compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Démission d'un sénateur

M. le président. J'ai reçu de M. Maurice Blin une lettre par laquelle il se démet de son mandat de sénateur des Ardennes à compter du mardi 3 juillet 2007 à minuit.

Acte est donné de cette démission.

3

Politique générale

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une demande d'approbation d'une déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette demande, en application de l'article 49, alinéa 4, de la Constitution.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, c'est pour notre assemblée un moment d'une importance particulière, un instant solennel. Rappelons que cette procédure a été mise en oeuvre quinze fois seulement depuis le début de la Ve République, le débat d'aujourd'hui étant le seizième.

Le Sénat est extrêmement sensible, monsieur le Premier ministre, à cette marque d'attention, d'estime et de considération institutionnelle que lui témoigne votre Gouvernement.

M. le président. Je salue, au nom du Sénat, la présence au banc du Gouvernement de M. le Premier ministre et de nombreux ministres et secrétaires d'État qui nous font l'honneur et le plaisir de leur présence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

Chacun comprendra que j'aie, une nouvelle fois, une pensée particulière pour nos collègues sénatrices et sénateurs qui ont fait leur entrée au Gouvernement.

Je me félicite tout particulièrement que notre nouveau Premier ministre, François Fillon, vienne de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Comme je l'ai déjà rappelé, c'est la troisième fois sous la Ve République, après Michel Debré et Jean-Pierre Raffarin (Même mouvement sur les mêmes travées), qu'un sénateur accède à la plus haute fonction gouvernementale. Cela devait être souligné.

Je forme le voeu que le Gouvernement puisse continuer à s'inspirer des analyses et propositions issues des travaux de la Haute Assemblée. D'ailleurs, n'oublions pas que, pendant la période électorale, le Sénat n'a pas cessé de travailler, notamment au sein de ses commissions et de ses délégations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je rappelle à cet égard que nos commissions ont tenu pas moins de soixante-dix-sept réunions et que onze conférences de presse ont été programmées pour donner l'écho le plus large à nos travaux.

M. le président. Je suis certain que le Sénat, traditionnellement soucieux d'améliorer la qualité des textes législatifs, d'approfondir ses missions de contrôle pour lesquelles sa permanence lui donne une vocation naturelle, aura à coeur, une fois de plus, de jouer un rôle constructif dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle politique qui va nous être présentée par M. le Premier ministre.

Je sais, monsieur le Premier ministre, que nous pourrons compter sur votre écoute et celle de vos collègues et sur votre volonté à tous, partagée par tous les sénateurs et sénatrices, de bien travailler ensemble, dans l'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens, dans l'intérêt de notre pays.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me retrouver parmi vous, avec plusieurs membres éminents de mon gouvernement, car le Sénat, par sa hauteur de vue, par sa culture politique singulière, a un rôle significatif à jouer dans la nouvelle politique qui s'engage. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !

M. François Fillon, Premier ministre. Hier, par la voix du ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, M. Jean-Louis Borloo, je vous ai livré les ambitions et les objectifs du Gouvernement.

Nous sortons d'une longue campagne électorale. La France offre un nouveau visage : celui d'un peuple décidé au changement, celui d'un pays rassemblé dans une exigence de modernité, celui d'une nation disposée à construire un avenir qui soit fidèle à son histoire.

En se rendant massivement aux urnes, les Français ont fait mentir tous ceux qui glosaient sur le cynisme et le désenchantement des électeurs.

M. Didier Boulaud. Vous parlez des électeurs de l'UMP ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le deuxième tour !

M. François Fillon, Premier ministre. Ils ont montré qu'ils voulaient choisir leur destin eux-mêmes.

Ils ont voté pour un projet de réforme et de rupture. Ils ont montré que, loin de refuser le changement, ils l'attendent et l'appellent de leurs voeux.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce choix nous donne un mandat : celui d'agir en respectant nos engagements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vis-à-vis de votre majorité !

M. François Fillon, Premier ministre. Il nous donne une responsabilité : celle de refuser les hésitations et les moratoires, car les Français attendent des résultats.

M. Charles Revet. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Ils veulent une nouvelle manière de faire de la politique et ils veulent une nouvelle politique.

M. Didier Boulaud. Pas avec du vieux !

M. François Fillon, Premier ministre. Ils veulent que la France de demain ne ressemble pas à celle d'hier. (Mmes Borvo Cohen-Seat et Luc s'exclament.)

M. Didier Boulaud. Comme la mode !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre peuple est-il condamné à être le seul qui ne peut régler par le débat, la discussion et l'accord les enjeux majeurs de l'avenir de la France ? Je refuse de le croire !

M. David Assouline. Nous le verrons cet été !

M. François Fillon, Premier ministre. Votre assemblée est singulière parce qu'elle possède, davantage peut-être que d'autres enceintes, cet art du dialogue respectueux de tous, soucieux de trouver un passage, un compromis, même quand cela semble impossible.

C'est pourquoi je tiens à le dire ici, devant vous : je veux que, demain, nous changions de méthode dans l'exercice du pouvoir, de méthode de discussion, de méthode de réforme. Et cela passe, de mon point de vue, par plusieurs innovations profondes.

La première concerne le Gouvernement.

Nous avons choisi, avec le Président de la République, de faire droit à la parité et à la diversité.

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas le cas !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons fait le choix de l'ouverture. (M. Bernard Frimat s'exclame.)

M. Charles Revet. Très juste !

M. François Fillon, Premier ministre. Il ne s'agit pas là d'un choix de circonstance ou d'un choix tactique. C'est un choix démocratique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF.)

M. David Assouline. Débauchage ! Débauchage !

M. François Fillon, Premier ministre. Tous ceux qui nous rejoignent...

M. Jean-Marc Todeschini. Quelques individualités !

M. François Fillon, Premier ministre. ... le font pour mettre en oeuvre le projet présidentiel, validé par les électeurs.

C'est un choix politique : pour bâtir un projet pour tous les Français, il faut respecter et faire converger toutes les sensibilités françaises.

La deuxième innovation concerne la revalorisation du rôle du Parlement. (M. Jean-Marc Todeschini s'esclaffe.)

Mme Hélène Luc. Ça, on verra !

M. François Fillon, Premier ministre. Je veux que, demain, toutes les conditions soient réunies pour que le Parlement joue son rôle, qu'il soit le lieu où se confrontent toutes les positions, toutes les convictions, pour aboutir aux réponses qu'attendent nos concitoyens.

MM. David Assouline et Jean-Marc Todeschini. Attendons le débat sur la réforme des universités !

M. François Fillon, Premier ministre. La première condition, c'est le respect de l'opposition. (Manifestations ironiques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. David Assouline. C'est urgent !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ! Le pluralisme !

M. François Fillon, Premier ministre. Or, en la matière, nous proposons - et nous avons d'ores et déjà fait - plus que n'importe quel autre gouvernement depuis le début de la Ve République ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

C'est dans le respect de chacun, dans la volonté de transcender les postures, que nous pourrons instaurer un véritable débat de fond sur tous les grands sujets qui concernent les Français.

C'est tout le travail parlementaire que nous devons rénover ensemble, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs !

J'ai indiqué hier dans quelles conditions nous allions engager la rénovation de nos institutions et, singulièrement, celle du Parlement.

À cet égard, chacun l'aura compris, en me citant hier, Jean-Louis Borloo voulait parler d'élection au scrutin proportionnel de quelques députés et non pas de quelques sénateurs ! (Ah ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Marc Todeschini. Ils étaient inquiets !

M. Didier Boulaud. Ils en tremblent encore ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. François Fillon, Premier ministre. La troisième innovation est celle de la démocratie sociale. J'y crois depuis longtemps, et je pense l'avoir prouvé ces dernières années.

De la réforme des retraites de 2003, qui fit l'objet d'une concertation approfondie, à la loi du 4 mai 2004, qui a posé la première pierre d'une rénovation du dialogue social, j'ai toujours pris soin de respecter les partenaires sociaux.

Pour agir avec clarté et, si nécessaire, avec autorité, il faut au préalable avoir écouté et responsabilisé tous les interlocuteurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, notre démocratie sociale a besoin d'un nouveau souffle.

Nous avons confié aux partenaires sociaux les questions essentielles que sont la rénovation du contrat de travail, la sécurisation des parcours professionnels et la modernisation du régime d'assurance chômage. Le renvoi au dialogue social n'est en aucun cas un retrait du Gouvernement et, je le dis clairement, si aucun accord n'est trouvé, nous interviendrons !

M. François Fillon, Premier ministre. Mais il faut aller plus loin : il faut agir sur les pratiques et sur les structures, il faut réformer les conditions d'exercice de la démocratie sociale elles-mêmes. J'ai bien l'intention d'engager, avec les partenaires sociaux et avec vous, cette révolution, qui relève de l'intérêt général.

La quatrième innovation concerne le fonctionnement de l'État.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Les Français apprécient leur administration. Ils lui reconnaissent les vertus d'impartialité, de rigueur, d'attachement au service public. Mais ne nous le cachons pas : la réforme de l'État, la vraie réforme de l'État, reste à venir.

Je veux que les services de l'État soient perçus par les Français comme modernes, réactifs. Je veux que l'État avance au rythme de la société, qu'il soit à l'image d'un monde qui change.

M. François Fillon, Premier ministre. Il ne faut pas hésiter à faire appel aux nouvelles technologies pour faciliter la vie des Français.

Je veux que la satisfaction des usagers soit une préoccupation constante des services publics, en ville comme en milieu rural.

Je veux rénover les relations de l'État avec ses contractants et ses partenaires : je n'accepte pas que l'État soit le pire des payeurs, je n'accepte pas que l'État ne tienne pas parole et se réfugie derrière ses propres lourdeurs.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour réussir ces changements, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut remplir une condition impérative : associer et valoriser les fonctionnaires.

Un sénateur du groupe socialiste. Vous voulez les supprimer !

M. François Fillon, Premier ministre. Les fonctionnaires peuvent être moins nombreux, à condition qu'ils soient considérés, respectés, valorisés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C'est la raison pour laquelle la moitié des économies qui seront réalisées grâce au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux sera affectée à l'amélioration des rémunérations et à la reconnaissance du mérite.

Enfin, nous donnerons aux services déconcentrés une véritable autonomie pour gérer leurs moyens matériels et humains, sous l'autorité des préfets. Il faut que soient mises en place localement des solutions efficaces, en accord avec les élus. Or qui mieux que le préfet peut trouver de telles solutions ?

La cinquième innovation, indissociable de ce chantier de la réforme de l'État, c'est le recadrage de nos dépenses publiques. La responsabilisation des agents publics doit s'étendre jusqu'au sommet de l'administration ; avec le Président de la République, je veux que les ministres soient jugés sur leurs résultats. Notre procédure budgétaire sera profondément rénovée pour le permettre.

Les ministres devront ainsi rendre des comptes à la représentation nationale sur deux plans : d'une part, en ce qui concerne le respect de l'autorisation parlementaire, puisque, dans le cadre de la LOLF, chacun d'eux est responsable de son enveloppe de crédits ; d'autre part, en ce qui concerne les résultats obtenus, et ce débat, j'en suis persuadé, prendra une place considérable dans notre vie publique.

Ce que nous souhaitons, c'est que le débat sur les résultats obtenus remplace la discussion sur le vote des crédits, qui prend tant de temps au Parlement et qui, finalement, a si peu d'importance par rapport au débat sur la manière dont les crédits sont utilisés et les objectifs atteints. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Ces nouvelles pratiques sont indispensables si nous voulons maîtriser nos dépenses ; c'est notre responsabilité à l'égard des générations futures.

Notre objectif est clair : ramener notre dette à 60 % du PIB à la fin de ce quinquennat. (Ricanements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Gautier. À qui est-ce la faute si elle a tant augmenté ?

M. François Fillon, Premier ministre. Notre pays connaît un niveau de dépenses publiques record parmi les pays développés.

Pourtant, ses résultats en matière d'emploi, d'éducation, de lutte contre les inégalités, ne sont pas à la hauteur de nos ambitions. Je suis persuadé qu'il est possible d'utiliser mieux l'argent des Français. C'est une exigence, dans l'intérêt de tous.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au coeur de toutes ces innovations, il y a un mot-clef : la confiance ; la confiance envers le Parlement ; la confiance envers les partenaires sociaux ; la confiance envers les fonctionnaires ; la confiance aussi envers les collectivités locales.

Je crois à l'autonomie, je crois à la décentralisation, je crois à la responsabilité.

Je suis moi-même un élu local : je connais les ambitions et les difficultés des communes, des intercommunalités, des départements et des régions.

Nous devons travailler à un chantier qui a été sans cesse repoussé : celui des finances locales. (M. Louis de Broissia applaudit.) Notre système actuel est injuste pour les collectivités, injuste pour les contribuables...

M. François Fillon, Premier ministre. ... et dangereux pour la performance de nos entreprises.

Nous allons y apporter ensemble les adaptations nécessaires, avec une exigence de simplicité, de lisibilité et de proximité, pour que chaque niveau de collectivité, y compris l'intercommunalité, puisse trouver dans les réformes que nous allons introduire des solutions correspondant à ses besoins.

Un nouveau contrat pluriannuel, compatible avec les normes que, dans la loi de finances, vous fixez à l'État pour ses propres dépenses, déterminera l'évolution des concours de celui-ci aux collectivités locales.

La fiscalité locale sera adaptée de façon à en corriger les effets néfastes.

Enfin, les collectivités locales seront directement impliquées dans le pilotage des politiques publiques : une « conférence nationale des exécutifs » sera créée pour garantir l'association des collectivités à l'élaboration des normes qui les concernent, en liaison avec le comité des finances locales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'année 2008 sera une année essentielle pour les collectivités : les élections municipales, les élections cantonales constituent notre prochain rendez-vous démocratique. Je travaillerai donc avec vous dans les prochains mois pour inscrire les relations entre l'État et les collectivités locales dans un cadre transparent et permettant aux nouvelles équipes de disposer de perspectives claires pour les années à venir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ensemble, nous allons créer les conditions d'une France entreprenante et innovante, d'une France du plein-emploi, d'une France de l'égalité des chances.

