M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
Le Président de la République a clamé son intention de faire du handicap l'un des grands chantiers de son second mandat. La loi du 11 février 2005 a suscité l'espoir de milliers de familles, mais à cet espoir succède un désespoir grandissant !
Au nom de la décentralisation, cette loi instaure une série d'obligations nouvelles à la charge des départements, dont le versement de la prestation de compensation des conséquences du handicap. Or les fonds annoncés, dont ceux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, sont, de l'avis même des conseils généraux, très insuffisants. Les enveloppes ont été affectées, mais les crédits ne sont toujours pas versés ! Quant au délai de traitement des dossiers pour le versement des prestations de compensation, il est de six mois ! À ce jour, les financements sont dérisoires au regard du nombre de personnes concernées et des nouveaux champs d'intervention.
Ainsi, depuis le 1er janvier, des maisons départementales du handicap ont ouvert leurs portes. Si les conseils généraux ont signé des conventions de constitution de groupement d'intérêt public, ces nouvelles structures fonctionnent a minima et se limitent à un accueil et à la mise en service d'un numéro vert, faute de transferts financiers suffisants.
En outre, plusieurs décrets n'ont toujours pas été publiés, ce qui rend, en réalité, certaines dispositions de la loi inapplicables, alors que cela fait presque un an qu'elle a été votée dans l'urgence.
Au désarroi des élus locaux s'ajoute la détresse des parents d'enfants en situation de handicap. Près de six mois après la rentrée scolaire, de nombreux enfants n'ont toujours pas trouvé leur place dans l'école proche de leur domicile. Certains parents sont obligés de parcourir jusqu'à cent kilomètres chaque jour pour permettre la scolarisation de leur enfant, tandis que d'autres se résignent à le retirer du système scolaire public.
Alors que les Français attendaient une loi rétablissant l'égalité, ce que vous nous avez proposé, c'est plus une loi de charité, un texte de circonstance, que l'expression d'une véritable volonté politique.
M. Yannick Bodin. Très bien !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, quand seront prêts tous les décrets d'application indispensables pour rendre la loi effective ? Quand seront transférés aux départements les moyens financiers nécessaires ? Comment comptez-vous lever les légitimes réticences des personnels des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, et des commissions départementales de l'éducation spéciale, les CDES, qui hésitent à rejoindre la fonction publique départementale, alors que cette réforme est inconcevable sans moyens humains, s'agissant notamment d'agents de l'État qui disposent d'expériences et de compétences utiles ?
Enfin, quel engagement prenez-vous devant le drame que continuent de vivre ces enfants exclus du système scolaire ? Quels moyens financiers et humains supplémentaires allez-vous donner aux inspections académiques pour accueillir les enfants handicapés dans la dignité et le respect de leur différence ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame Boumediene-Thiery, ne croyez pas que je veuille être désagréable (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),...
M. Roland Muzeau. Si !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...mais, tout de même, si l'on prétend, comme vous, dresser un réquisitoire, encore faut-il disposer d'informations exactes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vous avez rappelé cette grande loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, voulue par le Président de la République...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La loi manquée du septennat !
M. Roland Muzeau. Même Xavier Bertrand est d'accord !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... et dont vous réclamez aujourd'hui la rapide, pleine et entière application.
Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre ralliement à un texte que, l'année dernière, vous n'aviez pas voté, et les personnes handicapées s'en souviennent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Permettez-moi de vous dire que, moins d'un an après son vote, cette grande loi est appliquée ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel. C'est faux !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter M. le ministre délégué !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un ministre ne doit pas agresser les parlementaires !
M. Roland Muzeau. Il n'a jamais été élu !
M. Philippe Bas, ministre délégué. À cet égard, je voudrais remercier d'abord l'ensemble des associations représentant les personnes handicapées (M. le ministre délégué s'exprime au milieu de protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) et les parents d'enfants handicapés d'avoir joué le jeu d'une concertation intensive qui a permis, en sept mois, de faire paraître pas moins de vingt-sept décrets et de recueillir l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur vingt autres.
M. Jacques Mahéas. Cela ne coûte pas très cher à l'État !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce conseil se prononcera sur les derniers décrets d'ici au 8 février prochain.
Je remercie également les conseils généraux de cette application rapide de la loi. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. C'est un transfert de charges !
