M. Philippe Marini, rapporteur général. Le pire n'est quand même pas certain !
M. Bernard Murat. Dans cette perspective, les élus attendent beaucoup des travaux du comité des finances locales et de la prochaine Conférence nationale des finances publiques, qui se tiendra en janvier 2007, ainsi que du rapport de la mission confiée à M. Pierre Richard, chargé d'animer une réflexion « sur le pilotage et la maîtrise de la dépense publique locale », qui sera rendu public en fin d'année.
M. François Marc. Cela fait maintenant cinq ans qu'ils sont au pouvoir !
M. Bernard Murat. Messieurs les ministres, permettez-moi de revenir quelques instants sur la réforme de la taxe professionnelle.
Si cette réforme, qui a pour vocation de renforcer la compétitivité de nos entreprises, est à cet égard difficilement critiquable, pour autant, les collectivités vont se voir priver d'une autre marge de manoeuvre. Le plafonnement va en effet engendrer une baisse de leurs recettes évaluée à environ 290 millions d'euros pour les régions, à 250 millions d'euros pour les départements et à 70 millions d'euros pour les communes.
Les conséquences inégales de cette réforme, qui affectera en premier lieu les communautés à taxe professionnelle unique, imposent, me semble-t-il, une prise en considération de certaines situations particulières, par exemple les incidences du plafonnement sur l'intercommunalité et les risques d'une fragilisation financière des groupements intercommunaux.
Si cette spécificité a été reconnue à travers une réfaction de 20 % du « ticket modérateur » garanti aux groupements en taxe professionnelle unique, dont les bases sont plafonnées à plus de 50 %, cette disposition risque de ne pas offrir une réponse suffisante. En effet, la taxe professionnelle n'est plus la ressource dynamique qu'elle était auparavant. La situation des communautés qui cumulent un fort niveau de plafonnement de leurs bases fiscales avec une évolution faible voire négative est très préoccupante au moment de préparer les contrats d'objectifs et les plans pluriannuels d'investissement.
Je prendrai l'exemple concret de la communauté d'agglomération de Brive. Cette dernière n'a jamais augmenté ses taux d'imposition et n'a donc pas mis en réserve de provisions liées aux effets de la réforme de la taxe professionnelle. Ses bases sont plafonnées à hauteur de 40 %, selon les dernières simulations fournies en octobre dernier par le ministère des finances. La communauté d'agglomération de Brive est en taxe professionnelle unique et n'a pas adopté le régime de la fiscalité mixte ou additionnelle.
De fait, ce sont les seuls contribuables non plafonnés qui paieront une éventuelle hausse d'imposition. Cela veut dire que là où, avant la réforme, une augmentation d'impôts de 1 % aurait suffi pour couvrir les besoins fiscaux de la communauté d'agglomération de Brive, il faudra prévoir une augmentation de 1,67 % afin de tenir compte de la rétrocession des produits de l'État. Et vous savez bien que les raisons d'augmenter les taux sont nombreuses et parfois imprévisibles.
La question d'une suraugmentation de la croissance des taux pour faire face aux rétrocessions de l'État pose la question du plafonnement de la hausse des taux de la taxe professionnelle par rapport aux taux de l'impôt sur les ménages. Ce plafonnement limitera la marge de manoeuvre de l'intercommunalité en cas de sinistre industriel, car la mise en réserve de l'augmentation des taux n'est pas souhaitée par nos élus et encore moins par les contribuables.
La question de la diminution des dotations de solidarité communautaire ou du recours à une fiscalité mixte se posera inévitablement du fait de la liaison à la hausse des taux de la taxe professionnelle et des taux communaux. Ce sont bien les ménages qui paieront en grande partie la réforme de la taxe professionnelle.
L'augmentation du taux de l'impôt sur les ménages qui résultera de cette réforme sera probablement mal ressentie, et la question de l'iniquité de cet impôt se posera inévitablement.
