PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord, en préambule, de saluer nos collègues Alex Türk et Pierre André en leurs qualités respectives de président et de rapporteur de notre mission commune d'information sur les quartiers en difficulté.
Tout au long de ces dix mois de travail sur ce sujet au coeur de l'actualité, ils ont su admirablement organiser les travaux de notre commission et faire en sorte qu'au-delà des divergences d'opinion qui se sont naturellement exprimées chacun puisse contribuer à cet important travail de réflexion et de proposition.
De ce travail, je retire plusieurs certitudes aussi bien sur les événements de l'automne dernier, qui furent à l'origine de la création de notre mission, que sur la politique de la ville en général et, enfin, sur la Seine-Saint-Denis, département dont je suis élu.
Première certitude, les événements de l'automne étaient bien directement et uniquement consécutifs à la mort des deux jeunes de Clichy-sous-Bois.
La thèse de comploteurs qui auraient « saisi » l'occasion de cet événement tragique pour déclencher une crise majeure dans nos banlieues n'a jamais été corroborée par aucun de nos interlocuteurs,...
M. Roland Muzeau. C'est Sarkozy qui disait cela !
M. Philippe Dallier. ...que ce soit du côté des forces de l'ordre ou de ceux qui, à un titre ou à un autre, ont vécu cette crise au coeur des quartiers.
En revanche, ce constat n'exclut nullement le fait qu'une certaine organisation, et même une organisation certaine, des affrontements avec la police se soit mise en place au fil des jours.
La surenchère aux voitures brûlées, par médias interposés, entre les différents quartiers a bien été une réalité qui ne doit cependant pas nous amener à prendre les conséquences pour les causes du problème.
Ceux qui penseraient aujourd'hui encore, comme certains - il y en avait - le faisaient à l'époque, qu'il aurait suffi de demander aux médias de s'autocensurer pour faire disparaître tout problème font à mon sens une lourde erreur d'appréciation.
Les médias ont une responsabilité importante : rendre compte des faits sans en amoindrir la réalité, ce qui pourrait être une tentation, mais également sans prendre le risque d'être instrumentalisés par les uns ou par les autres.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Philippe Dallier. Et, quand je dis « par les uns ou par les autres », cela vaut aussi bien pour les jeunes en mal de reconnaissance médiatique que pour les forces de l'ordre lorsqu'elles acceptent d'être accompagnées de journalistes pour intervenir au petit matin dans telle ou telle cité afin d'interpeller des présumés coupables.
M. Roland Muzeau. Sarko encore !
M. Philippe Dallier. Pour autant, il serait tout aussi regrettable que nous tombions dans le travers inverse d'une minimisation de la réalité qui ne servirait pas plus la juste information de nos concitoyens sur laquelle repose en partie le bon fonctionnement de notre démocratie. En effet, comment faire admettre à la nation et à sa représentation parlementaire la nécessité d'un effort très important et continu en faveur de ces quartiers et de leurs habitants si elles n'en connaissent pas ou en connaissent mal la réalité ?
J'estime d'ailleurs que la réponse à la question de la prédictibilité des événements de l'automne 2005 se trouve d'abord dans ce constat de méconnaissance, par beaucoup de Français, de la situation de ces quartiers.
Dire que ces émeutes étaient prévisibles à la date à laquelle elles se sont produites ne semble pas très sérieux. Cependant, il était manifeste que la tension montait depuis plusieurs années et qu'une étincelle pouvait, à tout moment, mettre le feu aux poudres.
Les signes annonciateurs du malaise des banlieues et, plus particulièrement, de ces jeunes Français, pour beaucoup issus de l'immigration, avaient été nombreux et convergents.
Le 13 juillet 2005 au soir, pour la première fois à cette date, plus de 230 voitures avaient été incendiées en Seine-Saint-Denis. Cela ne c'était jamais vu à une telle échelle, hormis les soirs de 31 décembre. Était-ce un hasard ?
Le lendemain matin, à ma grande surprise, les médias n'en avaient quasiment pas parlé. Il avait fallu attendre les journaux de l'après-midi et du soir pour que cela soit simplement évoqué. C'était seulement trois mois avant les émeutes.
Et il y avait eu, quelques années auparavant, les sifflets de La marseillaise, au Stade de France, lors du match de football France-Algérie, sifflets que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer à cette tribune.
C'était le signe évident du malaise profond qui affecte nombre de ces jeunes tiraillés entre deux cultures, entre deux nations, et qui, au bout du compte, n'ont plus le sentiment d'appartenir à aucune communauté si ce n'est à leur quartier, et encore...
C'est pourquoi discourir à n'en plus finir pour savoir si ces émeutes étaient plutôt sociales, plutôt ethniques, plutôt religieuses ou que sais-je encore ? me semble trop réducteur.
Ces émeutes ont d'abord démontré que beaucoup de ces jeunes n'ont plus aucun repère, plus aucun sentiment positif d'appartenance à une communauté quelconque, au point qu'ils en viennent à brûler la voiture du voisin, l'école où vont leurs petits frères, le gymnase où ils font du sport...
Le premier devoir des politiques que nous sommes est de démontrer à ces jeunes, au plus vite et par des actes, qu'ils sont bien des Français à part entière et qu'ils ont toute leur place dans la République.
Nous avons là une partie serrée à jouer, car nous savons bien que ceux qui ne partagent pas les valeurs de la République et qui voudraient imposer leurs vues communautaristes de la société sont là, en embuscade, et qu'ils utiliseront à leur profit toutes nos fautes, tous les retards que nous pourrions prendre dans la mise en oeuvre des politiques visant au rétablissement de l'égalité des chances.
À cet égard, les travaux de notre commission ont montré combien il était nécessaire d'agir fortement et dans la durée sur tous les volets de la politique de la ville : urbanisme, éducation, formation, emploi, lutte contre les discriminations, prévention et répression de la délinquance.
Je n'ai bien sûr pas le temps d'entrer dans le détail de toutes les nombreuses propositions du rapport sur chacun de ces volets, mais je souhaite évoquer devant vous celles qui me paraissent les plus importantes et formuler une proposition supplémentaire concernant la gouvernance en Île-de-France et, plus particulièrement, en première couronne parisienne.
Tout d'abord, concernant le programme national de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo, je crois bon de rappeler que jamais, je dis bien jamais, un effort financier aussi important - 30 milliards d'euros - n'avait été consenti sur une période somme toute assez courte au regard de la nature des problèmes traités.
J'ai d'ailleurs été assez stupéfait d'entendre notre collègue Jacques Mahéas parler de la « faillite » de la politique de la ville depuis quelques années. À quel moment une majorité de gauche a-t-elle ne serait que proposé un plan d'une si grande envergure ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Dallier. À quel moment a-t-elle doublé la DSU ? À quel moment a-t-elle augmenté le nombre de zones franches urbaines ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Vous rêvez ! Et le rapport Schwartz ? Et c'est vous qui venez nous donner des leçons !
M. Philippe Dallier. On a beaucoup entendu parler de Neuilly-sur-Marne. Eh bien, une zone franche urbaine vient d'y être créée ! Mes chers collègues, sur un tel sujet, il faut garder la mesure des choses.
M. Pierre-Yves Collombat. Parlez pour vous !
M. Philippe Dallier. Si vous voulez être crédibles, il ne faut pas tenir des propos qui ne soient pas conformes à la réalité. Il y a des problèmes, vous avez raison de le dire, mais prétendre que la politique de la ville a été sacrifiée par le gouvernement actuel n'est absolument pas crédible !
M. Jacques Mahéas. Hélas, si !
M. Christian Cambon. Que fait le maire de Paris ?
M. Philippe Dallier. Après avoir entendu depuis bientôt quatre ans beaucoup de critiques, ici même et dans la presse, les maires dont les communes sont éligibles aux projets de l'ANRU expriment aujourd'hui très largement, toutes tendances confondues, leur satisfaction.
Certes, comme toujours, il y a naturellement ici et là des difficultés à régler, mais, chacun le reconnaît, l'ANRU est un outil formidable et l'ampleur de ce plan est sans précédent.
Nous savons cependant, et cela ressort clairement dans le rapport sur l'Agence nationale pour la rénovation urbaine que Roger Karoutchi et moi-même avons rendu en juillet dernier au nom de la commission des finances, que les trois ou quatre années à venir seront celles qui nécessiteront le plus de crédits avec la véritable montée en charge des projets. C'est la fameuse « bosse » de l'ANRU, laquelle appellera des financements d'État à hauteur de plus d'un milliard d'euros par an sur cette période.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n'y sommes pas !
M. Philippe Dallier. Nous proposions dans ce rapport, madame le ministre, de sanctuariser les crédits destinés à l'ANRU en recréant un fonds de renouvellement urbain qui aurait pu être alimenté - c'était une proposition - par les bénéfices exceptionnels de la Caisse des dépôts et consignations. Le rapport reprend cette idée de sanctuarisation sans toutefois entrer dans le détail.
Madame le ministre, afin de faire taire les inquiétudes, feintes, parce que, ne l'oublions pas, nous sommes en période électorale, ou bien réelles, il faudrait au plus vite nous dire comment l'État entend faire face à cette phase la plus consommatrice de crédits.
La rénovation urbaine et la transformation des quartiers les plus marqués par un urbanisme qui s'est très vite révélé inhumain et qui les a poussés au repli sur eux-mêmes constituent un des piliers de la politique de la ville. Plus personne ne le remet sérieusement en cause. Il faut à présent garantir son bon achèvement.
L'éducation est le deuxième pilier, tout aussi important que le précédent, de la politique de la ville. Dans ce domaine aussi, de nombreux propos ont été tenus ces derniers temps, dont certains m'effraient. Notre commission s'en est fait l'écho.
Tout d'abord, le débat sur la suppression de la carte scolaire me semble surréaliste.
Il faut ne pas connaître grand-chose au problème de mixité sociale à l'école pour affirmer tout de go qu'il suffirait purement et simplement de supprimer la carte scolaire pour faire disparaître cette difficulté ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. C'est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais expliquez-le donc à M. Sarkozy !
M. Philippe Dallier. Redessiner ces cartes en tentant de favoriser la mixité sociale, reconstruire des écoles - c'est possible dans un projet ANRU -, afin de sortir un établissement du coeur d'un quartier difficile, voilà, en revanche, des pistes sérieuses !
La suppression de la carte scolaire fait partie de ce catalogue d'idées simplistes, lancées généralement en période électorale à destination de tous ceux qui récriminent, de façon souvent contradictoire d'ailleurs, contre le système en vigueur, quel qu'il soit.
Donner des moyens supplémentaires importants aux écoles qui accueillent le plus grand nombre d'élèves issus de milieux défavorisés constitue une deuxième piste intéressante.
Les ZEP, les zones d'éducation prioritaire, allaient dans ce sens. Toutefois, il est temps, me semble-t-il, d'évaluer sérieusement ce dispositif et, probablement, de le modifier en profondeur.
Mme Nicole Bricq. Il a déjà été modifié !
M. Philippe Dallier. La mise en place des équipes de réussite éducative, fondée sur la décentralisation de moyens financiers importants, représente une approche nouvelle et prometteuse.
Il nous faut étendre largement ce dispositif, mais aussi, peut-être, nous inspirer des expériences étrangères qui visent à mettre en place des groupes de travail beaucoup plus resserrés autour des enfants les plus en difficulté, au lieu de constituer des classes plus ou moins homogènes au sein d'une même école.
Le rapport de la mission d'information insiste également sur la nécessité de généraliser et de renforcer l'encadrement des jeunes au-delà de 16 heures 30. Mes chers collègues, il s'agit là d'un impératif.
Pour les jeunes de nos quartiers en difficulté, comme pour les autres, il n'est pas d'accès à l'emploi possible sans une formation initiale solide. Cette mesure est probablement la plus importante de toutes si nous voulons remettre en marche l'ascenseur social.
La sécurité constitue un autre thème d'actualité largement évoqué dans notre rapport. La police de proximité, sa nature et les moyens dont elle disposait avant 2002, son organisation, ce qu'elle devrait être si elle était rétablie, ont été des sujets de préoccupation pour la quasi-totalité de nos interlocuteurs, et notamment pour les élus locaux.
Pour ce qui me concerne, par delà ce débat, je dois souligner qu'en tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis c'est le nombre des policiers affectés dans nos commissariats qui m'importe le plus ! En effet, ces effectifs sont aujourd'hui moins importants - parfois nettement moins - qu'il y a quatre ans. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tirez-en les conséquences !
M. Philippe Dallier. C'est là un secret de polichinelle, que le préfet Cordet a eu raison de révéler, car tous les maires du département, droite et gauche confondues, le proclament.
Cette situation est probablement due - mais je ne fais que formuler une hypothèse, faute de chiffres et d'analyses précis -, à la création de la police des transports,...
M. Thierry Repentin. Vous avez raison !
M. Philippe Dallier. ...qui était une nécessité, ainsi qu'aux départs en retraite anticipés de certains fonctionnaires de police, qui craignaient d'être perdants à cause de la mise en place de la réforme du système des retraites.
Voilà pourquoi, madame le ministre, je propose, afin d'éviter les polémiques inutiles mais aussi de garantir une équitable répartition des moyens, que le Gouvernement joue la transparence complète en matière de chiffres,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On en reparlera lors de la discussion du budget !
M. Philippe Dallier. ...et nous démontre ainsi qu'à situation égale les Français sont traités de la même manière quel que soit le lieu où ils habitent sur le territoire de la République.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Philippe Dallier. En effet, j'ai toujours été étonné de recevoir, à intervalles réguliers, des courriers du préfet du département dont je suis l'élu, qui m'annonçait l'arrivée de nouveaux fonctionnaires de police au commissariat dont ma commune dépend, alors que jamais il ne m'a écrit pour me faire part des départs. Pourtant le solde est aujourd'hui très largement négatif !
