PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Dans la suite de la discussion des articles, nous allons à présent aborder l'examen des articles additionnels après l'article 4, qui ont été précédemment réservés.
Articles additionnels après l'article 4 (précédemment réservés)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A.- Après l'article 1528 du code général des impôts, il est inséré un article 1529 ainsi rédigé :
« Art. 1529.- I.- Sauf délibération contraire du conseil municipal, il est institué au profit des communes une taxe forfaitaire sur la cession à titre onéreux de terrains nus qui ont été rendus constructibles du fait de leur classement par un plan local d'urbanisme dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ouverte à l'urbanisation ou par une carte communale dans une zone constructible.
« II.- La taxe s'applique aux cessions réalisées par les personnes physiques et les sociétés et groupements, soumis à l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value dans les conditions prévues à l'article 150 U, et par les contribuables qui ne sont pas fiscalement domiciliés en France, assujettis à l'impôt sur le revenu, soumis au prélèvement dans les conditions prévues à l'article 244 bis A.
« Elle ne s'applique pas aux cessions mentionnées aux 3° à 7° du II de l'article 150 U.
« Elle ne s'applique pas aux cessions portant sur des terrains qui sont classés en terrains constructibles depuis plus de dix-huit ans.
« III.- La taxe est assise sur un montant égal aux deux tiers du prix de cession du terrain, défini à l'article 150 VA.
« La taxe est égale à 10 % de ce montant. Elle est exigible lors de la première cession à titre onéreux du terrain intervenue après son classement en terrain constructible. Elle est due par le cédant.
« IV.- Une déclaration, conforme à un modèle établi par l'administration, retrace les éléments servant à la liquidation de la taxe. Elle est déposée dans les conditions prévues aux 1° et 3° du I et au II de l'article 150 VG.
« Lorsque la cession est exonérée en application du deuxième ou du troisième alinéa du II, aucune déclaration ne doit être déposée. L'acte de cession soumis à la formalité fusionnée ou présenté à l'enregistrement précise, sous peine de refus de dépôt ou de la formalité d'enregistrement, la nature et le fondement de cette exonération ou de cette absence de taxation. Les dispositions des deuxième et troisième alinéas du III de l'article 150 VG sont applicables.
« V.- La taxe est versée lors du dépôt de la déclaration prévue au IV. Les dispositions des I et II de l'article 150 VF, du second alinéa du I et des II et III de l'article 150 VH et de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 244 bis A sont applicables.
« VI.- La délibération prévue au I est notifiée aux services fiscaux au plus tard le premier jour du deuxième mois qui suit cette délibération. »
B.- Le II de l'article 1379 de code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Taxe forfaitaire sur les terrains devenus constructibles. »
C.- Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. Ce décret précise notamment les obligations incombant aux cédants.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement repose sur une conviction : les objectifs ambitieux que nous nous fixons pour sortir de la crise du logement ne pourront être atteints sans l'adhésion et la mobilisation des élus locaux, notamment des maires.
Ces derniers ont en effet, à travers la maîtrise du droit des sols et le financement des équipements publics, un rôle majeur à jouer. Le dispositif que nous proposons vise ainsi à leur offrir un outil, qu'ils seront absolument libres d'utiliser ou non, afin que leur soit apporté un soutien financier lorsqu'ils décident de construire.
Nos débats d'hier soir l'ont encore montré, certains maires ne sont pas, à l'heure actuelle, suffisamment soutenus dans leurs démarches, notamment sur le plan financier ; notre collègue Daniel Dubois le rappelait à juste titre en commission.
Lorsqu'ils veulent construire de nouveaux logements, ces maires se heurtent à des obstacles de taille, en particulier pour ce qui concerne les équipements.
Cet amendement repose également sur un constat simple : le classement d'un terrain en zone constructible permet au propriétaire de réaliser une plus-value très importante, que la commune contribue très largement, sinon totalement, à créer du fait de sa décision.