Avec le Président de la République, je veux tout faire pour favoriser le travail, l'entreprise, l'innovation.

Vous allez débattre, dans des prochains jours, de textes clefs pour notre croissance.

La réforme des universités, en premier lieu. Ce texte sera examiné d'abord par le Sénat.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En combien de temps ?

M. Jean-Marc Todeschini. À la va-vite !

M. David Assouline. Dans l'urgence !

M. François Fillon, Premier ministre. À bien des égards, il constitue un hommage aux nombreux travaux que vous avez réalisés sur les questions universitaires et scientifiques.

Il s'agit de l'une des réformes essentielles de cette législature. Les universités vont devenir enfin autonomes. Elles pourront gérer leur personnel, leurs moyens de fonctionnement, leurs bâtiments.

Mme Hélène Luc. Le tout, c'est que les étudiants réussissent !

M. François Fillon, Premier ministre. Elles pourront nouer librement des partenariats avec les entreprises et les collectivités.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons agir pour la recherche en dirigeant les aides vers les PME, en renforçant le crédit d'impôt-recherche, en faisant vivre les pôles de compétitivité.

Grâce à ces mesures, notre pays se donnera les moyens d'une recherche de niveau mondial. Il s'agit, vous le savez bien, d'un moteur essentiel pour notre croissance.

M. François Fillon, Premier ministre. Le deuxième texte qui vous sera soumis concerne le service minimum. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Il n'est plus acceptable que les Français soient empêchés de se rendre à leur travail. C'est la remise en cause de libertés fondamentales, et c'est un frein pour notre économie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Enfin, vous serez saisis dans les prochains jours du texte sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Ce texte repose sur un principe simple : pour nous, c'est l'activité qui entraîne la croissance, c'est le travail qui appelle le travail. En défiscalisant les heures supplémentaires, en supprimant les droits de succession dans 95 % des cas, en renforçant le bouclier fiscal,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous allez servir votre classe !

M. François Fillon, Premier ministre. ... nous allons donner du pouvoir d'achat, nous allons revaloriser le travail, nous allons favoriser l'investissement en France, et donc nous allons servir la croissance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Et puis nous voulons réhabiliter l'esprit d'entreprise.

Nous allons mettre en place une procédure tendant à lever un maximum d'obstacles à l'activité des entreprises.

Nous allons favoriser l'innovation au service du développement durable en utilisant le levier de la fiscalité pour favoriser les investissements écologiques.

La France de demain peut et doit atteindre le plein-emploi. Il n'y a aucune raison pour qu'elle n'y arrive pas. Aujourd'hui, la moitié des pays de l'Union européenne ont atteint le plein-emploi, certains depuis déjà plus de dix ans.

M. Guy Fischer. Mais quel emploi ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Nous détenons le record d'Europe pour le travail précaire !

M. François Fillon, Premier ministre. C'est pourquoi nous allons réformer notre droit du travail. Nous allons moderniser notre marché du travail, le rendre plus fluide, et veiller à ce que les salariés confrontés à des mutations économiques soient mieux accompagnés en matière de recherche d'emploi, de formation, d'indemnisation. Ce chantier est l'un des chantiers majeurs de cette législature.

Enfin, je veux qu'en France l'égalité des chances devienne une réalité.

L'égalité des chances à l'école, d'abord : nous allons mettre en place les études dirigées de seize heures à dix-huit heures, le soutien scolaire pour les élèves qui connaissent des difficultés, afin que tous les enfants, quel que soit leur milieu d'origine, puissent maîtriser les savoirs fondamentaux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !

M. Bernard Frimat. En supprimant des postes !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons garantir l'accueil en établissement scolaire de tous les enfants handicapés.

Nous allons redéployer les moyens des services publics au profit des quartiers, parce qu'aucune partie du territoire ne doit se sentir oubliée de la République.

M. Dominique Braye. Très bien !

Mme Hélène Luc. Il y a longtemps que M. Sarkozy l'a promis !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons réformer nos régimes de sécurité sociale, et cela dans un esprit d'équité, mais aussi de vérité.

Nous dégagerons des moyens nouveaux pour les chantiers présidentiels : la lutte contre le cancer, la lutte contre la maladie d'Alzheimer, le développement des soins palliatifs. Nous relèverons les petites retraites. Il y a là des besoins pressants. Mais y répondre exige que nous fassions des efforts, en réformant nos régimes spéciaux, en accroissant notre contribution aux dépenses de santé.

M. Jean-Luc Mélenchon. Cela n'a rien à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour sauver notre modèle social, nous devons le réformer et l'adapter aux défis de demain.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que les Français nous en ont donné le mandat, une rupture constructive va être engagée.

M. David Assouline. Une rupture avec qui ?

M. François Fillon, Premier ministre. Pour la conduire, j'ai besoin de votre soutien. C'est la raison pour laquelle je souhaite, conformément à l'article 49, alinéa 4, de la Constitution, que le Sénat se prononce par un vote qui témoignera de son engagement. (Mmes et MM. les sénateurs de l'UMP se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, dans le débat suivant la déclaration de politique générale, la conférence des présidents a attribué un temps de parole de quinze minutes à chaque groupe et de cinq minutes aux sénateurs non inscrits.

La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Vous avez, monsieur le Premier ministre, évoqué la nécessité, dans ce monde désormais mondialisé, d'une rupture constructive ; une nécessité que le président Nicolas Sarkozy a eu l'audace de formuler et qui s'est traduite par la définition, avec vous, d'un programme. C'est ce programme que les Français ont largement plébiscité, au point que la vague rose qui avait submergé la France lors des élections régionales a reflué.

Ingénieur de formation, géologue minier de profession, j'ai depuis plus de quarante ans la passion de faire entrer la France dans la société du savoir qui doit remplacer, dans les pays riches, la société fondée sur la seule industrie et sur les capitaux. J'ai agi en ce sens dans l'enseignement supérieur, à l'école des Mines ; dans l'aménagement du territoire et son attractivité, à Sophia-Antipolis ; en faveur de la recherche et de l'innovation, au sein de la commission des affaires culturelles du Sénat.

Analyser, observer et conclure sans dogmatisme, c'est une démarche familière, en particulier pour les membres de mon groupe, le Rassemblement démocratique et social européen, et, d'une façon générale, pour le Sénat.

J'ai observé que la France, grâce à la campagne présidentielle - et sans doute aussi grâce au programme de rupture -, a repris goût à la chose publique. C'est heureux !

Je reviens d'un congrès des parcs scientifiques mondiaux à Barcelone. La Catalogne et sa capitale sont des modèles de rupture dynamique et constructive. On y trouve une effervescence de créativité et une dynamique culturelle prodigieuses, des programmes associant pouvoirs publics et investissements privés tant près du port et de l'aéroport de Barcelone, dans l'immense zone franche du sud-ouest, qu'à proximité du village olympique, au nord-est, où une gigantesque zone d'innovation liée à la reconversion de friches industrielles est en cours de réalisation, ou près de la Sagrada Família, symbole mythique et mystique, ou encore à proximité de la future gare TGV Paris-Barcelone-Madrid, ce qui prouve bien, au passage, que les Catalans ont envie de Paris, ont besoin de la France.

Ces programmes peuvent paraître délirants, mais ils sont à la taille des défis que l'Europe, plus particulièrement l'Europe du sud, veut relever et qu'elle relèvera, grâce au retour de la France.

J'évoquerai maintenant les ruptures qui sont déjà en cours, et que l'on peut donc analyser.

Première rupture : le retour de la France en Europe.

Il constitue un succès inattendu, presque inespéré, et salué par tous nos amis européens avec un soulagement que la presse nationale a trop peu évoqué. C'est en revanche avec voracité qu'elle aurait parlé d'un éventuel échec.

En tant que membre du seul groupe parlementaire qui se qualifie unanimement d'« européen », je ne peux qu'applaudir. Je souhaite d'ailleurs que ce retour s'accompagne d'une action forte en faveur de la constitution d'un espace européen de l'innovation et aussi d'une action visant à mettre en place une fiscalité uniforme, notamment en matière de patrimoine et de droits de succession.

Deuxième rupture majeure : l'ouverture.

Cette ouverture fait penser à la façon dont Charles de Gaulle a constitué le premier gouvernement d'après-guerre. Vous avez, monsieur le Premier ministre, choisi de proposer au Président de la République un premier, puis un deuxième gouvernement d'ouverture, en choisissant des hommes et des femmes en fonction de leurs compétences. La population française, dans son ensemble, y est largement favorable.

Je sais que certains parlementaires de notre majorité sont réservés. Mais vous aviez prévenu : lors de votre discours à Nice, vous avez dit qu'il fallait « non pas vaincre, mais convaincre ». Vous y réussissez vis-à-vis des forces vives et de l'immense majorité des Français.

Je regrette, certes, que l'opposition soit encore crispée et qu'elle dénonce ceux qui participent à la nécessaire action de relance du pays.

Qu'on me permette de rappeler que, lorsque le président du groupe du RDSE, Jacques Pelletier, est entré dans le gouvernement de Michel Rocard, nul n'a trouvé cela anormal, à droite comme à gauche. Je souhaite que, d'ici peu, nous puissions compter sur une opposition modernisée et, à l'instar des grands partis de gauche européens, débarrassée de dogmes vieux d'un siècle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Les enjeux économiques, donc sociaux et culturels, du XXIe siècle, avec une mondialisation régulée et contrôlée, ne sont ni de droite ni de gauche, ils sont européens.

M. Pierre Laffitte. Troisième rupture : la gouvernance des universités.

Ancien responsable de grande école, créateur de la Conférence des grandes écoles et membre du conseil d'administration d'une université, je pense que ce problème est crucial.

Il faut que la grande entreprise qu'est chaque université puisse avoir une stratégie, un véritable exécutif responsable devant un conseil restreint.

La compétition dans la société du savoir mondialisée est grande, vous le savez tous. Il faut pouvoir être attractif, afficher des pôles d'excellence. La question de l'avenir de notre culture, de notre économie et de nos étudiants est fondamentale. Les craintes - qui existent et qui sont parfois compréhensibles - des deux filières universitaires déjà professionnalisées, le droit et la médecine, doivent être écoutées, entendues, et je vous sais gré d'avoir déposé le projet de loi relatif à la gouvernance et aux compétences des universités en première lecture au Sénat. Nous chercherons à résoudre tous les problèmes qui se poseront.

Quatrième rupture : la priorité au développement durable.

Le « Grenelle de l'environnement » permettra de mesurer de façon précise le volontarisme indispensable en la matière. Il constitue d'ores et déjà la démonstration que la France poursuit et renforce ses actions vers un nouveau mix énergétique, la lutte contre le dérèglement du climat et la perte de biodiversité.

Y a-t-il des risques ? Oui, bien sûr, mais le pire serait de ne pas en prendre. L'audace est nécessaire.

Le groupe du RDSE, dans sa majorité, est favorable à des ruptures constructives, pour le progrès.

La confiance qui a soufflé sur le pays pour le progrès, l'innovation, le développement durable, l'attractivité du territoire, pour ces projets ambitieux, cette confiance, la majorité du RDSE vous l'apportera avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nous sommes à un tournant - du moins, je l'espère - et c'est sans doute la dernière occasion qui s'offre à nous de moderniser la France sans drame, c'est-à-dire avant que la résolution des problèmes ne nous ait complètement échappé.

L'élection de Nicolas Sarkozy a suscité un élan, un espoir de changement, et votre mandat, monsieur le Premier ministre, celui de votre gouvernement, est un mandat profondément réformateur.

Vous avez de nombreux défis à relever. J'en évoquerai plus particulièrement deux qui me tiennent à coeur, ainsi qu'à nos collègues.

Le premier, c'est le redressement économique de la France. En effet, il y a un paradoxe choquant : la France dispose d'énormes atouts et, pourtant, depuis des années, nous avons décroché du peloton de tête des grandes nations développées. En quinze ans, nous avons perdu dix places en termes de pouvoir d'achat.

Bien sûr, l'emploi, la croissance se sont améliorés, mais nous sommes encore en queue de peloton de l'Europe des Quinze sur ces points-là, et les 35 heures ont été une erreur catastrophique sur le plan économique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Elles ont été financées par ceux qui sont en bas de l'échelle et les propositions que vous formulez pour revaloriser le travail, pour récompenser l'effort vont dans le bon sens.

Le second défi, c'est le conflit entre les générations, qui menace notre modèle social.

Pour la première fois peut-être depuis la Seconde Guerre mondiale, les parents craignent pour leurs enfants un avenir plus sombre que le destin qu'ils ont eux-mêmes connu.

Notre société est bloquée, notre modèle est complètement grippé.

S'agissant de la dette, laisserons-nous à nos enfants le soin de la régler, de payer nos retraites ? S'agissant de l'environnement, laisserons-nous à nos enfants une planète complètement essoufflée ? S'agissant de l'éducation nationale, laisserons-nous à nos enfants la moindre chance de pouvoir s'élever dans l'échelle sociale, sachant qu'un étudiant sur deux échoue au DEUG...

M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !

M. Bruno Retailleau. ... et qu'en 1950 il y avait 25 % de filles et de fils d'ouvriers dans les grandes écoles, contre seulement 5 % aujourd'hui ?

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Bruno Retailleau. Ceux qui veulent que rien ne bouge sont en réalité les complices de ce système profondément inégalitaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

La France a besoin de réformes audacieuses, mais nous devons les rendre possibles et, pour ce faire, monsieur le Premier ministre, il est nécessaire de retrouver le sens du collectif et de l'intérêt général. Il faut que les Français redeviennent fiers d'être français, parce que l'on ne met pas en mouvement un peuple pour un point supplémentaire de PIB.

Mme Hélène Luc. Vous n'êtes pas fier d'être français ?

M. Bruno Retailleau. J'ai été heureux, comme vous sans doute, pendant la campagne, d'entendre de nouveau parler sans complexe de la France : on nous avait tellement dit que se sentir français, c'est-à-dire aimer les siens, c'était déjà trahir ou mépriser les autres ! On nous avait tellement dit que, pour être estimable, la France devait d'abord se reconnaître coupable, coupable de tout et à perpétuité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. André Rouvière. C'est absurde !