M. Pierre-Yves Collombat. Bravo !
M. Philippe Dallier. Dans les commissariats de la Seine-Saint-Denis, le compte n'y est pas ! Et je n'évoquerai pas la jeunesse, donc l'inexpérience, de nombre de fonctionnaires qui, sortis frais émoulus de l'École nationale de la police, se trouvent affectés dans les quartiers les plus difficiles.
Par ailleurs, chacun le sait, une compagnie de CRS déployée sur un terrain qu'elle ne connaît pas ne peut accomplir le même travail que des policiers de quartier au contact chaque jour avec la population.
M. Thierry Repentin. C'est vrai !
M. Philippe Dallier. Il est donc plus qu'urgent de régler ce problème de sous-effectif, devenu chronique dans ce département,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À qui le dites-vous !
M. Philippe Dallier. ...car il a bien évidemment des conséquences très directes sur la hausse de la délinquance en Seine-Saint-Denis, qui constitue une réalité dramatique, aussi bien en raison du nombre des actes commis que de leur degré de violence.
En ce qui concerne la meilleure manière d'employer les effectifs de police, il faut, me semble-t-il, que ceux-ci se trouvent sur le terrain, sans pour autant négliger leur travail de police judiciaire, qui est fondamental pour élucider les affaires et tenter d'enrayer le développement de l'économie parallèle. Celle-ci, en effet, constitue l'un des principaux fléaux dans nombre de ces quartiers.
Enfin, mes chers collègues, puisque le temps de cette intervention m'est compté, je terminerai en formulant une proposition en termes de gouvernance - un terme qui a été souvent utilisé au cours de nos échanges, et qui apparaît également dans le rapport de la mission d'information, à propos, notamment, de la Seine-Saint-Denis.
En effet, j'ai bien cru à un moment - mais heureusement, je me trompais - que les élus locaux de ce département allaient se voir montrer du doigt comme étant les responsables de la situation que nous connaissons !
M. Pierre-Yves Collombat. En effet !
M. Philippe Dallier. Certains de nos collègues ont même avancé l'idée selon laquelle c'était seulement dans le cadre de l'intercommunalité que pourraient se régler les problèmes de la politique de la ville, en Seine-Saint-Denis, mais également ailleurs.
Or, madame le ministre, en ce qui concerne la première couronne parisienne, et particulièrement la Seine-Saint-Denis, je ne suis absolument pas de cet avis !
Si vous regroupez des villes pauvres avec d'autres qui le sont tout autant, vous n'obtiendrez pas une intercommunalité riche capable de faire face aux difficultés.
Mme Nicole Bricq. C'est bien dit !
M. Pierre-Yves Collombat. Bravo !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle belle découverte !
M. Philippe Dallier. Qu'est-ce qu'un bassin d'habitat, un bassin économique, un périmètre pertinent pour régler le problème des transports dans la première couronne parisienne ? Je défie quiconque dans cet hémicycle de me le dire !
Voilà pourquoi je pense que pour organiser les pouvoirs publics à la bonne échelle, s'agissant aussi bien du périmètre administratif que des moyens financiers, pour régler les problèmes qui se posent à nous, il faut non pas dissoudre les communes dans des intercommunalités, mais supprimer les trois départements de la petite couronne et celui de Paris afin de créer un « Grand Paris » ou une communauté urbaine d'un nouveau type - appelez-la comme vous voudrez.
Seule cette structure aurait la capacité d'affronter les problématiques si particulières de la région parisienne, puisqu'elle permettrait, notamment, de mutualiser le produit de la taxe professionnelle, dont nous savons bien que certains départements sont largement pourvus, ce qui n'est pas forcément le cas des autres.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vraiment ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Dallier. Je suis conscient qu'il faudra du temps pour qu'une telle proposition fasse son chemin, même si des élus de toutes sensibilités en sont désormais ouvertement partisans. D'ici à ce qu'elle soit mise en oeuvre, je suis donc tout à fait favorable à l'expérimentation de dispositifs dérogeants au droit commun dans le cadre des institutions actuelles. Le département de la Seine-Saint-Denis en aurait bien besoin, me semble-t-il.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, telles étaient les remarques et propositions que je souhaitais formuler aujourd'hui.
Après le drame de l'automne dernier et la mort de ces deux jeunes, il faut, comme le dit le proverbe, que du mal sorte un bien. Or ce ne peut être le martyre souffert par les deux femmes brûlées dans des bus, l'une à Sevran l'année dernière, l'autre à Marseille voilà quelques jours.
Le bien peut venir de cette prise de conscience de l'ampleur du problème posé que l'on sent se produire depuis un an dans tout le pays.
Le bien, ce sont les efforts maintenant visibles de lutte contre les discriminations.
Le bien, c'est enfin la réaction de nombre de jeunes et moins jeunes vivant dans ces quartiers en difficulté, qui expriment leurs souhaits mais rejettent la violence.
Je crois pouvoir dire sans me tromper que l'immense majorité des jeunes de nos quartiers dits sensibles aspirent à être des Français comme les autres, avec des droits mais aussi, bien sûr, des devoirs. À nous de leur démontrer que c'est possible sous les auspices de la République. À eux de savoir saisir les chances que la société doit offrir à chaque jeune. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre société est en crise et ce n'est pas un fait nouveau. Cette crise perdure depuis bientôt trente ans et a atteint notre pays dans ses profondeurs, dans ses structures mêmes.
En découlent le chômage, la chute du niveau de vie de la plus grande partie de la population et l'accroissement des inégalités, puis - le processus est connu - l'apparition d'une société à plusieurs vitesses, où le plus grand nombre rencontre des difficultés croissantes dans l'accès aux soins, à la protection sociale, aux études et à la culture, au logement et à la sécurité.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à une urgence sociale. Celle-ci, bien entendu, concerne en premier lieu les populations les plus exposées au mal-vivre de ce début de XXIe siècle - ce siècle qui aurait dû être, et pu être, conformément à nos rêves d'enfant, celui du progrès au service de tous. Mais elle concerne aussi, et surtout, notre société tout entière.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment qu'il n'est pas possible de concevoir la nécessaire reconstruction des quartiers sans une refondation de notre société.
Mes chers collègues, la situation est grave, l'urgence est là, et tout légitimait la mise en place d'une mission d'information sur la situation dans les quartiers difficiles.
Toutefois, nous limiterions d'emblée la portée de cette mission si nous persistions à considérer qu'une solution, dans un tel environnement économique et social, existe à la seule échelle d'une ville ou d'un quartier.
Ces remarques préalables me semblent nécessaires afin d'apprécier à leur juste valeur les différentes politiques de la ville mises en place depuis 1982, dont nous ne sous-estimons aucunement l'utilité, mais que nous ne souhaitons pas isoler du contexte politique, économique et social, à l'échelle nationale.
Il faut parler clair ! Ce n'est pas la politique de la ville qui réparera à elle seule les dégâts de la politique de désertification industrielle ou de casse des services publics.
La politique nationale se trouve bien à l'origine de la montée des inégalités en France, qui se concrétise à présent au niveau local.
L'écart se creuse entre les communes riches et celles qui sont confrontées à de graves difficultés sociales. Comment accepter, et il s'agit pas là d'une caricature, qu'une ville comme Neuilly-sur-Seine, dont Nicolas Sarkozy a longtemps été le maire, n'accueille sur son territoire que 2,5 % de logements sociaux, alors que dans cette commune près d'un habitant sur cinq paie l'ISF, contre un pour mille à Saint-Denis ?
Les inégalités en France sont là, puisque 60 % des salariés, tous secteurs confondus, gagnent moins de 1 600 euros nets par mois, et que 47 % des familles monoparentales disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté avant le versement des diverses allocations.
Dès lors, comment ne pas percevoir le scandale que représente l'envolée du CAC 40, qui s'est accru de 50 % en 2005 - de combien augmentera-t-il en 2006 ? - au regard de la stagnation, voire de la régression des salaires, souvent rognés par l'augmentation des cotisations sociales ?
Les primes de départ de plusieurs millions d'euros versées à certains P-DG ne sont-elles pas autant d'insultes pour les milliers de salariés qui ne savent comment régler les factures de fin de mois ?
Les quartiers difficiles, ce sont avant tout des vies difficiles ; ils reflètent une société dure pour le peuple et généreuse pour ceux qui ont déjà beaucoup. Mes chers collègues, il faudra nous attaquer à ce système qui permet une croissance sans frein des produits du capital et bride les revenus du travail.
Ces quartiers, ces villes, sont avant tout victimes d'un système qui nie l'égalité et la justice sociale. Même si ce n'était pas son objet, la mission d'information s'est trouvée confrontée directement aux conséquences que la politique libérale menée depuis quatre ans entraîne pour la vie de nos concitoyens les plus défavorisés.
En témoignent les lois de finances qui, systématiquement, favorisent les plus hauts revenus, la baisse de l'impôt au profit des plus riches ou encore les réformes des retraites et de l'assurance maladie, qui sont de terribles régressions, puisque seuls les citoyens les plus aisés pourront vieillir dignement et se soigner dans de bonnes conditions.
Or qui a voté ces lois et ces budgets ? Chacun le sait dans cet hémicycle ! Quant aux lois de décentralisation libérales, elles cassent l'ossature des besoins publics, brisent l'unicité de la République et mettent en concurrence les territoires.
Comment lutter pour améliorer la situation dans certains quartiers dès lors que l'on accepte de jeter aux orties l'idée même de solidarité nationale ?
Nombreux sont ceux, sur toutes les travées de cet hémicycle, qui savent que les collectivités territoriales se trouvent dans l'impossibilité de faire face aux missions immenses qui leur ont été conférées, rappelez-vous, mes chers collègues, par les lois Raffarin !
Alors que beaucoup parlent d'effort national pour les quartiers en difficulté, c'est en réalité le chacun pour soi que la majorité du Parlement a voté, au Sénat comme à l'Assemblée nationale.
Or, selon nous, il ne peut y avoir deux discours, un pour les missions d'information et l'autre pour expliquer le vote sur des textes qui ont organisé une véritable restauration libérale dans notre pays.
Pour conclure ces remarques d'ordre général, comment améliorer la vie dans les quartiers difficiles ? Le « tout-privé » et la concurrence érigée comme principe sacro-saint vont à l'encontre des idées de reconstruction et même d'intérêt général.
Ainsi, la phase finale du décès de la poste est programmée. Mes chers collègues, croyez-vous qu'il s'agisse d'une bonne nouvelle pour les quartiers difficiles ?
La hausse vertigineuse des factures de gaz comme la privatisation de GDF constituent-elles de bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?
L'anarchie croissante dans le domaine des télécommunications, la désintégration du service public de l'audiovisuel, les suppressions massives de postes dans l'éducation nationale constituent-elles de bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?
Enfin, les menaces à peine voilées contre les services publics de transport constituent-elles de bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?
Ces réformes de fond, encadrées par un processus de stigmatisation des populations concernées, des gens modestes, augurent mal d'une volonté de s'attaquer aux racines des problèmes, bien au contraire !
À partir de ce constat général, le groupe communiste républicain et citoyen avance des propositions qui susciteraient des effets immédiats, et dont certaines ont été retenues par la mission d'information.
Mes chers collègues, je souhaite vous rappeler les grands axes de nos propositions et certaines des mesures qui, selon nous, apporteraient une réponse cohérente aux difficultés des villes, des quartiers et des populations qui y vivent.
Premièrement, dans le domaine de l'emploi et du pouvoir d'achat, il est nécessaire de porter un coup à la précarité, dans le public comme dans le privé, ce qui doit commencer par l'abrogation du CNE, le contrat nouvelle embauche, et par l'augmentation du SMIC à 1 500 euros.
Nous proposons également de créer une allocation d'autonomie pour les jeunes âgés de 18 à 25 ans et de rendre immédiatement obligatoire l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.
Deuxièmement, il faut lutter contre toutes les discriminations, dans le domaine du logement, de l'éducation, de l'emploi, des salaires, de la culture. Les sanctions contre les discriminations liées au sexe, aux origines, aux lieux d'habitation, aux opinions ou aux croyances devront être renforcées.
Il faut, une fois pour toutes, accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales pour les citoyens étrangers non communautaires.
Troisièmement, il faut imposer un droit opposable au logement. Parmi les nombreuses propositions que le groupe CRC formule sur ce point, j'insiste sur l'absolue nécessité de construire 600 000 logements à loyers modérés sur cinq ans, des PLUS et des PLAI.
Il est impératif de tripler les sanctions contre les communes qui ne respectent pas l'obligation de 20 % de logements sociaux, et d'établir l'inéligibilité des maires qui refusent d'appliquer la loi SRU. Il est également nécessaire de rendre obligatoire la création d'un poste de gardien d'immeuble pour cent logements.
Quatrièmement, l'État doit de nouveau investir dans le financement des transports collectifs. La gratuité pour les demandeurs d'emplois, le désenclavement de quartiers aujourd'hui isolés et la lutte contre la déshumanisation de ce service public sont parmi nos principales propositions.
