compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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situation au proche-orient
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la mise en oeuvre de la résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Moyen-Orient, à la mi-juillet, s'est une fois encore embrasé. Face à cette nouvelle crise au Liban, particulièrement grave et dramatique, la France et la communauté internationale ont oeuvré, avec détermination et sens des responsabilités, pour faire taire les armes et redonner l'espoir à des peuples déjà maintes fois éprouvés.
Notre pays, avec une émotion à la hauteur de ses liens d'amitié avec cette région, s'est immédiatement engagé au service de la paix.
La France, sous l'autorité de M. le Président de la République, s'est impliquée dans tous les domaines : humanitaire, politique, diplomatique, militaire et économique.
Le Sénat, vous le savez, mes chers collègues, a suivi de très près l'évolution de la situation et s'est aussitôt mobilisé pour apporter sa pierre à la solution de la crise. Les nombreux contacts que j'ai personnellement noués se sont ajoutés aux actions entreprises par nos groupes d'amitié, par notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a notamment procédé aux auditions de M. le ministre des affaires étrangères et de Mme la ministre de la défense, et par beaucoup d'entre nous, au premier rang desquels nos collègues représentant les Français établis hors de France.
Le Président de la République a souhaité qu'un débat sur une déclaration du Gouvernement ait lieu dès le début de cette session extraordinaire. Je m'en réjouis et vous remercie de votre présence, monsieur le Premier ministre, pour engager personnellement ce débat nécessaire qui, j'en suis sûr, sera riche et constructif.
J'indique maintenant au Sénat que cette séance est organisée de la manière suivante : après l'intervention de M. le Premier ministre, prendront successivement la parole M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et les orateurs des différents groupes. Mme la ministre de la défense et M. le ministre des affaires étrangères répondront ensuite aux intervenants.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, quinze ans à peine après la fin de la guerre, les bombes se sont à nouveau abattues sur le Liban, faisant des centaines de victimes civiles et ébranlant un pays qui avait réussi le miracle de la réconciliation et un spectaculaire relèvement économique. Ces images du Liban dévasté ont touché nos compatriotes.
Car les liens qui unissent la France et le Liban sont anciens et profonds, nourris par l'histoire et la culture. Depuis la proclamation de l'indépendance du Liban par le général Catroux, au nom du général de Gaulle, en 1941, et l'adoption du « pacte national » en 1943, notre pays n'a cessé de croire à la possibilité d'une nation rassemblant plusieurs confessions et faisant une place à chaque communauté. La France a payé un lourd tribut à la défense de cette idée. Comment ne pas songer à cet instant à Louis Delamare, notre ambassadeur assassiné le 4 septembre 1981, ou encore aux cinquante-huit hommes qui ont perdu la vie dans l'attentat du Drakkar, le 23 octobre 1983 ?
Avec Israël aussi, nos relations sont vivantes et étroites, fondées sur l'histoire et les liens entre les hommes. Et c'est pourquoi nous avons partagé la peur et la colère des habitants de Haïfa frappés par les tirs de roquettes du Hezbollah.
C'est au nom non seulement de ces liens, mais aussi des convictions qu'elle défend depuis plusieurs années sur la scène internationale, qu'au plus fort de la crise la France a pris ses responsabilités. Elle a oeuvré avec la communauté internationale à la recherche d'un arrêt des affrontements et d'une issue politique. Elle l'a fait dans un esprit d'unité et de cohésion nationale pour lequel je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs.
Ensemble, nous devons tirer les leçons de cette crise, à la fois pour le Liban, pour le Proche-Orient et pour l'engagement de notre pays sur la scène internationale. Car nos compatriotes attendent que la France joue tout son rôle pour défendre leurs intérêts et leur sécurité. Mais ils veulent aussi qu'elle défende sa vision d'un ordre international juste fondé sur le respect du droit et de l'identité des peuples.
Sous la conduite du Président de la République, la France a fait au Liban le choix de l'initiative et de l'action.
Sur le plan politique, d'abord, notre pays a pris toutes ses responsabilités.
Dès les premiers jours de la crise, le Président de la République a exprimé le soutien de la France au peuple libanais. Je me suis rendu, à sa demande, à Beyrouth, le 17 juillet dernier, pour manifester la solidarité de notre pays et offrir notre assistance aux autorités libanaises. Le ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, le ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, le ministre de la santé et des solidarités, Xavier Bertrand, ou, tout récemment, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, Dominique Perben, sont également allés sur place ou dans la région à plusieurs reprises.
Nous avons aussi pris nos responsabilités pour venir en aide à la population civile, en organisant notamment l'évacuation de 11 000 Français et de 2 500 ressortissants d'autres nationalités. Je veux profiter de cette occasion pour rendre hommage aux personnels civils et militaires qui ont permis le succès de cette opération. Les autorités françaises sont également venues en aide à nos compatriotes présents dans le nord d'Israël. Philippe Douste-Blazy s'est rendu sur place pour être à leur écoute et répondre à leurs demandes.
Notre pays a joué un rôle majeur dans la recherche d'une solution politique à la crise, en maintenant constamment un dialogue étroit avec les deux parties.
Ce dialogue a été établi avec les autorités libanaises bien sûr, en particulier avec le premier ministre libanais, Fouad Siniora, dont je tiens à saluer le courage et l'engagement, lui qui a été à tout moment aux côtés de son peuple et a fait preuve d'un remarquable esprit de responsabilité pour contribuer à la paix. Je veux saluer en particulier sa décision de déployer l'armée libanaise dans le sud du pays le 7 août dernier, après presque quarante ans d'absence.
Nous avons également maintenu un dialogue constructif avec les autorités israéliennes. Je me suis entretenu avec le premier ministre, Ehoud Olmert, à la veille de mon départ pour Beyrouth, pour lui expliquer personnellement le sens de mon déplacement. Lors de mon entretien fin août avec Mme Livni, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères, j'ai pu mesurer combien la relation entre la France et Israël demeurait solide et confiante.
Grâce à ce dialogue ainsi qu'au travail effectué avec ses partenaires européens et les pays membres du Conseil de sécurité des Nations unies, la France a joué un rôle majeur dans l'adoption à l'unanimité de la résolution 1701, le 14 août dernier. Outre l'indispensable cessation des hostilités, notre objectif a été, tout au long de ces négociations, de parvenir à un véritable cessez-le-feu et à une solution durable permettant de garantir la pleine souveraineté du Liban comme la sécurité d'Israël.
Sur le plan militaire, nous avons également assumé nos responsabilités. Face aux risques de la situation, nous avons obtenu des garanties précises, garanties quant à l'efficacité de la mission confiée à une Force intérimaire des Nations unies au Liban renforcée, sur son mandat et ses règles d'engagement, garanties aussi pour la sécurité de nos soldats. Compte tenu de ces assurances, le Président de la République a décidé le déploiement de deux bataillons au sein de la force des Nations unies. Au total, 2 000 militaires français serviront bientôt dans la FINUL renforcée.
Nous assumerons jusqu'en février 2007 le commandement de cette force, avec le général Pellegrini. Par ailleurs, 1700 hommes seront déployés au titre du dispositif aérien et naval Baliste, chargé de l'approvisionnement de la FINUL depuis le 12 juillet et qui participe, de façon temporaire, à la surveillance des côtes libanaises.
Nos forces agissent dans le cadre des Nations unies, en pleine conformité avec notre attachement au droit et à la sécurité collective. C'est également, il faut le rappeler, un engagement européen : à notre demande, les ministres des affaires étrangères des États membres de l'Union se sont réunis le 25 août en présence de Kofi Annan ; 7 300 militaires européens seront ainsi déployés sous casque bleu au Liban. La concertation avec nos partenaires européens se poursuit sur ce sujet. Le Président de la République s'en est entretenu à plusieurs reprises avec ses homologues. J'ai pour ma part évoqué ce sujet à Rome, le 1er septembre dernier, avec Romano Prodi.
Enfin, la France prend toutes ses responsabilités pour la reconstruction du Liban.
Afin de répondre aux besoins humanitaires de la population, nous avons apporté une aide de près de 20 millions d'euros en vivres, en médicaments et en équipements sanitaires. Nous avons contribué à l'effort humanitaire européen en apportant 7 millions d'euros supplémentaires. Nous mobilisons 200 militaires du génie pour rétablir les infrastructures et les voies de communication ; je pense en particulier à l'installation de quinze ponts métalliques de type Bailey. Nous sommes présents également pour lutter contre la marée noire qui affecte les côtes libanaises après le bombardement de la raffinerie de Jiyeh et qui constitue une catastrophe écologique sans précédent.
Enfin, et c'est une présence à laquelle nous sommes tous attachés, nous avons rouvert, y compris dans le sud du pays, notre important réseau scolaire. Plus de 45 000 élèves libanais pourront, cette semaine, faire leur rentrée dans ces écoles, collèges et lycées. C'est le meilleur exemple d'une francophonie synonyme de solidarité et de fraternité entre nos deux peuples.
Ce soutien doit maintenant s'ancrer dans la durée. Lors de la conférence de Stockholm, la ministre déléguée aux affaires européennes, Catherine Colonna, a annoncé une contribution française supérieure à 40 millions d'euros. La France tiendra également toute sa place lors de la conférence internationale de reconstruction proposée par le Président de la République. Nous attendons les conclusions de la mission interministérielle d'évaluation qui s'est rendue à Beyrouth la semaine dernière pour mesurer les besoins du pays.
Comme au Liban, la France se mobilise dans toute la région au service de la paix.
Le Proche-Orient est aujourd'hui le centre d'un arc de crises qui va de la Somalie à l'Afghanistan. Qu'il s'agisse du programme nucléaire iranien ou de l'Irak, qui semble s'enfoncer chaque jour davantage dans la violence, la situation devient plus dangereuse de jour en jour. Pour les peuples de la région, c'est toujours le même sentiment de frustration.
Au coeur de cet arc de crises, le conflit israélo-palestinien continue de nourrir la violence et l'inquiétude de toute la communauté internationale. En effet, malgré les efforts des hommes qui, de part et d'autre, s'engagent depuis des décennies pour que le dialogue l'emporte sur l'incompréhension, la paix semble aujourd'hui toujours aussi difficile à atteindre. La victoire du Hamas aux dernières élections législatives a ouvert une période d'incertitude, en même temps qu'elle a exprimé avec force le désespoir des Palestiniens. De l'autre côté, les Israéliens ont besoin de garanties supplémentaires pour leur sécurité.
Pour autant, aucun de ces échecs ne doit nous conduire au renoncement.
La France entend prendre toute sa part dans la recherche d'une solution politique. C'est le sens de l'appel lancé il y a deux semaines par le Président de la République en faveur d'une nouvelle réunion du Quartet. Seuls une solution politique et un règlement négocié permettront de parvenir à une paix juste et durable pour l'ensemble des peuples de la région, avec deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité. Dans ce contexte, nous avons pris connaissance avec intérêt de l'annonce de la formation d'un gouvernement d'unité nationale en Palestine, sous l'égide du président Mahmoud Abbas.
Au-delà du risque que constitue le conflit israélo-palestinien, nous devons rester vigilants face aux nouvelles menaces qui se greffent sur les lignes de fracture de la région.