Notre ancien collègue Gérard Larcher évoquait à ce propos, dans un rapport de 1998 sur les espaces périurbains, des « profits tombés du ciel ». En fait, ces profits résultaient tout simplement des investissements réalisés par les communes, notamment en équipements primaires, afin de rendre les terrains constructibles.
La France est quasiment le seul pays en Europe où les vendeurs perçoivent la totalité des plus-values ; un de nos collègues a cité, à ce sujet, l'analyse du professeur Mouillard. Aux Pays-Bas, par exemple, lorsqu'un terrain est déclaré constructible, la commune l'achète à un prix limité à deux ou trois fois la valeur de la terre agricole, ce qui revient pour elle à récupérer environ 85 % de la plus-value. En Allemagne, après la décision de classement du terrain, le vendeur rétrocède un tiers de la plus-value à la commune.
Nous n'avons pas, mes chers collègues, l'intention de mettre en place un tel système, car ce serait méconnaître la spécificité de notre histoire. Nous proposons simplement que les communes qui le souhaitent, et uniquement celles-là, puissent récupérer une petite partie - environ 6 % du prix de cession - de la plus-value réalisée lors de la première cession du terrain après son classement, et uniquement à ce moment-là.
Nous avons très longuement interrogé sur ce sujet l'ensemble des personnes que nous avons rencontrées, d'abord au sein du groupe de travail « foncier et logement », puis lors de la préparation du présent projet de loi.
Nous avons consulté par écrit de nombreux élus : les maires des communes les plus importantes, les présidents d'unions départementales de maires, les présidents d'EPCI. Plus de 70 % d'entre eux ont estimé opportune et souhaitable l'instauration d'un tel dispositif.
La délégation de l'Association des maires de France, que Pierre Jarlier et moi-même avons reçue lors de l'étude du présent texte, nous a également fait part de son accord sur une telle proposition.
De nombreux maires réclament une mesure de ce type, qui les aiderait à urbaniser leur commune.
Par ailleurs, nous avons auditionné les professionnels du secteur. Eux aussi considèrent que le dispositif envisagé serait un outil essentiel pour les maires, qui leur permettrait de mettre en oeuvre de nouveaux projets de construction.
Enfin, les représentants de l'Union nationale de la propriété immobilière, l'UNPI, nous ont indiqué qu'ils étaient également favorables à un tel dispositif, qui serait en outre source de simplification et de clarification des relations, à l'échelon local, entre les maires et les acteurs de la construction.
À l'issue de ce travail de maturation et de concertation, il restait à élaborer un dispositif, entreprise dont chacun mesurait la difficulté. La suite ne nous a pas donné tort ! L'adoption de notre amendement en commission, la semaine dernière, a permis d'enclencher d'intenses échanges avec les ministères compétents et de faire avancer la réflexion, puis de résoudre, une à une, les difficultés soulevées.
En concertation avec M. Jean-Louis Borloo, que je tiens ici à remercier très vivement pour son engagement personnel sur ce sujet, et en liaison avec le ministère des finances et le ministère de l'équipement, nous avons cherché à élaborer un dispositif simple, économe dans sa mise en oeuvre, lisible pour les maires et compréhensible pour les administrés.
L'amendement qui vous est soumis est le résultat de ce long et difficile processus. Il vise à donner aux maires bâtisseurs un nouvel outil, qui leur permettra, s'ils le souhaitent, de capter une petite part de la plus-value résultant de l'ouverture à l'urbanisation des terrains.
M. le président. Le sous-amendement n° 280 rectifié bis, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 46 rectifié pour l'article L. 331-1 du code de l'urbanisme, après les mots :
au profit des communes
insérer les mots :
ou des intercommunalités qui ont compétence en matière d'urbanisme
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, je me vois confronté à un problème lié à l'organisation de nos travaux. En effet, j'avais déposé, dans les délais impartis, un amendement qui traitait du même thème que l'amendement de la commission dans sa version initiale, ainsi que quatre sous-amendements « s'accrochant » à celui-ci.