Quoi qu'il en soit, et plus généralement, les collectivités ont besoin, me semble-t-il, d'être mieux associées à ces réformes. Les élus manquent d'informations précises sur les effets des nouveaux mécanismes induits sur les budgets locaux par cette réforme de la taxe professionnelle.
Je compte sur vous, messieurs les ministres, pour nous apporter des réponses satisfaisantes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Louis de Broissia. Remarquable !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je voudrais vous faire part d'une réalité que la présidente du conseil général de la Réunion, Mme Nassimah Dindar, vous a exposée à plusieurs reprises.
La réforme constitutionnelle et les lois de décentralisation qui en découlent étaient fondées sur trois principes.
Le premier, plusieurs orateurs l'ont rappelé, est l'attribution par l'État, en 2004, de ressources équivalentes à celles de l'année 2003, compte tenu des dépenses engagées. Ce principe a été respecté.
Le deuxième principe, celui de la mise en oeuvre dans un délai raisonnable d'une loi de péréquation, n'a pas été appliqué. Cette loi devait garantir l'équité entre les dépenses des collectivités locales résultant des charges transférées et les ressources qu'elles pourraient obtenir en contrepartie de ces transferts.
Aujourd'hui, en lisant les notes très intéressantes du Conseil constitutionnel, on s'aperçoit que le Gouvernement disposait d'un délai raisonnable pour mettre en oeuvre cette loi de péréquation. Mais qu'est-ce qu'un délai raisonnable ? Nous sommes en 2006, presque en 2007, et la loi de décentralisation a été votée en 2002 !
Messieurs les ministres, ce principe constitutionnel qui prévoit la mise en oeuvre dans un délai raisonnable d'une loi de péréquation doit être respecté pour éviter la situation de détresse dans laquelle se trouvent certains départements métropolitains et ultramarins, notamment la Réunion et la Martinique.
Le troisième principe consiste à conserver une part déterminante de ressources propres. Les collectivités locales sont confrontées à un vrai dilemme. Si elles reçoivent des dotations fixes de l'État, leur autonomie fiscale est entamée. Or l'objectif était, lors des premières lois de décentralisation de 1982 à 1984, d'échapper à ce piège du différentiel qui pourrait exister, au détriment des collectivités locales, entre les recettes et les dépenses engagées, ainsi qu'au risque de la perte de l'autonomie financière.
Nous constatons, pour le RMI, que non seulement le compte n'y est pas, mais que, pour que le compte puisse être approché, le Gouvernement a mis en place le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, le FMDI. Mais ce dernier n'est qu'une dotation, qui n'est pas modulable par la collectivité locale et ne fait pas l'objet d'une péréquation. Dans la situation actuelle, cette ressource porte atteinte aux principes d'équité et d'autonomie fiscale.
Permettez-moi de vous exposer la situation de la Réunion. Chacun sera juge et appréciera si elle peut perdurer, ce que, pour ma part, je ne pense pas. Messieurs les ministres, le 22 novembre, le préfet de la Réunion vous a écrit une lettre dans laquelle il vous explique que, si rien n'est fait, le département de la Réunion va connaître une véritable asphyxie. Pourquoi ? Parce que, aujourd'hui, alors que le nombre d'allocataires du RMI diminue grâce aux effets très positifs de la loi de programme sur l'emploi et le développement économique de l'île, les dépenses liées au RMI augmentent de 2 % par an. Dans le même temps, les ressources procurées par la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, diminuent de 1,8 % par an, hors inflation. Voilà l'addition !
Dans le département d'Ille-et-Vilaine, qui compte un million d'habitants, les dépenses liées au RMI atteignent 48 millions d'euros, tandis que les ressources visant à les compenser ne sont que de 33 millions d'euros. Il manque donc 15 millions d'euros.
À la Réunion, les dépenses sont de 438 millions d'euros et les dotations de compensation ne dépassent pas 328 millions d'euros. Il manque donc 100 millions d'euros. Ni l'assiette des impôts locaux ni la faible augmentation des droits de mutation n'offrent au conseil général une marge de manoeuvre suffisante pour faire face à une telle situation.
