Article 15
Dans le chapitre II du titre Ier du livre VII du code de l'éducation, il est inséré une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Responsabilités et compétences élargies
« Art. L. 712-8. - Les universités peuvent, par délibération adoptée dans les conditions prévues à l'article L. 711-7, demander à bénéficier des responsabilités et des compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines prévues aux articles L. 712-9 et L. 954-1 à L. 954-3.
« Les dispositions des articles mentionnés au premier alinéa s'appliquent sous réserve que la délibération du conseil d'administration soit approuvée par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'enseignement supérieur.
« Art. L. 712-9. - Le contrat pluriannuel d'établissement conclu par l'université avec l'État prévoit, pour chacune des années du contrat, et sous réserve des crédits inscrits en loi de finances, le montant global de la dotation de l'État en distinguant les montants affectés à la masse salariale, les autres crédits de fonctionnement et les crédits d'investissement.
« Les montants affectés à la masse salariale au sein de la dotation annuelle de l'État sont limitatifs et assortis du plafond des emplois que l'établissement est autorisé à rémunérer.
« L'établissement assure l'information régulière du ministre chargé de l'enseignement supérieur et se dote d'instruments d'audit interne et de pilotage financier et patrimonial selon des modalités précisées par décret. »
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, sur l'article.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les articles 15 et 16 du projet de loi ont suscité un certain nombre d'interrogations de la part des commissaires de la commission des finances, qui ont expressément souhaité que certaines précisions soient apportées en séance plénière.
J'aborderai tout d'abord l'article 15 et la mise en place d'une dotation globale, dont l'une des trois lignes budgétaires correspond à la masse salariale.
Aujourd'hui, les rémunérations des personnels enseignants, administratifs et techniques - à l'exception des personnels contractuels rémunérés par les budgets propres des établissements -, les bourses et les maîtrises d'ouvrage non déléguées aux établissements ne figurent pas dans les comptes financiers des universités.
Ces rémunérations seront à l'avenir inscrites au titre de la dotation globale. Les universités devenues autonomes rémunéreront-elles directement les personnels aujourd'hui rémunérés par l'État ou bien l'État continuera-t-il de payer ces personnels, ce qui implique que les universités soient liées en ce qui concerne ces personnels, et seulement en ce qui les concerne, par le plafond d'emplois de l'État et la masse salariale afférente ?
Par ailleurs, ces mêmes universités seront-elles bien libres d'affecter comme elles l'entendent les autres crédits dont elles disposent, qu'il s'agisse des crédits de fonctionnement, des crédits d'investissement ou des éventuelles économies qu'elles pourraient réaliser sur les crédits relevant du plafond d'emplois ? En liaison avec le texte proposé par l'article 16 du présent projet de loi pour l'article L. 954-2 du code de l'éducation, ces sommes pourraient être utilisées pour attribuer des primes aux personnels affectés à l'établissement.
Je souhaiterais avoir de votre part, madame la ministre, la confirmation de ces éléments.
J'en viens à l'article 16 et à l'autonomie des universités en matière de gestion des ressources humaines.
La commission des finances s'est particulièrement intéressée au texte proposé par le présent article pour les articles L. 954-1 et L. 954-2 du code de l'éducation.
Concrètement, il s'agit de permettre au conseil d'administration d'organiser, au sein de l'établissement dont il a la charge, une modulation de la répartition des obligations de service des enseignants-chercheurs. Actuellement, cette modulation n'est pas ouverte au conseil d'administration puisque qu'elle est réservée exclusivement aux enseignants-chercheurs, d'où la nécessité de la présente disposition. Serait ainsi ouverte, en particulier, la possibilité de permettre aux jeunes enseignants-chercheurs de se consacrer plus librement à leurs activités de recherche.
En outre, le projet de loi permet au président d'une université devenue autonome d'être responsable de l'attribution des primes aux personnels qui sont affectés à l'établissement. Le conseil d'administration peut créer des dispositifs d'intéressement permettant d'améliorer la rémunération des personnels, les conditions d'application de cet article pouvant être précisées par décret.
Lors de l'examen du projet de loi, la commission des finances a approuvé l'économie générale du dispositif proposé, de nature à faire entrer dans les faits une autonomie proclamée et, plus encore, à permettre aux universités de s'affranchir partiellement de la grille de rémunération de la fonction publique pour récompenser les personnels méritants, et ainsi attirer ou retenir les meilleurs talents que pourraient attirer certaines universités étrangères.
La commission des finances souhaite s'assurer de la pertinence et de la cohérence du champ retenu pour les articles L. 954-1 et L. 954-2 du code de l'éducation. Elle veut en particulier vérifier que l'énumération limitative de certaines catégories de personnel ne prive pas le conseil d'administration des établissements devenus autonomes de la définition des tâches de l'ensemble des catégories de personnel dont ils disposent et s'assurer, dans le même esprit, que les catégories de personnel concernées par les dispositions de l'article L. 954-2 relatives aux possibles compléments de rémunération des personnels sont bien celles sur lesquelles la direction de l'université - président ou conseil d'administration - exerce un contrôle pour ce qui concerne la définition des missions et la répartition du temps.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mes chers collègues, les articles 15 et 16 constituent vraiment le coeur du dispositif. Pourtant, ils n'ont rien de nouveau.
Ayant été impliqué dans cette discussion par le passé, j'ai en mémoire qu'un tel dispositif était déjà au coeur de la loi Devaquet, qui a connu le sort que vous savez, puis il a figuré dans la loi Fillon de 1993 et a été retoqué par le Conseil d'État, puis il a été introduit dans le projet de loi Ferry, qui n'a pas eu le temps d'arriver jusqu'au Parlement pour les raisons que vous connaissez.