Or j'ai constaté, en consultant le dérouleur, que mon amendement avait disparu, de même que trois de mes sous-amendements, puisque l'amendement n° 46 rectifié n'a plus rien à voir avec l'amendement n° 46 initial.
Je le dis d'emblée, je souhaite que nos travaux aient sur une issue positive et je ne veux pas polémiquer sur cette question de méthode. Il n'en demeure pas moins que je me trouve confronté à une grande difficulté.
Franchement, monsieur le président, vu la façon dont ce débat est organisé, j'ai le sentiment de ne pas être un sénateur à part entière.
M. le président. Monsieur Delfau, s'agissant de votre amendement n° 286 rectifié bis, il figure sur le dérouleur. (Après avoir consulté attentivement le dérouleur, M. Gérard Delfau en convient.)
Votre tristesse est donc dissipée.
M. Gérard Delfau. Atténuée !
M. le président. Seulement atténuée ? Alors, je vais la dissiper totalement.
Trois des sous-amendements que vous aviez déposés ne pouvaient plus s'appliquer à l'amendement n° 46 rectifié. Seul le pouvait le sous-amendement n° 280 rectifié bis, celui que, précisément, je vous ai invité à présenter.
Toutefois, si vous considérez que l'amendement n° 46 rectifié ne justifie plus ce sous-amendement, vous pouvez le retirer, monsieur Delfau !
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, il m'est très difficile d'expliquer la philosophie de l'amendement et des sous-amendements que j'ai déposés, avec les membres du groupe du RDSE, dans la mesure où le contenu de l'amendement phare qui les justifiait a changé du tout au tout au cours d'une folle nuit. Je voulais qu'il soit donné acte de cette situation inédite.
Désireux de faire avancer nos débats, je vais néanmoins me plier à la procédure qui m'est imposée, avec la crainte toutefois de ne jamais pouvoir exposer l'esprit et la philosophie de mon amendement.
M. le président. Monsieur Delfau, je vous répète que vous pourrez présenter l'amendement n° 286 rectifié bis tout à l'heure !
Quant aux sous-amendements que vous évoquez, certains d'entre eux, en effet, ne sont plus compatibles avec la nouvelle rédaction de l'amendement n° 46. Celui-ci a été rectifié en commission : il n'y a là rien d'anormal.
Veuillez poursuivre, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau. Le sous-amendement n° 280 rectifié bis porte sur l'affectation des sommes prélevées sur les plus-values foncières. Je ne me prononcerai pas pour l'instant sur les modalités de ce prélèvement, le débat étant en cours et l'amendement n° 46 rectifié étant l'un des éléments de ce débat.
Un certain nombre d'intercommunalités ont souhaité que leur soit transférée la compétence en matière d'urbanisme. Dans ce cas, le produit du prélèvement concerné - j'emploie volontairement un mot neutre - devrait leur être versé, plutôt qu'à la commune.
M. le président. Le sous-amendement n° 369 rectifié, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après la première phrase du deuxième alinéa du III du texte proposé par l'amendement n° 46 rectifié pour l'article 1529 du code général des impôts, insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce taux peut être porté à 30 % par délibération du conseil municipal.
La parole est à M. André Vézinhet.
M. André Vézinhet. La commission des affaires économiques propose de fixer à 10 % le taux de la taxe assise sur les deux tiers du prix de cession des terrains constructibles.
Sans nier l'avancée que constituerait l'instauration d'un tel mécanisme - elle est évidente -, nous souhaitons que les communes soient autorisées, par simple délibération du conseil municipal, à fixer ce taux à 30 %.