C'est dans ces conditions, messieurs les ministres, que j'interviens pour relayer une demande formulée tant par le préfet de la Réunion que par la présidente du conseil général, à l'occasion d'une réunion organisée à la préfecture, à laquelle participait également le trésorier-payeur général pour attester de l'exactitude et de l'objectivité des renseignements que j'évoque.
Cette demande porte sur deux points.
Tout d'abord, à l'occasion de l'examen de l'article 10 de la loi de finances rectificative pour 2006, il conviendrait d'adopter un mode de calcul de la dotation du FMDI qui soit différent de celui que vous avez proposé : une quote-part de la dotation globale est attribuée aux départements d'outre-mer, et une fraction de cette quote-part est perçue par la Réunion, dont la situation est pourtant plus proche de celle des Bouches-du-Rhône que de celle des autres départements d'outre-mer. Nous sommes donc lésés dans cette affaire.
Par ailleurs, il conviendrait que vous diligentiez une expertise pour vous rendre compte par vous-mêmes de l'exactitude de mon propos et pour envisager des solutions face à cette situation exceptionnelle.
Si ces demandes ne sont pas satisfaites, le conseil général risque d'être asphyxié, et les actions que nous menons aujourd'hui avec succès seront mises en péril.
Cette année, grâce à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT, et le conseil général, 4 500 jeunes sont venus se former et travailler en métropole. Ceux-là ne seront pas au RMI !
En outre, nous ouvrons une antenne dans l'Ouest australien, dans laquelle 200 jeunes Réunionnais commencent à travailler. Notre objectif n'est pas que les gens perçoivent le RMI, mais au contraire qu'ils sortent du dispositif ! Pour cela, il nous faut disposer d'une marge de manoeuvre budgétaire suffisante. Or cette dernière est actuellement mise en péril dans le cadre des lois de décentralisation, puisque certains principes constitutionnels ne sont pas encore mis en oeuvre. Ce n'est pas de la mauvaise volonté de la part du Gouvernement, que je soutiens. C'est une réalité qu'il faut progressivement améliorer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'heure où le congrès des maires et des présidents de communautés de communes de France se termine, où le projet de loi de finances pour 2007 est débattu, à quelques jours de la remise du rapport du Conseil économique et social et, enfin, à quelques mois d'une échéance fondamentale pour notre pays, la résolution des élus locaux, eu égard à l'évolution des finances locales, est plus que jamais déterminée.
Cette détermination, mes chers collègues, n'est autre que l'écho d'une crise des finances locales, désormais avérée, une « crise de confiance autant que de chiffres », comme le soulignait M. Philippe Laurent, président de la commission des finances et de la fiscalité locale de l'AMF.
Les équilibres budgétaires des collectivités locales, a fortiori des petites et moyennes communes, sont maintenant clairement menacés. Ils connaissent un effet de ciseau impitoyable entre des dépenses de fonctionnement plus alourdies à chaque exercice budgétaire et des ressources toujours plus difficiles à obtenir. Durement mises à mal, les relations entre l'État et les élus locaux doivent retrouver, à mon sens, la confiance qui leur fait défaut.
Pour ce faire, les maires et présidents de communautés de communes ont exprimé, notamment lors du congrès, deux attentes fortes : ils demandent un réel partenariat financier équilibré avec l'État et ils proposent une profonde réforme de la fiscalité directe locale.
Dans le projet de loi de finances pour 2007, qui se présente comme un budget de transition sans surprise, les maires ne peuvent qu'accueillir avec une réelle satisfaction la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, pour la quatrième année consécutive, et pour une année encore sous sa forme actuelle.