M. Bruno Retailleau. Cet esprit, qui trouve son origine en 1968 (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), a engendré et inspiré le « déclinisme postnational » où l'Europe serait notre seul et unique avenir, où nous serions une nation en sursis ? C'est en vertu de cette vision que l'impuissance publique était acceptée comme la contrepartie de la mondialisation.

Or ce « déclinisme », chers collègues de gauche, c'est la fin de l'histoire, la fin du politique. Retrouver le sens du politique, c'est d'abord retrouver le sens de la nation, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas de doute, la droite est représentée au Sénat !

M. Dominique Braye. Si vous écoutiez, vous arriveriez à changer !

M. Bruno Retailleau. ... parce que la nation, en France, a réussi cette alchimie formidable, cette articulation extraordinaire entre le particulier et l'universel. C'est cela le génie français, parce que la France a toujours su relever les défis du destin.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Fillon, vous avez donné des ailes à M. Retailleau !

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, nous sommes derrière vous. Vous êtes courageux, vous avez une vision exigeante de la France, vous avez montré dans un passé récent que vous n'aviez pas peur des réformes difficiles. Alors, tenez le cap, tenez bon, je vous le dis en homme de l'Ouest, comme vous : ce sont les Français qui vous le demandent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

M. Dominique Braye. Voilà la France du XIXsiècle !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rien ne change pour vous, monsieur Braye !

M. Dominique Braye. Et c'est une communiste qui me dit cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous feriez aussi bien de sortir !

Monsieur le Premier ministre, nous avons hier écouté l'intégralité de votre discours, lu par M. Borloo.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le résumé que vous nous avez livré aujourd'hui, assorti de louanges au Sénat, où vous siégiez il n'y a pas longtemps, n'y a, me semble-t-il, rien changé sur le fond.

Nous y avons entendu ce que le Président de la République a déjà exprimé dans ses nombreux discours et ses multiples interventions dans les médias, sur tous les sujets.

Vous répétez après lui que vous voulez une majorité et une politique « sans arrogance et sans complexe ». En effet, le suffrage universel a parlé. Le Président de la République a été élu par 53 % des électeurs, ce qui signifie aussi que 47 % n'ont pas voté pour lui. Vous avez une majorité à l'Assemblée nationale, amplifiée par le mode de scrutin, mais moindre que dans la précédente assemblée.

Après cinq ans de pouvoir UMP, la gauche n'a pas convaincu, elle a échoué.

M. Charles Pasqua. Ah ! Bravo !

M. Dominique Braye. Vous aurez dit au moins la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis étonnée de vos réactions !

Chacune de ses composantes, dont la mienne, doit en tirer les leçons, et elles sont lourdes !

M. Charles Pasqua. En effet !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui comme hier, vous êtes devant les parlementaires. Vous respectez les formes, mais à vrai dire, depuis un mois, nous avons un aperçu de la nouvelle gouvernance et de la politique réelle conduite par le Président de la République et mise en oeuvre par son gouvernement.

Vous annoncez une réforme institutionnelle. Pour ce qui concerne le présidentialisme, il est déjà entré dans les faits. C'est sans doute inhérent aux réformes antérieures - quinquennat, inversion du calendrier -, réformes que, pour notre part, nous n'avons pas approuvées.

M. Charles Pasqua. Vous aviez raison !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, nous avions raison !

La pratique, celle d'aujourd'hui plus encore que celle d'hier, nous conforte dans ce choix, tant elle concentre le pouvoir, accentue le caractère monarchique de nos institutions et l'exercice personnel du pouvoir. Le peuple l'approuve ? Il est bien tôt pour le dire ! Quant au Parlement, il est de fait d'ores et déjà confiné dans un rôle subsidiaire d'enregistrement de la volonté présidentielle.

Notre conception d'une avancée démocratique, c'est la reconnaissance de la diversité des sensibilités politiques, leur nécessaire représentation au Parlement et nous continuerons de mener ce combat, non pas pour une opposition à « Sa Majesté », mais pour un véritable pluralisme. Car le pluralisme n'est pas assuré puisque notre courant politique n'est représenté ni au bureau de l'Assemblée nationale, ni au sein de la délégation parlementaire pour le renseignement !

Mme Hélène Luc. N'est-ce pas, monsieur Karoutchi ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le Premier ministre, hier, vous avez fait un discours, mais en réalité nous sommes déjà passés aux actes, de l'idéologie à la pratique.

Pourfendeur des idéologies - sous-entendu d'une certaine gauche dogmatique - le Président de la République a décliné sous toutes ses formes le triptyque « travail-autorité-mérite », assorti de l'identité nationale - ce qui donne des ailes à M. Retailleau - et du volontarisme politique.

C'est encore ce que nous avons entendu hier : en fait, une habile adaptation populaire du credo de Mme Parisot. On retrouve d'ailleurs tous les thèmes de la politique décomplexée dont vous nous parlez annoncés dans le livre du MEDEF, Besoin d'air, publié en janvier 2007 et que vous avez certainement lu comme moi.

Ce volontarisme politique a incontestablement séduit, mais que restera-t-il de l'illusion des mots, sinon les actes ? Or les actes commencent à se voir.

Comme le Président de la République, vous voulez une « rupture ». Je vous l'accorde, les politiques passées n'ont pas réussi. Mais vous venez d'être au pouvoir, vous et les nombreux ministres qui étaient déjà au gouvernement ces dernières années. On pourrait résumer ainsi ce que dit le Président de la République : « Plus vite, plus fort, plus loin ». Et c'est ce que vous confirmez déjà !

Les exonérations de cotisations sociales pour les patrons, vous en avez instituées vous-même en 2005, et d'autres avant vous d'ailleurs ! Le coût est élevé pour la collectivité et le résultat nul en matière de création d'emplois.

Vous voulez faire beaucoup plus, non pas pour aider les PME, dont vous parlez à satiété, comme vous l'avez d'ailleurs fait pendant cinq ans, mais au bénéfice des fonds d'investissement.

Vous annoncez donc de nouveaux profits pour les actionnaires. Or qu'ont-ils fait pour l'emploi ? Hélas, les suppressions d'emplois succèdent aux suppressions d'emplois : 10 000 à Airbus ; 10 000 à PSA ; 1 500 à Alcatel ; 3 500 au Crédit lyonnais, et j'arrête là l'énumération. Nous vendons nos entreprises à qui veut bien les acheter, peut-être même au moins offrant.

La diminution du nombre de chômeurs ne correspond pas à des créations d'emplois car, vous le savez bien, le nombre d'emplois continue de diminuer. D'ailleurs, les chiffres du chômage sont pour l'instant contestés.

Comme vous le savez aussi, les profits sont de plus en plus accaparés par les actionnaires et de moins en moins réinvestis.

Au fait, où est l'interdiction des « parachutes dorés » ?

Pour notre part, nous proposons « sans complexe » de rémunérer plus le travail que les actionnaires, pour revenir à un partage travail-capital plus favorable au travail.

Comme vous le savez encore, monsieur le Premier ministre, entre 1998 et 2005, les revenus des plus riches ont progressé de 19 % - et même de 42 % pour la toute petite fraction des très riches - contre 5,9 % pour les revenus moyens, tandis que les 90 % des moins riches n'ont eu droit qu'à une augmentation de 4,7 % en sept ans. C'est sans doute l'illustration du « travailler plus pour gagner plus » !

Qui plus est, vous supprimez les droits de succession, au motif louable que ceux qui ont acquis un petit « bien » doivent pouvoir le laisser à leurs enfants ! Sauf que cette mesure concerne 5 % des patrimoines, les plus élevés s'entend.

Hier, vous avez oublié de parler du bouclier fiscal à 50 % et de l'allégement de l'ISF. Mais vous l'avez fait aujourd'hui, comme vous n'avez cessé de le faire précédemment.

Travailler plus ! À ceux qui n'ont ni patrimoine immobilier ni portefeuille d'actions, vous avez fait miroiter les heures supplémentaires. Miroir aux alouettes ! Qui décide des heures supplémentaires ? Globalement, le patronat n'utilise pas le quota dont il dispose. C'est de la propagande pure et simple, destinée à enfoncer le clou de la disparition à terme de la durée légale du travail.

Je pense que la véritable armée de Français qui travaille à temps partiel contraint voudrait bien travailler au moins 35 heures pour être payés au moins au SMIC !

Le SMIC ? Parlons-en ! Il concerne 2,5 millions de salariés, 20 % des ouvriers, 20 % des femmes, 30 % des moins de vingt-cinq ans.

L'augmentation du pouvoir d'achat n'était-elle pas un engagement du candidat Nicolas Sarkozy ? Le minimum aurait été de donner un coup de pouce au SMIC, ce qui n'aurait été que simple justice et aurait été, de plus, utile pour dynamiser la croissance ! Mais sans doute les salariés qui travaillent - durement pour beaucoup - en usine ou dans la grande distribution ne le méritent-ils pas ! Pourtant, comment peut-on vivre avec moins de 1 500 euros par mois ?

C'est donc sans complexe que nous continuerons à mener ce combat.

Monsieur le Premier ministre, votre perception de l'intérêt des services publics passe par le prisme de la dépense publique et non par celui de leur utilité. Nous avions bien entendu le candidat Nicolas Sarkozy s'engager à supprimer un poste sur deux des fonctionnaires partant en retraite : nous ne sommes pas sourds ! Mais nous avions cru entendre que cela ne concernait ni l'école ni l'hôpital, à l'égard desquels il avait la plus grande compassion. Résultat immédiat : pour l'instant, 10 000 postes d'enseignants en moins. Cela commence mal, car nos concitoyens savent que ce n'est pas la bonne réponse à la demande d'une école de qualité. Je vous propose de faire l'inverse, et de recruter des enseignants, des infirmières, des personnels d'accompagnement dont nos services publics ont tant besoin.

La recherche et l'université étaient, au moins me semble-t-il, dans les priorités du candidat Nicolas Sarkozy. Mais je ne vois pas, dans la précipitation de la concertation, immédiatement suivie d'un projet de loi sur l'université, la prise en compte des énormes problèmes de notre système d'enseignement supérieur, et en premier lieu l'échec.

Vous aimez les comparaisons avec d'autres pays ! S'agissant de l'enseignement supérieur, nous dépensons beaucoup moins que nombre d'autres pays européens.

Quant à la recherche, ce que nous pouvons craindre, c'est l'abandon de la maîtrise publique.

Or la longue tradition rentière du patronat français et la non-pertinence des fonds d'investissement pour financer la recherche fondamentale sont, hélas, des obstacles de taille à la mise en oeuvre des promesses présidentielles d'un investissement « sans précédent » pour la recherche, même avec des exonérations et crédits d'impôt de toutes sortes.

Je vous propose sans complexe la mise en oeuvre d'une fiscalité plus juste avec une progressivité accrue des prélèvements et la diminution des impôts indirects.

Mme Hélène Luc. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore une fois, les pays du nord qui réussissent ont des prélèvements obligatoires supérieurs aux nôtres.

Nos concitoyens, d'ailleurs, ne s'y trompent pas, et c'est la raison pour laquelle j'ai dit tout à l'heure que nous étions maintenant passés de l'idéologie aux actes.

Dès lors que vous avez lancé le ballon d'essai de la TVA que vous avez baptisée « sociale », pour remplacer les cotisations patronales, nos concitoyens ont très bien compris que leur pouvoir d'achat allait diminuer et qu'elle pénaliserait plus, par définition, les plus pauvres que les plus riches ! D'ailleurs, ils l'ont en quelque sorte déjà manifesté au second tour des élections législatives.

Monsieur le Premier ministre, vous avez, par ailleurs, précisé ce que vous aviez déjà annoncé : une mesure particulièrement injuste en matière de santé, la franchise médicale. Et vous nous expliquez que ceux qui gagnent plus paieront plus pour leur santé.

Les pères de la sécurité sociale avaient inventé un bon système pour garantir l'égalité des soins quel que soit le revenu - à l'époque le salaire - de chacun : des cotisations plus importantes en fonction du salaire. Les choses ont, c'est vrai, beaucoup changé depuis, mais je vous propose de mettre cette idée au goût du jour en faisant contribuer tous les revenus à la sécurité sociale, et donc les revenus financiers.

Votre conception s'apparente davantage à la médecine à deux vitesses. Le candidat à la présidentielle s'était fait fort de défendre l'intérêt national, promesse qu'on a du mal à croire quand on entend Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme, faire la publicité de la concurrence à l'entreprise nationale EDF. Curieuse façon de défendre les intérêts de l'État, et donc l'argent public !

À ce propos, on ne peut qu'être inquiet de l'utilisation de l'argent public lorsqu'on sait que, en 2003, l'État a cédé pour 85 millions d'euros les bâtiments de feue l'Imprimerie nationale au fonds d'investissement Carlyle et qu'il les aurait rachetés 376,7 millions cette année pour loger des services du ministère des affaires étrangères. Quel gâchis et quelle mauvaise gestion des deniers de l'État, c'est-à-dire de l'argent de nos concitoyens !

Mme Hélène Luc et M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Fort heureusement, les Français, y compris - j'y insiste - ceux qui ont voté pour le Président de la République, ne sont pas disposés à changer de fournisseur, et ils confirment, après les élections, ce qu'ils disaient les élections. En effet, 63 % d'entre eux rejettent l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité et du gaz. Et la mission commune d'information du Sénat sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la Franceet les moyens de la préserver, créée sur l'initiative de mon groupe, le groupe communiste républicain et citoyen, vient de confirmer la nécessité d'une maîtrise publique.

Hélas, la libéralisation est le maître mot de l'Europe des marchands !

L'expérience de France Télécom, monsieur le Premier ministre, est édifiante.

M. François Fillon, Premier ministre. Mais oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez vous-même engagé, en 1996, la privatisation de France Télécom en jurant, à l'époque, que l'État garderait 51 % du capital.

Avec la cession annoncée, l'État n'en détiendra plus que 25 %. Mais quels en sont d'ores et déjà les effets pour le secteur national et pour les usagers ?

