours renouvelé, de ne pas voir rassemblés, au sein de la mission « Sécurité », les programmes concernant la défense et la sécurité civiles et les programmes relatifs à la police et à la gendarmerie.
À mes yeux, une telle organisation permettrait d'assurer un équilibre avec tout ce qui concerne la défense militaire, ce qui serait une avancée souhaitable eu égard au monde dans lequel nous vivons. Tout cela m'amènera d'ailleurs à vous poser de nouvelles questions dans un cadre différent et à un autre moment.
J'en viens maintenant à ma question, qui porte sur le problème apparemment récurrent des heures supplémentaires.
Nos effectifs de police ne peuvent travailler que si tout le monde s'y met et dans la mesure où la hiérarchie est parfaitement reconnue. Or un certain nombre de syndicats de policiers se sont récemment exprimés dans la presse à propos du paiement des heures supplémentaires et des négociations qui sont en cours au sein de votre ministère.
Il est évident que le cumul des heures est le fait de ceux qui se sont le plus engagés dans leurs services, en parfaite adéquation avec la culture du résultat, qui n'ont pas compté leur temps et qui ont même probablement sacrifié une partie de leur vie privée au bénéfice du service public de la sécurité.
Il serait donc incongru, pour ne pas dire un peu choquant, qu'au moment où la revalorisation du travail est dans toutes les bouches, et ce au plus haut niveau, on pénalise ceux qui font partie des plus méritants.
Je le sais bien, cette question pose toute une série de difficultés administratives, notamment sur le plan budgétaire, et ouvre, en termes de gestion, un certain nombre de perspectives qui ne sont pas toutes faciles à assumer. Malgré tout, nous serions heureux de savoir où en est ce problème, car il nous semble important à la fois pour l'équilibre de la mission « Sécurité » dans son ensemble et pour celui des corps de police en particulier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Girod, à vrai dire, le problème que vous soulevez se pose pour une catégorie particulière de fonctionnaires, à savoir les officiers de police. En effet, à partir du 1er janvier prochain, ces derniers seront intégrés au régime des cadres et n'auront donc plus droit au paiement des heures supplémentaires.
Le problème était donc de rattraper les quelque 5 millions d'heures accumulées au cours des années.
Vous avez indiqué, monsieur le sénateur, quelles étaient les données de ce problème, dont j'ai été saisie dès mon arrivée au ministère de l'intérieur, et vous avez avancé quelques éléments de solution.
Plusieurs réunions ont eu lieu avec les différentes organisations d'officiers de sécurité, au niveau tant de mon cabinet que de la direction générale de la police nationale. L'idée qui a été retenue consiste à rattraper les heures supplémentaires selon une double modalité, une partie sous une forme monétaire, et une autre sous forme de temps libre.
Nous travaillons actuellement sur la base de cette double modalité. J'espère que nous parviendrons à un accord satisfaisant sur ce point d'ici au mois d'août, afin que cette situation ancienne soit apurée avant le passage des officiers de sécurité sous le régime des cadres, au 1er janvier 2008.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Madame le ministre, nos voeux rejoignent les vôtres !
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Ma question concerne la gendarmerie.
Madame le ministre, vous avez évoqué récemment votre intention de rationaliser l'ensemble des forces de sécurité, point sur lequel nous pouvons volontiers vous rejoindre.
Vous avez également indiqué, en dehors de cet hémicycle, qu'une complémentarité accrue entre la police et la gendarmerie nationale devait être recherchée, au travers, notamment, de l'ajustement des compétences géographiques et de la mutualisation des services de soutien.
Pouvez-vous nous éclairer, madame le ministre, sur les conséquences de telles mesures sur la gendarmerie et nous dire jusqu'où vous souhaitez aller en ce sens ?
Quelles sont vos intentions concernant, notamment, la présence de la gendarmerie en milieu rural ? Allez-vous procéder à des regroupements de brigades de gendarmerie, c'est-à-dire, concrètement, à des suppressions de gendarmeries rurales ?
Ces mesures auront-elles des conséquences sur le statut du gendarme ? Celui-ci demeurera-t-il un militaire ?