M. Jean-Luc Mélenchon. Madame la ministre, je vous donne acte de votre obstination, et vous agissez en plus de manière très talentueuse. Mais vous reprenez une cause perdue depuis 1993.
À la faveur du mois de juillet et des circonstances politiques particulières que nous vivons - vous avez gagné l'élection présidentielle et les élections législatives -, vous y revenez avec un projet politique. Je ne vous fais donc pas le reproche d'être incohérents. Je vous trouve plutôt aussi obstinés que moi. (Sourires.)
M. Dominique Braye. C'est impossible !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faut croire que notre engagement est mutuel. Certes, nous ne sommes pas d'accord, mais c'est ainsi que fonctionne la démocratie, et c'est tant mieux ! À la fin, les citoyens, éclairés par les points de vue de chacun, trancheront.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Luc Mélenchon. Pour ma part, je suis contre ce projet. Et si je considère que ces articles en sont le coeur, c'est parce qu'ils nouent la question de la compétition entre les établissements universitaires.
Votre texte de loi s'intitule « Liberté des universités ». Pour cela, soit les universités ont la « liberté », à partir d'une enveloppe globale, d'organiser la rémunération de leur personnel et l'affection des autres dépenses, soit elles ne l'ont pas.
Partant de là, vous pouvez céder sur tout le reste. Vous pouvez lâcher face à de nombreux d'interlocuteurs et, parfois même avec habileté, agiter des chiffons rouges...
M. Gérard Longuet. Ça vous change !
M. Jean-Luc Mélenchon. ...que vous ferez ensuite disparaître avec bonne grâce et sourire, ce dont vous êtes parfaitement capable. Voilà comment tout le reste devient ensuite plus suave à avaler. Mais pas pour les plus avertis !
Pour toutes ces raisons, les réponses que vous ferez aux amendements que présentent mes collègues, notamment ceux qui sont les mieux informés des problèmes que connaissent aujourd'hui les universités, seront d'une extrême importance. Il va vous falloir en expliquer la philosophie sans en cacher les mobiles.
À gauche, nombreux sont ceux qui pensent que, quoi qu'on en dise, les mesures de votre projet de loi organisent le marché de l'enseignement supérieur et la compétition des établissements universitaires.
D'autres pensent que, s'il est établi que vous avez gagné les élections, il faut vous empêcher d'aller trop loin et éviter que votre dispositif ne fracasse tout le système. Ils vous demandent donc des garanties en verrouillant le dispositif sur ce point décisif de la liberté des universités. Dans ces conditions, je vous le concède, il ne s'agira plus tout à fait de liberté. Ce sera alors autre chose, le contraire de ce que vous voulez.
Si une règle qui s'impose à tous et qui maintient un cadre commun n'est pas mise en place comme le prévoient ces amendements, par déclinaison, on remet en cause les statuts et l'universalité de l'institution universitaire sur le territoire. Par conséquent, c'est maintenant que notre discussion va se jouer.
Cela étant, je ne veux pas parler au nom de ceux qui ont la responsabilité d'exprimer la position officielle du groupe socialiste. Personnellement, je suis certain que vous ne devez pas adopter ces dispositions en l'état, mes chers collègues. Vous aurez certes accompli une révolution, mais elle aboutira à ce que la concurrence tue l'innovation, encourage tout le monde au conformisme, concentre la richesse sur quelques-uns et organise un mercato des enseignants. Tout cela sonnera la fin de l'université française telle que nous la connaissons,...
M. Henri Revol. Oh !
M. Jean-Luc Mélenchon. ...à savoir une université de masse et d'excellence !
M. Dominique Braye. C'est le Grand soir !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je voudrais répondre à M. Adnot, qui a posé toutes les bonnes questions sur les articles 15 et 16.
S'agissant de l'article 15, vous m'avez demandé, monsieur le rapporteur pour avis, si les universités devenues autonomes rémunéreront directement les personnels aujourd'hui rémunérés par l'État. La réponse est non ! L'État continuera à les payer. Cela implique que les universités seront liées en ce qui concerne ces personnels, et seulement en ce qui concerne ces personnels, par le plafond d'emplois de l'État et la masse salariale afférente.
Ces mêmes universités seront-elles libres d'affecter comme elles l'entendent les autres crédits dont elles disposent, qu'il s'agisse des crédits de fonctionnement, des crédits d'investissement ou des éventuelles économies qu'elles pourraient réaliser sur les crédits relevant du plafond d'emplois ? La réponse est bien évidemment oui : elles en disposeront librement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme dans les écoles privées !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme l'a très bien dit le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, il faut que tous les établissements soient intéressés aux économies qu'ils réalisent. Pour cela, il faut leur en laisser le bénéfice.
Concernant l'article 16, vous m'avez demandé s'il s'agissait de permettre au conseil d'administration d'organiser au sein de l'établissement dont il a la charge une modulation de la répartition des obligations de service des enseignants-chercheurs. La réponse est oui !
Vous m'avez également demandé si le président d'une université devenue autonome serait responsable de l'attribution des primes aux personnels qui sont affectés à l'établissement et si le conseil d'administration pourra créer des dispositifs d'intéressement permettant d'améliorer la rémunération des personnels. La réponse est également oui !
En outre, vous m'avez demandé si les universités pourraient s'affranchir partiellement de la grille de rémunération de la fonction publique pour récompenser les personnels méritants et ainsi attirer ou retenir les meilleurs talents que pourraient attirer certaines universités étrangères. La réponse, là aussi, est oui ! L'idée est en effet d'accorder davantage de primes en fonction du mérite, conformément au programme présidentiel de M. Sarkozy.
Enfin, vous m'avez demandé le champ d'application retenu pour les articles L. 954-1 et L. 954-2 du code de l'éducation.