Ils déplorent en revanche que le mode d'évolution des dotations de l'État aux collectivités locales soit inchangé, réduisant encore les marges de manoeuvre desdites collectivités. À cet égard, on relève déjà, dans le projet de loi, une baisse importante de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui, depuis l'origine du contrat de croissance, sert apparemment de variable d'ajustement et diminuerait, pour 2007, de 11 points, c'est-à-dire de 122 millions d'euros par rapport à 2006.
Je note également que la dotation globale d'équipement, la DGE, et la dotation de développement rural, la DDR, sont quasiment stabilisées. Mais la DGE a diminué d'une manière très sensible l'année dernière, ce qui n'est pas sans poser des problèmes pour les investissements des petites communes.
Si l'on examine par ailleurs l'évolution de la dotation forfaitaire au cours des dernières années, on note que celle-ci est bien inférieure à l'inflation. Sans préjuger le choix que fera le comité des finances locales, l'évolution de la dotation globale de fonctionnement forfaitaire sera encore inférieure à l'inflation. Heureusement, la dotation de solidarité rurale, la DSR, et la dotation de solidarité urbaine, la DSU, progressent, elles, de manière plus sensible. Mais j'ai toujours regretté que la DSR ne progresse pas au même rythme que la DSU et ait pris quelques années de retard en matière de concours financiers.
Les élus locaux ont d'ores et déjà émis une opposition ferme à toute désindexation progressive des concours financiers de l'État aux collectivités locales. Lors du congrès, le président de la commission des finances de l'AMF n'a d'ailleurs pas manqué de rappeler que les dotations de l'État - mais chacun ici le sait, puisque nous avons affaire à des initiés - constituaient non pas des dépenses de l'État, mais un prélèvement sur recettes fiscales, puisqu'il s'agit d'anciens impôts locaux supprimés par décision du pouvoir central au fil du temps. C'est pourquoi les dotations et compensations des collectivités devraient, à notre sens, progresser comme les recettes fiscales de l'État avant tout allégement, et non comme ses dépenses.
En tout état de cause, les élus attendent désormais qu'il soit donné une suite réelle et concrète aux orientations proposées par le Gouvernement consistant à améliorer les relations financières entre l'État et les collectivités locales, notamment à travers le travail de la Conférence nationale des finances publiques et du conseil d'orientation des finances publiques.
Il paraît également utile que l'on s'engage enfin dans une réforme de la fiscalité directe locale. Même si l'on évoque chaque année ce sujet, nous éprouvons quelques difficultés à le faire.
La fiscalité locale, chacun en conviendra, est aujourd'hui à bout de souffle. Elle ne repose que trop sur des bases archaïques, sur une fiscalité cantonnée aux « quatre vieilles » et sur des calculs extrêmement complexes qu'il conviendrait de classer au rang des procédés révolus.
Aussi une réforme profonde de la fiscalité locale devient-elle plus que jamais, après quinze années d'évocation, inéluctable pour la gestion publique locale. Le président de l'AMF, M. Pélissard, en a d'ailleurs fait l'une des revendications principales de l'association nationale, l'élevant au rang d'étape nécessaire à la responsabilisation des gestionnaires publics, et 62 % de maires récemment interrogés l'appellent aussi de leurs voeux. Elle revêt d'ailleurs le caractère de réforme prioritaire dans bien des annonces, déclarations et enquêtes réalisées auprès des élus locaux.
Les principes constitutionnels d'autonomie financière, de péréquation et de libre administration des communes et de leurs groupements, dont il faut obtenir le respect, devront être au coeur des travaux et propositions qu'il convient d'élaborer à cet égard.
Les maires demandent également avec insistance que le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée soit corrigé d'urgence afin d'éviter un transfert fiscal sur les ménages et le développement d'inégalités importantes, mais aussi pour ne pas compromettre durablement la situation financière des collectivités locales. M. le ministre délégué au budget a reçu récemment une délégation d'élus locaux issus des différentes associations nationales et a fait savoir que le moment n'était pas venu d'intervenir sur ce point.