Ces questions, les gendarmes se les posent, tout au moins dans certaines zones rurales, et il serait bon d'y répondre clairement.
Par ailleurs, s'agissant des conséquences financières, ces regroupements donneront-ils lieu à des économies et si oui, de quel ordre ?
À mon sens, la délinquance baisse seulement dans les statistiques que vous venez, à nouveau, de citer, madame le ministre. Cette baisse n'est pas perçue par la population et le sentiment d'insécurité croît. Cette affirmation n'est, d'ailleurs, pas une critique, c'est un constat, que je ne suis pas le seul à faire.
La question de la réorganisation des forces de sécurité intéresse tout un chacun. Il serait regrettable, à l'occasion de cette restructuration, de laisser croître l'angoisse et se développer des spéculations que la peur ne peut que favoriser.
Il importe, madame le ministre, que vous énonciez vos intentions de façon précise et claire sur ce sujet qui ne laisse personne indifférent.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, je ne peux que constater la situation actuelle, traduite dans les chiffres : la délinquance a baissé en France depuis 2002, en zone de gendarmerie plus encore qu'en zone de police, après avoir augmenté entre 1997 et 2002.
Cela n'empêche pas la victime d'un vol d'éprouver un sentiment d'insécurité, et c'est la raison pour laquelle nous devons poursuivre nos efforts. Tant que l'affaire n'aura pas été élucidée, cette personne aura le sentiment d'être doublement lésée. J'insiste donc sur l'importance de l'élucidation.
Il ne sert à rien d'entretenir le sentiment d'insécurité.
J'en conviens tout à fait : même si la délinquance a baissé, l'insécurité est encore trop importante tant en zone urbaine qu'en zone rurale.
Vous avez souhaité, monsieur le sénateur, une réponse précise. Je vais donc vous répondre précisément.
J'ai toujours été favorable et fermement attachée, pour des raisons républicaines et démocratiques, à l'existence de deux corps de police à statut différent, ainsi qu'au statut militaire de la gendarmerie. J'y étais favorable en tant que ministre de la défense, je le suis en tant que ministre de l'intérieur.
Nous avons besoin de ces deux forces. L'une ne doit pas être subordonnée à l'autre et chacune d'elles doit conserver son identité propre. Il est cependant nécessaire qu'elles puissent travailler ensemble, ce qui est le cas actuellement, en respectant, notamment, la répartition géographique.
Loin de moi l'idée de supprimer des brigades de gendarmerie.
Il est vrai que j'ai évoqué la nécessité de procéder à un ajustement des compétences géographiques, car les missions de la gendarmerie, y compris celle de renseignement, sont davantage adaptées aux zones rurales qu'aux zones urbaines. Or certaines communes périurbaines, qui sont souvent des cités-dortoirs, font partie de la zone gendarmerie, alors même que les gendarmes ne peuvent y mener aucune investigation. Il serait plus logique que ces communes relèvent de la zone police. Telle est la seule signification des ajustements géographiques auxquels il convient, selon moi, de procéder. C'est un point important.
J'en viens, enfin, à la question de la mutualisation. Dans le cadre de la préparation de la prochaine LOPSI, le directeur général de la police nationale et celui de la gendarmerie nationale m'ont spontanément soumis une vingtaine de propositions de mutualisation portant, par exemple, sur les stands de tir et les lieux d'entraînement.
Il s'agit de dépenser d'une façon rationnelle l'argent public, car il est inutile que des structures fassent doublon.
C'est aussi une question d'efficacité, car il est important que la délinquance n'augmente pas en raison de la discontinuité territoriale. C'est d'ailleurs l'un des motifs justifiant la réorganisation territoriale.
Il est important, au moment où elles doivent unir leurs forces, que la police nationale et la gendarmerie nationale aient pris l'habitude de se rencontrer, qu'elles se connaissent, qu'elles sachent comment l'une et l'autre fonctionnent, et que leurs systèmes de communication soient interopérables.