L'article L. 954-1, qui a trait à la modulation des obligations de service, ne vise que les enseignants-chercheurs et non toutes les catégories de personnels. Il s'agit en effet de répondre aux questions qui se posent au Gouvernement depuis de nombreuses années : peut-on permettre aux jeunes chercheurs de se consacrer davantage à la recherche et moins à l'enseignement ? Peut-on permettre à des chercheurs plus chevronnés, dont les travaux ont déjà abouti, de passer plus de temps à enseigner qu'à leurs travaux de recherche ? Peut-on permettre à des professeurs expérimentés d'exercer davantage de tâches d'administration ou de soutien pédagogique aux étudiants - puisque nous voulons mettre en place un accompagnement généralisé des étudiants en première année - et d'être récompensés pour cet investissement ? Or tout cela n'est pas pris en compte dans les obligations de service.
Nous avons pu constater dans les années passées à quel point il était difficile de moduler les obligations de service sur le plan national. À cet échelon, nous sommes en effet incapables de mener une évaluation individuelle des personnels. Tout l'objet de l'autonomie est donc de permettre une gestion individualisée des ressources humaines, en l'occurrence des enseignants-chercheurs, par l'université.
En revanche, le dispositif d'intéressement concernera bien toutes les catégories de personnel affectées à l'université. Il s'agit en effet d'améliorer le dispositif afin de permettre à ceux qui travaillent davantage d'être mieux rémunérés.
Je me suis rendue récemment à l'université de Créteil afin de voir comment avaient été mis en place les dispositifs d'orientation active. Je tiens à préciser que ce système fonctionne entièrement sous la forme du bénévolat grâce à des équipes pédagogiques et à des directeurs d'UFR volontaires. Je dois avouer qu'ils sont d'un dévouement extrême, car ils ont accepté de prendre en charge ce dispositif à charge de travail constante et sans aucune récompense de la part de l'université ou de l'État.
Mme la présidente. L'amendement n° 169, présenté par M. Renar, Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 712-9 du code de l'éducation, après les mots :
des années du contrat,
supprimer les mots :
et sous réserve des crédits inscrits en loi de finances.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Par cet amendement, nous entendons affirmer le caractère opposable du contrat pluriannuel d'établissement.
Un sénateur de l'UMP. L'opposabilité, c'est à la mode !
M. Ivan Renar. En effet, il s'agit de donner la garantie aux universités que l'État honorera ses engagements et que le non-respect du contrat signé entre les deux parties pourra donner lieu à une contestation devant les tribunaux.
Alors que les universités s'efforcent d'assumer leurs missions bon gré mal gré, alors qu'elles s'attachent à parvenir aux objectifs fixés par l'État, elles doivent régulièrement faire face aux gels et aux annulations de crédits. Pis, les moyens inscrits de manière prévisionnelle dans les contrats pluriannuels sont quasi systématiquement revus à la baisse ou remis en cause. Le respect du contrat est ainsi bien trop souvent unilatéral.
Le projet de loi est d'autant moins rassurant sur ce point précis qu'il prévoit déjà que l'effectivité du contrat liant l'État et l'université sera conditionnée à l'inscription des crédits en loi de finances. Autant dire que l'on annonce aux universités qu'il leur faudra naviguer à vue et que leur financement sera fixé au fil de l'eau !
Comment pourront-elles construire des politiques à moyen terme quand on leur annonce d'emblée que leurs moyens ne sont pas assurés pour plus d'un an ?
En rendant opposable le contrat pluriannuel d'établissement, nous souhaitons au minimum obliger l'État à assurer une reconduction des postes statutaires et des crédits en euros constants.
Par ailleurs, l'opposabilité de ce contrat renforcera la valeur des engagements pris par chacune des deux parties et garantira un cadre national à la mise en oeuvre de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, chaque université étant assurée d'obtenir les moyens financiers et humains lui permettant d'assumer les missions qui lui ont été confiées.
Mes chers collègues, sensibles à nos arguments, je ne doute pas que vous voterez en faveur de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je ne sais pas si mon collègue sera saisi par l'esprit fécond du doute... (Sourires.) Nous sommes soumis à la règle de l'annualité budgétaire, même si, naturellement, en tant qu'élu local, je souhaite que l'État respecte ses engagements.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. L'avis du Gouvernement est défavorable.
Comme l'a très bien souligné M. le rapporteur, les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ont posé le principe de l'annualité budgétaire qui s'oppose au maintien de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Je regrette, madame la ministre, mais l'opposabilité et l'annualité sont des concepts différents. Vous ne répondez donc pas à la question.
C'est un problème qui est bien plus grave que l'annualité budgétaire : il s'agit de l'opposabilité ; souvenez-vous, madame la ministre, nous en avons longuement discuté au sujet du logement.
Ne donnez donc au Sénat pas des raisons de saisir le Conseil constitutionnel !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je ne voulais pas intervenir, mais l'argumentation de M. Renar est à double effet : soit il veut mettre en place un système juridique pour que les universités puissent être sûres que les crédits seront affectés, et à ce moment-là il faut une loi de programmation pluriannuelle, soit il veut que, indépendamment des crédits budgétaires de l'année, les universités disposent de crédits supplémentaires, et c'est malheureusement justiciable de l'article 40 de la Constitution.
En conséquence, les arguments de M. Renar ne sont pas recevables. (M. Ivan Renar proteste.)
M. Jack Ralite. Je croyais que Sarkozy avait dit : de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace ! Eh bien ! il n'y en a pas beaucoup !
Mme la présidente. L'amendement n° 137 rectifié ter, présenté par MM. Todeschini et Assouline, Mme Blandin, MM. Bodin, Dauge, Lagauche, Mélenchon, Raoul, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L 712-9 du code de l'éducation par la phrase :
Un décret en Conseil d'État fixe le pourcentage maximum de la masse salariale que l'établissement peut consacrer au recrutement d'enseignants-chercheurs contractuels.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Comme l'a dit mon ami Jean-Luc Mélenchon tout à l'heure, avec l'examen des articles 15 et 16, nous entrons dans le vif du sujet.