Cinquièmement, s'agissant de l'école et de la formation, il convient d'accroître l'accueil dès deux ans à la maternelle, de créer des postes de médecins, d'infirmières et de psychologues scolaires, de rendre obligatoire l'accueil des élèves en stage ou en formation en alternance dans les entreprises de plus de vingt salariés. Il faut encore renforcer le lien entre la famille et l'école, et revaloriser les bourses universitaires nationales. Ces propositions constituent certaines mesures d'urgence pour permettre l'accès à la formation. Je note que la politique des gouvernements Raffarin et Villepin, en place depuis 2002, a fait le contraire.
Sixièmement, il faut donner aux collectivités territoriales les moyens de faire face. La politique de contrat de ville menée dans les quartiers difficiles est de plus en plus directement supportée par les budgets des communes concernées.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. Roland Muzeau. Les statistiques l'illustrent, et le rapport que nous examinons aujourd'hui, mes chers collègues, le confirme.
Il faut inverser cette tendance. S'agissant de la Seine-Saint-Denis, dont il est beaucoup question lorsque l'on évoque les quartiers difficiles, il est primordial de répondre enfin au plan d'urgence déposé par des maires, des parlementaires et le président du conseil général.
Septièmement, la sécurité doit être fondée sur un axe alliant concertation, sanction et prévention, dans le respect des principes républicains. C'est bien entendu la prévention qui est aujourd'hui à l'abandon. C'est pourquoi il faut rétablir la police de proximité : les membres de la mission d'information commune ont voté à l'unanimité l'urgence d'une telle mesure. Sur ce sujet, ce rapport apporte un désaveu cinglant à la politique du ministre de l'intérieur : ce ne sont ni les CRS ni les brigades anti-criminalité qui pourront renouer le contact au quotidien dans les cités les plus difficiles.
Mme Raymonde Le Texier. C'est clair !
M. Roland Muzeau. Il est nécessaire de prendre à contre-pied la politique du ministre de l'intérieur, qui - vous le savez tous, mes chers collègues - a attisé les conflits et utilisé la désespérance des cités comme fonds de commerce électoral. Le rôle d'un ministre de l'intérieur n'est pas de souffler sur les braises ; il est au contraire de les éteindre !
Un effort doit être accompli pour rétablir les effectifs de police et de gendarmerie dans les villes et dans les quartiers difficiles, et - j'insiste sur ce point - pour assurer leur maintien permanent et leur formation. Dans tous les commissariats des villes dites sensibles, il manque entre 20 % et 30 % des effectifs. Dans ma commune, trente-cinq postes de fonctionnaires sur cent vingt-huit ne sont pas pourvus !
Le rapport comporte, à la page 234, un tableau indiquant l'évolution des effectifs de la sécurité publique en zone très sensible entre 2002 et 2006. Les chiffres sont saisissants ! Ils révèlent une baisse de 8,52 % s'agissant du corps de conception et de direction, et un infléchissement de 11,01 % pour le corps des officiers. En ce qui concerne le corps d'encadrement et d'application - cela correspond aux effectifs que vous souhaiteriez voir dans vos villes, mes chers collègues -, on observe une hausse de 0,98 % seulement - en cinq ans ! -, et une augmentation de 9,76 % pour le corps des administratifs, qui est le moins important. Enfin, les effectifs des adjoints de sécurité diminuent de 44,70 %.
En d'autres termes, la politique de M. Nicolas Sarkozy, depuis 2002, se traduit, tous effectifs compris - qu'il s'agisse des personnels administratifs ou de terrain -, par une progression de 0,44 %, c'est-à-dire rien ! Nous sommes loin de la parole aux actes : chacun peut en faire le constat dans sa ville, dans son département, dans son quartier.
La justice, quant à elle, doit être dotée en urgence des moyens nécessaires à la mise en application immédiate des jugements que prononcent les tribunaux, notamment les tribunaux pour enfants. Nous n'acceptons d'ailleurs pas les propos scandaleux qu'a tenus le ministre de l'intérieur à l'encontre de la justice. Chacun a conscience aujourd'hui qu'ils visent à masquer son échec personnel !
La logique de réduction des dépenses publiques défendue par le Gouvernement et la majorité ne permettra pas ces remises à niveau et ces évolutions. Prétendre le contraire serait une contrevérité. Nous verrons, mes chers collègues, les votes de chacun lors de l'examen du budget de l'État et de celui de quelques budgets spécifiques, comme celui de la police et de la sécurité. Nous verrons également ce que ces budgets prévoient.
En formulant ces quelques propositions d'intervention immédiate à destination des quartiers difficiles, je souhaite mettre en exergue l'ampleur de la tâche. Notre attitude ne relève pas de l'utopie, vous le voyez : elle s'inscrit dans une approche radicalement différente de la politique économique et sociale qui est actuellement menée dans notre pays.
Pour répondre à l'urgence sociale, pour éviter une fracture définitive dans notre société, il faut destiner les richesses, qui sont immenses, à la résolution des problèmes que vous êtes nombreux aujourd'hui à souligner, à disséquer, à analyser, sans pour autant les prendre à bras-le-corps. Cette redistribution des richesses constituerait enfin une rupture avec la politique qui sévit depuis cinq ans, qui sert les intérêts privés d'une élite financière, c'est-à-dire les plus riches, au détriment de l'intérêt général, c'est-à-dire du peuple.
Telles sont, mes chers collègues, les orientations que le groupe communiste républicain et citoyen a apportées au travail de cette mission d'information commune. Nous formulons une exigence simple : reconstruire la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après plusieurs mois d'auditions, de déplacements, de rencontres et d'échanges, le constat de cette mission d'information commune peut se résumer en ces termes : les quartiers difficiles sont devenus des ghettos urbains, dans lesquels vivent ceux qui n'ont pas les moyens d'aller ailleurs. La ségrégation spatiale devient exclusion sociale, et l'accumulation des difficultés interdit aux habitants de se projeter dans l'avenir.
Un an après les émeutes de 2005, la situation n'a pas évolué. La mixité sociale reste un mythe, les habitants sont désabusés et de plus en plus désespérés. Non seulement ils souffrent de l'accroissement des inégalités, et sont les principales cibles des violences qu'elles soulèvent, mais ils sont en plus victimes de la stigmatisation que cette violence récurrente engendre dans la société.
On n'a jamais autant parlé d'égalité des chances ; pourtant la machine à exclure tourne à plein régime. C'est parce que ces habitants en sont bien conscients que, régulièrement, leurs quartiers explosent. En effet, aujourd'hui comme hier, la violence se nourrit du désespoir.
Comment arrêter de fabriquer de la pauvreté ? Voilà la seule question qui mérite d'être posée, mais elle n'est toujours pas au coeur de l'action politique.
Les jeunes de nos banlieues désirent ce que souhaitent tous les jeunes : acquérir un logement, trouver un travail, à terme fonder une famille. Ils veulent les mêmes chances de réussite, quels que soient leur quartier ou leur origine.
Le travail effectué par la mission d'information commune est-il en mesure de changer réellement les choses ? Nous le souhaitons tous ardemment, j'en suis convaincue, mais il est permis d'en douter. En effet, il ne semble pas que le Gouvernement soit résolu à déployer sur le terrain les moyens nécessaires : un catalogue de préconisations ne fait pas une politique, et les bonnes intentions affichées ne se traduisent pas en priorités d'action.
Plus qu'un catalogue de propositions, c'est un véritable pacte républicain qu'il est temps de promouvoir. L'État doit réinvestir massivement dans les quartiers ; s'il lui faut une feuille de route, qu'il se fie à l'expérience des élus de banlieue !
Tous les parlementaires de la mission d'information commune considèrent qu'il faut des moyens spécifiques en Seine-Saint-Denis. La situation n'est pas nouvelle : les élus tirent la sonnette d'alarme depuis des années. Pourquoi avoir attendu pour agir ? Depuis combien de temps le maire de Clichy-sous-Bois demande-t-il un commissariat, une CAF, une ANPE ? Parler de la République dans les quartiers, c'est d'abord la faire exister au quotidien.
Tous les élus auditionnés, quelle que soit leur couleur politique, regrettent la suppression de l'îlotage et réclament le retour d'une police de proximité, qui crée un autre rapport police-habitants, et permet un rappel quotidien à la loi. Qu'attendons-nous pour réintégrer les îlotiers dans des locaux qui existent toujours, mais qui sont vides ?
Que de temps perdu à cause d'un ministre, tout-puissant, qui, débarquant dans ses fonctions, choisit de défaire ce qui a été mis en place avant lui, sans prendre le temps de réfléchir ou d'écouter les acteurs de terrain !
En matière de logement, je citerai deux chiffres du rapport, qui sont emblématiques de la situation.
« En région parisienne, 5 % des communes détiennent 75 % du parc social. » Ainsi, à Sarcelles ou à Villiers-le-Bel, le parc immobilier est constitué à 60 % de logements sociaux ; celui de Neuilly-sur-Seine, au contraire, en compte moins de 3 %. Là encore, est-il besoin de philosopher sans cesse ? Combien de temps faudra-t-il attendre pour que la loi soit appliquée ? Comment éviter la multiplication des ghettos, si l'on ne se montre pas coercitif en la matière ?
« On estime aujourd'hui à 600 000 le nombre de logements situés dans des copropriétés en difficulté. » Le rapport de la mission d'information commune fait état de diverses mesures, souvent pertinentes, pour leur venir en aide. Il faut savoir que, si ces familles deviennent propriétaires alors qu'elles n'ont pas les moyens de faire face aux charges d'entretien de leur copropriété, c'est que, paradoxalement, leurs revenus sont trop bas pour accéder à la location dans le parc social. L'inadéquation entre les revenus des habitants et les conditions d'accès au logement social est, en effet, de plus en plus forte.
La montée de l'échec scolaire dans les banlieues constitue un autre facteur d'inquiétude, alors que l'éducation est la base de toute intégration réussie. La description d'expériences menées dans des quartiers pauvres aux États-Unis ou en Grande-Bretagne montre que le fait de baisser les effectifs des classes à quinze élèves et d'y adjoindre plusieurs encadrants - notamment un qui est chargé d'assurer le lien entre l'école et les parents - a des répercussions très positives sur la réussite scolaire des enfants, comme sur leur comportement à l'école et hors de l'école. Ne peut-on s'inspirer de ces études pour renouveler notre approche de l'éducation en zone urbaine sensible ?
Il est aujourd'hui temps de réinvestir ce lieu privilégié qu'est l'école dans les ZEP. Cela concerne autant la baisse des effectifs pour mieux apprendre que l'augmentation de l'encadrement adulte pour apprendre à être.
Que dire encore des discriminations que subissent les habitants des quartiers ! À compétences égales, il est extrêmement difficile de trouver un travail ou un logement, quand on n'a ni le bon nom, ni la bonne couleur, ni la bonne adresse. Or les discriminations de tous ordres sont insupportables. Ce sont des injustices quotidiennes, qui détruisent l'estime de soi et ne peuvent à terme que provoquer l'agressivité, voire susciter la haine.
Il est plus que temps d'agir. C'est là où s'accumulent toutes les inégalités que doivent se concentrer les actions les plus volontaristes. Il faut donner plus de capital public à ceux qui n'ont pas de capital privé.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. C'est le seul moyen de rendre aux habitants des quartiers l'espoir d'une égalité des possibles.
Donner plus de capital public, c'est investir massivement dans les zones d'éducation prioritaire : l'école doit être un « lieu ressource » où se concentrent les actions de l'État. C'est donner les moyens aux jeunes de poursuivre des études, en leur accordant des bourses dignes de ce nom ou en les dotant d'un capital de départ.
Mme Nicole Bricq. Exactement !
Mme Raymonde Le Texier. Donner plus de capital public à ceux qui n'en ont pas, c'est adapter les loyers du parc social à la réalité des revenus de leurs habitants. C'est densifier l'offre de transport collectif pour casser l'enfermement urbain.
Donner plus de capital public, c'est rattacher les avantages économiques des entreprises à la personne et pas seulement au territoire. C'est conditionner les aides versées aux entreprises à un effort citoyen, à savoir l'obligation de donner leur chance aux habitants des zones urbaines sensibles. C'est faire de la non-discrimination à l'embauche un critère d'appréciation de l'attribution des aides.
Alors, oui, autour de ces quelques mesures, il est possible de faire bouger les lignes, de ranimer l'espoir, de changer la donne et, enfin, de remettre la société française en mouvement. C'est en misant sur les quartiers et sur leurs habitants que l'État fera vivre notre modèle républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'avenir dépend de la façon dont on perçoit le potentiel de la jeunesse qui se trouve dans nos villes.
Derrière le petit noyau de perturbateurs, il y a la masse de tous ceux et de toutes celles qui espèrent en l'avenir, et les institutions offrent leur chance à tous ceux qui leur accordent respect. Le Sénat, en acceptant cette mission, veut offrir cette chance à toutes celles et à tous ceux qui veulent la saisir.
C'est dans cet esprit que je souhaite saluer le formidable travail accompli par le président et le rapporteur de notre mission d'information, qui ont su tirer, de l'écoute des multiples acteurs de ce dossier et des nombreux déplacements sur le terrain, enseignements et recommandations susceptibles d'améliorer réellement la vie des femmes, des hommes et des enfants qui habitent ces quartiers.
En effet, cette mission n'a pas failli, car elle n'est pas tombée dans un écueil ô combien dangereux : l'immédiateté. Après l'émoi causé par les violences de l'année dernière, le risque était grand de vouloir répondre dans le temps médiatique et non dans le temps politique, de soigner le symptôme - la voiture qui brûle devant les caméras - et non le mal - la détresse des personnes qui vivent, grandissent ou élèvent leurs enfants aux pieds des tours.