M. François Fillon, Premier ministre. Des créations d'emplois !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On prévoit 22 000 suppressions d'emplois en France, que ce soit pour France Télécom ou ses concurrents - les salariés de SFR en savent quelque chose - et des abus tarifaires que dénoncent toutes les associations de consommateurs !

Pourtant, la déclaration finale, signée par les Vingt-Sept à Bruxelles le 22 juin dernier, se félicite des avancées de la mise en oeuvre des principes de mise en concurrence, à savoir la libre circulation des marchandises, des personnes - tout dépend desquelles ! -, des services et des capitaux, comme elle se félicite des « progrès » réalisés sur le projet de directive relative aux services postaux. Tout ce que les Français ne veulent pas !

Le Président de la République ne cesse de s'autoféliciter de son initiative européenne. Politique oblige ! Nul ne peut faire comme si les Français avaient voté « oui » au projet de traité de Constitution européenne en 2005. Ils ont voté « non » ! Alors, qu'à cela ne tienne, le discours cherche à enfoncer le clou.

À cet égard, je citerai les propos du Président de la République : « La décision prise est conforme au vote des Français en 2005, nous avons obtenu une réorientation majeure. » Véritable tour de passe-passe ! Non : les principes ultralibéraux, objets de la critique de la majorité de nos concitoyens, demeurent.

D'ailleurs, ils souhaitent, pour 57 % d'entre eux, être consultés sur le futur mini-traité quand il sera écrit ; mais nous aurons l'occasion d'y revenir ce soir.

Le dialogue social, autre credo de campagne. Qui pourrait être contre ? Il y a un tel déficit en ce domaine en France ! Mais quelle conception du dialogue social ? Le Président de la République a donné le la, et vous le confirmez, monsieur le Premier ministre.

D'abord, le dialogue social n'a pas pour objet de « déranger » les réformes engagées. Sauf à la marge, pour l'image, comme avec les étudiants ; sinon, le Président de la République impose.

M. Dominique Braye. De combien de temps dispose Mme Borvo Cohen-Seat ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il entend d'ailleurs régenter la démocratie syndicale, instituer la primauté du contrat au niveau de l'entreprise. Cette conception du syndicalisme est tout à fait conforme à celle de Mme Parisot.

J'ajoute que, dans un autre domaine, le premier projet du Gouvernement que nous allons examiner au Sénat, à savoir une huitième modification du code pénal depuis 2002, augure mal du dialogue social.

M. Dominique Braye. Votre temps de parole est terminé depuis longtemps !

M. le président. Monsieur Braye, c'est moi qui préside et non vous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et c'est une très bonne chose !

J'ai presque terminé mon intervention, monsieur le président !

M. Dominique Braye. Je suis intervenu pour vous faire applaudir, madame Borvo, sinon personne ne vous aurait jamais applaudie ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La haine vous étouffe, monsieur Braye ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

L'instauration des peines planchers et la quasi-suppression de la minorité pénale ont été repoussées par les parlementaires de la majorité pendant cinq ans, et l'ensemble des professionnels de la justice les refuse ! Là encore, l'illusion prime sur le réel.

M. Dominique Braye. Elle a droit à vingt-cinq minutes, elle ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nos concitoyens veulent voir diminuer la délinquance, bien sûr. Ils ont été traumatisés par les dysfonctionnements de la justice. Il n'est pas inutile de souligner que le prétendu laxisme des juges qui sous-tend la réforme actuelle est l'inverse de ce qui s'est passé à Outreau.

M. le président. Maintenant je vous demande de conclure, ma chère collègue !

M. Dominique Braye. Oh, monsieur le président, nous ne sommes plus à trois minutes près !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je conclus, monsieur le président !

Alors, par un tour de passe-passe, on répond que la délinquance, hier en régression grâce à l'action d'un récent ministre de l'intérieur (Exclamations et manifestations d'impatience sur les travées de l'UMP), est aujourd'hui en augmentation, bien que les statistiques s'arrêtent à 2005 ; mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas manqué de rappeler les choix du Président de la République en matière d'immigration. Ils ont d'ailleurs été largement développés au cours du quinquennat précédent : avant de venir en France, il faut déjà être Français.

Est-ce que vous êtes bien d'accord avec le patronat des grandes entreprises qui ont pignon sur rue et qui emploient massivement les travailleurs immigrés ? Buffalo Grill, Modeluxe, Metal Couleur, Cooperl, OSP, etc...

M. Dominique Braye. C'est du racisme !

M. le président. Veuillez terminer, madame !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je conclurai en évoquant un sujet très important. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Le Président de la République se fait fort d'être le meilleur dans l'action pour contribuer à apporter des solutions urgentes aux conflits et aux situations les plus dramatiques dans le monde.

M. Dominique Braye. C'est vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La situation en Palestine appelle des actes forts. Il est urgent que la voix de la France se fasse entendre pour faire prévaloir des solutions qui existent, monsieur le Premier ministre, à savoir le respect des résolutions de l'ONU. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga et Mme Bariza Khiari applaudissent.)

Monsieur le Premier ministre, votre discours et les décisions qui ont déjà été prises pour appliquer la politique du Président de la République confirment la cohérence d'un projet entièrement au service des plus riches et de l'argent. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous le combattrons et en montrerons la nocivité.

M. le président. Veuillez conclure, madame Borvo Cohen-Seat.

M. Dominique Braye. Elle a épuisé son temps de parole depuis longtemps ! Pourquoi a-t-elle droit à plus de temps que les autres ?

M. le président. Parce que je suis tolérant, monsieur Braye, pour tout le monde, y compris pour vous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi, nous n'approuverons pas la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Ils ont été asphyxiés par vos arguments !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les différents scrutins que nous venons de vivre ont constitué un temps fort de notre démocratie.

Ils ont suscité un grand intérêt dans l'opinion, et le choix des Français s'impose naturellement à tous.

Je dispose de dix minutes pour intervenir au nom du groupe socialiste : c'est peu ! Mais je me consolerai en me disant que vous-même, monsieur le Premier ministre, vous n'êtes guère mieux loti tant est étroite la marge de manoeuvre qui vous est consentie par un chef de l'État omnipotent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Il s'agit non pas d'une question polémique,...

M. Dominique Braye. Heureusement !

M. Jean-Pierre Bel. ...mais d'un vrai sujet d'interrogation : celui de la relation entre le Premier ministre et le Président de la République. Je ne m'enfermerai pas dans un discours qui n'intéresserait que les constitutionnalistes, mais derrière cette relation il y a un sujet important, celui du rôle et des pouvoirs du Parlement devant lequel le Premier ministre est responsable.

M. Jean-Pierre Bel. Si vous souhaitez confronter nos points de vue sur les avancées institutionnelles à promouvoir, nous y sommes prêts. Mais il faudra alors aller jusqu'au bout, ne pas se contenter de quelques mesures alibis et prendre en compte la question dans sa globalité, c'est-à-dire poser les sujets de fond : comment agir pour un Parlement plus respecté dans son rôle de législateur, comment agir pour que le Parlement exerce mieux son devoir de contrôle ?

Vous nous avez annoncé quelques propositions portant notamment sur l'ordre du jour, le rôle des commissions et les nominations. Je vous inviterai à aller plus loin. Osez la suppression de l'article 49-3 ! Soyez novateur pour permettre au Parlement de mieux évaluer les politiques publiques, développez un meilleur contrôle de la politique européenne, conférez des droits nouveaux et concrets à l'opposition, en commençant par le Sénat qui ne doit pas être le grand oublié de vos bonnes intentions,...

M. Dominique Braye. Vous vouliez le supprimer !

M. Jean-Pierre Bel. ...et dont il faudra très rapidement imaginer la réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Nous vous proposons, de la même manière, de mener à bien les grands chantiers de la démocratie. Les sujets ne manquent pas, qu'il s'agisse de la participation des citoyens, de la négociation collective et, bien sûr, du pluralisme, à commencer par celui de la presse.

Mme Catherine Tasca. Qui est une chance !

M. Jean-Pierre Bel. Mais qu'une chose soit claire, monsieur le Premier ministre : si vous voulez que nous discutions, il faut que les règles soient sans ambiguïté.

Pour nous, la véritable ouverture, c'est l'ouverture sur les idées, sur les questions de fond, et non pas le débauchage de personnes en quête de promotion de carrière. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Dominique Braye. Ils ne sont pas gentils avec leurs camarades !

M. Jean-Pierre Bel. Pour notre part, nous ne faisons pas de confusion entre dialogue et connivence. Selon nous, il est utile pour le pays et pour la République d'échanger sur le fonctionnement des institutions. Toutefois, il ne peut s'agir de confondre les genres et de vouloir effacer les clivages consubstantiels de notre démocratie.

M. Jean-Pierre Bel. Si vous voulez respecter l'opposition, ne lui demandez pas de renoncer à ce qu'elle est.

M. Didier Boulaud. Excellent !

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, vous êtes aujourd'hui à la tête de toutes les instances de décision. Votre pouvoir est immense,...

M. Didier Boulaud. Peut-être !

M. Jean-Pierre Bel. ...mais votre responsabilité l'est aussi.

Cette situation vous donne certes les coudées franches mais elle comporte également des risques. Dans ce contexte, nous devons, les uns et les autres, procéder aux analyses qui s'imposent, nous interroger sur le sens des scrutins récents.

Certes, les Français ont, le 17 juin, fait le choix de la cohérence des majorités parlementaire et présidentielle. Il est vrai que le poids des institutions de la ve République, qui font de la présidentielle l'élection majeure de la vie politique, produit des effets quasi mécaniques qui ont été amplifiés par la réduction du mandat présidentiel et par la chronologie des scrutins.

Mais le vote du second tour des élections législatives sonne aussi comme un avertissement. Saurez-vous l'entendre ou bien considérez-vous qu'il n'est dû qu'à l'excès de franchise de l'un d'entre vous ?

Le message qui vous a été envoyé devrait vous inspirer, tant sur le fond que sur la méthode dont vous nous avez parlé aujourd'hui.

Sur le fond, je vois dans ce 17 juin inattendu le signe d'une sorte de réflexe des Français devant des projets qui ne profitent qu'à une minorité d'entre eux.

Mes chers collègues, nous devons tous tirer les leçons de ce qui vient de se passer, majorité comme opposition, chacun à sa place, et faire face aux défis de la France de 2007, répondre aux questions clés, aux préoccupations des Français qui ont émergé durant la campagne électorale.

M. Dominique Mortemousque. C'est bien dit !

M. Jean-Pierre Bel. De notre côté, nous adopterons une attitude claire, nette et compréhensible pour nos concitoyens. Cette attitude sera responsable, constructive quand l'intérêt du pays l'imposera, mais sans complaisance et sans ambiguïtés par rapport aux valeurs et aux convictions qui sont les nôtres et dans lesquelles se sont retrouvés des millions de Françaises et de Français.

S'agissant de la méthode, votre comportement sacrifie le temps du Parlement et du débat au temps de l'instant et de l'image.

Je constate que cette session extraordinaire est malheureusement assez ordinaire par la précipitation que vous nous imposez : vous nous demandez de voter dans l'urgence les quatre textes principaux. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Ce qui était dénoncé hier ne semble plus soulever de difficulté aujourd'hui. Nous aurons, monsieur le Premier ministre, à apprécier très rapidement, dès demain peut-être, votre action dans le domaine de la lutte contre la délinquance. Au moment où vous nous soumettez un nouveau texte, il faut se rappeler que le précédent date du 5 mars de cette année. Il nous a été présenté par M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur. Avant même que ce texte ait été réellement appliqué, vous nous proposez la troisième réforme de la récidive en trois ans, qui risque, elle aussi, de passer à côté du sujet puisqu'elle se limite à une pure réponse carcérale tout en remettant en cause le principe, fondamental pour nos libertés, de l'individualisation des peines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Concernant la question essentielle de la politique économique et financière et de nos finances publiques, vous n'avez pas voulu soumettre au Parlement un collectif budgétaire, vous préférez passer par une loi ordinaire, ce qui a pour effet de retarder l'heure de vérité. Je crois pouvoir dire que vous êtes, là aussi, en contradiction avec les règles que vous aviez vous-même fixées : celles de la transparence budgétaire et de l'information du Parlement.

M. Jean-Pierre Bel. J'ai entendu vos propositions sur la fiscalité et nous ne les partageons pas. C'est devenu une évidence : votre bouclier fiscal vise seulement à protéger les contribuables les plus aisés, le « paquet fiscal » conduira à dépenser plus de 10 milliards d'euros en quelques semaines et il n'aura pas d'effet positif sur le pouvoir d'achat, la croissance ou l'emploi.

M. Jean-Pierre Bel. C'est votre choix ! Pourtant, il y a tellement à faire pour réduire notre dette, pour moderniser l'école, pour investir dans le logement social, dans les transports, dans la sécurité.

Votre projet d'augmentation de la TVA, qui est à l'origine de votre embarras et de vos hésitations, est la conséquence des exonérations - nombreuses - que vous avez accordées aux plus favorisés.

Si vous voulez une mesure qui ne contribue pas à la hausse des prix et qui soit favorable au travail, alors il faut vous résoudre à une véritable imposition du capital. (Mme Catherine Tasca et M. Jean-Luc Mélenchon applaudissent.) Sinon, dites franchement que vous demandez au consommateur, sans distinction de son niveau social, de payer l'addition.

Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous dénoncions le « paquet fiscal » : injuste pour les Français, inefficace pour la croissance et dangereux pour les finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Bel. Votre solution consiste à vous tourner vers les collectivités locales. Mais, vous le savez bien, monsieur le Premier ministre, après le désengagement permanent de l'État, les départements sont exsangues...

M. Jean-Pierre Bel. ...et les finances régionales ne vont guère mieux.

Ce n'est pas ainsi que vous remettrez la France dans la compétition mondiale et que vous préparez son avenir en Europe.

À ce propos, laissez-moi vous dire qu'associer le Parlement aux travaux européens, c'est bien et c'est naturel, mais consulter les Français sur les étapes importantes de la construction européenne, ce serait mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

À ce stade, je me limiterai à dire que ce mini-traité, dont nous ne connaissons pas encore les contours définitifs, manque d'ambition. J'en veux pour preuve, entre autres éléments, l'absence de l'indispensable Charte des droits fondamentaux.