Je vous avais annoncé hier, lors de mon intervention liminaire, que nous serions très vigilants sur le statut des enseignants-chercheurs et sur celui des personnels.
J'ai rectifié mon amendement afin de le rendre acceptable, mais j'ai l'impression que ce ne sera pas le cas.
Nous risquons fort d'avoir, à la suite de l'examen des articles 15 et 16, un texte qui, finalement, ne rassemblera pas le pays sur la transformation des universités.
Comme mes camarades socialistes, je suis très inquiet des procédures de recrutement prévues par le projet de loi.
Certes, madame la ministre, vous avez tenté, hier, de nous rassurer en vous abritant derrière l'avis du Conseil d'État, instance juridique incontestée, qui a validé le projet de loi que vous nous soumettez.
Je ne peux m'empêcher de vous redire nos craintes, car les nouvelles procédures de recrutement instituées par le projet de loi portent atteinte au principe de recrutement par concours, au principe de collégialité et au principe constitutionnel d'indépendance des professeurs d'université.
Je reviendrai plus tard sur les comités de sélection dont les membres sont non pas élus par les enseignants-chercheurs, mais cooptés par le conseil d'administration.
Je n'évoquerai pas longuement le droit de veto du président, qui permet de confier à une seule personne un pouvoir d'opposition qu'assume actuellement un organe collégial, le conseil d'administration.
Enfin - et j'en arrive au point qui me préoccupe et que je cherche à modifier par cet amendement - le projet de loi permet au président de recruter des professeurs, des maîtres de conférences contractuels, le cas échéant contre l'avis du comité de sélection.
L'ensemble des dispositions que je viens d'évoquer, et plus particulièrement la dernière, remet en cause le statut des enseignants-chercheurs. Ces mesures mettent des entraves à leur mobilité et à leurs possibilités d'évolution, et elles ne favorisent pas le recrutement des meilleurs.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce n'est pas vrai, c'est l'inverse !
M. Jean-Marc Todeschini. Aussi, notre amendement tend à poser un garde-fou au système proposé par le projet de loi en prévoyant qu'un décret en Conseil d'État fixera le pourcentage maximum de la masse salariale que l'université pourra consacrer au recrutement d'enseignants-chercheurs contractuels.
Il est à nos yeux essentiel de limiter la possibilité pour les présidents d'université de recruter des enseignants-chercheurs par voie contractuelle, afin d'éviter que ces emplois contractuels ne se substituent aux emplois statutaires.
Le sort qui sera réservé à cet amendement constitue donc une question primordiale pour les sénateurs du groupe socialiste.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je ne suis pas totalement insensible à un certain nombre d'arguments qui ont été évoqués. En effet, le projet de loi ne doit pas être source d'inquiétude s'agissant d'une déstabilisation de la gestion des effectifs et de l'évolution des statuts.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, il l'est !
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. C'est pourquoi, à la suite des conversations que nous avons pu avoir les uns avec les autres, je dépose un sous-amendement à l'amendement n° 137 rectifié ter : je propose de remplacer les mots : « Un décret en Conseil d'État » par les mots : « Le contrat pluriannuel d'établissement ».
Sous réserve de cette modification, je suis favorable à l'amendement de M. Todeschini.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 217, présenté par M. J.L. Dupont, au nom de la commission des affaires culturelles, et ainsi libellé :
Au début de l'amendement n° 137 rectifié ter, remplacer les mots :
Un décret en Conseil d'État
par les mots :
Le contrat pluriannuel d'établissement
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement modifié par le sous-amendement de M. le rapporteur.
En effet, comme vous tous, je suis sensible à l'inquiétude que peuvent éprouver, à la lecture du projet de loi, les enseignants-chercheurs.
Aucune dérive n'est pour nous envisageable. Il s'agit aujourd'hui, et les intentions du Gouvernement à cet égard sont très claires, de donner une marge de souplesse aux universités de façon qu'elles puissent recruter des enseignants-chercheurs étrangers ainsi que des enseignants-chercheurs français partis à l'étranger.
En effet, passé trente-cinq ans, ces derniers ne peuvent plus revenir dans une université française, car à cet âge on ne repasse pas des concours de la fonction publique, et ce d'autant moins qu'on ne veut pas recommencer à travailler au bas de l'échelle.
L'idée est de pouvoir, avec ce type de contrats, recruter les meilleurs, notamment à l'étranger.
Mme Bréchignac, directrice du CNRS, me disait que 25 % des nouveaux recrutés du CNRS sont étrangers. Ce qu'ils souhaitent, c'est de l'emploi pérenne. Mais en quoi sont-ils concernés par le statut de la fonction publique ? Ils n'ont pas vocation à faire leur carrière en France. Ce qu'ils veulent, c'est un emploi à durée indéterminée sous contrat.
Le CNRS leur offre le statut de la fonction publique quand ils passent le concours. Ils en sont certainement très contents.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a beaucoup de contractuels au CNRS !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais, en réalité, ils ne se conçoivent pas comme des fonctionnaires puisqu'ils sont étrangers. Ce sont ces « pépites » que nous allons arracher sur le marché mondial de l'intelligence.
Bien entendu, l'université ne consacrera à leur recrutement qu'une part minime de sa masse salariale globale.
Je rappelle au groupe socialiste qui s'en inquiétait que le Conseil d'État, instance juridique de référence pour le groupe socialiste, a validé ce projet de loi dans sa rédaction actuelle.