Si je vous dis cela, c'est en tant que membre d'une commission des affaires sociales qu'habite l'exigence d'une politique de la ville pertinente et efficace, pour souligner deux aspects majeurs de ce rapport : la nécessaire ténacité dans les principes et dans l'action ; le rôle fondamental et incontournable de la prévention précoce, notamment par l'école et les familles.
Premier enseignement donc : seule une grande ténacité dans notre politique permettra des progrès véritables. La mission le souligne fortement, les politiques de la ville initiées depuis une quinzaine d'années portent peu à peu des fruits que les violences de l'année dernière ne doivent pas occulter. Là est la ténacité : construire le « vivre ensemble », pas à pas, et ne pas baisser les bras devant l'actualité, parfois trompeuse et décourageante.
Les propositions de la mission d'information sont riches de cette volonté : adopter un « objectif de 100 % d'activité pour les jeunes des quartiers en difficulté » - proposition 26 -, « développer l'accession sociale à la propriété dans les ZUS » - proposition 8 -, « faire émerger des pôles de développement économique » - proposition 12 -... Sans aller plus loin dans l'énumération, je tiens à souligner que ces propositions ambitieuses requièrent continuité d'attention et ténacité dans l'action.
Une politique au coup par coup, dictée par l'urgence, serait inefficace : seule une action de long terme, qui réclame donc beaucoup de sang-froid de la part du responsable de la cité, dont le bilan est sans cesse attendu, est à la mesure de ces enjeux.
Je prends ici pour exemple la dernière proposition que j'ai citée : attirer les entreprises dans les ZUS. Que voit l'entrepreneur qui pourrait, justement, s'y installer ? Il peut s'y perdre : des acteurs multiples aux motivations et aux moyens d'actions multiples. Pour accompagner le choix de cet entrepreneur, l'ensemble de ces acteurs doit avoir une approche cohérente et concertée. Il s'agit, en somme, de réconcilier les projets du public avec les exigences du privé, la rénovation urbaine avec le développement économique.
La mission propose des moyens concrets pour atteindre ce but : lancer des appels à projets dans les quartiers sensibles, solliciter les avis des associations d'entrepreneurs sur les projets de rénovation urbaine... Utilisons-les dès maintenant et sachons nous y tenir, car ils ne seront efficaces que dans la durée.
Mais si la politique de la ville doit être déterminée et résolue, elle doit surtout être pertinente et s'intéresser non seulement aux murs, mais surtout aux hommes qui les habitent.
C'est là le deuxième enseignement majeur de cette mission : oui, le logement, oui, les services publics, oui, le développement économique, mais cette politique de l'environnement urbain n'a de sens que si elle s'accompagne d'une politique pour l'homme qui y vit.
Parce qu'elle touche au développement physique et social de la personne, dès le plus jeune âge et tout au long de sa vie, cette exigence ne peut passer que par une politique de prévention précoce fondée sur le message éducatif.
« Mieux répondre aux besoins prioritaires d'éducation », telle est la deuxième orientation préconisée par la mission d'information. Certaines des propositions sont fondamentales à mes yeux : « Développer les structures d'accueil de la petite enfance », proposition 17, « Faire entrer dans l'école les parents les plus éloignés d'elle », proposition 19, « Clarifier le pilotage du partenariat éducatif local », proposition 22, « Développer la prévention sanitaire au niveau de l'école primaire, des crèches et des centres de protection maternelle et infantile, en associant et en sensibilisant davantage les parents », proposition 49...
Toutes ces propositions témoignent de la même idée : un message éducatif clair et compris par l'enfant est la clef d'une société harmonieuse, surtout dans des zones où la concentration de population est importante.
Le rapport à soi, aux autres et au monde ne s'improvise pas, il s'apprend au sein de la famille et à l'école. C'est pour avoir démissionné la famille et l'école de leurs fonctions essentielles, à savoir fixer les repères et transmettre l'essentiel, la règle du respect, que nous en sommes peut-être là. C'est aussi pour avoir démissionné la famille de la prise en charge de toutes ces vulnérabilités qu'elle accueillait auparavant et confié celle-ci au collectif que nous en sommes là, aujourd'hui.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Tous les spécialistes de la petite enfance et de l'enfance, les pédopsychiatres, s'accordent sur un point : si, dès le plus jeune âge, l'enfant apprend à vivre avec les autres, il lui sera plus facile, ensuite, de construire une vie sociale fondée sur la confiance et non sur le refus de l'autre, dont la violence est une traduction.
Certes, les effets d'une telle politique se voient moins rapidement que la construction de logements. Ce sont des approches pourtant complémentaires d'une même volonté : permettre à des hommes et à des femmes d'habiter harmonieusement un lieu. Là encore, les acteurs et les pistes sont nombreux, reste l'exigence de substituer à une politique du béton une politique de l'homme. (M. Thierry Repentin applaudit.)
C'est la raison pour laquelle il n'est pas honteux, monsieur Mahéas, d'accueillir dans sa commune des centres d'hébergement pour SDF ou pour jeunes en situation de délinquance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut les mettre dans l'île Saint-Louis !
M. Jacques Mahéas. Dans le XVIe !
M. Thierry Repentin. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
M. Jacques Mahéas. Nous sommes la cité de l'abbé Pierre ! Nous assumons notre solidarité, alors pas de provocations !
Mme Marie-Thérèse Hermange. J'ai souvenir, il y a quelques années, que la région parisienne envoyait à Paris les plus précaires, tant la politique conduite par Jacques Chirac et Jean Tibéri était un laboratoire social. Peut-être, aujourd'hui, assiste-t-on au mouvement inverse : Paris vers la périphérie. Il s'agit non pas de comptabiliser l'accueil de la précarité, mais de d'accueillir celle-ci avec respect.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les observations que je tenais à faire quant au rapport de la mission d'information. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. Ils ne manquent pas d'air !
M. Jacques Mahéas. Ah, les bien-pensants qui veulent donner des leçons !
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parti sur l'idée d'une remise en cause pure et simple de l'utilité de la politique de la ville, l'important travail d'auditions et de déplacements effectué par la mission a fait évoluer le parti-pris initial de la majorité qui reconnaît in fine dans son rapport que la politique de la ville a permis de limiter le processus de ségrégation, mais pas de lutter contre ses causes profondes. Autre consensus auquel les travaux de la mission auront permis d'aboutir : nos quartiers en difficultés exigent un effort permanent, une mobilisation de tous les dispositifs et de tous les acteurs concernés.
Mais, malgré l'objectif que vous lui avez assigné en préambule, monsieur le rapporteur, votre rapport est bien loin de faire oeuvre novatrice. Et cette observation vaut tout particulièrement pour le chapitre consacré à l'éducation. Si, globalement, le constat de la situation de l'école, notamment dans les zones d'éducation prioritaire, n'appelle pas de critiques majeures, il n'en va pas de même du système explicatif avancé, qui peut être qualifié de peu rigoureux, surtout quand l'idéologie semble se substituer à l'analyse.
Ainsi, à propos du « nivellement par le bas » induit par la concentration de publics en difficulté, les exigences du sens du travail et de l'effort scolaires seraient, selon le rapport, passées au second plan « sous l'effet d'une ?illusion pédagogiste? qui s'est focalisée sur l'attractivité et la variété des activités, l'innovation de méthodes modernes, ludiques et ?actives? d'apprentissage. » Les enseignants, qui, chaque jour, se frottent à ces publics en difficulté, apprécieront cette simplicité de vue. Eux le savent mieux que quiconque, lorsqu'on a laissé dans un même endroit se concentrer des élèves en difficulté sur le plan social ou victimes de ségrégation ethnique, enclencher une dynamique pédagogique est beaucoup plus difficile qu'ailleurs.
On le sait pertinemment et depuis longtemps, lorsque l'on constitue de manière permanente des groupes de niveaux faibles dans un établissement, on obtient des résultats plus faibles que dans des classes hétérogènes ; c'est pourtant la pratique actuelle. À une autre échelle, le phénomène est le même quand c'est l'établissement entier qui est de niveau faible. Dans ces conditions, et malgré l'implication et les efforts des enseignants, le niveau scolaire atteint dans ces zones difficiles est alors sensiblement plus faible qu'ailleurs.
En effet, sur un fond d'incivilités et de violences qui ne contribuent pas, en outre, à rendre ces établissements attractifs, le rythme scolaire est souvent plus lent. Les travaux effectués sont moins denses et le niveau d'exigences, en définitive, moins élevé qu'ailleurs. De fait, dans certains établissements, le temps et les moyens passés à « pacifier » la vie scolaire sont autant de temps et de moyens perdus pour les apprentissages. La réalité du terrain, c'est celle-là, et non pas une prétendue « illusion pédagogiste ».
De même la « ghettoïsation urbaine, la fragilisation des familles, la crise des valeurs et de l'autorité, le chômage, la désespérance sociale » sont avancées comme des éléments « qui amplifient les défaillances du système ». Or ces éléments sont à la source des défaillances du système, plus qu'ils ne les amplifient. La preuve en est que notre système scolaire réussit très bien dans les ghettos de riches. Pour que le Sénat fasse oeuvre utile, le rapport de la mission aurait dû, premièrement, se fonder sur une analyse approfondie et rigoureuse et, deuxièmement, en dégager un ensemble de propositions cohérentes.
Ainsi, le rapport fait état de l'implication, de la stabilité et de l'expérience des enseignants comme facteur de réussite dans les ZEP, mais peu de propositions en sont tirées pour y lutter contre le turn over enseignant, que ce soit en termes de formation, d'accompagnement ou d'organisation de la carrière des enseignants.
Dans ses propositions sur l'école, je regrette que le rapport laisse de côté des leviers très importants et qu'il ne nous permette pas d'apporter un ensemble de réponses cohérentes à la question suivante : comment passer de l'égalité théorique de l'école à l'égalité réelle, quand les conditions de réussite dans l'enseignement dépendent de plus en plus des conditions sociales ? En effet, si le contexte dans lequel prend place la scolarité affecte bien la réussite, son poids reste cependant très inférieur à celui de l'origine sociale des élèves. Face à ce déterminisme social, assurer l'égalité des chances, c'est avant tout modifier les conditions inégalitaires initiales dans lesquelles se trouvent les individus, afin de leur donner des chances égales dans la vie et de rendre la mobilité sociale possible pour chacun.
Dès la maternelle, les jeunes enfants abordent l'école avec des prérequis très inégaux. Or les acquis scolaires présentent un caractère fortement cumulatif et ces inégalités initiales ne sont jamais rattrapées. C'est pourquoi nous considérons que c'est une priorité pour l'école que d'engager des actions précoces et ciblées pour corriger le plus tôt possible ces inégalités de départ. C'est d'ailleurs ce que nous vous avions déjà proposé lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances.
La lutte contre la reproduction des inégalités à l'école doit commencer dès la maternelle, et particulièrement au moment de l'élaboration de l'univers linguistique des enfants, parce que l'école maternelle est le seul lieu ouvert à tous les enfants, et celui qui présente le plus fort impact sur les possibilités d'accès à une culture commune. Mais, dans les conditions d'accueil actuelles, la préscolarisation est considérée malheureusement comme une variable d'ajustement des moyens et ne peut donc pas répondre à une véritable stratégie scolaire.
La scolarisation précoce, pour jouer son rôle de lutte contre les inégalités linguistiques, exige des conditions d'accueil spécifiques. Nous avons besoin d'une politique volontariste et ambitieuse en ce domaine, fondée sur le développement de structures adaptées pour accueillir les deux / trois ans, et ce prioritairement dans les zones défavorisées et en direction des enfants qui n'ont jamais fréquenté de structure collective.
L'objectif est triple : d'abord, assurer en douceur la transition avec le milieu familial pour un apprentissage réussi de la vie collective ; ensuite, garantir l'acquisition de pratiques langagières propres au mode scolaire, indispensables au passage ultérieur à l'écrit ; enfin, impliquer les parents dans une démarche de coéducation participante.
Pour se faire, il convient de s'appuyer sur les expériences des classes-passerelles, structure intermédiaire entre la crèche et l'école qui permet d'offrir un mode de vie respectant les rythmes et les besoins individuels des enfants en fonction de leur maturité. Elles s'appuient sur une pluralité de professionnels formés à la psychologie du jeune enfant : une institutrice, une éducatrice de jeunes enfants et un agent territorial spécialisé des écoles maternelles, pour un effectif de dix à quinze enfants maximum.
Les classes-passerelles visent non pas à se substituer au rôle structurant de la famille, mais bien plus à instaurer une coéducation avec l'implication des parents, qui sont invités, par exemple, à participer aux ateliers de la classe. En ce sens, elles peuvent représenter également une aide à la parentalité et un outil pour impliquer des parents éloignés du système scolaire, en modifiant leur regard sur l'école et en instaurant une reconnaissance mutuelle. Les classes-passerelles existantes ont ainsi montré une corrélation forte entre la confiance manifestée auprès des familles dans leur capacité à être de bons parents et leur implication dans le fonctionnement de l'école. Ce constat est très important quand il s'agit de faire entrer dans l'école les parents les plus éloignés d'elle et rend de fait tout à fait vaine la proposition de la mission d'allonger le temps de présence des enseignants dans les établissements, si elle se contente de cela.
Si, dans la majorité ou l'opposition, nul n'a de réponses toutes faites ou de réponses miracles, il n'en demeure pas moins que nos priorités et les leviers d'action en lesquels nous croyons sont bien différents.
Mais, pour rester sur une note optimiste, je veux croire que notre rapporteur saura convaincre le reste de la majorité qu'investir dans la jeunesse constitue non pas un coût, mais une nécessité, et que le rapport de notre mission, parce qu'il constitue malgré ses insuffisances un pas en avant, ne restera pas lettre morte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis quelque peu frustré de devoir limiter mon intervention dans ce débat à quatre ou à cinq minutes, au motif que les collègues qui m'ont précédé ont largement utilisé le temps de parole dont disposait notre groupe.