M. Philippe Bas, ministre délégué. En effet, grâce aux aides reçues de l'État, à savoir 55 millions d'euros en 2005, 20 millions d'euros chaque année suivante plus 20 millions d'euros pour la première installation en 2006,...
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... les maisons départementales du handicap avaient toutes été créées au 31 décembre de l'année dernière, ...
M. René-Pierre Signé. Avec l'argent des autres !
M. Paul Raoult. L'argent des départements !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... à l'exception de trois d'entre elles, qui seront mises en place au cours de ce mois de janvier. Je remercie donc les départements de s'être engagés dans cette politique d'aide aux personnes handicapées.
Enfin, madame la sénatrice, si vous n'avez pas de mémoire,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Calmez-vous !
M. Claude Domeizel. Nous aussi !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je voudrais vous rappeler les conditions dans lesquelles l'allocation personnalisée d'autonomie a été instituée en 2001 (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.), au grand désarroi de tous les présidents de conseil général !
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Paul Raoult. Mais 900 000 personnes en bénéficient !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je sais que, parmi les sénatrices et les sénateurs ici présents, beaucoup ont éprouvé la difficulté de mettre en place une prestation avant que les financements nécessaires n'aient été réunis.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas vrai !
M. Paul Raoult. Mais 900 000 personnes en bénéficient !
M. Yannick Bodin. Et la question sur l'école ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Or, depuis le 1er janvier, les personnes handicapées peuvent demander à bénéficier de la prestation de compensation des conséquences du handicap,...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... dont le financement a été organisé avant qu'elle soit instaurée, et non pas après, puisque les départements recevront pas moins de 500 millions d'euros à ce titre (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)...
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de laisser parler M. le ministre, auquel je demande de bien vouloir terminer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez-le, monsieur le président !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...que vous avez également, bien entendu, contestée, car chaque fois que l'on prévoit le financement d'un progrès social, vous vous y opposez ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Yannick Bodin. Et sur l'école ?
M. le président. Chers collègues de l'opposition, je pense que la courtoisie élémentaire voudrait que l'on écoute le ministre quand il apporte sa réponse à la question qui lui a été posée. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le ministre n'est pas courtois ! On n'avait jamais entendu un ministre parler comme cela à des parlementaires ! C'est un provocateur !
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.
Madame la ministre, la situation en Côte-d'Ivoire est, malheureusement, de nouveau extrêmement préoccupante : on a dénombré hier cinq morts et une douzaine de blessés à la suite d'affrontements entre des partisans du président Gbagbo et les Casques bleus à Guiglo, dans l'ouest du pays. Les militaires de l'ONUCI, l'Opération des Nations unies en Côte-d'Ivoire, ont d'ailleurs dû quitter cette localité escortés par l'armée ivoirienne.
En outre, pendant trois jours, plusieurs milliers de partisans de Laurent Gbagbo ont tenté d'investir le siège des forces de l'ONU. Une unité française antiémeute a dû venir en renfort.
Cet après-midi, Abidjan est toujours paralysé par les manifestants, qui ont érigé de nombreux barrages, contrôlent les passants et les automobilistes et se livrent bien sûr au racket. Plusieurs centaines d'entre eux poursuivent un sit-in devant l'ambassade de France, tandis que d'autres occupent actuellement, m'a-t-on dit, la station de télévision.
La situation politique intérieure apparaît également très confuse, madame la ministre. Les partisans de M. Gbagbo reprochent au Groupe de travail international, le GTI, dont vous faites partie et qui est chargé du suivi du processus de paix, d'avoir « dissous » l'Assemblée nationale ivoirienne. Il me semble que le GTI n'a fait qu'entériner une situation de fait, puisque le mandat de l'assemblée avait expiré.
M. Robert Hue. Jetez de l'huile sur le feu ! Vous allez voir !
M. Robert Del Picchia. Le Front populaire ivoirien, le FPI, parti de Laurent Gbagbo, a décidé brusquement de se retirer du processus de paix (M. Robert Hue proteste.), refusant ce qu'il qualifie de « processus de recolonisation sous l'égide de l'ONU ».