En ce qui concerne d'abord le risque terroriste, nous le savons, le discours qui sous-tend le terrorisme islamiste instrumentalise les crises et le sentiment d'injustice des peuples de la région. Cinq ans après la tragédie du 11 septembre 2001, nous le voyons : où qu'il frappe, son objectif est d'aviver l'incompréhension entre les peuples et les civilisations. Pour lutter contre le terrorisme, la priorité c'est, bien sûr, une vigilance de tous les instants et la coopération internationale entre les services de renseignement, mais, pour venir à bout de ce fléau, nous devons aussi trouver des réponses à l'injustice, aux frustrations et au ressentiment.
Ne baissons pas non plus la garde devant la menace de la prolifération. Eu égard aux inquiétudes légitimes que suscite le programme nucléaire iranien, la France, avec ses partenaires européens, a pris l'initiative du dialogue avec Téhéran. Là encore, notre conviction est qu'il nous faut privilégier la voie politique. Nous devons le faire avec fermeté et d'une même voix, notamment à New York, dans le cadre des travaux du Conseil de sécurité sur un nouveau projet de résolution. Nous devons le faire également dans le cadre des discussions en cours avec Téhéran, que nous appelons à prendre toutes ses responsabilités, s'agissant notamment de la nécessaire suspension de l'enrichissement. Après l'étape constructive de la réunion qui s'est tenue en fin de semaine dernière entre Javier Solana et M. Laridjani, nous espérons pouvoir poursuivre dans cette voie.
Alors oui, agir au Liban, agir au Proche-Orient, c'est défendre la paix, la stabilité de la région et notre sécurité à tous.
C'est pourquoi la France veut rester, avec l'Europe, pleinement mobilisée dans les mois qui viennent.
Au Liban, les violences peuvent reprendre à tout moment et compromettre le processus politique. Pour éviter un nouvel embrasement, nous avons besoin de l'implication des autres pays de la région. Chacun doit prendre ses responsabilités, en particulier la Syrie, qui doit contribuer à une application pleine et entière des résolutions 1559, 1595 et 1701. L'application de cette dernière résolution implique de veiller au retrait effectif des troupes israéliennes, parallèlement au déploiement de la FINUL renforcée, à la libération des soldats israéliens enlevés, au respect de l'embargo sur les armes, au désarmement des milices et, enfin, au règlement de la question des fermes de Chebaa.
Au Proche-Orient, la paix ne parviendra à s'installer durablement que si le dialogue et l'espoir l'emportent sur le sentiment d'injustice. Dans une région profondément marquée par l'histoire et fragilisée par les guerres, la force seule ne peut être la solution. Elle risque au contraire de raviver les plaies mal cicatrisées et les rancunes millénaires : nous le voyons aujourd'hui avec le risque de guerre civile qui se renforce en Irak.
Par les liens historiques et humains qui l'unissent au monde arabe, par sa proximité géographique avec l'autre rive de la Méditerranée, la France a un rôle essentiel à jouer contre toutes les tentations de repli sur soi et de confrontation des civilisations. L'Europe a payé un lourd tribut aux affrontements identitaires. Elle sait que la violence appelle toujours la violence.
Au Proche-Orient comme sur l'ensemble de la scène internationale, nous devons donc continuer à défendre notre conviction : seule une véritable volonté politique, fondée sur la défense du droit international et le respect des identités, peut mettre fin aux crises qui déstabilisent notre planète. Cette vision, nos compatriotes attendent que nous la défendions avec détermination, parce qu'elle est profondément liée à notre histoire et à notre pacte républicain.
Pour défendre cette vision, nous avons besoin d'un outil diplomatique fort, mobile et réactif ; je l'ai rappelé il y a quelques jours à nos ambassadeurs. Mais nous avons également besoin d'un outil de défense performant, capable de se projeter sur plusieurs théâtres de crise. C'est pourquoi, conformément aux orientations définies par le Président de la République, le Gouvernement veillera au respect des engagements pris dans la loi de programmation militaire que vous avez votée.
Enfin, nous avons besoin d'une Europe capable de faire entendre sa voix sur la scène internationale. Vous le savez, c'est l'un des principes défendus depuis longtemps par la France. Aujourd'hui, l'Europe est présente en Afrique, en Afghanistan et au Liban. C'est la preuve que nous pouvons, si nous savons rassembler nos forces, peser davantage sur la scène internationale. Telle est l'ambition que la France continuera à défendre auprès de ses partenaires européens dans les mois à venir.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une nouvelle fois, dans la crise, nous avons assumé nos responsabilités, sous la conduite du Président de la République. Nous avons su faire entendre la voix de notre pays, dans le respect de nos principes et des convictions que nous défendons partout dans le monde.
Oui, la France a assumé ses responsabilités.
Cependant, devant la fragilité de la situation au Liban et dans la région, devant la menace de nouvelles violences, rien n'est encore acquis. L'exigence d'action et d'engagement reste entière. Soyez assurés que mon gouvernement restera pleinement mobilisé au service de la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
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SOUHAITS DE BIENVENUE À des représentants du Liban, d'Israël et de l'autorité palestinienne
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, des représentants du Liban, d'Israël et de l'Autorité palestinienne, Son Excellence Mme Sylvie Fadlallah, ambassadeur de la République du Liban, Son Excellence M. David Kornbluth, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Israël, délégué permanent auprès de l'UNESCO, Mme Hind Khoury, déléguée générale de l'Autorité palestinienne.
Au nom du Sénat tout entier, je leur souhaite une cordiale bienvenue. (M. le Premier ministre, Mme et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
4
situation au proche-orient
Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. Nous reprenons le débat sur une déclaration du Gouvernement.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, parmi les multiples raisons qui ont conduit la France à s'engager, comme elle a su le faire, dans la crise libanaise, j'en distinguerai trois.
La première raison tenait à notre responsabilité particulière et historique à l'égard du Liban. Cette responsabilité a fait de notre pays le premier témoin de l'identité libanaise et le défenseur inlassable de son intégrité territoriale et de sa souveraineté. Cet engagement a constitué l'un des fils rouges de notre diplomatie dans la région, et nous a valu des contrecoups douloureux : comme vous, monsieur le Premier ministre, je pense en particulier à notre ambassadeur, Louis Delamare, assassiné en 1981, et aux cinquante-huit parachutistes tués dans l'attentat du Drakkar, en octobre 1983.
La deuxième raison tenait au Liban lui-même, et à ce qu'il représente. Son pacte fondateur reposait sur le pari d'une forme de convivialité interconfessionnelle qui se voulait, avant l'heure, une réponse audacieuse aux chocs des cultures et des civilisations dont certains veulent faire aujourd'hui le mode de fonctionnement du monde.
Après une guerre civile de quinze années qui a mis en pièces l'État libanais, le pays, enfin libéré de la présence militaire syrienne, entamait une reconstitution politique et économique riche d'espoirs. C'est dans ce contexte que le conflit de juillet est intervenu, rejetant le pays des années en arrière.
Une troisième raison à l'engagement de la France tenait à la nécessaire réaffirmation du rôle de l'ONU dans cette partie du monde. Depuis des années, la crédibilité de l'Organisation des Nations unies y est battue en brèche, tant les multiples résolutions qu'elle a adoptées à l'égard des conflits qui s'y succèdent sont restées lettre morte. La violence y a toujours pris le pas sur le dialogue et détruit la confiance minimale qu'il suppose.
Or la preuve est faite que rien de durable ne peut être obtenu par la force et qu'aucun « nouveau Moyen-Orient » ne peut naître d'une action militaire, quels qu'en soient les initiateurs.
C'est sur la base de ces convictions et de cette responsabilité que notre pays s'est impliqué dans les négociations qui ont conduit à l'adoption, à l'unanimité du Conseil de sécurité, de la résolution 1701, qui doit beaucoup à la persévérance et à l'efficacité de notre diplomatie.
Je tiens à saluer ici, et je crois pouvoir le faire au nom de tous, le succès que cette négociation représente pour notre action internationale, résultat d'un engagement constant et courageux du Président de la République, relayé avec efficacité et talent par votre action, monsieur le ministre des affaires étrangères, et par la vôtre, madame la ministre de la défense, pour tout ce qui concerne le déploiement de nos soldats dans la FINUL renforcée, sous votre autorité, monsieur le Premier ministre.
Cette résolution a certes été, avant tout, une réponse à l'urgence : mettre un terme aux combats et permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. Mais, au-delà, elle peut aussi être une base utile pour un règlement plus durable des tensions entre Israël, dont le droit à la sécurité est essentiel, et le Liban, qui doit retrouver une pleine souveraineté sur son sol.
Chacun a pris sa part de responsabilités : le gouvernement libanais, en décidant de déployer son armée sur une partie de son territoire qu'elle avait dû quitter il y a quarante ans ; le Conseil de sécurité lui-même, en déployant une nouvelle FINUL, j'y reviendrai, et en évoquant explicitement, pour la première fois, les fermes de Chebaa, pour étudier une solution provisoire à la délicate question du statut de ce territoire qui alimente depuis des années les tensions entre le Liban, Israël et la Syrie ; Israël enfin, qui a su dépasser ses réticences traditionnelles en acceptant que la sécurité de sa frontière nord soit en partie garantie par la force de l'ONU.
Cette nouvelle force internationale sera renforcée dans ses moyens et ses effectifs. Dans la zone tampon entre le Litani et la Ligne bleue, sa mission sera notamment d'aider l'armée libanaise à s'assurer qu'aucun élément armé - milices ou forces israéliennes - ne soit présent.
Cela revient à dire que ce sont l'armée et le gouvernement libanais qui devront s'assurer, en particulier, du désarmement du Hezbollah, tâche hautement délicate au vu des déclarations récentes de certains de ses responsables. Même s'il devait prendre la forme de l'intégration du mouvement dans l'armée libanaise, ce désarmement prendra du temps et ne pourra résulter que du dialogue politique interlibanais. Autant de raisons pour reconnaître la fragilité du processus.
Dans un tel contexte, l'engagement de la France, à hauteur de 2 000 militaires, dans cette FINUL renforcée justifiait évidemment que la Force puisse s'appuyer sur des règles d'engagement robustes et claires, qui permettent l'efficacité de la mission, d'une part, et la protection des troupes, d'autre part. C'est ce que la France a légitimement exigé et heureusement obtenu. Puisse d'ailleurs ce précédent faire jurisprudence pour d'autres opérations avec des Casques bleus, dans cette région ou ailleurs dans le monde. De telles garanties conditionnent la crédibilité de l'ONU et de l'action multilatérale pour la paix.
Qu'il me soit permis, à cet instant, de souhaiter que, dans quelques semaines, lors de notre discussion budgétaire, et dans quelques mois, lors de la campagne électorale, on se souvienne de notre débat d'aujourd'hui. Qu'on se rappelle que nos armées, pour pouvoir assurer correctement les missions de paix qu'on leur confie, ne doivent pas se voir sans cesse contester les moyens nécessaires (Applaudissements sur les travées de l'UMP.), comme on en décèle trop souvent, ici et là, la tentation récurrente.