Ce temps qui m'est imparti sera bien insuffisant pour rendre compte d'une mission qui, durant près de huit mois, nous aura conduits dans la France entière pour tenter d'analyser ce qui a fonctionné dans la politique de la ville et ce qui pourrait fonctionner beaucoup mieux.
Comment relater en quelques instants les difficultés que rencontrent la copropriété « La Forestière » ou les quartiers du Mas du Taureau et de la Castellane, dont les expériences, quoique différentes, ont enrichi notre approche de la politique de la ville ?
Madame la ministre, je n'aborderai que quatre points.
Premièrement, je souhaite vivement que, sur votre initiative, les conclusions de ce rapport fassent l'objet d'un travail interministériel et qu'il soit donné suite à un certain nombre de propositions avancées par le rapporteur. Ces propositions sont le fruit d'un travail collectif qui a associé à la fois les parlementaires que nous sommes, mais aussi les élus que nous avons rencontrés au cours de nos déplacements.
Il faut appliquer strictement sur tout le territoire national la règle des 20 % de logements sociaux. Nous en avons longuement discuté. Il faut maintenant passer aux actes. M. Cambon citait tout à l'heure l'exemple de la ville de Paris. Sachez que pour se conformer à cette règle des 20 % de logements sociaux et rattraper son retard en ce domaine, la ville est allée très au-delà des objectifs définis et fixés dans son plan pluriannuel.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Grâce aux élus communistes, d'ailleurs !
M. Thierry Repentin. Elle les a dépassés non seulement en termes quantitatifs, mais aussi en termes qualitatifs. En effet, la part des logements sociaux financés à l'aide d'un prêt locatif social reste inférieure à 30 % de l'ensemble des logements livrés à Paris. Il est dommage que ce qui est possible aujourd'hui ne l'ait pas été par le passé.
Deuxièmement, ainsi que le demande le rapport de notre mission d'information, l'État doit de nouveau concourir au financement des infrastructures de transport. Le rapporteur a fait plusieurs fois référence à ce point dans ses propos. Le désenclavement des quartiers concernés par la politique de la ville est une condition sine qua non à la fois pour que ses habitants puissent travailler à l'extérieur, mais également pour que des entreprises s'y implantent. Une politique des transports en commun est indispensable à leur développement économique. En son temps, le gouvernement de M. Raffarin avait pris une position différente, sur laquelle il faudrait revenir.
Troisièmement, la police de proximité doit faire son retour dans les quartiers. Partout où nous nous sommes rendus, les maires que nous avons rencontrés ont demandé le retour dans les rues des agents en uniforme afin de modifier la nature des relations entre la population et la police. Cessons d'opposer une police de proximité qui ne serait chargée que de la prévention et une police judiciaire qui ne serait chargée que de la répression. Ces deux aspects sont nécessaires. Pour alimenter le travail de la police judiciaire, la police de proximité doit reconquérir le territoire.
M. Dallier, se référant à sa propre expérience, a fustigé la disparition de la voie publique des policiers en uniforme au profit de la police des transports. Cette disparition est aussi liée à l'augmentation des effectifs de la police aux frontières ou de la direction de la surveillance du territoire, la DST.
Il existe une autre raison à leur disparition : 10 % des policiers en uniforme affectés au commissariat de ma ville sont dispensés d'activité au titre de la RTT six mois à deux ans avant de prendre leur retraite, au motif qu'il est impossible de payer les heures supplémentaires.
Quatrièmement, madame la ministre, les membres de la mission ont été quelque peu décontenancés - pour ne pas dire plus - lors de l'audition des responsables de la délégation interministérielle à la ville, la DIV, sur laquelle vous exercez une responsabilité pleine et entière. Nous avons eu le sentiment que la logique de guichet prenait le pas sur une politique durable, établie dans le cadre d'un plan d'action pluriannuel alliant rénovation et investissement humain.
La DIV est à la rue. C'est ainsi que nous l'avons ressenti.
Je citerai trois phrases du rapport. « La délégation interministérielle à la ville ne paraît pas disposer de l'autorité nécessaire dans la gestion des crédits » qui relèvent de la politique de la ville. « La déléguée interministérielle à la ville ne semble pas être en mesure d'assurer sa mission de responsable, au sens de la LOLF, des deux programmes "Équité sociale et territoriale et soutien" et "Rénovation urbaine" de la mission "Ville et logement", qui constitue désormais le cadre budgétaire de la politique de la ville. » Enfin, « s'agissant du programme "Rénovation urbaine", les crédits ont en effet été délégués à l'ANRU, opérateur chargé de la mise en oeuvre du programme, et comme le souligne la Cour des comptes, la DIV, bien que devant assurer la tutelle de cet organisme, "ne dispose pas des éléments lui permettant de suivre les financements, l'activité et les performances de cet opérateur". »
Autant nous sommes convaincus que ces guichets offrent aux élus de nos territoires des perspectives pluriannuelles qu'il faudra effectivement sanctuariser, autant nous estimons que la logique de guichet ne doit pas se substituer à une politique pensée et réfléchie sous l'autorité des ministres chargés de la politique de la ville. Il est urgent de redonner corps à une direction d'administration centrale qui nous semble avoir été pour le moins malmenée au cours de ces dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Roland Muzeau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur la question des services publics, qui est constamment présente dans ce rapport.
Madame la ministre, je vous sollicite de faire en sorte que toute intervention de l'ANRU soit l'occasion de dresser un état précis de la situation des services publics dans les quartiers concernés afin de mesurer l'écart qui existe malheureusement en la matière entre ces quartiers et le reste des territoires. En l'espèce, je souscris totalement aux préconisations du rapport.
Si l'éducation nationale, parmi les autres services publics, reste malgré tout présente dans les quartiers, il n'en va pas de même des commissariats, dont l'installation est réclamée dans chaque quartier, ou de La Poste, qui ferme ses guichets. Il est très compliqué de se rendre, par exemple, dans un bureau de perception situé en centre-ville en l'absence de transports.
Madame la ministre, il faut installer des antennes préfectorales dans les quartiers difficiles, comme les municipalités y installent des mairies annexes. Allez donc à la préfecture de Bobigny et vous serez impressionnée par la masse des gens qui se pressent à ses guichets. Il n'est pas acceptable qu'il faille consacrer une demi-journée à l'accomplissement de petites démarches quotidiennes. Les préfectures doivent donner l'exemple.
Par ailleurs, pourquoi les hôpitaux n'ouvrent-ils pas dans les quartiers des antennes spécialisées en psychiatrie et en pédopsychiatrie ? Il leur suffirait simplement de louer un logement en rez-de-chaussée pour ouvrir une permanence. Or ils ne le font pas.
La mission estime que, la plupart du temps, les crédits de la ville se substituent aux crédits de droit commun, empêchant ainsi que ne se résorbe le retard en la matière. Ce point, qui n'est pas nouveau et sur lequel il faut retravailler, pose la question du fonctionnement de l'État et des actions interministérielles. Qui est responsable de la politique de la ville ? Qui en est le chef de file ? Nous nous accordons tous à considérer qu'il appartient au Premier ministre d'en assurer la conduite.
Le ministère de la justice avait commencé d'installer des maisons de justice, qui constituaient autant de points d'accès au droit. Il faut les multiplier. Combien de fois a-t-on évoqué la médiation, élément central ? La politique de la ville revêt de multiples aspects ; c'est ce qui en fait sa spécificité.
Il est toujours choquant de faire le choix de démolir un quartier qui vit mal préalablement à la résolution des problèmes qu'il rencontre.
Mme Nicole Bricq. Exact !
M. Yves Dauge. Certes, les démolitions sont parfois nécessaires, quand bien même elles peuvent être mal vécues par la population. Mais considérons la population avec tout le sérieux qu'elle est en droit d'attendre et commençons par rétablir le tissu des services publics. Nous ferons ainsi acte de citoyenneté et contribuerons à ce que les gens aient du respect les uns pour les autres. Comment voulez-vous imposer le respect si nous ne mettons pas en situation d'être respectés ?
S'agissant de l'ANRU, personne ne remet en cause son utilité. Mais elle doit intervenir à un moment précis dans un processus global et concerté, au niveau de toute l'agglomération. Elle ne doit pas subordonner ses aides financières à la démolition de logements.
M. Thierry Repentin. Pourtant, cela se passe ainsi !
Mme Nicole Bricq. Il faut faire la manche auprès des régions !
M. Yves Dauge. Il n'est pas possible de continuer ainsi.
En outre, vous annoncez que 30 milliards d'euros seront consacrés à la politique de la ville d'ici à 2012. À combien se monte la contribution de l'État ?
Monsieur le président, au cours de la visite qu'a effectuée la mission à Marseille, vous vous êtes inquiété devant nous du fait que le financement d'opérations ANRU n'était pas assuré et vous vous êtes demandé où vous alliez trouver l'argent. (Mme Raymonde Le Texier applaudit.) Tous les maires vivent la même situation. S'il y avait un peu d'argent auparavant, il n'en reste plus guère aujourd'hui. Le nombre des quartiers concerné est passé de cent cinquante à plus de sept cents. Qui paiera les quatre cinquièmes de la note ? C'est le « 1 % logement », ce sont les offices d'HLM, avec leurs fonds propres, et ce sont évidemment les communes. Sans doute les départements et les régions seront-ils eux aussi mis à contribution. Combien de temps cette situation pourra-t-elle durer ?
Dites-nous, madame la ministre, ce que recouvrent ces 30 milliards d'euros. Quelle proportion de cette somme va-t-on sanctuariser ?
M. Thierry Repentin. Cinq milliards d'euros sur trente !
M. Yves Dauge. C'est déjà ça. Mais il est facile pour l'État d'annoncer que 30 milliards d'euros seront consacrés à la politique de la ville - tout le monde finit par y croire - et de demander ensuite aux collectivités, aux offices d'HLM et au « 1 % logement » d'en financer les quatre cinquièmes. Si nous voulons inspirer du respect à nos concitoyens, ne faisons pas de fausses annonces.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Yves Dauge. Je ne veux donner de leçon à personne, mais les maires sont très inquiets. La politique de guichet est contraire à l'esprit de la politique de la ville, qui est d'abord une politique de relations et de citoyenneté et qui se doit de respecter les gens et de proposer une stratégie globale.
Je pourrais aller dans le sens des propos de Philippe Dallier préconisant des réformes institutionnelles lourdes s'agissant des collectivités locales.
Certes, les choses sont plus claires sur le plan institutionnel dans certaines villes, telles que Marseille. En effet, monsieur le président, vous avez une immense cité qui intègre l'ensemble des quartiers, ce qui permet d'avoir une vision stratégique globale. Je pense aussi à Lyon, où la politique de la ville rencontre un gros succès. Je pense encore à Dreux, qui, à ma connaissance, n'a pas défrayé la chronique, à Vaulx-en-Velin, et à Nantes, où la liaison par tramway entre Rezé et le quartier Nord contribue au succès remarquable de l'ensemble du dispositif « politique de la ville ».
En revanche, un problème institutionnel se pose ailleurs, notamment en région parisienne.
C'est pourquoi je serais prêt à suivre les recommandations de notre collègue Dallier, mais il faudrait, pour qu'elles aboutissent, qu'elles soient mises en oeuvre par un Gouvernement extrêmement décidé.
Telles sont les réflexions dont je tenais à vous faire part, madame la ministre.
Monsieur le président et monsieur le rapporteur de la mission d'information, je me félicite de l'excellente ambiance dans laquelle se sont déroulés les travaux de la mission et je souligne que tous ses membres se sont rendus sur le terrain, y ont entendu les mêmes propos et ont formulé les mêmes observations.
Il serait bien que l'État tienne compte de ce que, nous, les gens de terrain, avons à dire à la suite de cette expérience très positive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que la Haute Assemblée expertise les politiques conduites en matière de quartiers en difficulté, les examine dans leur globalité et sur l'ensemble du territoire, afin de faire des propositions susceptibles à la fois d'améliorer les dispositifs existants et de prévenir de nouvelles crises constitue, à mes yeux, une initiative que je salue tout particulièrement. Je m'associe également aux remerciements qui ont été adressés tant au président qu'au rapporteur de la mission d'information pour l'excellent travail qui a été accompli.
Beaucoup de choses ont été dites sur le constat, unanime, comme le soulignait M. Dauge à l'instant.
Ce constat, Jean-Louis Borloo le partage, lui aussi, et chacun se souvient de sa phrase de conclusion au cours de la présentation du plan de cohésion sociale au Sénat lors de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances : « Inexorablement depuis quinze ans, le fossé continue de se creuser entre ceux dont les enfants ont un avenir et ceux dont la descendance en est privée. D'innombrables talents sont ainsi gaspillés, recevant ?la rage en lieu et place de diplôme?. »
Le rapporteur de la mission d'information, M. Pierre André, et Philippe Dallier, sénateur de Seine-Saint-Denis, ont également dressé ce constat, avec force.
Un an après les événements violents de 2005, qui ont menacé les habitants des quartiers eux-mêmes, inquiété tout le pays et interpellé à l'étranger, je tiens, à mon tour, à saluer le travail et l'implication au quotidien des maires des communes concernées, qui ont montré, une fois de plus, leur connaissance du terrain et leur courage, faisant preuve de responsabilité et de sang-froid.