En l'absence de hausse du taux de taxe professionnelle, le seul dynamisme des bases de la taxe pourrait en effet provoquer un dépassement du plafond et pénaliser les communes et leurs groupements, contraints d'acquitter le ticket modérateur.
Il me paraîtrait donc souhaitable que soient adoptés des amendements ayant pour objet d'atténuer le décalage entre le prélèvement sur les recettes fiscales des collectivités l'année N et le remboursement aux entreprises par l'État l'année N+1.
Enfin, les élus locaux aspirent à ce qu'une réforme globale de la fiscalité locale vienne doter les collectivités de ressources pérennes et dynamiques. Une meilleure égalité et une plus grande lisibilité pour nos contribuables sont souhaitables. La réforme devrait contribuer à mieux responsabiliser les élus.
Reste la question des dégrèvements et des exonérations, système mis en place par l'État sans que les collectivités locales l'aient demandé. En aucune façon, il ne doit être accepté de remettre en cause les compensations accordées par l'État. La seule solution qui pourrait d'ailleurs se profiler serait la recherche de bases plus justes pour les collectivités, car, si les dégrèvements bénéficient aux contribuables, ils ont aussi pour effet de diminuer les marges de manoeuvre des collectivités.
C'est pourquoi les élus locaux considèrent que la réforme des finances et de la fiscalité locales devra reposer sur la modernisation de l'assiette des impôts locaux, le partage des impôts nationaux ou une plus grande spécialisation de l'impôt.
Dans ce contexte, beaucoup d'espoirs reposent sur le rapport du Conseil économique et social. Lorsque ce dernier aura été publié et que ses propositions seront connues, sonnera l'heure pour les élus du vrai courage, celui de la mise en oeuvre de la réforme.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, quelques pistes concrètes, dont je me plais à me faire l'écho, sont d'ores et déjà avancées et portées par l'Association des maires de France.
Premièrement, les revenus pourraient être introduits, sous une forme ou une autre, dans l'assiette taxable au niveau local : pas nécessairement dans celle des communes, mais dans celle des départements, par exemple.
Deuxièmement, les valeurs locatives foncières devraient faire l'objet d'une nouvelle fixation, qui tienne compte de la valeur réelle des biens et puisse être adaptée aux différents territoires par les élus eux-mêmes.
Troisièmement, le champ des contribuables de la taxe professionnelle pourrait être étendu et simplifié par une relocalisation des bases.
Quatrièmement, enfin, une nouvelle fiscalité automobile, en lien avec les conséquences environnementales de l'utilisation de la voiture individuelle, pourrait être étudiée.
Mes chers collègues, ces pistes méritent à mon avis d'être explorées. Il faut tendre vers une véritable autonomie financière - pour les recettes et les dépenses - des budgets respectifs de l'État, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Mettons un terme à tous ces financements croisés qui font perdre de la lisibilité aux budgets respectifs des uns et des autres et ne permettent pas à chacun d'être seul responsable de ses propres turpitudes.
J'appelle de mes voeux cette véritable autonomie. J'ignore si nous y parviendrons, mais je souhaite que ce chantier soit enfin ouvert un jour ou l'autre, pour que chacun puisse assumer ses responsabilités devant nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc des commissions. - M. Michel Mercier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de ce débat tout à fait passionnant sur les collectivités locales (Rires sur les travées de l'UMP.), je pense, compte tenu de la multitude des sujets abordés, que la discussion des amendements pourra être plus synthétique ; mais le Gouvernement est bien entendu à la disposition de la Haute Assemblée.
Après toutes vos interventions, à commencer par celle du président de la commission des finances, et alors que nous abordons ensemble depuis plusieurs années ces questions, je pense qu'il y a un profond malentendu entre l'État et les élus locaux, et qu'il faut absolument que nous en sortions.
Je pars du principe que tout le monde est de bonne foi. Néanmoins, le moins que l'on puisse dire, c'est que nous sommes aujourd'hui face à un paradoxe.