En conclusion, monsieur le Premier ministre, le contrat que vous proposez aujourd'hui aux Français pourrait s'apparenter, si vous me permettez l'expression, à un « marché de dupes ».

Les mots clés figurent : croissance, travail, développement durable. Mais les premiers actes contredisent les intentions. Ils sont destinés, nous le voyons, à dégager votre responsabilité. Ce sera toujours la faute des autres : des fonctionnaires, des RMIstes, des chômeurs, des syndicats...

M. Jean-Marc Todeschini. De Raffarin, de Villepin ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Bel. Pourtant, nos concitoyens sont conscients des réformes à engager. Ils sont prêts à se mobiliser sur un programme pour préparer l'avenir : recherche, éducation, écologie, place de la jeunesse, logement, technologies. Ils sont prêts à consentir des efforts, à condition que ceux-ci soient justement répartis et que l'on respecte le principe de solidarité.

Dans cette législature, les sénateurs socialistes joueront tout leur rôle pour être utiles. Ils seront disponibles lorsque l'essentiel est en cause, qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme, de la paix, du développement, de l'Europe. Ils seront ouverts quand il y a respect et dialogue ; vigilants sur les valeurs de la République, notamment sur l'école et sur la laïcité ; combatifs sur des propositions alternatives.

Nous ne pratiquons pas la politique du pire ; nous souhaitons la réussite pour la France. Vous avez cinq ans pour faire face aux défis qui s'annoncent. Cinq ans, c'est long. Ce que vous avez proposé risque d'appauvrir l'État sans enrichir les Français, d'affaiblir les solidarités sans stimuler l'économie, d'abaisser les droits sociaux...

M. Jean-Pierre Bel. ...sans valoriser le travail.

M. Jean-Pierre Bel. Nous jugerons vos résultats à la mesure du temps. Prenons rendez-vous avec la réalité !

Mais pour l'instant, si votre discours pratique l'incantation de la rupture, il s'inscrit sans surprise dans la lignée de la politique précédente, une politique qui a échoué.

Nous avons donc le sentiment que vous persévérez dans l'erreur...

M. Dominique Braye. Ce n'est pas ce qu'ont dit les Français !

M. Jean-Pierre Bel. ...et c'est pourquoi les sénateurs socialistes ne vous accorderont pas la confiance. (Mmes et MM. les sénateurs socialistes se lèvent et applaudissent longuement. - Les membres du groupe CRC applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nous voici appelés à tirer les conséquences des scrutins qui viennent de se dérouler dans notre pays et qui ont conduit à l'élection d'un nouveau Président de la République, d'une nouvelle Assemblée nationale et à la constitution d'un nouveau gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, vous nous proposez aujourd'hui de débattre et d'approuver une déclaration de politique générale.

Le groupe Union centriste-UDF a apprécié que vous ayez évoqué la question des institutions au début de votre discours. Il est exact que cette préoccupation n'était sans doute pas partagée par tous durant la campagne électorale, mais, très vite, la réalité nous a contraints à nous y confronter de nouveau.

Le nouveau Président de la République gouverne, ce qui constitue probablement l'achèvement d'une évolution commencée en 1962. Il exerce aujourd'hui l'essentiel du pouvoir exécutif, avec un Gouvernement nouveau et « ouvert ».

M. Michel Charasse. Le quinquennat est une belle connerie !

M. le président. Allons, monsieur Charasse, vous n'êtes pas ici au café du Commerce !

Veuillez poursuivre, monsieur Mercier.

M. Michel Mercier. Il y a les faits et le droit. Pour notre part, monsieur le Premier ministre, nous pensons que nous ne pouvons nous contenter des faits. La République et la démocratie - et c'est ainsi qu'elle se définit depuis l'Antiquité - réclament une loi écrite.

Nous sommes intéressés par les modifications institutionnelles que vous proposez. Face à un Président de la République qui exerce l'essentiel du pouvoir exécutif, il faut des contrepoids, des équilibres, qui sont essentiels à la liberté et à la démocratie. Nous voulons construire un pouvoir nouveau et équilibré. Cela passe naturellement par un renouveau profond du Parlement. Il reviendra aux parlementaires, avec le Gouvernement, de faire des efforts pour entrer dans le nouveau système politique.

Une rénovation en profondeur du Parlement est nécessaire, c'est évident. Monsieur le Premier ministre, je ne reprendrai pas l'intégralité de vos propositions. Celles-ci sont intéressantes et méritent d'être étudiées. Peut-être faudra-t-il aller plus loin. Une loi électorale plus juste est indispensable, car nous ne pouvons nous contenter de la situation actuelle si nous voulons parvenir à un système politique équilibré. Le rôle du Sénat doit être repensé, et nous sommes prêts à y travailler avec vous. Une place plus grande doit être faite à nos concitoyens.

En 1958, il fallait brider un Parlement tout-puissant et incapable, dans son omnipotence, de fixer le cap pour la France. Aujourd'hui, il faut recréer un Parlement fort de sa représentativité et de sa capacité à contrôler le pouvoir exécutif, qui fasse contrepoids au pouvoir présidentiel.

Monsieur le Premier ministre, vous avez indiqué que le Président de la République, le Gouvernement et vous-même entendaient créer une commission de la réforme constitutionnelle, dont la mission serait d'examiner ces questions et de formuler des propositions pour rénover nos institutions.

La Constitution, monsieur le Premier ministre, qui appartient à tous, est l'affaire de tous. Cette commission serait présidée par un ancien Premier ministre. Un ancien ministre de la culture ou de l'éducation nationale pourrait y siéger. Or nous pensons qu'il n'est pas souhaitable que seules deux familles politiques soient représentées au sein de cette commission, à laquelle participeront bien naturellement des personnalités indépendantes et reconnues pour leurs capacités dans le domaine constitutionnel. En effet, comme ce fut le cas pour le Comité consultatif constitutionnel en 1958, cette commission doit représenter toutes les familles politiques. C'est l'une des conditions pour que nous puissions tous, demain, nous approprier les institutions de la République.

Je ne souhaite pas revenir sur tous les sujets que vous avez abordés dans votre discours, monsieur le Premier ministre, et je me contenterai simplement d'en évoquer quelques-uns. Vous comprendrez aisément que, au nom des sénatrices et des sénateurs du groupe Union centriste-UDF, je vous parle de la relance de l'Europe.

Relancer l'Europe, c'était une nécessité. Nous reconnaissons le rôle joué ces derniers jours par M. le Président de la République s'agissant du traité simplifié. Nous sommes fiers et heureux de ce mini-traité, qui relance la construction européenne, ainsi que du maintien du couple franco-allemand. Nous nous réjouissons également que les vingt-cinq autres États membres, considérés comme de vrais européens, aient pu participer à cette relance. Tout cela constitue des points extrêmement positifs.

L'Europe, avez-vous dit, monsieur le Premier ministre, doit être le moyen, pour la France, d'asseoir complètement son rayonnement. Comme les autres Européens, nous avons besoin de l'Europe pour promouvoir la vitalité et le développement économique, politique, social et culturel de toute l'Union européenne, qui constitue la seule entité géopolitique capable de nous assurer un devenir autonome dans le contexte de la mondialisation.

Toutefois, pour réaliser ces modifications institutionnelles et ratifier le traité européen, il vous faut une majorité qualifiée. Nous sommes prêts à contribuer à vous l'apporter, avec notre spécificité, nos valeurs et notre autonomie, afin de mener à bien ce travail de reconstruction, sauf si vous refusiez notre aide, monsieur le Premier ministre ! C'est à vous de choisir les personnes avec lesquelles vous voulez travailler ! Pour notre part, nous ne rejetons personne et souhaitons participer à la majorité spécifique des trois cinquièmes dont notre pays a aujourd'hui besoin.

Je souhaite maintenant aborder d'autres projets, pour lesquels la majorité qualifiée ne sera pas nécessaire. Nous les étudierons toujours avec confiance, bienveillance - c'est notre nature ! -, mais aussi avec une grande vigilance.

Tout d'abord, j'évoquerai rapidement les collectivités locales. Nous avons bien compris, en écoutant hier votre déclaration de politique générale, que vous les invitiez à participer à l'effort de discipline financière auquel l'État va s'astreindre.

Avec la décentralisation, les représentants des élus locaux et de l'État peuvent passer beaucoup de temps à se reprocher les problèmes liés aux recettes des collectivités locales. Je souhaite simplement vous dire, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement, s'il veut vraiment compter sur les collectivités locales, doit commencer par ne plus leur imposer des dépenses qu'elles n'auront pas décidées elles-mêmes. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UMP.) C'est cela la décentralisation, il faut le dire et le redire !

Par exemple, dans le département que j'ai l'honneur d'administrer avec d'autres personnes ici présentes, nous avons pu réduire de 3 000, en une année, le nombre de bénéficiaires du RMI, pour revenir au chiffre de 2004. Mais, chaque mois, le département paye 20 % de plus qu'en 2004 ! C'est un grand mystère, puisque personne ne peut m'expliquer les raisons d'une telle situation.

Mme Hélène Luc. Non, ce n'est pas un mystère !

M. Michel Mercier. Avec 3 000  RMIstes de moins, la somme versée à la caisse d'allocations familiales a augmenté de 20 %, ce qui représente un peu plus de 2 millions d'euros chaque mois ! Cette somme est loin d'être négligeable. Nous devons par conséquent reconstruire un véritable contrat de confiance entre l'État et les collectivités locales.

Je dirai quelques mots sur la fiscalité, qui constitue, à nos yeux, un domaine très important. Comment pourrons-nous réussir à couvrir nos charges et à réduire la dette ?

Sans que l'on s'y attende vraiment, la question de la dette publique a été évoquée au cours de la campagne électorale. Il ne faudrait pas qu'elle disparaisse de nos préoccupations une fois cette période achevée.

Il s'agit en effet d'une question centrale, pour trois raisons.

Tout d'abord, la dette pèse sur les plus pauvres d'entre nous, pour lesquels nous ne pourrons mettre en place les services nécessaires.

Ensuite, la dette ruine notre crédibilité à l'échelon européen. Si nous ne sommes pas capables de réduire notre endettement, nous ne serons pas crédibles aux yeux de nos partenaires européens. Il serait dommage, au moment où un véritable coup de booster vient d'être donné à la construction européenne, d'anéantir cette avancée par un endettement endémique.

Enfin, la dette ruine notre compétitivité et ne nous permet donc pas d'espérer une croissance forte.

Nous apprécions, monsieur le Premier ministre, que vous ayez repris, même si nous n'en revendiquons pas le monopole, l'idée, défendue par l'UDF au cours de la campagne présidentielle, d'un Small Business Act à la française.

M. Pierre Hérisson. C'est une idée brillante !

M. Michel Mercier. Il s'agit de faire en sorte que les PME, qui sont les entreprises les plus à même de développer notre pays, puissent bénéficier d'un traitement particulier. Si cela est possible aux États-Unis, ce doit l'être également en France. (M. Louis de Broissia applaudit.) Nous soutiendrons donc tous les efforts du Gouvernement visant à adopter des dispositions dans ce sens.

Comment couvrir les dépenses budgétaires, les dépenses sociales ? Nous avons appris du président de la commission des finances, M. Jean Arthuis - mais cela ne vous étonnera pas ! -, que l'important en matière d'impôt, c'est de savoir qui en définitive le paye.

Qui paye les charges sociales ? S'agit-il de l'entreprise ou de celui qui achète le produit ou le service proposé par l'entreprise ? Il est bien évident que l'impôt se retrouve dans le prix, comme c'est le cas, d'ailleurs, pour la TVA.

Nous sommes prêts à débattre, de la façon la plus claire et la plus transparente, de l'ensemble des questions relatives à la fiscalité et aux charges sociales. Nous savons que nous ne pouvons plus, aujourd'hui, procéder comme en 1945 pour financer nos charges sociales. En effet, à cette époque, tout le monde travaillait, de 14 ans à 65 ans. Aujourd'hui, malheureusement, tout le monde ne travaille pas ; par ailleurs, on commence plus tard et on s'arrête plus tôt. La situation a donc changé et il nous faut réfléchir à ces questions.

Pour notre part, deux règles nous guideront : l'efficacité économique mais aussi l'équité sociale, la solidarité. En effet, si nous ne sommes pas tous égaux devant le sacrifice demandé, il ne peut y avoir de véritable progrès dans notre pays.

Monsieur le Premier ministre, nous serons amenés à examiner vos projets de lois au cours de cette session extraordinaire et pendant les cinq ans qui viennent. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, les sénatrices et les sénateurs du groupe Union centriste-UDF n'y seront, a priori, pas hostiles.

Plusieurs sénateurs sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. Encore un effort !

M. Michel Mercier. Avec un Gouvernement qui comporte plus de membres ayant voté Ségolène Royal que François Bayrou, c'est moi qui fais plus d'effort que vous ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.) Ne me cherchez pas sur ce point, car je trouverai des réponses faciles ! (Murmures.)

M. le président. Poursuivez votre intervention, monsieur Mercier.

M. Michel Mercier. J'y reviens, monsieur le président.

Pour être très clair, nous ne nous opposerons pas a priori. Nous ferons preuve de confiance et de bienveillance. Mais il vous appartiendra de nous convaincre, monsieur le Premier ministre, car nous serons toujours vigilants ! (M. Jean-Claude Gaudin s'exclame.) Nous allons d'ailleurs concrétiser cette position en adoptant votre déclaration de politique générale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'élection présidentielle, comme les élections législatives, ouvre une nouvelle page de notre histoire. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

Elles ont tout d'abord consacré une éclatante victoire de la démocratie grâce aux débats qui se sont déroulés devant l'opinion, à l'ampleur de la participation au scrutin présidentiel et à la défaite des extrêmes.

Elles ont également permis aux électeurs de se prononcer en toute connaissance de cause sur un programme, des orientations et des propositions énoncées avec force, conviction et clarté, mais aussi sur les valeurs dont se réclame celui que les Français ont élu à la présidence de la République.