Les associations se sont bien sûr mobilisées à leur côté, pour faire passer le message de citoyenneté auquel nous sommes tous attachés. La mission d'information du Sénat, pour sa part, s'inscrit dans ce mouvement avec l'objectif de franchir une étape supplémentaire.
Les soixante et onze propositions de la mission couvrent tous les grands domaines de l'intervention de l'État. Elles sont de deux ordres : celles qui relèvent de la définition des politiques publiques en matière de cadre de vie, d'éducation, d'emploi, de sécurité, de cohésion sociale et celles qui sont de caractère plus institutionnel, à savoir la gouvernance de la politique de la ville et le pilotage financier.
Je veux souligner, à ce stade, la politique volontariste conduite par le Gouvernement dans ce domaine depuis 2003, qu'il s'agisse du programme national de rénovation urbaine, de la réforme de la dotation de solidarité urbaine, de la relance et de l'extension des zones franches, du programme de réussite éducative, de la politique de l'emploi ou encore du renforcement des moyens en faveur des associations.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : dans la loi de finances pour 2002, le total du budget de la politique de ville s'élevait à 291 millions d'euros ; le budget que j'aurai l'honneur de défendre prochainement devant vous, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, atteint 769 millions d'euros. Ces chiffres sont éloquents !
Monsieur Mahéas, vous avez évoqué les difficultés que connaît votre commune de Neuilly-sur-Marne, dont vous êtes le maire. Je souhaite, à titre d'illustration de l'action du Gouvernement, y répondre très concrètement.
L'association d'insertion à laquelle vous avez fait allusion, Le Martin Pêcheur - si je ne me trompe -, est confrontée, depuis plusieurs années, à des difficultés de développement et de maintien de son activité. Afin d'assurer la pérennité de cette association, un plan a été convenu avec les services de l'État, auxquels je tiens à rendre hommage : 30 000 euros ont déjà été versés...
M. Jacques Mahéas. Sur les 90 000 !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. En outre, 60 000 euros viennent d'être adressés en complément.
M. Jacques Mahéas. Bonne nouvelle ! (M. Thierry Repentin applaudit.)
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Par ailleurs, autre élément dont je ne crois pas vous avoir entendu parler lors de votre intervention, une zone franche urbaine nouvelle est en voie de création, à la suite d'une décision récente d'août 2006.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas signé !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous savez très bien que les périmètres sont actuellement devant le Conseil d'État !
Ensuite, s'agissant du projet de rénovation urbaine de votre commune, d'un montant de 143 millions d'euros, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, a décidé, après passage du dossier devant le comité d'engagement, d'y participer à hauteur de 44 millions d'euros.
M. Christian Cambon. Bravo !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. De même, votre contrat de ville est passé de 118 000 euros en 2005 à 189 500 euros en 2006. Votre équipe de réussite éducative, qui vient d'être labellisée, recevra 315 000 euros. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs socialistes. Et nous ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Quant à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, elle s'élève, en 2006, à plus d'un million d'euros, contre 843 000 euros en 2004 ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jacques Mahéas. Les dotations d'État sont inférieures à ce qu'elles étaient !
M. Roland Muzeau. Rien pour Marseille ! (Sourires.)
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Chacun pourra constater que l'équipe municipale de Neuilly-sur-Marne n'est pas laissée seule dans les démarches qu'elle entreprend.
Revenant au rapport de la mission d'information, dans la mesure où il n'est rendu public que depuis hier, vous comprendrez que je ne commente pas, point par point, les soixante et onze mesures qu'il contient, d'autant que plusieurs départements ministériels, autres que les ministères du pôle social, sont concernés. Je laisserai d'ailleurs mon collègue Christian Estrosi évoquer, dans quelques minutes, les points touchant au ministère de l'intérieur.
J'aborderai d'emblée l'enjeu primordial de l'éducation. Ce point a été très longuement développé par le rapporteur, ainsi que par Mme Le Texier et M. Lagauche.
Tout d'abord, les établissements situés en zone d'éducation prioritaire bénéficient déjà d'un milliard d'euros complémentaires. C'est peut-être le début de cette notion d'un petit peu plus de capital public.
Mme Nicole Bricq. C'est 8 % de plus qu'ailleurs ! Avec cela, on ira loin !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Les études le soir après l'école sont désormais rendues obligatoires dans toutes les zones d'éducation prioritaire. C'est là un accompagnement important.
Le Gouvernement vient d'engager la réforme de l'éducation prioritaire, avec les 249 collèges « ambition réussite » disposant de moyens renforcés - 1 000 enseignants, 3 000 assistants pédagogiques -, bénéficiant chacun d'une spécialité de haut niveau et mettant en ouvre des partenariats, notamment avec les collectivités territoriales, les entreprises et les associations.
Madame Morin-Desailly, le dispositif « ambition réussite » est précisément l'une des déclinaisons du rapport Thélot, visant à une concentration des moyens, une affectation sur profil et hors barème des enseignants, l'implantation de filières d'excellence, des liaisons renforcées avec l'enseignement supérieur.
La réforme de l'éducation prioritaire a été mise en place depuis cette rentrée scolaire. Nous procéderons à une évaluation qui nous permettra de mesurer ses résultats et d'envisager d'aller plus loin.
Offrir aux jeunes les mêmes chances de réussite, c'est aussi intervenir hors de l'école, par un accompagnement éducatif prenant en compte l'ensemble des difficultés de l'enfant. C'est, pour la première fois, une approche concentrée sur l'enfant, et non pas spécifiquement sur le territoire. Ce programme, qui figurait dans le plan de cohésion sociale lancé à la rentrée 2005, concerne aujourd'hui 80 000 enfants et adolescents.
Avec Gilles de Robien, nous nous sommes engagés à ce que les équipes de réussite éducative soient parfaitement coordonnées avec les réseaux « ambition réussite » et les établissements situés en zone urbaine sensible.
En ce qui concerne la carte scolaire, ne nous le cachons pas, elle fait l'objet d'un débat. La rénovation urbaine des quartiers est déjà une opportunité pour revoir cette carte dans un objectif de mixité sociale, en repensant, par exemple, l'implantation des écoles, en s'appuyant sur la recomposition de l'offre de logement.
Jean-Marie Petitclerc, expert reconnu, membre du Conseil national des villes, le CNV, et membre du conseil d'administration de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, est le premier à nous dire que l'école ne doit pas forcément être au pied des tours et que l'une des démarches consiste à apprendre aux enfants à sortir de leur quartier.
S'agissant de la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans, nous savons combien ce point fait débat. Je rappelle que, dans plusieurs ouvrages, Claire Brisset, précédente défenseure des enfants, a expliqué son hostilité à ce projet.
En ce qui concerne le pôle de cohésion sociale, je retiens des analyses de la mission que cette dernière approuve dans leur ensemble les mesures engagées par le Gouvernement à travers la création de l'Agence de rénovation urbaine, puis de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, pour améliorer l'efficacité et la cohérence des politiques publiques en direction des quartiers sensibles.
Les propositions de la mission vont dans le sens de ces mesures et constituent, pour reprendre l'expression du rapport, « un progrès dont il faut garantir le succès ». Je suis parfaitement en phase avec cette analyse et déterminée à ce que les associations puissent bénéficier de conventions pluriannuelles d'objectif dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale.
Madame Morin-Desailly, s'agissant de la préparation des contrats urbains de cohésion, nous avons bien sûr rencontré les représentants de l'Association des régions de France, l'ARF, et de l'Assemblée des départements de France, l'ADF. Par ailleurs, j'ai sensibilisé par écrit les présidents des conseils régionaux et des conseils généraux à l'intérêt de rassembler l'ensemble des acteurs pour porter ces politiques publiques. Enfin, j'ai demandé aux préfets, qui sont les délégués territoriaux de l'Agence, d'associer l'ensemble des élus à la préparation de ces contrats.
De même, il est indispensable que la politique de la ville soit évaluée et que les moyens mis en oeuvre soient mesurés. La création de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles est probablement la première étape. Le suivi des crédits « Ville » sera une priorité dans le cadre de la nouvelle agence. C'est ainsi que nous pourrons avancer sur cette pérennisation de trois exercices.
Les fameux crédits de droit commun ont été largement évoqués. Je suis favorable à leur géolocalisation pour mettre fin ensemble à ce sempiternel débat sur la substitution des crédits spécifiques aux crédits de droit commun, que nous connaissons et qui posent problème. À cet égard, je déplore le faible taux de réponse des préfets au questionnaire qui leur a été adressé par la mission.
Je vous informe d'ailleurs que, pour obtenir les réponses que vous n'avez pas reçues, j'ai demandé à la DIV d'effectuer une remontée précise de l'utilisation des crédits délégués en 2006, tant auprès des préfets à l'égalité des chances que s'agissant des préfets concernés par la politique de la ville.
Je peux d'ores et déjà vous dire que, dans les six départements concernés par les préfets délégués, 20 % des crédits, c'est-à-dire à peu près 4 millions d'euros, ont été affectés à la culture, en application du dernier comité interministériel à la ville de mars dernier. Celui-ci avait d'ailleurs décidé la mise en place de jumelages systématiques entre un établissement public culturel et un quartier. L'accès à la culture est clairement pour nous l'une des clefs de voûte de l'égalité des chances.
Je suis, en revanche, plus réservée sur le versement d'une dotation globale aux communes, l'État devant être en mesure de s'assurer en amont de la qualité des structures et des projets sélectionnés. À l'heure où l'État est fréquemment mis en cause pour ses interventions en matière de politique de la ville, il est également important pour les acteurs de savoir d'où viennent les crédits qu'ils utilisent.
Vous comprendrez que, dans un souci de loyauté, je ne peux que renvoyer à la prochaine législature la question d'une loi-cadre de cinq ans pour la politique de la ville. J'aimerais néanmoins vous rappeler que Jean-Louis Borloo est à l'initiative de deux lois-cadres, celle de 2003 concernant la rénovation urbaine et celle de 2005 instaurant le plan de cohésion sociale.
J'en viens à la DIV. Vous avez évoqué, monsieur Repentin, l'audition de l'équipe de la DIV. Je tiens à préciser, pour la clarté du débat, qu'il ne s'agissait pas de l'actuel délégué interministériel à la ville, qui est arrivé au mois d'août dernier et que j'ai chargé de travailler sur un repositionnement de la délégation interministérielle, notamment sur ce travail spécifique d'animation interministérielle.
Je voudrais redire combien la DIV est précisément l'outil chargé d'assurer la tutelle à la fois de la rénovation urbaine et de la cohésion sociale.
Enfin, je rappellerai que, comme le dit souvent Jean-Louis Borloo, la Seine-Saint-Denis est un dossier dans le dossier. Il est important de souligner que, depuis 2003, la Seine-Saint-Denis est considérée comme une priorité pour le Gouvernement, puisqu'elle représente 10 % du plan national de rénovation urbaine. C'est le premier département concerné par la réforme de la dotation de solidarité urbaine et par les crédits du FIV.
Pourtant, plutôt qu'une loi spécifiquement consacrée à ce département - ne voyez aucune provocation de ma part à refuser la loi dans cette enceinte ! -, je suis plutôt favorable à l'élaboration d'un contrat de cohésion sociale à l'échelle du département, permettant de rassembler l'ensemble des partenaires pour déterminer la façon de mobiliser toutes les compétences et d'apporter des réponses.
J'en viens aux propositions que vous faites concernant le cadre de vie, l'emploi et la cohésion sociale.
En ce qui concerne le cadre de vie et le logement, plusieurs suggestions apparaissent intéressantes à la lecture du rapport. Je veux remercier M. Dallier de son vibrant plaidoyer sur la politique de la ville...
M. Roland Muzeau. Et nous ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pardonnez-moi, mais le plaidoyer de M. Dallier était particulièrement vibrant.
M. Roland Muzeau. Nous voulons une autre politique de la ville. Vous êtes sectaire, madame la ministre !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pour autant, l'implication de tous est absolument évidente, mesdames, messieurs les sénateurs.
L'idée de créer un fonds pour la rénovation urbaine doté des crédits non consommés par l'Agence afin de sanctuariser les crédits semble a priori séduisante. Je rappelle toutefois que les moyens alloués à l'ANRU sont garantis dans la loi de rénovation urbaine. C'était là, d'ailleurs, la nouveauté de ce texte.
La question posée par ce fonds est celle de l'adaptation des crédits de paiement - c'est ce à quoi vous faisiez allusion, les uns et les autres, au cours du débat - à la montée en puissance du plan national de rénovation urbaine. Ce fonds pourrait permettre de collecter des crédits inutilisés, et cette proposition mérite incontestablement d'être examinée.
Je voudrais dire à M. Dauge que, s'agissant de l'examen systématique des services de proximité au moment des analyses de l'ANRU, un diagnostic social et urbain est toujours effectué avant une opération. Pour autant, rien n'empêche que nous en précisions les modalités et que nous étudions avec l'ANRU le moyen d'avancer sur un tel sujet. Il est d'autant plus facile de le faire que le règlement général de l'ANRU le prévoit. Je ne manquerai pas d'en parler avec votre collègue Jean-Paul Alduy, président de l'ANRU.
Je voudrais m'inscrire en faux contre l'assertion selon laquelle la démarche de l'ANRU aurait avant tout pour objectif la démolition. En effet, il a toujours été clair que la première des obligations de l'ANRU c'est la rénovation urbaine du quartier, et que, en aucun cas, nous n'excluons les réhabilitations. C'est le moins que nous puissions dire !
J'adhère totalement à l'idée d'une enquête nationale sur les conditions de relogement des habitants concernés par les opérations de rénovation urbaine. Cette enquête est nécessaire et je souhaite que la DIV puisse la lancer sans attendre.