Néanmoins, comme je suis consciente des inquiétudes que le texte suscite ou des risques éventuels de dérives, et comme l'État est le garant du processus, il faut que le contrat pluriannuel, qui est l'outil de dialogue et de pilotage par l'État de la politique universitaire, prévoie un pourcentage maximum de la masse salariale globalisée qui pourrait être consacré à ces emplois contractuels d'enseignants-chercheurs.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Car tout sera fonction du projet d'établissement de l'université.
S'il s'agit d'une université extrêmement internationalisée, qui veut disposer d'un énorme laboratoire de recherche international, elle aura un projet d'établissement qui lui permettra de demander davantage. En revanche, une université qui n'a pas ce type de projet n'aura pas vocation à recruter une masse d'enseignants-chercheurs contractuels.
Tout cela est du sur-mesure, mais l'État est garant que les statuts des enseignants-chercheurs ne seront pas mis à mal par ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Je comprends que la commission dépose un tel sous-amendement puisqu'elle était favorable à l'amendement n° 137 rectifié bis. C'est bien la preuve que vous êtes inquiet, monsieur le rapporteur, et vous aussi, madame la ministre, sur ce qui se passe.
M. Jean-Marc Todeschini. Accepter l'amendement qui vise à limiter cette masse salariale est une démarche intéressante. Nous vous demandons de faire un pas supplémentaire pour traiter tout le monde sur le même pied d'égalité et pour ne pas en arriver à l'expérimentation université par université.
Vous ratez vraiment une occasion importante d'aboutir à un consensus sur l'article 15 et sur l'article 16 ; je ne me prononcerai pas par avance sur un consensus sur le projet de loi.
Vous modifiez l'amendement afin d'en revenir à la disposition que nous proposions initialement. Je ne comprends pas pourquoi, d'autant que le texte de l'amendement n° 137 rectifié ter ne prévoit pas le taux de la masse salariale. Il laisse au Conseil d'État le soin de le fixer, en concertation avec les présidents d'université et les acteurs de l'université.
Nous savions très bien qu'en fixant, par exemple, ce taux à 20 %, les universités qui ont les moyens auraient consacré la totalité de la masse salariale autorisée à ces emplois pour avoir plus de flexibilité, plus de chance de recruter ce que j'appelle des enseignants-chercheurs de luxe ou dans l'urgence.
Pourquoi vous obstinez-vous à refuser un décret en Conseil d'État ? Qu'est-ce qui vous gêne !
Nous ne voulons pas du tout ficeler les universités ! Tout simplement, dans le cadre du taux fixé, les universités qui le pourraient utiliseraient le maximum de ce taux et les autres le minimum. Je ne comprends pas pourquoi vous refusez la main qui vous est tendue.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je suis très surpris de la réticence de Mme la ministre à accepter ce décret en Conseil d'État puisqu'elle serait la plume qui le rédigerait. Elle aurait donc toute latitude !
Pour avoir exercé quelques responsabilités, je demande à mes collègues, y compris mes collègues socialistes, d'arrêter les hypocrisies !
Je me souviens d'être allé quémander des financements pour accueillir un chercheur étranger à la chambre de commerce et d'industrie, la CCI. Cette personne est devenue fonctionnaire de la CCI parce que je ne disposais pas d'autres moyens pour financer son emploi en raison des règles actuelles.
Je ne comprends vraiment pas pourquoi ces dispositions font l'objet d'un tel blocage. Je voterai donc en leur faveur.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Nous sommes en train de définir la nouvelle gouvernance de l'université, qui est fondée sur la liberté de gestion au travers des dispositifs que nous mettons en place.
Il y aura un budget global, à l'intérieur duquel une masse financière permettra de payer ceux qui travaillent dans l'université. Nous venons d'établir, sur l'initiative du groupe socialiste - ce qui m'avait paru tout à fait convenable -, qu'une proportion de la part réservée au paiement des salariés serait destinée à rémunérer des contractuels. Il ne s'agit pas d'autre chose !
Alors, pourquoi se lier par un décret en Conseil d'État, qui constituerait un cadre rigide, destiné à toutes les universités ? C'est là où le paradoxe socialiste se développe.
Chaque université gèrera sa gouvernance...
M. Alain Gournac. C'est ce que nous voulons !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. ... et, dans ces conditions, il faut laisser aux universités le maximum de liberté.
Ce qui est proposé par le rapporteur va tout à fait dans le sens, chers collègues, de ce que vous souhaitez.
Le contrat pluriannuel fixe le pourcentage maximal de la masse salariale que les établissements peuvent consacrer au recrutement d'enseignants-chercheurs contractuels.
J'irai même plus loin.
Lors d'une conversation privée, ou même peut-être devant la commission, j'ai posé la question de savoir si la part réservée aux contractuels serait suffisante.
Supposons qu'un lauréat du prix Nobel vienne à passer et qu'une université ait envie de le salarier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. Ivan Renar. Et qu'il demande sa route ? (Sourires.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous avez quelque chose contre les prix Nobel ? Vous savez, il y a des prix Nobel dans toutes les disciplines et il est intéressant en France de les associer à nos perspectives et au fonctionnement de nos universités.
Il me paraît nécessaire de maintenir une souplesse dans la gestion de la masse salariale. Mme le ministre m'a répondu que, dès l'instant qu'il y avait une urgence et une possibilité supplémentaire, il était possible, par un amendement au contrat quadriennal, de débloquer le système, et ce d'une façon qui associera le président de l'université et le ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Vraiment, c'est la liberté ! Cette nouvelle gouvernance correspond exactement au degré de liberté que nous souhaitons donner à l'université.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je voudrais redire au groupe socialiste pourquoi le décret en Conseil d'État ne me paraît pas la bonne solution et pourquoi le contrat pluriannuel me semble, à l'inverse, opportun. J'avais d'ailleurs cru comprendre que le groupe socialiste y était favorable. Je constate qu'il a changé d'avis. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Le décret en Conseil d'État ne me paraît pas la bonne solution pour trois raisons.