En effet, dans certains départements, des terrains sont déclarés constructibles en très grand nombre. J'ai déjà mentionné hier l'exemple du département de l'Hérault- on ne parle bien que de ce que l'on connaît ! - qui, chaque mois, compte 1 500 nouveaux habitants.
Les terrains rendus constructibles deviennent, pour leurs propriétaires, un moyen de capitaliser des sommes très importantes. Or la commune passe souvent, comme l'on dit, « devant le miroir » ! La disposition que tend à introduire le présent sous-amendement serait donc pertinente en bien des points du territoire.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 131 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 346 est présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Il est rétabli, au début du titre III du livre III du code de l'urbanisme, un chapitre premier ainsi rédigé :
« Chapitre 1er - Prélèvement sur la plus-value réalisée lors de la cession de terrains rendus constructibles
« Art. L. 331-1. - Il est institué au profit des communes un prélèvement sur les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de terrains, bâtis ou non bâtis, situés en dehors des parties urbanisées de la commune, qui ont été rendus constructibles du fait de leur classement par un plan local d'urbanisme dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ouverte à l'urbanisation ou par une carte communale dans une zone constructible et qui sont aliénés après l'intervention de l'acte ayant approuvé, modifié ou révisé le document d'urbanisme et ayant eu pour effet de les classer dans les zones mentionnées ci-dessus.
« Ce prélèvement, dont la perception est confiée au service des impôts, est fixé à 20 % de la plus-value réalisée. Celle-ci est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant.
« Le prélèvement est dû par le propriétaire d'un terrain constructible situé dans les secteurs visés au premier alinéa à l'occasion de l'aliénation du terrain. Il est exigible sous forme de contribution financière ou, en accord avec le propriétaire du terrain, sous forme d'apports de terrains. Dans ce cas, la valeur des terrains apportée est fixée, à défaut d'accord amiable, par la juridiction compétente en matière d'expropriation.
« Le produit de ce prélèvement est affecté à la section d'investissement du budget de la commune.
« Le prélèvement acquitté est déduit des participations prévues aux articles L. 311-4, L. 332-9 et L. 332-11-1. Il est également déduit du montant de la taxation des plus-values immobilières exigibles au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés.
« Art. L. 331-2. - le prélèvement n'est pas dû :
« 1° En cas de cession d'un terrain sur lequel le cédant a édifié une construction pour lui-même ;
« 2° En cas de cession d'un terrain en vue de la réalisation d'une construction pour lui-même d'un ascendant ou d'un descendant direct du cédant ; toutefois, en cas de revente du terrain avant construction ou de revente, dans un délai de neuf ans à compter de la cession, du terrain portant la construction, le prélèvement est exigible à l'occasion de la nouvelle cession ;
« 3° En cas de cession, avant le 31 décembre 2007, à un organisme d'habitations à loyer modéré, à une société d'économie mixte gérant des logements sociaux ou à un organisme mentionné à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation.
« Art. L. 331-3. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent chapitre. »
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Récupérer une partie de la plus-value réalisée par le propriétaire d'un terrain rendu constructible par un document d'urbanisme peut s'avérer très utile pour les communes, car, compte tenu de la grave crise du logement que nous connaissons, les collectivités locales sont appelées à consentir des efforts importants pour construire de nouveaux logements. C'est une nécessité. Les collectivités locales doivent donc être encouragées.
Cette disposition est d'autant plus justifiée qu'elle a déjà été mise en oeuvre dans plusieurs pays d'Europe, où elle a d'ailleurs déjà fait la preuve de son efficacité.
La commission des lois s'est donc associée à la commission des affaires économiques pour soutenir cette proposition. Néanmoins, la mise en oeuvre d'une telle mesure est complexe et nécessite de nombreux ajustements, qui ont fait l'objet d'une analyse en commission des affaires économiques, hier et ce matin.