Nicolas Sarkozy a rencontré l'adhésion d'une importante majorité de nos compatriotes, parce qu'il entend réhabiliter le travail, le respect, l'initiative et le mérite, reconnaître la nation comme ciment de notre peuple, affirmer l'identité française, et aussi donner un nouvel élan à la construction européenne.

M. Josselin de Rohan. Il a su traduire l'exigence d'action, l'envie d'efficacité, l'attente de résultats, le désir d'adaptation à la modernité que nourrissent tous ceux qui veulent voir leur pays être un exemple et non un objet de compassion, un pays entreprenant et compétitif, et non un pays en déclin, frileux, cherchant à se protéger de tout et de tous. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Michel. Il faut relire Le Télégramme de Brest !

M. Josselin de Rohan. Dans les toutes premières semaines de son quinquennat, le Président de la République a démontré de manière éclatante sa volonté de tenir ses engagements en lançant d'importantes réformes et en se refusant à ne rien retrancher de ses promesses.

À cet égard, il doit être clair que, si la concertation, la recherche du consensus le plus étendu, l'information du public et le débat le plus large doivent être le préalable à toute décision importante, il n'est pas acceptable en démocratie que d'aucuns aillent chercher dans la rue la revanche des urnes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

On ne saurait toujours faire dépendre l'avenir d'une réforme de l'ampleur des cortèges ou des manifestations que suscitent ses opposants. La loi votée par la représentation nationale doit être respectée, sinon la démocratie est bafouée. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Josselin de Rohan. La réhabilitation du travail et le développement de l'emploi ainsi que l'amélioration du pouvoir d'achat ont été au coeur de la campagne de l'élection présidentielle.

C'est en France, mes chers collègues, que l'on accède le plus tard à un emploi et qu'on le quitte le plus tôt. Nous avons encore 8 % de notre population active au chômage et 400 000 emplois ne trouvent pas preneur. Les observateurs de l'Union européenne et de l'OCDE, comme les analystes étrangers, s'accordent à reconnaître que nous ne travaillons pas assez. Seuls de toute l'Europe, nous avons institué les 35 heures, qui ont affecté la compétitivité de nos entreprises, le pouvoir d'achat des salariés, et pesé lourdement sur nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Nous avons travaillé moins pour gagner moins ; aujourd'hui, il nous faut travailler plus pour gagner plus. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Hélène Luc. Ce n'est quand même pas les chômeurs qui sont responsables de ne pouvoir travailler !

M. Josselin de Rohan. Le recours aux heures supplémentaires sera stimulé (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe) par les exonérations de charges sociales et fiscales qui leur sont attachées ainsi que par la majoration de leur montant. Toute personne qui retrouvera un emploi bénéficiera d'une augmentation substantielle de ses revenus grâce au revenu de solidarité active. Mes chers collègues, il ne faut plus que les revenus de l'assistanat soient supérieurs aux revenus du travail, sinon, entre nous, pourquoi travailler ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Frimat. Ce n'est pas croyable !

Mme Hélène Luc. Dites cela aux chômeurs !

M. Josselin de Rohan. Au demeurant, l'assistance n'est pas une rente si la solidarité est un devoir. La société est en droit de demander une contrepartie au bénéficiaire d'un RMI, comme elle est en droit de supprimer leurs allocations à ceux qui, de manière répétée, ont refusé sans motif valable une offre d'emploi. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Josselin de Rohan. L'exonération d'impôt sur le revenu des rémunérations des étudiants qui financent leurs études, l'octroi aux ménages d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts des emprunts souscrits ou à souscrire pour l'acquisition de leur résidence principale vont dans le sens d'un soutien fort au pouvoir d'achat. En permettant aux Français de transmettre le fruit de leur travail à leurs enfants, en supprimant les droits de succession en ligne directe pour 95 % des successions, on récompense les Français de leurs efforts. En exonérant de toute contribution le conjoint survivant, on évite, par exemple, à la veuve de vendre le logement, souvent acquis au prix de beaucoup de sacrifices et d'économies, pour payer des droits de succession. Est-ce une mesure favorisant les riches, comme le disent nos détracteurs, ou bien, au contraire, une mesure d'équité ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Demandons aux Français ce qu'ils en pensent ! Nous ne craignons pas leur jugement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Favoriser le travail, c'est aussi lutter contre les délocalisations et la fuite des capitaux et rendre notre pays attractif. La déduction de l'impôt de solidarité sur la fortune des sommes investies dans le capital des PME et dans la recherche soutiendra efficacement l'innovation et les créations d'emploi. L'abaissement du bouclier fiscal devrait inciter les contribuables à rester ou à revenir dans notre pays, car plus une seule personne de bonne foi ne peut contester le tort causé à notre économie par l'application de l'ISF depuis son instauration, qui, au surplus, a fait la fortune de nos voisins. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Josselin de Rohan. Toutes les mesures envisagées ont un coût et reposent sur un double pari : la poursuite de la croissance et la maîtrise des dépenses publiques. En contribuant à restaurer la confiance, en facilitant l'investissement et en élevant le pouvoir d'achat des salariés, elles peuvent permettre cette augmentation d'un point de notre taux de croissance annuel que le Gouvernement a fixé comme objectif. Cette hausse de la croissance permise par l'abaissement des prélèvements obligatoires peut procurer des recettes fiscales nouvelles et créer de nombreux emplois.

Mais l'effort de réduction des déficits publics doit être poursuivi avec, pour objectif, de ramener le poids de la dette publique à 60 % du produit intérieur brut en 2012, conformément à l'engagement du président de la République.

Le déficit de l'État, nous ne saurions l'oublier, absorbe l'épargne des ménages et la détourne de la consommation, donc de la croissance. L'action entreprise par les gouvernements précédents pour contenir et réduire la dette n'est pas seulement une contrainte que nous impose l'Union européenne ; elle est une exigence morale pour éviter que nous ne compromettions gravement l'avenir de ceux qui viendront après nous.

En poursuivant la réforme de l'État entreprise par vos prédécesseurs et l'effort de maîtrise de la dépense publique, vous avez marqué, monsieur le Premier ministre, votre souci de tenir ce cap et nous vous en félicitons.

Nous devons impérativement revoir les modalités de fonctionnement de notre formation initiale. S'agissant de la formation professionnelle, vous pourrez vous inspirer des excellents travaux de la commission sénatoriale présidée par notre collègue Jean-Claude Carle, qui met en lumière les lacunes et les carences de son système de financement. (M. Jean-Pierre Raffarin applaudit.)

Le projet de loi sur l'autonomie des universités est un préalable au renouveau de notre enseignement supérieur.

Dans son avis intitulé L'insertion professionnelle des jeunes issus de l'enseignement supérieur, présenté en 2005 au Conseil économique et social, M. Jean-Louis Walter notait que, « sur les 762 000 jeunes ayant quitté le système éducatif en 2001, la moitié avait poursuivi des études supérieures après le baccalauréat, dont le quart a quitté l'enseignement supérieur sans y obtenir de diplôme ».

« Parmi les jeunes rencontrant des difficultés pour s'intégrer dans l'emploi [...], 33 % ont poursuivi une ou deux années d'études dans l'enseignement supérieur sans y obtenir de diplôme. [...] Ces jeunes ont très souvent passé une période relativement longue, le plus souvent inscrits à de multiples reprises en premier cycle universitaire. Ainsi, seuls 20 % des jeunes sortis non diplômés de DEUG ont passé un an dans l'enseignement supérieur, 55 % y étant restés plus de deux ans, et 30 % plus de quatre ans, au travers d'une ou de plusieurs filières ».

Mme Hélène Luc. Ce sont ces jeunes-là qu'il faut faire réussir !

M. Josselin de Rohan. Ces chiffres, plus que tous les discours, expliquent l'humiliant classement de Shangai, qui a tant frappé les esprits.

Le projet de loi que nous discuterons prochainement doit donner la possibilité à nos universités de revenir dans les premiers rangs mondiaux, grâce à une meilleure gouvernance et à l'excellence des formations qu'elles dispensent. Puissent les conservatismes, les corporatismes et les routines ne pas venir à bout d'une réforme dont nous ressentons profondément la nécessité ! Ce qui se joue en ce moment, c'est notre capacité à entrer dans la société de la connaissance, c'est la place de notre pays au sein du monde développé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Bien que, dans votre livre intitulé La France peut supporter la vérité, vous ayez consacré d'intéressants développements à notre administration territoriale, vous n'avez pas évoqué les réformes qui pourraient être apportées à leur organisation comme à leur fonctionnement. L'empilement de nos structures et leur multiplication deviennent un frein à la bonne gouvernance du pays. Tôt ou tard, nous devrons nous livrer à un effort de simplification et de clarification des compétences respectives de chacun des niveaux de l'administration territoriale. Tôt ou tard, nous devrons procéder à une réforme fondamentale de notre fiscalité locale de plus en plus déconnectée des réalités territoriales et inadaptée aux besoins des administrés.

Et, si nous entendons votre souci de voir les collectivités locales participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique, nous vous demandons de veiller à ce que l'État ne leur transfère plus de charges obligatoires ou de responsabilités nouvelles sans qu'elles soient assurées de pouvoir y faire financièrement face. Nous avons atteint les limites du supportable dans ce domaine, singulièrement pour tout ce qui se rapporte à l'action sociale. La générosité ne consiste pas à faire payer ses bonnes actions par autrui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean-Claude Gaudin. C'est plus direct que Mercier !

M. Josselin de Rohan. Nous tenons à saluer l'action habile, déterminée et efficace du président de la République lors du sommet européen des 21 et 22 juin 2007, qui a permis d'aboutir au compromis de Bruxelles. En coopération étroite avec la chancelière Angela Merkel, il a su replacer la France au centre de la construction européenne et permettre que celle-ci retrouve un nouvel élan. Nous nous réjouissons de ce succès.

M. Josselin de Rohan. Monsieur le Premier ministre, nous avons en commun, je crois, beaucoup d'attirance pour Chateaubriand. Écoutons son propos : « dans le premier enivrement d'un succès on se figure que tout est aisé, on espère satisfaire toutes les exigences, toutes les humeurs, tous les intérêts ; on se flatte que chacun mettra de côté ses vues personnelles et ses vanités ; on croit que la supériorité des lumières et la sagesse du gouvernement surmonteront des difficultés sans nombre mais, au bout de quelques mois, la pratique vient démentir la théorie ». (Sourires.)

La pratique, ce sont les aléas du quotidien, l'ignorance et les préjugés qu'il faut combattre, l'incompréhension qui entoure certaines décisions, les résistances que rencontrent des réformes qui bousculent la routine, les intérêts particuliers ou les privilèges. Ce sont les blocages qu'entretiennent la démagogie ou la désinformation.

MM. Jean-Claude Gaudin et Dominique Braye. Très bien !

M. Josselin de Rohan. Sur quels appuis compter dans les temps difficiles,...

M. Josselin de Rohan. ...sinon sur celui d'une majorité unie, cohérente et solidaire, prête à prendre sa part du combat pour assurer le succès de la cause commune ? La fidélité devient alors un recours. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Notre soutien vous est acquis ; nous ne vous le marchanderons pas car nous faisons nôtres les grandes ambitions que le Président de la République a fixées à notre pays. Nous ne demandons à être payés que d'écoute et de considération car nos avis, fondés sur l'expérience et la connaissance des réalités du terrain, peuvent éclairer utilement un gouvernement, conforter son action, lui épargner des erreurs.

Un vent nouveau souffle sur notre pays (Oh ! sur les travées du groupe socialiste), porteur d'espoir et de changement, mais aussi de grandes attentes.

En imprimant un rythme fort aux réformes, vous montrez que vous voulez répondre sans tarder à cette aspiration.

Nous sommes à vos côtés pour construire une France moderne, forte et respectée qui assure la prospérité à ses enfants et place notre pays au premier rang des nations de l'Europe pour son dynamisme et ses performances. C'est dans cet esprit que nous voterons la confiance au gouvernement que vous dirigez sans hésitation et sans restriction. (Mmes et MM. les sénateurs de l'UMP se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur quelques travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, moment attendu et incontournable, la déclaration de politique générale est un exercice formel et généralement sans surprises sur le fond. C'est bien le cas aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, puisque votre « contrat politique, social et culturel » confirme les promesses faites par le candidat de l'UMP durant toute sa campagne électorale.

Certes, vous prétendez faire de la politique avec un nouvel état d'esprit et vous souhaitez en conséquence une opposition constructive. C'est vrai que dans une démocratie moderne, il est stérile de s'opposer par principe et de rejeter en bloc tout ce qui vient du camp d'en face. C'est donc dans un esprit responsable que les radicaux de gauche jugeront votre programme d'action gouvernementale et qu'ils exerceront une vigilance sans indulgence.

Monsieur le Premier ministre, vous prévoyez d'ouvrir le chantier institutionnel. Sur ce terrain, nous pourrons souscrire à vos propositions si elles visent à redonner à notre démocratie le souffle dont elle a besoin. La ve République aura cinquante ans l'année prochaine. Ce qui était bon hier ne l'est plus aujourd'hui. Le régime qu'a mis en place la Constitution de 1958, inédit et salutaire à l'époque, montre aujourd'hui ses limites.

Vous proposez donc un certain nombre de modifications de la procédure législative, un meilleur contrôle parlementaire de l'exécutif. Nous sommes d'accord. Nous sommes aussi d'accord pour la limitation du nombre de mandats du Président de la République. Nous sommes d'accord, enfin, pour la mise en place de moyens d'audit indépendants et pour le réexamen d'un texte en cas de pétition. Mais puisque vous faites de l'audace un principe d'action politique, pourquoi ne pas aller au bout des choses en proposant vraiment un changement de République et le passage à un régime présidentiel, bref, à la vie République ?

Concernant l'Europe, si chère au coeur des radicaux et plongée dans une crise sans précédent depuis les non français et néerlandais, nous suivons avec intérêt les efforts du Président de la République, de José Luis Zapatero et d'Angela Merkel pour trouver un compromis qui permette de reprendre la marche en avant.