D'abord, c'est une précaution inutile. Le Conseil d'État a en effet considéré que toutes les dispositions de ce texte étaient constitutionnelles, qu'elles respectaient le principe constitutionnel de l'indépendance des professeurs et les règles fondamentales du statut de la fonction publique. Il a jugé que ce texte était conforme à toutes les règles qui régissent le statut des enseignants-chercheurs. Par conséquent, avoir recours au Conseil d'État en ce domaine est, je le répète, une précaution inutile.
Ensuite, un décret en Conseil d'État occasionnerait des délais, car les dispositions ne seraient pas d'application immédiate.
M. Jean-Marc Todeschini. Quinze jours, si vous le voulez !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non ! Permettez au maître des requêtes au Conseil d'État que je suis de vous dire que rendre le texte applicable en moins de six mois est vraiment très difficile, parce qu'il y a de l'interministérialité, des avis à donner, etc.
M. David Assouline. Réformez l'État !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Certaines universités veulent l'autonomie immédiatement. Je ne crois donc pas qu'il faille créer une source de délais supplémentaires.
Enfin, et c'est la raison principale, ce décret serait source d'absolues rigidités.
Nous voulons l'autonomie des universités parce que nous nous sommes rendu compte que, pour rétablir l'égalité réelle entre les universités qui, aujourd'hui, sont dans une situation d'extrême inégalité, il fallait partir de la réalité, c'est-à-dire de quatre-vingt-cinq situations universitaires différentes.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Prenons, par exemple, le cas de Strasbourg. Strasbourg veut créer un grand pôle de recherche et d'enseignement supérieur transfrontières. C'est un extraordinaire projet. Mais, là encore, le statut de la fonction publique est-il la réponse adaptée au recrutement des enseignants-chercheurs à Strasbourg dès lors qu'un tiers d'entre eux viendront peut-être de l'autre côté de la frontière ? Je n'en suis pas certaine.
Laissons à chaque université la possibilité, dans un monde en mouvement, dans un monde de création, d'initiatives, de définir son propre projet, mais en prévoyant des garde-fous.
À cet égard, j'ai été totalement convaincue, monsieur Todeschini, parce que l'État instaure, dans ce texte, une série de garde-fous : les diplômes nationaux, le contrôle de la carte des formations, le contrôle des frais d'inscription, le contrôle de l'égalité, l'évaluation des formations, des universités.
Tout cela, c'est l'État garant, l'État partenaire ; c'est l'État qui pilote cette réforme et qui doit s'assurer que les enseignants statutaires ne sont pas remplacés par des enseignants contractuels, ce qui est tout à fait étranger à l'objet de ce projet de loi.
Comme je vous l'ai dit hier, je ne suis pas persuadée que les meilleurs enseignants et les meilleurs élèves se rencontrent nécessairement dans l'enseignement supérieur français. Croyez-vous vraiment que je veuille remettre en cause l'excellence de notre corps universitaire ? J'ai totalement conscience que c'est à l'université que se trouvent les meilleurs professeurs, mais, aujourd'hui, je ne suis pas certaine que les meilleurs élèves, en tout cas en licence, y soient toujours. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Comme plusieurs de mes amis l'ont souligné, nous sommes au coeur du sujet, notamment des avancées consenties par les uns et les autres.
De grands débats ont eu lieu sur l'autonomie. Lors de la discussion générale, j'ai expliqué pourquoi nous étions favorables à l'autonomie et rappelé les pas que la gauche était prête à faire, prenant en compte l'évolution du monde, les besoins de réactivité, d'initiative, de responsabilité de l'université. Tout cela a toujours été bloqué, car, quand la droite nous parlait d'autonomie, elle sous-entendait une libéralisation importante, qui remettait en cause la conception que nous avons de l'université.
Il fallait que les uns et les autres fassent des pas. Vous en avez fait. Contrairement à ce qu'a dit M. Mélenchon, en 1986, nous n'étions pas opposés à l'autonomie, nous étions contre la liberté des droits d'inscription, la fin des diplômes nationaux et la sélection. Tel était le coeur de la réforme. Donc, nous n'avions pas dit non à l'autonomie à ce moment-là. Nous avions dit non à cela.
M. David Assouline. Dans ce projet de loi, qui n'est pas celui que nous aurions fait, nous aurions mis plus de démocratie, tout en renforçant les pouvoirs du président. (M. Alain Gournac s'exclame.)
Vous avez mal écouté nos propos et vous n'avez pas compris quelles étaient nos convictions profondes !
M. Alain Gournac. Non, vous n'avez jamais dit cela !
M. David Assouline. À toujours penser que, dans cet hémicycle, il y a des arrière-pensées ou du cynisme, on peine à s'entendre et l'on n'avance pas ensemble. Essayez de prendre pour argent comptant ce que je vous dis parce qu'il s'agit d'une conviction !
Nous ne voulons pas empêcher les avancées qui, notamment dans ce texte, permettent d'être réactif, de mettre un terme à des situations ubuesques. Mais nous refusons absolument que cela s'accompagne d'une déréglementation complète, même si, bien entendu, la majorité des présidents d'université ne sera pas tentée de la mettre en oeuvre. Mais à partir du moment où le cadre le permettra, je peux vous assurer que la concurrence entre les universités, déjà très visible avec l'étranger, frappera la France elle-même. Déjà, les universités s'arrachent les meilleurs. Par conséquent, si nous n'encadrons pas davantage le dispositif, nous n'avancerons pas ensemble sur ce sujet.
Les personnels sont les plus inquiets par cet aspect des choses. Pensez-vous que les enseignants-chercheurs de ce pays s'inquiètent pour rien, qu'ils sont sous-cultivés, sous-informés ? Croyez-vous qu'ils ne veulent pas que les universités soient dynamiques, alors que ce sont eux qui se plaignent le plus des dysfonctionnements ?