Aussi, pour simplifier notre débat, je retire l'amendement n° 131 au bénéfice de celui de la commission des affaires économiques, que M. le rapporteur vient de nous présenter de façon très détaillée. Il est en effet à la fois plus simple à mettre en oeuvre et plus compatible avec le système fiscal existant, notamment en matière de plus-values.
M. le président. L'amendement n° 131 est retiré.
La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° 346.
M. Thierry Repentin. Cet amendement vise à mettre en place un système de partage de la plus-value engendrée par l'urbanisation d'un terrain entre le propriétaire et la collectivité locale, c'est-à-dire la commune.
En effet, ce sont bien souvent les communes et elles seules qui contribuent, par leurs décisions d'urbanisme - c'est-à-dire l'adoption des plans locaux d'urbanisme - et par les équipements qu'elles installent, à ajouter de la valeur aux terrains auparavant classés en zone non constructible.
En conséquence, il n'est pas illogique que la richesse liée à des décisions et à des investissements publics puisse, lorsqu'elle est réalisée à travers une cession, être partagée entre le propriétaire et la collectivité.
Le dispositif proposé à travers cet amendement prévoit que le conseil municipal fixe le niveau de la participation à laquelle sont soumis les propriétaires lorsque leurs terrains sont rendus constructibles, sans que cette participation puisse être supérieure à un tiers de la différence existant entre la valeur vénale des terrains lors de leur aliénation et la valeur vénale établie dans l'année précédant la décision de leur classement en zone constructible.
Cette participation serait exigée à l'occasion de l'aliénation, à titre onéreux, d'un terrain constructible, sous forme de contribution ou - pourquoi pas ? -, en accord avec le propriétaire, sous forme d'apports de terrains.
L'idée a été maintes fois avancée. Elle est opérationnelle dans plusieurs pays européens et relève, me semble-t-il, du bon sens. Elle a recueilli l'assentiment des associations d'élus, comme le rapporteur l'a d'ailleurs souligné.
J'ajoute que, à l'issue de la réflexion qui a été menée dans le cadre d'une mission conduite par la Haute Assemblée et dont j'ai l'honneur d'avoir été le rapporteur, le groupe de travail a souhaité recueillir l'avis des élus de France sur cette proposition.
Les réponses au questionnaire qui a été soumis à tous les maires de villes de plus de 10 000 habitants, aux présidents de conseils généraux et aux présidents d'associations départementales de maires sont assez convaincantes : 71 % des élus demandent l'application d'un tel dispositif.
Que celui-ci puisse être adopté durant le congrès des maires de France et par l'assemblée représentant les collectivités locales ne lui donnera que plus de relief et de légitimité.
Par rapport à la proposition de la commission des affaires économiques, maintenant rejointe par la commission des lois, je dirai que la nôtre est moins « homéopathique ».
M. le président. L'amendement n° 286 rectifié bis, présenté par MM. Delfau, Fortassin et A. Boyer, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est rétabli, au début du titre III du livre III du code de l'urbanisme, un chapitre premier ainsi rédigé :
« Chapitre 1er. Prélèvement sur la plus-value réalisée lors de la cession de terrains rendus constructibles.
« Art. L. 331-1 - Il est institué au profit des communes ou des intercommunalités qui ont compétence en matière d'urbanisme un prélèvement sur les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de terrains, bâtis ou non bâtis, situés en dehors des parties urbanisées de la commune, qui ont été rendus constructibles du fait de leur classement par un plan local d'urbanisme dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ouverte à l'urbanisation ou par une carte communale dans une zone constructible et qui sont aliénés après l'intervention de l'acte ayant approuvé, modifié ou révisé le document d'urbanisme et ayant eu pour effet de les classer dans les zones mentionnées ci-dessus.
« Ce prélèvement, dont la perception est confiée au service des impôts, est fixé à un tiers de la plus-value réalisée. Celle-ci est égale à la différence entre le prix de cession et la valeur vénale moyenne sur les dix dernières années, établie par les services de l'État compétents dans l'année précédant la décision de classement dans les zones mentionnées dans l'alinéa précédent.