Le conflit que nous venons de vivre s'inscrit dans un cadre plus vaste de tensions régionales dont il n'a été qu'une des tragiques expressions.
Comme l'a rappelé le Président de la République lors de la conférence des ambassadeurs, cette crise est aussi le produit d'autres impasses : celle, bien sûr, du conflit israélo-palestinien, celle aussi de l'isolement dans lequel des pays importants de la zone, comme la Syrie et l'Iran, semblent vouloir s'installer.
Que le droit d'Israël à l'existence et à la sécurité soit encore mis en cause par certains n'est pas acceptable. Or le Hamas, bien que sorti vainqueur d'élections régulières, n'a pas encore fait explicitement le triple choix de cette reconnaissance, du rejet de la violence et de l'acceptation des acquis d'Oslo.
On ne peut que saluer la constitution d'un gouvernement palestinien d'union nationale. Monsieur le ministre, cette nouvelle donne conduira-t-elle à l'ouverture d'un dialogue avec la communauté internationale et en particulier avec l'Union européenne, dialogue dont l'absence aujourd'hui pénalise au premier chef le peuple palestinien ?
Pour l'heure, beaucoup dépend de la nécessaire levée du blocus de Gaza, mais aussi du sort qu'Israël réserve aux responsables politiques palestiniens qu'il détient encore depuis plusieurs semaines, détention que la France a légitimement condamnée, tout comme elle a critiqué l'enlèvement du soldat israélien capturé à Gaza.
Là encore, l'arrêt des violences réciproques s'impose. La reprise de la négociation et du dialogue direct constituera la voie la plus sûre, tant pour assurer la sécurité d'Israël et de sa population, qui souffre de cette situation, que pour offrir enfin un horizon au peuple palestinien.
La bonne application de la résolution 1701 nécessitera aussi la coopération de la Syrie et de l'Iran. On sait le rôle que ces deux pays ont tenu dans les récents événements et, singulièrement, leur influence sur la milice armée du Hezbollah. Ils ont aussi en commun d'être placés, pour des sujets très différents, sous une forte et légitime pression de la communauté internationale qui y joue, là encore, une part de sa crédibilité.
Il nous reste à trouver le moyen le plus adapté de s'adresser à ces deux pays dans le cadre d'un dialogue qui doit être exigeant mais qui me semble nécessaire. Ces deux États pourraient jouer un rôle décisif à l'avenir s'ils décidaient enfin d'abandonner, pour la Syrie, sa logique d'enfermement stérile, pour l'Iran, sa stratégie de dissimulation nucléaire et de rhétorique agressive ; s'ils prenaient enfin le parti de placer leur influence au service de la stabilité, c'est-à-dire, en fait, au service de leurs peuples.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette mission sera difficile, longue et sans doute risquée. D'une certaine façon, le plus difficile commence. Si d'aventure ces risques venaient à se concrétiser, il faudrait se rappeler que notre engagement dans cette mission a été souhaité par la totalité des familles politiques représentées ici, parce qu'il est un engagement résolu de la nation pour donner une chance à la paix et que, dans ce combat-là, notre pays, malgré les difficultés, ne se dérobe jamais à ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;
Dans la suite du débat, la parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Liban, qui commençait à peine à se relever de la guerre civile, vient de subir les conséquences tragiques de l'agression israélienne qui trouve ses racines dans le conflit du Proche-Orient et dans l'impasse politique actuelle.
Après trente-quatre jours de bombardements continus, il faut déplorer plus d'un millier de morts civils au Liban, dont un tiers d'enfants. On dénombre 4 000 blessés et environ un million de réfugiés, soit un quart de la population libanaise. Des centaines de milliers de Libanais sont sans-abri ; 130 000 logements ont été endommagés, dont 15 000 ont été totalement détruits de même que 80 ponts et 94 routes. Les responsables du programme des Nation unies pour le développement ont évalué à au moins 15 milliards de dollars, soit 11,7 milliards d'euros, l'ensemble des pertes économiques pour le Liban.
De plus, le Liban se trouve aujourd'hui confronté à une grave crise écologique avec une marée noire qui s'étend sur 140 kilomètres de côtes, catastrophe provoquée, comme on le sait, par un raid aérien israélien, les 13 et 15 juillet, sur la centrale électrique située au sud de Beyrouth.
Face à cette spirale de la violence, force est de constater la tolérance dont a fait preuve une grande partie de la communauté internationale. Pendant les deux premières semaines de conflit, les efforts de Kofi Annan n'ont pas permis d'aboutir à une résolution de la crise. Cela soulève la question de savoir si l'Organisation des Nations unies a réellement, aujourd'hui, la capacité de prévenir et de résoudre les conflits.
Durant cette période, notre pays s'est employé activement à rapatrier nos ressortissants, comme cela a été rappelé par le Premier ministre, soit 11 000 Français évacués ainsi que 2 500 ressortissants d'autres nationalités, et à demander l'ouverture de corridors humanitaires.
C'est seulement après la ferme et digne réaction du premier ministre libanais, Fouad Siniora, et au vu de sa proposition de plan en sept points que la situation a évolué positivement en faveur de la recherche d'un règlement politique du conflit.
Pour nous, élus communistes, ce conflit a mis en lumière trois points essentiels.
Tout d'abord, les États-Unis ont apporté leur soutien à Israël. George Bush, le 2 août dernier, déclarait que « la crise actuelle est un élément d'un affrontement plus large entre les forces de la liberté et celle de la terreur au Moyen-Orient ». Fidèles à la théorie de « l'Axe du mal » et au nom de la thèse du « grand Moyen-Orient », les États-Unis ont été partie prenante dans ce conflit, aux côtés d'Israël, en ouvrant un troisième front, au Liban, dans la guerre contre le terrorisme.
Le but de cette guerre pour les États-Unis n'était certainement pas de libérer les deux soldats israéliens détenus par le Hezbollah mais bien d'infliger, par Liban interposé, une défaite politico-militaire à l'Iran et à la Syrie, qui arment le Hezbollah et s'opposent au consensus régional proaméricain.
En outre, s'il converge totalement avec la doctrine américaine, l'État israélien a aussi ses propres objectifs : « nettoyer » le Sud-Liban du Hezbollah par une opération terrestre, comme l'a déclaré Ehoud Olmert au journal Le Monde le 4 août dernier, et imposer sa domination régionale.
J'ai l'intime conviction qu'Israël a fait payer au peuple libanais l'intégration institutionnelle du Hezbollah comme force politique nationale à part entière. Je rappelle que le Hezbollah a deux portefeuilles ministériels dans le gouvernement libanais et quatorze députés.
De même, Israël continue de faire payer au peuple palestinien le choix électoral du Hamas aux dernières élections législatives, choix opéré - qu'on le veuille ou non, c'est la réalité - à l'issue d'un processus démocratique et transparent, en dépit d'un contexte difficile marqué par l'absence de toutes perspectives de paix, par une colonisation à grande vitesse, par la construction du Mur et par un étranglement économique dévastateur pour le peuple palestinien. Près de soixante-dix pour cent des Palestiniens vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté !
Dans le cadre de l'opération israélienne « Pluie d'été » - quel beau nom ! - 250 Palestiniens ont été tués depuis le mois de juin, des milliers de personnes ont été blessées, plusieurs ministres et parlementaires ont été incarcérés par Israël et les destructions, considérables, ont augmenté encore le nombre de sans-abri palestiniens.
Nous constatons donc une fois de plus qu'Israël a fait le choix de la force sur celui de la politique.
Pourtant, les conséquences de l'offensive sont loin d'être bénéfiques pour ce pays. Outre la mort d'une centaine de militaires et de quarante et un civils, Israël n'a atteint aucun de ses objectifs. Il voulait détourner le peuple libanais du Hezbollah en le rendant responsable de cette guerre et de ses conséquences ; il a obtenu l'inverse. Le Hezbollah apparaît avoir remporté une victoire politique en tenant tête à l'une des armées les plus puissantes du monde, soutenue et aidée par la première puissance mondiale. L'image d'invincibilité d'Israël en sort affaiblie et le débat qui a lieu dans ce pays sur la conduite de cette guerre est aujourd'hui très vif.
Deuxième point, ce conflit révèle et enregistre les développements et la structuration de l'islamisme politique dans le monde arabe et au Moyen-Orient comme la seule opposition réelle au projet américain de « grand Moyen-Orient ». Durant cette crise, la faiblesse de réaction des régimes arabes n'a pu que renforcer la crédibilité du Hezbollah dans les opinions publiques arabes comme étant le seul porteur non seulement d'une cause nationale libanaise mais aussi d'une cause musulmane et arabe palestinienne.
Il aura fallu attendre près d'un mois pour que les gouvernements de la Ligue arabe se décident à soutenir collectivement les sept points du plan libanais au Conseil de sécurité des Nations unies en envoyant une délégation à New York pour tenter de modifier le projet de résolution franco-américain.
Enfin, troisième point, cette crise a une nouvelle fois démontré l'incapacité de l'Union européenne à définir une position conforme aux valeurs dont elle se réclame et à son ambition déclarée d'un rôle politique autonome. Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont adopté une ligne de convergence étroite avec les États-Unis, malgré les oppositions et les réactions internes dans ces deux pays, tandis que l'Italie et l'Espagne ont adopté des politiques plus indépendantes en demandant clairement, comme la France, un cessez-le-feu.
La présidence finlandaise qui souhaitait que l'Union européenne soit « capable d'agir dans le consensus » avait dû renoncer à appeler à « un cessez-le-feu immédiat », préconisant une « cessation immédiate des hostilités ». L'Union européenne a échoué à parler d'une seule voix. Elle a ainsi élaboré des compromis a minima, faisant pire que de renvoyer dos à dos palestiniens et libanais d'une part, et israéliens d'autre part. Je pense notamment aux déclarations des 3 juillet et 18 juillet à l'issue de deux réunions du Conseil de l'Union européenne des ministres concernés.
L'Union européenne a ensuite fait un peu évoluer sa position sous la pression des événements et du fait de la politique française, mais sans aller jusqu'à réclamer le retrait des troupes israéliennes ni condamner l'agression israélienne.
Finalement, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, le 11 août, à l'unanimité la résolution 1701. Malheureusement, nous regrettons qu'elle exige non pas un cessez-le-feu mais une simple cessation totale des hostilités offensives. Israël pourra donc se sentir autorisé à pratiquer des opérations qu'il jugera comme défensives. Il y en a déjà eu. Nous regrettons également que la question du retour au Liban de la zone des fermes de Chebaa soit remise à plus tard et que le texte ne dise que peu de mots sur le dossier israélo-palestinien.
Cependant, au-delà des insuffisances manifestes et préoccupantes que je viens de souligner, cette résolution doit être maintenant pleinement appliquée.
Le processus engagé est fragile, comme le montre actuellement la dégradation du climat politique entre la majorité et l'opposition libanaises. Toute la stabilité de la région étant en jeu, il est crucial que la cessation des hostilités soit définitive. Je pense, madame la ministre, à la sécurité de nos soldats qui servent aujourd'hui dans le cadre de la FINUL Au-delà des garanties obtenues pour la FINUL, la réponse est, on le voit, là aussi politique.