M. Didier Boulaud. C'est bien cela !
M. Robert Del Picchia. C'est là un signe de défiance à l'égard de la communauté internationale.
Hier, en urgence, le président de l'Union africaine, président du Nigeria, M. Obasanjo, a rencontré plusieurs heures durant, à Abidjan, le président et le premier ministre de la République de Côte-d'Ivoire. Ces derniers ont appelé leurs compatriotes à se « retirer des rues » et à « reprendre le travail ». Peut-on y voir un signe d'apaisement ? Rien n'est moins sûr : en ce début d'après-midi, le calme n'est toujours pas revenu.
Mme Hélène Luc. Il faut tout de même l'espérer !
M. Robert Del Picchia. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir tout à l'heure afin d'envoyer, dit-on, « un message plus fort que les précédents ». Que peut-il décider ? Des mesures individuelles contre les responsables ? Personne ne le sait !
Madame la ministre, il est, à nos yeux, fondamental que la communauté internationale ne relâche pas sa pression diplomatique sur la Côte-d'Ivoire. Nous risquerions, sinon, de voir les violences de ces derniers jours s'étendre à tous les pays voisins, et peut-être au sud de l'Afrique.
En outre, les Français de l'étranger relèvent également de votre responsabilité. Or le mauvais scénario de l'année dernière semble se reproduire : nos compatriotes sont inquiets et restent cloîtrés chez eux, redoutant d'être la cible de nouvelles violences. Les écoles sont fermées, les vols d'Air France sont annulés, ce qui ajoute à l'inquiétude. Dans ces conditions, madame la ministre, toutes les dispositions sont-elles bien prises pour protéger les ressortissants français ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le sénateur, au regard de la situation en Côte-d'Ivoire, la France, comme l'ensemble de la communauté internationale, a un seul objectif : aider toutes les parties ivoiriennes à surmonter la très grave crise que traverse ce pays depuis plus de trois ans et permettre à la population ivoirienne de s'exprimer librement dans le cadre d'élections qui soient incontestables et organisées d'ici au 30 octobre 2006.
Dans cette période de transition, la France n'agit pas seule ; elle agit au sein de la communauté internationale, et ce de deux façons.
Elle agit tout d'abord à travers le dispositif Licorne, qui appuie les forces des Nations unies.
Elle agit ensuite au travers du Groupe de travail international qui a été créé par le Conseil de sécurité de l'ONU, au sein duquel je représente la France et dont la mission est de vérifier que le nouveau premier ministre, M. Charles Konan Banny, dispose bien de tous les pouvoirs qui lui ont été conférés par la résolution 1633 des Nations unies pour conduire le pays à des élections libres et démocratiques.
Tous les incidents, les manifestations et les provocations de ces derniers jours ne détournent pas de son objectif la communauté internationale, qui ne se laisse nullement intimider. Une déclaration très ferme du Conseil de sécurité de l'ONU est d'ailleurs actuellement en cours de préparation, qui fait état de sanctions individuelles et qui endosse les conclusions de la troisième réunion du GTI.
À ce sujet, monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, nous devons veiller en permanence à lutter contre la désinformation. Ainsi, le GTI n'a pas « dissous » l'Assemblée nationale ivoirienne ; il n'a fait qu'estimer, tout en recommandant que les anciens députés soient associés au processus de réconciliation nationale, que le mandat de ces derniers, expiré le 16 décembre 2005, n'avait pas à être prolongé.
Enfin, à la suite de la mission du président du Nigeria, M. Obasanjo, il semble que la tendance soit, en ce moment, à l'apaisement.
Nous restons néanmoins très préoccupés par cette situation. Nous sommes en contact permanent avec la communauté française. Nos compatriotes n'ont subi d'attaques ni contre leur personne ni contre leurs biens, mais nous restons extrêmement vigilants pour assurer leur sécurité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Devenir du porte-avions Clemenceau
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux anciens combattants et porte sur la saga du Clemenceau.
M. René-Pierre Signé. Saga, c'est le mot !
M. René-Pierre Signé. Quel voyage !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... en vue de son démantèlement, soulève un certain nombre de questions.
Sur le plan juridique, la convention de Bâle, qui interdit l'exportation des déchets dangereux et toxiques hors de l'OCDE, ne s'appliquerait pas au Clemenceau, considéré comme navire de guerre. Cela est très contestable : en effet, le navire a été désarmé en 1997 et appartient désormais au service des domaines de l'État.
Quelle différence entre l'amiante contenu dans un équipement quelconque et l'amiante présent dans la coque vide d'un bâtiment retiré du service actif ?