En effet, d'un côté, l'État et les collectivités locales ont accompli ensemble des avancées considérables au cours de ces dernières années - la modification de la Constitution, la décentralisation, l'adoption de la loi organique sur l'autonomie financière, la péréquation -, et, de l'autre côté, il s'est instauré entre eux un dialogue de sourds. Tout se passe comme si l'on se parlait sans se comprendre. L'intérêt de ces débats, c'est de se dire les choses telles que nous les voyons et les ressentons.
Voici la meilleure illustration de ce paradoxe : l'État, en toute bonne foi - et je peux en témoigner, tout comme mon collègue et ami Brice Hortefeux -, accomplit des efforts financiers considérables en faveur des collectivités locales. Ainsi, dans le seul projet de loi de finances pour 2007, le Gouvernement prévoit la reconduction du contrat de croissance et de solidarité à l'euro près, soit 1 milliard d'euros supplémentaire, l'augmentation du fonds de compensation pour la TVA et le financement supplémentaire au titre du RMI, qui représentent à nouveau 500 millions d'euros, le dégrèvement des impôts locaux et des compensations d'exonération de fiscalité locale, soit 700 millions d'euros. Au total, l'effort en faveur des collectivités locales est en augmentation de 4,3 % par rapport à l'année dernière, alors même que l'État réduit ses propres dépenses d'un point par rapport à l'inflation.
Dans le même temps, nombre d'élus locaux expriment un mécontentement, voire des inquiétudes, devant l'augmentation des dépenses, se demandant comment ils pourront les financer. Et lorsqu'elles découlent de normes ou de décisions auxquelles vous n'avez pas été suffisamment associés, vous le vivez mal - Michel Mercier l'a rappelé tout à l'heure -, d'autant que vous considérez à juste titre que la fiscalité locale n'est pas toujours adaptée aux réalités locales de 2006.
Mon sentiment est que la vérité est partagée, et que tout le monde a un peu raison.
D'une part, l'État constate que le poids de ses engagements financiers au titre des concours financiers locaux augmente désormais beaucoup plus vite que ses propres dépenses, sans avoir cependant le sentiment de satisfaire complètement, loin s'en faut, les attentes des élus locaux.
D'autre part, les collectivités locales, qui voudraient se sentir pleinement responsables de l'évolution de leurs dépenses, ont le sentiment que l'État ne joue pas complètement le jeu de la décentralisation.
« Tout ce raisonnement pour en arriver là ! », s'exclameront certains. Il me semble pourtant qu'il fallait en arriver là pour crever l'abcès. Il importe en effet de se dire les choses telles qu'elles sont et de préciser si nous voulons les voir évoluer d'une autre manière.
La décentralisation et tout le travail qui a été accompli ces quatre dernières années ont créé les conditions pour une nouvelle donne.
Concrètement, la réunion dans quelques jours de la Conférence nationale des finances publiques et du conseil d'orientation des finances publiques constituera une excellente occasion pour rassembler tous les acteurs de la dépense publique : l'État, les collectivités locales et - M. Vasselle le sait bien - les organismes sociaux. Chacun y viendra avec ses convictions, voire, ce qui est sympathique, ses certitudes !
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Çà, c'est une allusion...
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cette démarche partenariale vise à relever un défi simple : développer la coresponsabilité. C'est une notion qui n'est pas encore tout à fait partagée, car la règle du jeu n'est pas totalement claire. Elle est née de ma conviction personnelle selon laquelle il n'y a pas d'un côté un État vertueux et, de l'autre, des collectivités locales dispendieuses, ce qui serait ridicule.
MM. Louis de Broissia et Bruno Sido. Très bien !
M. François Marc. Ce n'est pas ce que vous disiez l'année dernière, monsieur le ministre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je l'ai toujours dit, monsieur Marc, et vous le savez bien !
En revanche, une volonté commune de bien compter et de s'assurer que les comptes sont bien tenus existe des deux côtés. De ce point de vue, nous avons un très gros travail à faire, auquel nous devons nous atteler ensemble.