Dans ce contexte, nous aurions aimé que le texte précise explicitement que l'application de la résolution 1559 concernant le désarmement du Hezbollah devra s'effectuer dans le cadre d'un accord politique interlibanais. Nous sommes en effet persuadés que seule une entente entre les forces politiques libanaises permettra de trouver une solution ; elles étaient sur le point d'aboutir avant ce conflit.
L'enseignement que l'on peut tirer de ce conflit - vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre - est qu'il ne sert à rien de recourir à la force pour résoudre les problèmes, comme on le constate dans d'autres pays. Ainsi les interventions américaines en Afghanistan et en Irak n'ont-elles abouti qu'à la création de foyers de guerre et de terrorisme.
La mise en oeuvre d'un nouveau processus de règlement politique pour toute la région est donc urgente, sur le fondement du droit international et des résolutions des Nations unies - nous sommes d'accord -, garantissant notamment la création d'un État palestinien dans les frontières de 1967, une pleine souveraineté du Liban, et un État de droit démocratique où les pouvoirs publics sont les seuls à disposer de la force armée.
Il y va aussi de l'intérêt d'Israël, pour sa propre sécurité et pour répondre à l'aspiration de son peuple à vivre en paix avec ses voisins. « L'avenir ne peut être que commun », comme l'a rappelé Théo Klein. « Ce n'est pas dans l'affrontement mais dans la coopération que se situe l'avenir des deux peuples ».
Mais une paix juste et durable au Proche-Orient ne se divise pas, même si chaque dossier a sa spécificité. Il est nécessaire de faire baisser les tensions, par la voie de solutions politiques.
Ainsi les Européens devraient-ils réagir fermement et appliquer la résolution adoptée par le Parlement européen en avril 2002 demandant la suspension de l'accord entre l'Union européenne et Israël afin d'amener les dirigeants israéliens à respecter le droit international. En effet, 88 résolutions ne sont pas appliquées par Israël !
Dans l'immédiat, les Européens doivent agir pour le rétablissement de tous les financements internationaux de l'Autorité palestinienne et pour ouvrir avec détermination une véritable perspective.
L'accord annoncé par le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pour la formation d'un gouvernement d'unité nationale comprenant des ministres du Hamas et du Fatah, ainsi que des personnalités indépendantes, ouvre la voie, nous semble-t-il, au rétablissement de l'aide financière internationale.
Il faut également que l'Europe, comme le rappelait le philosophe Etienne Balibar dans Le Monde du 18 août dernier, se situe délibérément dans la perspective de la construction d'un espace méditerranéen de coopération et de négociation. Il est nécessaire et urgent de tirer tous les enseignements du partenariat euroméditerranéen. Onze ans après, il se limite pour l'essentiel à une zone de libre-échange, au détriment de la rive sud de la Méditerranée.
La France, vous avez raison, monsieur le Premier ministre, est attendue sur la question de la Palestine et, plus globalement, dans la réponse aux problèmes qui se posent dans cette région. Elle a un rôle particulier à jouer pour que la politique reprenne le dessus sur la force.
Par ailleurs, la confrontation internationale sur le nucléaire iranien doit faire l'objet d'un véritable mode de règlement qui s'inscrive dans la durée. Washington prétend empêcher l'Iran d'accéder à la maîtrise du nucléaire militaire au nom du respect du traité de non-prolifération nucléaire. Or on ne peut accepter la pratique américaine du « deux poids, deux mesures » consistant, sur cette question, à menacer l'Iran, à encourager l'Inde, à laisser faire le Pakistan, à temporiser sur la Corée du Nord et à soutenir Israël, pays le plus nucléarisé du Moyen-Orient.
Nous considérons que le Moyen-Orient, le monde entier, même, a besoin d'un processus de désarmement, notamment nucléaire, multilatéral et contrôlé. Un tel processus relève de la responsabilité collective. Tous les pays, quel que soit leur statut ou leur puissance, doivent y contribuer, en particulier les pays membres du Conseil de sécurité des Nations unies.
Aussi nous félicitons-nous des négociations intervenues à Vienne les 9 et 10 septembre derniers entre l'Iranien Ali Laridjani et le haut représentant de l'Union européenne pour la politique extérieure, Javier Solana. Les deux parties ont qualifié ces discussions de positives et de constructives. Ils ont également fait état de progrès. Pourvu que cela continue dans ce sens !
Enfin, nous soutenons l'idée de la convocation d'une conférence internationale. La France et ses partenaires européens doivent prendre des initiatives pour soutenir ce projet et pour que soient rappelées les conditions d'un règlement politique juste, qui passe par l'application des résolutions - de toutes les résolutions - des Nations unies. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 12 juillet 2006, soit quinze ans après la fin d'une guerre qui avait failli réduire à néant le Liban et fait près de 150 000 victimes, en grande majorité civiles, Israël lançait subitement une action militaire de grande ampleur sur le Liban.
Cette action avait pour but de détruire le Hezbollah, l'organisation islamiste dont l'attitude avait conduit à l'explosion du conflit.
Aux termes d'une intervention militaire musclée, la résolution 1701, dans la rédaction de laquelle la France a joué un rôle important, a été adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Celle-ci demandait un cessez-le-feu immédiat, le respect de la souveraineté du Liban et le respect des résolutions antérieures. Je pense notamment à la résolution 1559, qui comportait deux parties, prévoyant, d'une part, le retrait des forces étrangères du Liban - on pense à la Syrie, cela a été réalisé - et, d'autre part, le démantèlement des forces armées non gouvernementales, notamment le Hezbollah, armé et soutenu financièrement par l'Iran et la Syrie. Vous le savez, cette deuxième partie du dispositif n'a jamais été appliquée.
Au-delà du dénouement consacré par la résolution onusienne, la communauté internationale, dont nombre de Français, s'est émue et a parfois été révoltée par les conséquences désastreuses de cette guerre, qui a laissé exsangue une partie du territoire du Liban, pour un résultat malheureusement fort contesté, le Hezbollah en étant sorti renforcé et légitimé aux yeux de certains.
La position de la France, il faut l'avouer, n'était pas simple, car notre pays est lié de façon extrêmement forte, et pour des raisons différentes, bien entendu, à chacun des protagonistes.
Nous avons en effet une responsabilité forte envers nos amis libanais, en particulier du fait des actions que, dans le passé, nous avons assumées dans la région. Nous avons également une dette imprescriptible envers Israël et son peuple. Enfin, nous avons aussi - faut-il le rappeler ? - un devoir envers le peuple palestinien, qui devrait enfin pouvoir retrouver sa souveraineté dans un État lui-même libre et souverain, pour le développement humain de sa population, qui se trouve aujourd'hui dans une situation de très grande précarité, soit sur le territoire de l'Autorité palestinienne, soit dans d'autres pays, comme le Liban ou la Jordanie, pour ne citer qu'eux.
Chacun ici le sait, l'apaisement durable de la situation au Proche-Orient ne se fera pas sans un règlement de la question palestinienne, qui est aujourd'hui au coeur de tous les maux de cette région. Cette question est en effet le catalyseur de toute la haine des fanatiques contre Israël. Elle est aussi l'expression même du conflit israélo-arabe, qui a fait depuis bien trop longtemps du Liban sa caisse de résonance, au prix de milliers de vies humaines innocentes.
Historiquement, la France s'est battue pour que le Liban soit un État indépendant, surmontant ainsi deux difficultés de taille : la « grande Syrie », d'un côté, l'éclatement communautaire, de l'autre. Tout au long du XXe siècle, et encore aujourd'hui, la France a cherché à garantir l'indépendance de ce pays, la paix sur le sol libanais, ainsi que la cohésion d'une société multiculturelle et multiconfessionnelle. Elle l'a lourdement payé, vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, avec, en 1981, l'assassinat de Louis Delamare, notre ambassadeur, et l'attentat qui, en 1983, devait coûter la vie à 58 parachutistes français.
Nous ne pouvons que saluer le rôle positif que le Président de la République a joué dans l'arrêt des hostilités et dans la négociation de la résolution à l'ONU, tout comme nous pouvons saluer l'engagement important de la France au sein de la FINUL.
Mais je n'aurais garde d'oublier toutes ces Françaises et tous ces Français, les bénévoles et les personnels des deux ministères des affaires étrangères et de la défense, qui ont participé à l'évacuation de ressortissants français et étrangers ainsi qu'à l'acheminement de l'aide humanitaire, et ce malgré l'hostilité manifeste du Hezbollah et, parfois - il faut le dire -, de l'armée israélienne. Ces personnes ont en effet mis leur vie en danger.
Dans ce contexte, je ferai trois brèves remarques.
Tout d'abord, nous n'avons pu que constater avec regret, une fois de plus, l'absence de l'Europe dans la résolution du conflit. Même si, historiquement, tous les pays européens n'ont pas la même responsabilité dans cette zone, nous sommes tous concernés par la paix dans une région dont un embrassement général compromettrait de façon extrêmement dangereuse une paix durable dans le monde.
Cette absence de coordination européenne s'est vue au niveau diplomatique. Si l'Europe avait parlé d'une seule voix, n'en déplaise à M. Tony Blair, un cessez-le-feu serait peut-être intervenu plus tôt. Nous aurions alors pu intervenir plus efficacement au secours des populations déplacées.
Au niveau militaire, l'absence de coordination européenne a conduit à la confusion que nous avons connue à l'occasion de la constitution de la FINUL renforcée et de l'engagement des troupes de plusieurs pays européens au sein de cette force. Ne serait-il pas plus efficace, pour régler ce genre de conflit, de créer une force européenne à vocation d'abord humanitaire, mais aussi militaire, qui interviendrait notamment dans le cadre de missions d'interposition ? Nous devons, plus que jamais, y travailler, et de façon urgente.
Ensuite, monsieur le Premier ministre, au moment de la constitution de la FINUL renforcée, le Président de la République avait marqué ses réserves quant à l'engagement de la France, tant le mandat confié à cette force était peu lisible. Les garanties offertes à nos soldats n'étaient en effet pas suffisantes. Je rappelle que la FINUL doit assurer la sécurisation et la pacification au Sud-Liban et fournir une assistance à l'armée régulière du Liban, qui est chargée en premier lieu du désarmement du Hezbollah.
Cette mission de stabilisation est essentielle, mais les risques pour nos soldats sont importants. Nous avons donc le devoir, nous, parlementaires, de leur assurer des moyens de défense suffisants, je dirai des moyens tout courts, conformément à ce que ne manquera pas de nous proposer le Gouvernement.
Les priorités sont bien sûr de garantir le contrôle sur le Sud-Liban, mais aussi la sécurité d'Israël. Pour cela, il faut rétablir la souveraineté de l'État libanais. Il faut renforcer l'armée libanaise, qui, pendant de trop nombreuses années, a laissé le champ libre à la milice du Hezbollah, alors que celle-ci doit être désarmée sans conditions.