Sur le plan technique, n'était-il pas possible de désamianter quasi-totalement le navire avant son démantèlement ? Il semble que deux propositions aient été faites pour l'opération de désamiantage et que la solution dite « mineure » ait été retenue.
En réponse à M. le député Rudy Salles, Mme le ministre de la défense a indiqué qu'il restait 45 tonnes d'amiante dans le navire : n'était-il pas possible de les en retirer tout en assurant la flottabilité de la coque ?
Sur le plan moral, alors que le Clemenceau reste propriété de l'État français jusqu'à la fin de sa démolition et dans la mesure où l'on connaît les conditions de travail des ouvriers sur ces chantiers indiens, nous sommes fondés à nous demander si toutes les précautions ont été prises pour éviter une pollution du site et une contamination des travailleurs.
La commission d'information du Sénat sur l'amiante a formulé, dans la troisième partie de son rapport, de nombreuses propositions relatives au désamiantage, dont le but est de garantir la sécurité des travailleurs concernés et de mettre en place une filière assurant la traçabilité des déchets amiantés.
Il serait souhaitable que ses propositions s'appliquent aussi aux entreprises et chantiers étrangers passant un contrat avec l'État français.
Mme Hélène Luc. Le Clemenceau n'a qu'à revenir en France !
M. Jean-Pierre Godefroy. Une formation spécifique des ouvriers indiens a-t-elle été prévue dans le cadre du contrat ? Quelle assistance technique l'entreprise retenue apportera-t-elle au chantier ? Toutes les précautions de confinement, d'aspiration et de non-diffusion de l'amiante seront-elles prises ?
En effet, les 8 millions d'euros attendus de la vente de l'acier semblent difficilement compatibles avec une véritable prise en compte des mesures de protection.
De quels moyens de contrôle et de coercition dispose l'État français ? Que deviendra l'amiante résiduel ?
Par ailleurs, le passage du canal de Suez a nécessité un droit d'octroi de 1,3 million de dollars. Qui a payé cette somme substantielle ? Était-elle prévue ?
Enfin, quelles sont les intentions du Gouvernement français si la Cour suprême indienne confirme la décision prise le 6 janvier dernier par sa commission de contrôle des déchets toxiques ?
Il eût été souhaitable, monsieur le ministre, que l'on puisse épargner à ce navire prestigieux, autrefois fleuron de notre flotte et qui porte l'un des noms les plus glorieux de la République, une fin si pitoyable.
En tant que troisième orateur du groupe socialiste, apparentés et rattachés, j'espère obtenir de votre part, monsieur le ministre, une réponse un peu moins désinvolte que celle de M. Borloo à notre président de groupe et moins inutilement agressive que celle de M. Bas à Mme Alima Boumediene-Thiery. (Protestations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Monsieur le sénateur, Mme le ministre de la défense, en déplacement à l'Île Longue, où elle accompagne le Président de la République, m'a demandé d'apporter à la question que vous avez bien voulu poser les réponses suivantes.
Tout d'abord, nous devons nous féliciter de la coopération avec les autorités égyptiennes en vue du franchissement, par l'ex-Clemenceau, du canal de Suez.
M. René-Pierre Signé. En payant !
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Par ailleurs, il convient de préciser que, conformément à la loi, un matériel de guerre conserve cette qualification jusqu'à sa destruction totale. De ce fait, le Clemenceau n'entre pas dans les catégories visées par les conventions de Bâle.
M. René-Pierre Signé. Il pollue quand même !
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Par conséquent, il n'existe pas, par nature, d'interdiction d'emprunter le canal.
J'ajoute que cette qualification a été confortée par des décisions juridictionnelles, et je pense notamment au jugement en référé du tribunal administratif de Paris du 30 décembre 2005.
Monsieur le sénateur, comme le soulignent tous les observateurs attentifs, la Marine nationale est le premier armateur à avoir effectué un désamiantage préalable.
M. Roland Muzeau. Elle y a été contrainte !
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Celui-ci a été mené en France dans des conditions irréprochables. Il n'avait rien d'une opération « cosmétique » : il a duré un an; représentant 50 000 heures de travail. C'est ainsi que 115 tonnes d'amiante ont été retirées du navire, sur les 160 tonnes qu'il contenait.