Dans votre volonté de relancer l'Europe, vous nous trouverez également à vos côtés. En revanche, nous nous opposerons s'il s'agit de porter atteinte à l'autonomie des collectivités territoriales en limitant encore - une fois de plus, ai-je envie de dire - leurs moyens financiers. Que signifient réellement ces « nouvelles relations contractuelles » que vous avez évoquées hier dans votre discours ?

Mon intransigeance et celle des radicaux au nom desquels je m'exprime sera aussi dirigée vers tout ce qui constitue un recul des droits sociaux ou une atteinte aux principes républicains.

À maintes reprises, monsieur le Premier ministre, vous avez parlé de volontarisme. Pourtant, sur certaines questions, je note que, bien souvent, être volontaire pourrait consister surtout à défaire : défaire le code du travail, avec le projet de loi sur les heures supplémentaires ; défaire l'école républicaine, avec la suppression de la carte scolaire ; défaire le droit pénal français, avec l'instauration des peines planchers ; défaire la sécurité sociale, avec les franchises médicales.

M. Dominique Braye. Il s'agit d'adapter et de moderniser !

M. Jean-Michel Baylet. Que proposez-vous à ceux qui n'ont pas de biens à léguer à leurs enfants, à ceux qui n'auront jamais les capacités d'emprunt pour acheter un logement ?

M. Charles Pasqua. L'espérance !

M. Jean-Michel Baylet. Que proposez-vous à ceux dont les enfants n'iront jamais jusqu'à l'université, qu'elle soit autonome ou pas, à ceux dont les enfants n'auront d'autre choix que d'aller dans un lycée situé en zone d'éducation prioritaire, même avec une carte scolaire désectorisée ?

Monsieur le Premier ministre, notre pays a une tradition de solidarité et d'humanisme qui nous oblige. Oui, c'est vrai, la France a besoin de réformes, mais pas à n'importe quel prix. Or tous les Français ne se retrouveront pas dans le paquet fiscal, qui porte les germes d'inégalités. Notamment, votre projet d'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires de travail porte atteinte à l'égalité fiscale. En effet, il contrarie plusieurs des principes sur lesquels repose le système d'imposition progressive du revenu. Autre injustice : la progressivité de l'impôt sera également mise à mal par un bouclier fiscal ramené à 50 %. En outre, ces mesures n'ont pas de justifications économiques suffisamment pertinentes et leur coût, évalué à 12 milliards d'euros,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas mal... !

M. Jean-Michel Baylet. ...ne fera qu'aggraver le déficit du budget de l'État alors que, comme vous le rappeliez tout à l'heure, nous avons un impératif de réduction de la dette publique. Cette dette, que vous allez encore creuser avec ces mesures, atteint déjà 65 % du PIB.

Si vous décidez de plus d'augmenter la TVA dite « sociale » pour financer ces cadeaux fiscaux, vous allez pénaliser les Français les moins aisés, ceux dont la totalité du salaire passe dans la consommation. Entre les deux tours, les Français vous ont adressé pourtant un message clair sur ce point.

Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, compte tenu en particulier de vos choix budgétaires et fiscaux, nous n'approuverons pas votre déclaration de politique générale. Sachez toutefois que nous resterons à l'écoute et que nous jugerons chacune de vos mesures sans a priori. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées du groupe CRC.)

M. André Rouvière. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, si les Français ont donné mandat à une opposition significative de ne pas laisser un homme seul gouverner au gré de ses seules aspirations après avoir donné à celui-ci la légitimité des urnes, c'est qu'ils ont été alertés : taxes redoutées par les plus pauvres, moins d'impôts pour les plus riches, au risque d'accroître la dette.

Vous dites « rupture », mais ce sont des recettes historiques de droite que vous servez. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.) Allégements fiscaux, réveil des valeurs patriotiques, crédits pour l'accès à la propriété, c'est le programme du patron de l'industrie textile Eugène Motte à Roubaix en 1902 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Le retour du Président dans l'hémicycle, c'était le rêve d'Adolphe Thiers en 1873. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Jean-Pierre Michel. C'est le boulangisme !

Mme Marie-Christine Blandin. Vous dites « ouverture », mais la première des ouvertures c'est le respect de l'opposition. La séquence des qualificatifs de « grandes âmes sèches » ou des injures faites aux femmes doit être close. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Pasqua. Et les injures faites aux hommes ?

Mme Marie-Christine Blandin. Notre vigilance portera prioritairement sur le maintien de la paix.

Nous saluons le redémarrage probable de l'Union européenne, mais les concessions fâcheuses augurent mal d'une belle ambition sociale et environnementale, avec référendum.

Sur le plan international, prendre Bush pour modèle nous entraîne sur des chemins belliqueux.

M. Josselin de Rohan. Où a-t-elle été chercher cela ?

Mme Marie-Christine Blandin. Entre porte-avion nucléaire et autres projets industriels, la vraie rupture serait d'accorder une place à la résolution non violente des conflits et de mettre fin à la vente d'armes.

Mme Marie-Christine Blandin. Quant à la paix dans les quartiers, essayons la vraie lutte contre la discrimination plutôt que les mots qui enflamment ou l'emprisonnement des mineurs.

L'autre grande priorité est, bien sûr, la maîtrise publique des prédations sauvages : sur la nature, sur les ressources, sur le travail des hommes et des femmes.

Le fameux « travailler plus pour gagner plus » ne dit rien de ceux qui s'enrichissent sans travailler (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) et fait peu de cas de l'arrêt des embauches quand les heures supplémentaires seront favorisées.

Malheur aux perdants dans un régime qui décomplexe la gagne et ringardise la sécurité ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

À ceux qui ont besoin de régulations, de solidarité, de choix responsables pour leurs enfants, à ceux qui préfèrent la coopération à la compétition, vous n'offrez pas d'espace pour innover et construire leur autonomie.

À propos d'autonomie, parlons des universités. La bouffée d'oxygène attendue ne saurait être prétexte au transfert de bâtiments amiantés ou au mercato des embauches pédagogiques à coup de primes.

En matière de santé, vous pensez coût des soins, franchise, au risque d'inégalités. Mais il y a une autre économie possible : protéger le capital santé de chacun contre les polluants qui imprègnent les aliments et contre les rejets des incinérateurs, protéger les campagnes de l'aspersion régulière de pesticides.

Au lieu de flirter avec la privatisation assurantielle de la couverture maladie, l'État se doit d'aborder le cancer, la maladie d'Alzheimer ou l'asthme par la recherche des causes et leur éradication, même si d'énormes intérêts chimiques, pétroliers, voire nanotechnologiques sont en jeu.

Il est un autre capital que la santé : la capacité des hommes à se parler, à faire sens, à créer.

Des couperets comme la suppression de 10 000 postes d'enseignant, des silences sur l'indépendance et les moyens de la culture, coincée entre collectivités et sponsors, et des inventions comme le « ministère de l'immigration et de l'identité nationale » font froid dans le dos. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

Ce repli identitaire n'est vraiment pas de mise sur une planète dont le mauvais état et la dégradation climatique, essentiellement générés par les pays riches, appellent un projet commun, fédérateur et solidaire.

Pour terminer, et afin d'être juste, je préciserai que l'image rajeunie, féminisée et métissée du Gouvernement est une bonne communication.

Mais nous attendons plus. Le symbole que constitue Fadela Amara ne prendra sens que lorsque les associations militantes des quartiers retrouveront les moyens d'agir dont la droite les a privées.

La féminisation ne prendra sens que lorsqu'une ministre comme Valérie Pécresse disposera, en propre, de marges de manoeuvre quand on l'envoie faire de la concertation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Enfin, la protection de l'environnement ne prendra sens que dans la cohérence : le « touche pas à mon nucléaire, à mes projets autoroutiers ou à mes OGM en plein champ » ne sont pas compatibles avec l'urgence du virage à négocier.

Parce que nous sommes opposés aux gages que vous donnez aux milieux d'affaires et à la droite extrême, parce nous n'avons aucune garantie sur les promesses faites aux associations écologistes et au peuple de gauche, nous, les Verts, nous ne voterons pas la confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. Dominique Braye. Bonne nouvelle !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de la qualité de ce débat, qui honore la Haute Assemblée. Pierre Laffitte l'a ouvert en insistant, comme chacun s'y attendait, sur la politique au service de l'université et de la recherche que nous entendons mener. Chacun sait la part qu'il a prise dans la rénovation de cette politique.

Bruno Retailleau a souligné, à juste titre, que nous avions une occasion historique de réussir le changement. En effet, nous avons pu rompre avec la défiance qui caractérisait la vie politique française depuis deux décennies. Pour autant, cela ne veut pas dire que nous avons réussi à redresser le pays. Depuis deux décennies, aucune majorité n'a jamais été reconduite. Et les Français votaient de moins en moins, parce qu'ils avaient le sentiment que les majorités qui se succédaient ne tenaient pas leurs engagements.

M. Yannick Bodin. C'est la rupture !

M. François Fillon, Premier ministre. Il faut le reconnaître, en 1997, la gauche était élue sur un programme de combat contre les privatisations. Mais une fois arrivée au pouvoir, elle a privatisé plus que n'importe quel autre gouvernement sous la Ve République. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ne vous réjouissez pas trop vite ! En 2002, nous avons été élus sur un programme de réhabilitation du travail. Et nous n'avons pas suffisamment tenu nos engagements. (C'est vrai ! sur les travées de l'UMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. C'est parce que nous avons fait ce constat, c'est parce que nous avons tenu un langage de vérité et proposé une vraie rupture aux Français, c'est parce que nous avons dit clairement tout ce que nous allions faire, y compris ce qui n'est pas le plus agréable,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Commencez par tenir vos promesses !

M. François Fillon, Premier ministre. ...que la majorité a pu obtenir un deuxième mandat, ce qui était jusqu'alors impossible et faisait de notre pays une exception en Europe.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La droite vient d'être reconduite !

M. François Fillon, Premier ministre. Bruno Retailleau a évoqué l'identité nationale - je n'en suis pas étonné -, qui a été au coeur de la campagne. De nombreux Français ont choisi de nous soutenir parce que nous en avons parlé. Nous estimons qu'il existe une identité française. Celle-ci s'est construite au fil des siècles grâce aux apports des vagues successives d'immigration sur notre territoire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec vous, il n'y en aura plus !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous pensons aussi que, au coeur de cette identité nationale, il est des valeurs intangibles, qui sont le résultat des combats menés par nos parents et nos grands-parents. Ces valeurs ne peuvent pas être remises en cause par d'autres cultures, d'autres regards.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos propos sont totalement contradictoires !

M. François Fillon, Premier ministre. Les droits de l'homme, l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité sont autant de questions qui se trouvent au coeur de l'identité nationale et qui ne sont pas négociables ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Borvo Cohen-Seat confond le présidentialisme et la monarchie républicaine. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

M. Dominique Braye. Mme Borvo Cohen-Seat confond beaucoup de choses !

M. François Fillon, Premier ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, aujourd'hui, dans notre pays, pour que le Président de la République puisse mettre en oeuvre son projet, quatre tours d'élections sont nécessaires. Ensuite, c'est le Parlement qui vote les projets de loi. Le Président de la République ne peut rien sans une majorité parlementaire qui vote les mesures que le Gouvernement lui propose. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une lapalissade !

M. François Fillon, Premier ministre. Sommes-nous vraiment dans une monarchie ?

Vous vous étonnez que la représentation de la diversité politique ne soit pas suffisante. Mais elle résulte du choix des Français !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un Nouveau Centre à l'Assemblée nationale, par exemple !

M. François Fillon, Premier ministre. La représentation du parti communiste n'est pas injuste, madame Borvo Cohen-Seat, si l'on en juge par le résultat de votre candidate au premier tour de l'élection présidentielle. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

M. François Fillon, Premier ministre. Quant aux exonérations de droits de succession, madame Borvo Cohen-Seat, elles sont réservées non pas à 5 % des Français, mais à 95 % !

M. François Fillon, Premier ministre. D'ailleurs, les Français ne s'y sont pas trompés : 70 % d'entre eux soutiennent cette mesure proposée par le Gouvernement - c'est la plus populaire -, que nous allons vous demander de voter au cours de cette session extraordinaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

Quant à l'augmentation du SMIC, madame Borvo Cohen-Seat, elle ne peut plus être l'enjeu, chaque année, d'un débat démagogique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les smicards sont trop payés aujourd'hui !

M. François Fillon, Premier ministre. D'ailleurs, Mme Royal elle-même a déclaré, voilà quelques jours, qu'il était tout à fait irréaliste de vouloir atteindre l'objectif de 1 500 euros pour le SMIC à la fin de la législature. (Rires sur les travées de l'UMP.)

La vérité, c'est qu'il faut augmenter les salaires dans notre pays, et pas seulement le SMIC. Notre objectif est d'augmenter les salaires de tous les Français, et non pas d'accroître le nombre de personnes qui perçoivent le salaire minimum. Et la seule façon d'augmenter les salaires de tous les Français, c'est de travailler plus, parce que nous sommes le pays d'Europe qui travaille le moins. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Les pays d'Europe du Nord sont souvent cités en exemple, et ce fut encore le cas durant cette séance, puisque Mme Borvo Cohen-Seat a expliqué que ces pays recouraient massivement à l'impôt. Elle nous a d'ailleurs invités à les imiter. Mais il faut aller au bout de la comparaison, madame Borvo Cohen-Seat ! Ces pays ont mis en place la TVA sociale. Au Danemark, les cotisations sociales sont assises sur la consommation. Et dans les pays d'Europe du Nord, madame Borvo Cohen-Seat,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut considérer la fiscalité dans son ensemble !

M. François Fillon, Premier ministre. ... une franchise sert à financer les dépenses de santé...

M. Dominique Braye. Restez comme vous êtes, madame Borvo Cohen-Seat ! La prochaine fois, vous ferez 0,8 % aux élections !

M. François Fillon, Premier ministre. ...et la philosophie du contrat régit les relations entre les partenaires sociaux au sein de l'entreprise.

Enfin, madame Borvo Cohen-Seat, vous avez évoqué comme un exemple de ce qu'il ne fallait pas faire la privatisation de France Télécom, que vous m'avez pour une part justement attribuée. Mais quel est aujourd'hui le résultat de la privatisation de France Télécom, madame Borvo Cohen-Seat ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous l'ai dit !