De la même façon, nous devons, comme nous nous y sommes engagés à l'occasion de la conférence de Stockholm, le 31 août dernier, aider à la reconstruction du Liban. Nous ne saurions passer sous silence le fait que les frappes israéliennes ont anéanti ce que quinze ans de paix fragile avaient permis de reconstruire : le tissu économique, les infrastructures, notamment les raffineries, dont l'explosion constitue un drame écologique majeur pour la région, tout comme la marée noire qu'elle a provoquée. Plus généralement, nous devons aider les Libanais, notamment la diaspora, à retrouver confiance dans leur pays.
Enfin, ma dernière remarque portera sur l'Iran, singulièrement la gestion du dossier par le Gouvernement dans la région. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, là est sans doute la source sinon de notre désaccord, du moins de nos interrogations.
Quel ne fut pas en effet notre étonnement de voir M. le ministre des affaires étrangères assis à la table des discussions avec le président iranien, considéré à l'occasion comme un acteur de la stabilité et de la paix dans le monde !
Le régime iranien est dangereux pour Israël, dangereux pour la paix dans la région, dangereux pour la paix dans le monde. Le discours du président iranien, fondamentaliste et anti-israélien, est intolérable, car il nourrit et galvanise les terroristes chiites, et même ceux d'autres confessions.
Concernant le dossier du nucléaire, nous pensons que, bien que la voie diplomatique doive être privilégiée, nous ne pouvons pas laisser l'Iran se doter de la technologie nucléaire à des fins militaires. En effet, nous avons aujourd'hui, nous, les pays qui intervenons dans cette crise du Proche-Orient, une immense responsabilité devant l'humanité entière.
Or, depuis l'intervention américaine en Irak, le constat, qui était évident pour nous, comme vous l'aviez si brillamment exposé, monsieur le Premier ministre, il y a quelque temps, est aujourd'hui partagé par la communauté internationale.
Le terrorisme ne peut pas être combattu efficacement par la seule guerre. La guerre en Irak a laissé à l'Iran la voie libre pour imposer sa domination sur la région. L'Irak est devenu le théâtre quotidien d'attentats sanglants, constituant un terreau fertile supplémentaire pour le terrorisme et une mise en scène permanente de la haine des fondamentalistes musulmans contre l'Occident. Je reprendrai volontiers à mon compte votre propos, monsieur le Premier ministre : la violence nourrit la violence.
Encore une fois, la guerre n'est pas notre seule arme contre le terrorisme, elle doit rester un ultime recours. N'oublions pas que l'aide au développement - plus modeste, plus silencieuse, plus linéaire, sans doute - est un facteur essentiel dans ce combat, en particulier afin d'assurer la sécurité de populations qui sont, en fait, prises en otages par des régimes criminels ou par des groupes de fanatiques armés.
Dans ce contexte, en tant que représentants de la France, nous avons le devoir d'agir pour la paix et la stabilité au Moyen-Orient, et donc pour la paix et la stabilité dans le monde, dans le respect de la souveraineté et de l'identité de chacun. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, l'été a été dominé par la crise au Liban, pays avec lequel la France entretient une relation étroite, on peut même dire historique. Notre armée y a été présente à plusieurs reprises et, au nom du groupe socialiste, je veux rendre un vif hommage à nos militaires engagés dans des missions de solidarité et de paix en bien des endroits du monde, particulièrement au Liban.
Vous me permettrez de rappeler la sinistre journée du 23 octobre 1983 : des attentats suicides causent la mort de 241 marines américains et de 58 militaires français. Je garde de mes fonctions de Premier ministre le souvenir ému des cercueils alignés dans la cour des Invalides alors que nous étions réunis pour partager, avec le Président de la République François Mitterrand, le deuil des familles, qui était aussi le deuil de la France tout entière.
Je m'exprime devant vous cet après-midi sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la mise en oeuvre de la résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Fin août, le parti socialiste avait demandé l'organisation d'un tel débat au Parlement lors de la session extraordinaire. Même s'il arrive tard, nous apprécions que ce débat se tienne car, malgré le cessez-le-feu et le déploiement progressif de la FINUL renforcée au Sud-Liban, la situation reste très précaire dans ce pays comme dans l'ensemble du Proche-Orient.
La question du rôle de la France dans cette région demeurera pour longtemps encore d'actualité, je le crains. Ce débat est l'occasion pour le Parlement de faire le point sur cette nouvelle guerre du Liban et d'apprécier l'action de la France. Il permet aussi d'envisager l'avenir et de rechercher des solutions de paix, dans un contexte qui s'est radicalisé depuis les terribles attentats du 11 septembre, dont nous avons célébré hier douloureusement le cinquième anniversaire. J'exprime à cet instant ici ma sincère compassion pour le peuple américain.
Permettez-moi quelques mots de rappel sur la nouvelle guerre du Liban.
La guerre entre Israël et le Hezbollah a été déclenchée le 12 juillet, à la suite de l'enlèvement, revendiqué par le Hezbollah, de deux soldats israéliens. Israël engage aussitôt la riposte, à la fois pour ramener ses soldats, mais aussi pour tenter de mettre un terme aux tirs de missiles incessants du Hezbollah sur le nord du pays. Très vite, devant l'intensification et la violence des combats, les socialistes français ont réalisé la gravité de la situation. Ils ont suivi avec attention les trente-quatre jours de cette guerre dévastatrice, sans vrai vainqueur ni réel vaincu, qui a causé la mort de plus de 1 000 civils et en a blessé 3 600. On estime aussi entre 15 000 et 30 000 le nombre d'habitations détruites, ainsi que 80 ponts et 630 kilomètres de routes dans le plus petit pays de la région, le Liban.
Une fois n'est pas coutume, monsieur le Premier ministre : alors que la majorité et l'opposition - c'est un rite obligatoire en démocratie - s'affrontent vivement dans de nombreux domaines et que leurs rapports vont se tendre plus encore sans doute, nous le savons bien, à l'approche de l'élection présidentielle, mon propos aujourd'hui ne se situera pas sur ce registre.
Je le dis ici clairement, comme j'ai eu l'occasion de le faire à deux reprises devant notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lors des auditions du ministre des affaires étrangères, M. Philippe Douste-Blazy, et de Mme la ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, les 24 et 30 août dernier : les socialistes ont estimé positives l'action diplomatique de la France et les propositions du Président de la République pour tenter d'arrêter le conflit que se livraient Israël et le Hezbollah au Sud-Liban.
Nous avons approuvé, bien sûr, les opérations de rapatriement et d'évacuation des civils par la France, mais aussi l'esprit et les principes du plan proposé le 26 juillet par le Président de la République, dessinant les grandes lignes d'une solution qui repose tout à la fois sur un cessez-le-feu rapide, un engagement politique entre les parties pour l'accepter, l'application de la résolution 1559 de l'ONU, le désarmement sous contrôle libanais des milices du Hezbollah, enfin l'installation d'une force multinationale d'interposition dans le cadre de l'ONU.
Ces grandes lignes seront reprises dans la résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité le 11 août et acceptée par les belligérants, leur imposant notamment un cessez-le-feu, entré effectivement en vigueur le 14 août. La France, dont la diplomatie a joué son rôle dans l'élaboration et le vote de ce texte, laisse alors entendre qu'elle souhaite s'investir pleinement dans la constitution de la FINUL renforcée qui doit se déployer au Sud-Liban. Le chiffre de 4 000 ou 5 000 soldats français est même avancé !
Nous avons été donc fort surpris, monsieur le Premier ministre, quand, dans les jours qui ont suivi, notre pays a donné l'impression de freiner des quatre fers et de revenir sur sa parole. On attendait quelques milliers d'hommes, le Gouvernement n'en annonçait que 150 à 200 !
Pendant une semaine, évidemment, les commentaires sont allés bon train dans le monde. La presse populaire britannique notamment, qui ne laisse jamais passer une occasion de critiquer notre pays, s'en est donné à coeur joie. De leur côté, les Italiens se sont avancés, annonçant l'envoi de 3 000 hommes et proposant de prendre sans plus tarder le commandement de la FINUL, assuré actuellement par le général français Alain Pellegrini.
Heureusement, cette mauvaise impression a été assez vite effacée, le 24 août dernier, par la seconde intervention du Président de la République, qui a finalement décidé d'envoyer 2 000 casques bleus, après s'être assuré au préalable des conditions de sécurité mises en place pour protéger la vie des militaires français et des forces d'interposition, et de déterminer avec précision la nature de leurs missions.
C'est pourquoi je me félicite aujourd'hui qu'il résulte des négociations avec l'ONU, avec les gouvernements israélien et libanais, que le commandement de la FINUL reste exercé, comme vous l'avez confirmé, monsieur le Premier ministre, jusqu'en février 2007 par le général Pellegrini ; que la FINUL a pour mission de soutenir le déploiement de l'armée libanaise, qui reprend pied au Sud-Liban où elle n'avait plus été présente depuis quarante ans et à qui il revient, et à elle seule, de désarmer les milices du Hezbollah ; que la FINUL aura le droit et les moyens de riposter en cas d'attaque.
Notre pays enverra donc 2 000 hommes au Liban, ainsi que de l'armement lourd, notamment treize ou quatorze chars Leclerc. Certains ont critiqué, ici ou là, l'envoi de ces chars au motif qu'ils seraient inefficaces dans un conflit de type « guérilla ». Je pense, pour ma part, qu'ils participent de la volonté française de démontrer sa détermination à remplir totalement son rôle. Par ailleurs, en raison de leur caractère dissuasif, ils constituent aussi, à mes yeux, un élément important de la sécurité des militaires, dont la tâche présente des risques réels, comme chacun le sait ici.
Au total, monsieur le Premier ministre, mis à part le moment regrettable -mais l'impression première a été corrigée -, où notre pays a prêté le flanc à la critique par son hésitation à remplir ses engagements, je le redis, les socialistes et le groupe socialiste du Sénat ont approuvé l'action diplomatique de la France au sein de l'ONU et auprès des gouvernements libanais et israélien pour aboutir à un cessez-le-feu et tenter d'assurer, enfin, une paix durable au Liban et au Proche-Orient, depuis si longtemps meurtris par des guerres et des conflits interminables.
Notre pays s'est montré, je crois, fidèle à son histoire et à ses valeurs, fidèle aussi à l'attachement que nous éprouvons pour le Liban. Il a su également décider la plupart des pays de l'Union européenne, pour certains hésitants, à participer d'une façon ou d'une autre à la FINUL.
Finalement, l'Europe apportera une forte contribution à la FINUL renforcée - au moins 7 000 hommes, dit-on, sur les 15 000 hommes que la force devrait compter à terme, comme le prévoit la résolution 1701, et du matériel lourd -, et nous nous en réjouissons.
Voilà, monsieur le Premier ministre, ce que je voulais vous dire au nom du groupe socialiste sur la période passée. Le plus important désormais est de se tourner vers l'avenir et de définir les voies permettant de construire une paix durable au Proche-Orient. C'est pourquoi, mes chers collègues, je souhaite maintenant m'exprimer sur notre vision de l'avenir de cette région dans le contexte d'aujourd'hui.