Vous avez évolué sur la question de la masse salariale, mais vous savez comment vont les choses. Vous avez même cité un exemple qui fait froid dans le dos : si un prix Nobel se présente et que la masse salariale n'est pas suffisante, alors on amendera, dites-vous, le contrat quadriennal !
Aujourd'hui, nous sommes d'accord pour avancer avec vous, pour qu'une partie de la masse salariale soit consacrée à l'embauche de personnels contractuels ; par décret en Conseil d'État, vous pourrez déterminer le pourcentage important qui vous permettra cela ; c'est un cadre. Mais si vous me dites que le recrutement d'un prix Nobel va dépasser ces plafonds, eh bien, on ne le prend pas ! Les meilleurs clubs de football, qui sont dans le mercato, n'achètent pas le plus grand joueur de football du monde, même si celui-ci est libre, s'ils n'ont pas l'argent dans les caisses et, surtout, si cela doit détruire leur centre de formation !
Donc, cessez d'aller au-delà du libéralisme qui prévaut dans le football ! Le système doit au contraire être encadré pour éviter que des universités, de façon contractuelle, puissent recruter trois prix Nobel, car, alors, il restera très peu d'argent dans la masse salariale pour les autres professeurs.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mais non !
M. David Assouline. Les chercheurs qui sont sous statut préfèreront être embauchés comme vacataires parce qu'ils seront ainsi assurés de gagner plus. Dès lors, quand tout le monde fuira le statut, parce que c'est un nivellement par le bas, et qu'afin d'obtenir des rémunérations plus importantes il faudra être hors statut, il n'y aura plus de statut d'enseignant-chercheur.
Nous n'inventons pas d'histoires. De telles évolutions peuvent se produire. C'est pourquoi il est nécessaire d'encadrer le système. Il s'agit d'une avancée importante, qui doit nous permettre ensemble, grâce à ce projet de loi, d'assumer un certain nombre de choses, au sein de l'université autonome.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Je suis étonné de cette discussion, car les procédures pour faire ce que l'on envisage existent déjà : elles ont notamment été créées à l'occasion de la loi de programme pour la recherche.
Il est ainsi possible de mettre en place des PRES. Les universités peuvent également créer des fondations ou utiliser des fondations existantes. La plupart des grandes écoles utilisent l'équivalent de fondations depuis vingt ans, et les universités, y compris l'école des Mines, que je connais bien, utilisent les procédures de fondations et d'associations de la loi de 1901 depuis des décennies.
Tout cela aurait pu, évidemment, donner lieu à certaines dérives. Il n'y en a pas eu !
Dans certains cas, il m'est arrivé de faire venir d'excellents spécialistes mondiaux dans le domaine de l'informatique ou de la robotique. Nous les avons payés cher pendant les quelques trimestres où ils ont enseigné, mais cela nous a permis de développer des équipes de recherches, qui ont très rapidement dépassé les autres équipes françaises.
Donc, cela fonctionne et l'usage de structures telles que les fondations est efficace. Vous avez les outils qui permettent le progrès. Certaines universités les utilisent, mais toutes les universités ont maintenant la possibilité systématique de le faire. Ce sont les plus petites qui en tireront le plus de profit...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !
M. Pierre Laffitte. ... parce qu'il suffit d'un ou deux spécialistes connus. Cela ne coûte pas très cher et permet de développer des thématiques d'enseignement et de recherche de pointe attractives. Les sommes en jeu sont beaucoup moins importantes que celles qui sont habituellement manipulées par les universités françaises, même si leur niveau de financement est modeste, comparé à celui des grandes universités d'autres pays.
Si l'on n'utilise pas le milliard d'euros supplémentaire qui nous est annoncé à renforcer les zones d'excellence, nous aurons perdu notre temps. Cela me paraît fondamental !
Bien entendu, il faut encadrer le dispositif. Mais celui-ci s'autorégule instantanément, même à HEC !
M. Jean-Pierre Raffarin. Ou à Sup de Co ! (Sourires.)
M. Pierre Laffitte. Sup de Co et HEC ne sont liés par aucun système bureaucratisé, mais cela se régule dans des conditions qui sont conformes à la compétition, sinon internationale, du moins européenne. Il est selon moi indispensable d'avoir un champ de liberté et d'initiative.
Nous sommes au coeur d'un sujet fondamental. Il serait dommage que les universités ne fassent pas usage de leurs libertés en matière de financement et de « captation » de prix Nobel qui passent, qui ne sont d'ailleurs pas si nombreux ! J'ajouterai que les grands scientifiques ne recherchent pas des salaires de footballeurs, loin de là !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai bien entendu les arguments de M. Laffitte sur l'article 15. Mais, je vous le rappelle, les fondations, c'est de l'argent privé. C'est une impulsion privée pour les recrutements ou les attributions de primes, même si cela peut être complété par de l'argent public, notamment en provenance de Bercy.
En l'occurrence, et M. le président de la commission des affaires culturelles l'a fort bien expliqué, nous parlons d'une masse d'argent public dans laquelle l'université puise pour la gestion de ses ressources humaines et au sein de laquelle des marges de manoeuvre peuvent être dégagées pour le recrutement de contractuels, et ce selon les opportunités.
Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, la clarté de votre propos renforce mon soutien à la proposition d'instituer un décret en Conseil d'État fixant le plafond de la masse salariale consacrée au recrutement d'enseignants-chercheurs contractuels. Cette formule me semble préférable à la mise en place d'un contrat pluriannuel dans lequel chaque université pourrait fixer ce plafond à sa guise, en toute liberté.