Monsieur Marini, vous avez fait l'éloge de la réforme de la taxe professionnelle en des termes qui m'ont beaucoup touché, et je vous en remercie. Vous le savez, il est plus facile de critique cette réforme que de la faire !
M. Henri de Raincourt. Çà, c'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il est beaucoup plus aisé de pointer ses difficultés, ses éventuels dysfonctionnements, ses inévitables faiblesses, que d'aller au fond des choses. En effet, il convient de rappeler que cette réforme est d'abord faite pour les entreprises, afin d'empêcher leur délocalisation, chacun devant avoir bien en tête qu'un pays moderne ne peut continuer à taxer 200 000 entreprises jusqu'à 10 % de leur valeur ajoutée en seule taxe professionnelle.
Après avoir mis en place, l'année dernière, des mécanismes correcteurs, grâce au rapporteur général et à vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, il nous faut désormais faire vivre cette réforme et lui donner sa chance, avec le pragmatisme qui s'impose, en nous ménageant la possibilité d'y apporter des corrections, le cas échéant.
S'agissant du risque d'optimisation fiscale, j'ai bien entendu votre appel à la vigilance et je compte bien me montrer, comme vous, très attentif à ce problème. Il importe d'abord de s'assurer que cette optimisation est réelle.
Nos inquiétudes à cet égard peuvent être relativisées, parce qu'une entreprise, si elle est moins taxée - ce qui sera le cas avec cette réforme -, aura moins intérêt à optimiser, mais aussi parce qu'il est plus facile de corriger les abus de droit lorsqu'ils sont identifiés, ce à quoi nous allons nous employer.
Enfin, tout en partageant votre souci de progresser et de réaliser de nouvelles avancées en la matière, je souhaite que nous n'aboutissions pas à des transferts de charges importants entre les secteurs économiques. Nous devrons y veiller.
C'est la raison pour laquelle, à ce stade, je ne suis pas favorable à une modification de la charpente générale du dispositif de taxe professionnelle.
Pour autant, je ne suis pas opposé à une réflexion sur les différents problèmes qui peuvent se poser, notamment ceux qui ont été évoqués par M. Jarlier. Le projet de loi de finances pour 2007 est l'occasion d'en débattre, tout comme, le cas échéant, le collectif budgétaire, pour continuer à en tirer quelques enseignements ; mais il faut le faire de façon marginale, afin de ne pas dénaturer une réforme essentielle que nous avons eu beaucoup de mal à bâtir.
D'ailleurs, si je devais un jour donner un conseil à mon très lointain successeur, ce serait de ne plus toucher à la réforme de la taxe professionnelle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Judicieux conseil !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie d'avoir souligné l'importance de l'effort financier consenti par l'État en faveur des collectivités locales. J'y suis d'autant plus sensible que d'autres que vous, à force de regarder le verre à moitié vide, en oublient parfois tout le travail qui a été accompli !
Je vous confirme que l'État continuera, en 2007, à accompagner les départements dans leur gestion du RMI, comme c'est le cas depuis des années. Indépendamment des mesures prises par le Gouvernement à cet égard, en 2004 et en 2005, un fonds de mobilisation pour l'insertion a été mis en place, doté de 500 millions d'euros en 2006. Il bénéficiera d'une dotation du même montant en 2007, ainsi qu'en 2008, soit 1,5 milliard d'euros au total. Avec une telle somme en faveur du RMI, qu'on ne me dise pas que le compte n'y est pas ! D'ailleurs, M. Mercier ne le dit plus...
M. Michel Mercier. Oh !
M. Michel Mercier. Ne vous en faites pas, je vous le dirai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame Beaufils, vous dites que l'État se déleste sur les collectivités locales, et ce sans même vous préoccuper des efforts qui sont accomplis précisément pour honorer ses engagements, s'agissant en particulier du financement des dotations, de la reconduction du contrat de croissance, de la compensation des transferts dans le respect des règles.