D'ailleurs, j'ai procédé hier, dans la ville dont je suis originaire, au bilan de ces relogements. C'est souvent au moment où l'on discute du relogement avec une famille que l'occasion nous est donnée, à nous les élus, d'évoquer avec ces personnes l'ensemble de leurs difficultés, y compris celles qui sont liées à l'emploi. Ce sont des moments privilégiés qu'il nous faut encadrer dans les meilleures conditions pour apporter un accompagnement qui soit le plus efficace possible.
Vous le savez, une réflexion est actuellement en cours à l'ANRU pour garantir des conditions de relogement identiques, visant à dissocier l'aide à la pierre et l'aide au maintien du loyer.
Une réflexion est également en cours sur le traitement des copropriétés dégradées - vous avez été nombreux à y faire allusion -, notamment sur le lourd problème des centres anciens, pour aller au-delà des outils qui ont été mis en place chemin faisant.
Plus globalement, je souhaite revenir sur la politique volontariste que nous menons en matière de logement et qui est absolument indissociable - vous le disiez tout à l'heure, monsieur Muzeau - de la politique de la ville et de rénovation urbaine.
Chacun d'entre vous connaît l'histoire. Nous n'allons donc pas refaire ensemble le film ! Les chiffres, vous les connaissez comme moi : l'année noire du logement, permettez-moi de le rappeler une fois encore, c'est l'année 2000, avec seulement 39 000 logements construits. Actuellement, la tendance se situe autour de 80 000 à 100 000 logements par an. C'est dire si, depuis maintenant trois ans, l'effort est tout à fait important !
La volonté du Gouvernement est bien sûr de relancer l'offre de logements sociaux, et, de ce point de vue, nous sommes également attachés au respect de l'article 55 de la loi SRU, avec des moyens de sanction renforcés dans le cadre de la loi portant engagement national pour le logement.
Une autre priorité du Gouvernement est l'accession sociale à la propriété, sur laquelle vous avez insisté tout à l'heure, madame Hermange. Sur ce dernier point, votre mission d'information propose d'aller plus loin. Je rappellerai néanmoins que ce que nous avons fait avec la TVA à 5,5 % pour les constructions neuves et la réforme du prêt à taux zéro permet d'avancer considérablement.
Votre analyse et vos propositions relatives aux copropriétés privées sont particulièrement pertinentes, et elles viendront opportunément nourrir la réflexion que mène actuellement l'ANRU sur ces questions.
Concernant des thématiques comme la relance du commerce de proximité et la suppression de l'agrément préfectoral « bureaux » dans les quartiers faisant l'objet d'une rénovation urbaine, il s'agit de sujets parfaitement légitimes, auxquels M. le rapporteur est personnellement très attaché. Mais, il le sait bien, leurs incidences budgétaires me conduisent à une certaine prudence quant à l'évolution de ce dossier, pour lequel il nous faut progresser. (M. Roland Muzeau s'exclame.)
En matière d'emploi, je rappelle que l'emploi dans les quartiers en difficulté est une des priorités du Gouvernement.
Votre mission le souligne, notre action se concentre notamment sur l'accompagnement personnalisé des jeunes des quartiers, avec différentes mesures telles que la réception de tous ces jeunes par le service public de l'emploi ou l'accompagnement spécifique des jeunes diplômés.
Nous sommes donc en plein accord avec votre volonté de poursuivre dans cette voie et d'orienter la totalité des jeunes vers l'activité, sous ses différentes formes : emploi, formation, service civil volontaire, contrats aidés.
Cela passe bien sûr par l'optimisation des zones franches urbaines, dont vous avez souligné à juste titre le succès, monsieur le rapporteur. Nous en avons plus que doublé le nombre et nous avons étendu le périmètre de vingt-neuf d'entre elles. Nous attendons une réponse du Conseil d'État. Mais cela passe également par une prise en compte systématique du développement économique dans les projets de rénovation urbaine, comme le propose fort justement votre rapport.
Pour conclure, je voudrais exprimer avec force ma conviction que rien ne pourra se faire sans l'humain, sans les habitants, rien ne réussira sans les associations, rien ne se transformera sans les élus.
À nous de mettre en valeur les associations de proximité, qui sont à même d'assurer le maillage du territoire et de sentir les besoins des habitants, ainsi que les associations les plus professionnalisées, qui doivent se sentir investies non seulement d'une sorte de mission de service public, mais aussi de la confiance qu'elles sont en droit d'attendre.
Pour cela, le rôle de l'État est non seulement de contractualiser sur la durée, de contrôler, d'évaluer, mais également et avant tout d'être présent à travers l'autorité préfectorale, les enseignants, les forces de sécurité et l'ensemble des services publics afin de montrer la République. C'est ainsi que nous pourrons faire vivre, faire comprendre, faire aimer cette notion de cohésion.
Comme l'a fort bien dit dans son introduction le président de la mission d'information, M. Alex Türk, la situation des quartiers nécessite une réaction en extrême urgence, mais le temps de réponse est long. C'est en tout cas tout le sens de notre détermination. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurai l'occasion de m'exprimer, au nom du ministre de l'intérieur, dans le prolongement de ce débat sur les travaux de votre mission d'information commune, dans le cadre de la politique de sécurité, exercice qui se déroule annuellement. Je vous prie de bien vouloir excuser Nicolas Sarkozy, qui s'exprime en ce moment même à Matignon à la demande du Premier ministre devant les préfets, les procureurs et les recteurs réunis pour évoquer la politique de sécurité.
Je félicite le président de la mission d'information, M. Alex Türk, et le rapporteur, M Pierre André, pour cette mission qu'ils viennent de conduire. Mme Vautrin a apporté les réponses essentielles. Mais, dans la mesure où un certain nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont soulevé des problèmes directement liés à l'action et à l'organisation des forces de sécurité intérieure, c'est bien volontiers que je vous apporterai quelques réponses complémentaires dans ce domaine.
Je profiterai d'ailleurs de mon intervention, cet après-midi, sur la politique de sécurité pour évoquer brièvement le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Votre rapport n'y fait pas directement référence, mais il pose un certain nombre de questions qui trouvent leur réponse dans ce texte.
M. Muzeau a évoqué les effectifs de police dans les Hauts-de-Seine. Vous imaginez bien que M. le ministre de l'intérieur est particulièrement attentif aux effectifs de police dans ce département qui lui est cher. Je veux vous informer de l'arrivée de 512 gardiens de la paix stagiaires.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Parmi ceux-ci, 119, appartenant à la 207e promotion, ont d'ores et déjà pris leurs fonctions au début du mois de septembre 2006. Afin de réajuster le potentiel opérationnel des Hauts-de-Seine, je vous confirme également l'affectation complémentaire de 393 gardiens stagiaires dans les conditions suivantes : 193, au titre de la 208e promotion, devraient être nommés à compter du 1er décembre 2006 ; parmi les 200 autres, 100 gardiens, appartenant à la 209e promotion devraient être nommés à compter du 1er février 2007, et 100 autres, appartenant à la 210e promotion, devraient être nommés à compter du 1er mai 2007.
Je vous précise que l'effectif départemental de fonctionnement annuel, qui était déterminé à partir de nombreux critères tels la population et le taux de criminalité, est adapté chaque année en fonction de l'évolution de la délinquance et des charges qui pèsent sur les services. D'après les prévisions de nos services, la direction départementale de la sécurité publique des Hauts-de-Seine devrait bénéficier, au 1er mai 2007, d'un effectif de 3 323 gradés et gardiens de la paix, soit 168 fonctionnaires de plus que le chiffre de référence.
M. Jacques Mahéas. Ah !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le préfet, en concertation avec le directeur départemental de la sécurité publique, procédera à la répartition de ces personnels au sein des différentes circonscriptions de sécurité publique en fonction des besoins propres à chacune d'elles. Vous pouvez compter sur la détermination du ministre de l'intérieur pour que tout cela soit mis en oeuvre dans les délais sur lesquels je viens de m'engager...
Plusieurs sénateurs socialistes. Dans les Hauts-de-Seine !
Mme Raymonde Le Texier. Et ailleurs ?
M. Roland Muzeau. Combien de policiers vont partir à la retraite ?
M. Jacques Mahéas. Oui, combien vont partir à la retraite ?
M. Roland Muzeau. Il en manque toujours trente-cinq chez moi !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est bien sur les Hauts-de-Seine, d'une part, et sur la Seine-Saint-Denis, d'autre part, que vous nous avez interrogés ce matin !
Mme Marie-France Beaufils. On parle de toute la France !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Sur les Hauts-de-Seine, vous avez désormais la réponse. Je vais maintenant vous répondre sur la Seine-Saint-Denis. L'intervention de M. Mahéas me permet, au nom du ministre de l'intérieur, de vous apporter des éléments de réponse nécessaires.
Entre le 1er janvier 2002 et le 1er septembre 2006, les effectifs de police de ce département n'ont pas baissé.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas ce que dit le préfet !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce sont des fiches administratives et les données figurent dans les ordinateurs ! En tout cas, tous les mois, le salaire a été versé. Les effectifs sont passés de 4 967 policiers...
M. Roland Muzeau. Il y a des fantômes !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous pouvez ironiser, mais 5 575 policiers savent qu'ils sont en activité toute la journée en Seine-Saint-Denis, alors qu'ils n'étaient que 4 967 en 2002. C'est une réalité incontournable !
Au sein de cet effectif global, les personnels de police exerçant en Seine-Saint-Denis au 1er septembre 2006 se répartissent de la manière suivante : sécurité publique, 3 564 au lieu de 3 548 au 1er janvier 2002 ; renseignements généraux, 64 au lieu de 61 ; police judiciaire et GIR 93, le groupe d'intervention régionale, 115 au lieu de 105 ; police aux frontières, sur la plate-forme de Roissy, 1 607 au lieu de 1 253 (M. Jacques Mahéas s'exclame)...
M. Roland Muzeau. Monsieur Mahéas, allez donc habiter à Roissy ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Si cela ne vous intéresse pas, n'écoutez pas ; mais alors, ne posez pas de question !
M. Jacques Mahéas. Vous donnez des chiffres faux !
M. Roland Muzeau. Bien sûr !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que ces chiffres sont faux !
M. Roland Muzeau. Si !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous mettons à votre disposition tous les documents qui vous en feront la démonstration. Ce sont des documents publics, et tout cela sera consigné dans le Journal officiel.
Les compagnies républicaines de sécurité, ce sont 225 policiers depuis le 6 février 2006 ; 150 étaient déjà dédiés de façon permanente à la lutte contre les violences urbaines depuis le 2 novembre 2005. S'y ajoutent les forces mobiles et renforts occasionnels, jusqu'à 1 100 CRS et gendarmes mobiles supplémentaires déployés lors d'événements particuliers tels que les rencontres sportives à risque au Stade de France.
M. Jacques Mahéas. On demande des policiers dans les commissariats, pas à la PAF de Roissy !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les commissaires de police ne sont pas particulièrement jeunes, contrairement à ce qu'ont affirmé certains d'entre vous - à croire, d'ailleurs, que c'est une erreur que d'être jeune commissaire de police ; pour moi, c'est plutôt une grande qualité.
Quoi qu'il en soit, sur les 32 commissaires de police affectés en sécurité publique, 4 ont cinquante ans et plus, 9 ont entre quarante et cinquante ans, 12 ont entre trente et quarante ans, et 4 seulement ont entre vingt-six et trente ans ; je suis d'ailleurs convaincu que ces derniers sont tout aussi opérationnels et déterminés à obtenir des résultats que leurs collègues.
La rotation relativement rapide des effectifs en région parisienne n'est pas un phénomène propre à la police nationale, puisqu'il touche l'ensemble de la fonction publique. Cependant, différentes mesures sont prises pour fidéliser les effectifs de police. Des mesures statutaires, tout d'abord : une fois titularisés, les fonctionnaires ne peuvent être mutés avant deux ans ; après un avancement, ils doivent rester dans la zone pendant cinq ans. Des mesures incitatives, également, avec un avancement plus rapide et une politique sociale en faveur du logement locatif des fonctionnaires ou de l'accession à la propriété. De même, l'encadrement intermédiaire a été amélioré par la nomination de brigadiers, de brigadiers-chefs et de brigadiers-majors. Ainsi, en sécurité publique, le nombre de ces gradés est passé de 413 en 2004, soit 1 gradé pour 7, à 873 en 2006, soit 1 gradé pour 3.
S'agissant de la coordination de l'activité de la sécurité publique et des compagnies républicaines de sécurité, son efficacité a été démontrée lors de la crise urbaine de novembre 2005, qui a connu une acuité toute particulière dans le département de la Seine-Saint-Denis.
M. Pierre-Yves Collombat. Alors, tout va bien !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'engagement des renforts est organisé chaque semaine dans les bureaux locaux de lutte contre les violences urbaines afin d'adapter l'action des services de police à l'évolution constante de la délinquance.
M. Jacques Mahéas. Tout va bien !
M. Thierry Repentin. La mission a été trompée par les témoignages !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le quadrillage par des groupes de CRS permet de compléter les dispositifs de la sécurité publique en assurant le contrôle des zones les plus sensibles. Ainsi, depuis le 1er janvier 2006, les CRS ont procédé malgré tout à 3 536 interpellations.
Depuis le mois d'août 2006, des expérimentations sont conduites et des adaptations appliquées ou prévues. Déjà étroitement associées à la lutte contre les violences urbaines, les CRS participent directement à la lutte contre la délinquance. Des marges de manoeuvre supplémentaires sont recherchées et expérimentées : adaptation des horaires, plus grande souplesse d'emploi.