Mme Hélène Luc. Donc, il en reste tout de même 45 !
M. Paul Raoult. Il fallait tout enlever !
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Les 45 tonnes restantes représentent 0,2 % du poids du bâtiment.
Aller plus loin dans le désamiantage, comme vous le suggériez, monsieur le sénateur, aurait rendu impossible le remorquage du navire.
En Inde, le ministère de la défense a choisi un chantier de démantèlement de qualité. Il sera suivi tout au long du processus par une société française compétente pour contrôler cette qualité.
M. Paul Raoult. Ce n'est pas ce que l'on a vu à la télé !
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. À cette précaution s'ajoute la présence d'un expert indépendant et de cinq ingénieurs indiens, formés en France.
Enfin, un ensemble de matériels de protection individuelle et collective sera expédié en Inde avant l'arrivée du navire.
Mme Hélène Luc. Il est toujours bloqué à Port Saïd !
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Monsieur le sénateur, nous attendons sereinement le jugement de la Cour suprême indienne. Nous lui transmettons l'ensemble des documents et des informations qu'elle nous demande.
Telles sont les précisions que je suis en mesure de vous communiquer sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Plan national de lutte contre la grippe aviaire
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.
L'extension en Asie de l'épizootie de grippe aviaire due au virus H5N1 et sa progression en Europe centrale et en Turquie inquiètent nos compatriotes.
En octobre 2005, le Sénat, sur l'initiative de la commission des affaires sociales, avait organisé un débat sur cette question de santé publique. Vous nous aviez alors informés, monsieur le ministre, de l'existence du plan gouvernemental pour prévenir une pandémie et y faire éventuellement face.
La situation a évolué depuis, même s'il n'est toujours pas question de contamination interhumaine.
Aux quatre-vingts décès déclarés en Extrême-Orient, s'ajoutent en Turquie une vingtaine de cas de transmission du virus à l'homme, dont plusieurs mortels.
M. Jean-Pierre Michel. Pas de catastrophisme !
M. Francis Giraud. Les représentants de plus d'une centaine de pays et d'organisations internationales viennent de se réunir à Pékin pour financer un programme mondial de détection et de réaction rapide en cas de pandémie.
Vous-même, monsieur le ministre, avez récemment présenté une actualisation du plan élaboré par le Gouvernement.
Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les priorités qui ont été fixées et les nouvelles mesures qui ont été prévues ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Giraud, je crois utile de rappeler que, s'agissant de la grippe aviaire, il convient de distinguer trois niveaux : l'épizootie qui touche les oiseaux, notamment les volailles ; la transmission du virus de l'oiseau à l'homme, qui a été constatée en Asie du Sud-est et en Turquie ; enfin, la transmission de l'homme à l'homme, qui n'a été constatée nulle part sur la planète. Il est néanmoins important de préparer au mieux notre nation à un tel risque ; c'est, au demeurant, notre responsabilité.
Le plan de préparation du Gouvernement français face à au risque de grippe aviaire a été mis en place pour la première fois en octobre 2004, et nous avons le souci de l'actualiser et de l'améliorer en permanence.
J'ai présenté, la semaine dernière, la première version de l'actualisation de ce plan et le Premier ministre, Dominique de Villepin, a souhaité que nous en accélérions la finalisation, avec ce que l'on appelle les « annexes », c'est-à-dire les fiches opérationnelles.
Le premier impératif est de nous doter de moyens de protection en nombre suffisant : des masques, des médicaments, en l'occurrence des antiviraux. La France fait partie de ces rares pays à avoir retenu deux types de produits : le Tamiflu et le Relenza.
De plus, nous avons d'ores et déjà réservé, au cas où nous devrions faire face à une pandémie, 40 millions de vaccins.
M. René-Pierre Signé. Et les surinfections ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est au moins aussi important de déterminer avec précision le rôle de chacun en cas de pandémie.
À cet égard, il nous faut agir au plus près du terrain en vue de mobiliser tous les acteurs, au premier rang desquels les professionnels de santé : qu'ils soient hospitaliers ou libéraux, qu'ils soient médecins ou paramédicaux, nous avons besoin de toutes et tous. Voilà pourquoi, depuis quelques jours, je rencontre les professionnels de santé à l'échelon des régions - je le ferai également à celui des départements -, après avoir travaillé pendant des semaines avec leurs représentants nationaux.