Elles y parviendront d'autant mieux que chacune de ces deux forces disposera d'un statut propre, sera confiante et ne craindra pas que l'autre n'interfère dans son domaine de compétence.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Madame le ministre, le rapport annuel de performances révèle que l'action engagée depuis 2002 par votre ministère pour garantir la sécurité des personnes et des biens, non seulement s'est poursuivie, mais a été amplifiée en 2006, ce dont je me félicite.
Les résultats sont incontestables. Pour la cinquième année consécutive, la délinquance, et particulièrement la délinquance de voie publique, a reculé en zone de police nationale, portant la baisse cumulée depuis 2002, respectivement à 9,2 % et à 24,6 %.
Ces résultats, qui soulignent la performance opérationnelle de la police nationale, sont également très positifs pour ce qui concerne la lutte contre l'immigration clandestine et contre l'insécurité routière.
Je souhaite également saluer la priorité donnée à la lutte contre les violences urbaines et à la prise en charge des victimes.
Ces résultats, enregistrés en 2006, sont la conséquence d'une activité soutenue des services, rendue possible grâce aux moyens nouveaux donnés par la LOPSI, en termes, notamment, de recrutement de fonctionnaires supplémentaires, de mise à niveau des moyens immobiliers et d'achèvement des grands programmes d'équipement. Ces réalisations témoignent du respect intégral de la loi de programmation votée en 2002.
La sécurité est le fondement de toute vie sociale et la garantie de l'exercice démocratique des droits et des libertés. Dans tous les domaines, une véritable culture de la performance a été développée, au service des Français, en rétablissant le droit à la sécurité et en faisant reculer le sentiment de peur dans notre pays.
Les engagements pris par votre prédécesseur, madame le ministre, ont été tenus. N'en doutons pas, c'est en partie grâce à ces résultats que Nicolas Sarkozy a reçu une si large adhésion de la majorité des Français, qui l'a conduit à la plus haute responsabilité de l'État.
Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à vous faire confiance pour poursuivre cette politique et en améliorer encore les résultats.
Les effectifs doivent être maintenus à un niveau qui réponde à l'attente de la population, en termes tant de rapidité d'intervention que de qualité d'écoute des victimes.
Nous connaissons les contraintes budgétaires actuelles. Cependant, les programmes de réhabilitation et de rénovation des commissariats et des antennes de police doivent être impérativement poursuivis. Il en va, certes, de l'image de la police nationale, mais il s'agit aussi de permettre aux fonctionnaires de travailler dans des conditions optimales.
Comme Christian Demuynck l'a fait pour la Seine-Saint-Denis, je citerai quelques exemples pris dans le département dont je suis l'élu, le Val-de-Marne.
Un certain nombre de structures méritent d'être prises en considération, comme le commissariat de Vitry, dont vous avez visité, notamment, les locaux de garde à vue, peu de temps après votre prise de fonction.
Vous devrez également, madame le ministre, préciser le calendrier budgétaire des restructurations des commissariats de Choisy-le-Roi, Villeneuve-Saint-Georges, Maisons-Alfort et Nogent-sur-Marne, circonscriptions très importantes en matière de sécurité. Je tiens également à souligner les problèmes d'investissement que pose le cantonnement des CRS de Pondorly.
Quelles assurances, madame le ministre, pouvez-vous nous donner sur ce sujet ? Quelles sont les priorités du Gouvernement en matière d'investissements ?
Par ailleurs, pour mener à bien leurs missions, notamment dans les zones réputées sensibles, les forces de sécurité publique doivent disposer de personnels expérimentés, connaissant bien la population et le terrain. Or on constate trop souvent la présence, dans ces zones difficiles, de personnels jeunes et, parfois, récemment sortis de l'école.
Quelles mesures, madame le ministre, envisagez-vous de mettre en oeuvre pour remédier à cette situation ?
Enfin, la prévention de la délinquance est au coeur de nos préoccupations et nous savons combien la présence policière sur le terrain est dissuasive.
M. le président. Mon cher collègue, pouvez-vous en venir à votre question ?
M. Christian Cambon. J'y arrive, monsieur le président.
Vous avez souhaité, madame le ministre, une fidélisation de la police dans certains quartiers difficiles et évoqué une police « localisée et territorialisée ». Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous soulignez que les policiers ne doivent pas jouer les « animateurs sportifs » mais rester dans leur rôle, qui est de « lutter contre la délinquance et protéger la population ».
Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur les objectifs qui sont les vôtres dans ce domaine et sur la politique que vous comptez mener pour atteindre ces résultats ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Lorsqu'un ministre se déplace, on lui montre toujours les équipements les plus beaux et les plus neufs. Ce qui m'intéresse, pour ma part, ce sont les équipements les plus vieux et les moins adaptés.
La police et la gendarmerie disposent de bâtiments très anciens, ou récents mais mal construits, ou qui ne sont plus aux normes, ou bien encore qui sont très dégradés. Nous devons donc faire un important effort dans ce domaine. Il en va de l'envie d'y travailler des personnels, mais aussi, comme vous le disiez à juste titre, monsieur le sénateur, de l'image de l'État, et pas seulement de celle la police.
Dans la LOPSI du 29 août 2002, 700 millions d'euros ont été consacrés à la réhabilitation. Ce travail n'est pas fini. Il faudra le poursuivre : ce sera l'objet du futur projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que je vous présenterai.
Le jour où la police disposera de locaux adaptés, qui donneront une image positive de la sécurité, une partie importante de l'image générale de la police sera restaurée.
Monsieur le sénateur, vous m'avez posé deux questions.
S'agissant de la CRS de Pondorly, je puis vous indiquer qu'un audit général a déjà été effectué et que la convention avec la direction départementale de l'équipement est en cours d'élaboration.
Quant aux locaux de la CSP de Choisy-le-Roi, ils sont d'une capacité insuffisante et la rénovation de l'ensemble, en particulier la restructuration du rez-de-chaussée, est en effet nécessaire.
Dans un cas comme dans l'autre, je ne peux vous dire quand j'irai « couper le ruban » (Sourires), mais il s'agit bien d'une priorité, comme l'est d'ailleurs de façon générale le problème que vous soulevez.
J'ai déjà largement évoqué la question de la fidélisation. J'ajouterai simplement que, lorsqu'un encadrement est en place depuis au moins cinq ans, les rapports avec le quartier, dans la stricte limite des interventions de la police, sont beaucoup plus faciles et efficaces. C'est donc évidemment une voie qu'il faut privilégier.
En ce qui concerne la prévention, la présence de la police est déterminante et, à cet égard, celle d'une police à cheval me paraît très intéressante.
M. Ambroise Dupont. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela pose peut-être d'autres problèmes, mais, sur le plan sécuritaire, le cheval a, d'une part, l'avantage de donner, tout simplement parce qu'il est haut, une meilleure vision à la police et, d'autre part, d'améliorer les rapports, notamment avec les jeunes.
J'ai donc la ferme intention de développer la présence de la police à cheval dans un certain nombre de quartiers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Madame la ministre, en vous remerciant tout à la fois des engagements que vous prenez et des précisions que vous apportez, je tiens à vous dire que le département du Val-de-Marne est bien évidemment preneur de la police à cheval.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Madame la ministre, ma question porte sur la lutte contre l'insécurité routière.
Aussi bien la police que la gendarmerie ont obtenu de bons résultats dans ce domaine en 2006. Ainsi, le nombre total des tués en zone police a baissé de 11,8 % par rapport à 2005, le taux dans la zone gendarmerie étant à peu près équivalent, puisqu'il est de 11 %. De même, le nombre des blessés a diminué. Des progrès ont donc été réalisés, et cela de manière continue depuis 2002, ce dont on ne peut que se réjouir.
Cependant, comme le savent les professeurs, quand on fait bien on peut mieux faire. Il semblerait ainsi qu'il y ait encore des marges de progression, notamment en matière de lutte contre la conduite sous l'influence de stupéfiants. Or les forces de l'ordre ne disposeraient pas - j'utilise le conditionnel à dessein - de moyens adaptés pour faire face à ce phénomène. Quelles dispositions comptez-vous prendre, madame la ministre, pour remédier à cette situation ?
En outre, dans nos régions, de nombreux accidents mortels sont encore dus à l'alcool. Envisagez-vous de nouvelles mesures pour mieux lutter contre l'alcool au volant ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Hélas ! la route est une cause de mortalité. Certes, des progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire.