« Le prélèvement est dû par le propriétaire d'un terrain constructible situé dans les secteurs visés au premier alinéa à l'occasion de l'aliénation du terrain. Il est exigible sous forme de contribution financière ou, en accord avec le propriétaire, sous forme d'apports de terrains. Dans ce cas, la valeur des terrains apportés est fixée, à défaut d'accord amiable, par la juridiction compétente en matière d'expropriation.
« Le produit de ce prélèvement est affecté à la section d'investissement du budget de la commune.
« Le prélèvement acquitté est déduit des participations prévues aux articles L. 311-4, L. 332-9 et L. 332-11-1. Il est également déduit du montant de la taxation des plus-values immobilières exigible au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés.
« Art. L. 331-2 - Le prélèvement n'est pas dû :
« 1° En cas de cession d'un terrain sur lequel le cédant a édifié une construction pour lui-même constituant sa résidence principale ; toutefois, en cas de revente du terrain dans un délai de dix ans à compter de l'achèvement de la construction, le prélèvement est exigible lors de la cession ;
« 2° En cas de cession d'un terrain en vue de la réalisation d'une construction pour lui-même d'un ascendant ou d'un descendant direct du cédant ; toutefois, en cas de revente du terrain avant construction ou de revente, dans un délai de neuf ans à compter de la cession, du terrain portant la construction, le prélèvement est exigible à l'occasion de la nouvelle cession ;
« 3° En cas de cession, avant le 31 décembre 2007, à un organisme d'habitations à loyer modéré, à une société d'économie mixte gérant des logements sociaux ou à un organisme mentionné à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation.
« Art. L. 331-3 - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent chapitre. »
II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Je ne reprendrai pas l'argumentation qui a déjà été développée tout à l'heure par M. le rapporteur.
Il y a manifestement, pour partie, un enrichissement sans cause quand un terrain à vocation agricole est classé en zone constructible et que le propriétaire et le promoteur privé, qui sont d'ailleurs parfois une seule et même personne, se partagent une plus-value qui peut aller, dans ma commune, située à vingt-cinq kilomètres de Montpellier, de 1 à 45, dans la grande ville voisine de 1 à 100, 150 ou 200, et, dans la capitale, me dit-on, de 1 à 300.
Bref, du point de vue de la morale publique, j'ose le dire, mais aussi en termes d'efficacité économique, qui est l'un des objets de ce projet de loi, il y a manifestement une situation à laquelle il faut remédier.
Il faut évidemment casser cet emballement sans fin des prix du foncier. Sinon, il ne sera plus possible, quelles que soient les aides de l'État, la bonne volonté des élus ou la qualité des plans locaux d'urbanisme, d'acquérir du foncier à un prix abordable en vue de la construction de logements destinés à l'ensemble de la population. C'est très exactement le problème que nous avons à résoudre.
Autre constat : cet enrichissement sans cause est évidemment subordonné au financement d'équipements publics, mais aussi de services de proximité, par la collectivité territoriale et donc par les autres contribuables.
Mes chers collègues, vous rendez-vous vraiment compte que, dans cet engrenage, dans ce mécanisme de spéculation, ce sont forcément les contribuables les plus pauvres qui versent une rente aux contribuables les plus riches, en tout cas devenus riches par le hasard d'une urbanisation ou d'une évolution démographique ? C'est à cela qu'il faut mettre un terme.
L'amendement n° 286 rectifié bis reprend les grandes lignes de l'amendement initial de la commission, mais s'en distingue de trois façons.
Tout d'abord, l'affectation de la ressource peut varier - nous l'avons vu dans le sous-amendement 283 rectifié bis - selon que la compétence d'urbanisme est attribuée à la commune ou à l'intercommunalité.