Le point de départ de l'aggravation de la situation explosive que connaît aujourd'hui le Proche-Orient est en grande partie la conséquence de la volonté du président des États-Unis, George Bush, de riposter par une grande croisade contre le mal aux attentats du 11 septembre. Pour tenter de mettre un terme au terrorisme - c'est très bien -, il s'est lancé dans un projet de démocratisation du Grand Moyen-Orient, fondé sur l'élimination des dictatures - c'est encore très bien - et l'installation de régimes démocratiques devant apporter la paix et la prospérité.
Mais le tout, en politique, n'est pas seulement d'exprimer des objectifs sur lesquels nous pouvons tous être d'accord : il s'agit d'employer la méthode et d'apprécier avec un certain réalisme la situation.
La guerre en Irak a constitué le premier acte de ce scénario. Le moins qu'on puisse dire est que le contraste est saisissant entre le projet affiché et la réalité. Certes, Saddam Hussein a été éliminé et personne ne regrettera ce dictateur et son régime. Pour autant, l'Irak est un grave échec pour le président américain. Le pays est aujourd'hui plongé dans une guerre civile et religieuse ; la violence meurtrière des attentats quotidiens, à Bagdad notamment, ne cesse d'augmenter, avec 3 438 morts en juillet dernier. La perspective d'un Irak pacifié et démocratique s'éloigne chaque jour un peu plus, alors que, dans les pays musulmans, l'islamisme radical progresse.
De la même façon, loin d'être éradiqué, le terrorisme, notamment islamiste, redouble de plus belle un peu partout dans le monde. Ben Laden et son adjoint courent toujours et se manifestent régulièrement par cassettes interposées. En Afghanistan, la dégradation de la situation contraint les États-Unis et leurs alliés à renforcer leur dispositif militaire face aux talibans, qui sont de retour.
En Europe, nous avons en mémoire les attentats meurtriers de Madrid, en mars 2004, ceux de Londres, en juillet 2005. Je note au passage que le système communautariste britannique n'a pas protégé ce pays du terrorisme.
Cet été, d'autres attentats de grande ampleur, nous dit-on, ont été évités de justesse, en Grande-Bretagne comme en Allemagne. Ces exemples sont proches de nous, mais les pays arabes et asiatiques sont également victimes d'actes du même type.
La lutte contre le terrorisme telle qu'elle a été conçue par les États-Unis est donc en échec, même si l'islamisme fondamentaliste n'a pas atteint tous ses objectifs, loin s'en faut.
C'est pourquoi, face à ce danger persistant qui a déjà frappé notre pays dans le passé et qui peut le toucher encore, je salue l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies, le 8 septembre dernier, d'une stratégie mondiale contre le terrorisme. Bien que non contraignante, cette résolution, adoptée à l'unanimité, est qualifiée d'historique par Kofi Annan. Pour la première fois sur ce sujet, les États membres ont surmonté leurs divergences grâce à une prise de conscience universelle de la nécessité de lutter de façon concrète contre ce « fléau inacceptable, quels qu'en soient les auteurs et les mobiles », selon les termes mêmes du secrétaire général des Nations unies.
Enfin, un élément nouveau et lui aussi menaçant a émergé récemment : un bras de fer est engagé entre l'Iran et la communauté internationale sur la question de la prolifération nucléaire. En outre, ce pays, qui soutient le Hamas et le Hezbollah, ne cache pas sa volonté de rayer Israël de la carte, ce qui rend plus complexe encore la situation au Proche-Orient et la recherche des voies de la paix dans la région.
Nous en avons tous conscience : dans ce contexte plus dangereux que jamais, le chemin de la paix au Proche-Orient sera long et semé d'embûches.
Je pense aussi que chacune des parties prenantes doit mieux prendre en compte les nouvelles réalités et les nouveaux rapports de force qui modèlent désormais cette région et le monde dans son ensemble depuis la chute du mur de Berlin.
Israël, tout d'abord.
Pour les socialistes, Israël est un pays ami depuis sa création ; la SFIO en son temps, puis le parti d'Épinay ont toujours affirmé le droit à l'existence d'Israël dans des frontières définies et sûres. Personnellement, j'ai toujours soutenu au sein de l'Internationale socialiste la cause de cet État démocratique, tout en développant une position équilibrée dans le conflit entre Israéliens et Palestiniens, estimant que les deux peuples ont un droit absolu à l'existence et à vivre dans deux États reconnus et protégés.
Les socialistes ont également toujours reconnu à Israël le droit de se défendre ; ils l'ont encore fait en juillet dernier au début de la guerre. C'est Tsahal, au fil des guerres qui ont marqué l'histoire de ce pays au cours des soixante ans de son existence, qui a rempli cette mission avec succès, ce qui lui a valu la réputation d'armée invincible.
La guerre de l'été 2006 a terni cette image. Comme beaucoup, j'ai été choqué par la violence disproportionnée de la riposte israélienne, les bombardements incessants et désastreux, comme ceux qui ont fait des dizaines de morts dans les villages autour de Tyr, la destruction massive d'un pays aujourd'hui à reconstruire. Et pour quel résultat ?
La réaction de l'opinion mondiale a été telle que le gouvernement israélien a fini par accepter de se retirer progressivement du Liban et de lever, avec quelque réticence, le blocus aérien et maritime qu'il maintenait depuis deux mois. En Israël même, et c'est tout à l'honneur de cette démocratie -car Israël est un pays démocratique ! -, des critiques sévères ont été portées sur la conduite de la guerre et l'avenir du pays. Des manifestations importantes ont réclamé des comptes au gouvernement, voire sa démission.
Il est clair désormais qu'une page vient de se tourner et qu'Israël ne peut plus compter uniquement sur Tsahal pour assurer son existence. Les Israéliens doivent comprendre qu'il est temps pour eux d'opérer une avancée diplomatique historique en acceptant l'intervention de l'ONU, en cessant de compter exclusivement sur le soutien des États-Unis et en intégrant plus ouvertement l'Europe, et la France, dans le jeu diplomatique.
J'estime aussi qu'Israël doit cesser ses provocations à l'égard des Palestiniens en arrêtant des ministres et des députés qui ont été élus. Car l'urgent aujourd'hui pour l'avenir du Proche-Orient est de régler le conflit israélo-palestinien, et ce par la voie de la diplomatie et de la négociation.
Le Hezbollah, ensuite.
Il est clair que si la paix au Proche-Orient passe en partie par le règlement politique du conflit israélo-palestinien, elle dépend aussi du règlement du conflit, plus large, qui oppose Israël au Hezbollah. Ce dernier, soutenu par la Syrie et par l'Iran, fait partie intégrante du Liban. Au-delà de ses milices armées, le Hezbollah est un parti politique qui compte des ministres au gouvernement et des députés à l'Assemblée nationale.
L'ancien Premier ministre assassiné, Rafic Hariri, manque beaucoup à son pays. Mais le nouveau Premier ministre, Fouad Siniora, qui a agi dans la tourmente avec autorité, est déjà crédité d'une réelle popularité. Si le Liban connaît la dure loi de se défendre contre lui-même, il doit aussi trouver les hommes de son destin national.
Le Hezbollah doit lui aussi trouver les voies de la tolérance, accepter la résolution 1701, le désarmement de ses milices par l'armée nationale libanaise, qui compte des soldats chiites dans ses rangs, et s'inscrire dans le jeu diplomatique de la négociation sous égide onusienne.
La Syrie et l'Iran, enfin.
Afin que ce schéma réussisse, la Syrie doit être mise, elle aussi, devant ses responsabilités. En effet, on ne peut pas envisager un règlement global de la situation au Proche-Orient en faisant abstraction de ce pays, qui joue un rôle majeur dans la région. Toutefois, son opposition, affirmée très récemment au secrétaire général des Nations unies, semble-t-il, au déploiement de la FINUL renforcée le long de sa frontière avec le Liban pour la sécuriser elle-même ne manque pas d'inquiéter sur ses intentions.
Concernant l'Iran, la première menace que fait peser ce pays depuis l'arrivée au pouvoir du fondamentaliste Mahmoud Ahmadinejad est bien la menace nucléaire. S'il paraît difficile de refuser à l'Iran la possibilité de disposer de l'énergie nucléaire civile pour assurer son développement économique, il faut être extrêmement vigilant au fait que la République islamique ne rompe pas le principe intangible de non-prolifération nucléaire militaire.
Sur cette question cruciale pour l'avenir de l'humanité, je partage la conviction de Kofi Annan : là encore, la seule issue possible est celle, difficile, souvent ingrate, mais indispensable, de la négociation jusqu'au bout. C'est d'ailleurs la démarche adoptée par l'Union européenne et son Haut représentant, qui, sans relâche, recherche un compromis avec les Iraniens. Les dernières informations sur les négociations en cours pour empêcher des sanctions de l'ONU contre Téhéran vont plutôt dans le bon sens, l'Iran venant de proposer, semble-t-il, de suspendre pendant deux mois ses activités d'enrichissement de l'uranium.
Pour autant, je suis conscient de l'extraordinaire difficulté de la partie qui se joue avec l'Iran, car il ne faut pas sous-estimer le danger que ce pays représente pour la paix du monde.
Par ailleurs, les conséquences de sa haine d'Israël, qui le conduit à élever le révisionnisme le plus virulent en religion d'État, ne doivent pas non plus être sous-estimées. Cette seconde menace doit aussi être combattue avec la plus vive fermeté, car elle constitue un obstacle de plus à un accord de paix entre les Israéliens et les Palestiniens.
Voilà, monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce que je voulais exprimer au nom du groupe socialiste du Sénat sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la résolution 1701 du Conseil de sécurité.
Je voulais surtout réaffirmer la conviction des socialistes que la recherche d'un règlement négocié, fondé sur le dialogue et la compréhension mutuelle, est toujours préférable au recours aux armes pour construire la paix. Car tel est l'objectif final que notre pays et l'Europe poursuivent en s'engageant comme ils le font - et je m'en félicite - dans le processus enclenché par la guerre du Liban. La situation reste très dangereuse, mais le nouveau rapport de force devrait être dissuasif pour les différents acteurs de la tragédie libanaise.
Je ne voudrais pas conclure mon intervention sans rendre hommage à l'action du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui a su, fort de son expérience et de sa connaissance parfaite du Proche-Orient, oeuvrer sans relâche tout au long de ces terribles semaines pour convaincre les parties d'accepter et d'appliquer le cessez-le-feu imposé par la résolution 1701, constituer la FINUL renforcée et organiser son déploiement et ses missions. Il lance encore aujourd'hui une médiation pour la libération des deux soldats israéliens, premier objectif de la guerre du Liban, non encore atteint à ce jour !
Il doit bientôt quitter son poste et a droit à notre gratitude.
Je suis conscient de la fragilité du cessez-le-feu actuel entre Israël et le Hezbollah. Je suis même étonné, d'une certaine façon, qu'il soit à peu près respecté jusqu'à présent.
La route sera certainement longue vers la paix, mais ne relâchons pas nos efforts. Dialoguons, négocions, soutenons et renforçons les Nations unies. C'est la seule façon pour que le XXIe siècle qui commence ne connaisse pas les cataclysmes meurtriers et les crimes contre l'humanité du siècle précédent.