À la fin de l'année - c'est une annonce ! -, un pool « ordre public » permettra de réagir plus vite encore aux actes de violence urbaine. Un effort particulier sera fourni dans la lutte contre les violences aux personnes grâce au renforcement de l'action de la brigade de répression des agressions violentes. Un service départemental spécialement chargé du traitement de la délinquance nocturne sera prochainement créé. Le nouveau directeur départemental de la sécurité publique, nommé le 26 juin dernier, s'attache également, sous l'autorité du préfet, à resserrer les liens avec la population et les élus ; ceux-ci sont d'ailleurs venus présenter leur département aux gardiens de la paix nouvellement affectés, au début du mois de septembre. Il recherchera systématiquement la dynamisation des travaux menés dans le cadre des contrats locaux de sécurité.
Monsieur Repentin, vous avez mentionné la « prime de résultats exceptionnels ». Je rappelle qu'elle a été introduite en 2004 et que 36 000 agents sont concernés en 2006, soit 25 % des effectifs de la police nationale. Son montant a été multiplié par quatre entre 2004 et 2007, ce qui représente un total de 20 millions d'euros. Le ministre d'État a souhaité que tous les agents, quel que soit leur statut, puissent en bénéficier. De plus, une prime de 300 euros par agent a été versée après les violences, notamment après celles de novembre 2005 ; ont été concernés 24 000 fonctionnaires et agents.
Quant à la fidélisation des polices en zone difficile, les moyens mis en place depuis 2003 pour l'atteindre sont divers : d'abord, en 2003, une obligation statutaire accompagnée d'une revalorisation financière annuelle ; ensuite, le versement d'une prime de fidélisation, d'un montant total de 30 millions d'euros par an ; des avancements plus rapides ; enfin, un accompagnement social par une priorité au logement, des crédits, et la gratuité de certains transports.
Pour terminer, monsieur le président, j'en viens enfin, puisque le sujet, une fois de plus, a été soulevé ce matin, à la police de proximité. C'est un vrai bonheur pour moi que de m'exprimer sur ce sujet, et je salue mon ami et ancien collègue parlementaire - peut-être futur, aussi -, M. Jean-Patrick Courtois, qui fut ici le rapporteur à la fois du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi pour la sécurité intérieure ; je fus son homologue à l'Assemblée nationale.
Dans ce domaine, voyez-vous, je crois qu'il ne faut pas trop nous chatouiller. En effet, alors qu'en 2002 l'organisation des forces de sécurité intérieure était en France l'une des plus archaïques des États de l'Union européenne, nous avons fait faire à la police et à la gendarmerie un bond en avant spectaculaire par rapport à bien d'autres pays européens, au point que, aujourd'hui, nous sommes une référence. Je ne sais combien de démocraties, ou de démocraties émergentes dans le monde...
M. Pierre-Yves Collombat. Surtout les démocraties émergentes !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...font systématiquement appel au ministère de l'intérieur français pour les accompagner, les guider, expertiser et les aider à organiser leurs forces de sécurité intérieure. J'étais voilà quelques jours au Liban : ce n'est pas à n'importe quelle démocratie que ce pays a fait appel au moment où il a besoin de trouver sa souveraineté et son indépendance et de lutter contre le crime et le terrorisme : c'est au RAID, un élément d'élite de la police française telle que nous l'avons organisée aujourd'hui. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je pourrais évoquer nos partenariats avec l'Arménie, avec l'Azerbaïdjan et bien d'autres... Nous sommes aujourd'hui considérés comme une référence dans le monde entier.
M. Thierry Repentin. Ce n'est pas du RAID que nous avons besoin dans les banlieues !
Mme Raymonde Le Texier. C'est ridicule, et c'est nul !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Premier constat : en quatre ans, la délinquance a baissé de 9 % dans notre pays. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jacques Mahéas. C'est faux ! Scandaleux !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et l'observatoire, c'est l'état 4001. Nous n'avons surtout pas voulu changer le baromètre.
M. Jacques Mahéas. Ah non !
M. Roland Muzeau. Tu parles !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Imaginez, en effet, que nous modifions le baromètre qui était le vôtre : vous nous accuseriez aujourd'hui de truquer les chiffres !
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est justement en gardant votre propre baromètre que nous parvenons au constat suivant : 14,5 % d'augmentation de la délinquance entre 1997 et 2002, et 9 % de baisse depuis 2002. C'est cela, la réalité !
Mme Marie-France Beaufils. Donc, tout va bien dans les banlieues !
M. Jacques Mahéas. Cela ne se voit pas ! C'est le contraire !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La réalité de la gestion socialiste des problèmes de sécurité, c'était une police à laquelle on demandait de ne plus arrêter les délinquants ! C'était au mieux de l'angélisme, au pire du laxisme, en tout cas une explosion sans précédent de l'insécurité entre 1997 et 2002. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Raymonde Le Texier. C'est ridicule ! Arrêtez donc !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'ailleurs, on note que, depuis 2002, le taux d'élucidation des affaires est passé de 24 % à 34 % aujourd'hui.
Mme Raymonde Le Texier. Lisez le rapport !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En d'autres termes, la police d'avant 2002 n'élucidait que 24 % des crimes et des délits, alors qu'aujourd'hui elle en élucide 34 %.
M. Jacques Mahéas. Bientôt, ce sera 3 % !
Mme Raymonde Le Texier. Lisez le procès-verbal des auditions !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour vous, faire de la proximité, c'était ne surtout rien élucider ; pour nous, c'est élucider plus que vous ne le faisiez par le passé.
Mme Raymonde Le Texier. Mais oui ! Bien sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Oui, nous la réclamons !
Mme Marie-France Beaufils. Et nous ne sommes pas les seuls !
M. Roland Muzeau. C'est la mission qui en parle !
M. Jacques Mahéas. Il ne fallait pas la supprimer !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est le gouvernement d'Édouard Balladur, en 1993 ! (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Qui a cassé l'action de la police de proximité dans notre pays ? C'est le gouvernement de Lionel Jospin ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Si bien que, depuis 2002, nous sommes obligés de redonner à la police sa vraie mission de sécurité.
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
Mme Raymonde Le Texier. Vous devriez rougir de honte, monsieur le ministre !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'ailleurs, nous sommes passés aujourd'hui à une politique de sécurité de proximité, parce que c'est la seule qui vaille, et c'est la seule qui soit capable d'apporter des réponses concrètes.
M. Pierre-Yves Collombat. Balladur, reviens !
M. Jacques Mahéas. Jamais il n'y avait eu de telles émeutes dans les banlieues !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Oui, la proximité, nous la revendiquons, là où vous l'avez remise en cause !
Nous n'accepterons donc plus, désormais, que vous puissiez, où que ce soit, réclamer une action de proximité.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Arrêtez l'esbroufe !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cette action de proximité, vous l'avez remise en cause, nous l'avons rétablie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Thierry Repentin. Révisionniste !
M. Charles Gautier. Plus c'est gros, plus ça passe !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'ailleurs, l'exploitation que vous en avez faite a été extrêmement malsaine puisque, en 2002, ce qui a été remis en cause, ce n'est pas l'ancrage territorial de la police, c'est, tout simplement, l'abandon entier de quartiers dans la République au profit d'une idéologie qui trouvait toujours des excuses à l'agresseur (Protestations sur les mêmes travées),...
M. Jean-Patrick Courtois. Voilà !
M. Thierry Repentin. C'est de la caricature !
M. Roland Muzeau. Vous n'avez pas lu le rapport, monsieur le ministre !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... c'est la démission face à une violence dont on voulait toujours justifier les causes.
M. Roland Muzeau. Il faut lire le rapport, monsieur le ministre !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'idée de proximité, je le rappelle, n'est pas votre monopole.
M. Roland Muzeau. Lisez le rapport !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Aujourd'hui, vous voulez transformer en échec une réforme que tout le monde attendait.
Vous avez voulu vider de sa substance cette police de proximité en refusant de donner aux policiers les moyens de remplir leur mission : arrêter les délinquants.
Mme Raymonde Le Texier. Comment ça ?
M. Jacques Mahéas. Vous avez provoqué les gens !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En 2002, nous avons rééquilibré l'action de la police avec la sécurité de proximité.
M. Jacques Mahéas. C'est de la provocation !
M. Roland Muzeau. Mais il n'a pas lu le rapport !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Enfin, la proximité, pour nous, c'est aussi une vraie proximité à dimension humaine. Qui a fait entrer des travailleurs sociaux dans les commissariats ? Qui a commencé à se préoccuper des victimes dans ce pays,...
Mme Raymonde Le Texier. Zorro !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...si ce n'est l'action que nous conduisons en partenariat, madame la ministre, avec l'action de votre ministère ?
M. Roland Muzeau. Ne vous laissez pas mêler à cela, madame Vautrin ! Soyez sur vos gardes ! (Sourires.)
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Oui, pour nous, la proximité, c'est se préoccuper avant tout d'un certain nombre de victimes, parce que ce qu'attendent les Français, ce sont des actes.
M. Charles Gautier. Et des résultats !
M. Jacques Mahéas. Qui n'ont jamais été aussi mauvais !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour la police, être proche, c'est être à l'écoute des demandes de sécurité et arrêter les délinquants.
M. Jacques Mahéas. Vous rappelez-vous combien de voitures brûlaient par an ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous avons créé une prime de fidélisation. Chacun doit faire son métier et, pour aider les policiers, nous avons donc multiplié les travailleurs sociaux. D'ailleurs, monsieur le président, vous qui êtes si concerné, je l'affirme devant vous : l'action de proximité, c'est aussi celle des maires. Le maire doit être le pivot de la prévention. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. Vous lui avez refilé la patate chaude !
Mme Marie-France Beaufils. Oui, on est bons à tout faire, mais c'est sans aucun moyen de la part de l'État !
M. Jean-Claude Peyronnet. Vivement que ça change !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il en est beaucoup question dans votre rapport, et je relève que, partout où les maires, avec l'ensemble de leurs travailleurs sociaux, à travers l'ensemble des politiques qu'ils conduisent dans le soutien associatif, mènent une politique de proximité aux côtés de l'action de la police nationale, les difficultés sont moindres qu'ailleurs.
M. Jacques Mahéas. À Neuilly !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce n'est pas parce que, dans des conditions dramatiques, un bus a été incendié à Marseille que l'on peut dire que les choses y vont plus mal qu'ailleurs. Au contraire,...
M. Charles Gautier. ...ça va plus mal qu'avant !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...Marseille est un modèle, Marseille est un exemple, parce que la municipalité, dans les quartiers, a mené avec l'ensemble de ses services sociaux et des éducateurs de quartier une politique remarquable en matière de prévention, en permettant la cohabitation de tous, quelles que soient leur origine, leur condition sociale ou leur origine culturelle ou cultuelle.
Mme Marie-France Beaufils. C'est impensable !
M. Thierry Repentin. Gaston, reviens !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La proximité, c'est aussi cela ! Et, partout où cela ne va pas forcément bien, c'est peut-être aussi parce que certains maires ne font pas tout à fait leur boulot ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. C'est scandaleux !
M. Jacques Mahéas. C'est inacceptable ! Vous tirez à vue sur les maires ! Ils font ce qu'ils peuvent !
Mme Marie-France Beaufils. C'est facile de passer la patate chaude aux autres !
Mme Raymonde Le Texier. C'est nul !
M. Jacques Mahéas. En effet, c'est nul !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je le dis très clairement, et ce sera mon dernier mot : nous en avons eu une démonstration supplémentaire à Marseille voilà quelques jours, la police de proximité est une réalité.
M. Jacques Mahéas. Arrêtez d'attaquer le maire de Marseille !
Mme Raymonde Le Texier. Vous êtes nul !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous demande, madame, de me respecter, parce que je m'exprime aussi ici...
M. Jacques Mahéas. Vous ne nous respectez pas !
M. Roland Muzeau. Il fallait lire le rapport avant !
M. Jean-Patrick Courtois. Bravo !
M. Roland Muzeau. Oui, c'est cela !
M. Christian Estrosi, ministre délégué....pour que les policiers et les gendarmes soient davantage respectés.
M. Jean-Patrick Courtois. Bravo !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et si, à Marseille, en moins de quarante-huit heures, sur les instructions du ministre d'État, ministre de l'intérieur, nous avons réussi à interpeller les auteurs présumés de l'incendie du bus et de cet acte de barbarie dont a été victime une malheureuse jeune femme qui est, aujourd'hui encore, entre la vie et la mort, c'est parce qu'il y avait une police de proximité.
En effet, c'est justement parce qu'une femme gardien de la paix, appartenant à la BAC de Marseille, est revenue de vacances pour apporter son témoignage et dire que, selon elle, les faits avaient été commis par une bande bien connue des services de police...
Mme Marie-France Beaufils. Redonnez-nous les moyens d'une police de proximité !
M. Christian Estrosi, ministre délégué....et déjà signalée à de nombreuses reprises, oui, c'est bien parce que ce gardien de la paix était enraciné dans ce quartier que les auteurs de ce crime et de cet acte de barbarie ont pu être identifiés.
M. Jean-Patrick Courtois. Exactement !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Alors, non, en matière de police de proximité, nous n'avons aucune leçon à recevoir,...
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. Christian Estrosi, ministre délégué....parce que c'est nous qui avons rétabli la police de proximité en France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Roland Muzeau. Ce qui serait bien, c'est que vous lisiez le rapport, monsieur le ministre délégué !
M. le président. Le débat est clos.