Il est un autre aspect essentiel : la solidarité internationale. En effet, il nous faut aujourd'hui aider les pays qui sont en première ligne face à la grippe aviaire. Du reste, savoir ce qui s'y passe est également un moyen de mieux nous protéger nous-mêmes, au cas où le virus passerait de l'homme à l'homme.
M. René-Pierre Signé. Cela va arriver !
M. Xavier Bertrand, ministre. Enfin, je voudrais souligner l'importance de la communication : nous devons dire précisément ce que nous savons, comment nous organisons notre préparation et comment nous entendons la poursuivre.
C'est dans cet esprit que nous continuerons à travailler dans la plus grande transparence pour préparer au mieux notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mesures du Gouvernement concernant l'emploi
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances.
Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre, Dominique de Villepin, s'est engagé à gagner « la bataille de l'emploi ».
M. René-Pierre Signé. Une bataille qu'il a perdue !
M. Rémy Pointereau. Pour relever ce défi, il a mis en oeuvre un plan d'urgence, qui repose sur une philosophie claire : affecter nos moyens à tous ceux qui en ont un besoin réel et immédiat ; agir sur de vrais blocages, dans un esprit d'efficacité et de justice.
Aujourd'hui, que constatons-nous ?
M. Jacques Mahéas. Que c'est raté !
M. Francis Giraud. Le chômage a reculé pour le huitième mois consécutif. Le taux de chômage en ce début d'année s'établit ainsi à 9,6 %, ce qui est une bonne nouvelle pour notre pays, avec, malheureusement, des disparités entre les territoires.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Rémy Pointereau. Le Gouvernement, qui a fait de la lutte contre le chômage une priorité, devrait recueillir ainsi les fruits de son action.
La politique qui est menée avec détermination agit structurellement sur les freins à l'emploi, et toutes les mesures prises dans le cadre du plan de cohésion sociale et du plan d'urgence pour l'emploi concourent à la décrue du chômage.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Roland Muzeau. Ce sont les radiations !
M. Rémy Pointereau. Je pense à la formation professionnelle par l'apprentissage, à l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, au contrat nouvelle embauche ou au chèque destiné à faciliter l'embauche dans les très petites entreprises.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est plus une question, c'est une conférence ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. C'est la brosse à reluire et ce n'est pas reluisant !
M. Rémy Pointereau. Pour autant, des difficultés demeurent. Au moment où je vous parle, certains bassins d'emploi continuent à subir des coups durs, avec des licenciements massifs.
Ainsi, le Pays de Vierzon, dans le département du Cher, où le taux de chômage se situe encore à plus de 12 %, est à nouveau lourdement frappé par l'annonce, hier, de 165 licenciements dans l'entreprise Timken, sous-traitant automobile.
Cette annonce arrive après la fermeture de Matra, Case et Fulmen.
M. Raymond Courrière. Et Seb ?
M. Rémy Pointereau. Il faut donc effectivement que notre pays consacre toute son énergie à combattre le chômage, non seulement dans les territoires les plus touchés, mais également auprès des populations les plus fragilisées sur le marché de l'emploi, à savoir les jeunes et les seniors.
M. Jacques Mahéas. C'est de l'autopersuasion !
M. René-Pierre Signé. Il récite sa leçon !
M. Rémy Pointereau. En effet, près d'un quart des jeunes est au chômage et il leur faut presque dix ans pour occuper leur premier emploi stable.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Giraud.
M. Rémy Pointereau. De même, trop souvent considérés comme moins productifs, les seniors sont mis à l'écart et se retrouvent dans une situation précaire d'où ils ont les pires difficultés à sortir.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est trop long !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle est la question ?
M. le président. Veuillez conclure !
M. Rémy Pointereau. Lundi dernier, le Premier ministre a annoncé la deuxième étape du plan pour l'emploi, qui concerne plus spécifiquement ces publics.
M. Roland Muzeau. C'est votre politique qui les met dehors !
M. Rémy Pointereau. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous détailler les principales mesures que vous entendez arrêter, vos priorités, ainsi que le calendrier de leur mise en oeuvre ?