Pourquoi ne l'avez-vous pas dit à l'époque où le Gouvernement a créé l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, sans prévoir les ressources correspondantes pour son financement ?
M. Alain Gournac. En effet !
Mme Marie-France Beaufils. Si, nous l'avons dit !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et pourtant, à cette époque-là, il y avait des choses à dire ! Mais vous n'en avez pas parlé !
Il semble que vous soyez parfois tentée de pratiquer le « deux poids, deux mesures », ce qui est très regrettable s'agissant d'une question qui devrait nous rassembler.
Mme Marie-France Beaufils. Vous ne nous avez pas écoutés, à l'époque !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Marc, vous êtes très dur, vous aussi, avec le Gouvernement !
Mme Nicole Bricq. Dur, mais juste !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et donc, par définition, vous êtes un peu excessif !
Vous aussi, vous avez oublié de dire que le Gouvernement avait décidé la reconduction de l'indexation, élément pourtant majeur, et qu'il avait appliqué la loi sur le RMI à l'euro près, et même au-delà !
Dois-je vous rappeler - pardonnez-moi de vous le dire à vous aussi - les ravages causés par une APA non financée, la suppression par vos amis politiques de près de 14 milliards d'euros de fiscalité locale ? Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est temps de mettre tout cela sur la table !
Quant à la CSG départementale, il faut certes répondre aux besoins collectifs, mais il est temps d'avoir un débat de fond avec les Français sur le périmètre de la dépense publique et le financement de cette dernière.
Or, je constate que les propositions de la gauche - mais il est vrai que vous n'en faites pas beaucoup...
M. François Marc. Cela viendra !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... et que vous menez plus une campagne d'image qu'une campagne de propositions ; mais à chaque jour suffit sa peine... - visent essentiellement soit une augmentation d'impôt, soit la création d'un nouvel impôt. Or les Français ne veulent plus de cette politique-là !
M. Alain Gournac. Çà, c'est sûr !
Mme Nicole Bricq. Ils le diront !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est une politique à l'ancienne, qui commande sans cesse d'opposer les méchants riches aux gentils pauvres. Ces temps sont aujourd'hui révolus !
M. François Marc. On attend vos primaires pour le savoir !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Excusez-moi, mais je ne vois pas le rapport !
J'aurais aimé vous entendre plutôt dire que les socialistes avaient changé, qu'ils étaient devenus modernes, à l'image de Tony Blair ou de Gerhard Schröder, et qu'ils envisageaient de baisser les impôts !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaut mieux qu'ils restent archaïques !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous n'avons rien entendu de tel, et cela prouve que vous restez d'un autre temps !
Mme Nicole Bricq. On répondra !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Mercier, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention comme toujours, et je partage totalement votre approche : il faut, en effet, comme l'a également indiqué M. Arthuis, sortir du malentendu qui existe dans les relations entre l'État et les collectivités locales.
D'ailleurs, je dois dire que, en vous écoutant, mon collègue Brice Hortefeux m'a fait la remarque suivante : « C'est extraordinaire, Michel Mercier est en train de virer chiraquien ! » (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Murat. Enfin !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Votre virage était d'ailleurs ciblé ! En effet, avec beaucoup de force et de conviction - et plus il y avait de force et de conviction dans vos propos, plus nous étions émus (Rires sur les travées de l'UMP.) -, vous avez souligné la nécessité impérative pour les collectivités locales d'être associées à l'État pour ce qui concerne les dépenses qui les intéressent.
Or le Président de la République n'a rien dit d'autre au Congrès des maires et des présidents de communautés de France qui s'est tenu récemment, en formant textuellement le voeu que les élus locaux, et plus particulièrement leurs représentants associatifs, soient associés notamment aux négociations salariales dans la fonction publique. C'est là une avancée majeure. Et vous voir vous rejoindre ainsi l'un et l'autre constitue pour nous un moment d'anthologie !