Mme Marie-Christine Blandin. Une telle solution eût été acceptable autrefois, lorsque les CEVU et les conseils scientifiques participaient à l'élection du président d'université, lorsque la composition du conseil d'administration était moins érodée pour les étudiants et moins favorable aux chefs d'entreprise et lorsque le président élu devait être un enseignant-chercheur.
Mais je voudrais que nous considérions le portrait-type de ce qui risque de se produire. Prenons un président d'université venant de l'extérieur, par exemple un chef d'entreprise, quand bien même celui-ci aurait déjà enseigné. Imaginons que sa démarche soit extrêmement libérale. Ainsi, ce président, qui ne serait jugulé par aucun étudiant présent et qui n'aurait recueilli ni l'avis du CEVU ni celui du conseil scientifique, pourrait agir comme bon lui semble. Dans ces conditions, il pourrait très bien fixer le plafond de la masse salariale consacrée au recrutement d'enseignants-chercheurs contractuels à 70 % ! Cela, nous ne pouvons pas l'accepter !
M. David Assouline. Exactement !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Eh bien tant pis !
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Pour ma part, je comprends très bien le souci que des emplois contractuels ne se substituent pas à des emplois statutaires.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce souci, nous le partageons !
M. Ivan Renar. Certes, mais l'on m'a objecté tout à l'heure que les contrats étaient nécessairement annuels, toute démarche pluriannuelle étant interdite. Il y a donc là une première contradiction.
Mais, surtout, nous vivons actuellement, me semble-t-il, un moment étonnant. Cette situation me rappelle un célèbre tableau de Lucas Cranach intitulé Adam et Ève. Les deux personnages, qui sont dans la tenue que vous imaginez (Sourires), tiennent une pomme dans la main, tandis que le serpent est enroulé autour d'un arbre voisin. Je dois le dire, j'ai du mal à comprendre.
Cela étant, au-delà de l'allégorie et du symbole, je souhaite poser une question : les heures supplémentaires, défiscalisées ou pas, sont-elles comptées dans la masse salariale ?
M. Ivan Renar. Bien, j'en prends note !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous avez votre réponse, mon cher collègue !
M. Ivan Renar. Peut-être, mais, comme le dit l'adage, « la preuve du pudding, c'est qu'on le mange ». (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Le dispositif que le sous-amendement n° 217 tend à instituer constituerait un léger progrès. Cela étant, madame la ministre, nous avons tous évolué. D'ailleurs, j'ai accepté de modifier l'amendement n° 137 rectifié bis pour en faire l'amendement n° 137 rectifié ter.
Pour ma part, j'ai participé à des discussions pour améliorer le projet de loi. Au sein de la commission des affaires culturelles, nous avons travaillé dans un climat de confiance avec M. le président et M. le rapporteur.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est vrai !
M. Jean-Marc Todeschini. En effet, nous avons de bonnes relations et, jusqu'à présent, le débat s'est déroulé de manière très cordiale. Il n'y a aucune raison pour que cela change.
La nuit dernière, nous avons travaillé avec M. le rapporteur pour que certains de nos amendements soient adoptés et que nous puissions obtenir satisfaction.
Ainsi, d'après ce que j'ai compris, la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 158 rectifié, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 32. Il y a donc bien une évolution de sa part. En revanche, je doute que le Gouvernement soutienne la rédaction proposée.
M. Jean-Marc Todeschini. Par conséquent, tout le monde évolue ! C'est la discussion, l'échange sur les amendements qui permettent aux positions des uns et des autres de progresser.
Pour autant, je ne voterai pas le sous-amendement n° 217, car il dénature mon amendement n° 137 rectifié ter. Cependant, je reconnais qu'il constitue une avancée, puisqu'il vise à instituer des limites au recrutement d'enseignants-chercheurs contractuels dans le cadre d'une discussion d'un projet d'établissement au sein de l'université.
Mais, vous l'avez bien compris, cela ne nous suffit pas. À cet égard, les brillantes explications de Mme Blandin ont achevé de me convaincre, pour le cas où j'aurais encore eu des doutes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 137 rectifié ter, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Delfau, Pelletier, Seillier, Mouly, Alfonsi et A. Boyer est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 712-9 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme de chacun des contrats pluriannuels d'établissement conclus par l'université avec l'État, une évaluation approfondie a posteriori, extérieure à l'université, est conduite par l'État dans des conditions fixées par décret. Les résultats de cette évaluation sont utilisés pour déterminer le contenu et le montant global de la dotation de l'État du prochain contrat. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Le dispositif que cet amendement vise à instituer préfigure les opérations qui me paraissent fondamentales en matière d'évaluation.
Les systèmes d'évaluation sont déjà nombreux. La plupart sont excellents, mais ils ne sont suivis d'aucun effet. Or dès lors qu'il y a de nouvelles libertés, il faut de nouvelles responsabilités.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par une disposition que nous avons introduite dans le code de l'éducation lors de l'adoption de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006.
Je vous suggère donc de le retirer, mon cher collègue.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Laffitte, l'amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié est retiré.
L'amendement n° 59 rectifié, présenté par M. J-L. Dupont, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 712-9 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« Il met en place un outil de contrôle de gestion et d'aide à la décision, de nature à lui permettre d'assumer l'ensemble de ses missions, compétences et responsabilités ainsi que d'assurer le suivi du contrat pluriannuel d'établissement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Madame la ministre, comme j'ai accepté avec gentillesse de décaler cet amendement, je compte véritablement sur vous pour le rendre opérationnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Toutefois, monsieur le rapporteur, je vous fais remarquer que j'ai eu la gentillesse d'accepter cet amendement, alors qu'il aura un coût pour le Gouvernement.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Article 40 !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Madame la ministre, la commission des finances a considéré qu'une telle mesure faisait partie des charges normales de fonctionnement des services de gestion.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.