Les socialistes agiront afin que la France et l'Europe soient à la hauteur de leurs responsabilités. Les dernières informations en provenance de Palestine sur un accord de gouvernement d'union nationale entre le Fatah et le Hamas sont une lueur d'espoir. Il en va de même de l'affirmation d'Ehoud Olmert, hier, de vouloir nouer le dialogue avec Mahmoud Abbas.
Nous avons eu tellement d'occasions, nous avons eu tellement d'espoirs, nous avons tellement travaillé pour cela, sans réussir... Cette fois sera peut-être la bonne. En tout cas, courage pour la paix dans le monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Jack Ralite applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, certes, ce débat arrive après les moments les plus dramatiques de cette crise. Néanmoins, il était absolument nécessaire que le Parlement puisse exprimer ce que l'opinion française a si profondément et si intimement ressenti.
Jusqu'à présent, ce qui a été dit à cette tribune montre bien que le débat répond à ce besoin et que le Parlement est présent à ce rendez-vous. D'ailleurs, nombreux dans cet hémicycle - je devrais dire tous ! - sont ceux qui ont, pour le Liban, des sentiments particuliers. Pour ma part, je m'exprime comme membre du groupe UMP, mais je ne peux oublier que je préside depuis une quinzaine d'années le groupe d'amitié France-Liban du Sénat.
Pour définir le Liban, je voudrais citer les mots d'un grand poète libanais contemporain, grand écrivain et diplomate, je veux parler de Salah Stétié, que nous sommes quelques-uns a bien connaître : « le Liban est un étroit pays, certes, tout en hauteur, à qui il est arrivé la plus étonnante des histoires, celle d'avoir une histoire bien plus vaste que lui » ! Les événements que nous avons vécus le montrent de manière évidente.
Je l'avoue, c'est avec émotion que je suis monté à cette tribune, car j'ai conscience, comme nous tous, de l'extrême fragilité de ce pays que nous aimons.
Cette fragilité est intrinsèque, d'abord, puisque son identité profonde, c'est sa pluralité, qui repose sur un consensus parfois difficile à établir ; le passé récent l'a bien montré avec la guerre civile qui a ravagé pendant quinze ans ce petit pays, comme l'ont souligné les différents intervenants.
Cette fragilité, ensuite, est due à son environnement régional, car le Liban est - j'allais dire depuis toujours - le théâtre et la victime de conflits qui le dépassent. Depuis le 12 juillet, avant que le cessez-le-feu n'intervienne, nous avons tous vu des images qui nous ont ramenés vingt ans en arrière...
Dans les interventions qui viennent d'avoir lieu, malgré quelques différences de tonalité ou d'orientation, j'ai constaté que les orateurs éprouvaient tous au fond le même sentiment.
Ces images qui, je le répète, nous ont ramenés vingt ans en arrière ont beaucoup frappé l'opinion de notre pays et l'esprit de nos compatriotes. À cet égard, je voudrais évoquer un souvenir et je vous prie de me pardonner de personnaliser ainsi mon propos.
Je me rappelle avoir parcouru les rues ravagées de Beyrouth à la fin de la guerre civile, avec un collègue qui n'est plus des nôtres aujourd'hui et qui n'appartenait pas au même mouvement politique que moi. Je me souviens des carcasses calcinées des habitations. Amin Maalouf, qui m'accompagnait, me dit soudain en me montrant ce qu'il restait d'une maison : « voilà, c'est ici qu'habitait ma mère » !
Ce souvenir est resté profondément ancré en moi, et lorsque j'ai vu, comme vous tous, mes chers collègues, les images des bombardements intervenus au Liban, je me suis demandé si nous allions revivre cela ! Quand j'ai vu les images de ce petit enfant de quatre ou cinq ans qui découvrait en pleurs les ruine de son village, quand j'ai vu comme vous des petits enfants mutilés, quand j'ai vu ces cohortes de réfugiés gagner le nord du Liban, je me suis demandé où nous allions, ce qu'allait connaître ce pays et si cet embrasement n'entraînerait pas un embrasement régional. Nous avons donc tous été inquiets.
C'est une raison de plus pour apprécier - j'y reviendrai - les efforts qui ont été faits par la communauté internationale et en premier lieu, bien entendu, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, par notre pays dont on attendait beaucoup. L'attente n'a pas été déçue !
Il y a eu mille morts, peut-être davantage, et de nombreux blessés. Les dégâts directs ou indirects sont impressionnants puisqu'ils se chiffrent à 15 milliards de dollars, selon le programme des Nations unies pour le développement, le PNUD.
Cette épreuve a été terrible, et ce d'autant plus que nous nous étions pris à espérer. En effet, nous avions assisté à la reconstruction du Liban au fil des années.
Nous sommes d'ailleurs quelques-uns du groupe interparlementaire France-Liban du Sénat à avoir rencontré l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Ceux qui l'ont vu se souviennent de la conviction qu'il mettait à engager la reconstruction de son pays. Nous ne pouvons oublier qu'il en a été l'inspirateur, l'organisateur. J'ose même dire qu'il a largement mené à bien cette reconstruction, non seulement physique mais aussi politique !
Il ne faut pas oublier non plus que, après le terrible assassinat de Rafic Hariri, une majorité parlementaire a permis à un gouvernement emmené par Fouad Siniora d'engager un processus politique qui nous paraissait garantir la paix. Je veux parler de ce qui a été appelé par les Libanais eux-mêmes le « dialogue national ». Certes, ce dialogue était tâtonnant, hésitant.
Nous sommes quelques-uns à avoir assisté à la séance au cours de laquelle le président de l'assemblée libanaise a annoncé qu'il allait, à la demande de la majorité du pays, lancer le dialogue national. Nous avions de la peine à y croire ; pourtant, ce dialogue a été engagé. Il commençait à porter des fruits, certes modestes, mais le dialogue n'est-il pas déjà le plus beau des fruits ?
Or, voilà que tout cela s'est trouvé mis à terre ! Nous en avons d'abord soufferts, puis nous avons été très inquiets.
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, ces dramatiques événements ont eu néanmoins quelques aspects positifs.
Ils ont permis à la solidarité intercommunautaire libanaise de s'exprimer, même si cela s'est fait avec un peu d'hésitation, il faut l'avouer. Quoi qu'il en soit, les cohortes d'habitants du Sud, des chiites, qui remontaient vers le Nord ont été, on le sait, accueillies par les autres communautés - les chrétiens, les druses, les sunnites. C'est en soi un événement très important, qui marquera l'avenir de ce pays.
J'ai dit à l'instant que le Liban se caractérisait par la diversité et la pluralité, ce qui fait à la fois son originalité et sa faiblesse. Néanmoins, comment ne pas voir que c'est tout simplement le sentiment national qui a commencé à s'exprimer de manière évidente dans ce petit pays, de manière plus évidente en tout cas que par le passé ?
Or, ce sentiment national, j'en suis convaincu, peut seul permettre de transcender les allégeances communautaires. Ce n'est que grâce à l'émergence du sentiment national et de la solidarité que le Liban se soudera. J'ose espérer que cette crise dramatique y contribuera.
Qu'il me soit permis ici, même si d'autres intervenants après moi, comme ma collègue Christiane Kammermann, ne manqueront pas de le faire, d'exprimer des remerciements extrêmement chaleureux à tous ceux qui ont contribué à apporter aide et assistance au Liban et à nos compatriotes dans ce pays.
Monsieur le Premier ministre, je veux bien entendu mentionner à cette tribune l'action extrêmement efficace menée par l'ambassade de France au Liban, sous la direction de M. Bernard Emié, qui a fait l'admiration de tous et a entraîné la reconnaissance de ceux qui en ont bénéficié.
Je veux mentionner également l'action de vos services, monsieur le ministre des affaires étrangères, qui ont dû se mobiliser très fortement, jour et nuit, pour que ces opérations soient pilotées.
Je veux mentionner enfin, madame la ministre de la défense, l'action de nos troupes, puisque les vaisseaux de la marine nationale ont contribué à l'évacuation de nombre de nos ressortissants.
Je souhaite, par ailleurs, rendre ici un hommage particulier à ceux que l'on ne cite pas toujours. Certains ont parlé des bénévoles, et ils ont bien fait. Bien entendu, ces derniers ont joué un rôle très important, s'exposant parfois à de grands périls.
Pour ma part, j'évoquerai particulièrement certains des fonctionnaires français en poste au Liban, notamment les chefs d'établissements.
Je pense, en l'occurrence, à Mme le proviseur du grand lycée franco-libanais de Beyrouth, qui a fait preuve d'un sens de l'organisation, d'un courage et d'une détermination qui ont forcé l'admiration de tous.
Je pense également à Mme le proviseur du lycée de Nabatie, tout au sud du pays, qui, elle aussi, a fait preuve pendant cette terrible crise d'un grand courage en ouvrant son établissement - d'ailleurs tout neuf - et en le mettant à la disposition de ceux qu'il fallait accueillir.
Cela dit, il faut maintenant regarder devant nous. Je le ferai non sans avoir, moi aussi, salué auparavant, comme je l'ai annoncé au début de mon propos, le rôle de notre pays, qui a une mission particulière au Liban.
La communauté internationale attendait la France, et notre pays a répondu très vite présent.
Tout le monde aujourd'hui rend hommage à l'action du Président de la République, à la vôtre, monsieur le Premier ministre, madame, monsieur le ministre.
Je veux rappeler, car on a tendance à l'oublier, que très tôt la France a fait entendre dans le concert des nations une voix originale.
Au début des bombardements, mes chers collègues, un journal titrait : « la diplomatie préfère attendre » tandis qu'un autre affirmait : « les Occidentaux ont décidé de laisser du temps à Israël ». Or dès les premiers jours, dès le G8 de Saint-Pétersbourg, le Président de la République a appelé à l'arrêt des hostilités et a mis en garde contre un laisser-faire qui, en l'occurrence, était un laisser-tuer !
Je veux rendre hommage ici au courage et à la lucidité du Président de la République, de notre gouvernement et de notre diplomatie. Il fallait, en effet, à l'époque un certain courage, car nous étions seuls ou presque. Ce point devait être rappelé.
Puis, lors de son interview du 27 juillet dernier, le Président de la République a appelé au cessez-le-feu, à un engagement politique et à la création d'une force internationale. Il traçait de la sorte le cadre de notre action diplomatique future.
Je terminerai en évoquant rapidement les conditions de la consolidation de la paix.
Bien entendu, je souhaite moi aussi aborder la question du désarmement des milices du Hezbollah ! À mon tour, je dirai que c'est une caricature, un abus de langage de ne parler du Hezbollah que comme d'une milice terroriste. Une action diplomatique réaliste ne peut oublier que le Hezbollah est une composante importante de la vie politique et de la société libanaises.
Certes, le désarmement du Hezbollah se fera avec toute la fermeté qui convient et la prudence nécessaire, mais il sera réalisé essentiellement grâce à la mise en oeuvre d'un consensus libanais, seul moyen d'aboutir à un résultat positif dans ce pays. Il faudra du temps sans doute et il y aura probablement, je le crains, des rebondissements, mais cette voie-là est la seule qui soit ouverte.
Quant aux autres conditions, je me contenterai simplement de les citer, puisqu'elles ont déjà été développées.