Ensuite, et c'est un élément évidemment beaucoup plus significatif, nous proposons de porter à un tiers le prélèvement sur la plus-value, pour l'affecter à la section d'investissement de la collectivité territoriale. On répond ainsi aux besoins de financement des équipements publics.
Enfin, une autre disposition de cet amendement permet d'éviter tout détournement. En effet, dans la mesure où cet amendement prévoit que le prélèvement n'est pas exigible dans le cas de création d'une résidence principale, nous craignons que, faute des précautions nécessaires, certaines personnes ne créent, réellement ou fictivement, une résidence principale pour la revendre aussitôt, afin de s'exonérer de cette fiscalité.
Tels sont les éléments essentiels de cet amendement.
J'exprime de nouveau ma tristesse, non plus cette fois à propos de la méthode, mais par rapport au recul manifeste que marque l'amendement rectifié de la commission des affaires économiques par rapport à sa version initiale.
En même temps, je le répète, il me paraît absolument nécessaire, ce soir, de trouver une solution. Nous devons donner un signal, nous devons enclencher une autre façon d'appréhender le problème de la spéculation foncière Le groupe du RDSE est donc très disposé à exprimer un vote positif, même s'il tient à souligner, à chaque étape, qu'il souhaite aller plus loin, plus fort et plus vite.
M. le président. L'amendement n° 186 rectifié, présenté par M. Fortassin, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est rétabli, au début du titre III du livre III du code de l'urbanisme, un chapitre premier ainsi rédigé :
« Chapitre 1er : le prélèvement sur la plus-value réalisée lors de la cession de terrains constructibles
« Art. L. 331-1 - Il est institué au profit des communes un prélèvement sur les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de terrains constructibles, bâtis ou non bâtis, situés dans les zones urbaines délimitées par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé conformément au code de l'urbanisme, sur délibération du conseil municipal prise dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 1639 A bis du code général des impôts.
« Ce prélèvement, dont la perception est confiée au service des impôts, est fixé à 40 % de la plus-value réalisée. Celle-ci est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant.
« Il est dû par le propriétaire d'un terrain constructible situé dans les secteurs visés au premier alinéa à l'occasion de l'aliénation du terrain. Les fonds prélevés sont collectés et distribués au sein de chaque pays ou au plan départemental pour les communes n'appartenant à aucun pays.
« Le produit de ce prélèvement est affecté à la section d'investissement de la commune. Il est destiné au logement social et à l'amélioration du cadre de vie des habitants demeurant dans ces logements sociaux.
« Art. L. 331-2 : Le prélèvement n'est pas exigible en cas d'aliénation de terrains propriétés de l'Etat, de collectivités locales ou de leurs établissements publics. »
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Mon objectif est essentiellement d'ouvrir le débat.
Je rejoins mon collègue Gérard Delfau lorsqu'il parle d'« enrichissement sans cause ».
Un terrain agricole ou à vocation d'espace vert vaut, à quelques exceptions près - on pense évidemment à certains vignobles, mais ceux-ci ne représentent que 0,5 % du territoire national -, 1 euro le mètre carré. S'il devient constructible, ce prix est multiplié par 2, par 50, par 100, parfois plus, sans pour autant que le propriétaire ait fait quoi que ce soit, sinon éventuellement un peu de lobbying. Ce n'est pas nécessairement ce que nous recherchons les uns et les autres !
Hier, nous avons évoqué la quadruple ou quintuple peine que subissent, du fait de la construction de logements sociaux, la plupart des maires des communes qui ont peu de moyens.
Monsieur le ministre, je vous sais gré des quelques pas que vous avez accepté de faire mais, cette fois, j'espère que vous allez nous suivre puisque, en l'espèce, les parlementaires ne demandent pas d'argent à l'État !
Personnellement, me fondant sur ce qui se fait en Allemagne et en Suède, je suis allé au-delà de ce que demandent mes collègues, tout en sachant que je me rangerais finalement à leur avis. Je propose un prélèvement de 40 % ; c'est peut-être un peu élevé,...