D'autre part, concernant le bassin d'emploi du Pays de Vierzon, pouvez-vous nous assurer de votre soutien par des mesures exceptionnelles lui permettant de faire face aux nouvelles difficultés qu'il rencontre ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Comme vous l'avez justement souligné, monsieur le sénateur, la bataille pour l'emploi demeure la priorité du gouvernement de Dominique de Villepin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Le Premier ministre ne se satisfait pas de la baisse continue du chômage depuis plus de huit mois,...
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas vrai !
M. Azouz Begag, ministre délégué. ...comme il l'a rappelé lundi lors de son intervention, et nous a demandé d'accentuer notre effort en faveur de l'emploi des jeunes.
Avec un taux de chômage de 23 %, une entrée sur le marché du travail composée d'une succession de périodes de stage, de CDD et de chômage non indemnisé,...
M. René-Pierre Signé. Alors, qu'a fait M. Raffarin ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. ...la situation de précarité des jeunes est inacceptable. Pour ces jeunes, comme pour leurs parents, la précarité de l'emploi est également une source de précarité en termes de logement, de santé, de vie familiale.
M. Didier Boulaud. La succession de Raffarin est difficile, nous le reconnaissons !
M. Azouz Begag, ministre délégué. La bataille pour l'emploi est celle de l'avenir de nos jeunes. À une période charnière pour la démographie de notre pays, nous devons rompre avec la précarisation de l'entrée sur le marché du travail : il y va de l'honneur de notre pays ; il y va de l'égalité des chances, qui doit être une réalité pour tous, y compris pour les jeunes.
M. Didier Boulaud. Baratin !
M. Azouz Begag, ministre délégué. Pour cela, nous proposons de construire un véritable parcours d'embauche conduisant plus rapidement à un emploi stable.
Les grandes entreprises auront pour objectif d'accueillir dans leurs effectifs 3 % de jeunes en formation par alternance. Une charte des stages définira des pratiques plus justes pour l'accueil des stagiaires en entreprise. Les stages seront véritablement intégrés dans les cursus universitaires et tous ceux dont la durée excédera trois mois seront indemnisés.
Le « contrat première embauche » sera un véritable outil de lutte contre la précarité ; il permettra aux jeunes d'intégrer le monde du travail en CDI, avec une période de consolidation aux droits renforcés.
M. René-Pierre Signé. On verra les résultats !
M. Azouz Begag, ministre délégué. Enfin, les entreprises qui recruteront en CDI d'ici à la fin de l'année l'un des 240 000 jeunes inscrits depuis plus de six mois au chômage bénéficieront d'une exonération de charges.
M. Didier Boulaud. Il faudra qu'ils soient au moins six mois au chômage s'ils veulent avoir du boulot !
M. Azouz Begag, ministre délégué. Outre le combat que nous menons pour l'emploi et contre la précarité des jeunes,...
M. Paul Raoult. Personne n'y croit !
M. Azouz Begag, ministre délégué. ...le Premier ministre a demandé à Gérard Larcher de présenter, dès le mois de février, un plan national d'action concertée avec les partenaires sociaux pour l'emploi des seniors. Dès 2006, 10 millions d'euros y seront consacrés.
M. René-Pierre Signé. C'est pour préparer les présidentielles !
M. Azouz Begag, ministre délégué. Les partenaires sociaux vont être réunis de nouveau le 1er février pour poursuivre la concertation.
M. Jacques Mahéas. Les jeunes ont tous rendez-vous à l'ANPE !
M. Azouz Begag, ministre délégué. D'ores et déjà, les échanges ont été constructifs et nous partageons les mêmes objectifs.
Enfin, pour répondre à votre question concernant le bassin d'emploi du pays de Vierzon (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), je peux vous indiquer que la direction de l'entreprise Timken a annoncé hier aux 358 salariés du site le licenciement de 122 d'entre eux, ainsi que le transfert de 17 postes dans son usine de Colmar. La première réunion officielle du comité d'entreprise devrait avoir lieu le 26 janvier 2006.
Le Gouvernement sera très attentif aux mesures d'accompagnement social proposées par la direction de Timken aux salariés touchés par la réorganisation. Il sera également vigilant sur le respect, par cette entreprise, des obligations de revitalisation du bassin d'emploi de Vierzon.
En ce qui concerne l'automobile, le Gouvernement est soucieux de préserver et de développer ce secteur industriel majeur, qui emploie directement 311 000 personnes en France. Ainsi, six pôles de compétitivité portant sur l'automobile ont été labellisés au mois de juillet 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.