Une petite lueur d'espoir s'est allumée dans le conflit israélo-palestinien. Israël a droit à sa sécurité. La constitution d'un gouvernement d'union nationale, nous l'espérons, sera un élément important pour l'avènement d'une ère nouvelle.
Quant à l'Iran, je ne peux et je ne veux mieux faire que de citer le Président de la République qui a dit, lors de la conférence des ambassadeurs - vous avez d'ailleurs repris ses propos le lendemain, monsieur le ministre des affaires étrangères -, que ce pays « trouvera la sécurité non dans le développement de programmes clandestins, mais bien dans sa pleine insertion au sein de la communauté internationale ».
Une fois encore, pour créer les conditions de la confiance, Téhéran doit faire les gestes nécessaires. Plusieurs de mes collègues l'ont dit et je partage leur appréciation : seule une diplomatie faite de fermeté - on ne peut pas transiger sur la non-prolifération, monsieur Mauroy ! - et d'ouverture donnera des résultats.
J'ai entendu avec intérêt le Président de la République évoquer également le cas de la Syrie : elle doit « sortir de sa logique d'enfermement. Elle a vocation à reprendre sa place à la table des nations, en respectant la légalité internationale et la souveraineté de ses voisins ».
Tout est dit, mais que de difficultés en perspective pour les semaines et les mois à venir, qui ne seront pas exempts d'embûches !
Comme tout le monde ici, je souhaite que l'unanimité - le mot n'est pas trop fort - qui s'est manifestée dans notre pays à l'occasion de cette crise libanaise soit suffisamment durable pour que, à l'occasion de l'examen du budget de la défense, madame la ministre, on n'oublie pas qu'un grand pays comme le nôtre, lorsqu'il veut se défendre, remplir sa mission de paix et répondre à sa vocation universaliste, a besoin de moyens et que le rôle du Parlement est de les lui donner.
En conclusion, je n'ignore pas plus que les autres que nos soldats, là-bas, courent des risques. Je sais aussi qu'il a fallu surmonter des craintes, que même les garanties obtenues et voulues par le Président de la République et par vous-même, madame la ministre, ne peuvent faire oublier ce qui s'est passé voilà maintenant plus de vingt ans. Mais ces craintes, la France a su les surmonter.
Je souhaite donc, de tout mon coeur, que les appels du Président de la République à une conférence internationale de reconstruction soient entendus et que la réunion du « quartet » ait lieu, conformément au voeu qu'il a exprimé.
Je souhaite de tout mon coeur que le Liban trouve la voie de la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les événements qui concernent le Proche-Orient nous touchent toujours, nous, Français, de très près, étant donné les sources de notre culture et le berceau historique de la foi chrétienne.
Les pays du bassin méditerranéen sont, en effet, chargés de si puissants attendus symboliques et même eschatologiques que tous nos liens historiques avec eux entrent en forte résonance quand des événements graves s'y produisent.
Notre sensibilité est affectée non pas seulement par une sympathie humaine à l'égard de ceux qui sont éprouvés dans leur chair et dans leurs biens, mais aussi par une profonde interrogation quant aux enjeux pour le destin de l'humanité.
En effet, si, dans les régions du monde où se sont développés les cultures de la raison philosophique et le très haut idéal d'une civilisation de la justice et de l'amour, les autorités politiques tant légales que dissidentes en sont réduites à de tels affrontements, le monde entier ne peut que douter des chances de la paix.
C'est sans aucun doute le pressentiment de cette menace qui avait conduit le pape Jean-Paul II à prendre l'initiative de la rencontre d'Assise, il y a très exactement vingt ans, et que Benoît XVI vient de commémorer en rappelant toujours l'actualité de la coopération des religions pour servir la paix. À ce titre, le Liban a été jusqu'ici un cas unique d'organisation politique interconfessionnelle dans cette région du monde.
Ne serait-ce pas d'ailleurs cette spécificité politique que certains voudraient détruire au profit d'une confusion entre l'État et l'appartenance à une religion ?
Je ne dirai pas grand-chose de la brutale escalade qui, depuis l'enlèvement de soldats israéliens, nous a conduits là où nous en sommes aujourd'hui, sauf pour rappeler que la question des prisonniers détenus dans des prisons tant syriennes qu'israéliennes était ressentie de manière extrêmement vive au Liban. En enlevant des militaires israéliens, la milice du Hezbollah a simultanément voulu neutraliser une partie de l'opinion publique libanaise et poussé Israël à sortir de sa patience, alors que cela faisait six ans que son armée avait quitté le Sud-Liban et deux ans qu'une résolution des Nations unies imposait le désarmement de la milice du Hezbollah.
Et, ainsi, le peuple libanais s'est trouvé piégé dans un engrenage effroyable.
Il est urgent de rétablir la paix dans cette région du monde, si douloureusement déchirée et où la prise des peuples en otage empêche que soit fondée cette paix de manière solide.
Or le Liban est en train d'essayer de recouvrer sa souveraineté. Il s'est engagé pour cela dans une démarche prometteuse de dialogue national consistant à tout mettre à plat au sein d'un dialogue constructif entre les représentants de toutes les composantes de la vie politique.
Dans un article donné à L'Homme Nouveau sous le titre « Reconstruire la paix », Annie Laurent, spécialiste de géopolitique, particulièrement experte pour cette région, note que « beaucoup de Libanais sont revenus de bien des illusions. Comprenant qu'ils avaient été les jouets d'intérêts qui n'étaient pas les leurs, ils se sont ralliés à l'idée d'un Liban qui ne ressemble à aucun autre pays dans la région : un État organisé selon une ? démocratie consensuelle ? permettant aux dix-huit communautés qui le composent une participation égale aux affaires publiques. » J'ai pu en être personnellement le témoin à l'occasion d'une rencontre avec des parlementaires libanais le 29 juin dernier, ici au Sénat.
La question du désarmement de la milice du Hezbollah venait d'être abordée au sein de ce dialogue national, alors même que douze parlementaires et deux ministres sont issus du Hezbollah.
En effet, à partir du moment où des représentants du Hezbollah sont entrés au parlement et au gouvernement libanais, une évolution importante est en marche. Le désarmement de sa milice est incontournable, car la question est devenue institutionnelle. La légitimité de l'armée libanaise comme détentrice exclusive de la force armée ne peut qu'être reconnue au niveau des principes par tout parlementaire attaché à un régime de droit.
Toutefois, une première incertitude quant à son effectivité provient du délai nécessaire à l'armer. Une seconde incertitude tient à la composition de l'armée libanaise, chiite en majorité. Le risque qu'elle se solidarise avec la milice en cas de nouvel affrontement avec Israël n'est pas négligeable. Il faut à tout prix l'éviter.
Les événements dramatiques qui viennent de se produire n'ont pas modifié la donne. Il ne peut pas y avoir d'autre solution que le désarmement de la milice au bénéfice de la montée en puissance de l'armée libanaise sous le contrôle des autorités politiques du pays, conformément à la résolution 1559 des Nations unies
On comprend bien sûr que le rôle de la FINUL soit délicat dans un tel contexte, pendant que l'armée libanaise procède au désarmement de la milice.
Une telle opération ne peut pas connaître le succès si, simultanément, la stabilisation d'un État souverain n'est pas réussie.
Ainsi s'explique une nouvelle fois la très lucide et judicieuse position de la France dans cette affaire.
Il importe donc au plus haut point de savoir comment aider le Liban de manière efficace dans cette entreprise essentielle pour son avenir, celui de la région et, vraisemblablement, celui du monde entier.
La paix dans le monde ne peut résulter que de l'organisation cohérente et équilibrée de communautés nationales vivantes et disposant des prérogatives de souveraineté indispensables à la reconnaissance par les autres peuples de la légitimité de leur existence.
Cette affirmation vaut avec la même puissance pour Israël, pour les Palestiniens et pour le Liban.
Sinon - et c'est ce qui nous menace - nous assisterons à une généralisation de conflits tantôt entre des armées nationales isolées ou coalisées, tantôt entre des organisations terroristes plus ou moins clairement identifiables, soit purement locales, soit mondialement ramifiées.
Ce qui vient de se passer au Liban donne une idée du chaos qui pourrait se généraliser.
Les Israéliens tout comme les Palestiniens et tout autant que les Libanais ont le droit de vivre en paix. La restauration de la souveraineté du Liban, qui est vraisemblablement l'objectif le plus accessible dans les circonstances actuelles, malgré la lassitude provoquée par les souffrances endurées depuis trente ans, est prioritaire aujourd'hui.
L'aide de la France comme l'aide de l'Europe et plus généralement celle des Nations unies, en lien avec les États du Moyen-Orient, doivent donc favoriser l'émergence d'une stratégie socio-économique propre à l'État libanais.
Autant dire qu'il ne faut pas concentrer exclusivement l'aide sur le Sud-Liban, mais qu'il convient de l'apporter à l'ensemble du pays.
Il est également important que les citoyens libanais puissent en être le plus directement possible les bénéficiaires, car, si des infrastructures doivent être reconstruites, il faut aussi que la conscience de l'unité nationale puisse être perçue par chaque citoyen libanais, quelle que soit sa province.
L'aide à la reconstruction doit par ailleurs porter sur la reconstitution du tissu socio-économique. Il faut favoriser les programmes visant à soutenir les services sociaux, les municipalités, les services hospitaliers, les PME et tout acteur de la vie quotidienne.
Lors de ma dernière rencontre avec des parlementaires libanais le 29 juin, nous avions envisagé une coopération d'ordre méthodologique afin de lutter contre la misère et la pauvreté de manière structurelle, sur l'ensemble du territoire libanais. Car, si le Liban ne manque pas de solidarité familiale et communale, ce sont les moyens structurels qui font défaut quand il faut reconstituer un État.
Mes interlocuteurs étaient très intéressés par le plan de cohésion sociale que vous avez mis en place en France, monsieur le Premier ministre, et examinaient les moyens de transposer chez eux notre méthodologie en ce domaine.
Il ne faut donc pas hésiter à orienter les programmes et les actions le plus directement possible vers les acteurs économiques et sociaux, autrement dit vers ceux qui n'ont pu avoir de revenus pendant deux mois essentiels à leur activité, afin que la vitalité de la société économique puisse être réactivée, que la solidarité soit déjà perçue comme anticipant l'existence d'un État libanais organisé selon cette « démocratie consensuelle » voulue par le dialogue national. Nous avons à l'accompagner.
Pour le reste - et c'est essentiel -, l'avenir est entre les mains du parti chiite.
Ainsi que le note encore Annie Laurent, « pour le parti chiite, l'heure de vérité est donc arrivée : acceptera-t-il de répondre aux attentes des autres Libanais, qui le pressent de prouver sa libanité ». Facilitons-lui son choix d'une libanité confiante en restant fidèles à la cohérence de la politique attachée au droit et à la justice qui est la nôtre.
C'est pourquoi le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, en exprimant ses voeux de paix à tous les pays de cette région du Moyen-Orient, soutient les initiatives et les positions diplomatiques, militaires et de coopération de la France, telles que vous les avez arrêtées, monsieur le Premier Ministre, avec le Président de la République et les membres du Gouvernement chargés de leur mise en oeuvre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)