M. François Fillon, Premier ministre. D'ailleurs, je n'ai jamais vu, dans aucun programme de la gauche, la renationalisation de France Télécom. Nous avons rattrapé le retard qui était le nôtre en matière de technologies de l'information,...

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. ...lesquelles ont permis de créer dans notre pays des milliers d'emplois. La baisse des tarifs et l'augmentation des services sont le résultat de la concurrence dans le secteur des télécommunications.

M. François Fillon, Premier ministre. La meilleure preuve en est que, si c'est bien moi qui ai préparé la privatisation de France Télécom, je n'ai, hélas ! pas eu l'occasion de la mettre en oeuvre, puisque c'est un gouvernement de gauche qui a privatisé, et je l'en félicite, l'ensemble du secteur des télécommunications. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Et voilà !

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, je voudrais dire à Mme Borvo Cohen-Seat - et je crois, sur ce point, pouvoir rassembler l'ensemble des sénatrices et des sénateurs - que la situation en Palestine est au coeur de l'action de la diplomatie française.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des actes, monsieur le Premier ministre !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons reçu, voilà quelques jours, le président Mahmoud Abbas. Nous avons décidé, après l'avoir entendu, de débloquer les fonds que la France accorde à l'Autorité palestinienne. Nous recevons aujourd'hui même Mme Livni, ministre des affaires étrangères d'Israël, et le Président de la République, le ministre des affaires étrangères et moi-même exerçons toute la pression dont la France est capable pour que le dialogue se renoue, à un moment sans doute historique, entre les Palestiniens et les Israéliens, pour que la bonne volonté dont fait preuve le président Mahmoud Abbas puisse trouver un écho dans la politique du gouvernement palestinien et qu'enfin nous fassions un pas vers la coexistence pacifique de deux États qui ont droit à la souveraineté et de deux peuples qui ont le droit de vivre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mmes Monique Cerisier-ben Guiga et Bariza Khiari applaudissent également.)

M. Bel veut aller au terme du débat sur les questions institutionnelles. Je suis d'accord avec lui ! Je précise tout de suite que la commission qui sera mise en place pour réfléchir sur ces sujets ne décidera pas des modifications institutionnelles. Les décisions seront prises par le Parlement, c'est-à-dire par la majorité et par l'opposition, qui, dans un dialogue constructif, rechercheront un consensus. Car pour modifier nos équilibres institutionnels, un consensus est nécessaire. Le rôle de cette commission sera de donner un avis d'expert, de préparer le travail du Parlement.

Nous avons proposé de laisser la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'opposition. On peut trouver cela insuffisant, mais, ayant été député pendant vingt-cinq ans, je n'ai jamais vu la gauche proposer à l'opposition la présidence d'une commission !

M. David Assouline. C'était dans le programme du parti socialiste !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons proposé que l'opposition ait un véritable statut,...

M. David Assouline. C'était dans notre programme !

M. François Fillon, Premier ministre. ... au travers de la création de commissions comme celle « d'Outreau », qui ont montré leur efficacité, et du contrôle du Parlement sur les nominations à de hautes fonctions publiques.

Nous proposons un meilleur partage de l'ordre du jour et la mise en place de moyens d'audit propres au Parlement.

Nous proposons que soit ouvert le débat sur la représentation de la diversité politique. Certes, on peut toujours faire mieux,...

M. David Assouline. Réformez le Sénat !

M. François Fillon, Premier ministre. ...mais la politique du « tout ou rien » conduit souvent à rien ! Nous proposons une avancée significative dont nous allons débattre ensemble.

Quant au débauchage, qui a été plusieurs fois évoqué sur les travées de l'opposition,...

M. Josselin de Rohan. Quel vilain mot !

M. François Fillon, Premier ministre. ...je pense que c'est une mauvaise façon de faire de la politique...

M. David Assouline. C'est clair !

M. François Fillon, Premier ministre. ...que d'insulter ceux qui ont choisi, en leur âme et conscience,...

M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. François Fillon, Premier ministre. Peut-être n'avez-vous pas employé vous-même ce terme de « débauchage », monsieur Bel, mais je l'ai entendu à plusieurs reprises.

Je disais que certains, en leur âme et conscience, ont choisi d'accompagner le Gouvernement dans son projet. Bien entendu, nous respectons les convictions de ceux qui nous ont rejoints. Il ne s'agit pas de leur demander d'en changer.

M. David Assouline. Ils n'en ont pas !

M. François Fillon, Premier ministre. Ils ont décidé d'apporter leur soutien à un gouvernement qui leur semble en mesure de faire évoluer la situation de notre pays. Ne soyez pas intolérants en excommuniant ceux qui ont choisi une autre façon que la vôtre de servir leur pays ! Il faut donner sa chance à l'ouverture...

M. Dominique Braye. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. ...et respecter vos amis d'hier qui, aujourd'hui, sont nos alliés.

M. Jean-Pierre Bel. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le Premier ministre ?

M. François Fillon, Premier ministre. Je vous en prie, monsieur Bel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, avec l'autorisation de M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, je voudrais, sur ce point précis, que la vérité soit rétablie concernant les propos exacts que j'ai tenus.

Je n'ai mis en cause, à aucun moment, qui que ce soit. J'ai simplement expliqué ce que signifiait pour nous l'ouverture. Celle-ci doit se faire dans le respect de l'opposition, et il ne faut pas demander à cette dernière de se renier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Il me semblait avoir entendu le mot « débauchage ». Il suffira de lire le compte rendu des débats pour vérifier qu'il a bien été employé. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Il a bien été prononcé, on l'a entendu ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. M. Braye a de la voix, mais il n'a pas d'oreille ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser M. le Premier ministre s'exprimer !

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, monsieur Bel, pour que le débat engagé au début d'une législature - nous avons cinq ans devant nous - ait lieu dans de bonnes conditions, encore faut-il que vous nous fassiez des propositions constructives. Et je n'ai retenu - mais peut-être n'ai-je pas été suffisamment attentif - dans vos suggestions qu'une seule proposition véritablement importante sur le plan économique, celle qui consiste à taxer le capital.

Monsieur Bel, vous êtes trop au fait du fonctionnement de l'économie de notre pays et du monde pour savoir qu'il ne s'agit en rien d'une solution au financement de notre protection sociale. Souhaite-t-on vraiment faire partir les investisseurs chez nos voisins pour que ceux qui réussissent financent la protection sociale et les emplois de nos concurrents ?

M. Didier Boulaud. Johnny Halliday en Suisse !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous ne recherchons évidemment pas cette solution, qui n'est retenue par aucun pays européen, et certainement pas par les pays dirigés par des gouvernements socialistes ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Monsieur Mercier, la relance de l'Europe est essentielle pour vous comme pour nous, et je me réjouis que vous ayez proposé de participer à la majorité des trois cinquièmes. Vous serez naturellement le bienvenu dans cette majorité, et je ne doute pas que le groupe centriste aura à coeur de soutenir les efforts du Président de la République pour relancer l'Europe dont non seulement la France, mais également le monde ont besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

S'agissant des collectivités locales, je vous proposerai que le pacte conclu avec le Gouvernement repose sur deux idées simples.

Il n'est pas possible que les concours aux collectivités territoriales augmentent plus vite que l'inflation et, en particulier, que les moyens propres de l'État. Je suis prêt à ouvrir un débat sur cette question devant les Français. Comment leur expliquer que, d'un côté, pour réduire l'endettement, on accepte que l'État diminue ses dépenses et, de l'autre côté, on ne limite pas l'évolution des concours aux collectivités locales au niveau de l'inflation ?

Mais, en échange, le Gouvernement s'engage sur deux points.

En premier lieu - et cela me permet de répondre à Josselin de Rohan qui évoquait l'absence de proposition de réforme des collectivités locales - il importe de marquer une pause dans les transferts et les réformes concernant les collectivités territoriales.

M. le président. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. En effet, nos collectivités locales ont connu de nombreuses réformes essentielles et elles ont besoin de s'organiser pour les maîtriser et les mettre en oeuvre. Il faut du temps pour développer la nouvelle culture nécessaire...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est de l'anti-Raffarin !

M. François Fillon, Premier ministre. ...afin que les transferts réalisés soient efficaces.

En second lieu, il convient de mettre en place un dispositif afin que ne soient plus imposés aux collectivités locales des changements de normes incessants qui provoquent des augmentations de leurs dépenses. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Je remercie Jean-Michel Baylet de l'opposition constructive qu'il se propose de pratiquer à l'égard du Gouvernement, de la même façon que je remercie les radicaux de gauche de bien vouloir saisir la main du dialogue que nous leur tendons, en particulier sur les évolutions institutionnelles.

Une VIe République, monsieur Baylet ? Pourquoi pas une Ve République qui évoluerait pour prendre en compte les changements de la société française et de notre environnement international ?

M. Jean-Michel Baylet. Ce n'est pas la même chose !

M. François Fillon, Premier ministre. D'autant que le vocable de VIe République recouvre des conceptions différentes, y compris à gauche. Vous avez parlé d'une VIe République présidentialiste, mais il me semble avoir entendu d'autres voix à gauche parler d'une VIe République parlementaire.

M. François Fillon, Premier ministre. Pour ma part, je suis attaché aux fondements de la Ve République, qui repose sur deux piliers essentiels : un exécutif fort et une majorité nette pour agir ; tout le reste peut être discuté. C'est ce qui a si longtemps manqué à notre pays et qui a été la cause des difficultés que la France a rencontrées.

Enfin, monsieur Baylet, le discours tenu par la gauche entre les deux tours des élections législatives...

M. David Assouline. Et le vôtre !

M. François Fillon, Premier ministre. ... - comme l'a dit le Président de la République, c'était de bonne guerre ! - et qui consistait à dire que nous allions augmenter la TVA pour financer les dépenses incluses dans les projets de lois que vous allez voter dans les prochains jours,...

M. André Rouvière. C'est Borloo qui l'a dit !

M. François Fillon, Premier ministre. ... est dépourvu de tout fondement. Il vous sera facile de le constater lorsque vous voterez le budget pour 2008. Vous verrez bien que le taux de la TVA n'augmente pas.

M. David Assouline. Pas tout de suite !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons ouvert un débat. D'éminents politiques, à droite comme à gauche, l'avaient ouvert bien avant.

M. Dominique Braye. Strauss-Kahn !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce débat est simple : nos dépenses de protection sociale vont augmenter, ce qui est normal en raison du vieillissement de la population et aussi parce que nous voulons persévérer dans la voie du progrès. Le financement de la protection sociale, dont le poids ira croissant, ne peut pas reposer exclusivement sur le travail ! Sinon, nous verrons les industries continuer de quitter progressivement notre territoire, et les services les suivre.

Il était écrit noir sur blanc dans le programme du parti socialiste pour l'élection présidentielle qu'il fallait réfléchir à une autre assiette pour les cotisations sociales, une assiette tenant compte de la valeur ajoutée. Ouvrons ce débat ensemble, sans tabous et sans a priori, parce qu'il y va de l'avenir de notre pacte social et de l'économie française ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. David Assouline. Le grand capital applaudit !

M. François Fillon, Premier ministre. Quant aux cadeaux fiscaux, croyez-vous vraiment que proposer à des Français modestes de défiscaliser les heures supplémentaires soit un cadeau ? Croyez-vous que proposer à 95 % des Français l'exonération des droits de succession soit un cadeau fiscal ? Croyez-vous que proposer aux étudiants qui travaillent de ne pas payer d'impôts soit un cadeau ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien d'étudiants paient des impôts ?

M. François Fillon, Premier ministre. Croyez-vous que réglementer les « parachutes dorés », comme nous allons le faire, soit un cadeau ?

La vérité, c'est que nous proposons aux Français un vrai pacte fondé sur la réhabilitation du travail et du mérite. Tel est l'esprit du projet de loi qui vous sera soumis dans quelques semaines et qui recevra, j'en suis sûr, le soutien du Sénat.

Je remercie Mme Blandin des compliments qu'elle nous a adressés sur la composition du Gouvernement.

Je souhaite enfin remercier M. de Rohan de son soutien, de sa lucidité et de son enthousiasme. Je suis d'accord, monsieur le président du groupe UMP, avec votre diagnostic sur l'empilement des niveaux de collectivités territoriales. Je pense d'ailleurs qu'il devrait revenir au Sénat de réfléchir à la simplification de notre organisation territoriale. Mais, comme je le disais à l'instant, il me semble que, durant cette législature, les collectivités territoriales doivent faire vivre les transferts de compétences qui leur ont été accordés lors de la précédente législature, sous l'autorité de Jean-Pierre Raffarin. Il faut maîtriser ces réformes avant d'envisager une simplification.

M. Robert Hue. Et maîtriser les recettes !

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, je voudrais dire à M. de Rohan que nous ne sommes pas enivrés. J'ai passé plus de vingt ans au Parlement, je connais le poids des responsabilités qui pèsent sur nos épaules et je sais que le soutien du groupe UMP du Sénat et de la majorité présidentielle dans son ensemble sera fondamental pour permettre au Gouvernement de réaliser les engagements du Président de la République.

Qu'il me permette, puisqu'il aime Chateaubriand comme moi, de conclure ainsi mon propos : les Français sont inquiets et volages dans le bonheur, mais ils sont constants et invincibles dans l'adversité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Le Sénat va procéder au vote sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.

En application de l'article 39, alinéa 2, du règlement, le scrutin public est de droit.

En application de l'article 60 bis, alinéa 3, du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.

J'invite Mme Monique Papon et M. Simon Sutour, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre B.)

M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.

Le scrutin est ouvert.

Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)

M. le président. Le premier appel nominal est terminé.

Il va être procédé à un nouvel appel nominal.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)

M. le président. Plus personne ne demande à voter ?...

Le scrutin est clos.

Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 111 :

Nombre de votants : 322

Nombre de suffrages exprimés : 320

Majorité absolue des suffrages exprimés : 161

Pour l'adoption : 195

Contre : 125

Le Sénat a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. ((Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

Monsieur le Premier ministre, je vous adresse mes félicitations !