En cinq ans, près de 10 000 vies ont été épargnées et plus de 100 000 blessés ont été évités. Ce sont autant d'individus - et leurs familles - qui ont vu leurs perspectives d'avenir préservées.
Pour autant, en 2006, on a compté 4 709 morts et plus de 100 000 blessés et, depuis le début de l'année 2007, on enregistre déjà plus de 2 000 tués et près de 50 000 blessés.
C'est évidemment trop, d'autant que très peu de choses - on n'en mesure souvent qu'après coup les conséquences possibles - peuvent être à l'origine de ces drames. Nous ne pouvons donc pas relâcher notre vigilance et nous devons mieux cerner les causes.
Il est important de faire prendre conscience aux usagers de la route, notamment aux jeunes qui souvent reprennent la voiture après s'être un peu laissés aller entre « copains », des risques de l'alcool au volant. Nous devons faire preuve de pédagogie et, là encore, nous sommes tous responsables : police et gendarmerie, éducation nationale, parents et entourage, mais aussi nous, politiques. Nous avons en la matière une responsabilité dont nous ne pouvons nous dégager. Dès lors, il continuera, bien entendu, à y avoir des campagnes de prévention et des tests.
Si l'alcootest est aujourd'hui d'un usage relativement facile - et si les conducteurs automobiles eux-mêmes ont fait quelques progrès -, il faut aller beaucoup plus loin. L'usage des stupéfiants, d'ailleurs parfois lié à l'usage de l'alcool, est également à l'origine d'un très grand nombre d'accidents mortels.
Or, jusqu'à présent, le seul test qui existait était un test urinaire, ce qui impliquait la présence sur place d'un camion, soit une organisation assez lourde. Mais, depuis le début du mois de juillet, un test salivaire d'usage très simple est expérimenté. Ses résultats seront comparés tout au long de l'été avec ceux du test urinaire et, en septembre, nous serons en mesure de juger leur fiabilité. Je serai, bien sûr, à votre disposition pour vous apporter alors les informations que vous pourrez souhaiter.
S'il fonctionne, le test salivaire devrait devenir l'équivalent de l'alcootest puisqu'au début de 2008 toutes les forces de sécurité sur les routes en seront équipées, ce qui, j'en suis persuadée, entraînera une amélioration sensible de la situation.
La vitesse constitue l'une des autres causes d'accidents contre lesquelles nous devons rester très mobilisés.
Le dramatique accident de car qui s'est produit hier en Isère confirme que nous ne saurions nous contenter des résultats obtenus. Nous pouvons être fiers de chaque vie épargnée, de chaque amputation ou de chaque tétraplégie évitée, en particulier aux jeunes, mais, tant que nous ne serons pas allés jusqu'au bout, nous aurons encore du travail.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Je remercie Mme la ministre des informations qu'elle nous a communiquées sur les évolutions les plus récentes en matière de technologies de contrôle, en espérant que le nouveau test fonctionnera bien.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme de l'exercice des questions-réponses.
Madame la ministre, je veux vous remercier d'avoir bien voulu venir devant le Sénat rendre compte de la gestion des crédits de la mission « Sécurité » en 2006 alors même que vous n'aviez en charge que l'un des deux programmes.
C'est un exercice que nous allons essayer de développer, car nous pensons que l'examen de la loi de règlement est le moment de vérité budgétaire. C'est lui qui nous permet de fixer les orientations budgétaires et de préparer le projet de loi de finances de l'année qui vient.
Je remercie aussi tous mes collègues qui ont participé au débat. Ils ont eu le souci de faire porter leur questionnement sur l'exécution budgétaire. C'est ainsi, me semble-t-il, que nous pourrons progresser dans la voie d'une meilleure maîtrise des dépenses de l'État et parfaire la performance publique.
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la mission « Sécurité ».
Je remercie à mon tour Mme la ministre et tous ceux qui sont intervenus, en leur demandant un peu d'indulgence pour avoir tenté de faire respecter par chacun le temps de parole qui lui était imparti.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)