M. Jean Desessard. Moi, je propose 50 % !
M. François Fortassin. ... mais nous avons dit hier qu'il fallait faire preuve d'audace !
En fonction de la situation que nous avons vécue ces dernières semaines, comme le disait Gérard Delfau, nous devons donner un signal fort dans ce domaine. Il faut que le logement social se développe.
Vous nous avez donné, monsieur le ministre, un aéroplane qui a belle allure, mais vous voulez le faire fonctionner avec du kérosène appauvri. Nous, nous vous proposons tout le carburant nécessaire, et un carburant particulièrement riche. Nous vous demandons donc d'aller au-delà de ce qu'a proposé la commission des affaires économiques et d'accepter nos amendements.
Pour ma part, je me rallierai à celui qui paraîtra le plus équilibré. Hier soir, nous avons beaucoup apprécié votre attitude, monsieur le ministre, et c'est, je crois, assez rare au sein de cette assemblée...
M. Hubert Falco. Oh !
Mon cher collègue, par ailleurs maire de Toulon, hier, vous n'étiez pas présent ! Il est donc extrêmement intéressant que vous réagissiez à propos ce qui s'est passé hier ! Laissez-moi achever ma phrase : je voulais dire qu'il est assez rare au Sénat qu'un amendement auquel le Gouvernement n'est pas favorable soit adopté à l'unanimité. J'en suis personnellement fier pour notre assemblée.
M. Hubert Falco. Eh bien voilà !
M. François Fortassin. Je sais bien que vous êtes méditerranéen, mais cela ne vous autorise pas à vociférer comme si vous étiez au stade Mayol ! (Rires et applaudissements).
Cela étant dit, j'attends avec sérénité le vote de mes collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. S'agissant du sous-amendement n° 280 rectifié bis, qui vise à permettre aux intercommunalités compétentes en matière d'urbanisme de percevoir le produit de la taxe, j'y suis défavorable pour deux raisons.
D'abord, sur la forme, il ne me paraît pas nécessaire, en multipliant les destinataires du prélèvement, de compliquer davantage un système déjà complexe, qui m'a d'ailleurs obligé à modifier l'amendement n° 46 tel qu'il avait été présenté hier à la commission.
Par ailleurs, sur le fond, il ne me paraît pas légitime - et c'est un président de communauté d'agglomération qui parle - que les intercommunalités, même si elles ont la compétence d'urbanisme, perçoivent le prélèvement.
Certes, c'est bien une décision prise par le conseil de la structure intercommunale ayant compétence en matière d'urbanisme qui va engendrer la plus-value. Toutefois, celle-ci résulte essentiellement des investissements consentis par les communes, qui ont réalisé les équipements primaires, les réseaux primaires, éventuellement les voiries primaires.
Il me paraît donc légitime d'affecter aux communes le produit de la taxe que nous envisageons de créer (Très bien ! sur les travées de l'UMP), leur implication financière leur donnant à mon sens la priorité sur les établissements publics de coopération intercommunale, qui n'ont fait que prendre la décision de rendre des terrains constructibles.
En ce qui concerne les amendements n°s 346, 286 rectifié bis et 186 rectifié et le sous-amendement n° 369 rectifié, qui tous tendent à fixer un taux de prélèvement supérieur à ce que nous proposons, j'exprimerai également un avis défavorable.
Je n'aurai pas l'outrecuidance, monsieur Fortassin, de demander : qui dit mieux ? Voyant que M. Desessard était présent dans l'hémicycle, j'ai même eu peur qu'il ne propose un taux de 110 % ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Mon amendement viendra bientôt en discussion ! C'est prévu ! (Nouveaux sourires.)
M. Dominique Braye, rapporteur. En tout état de cause, il s'agit d'une question de principe : il nous paraît légitime, je le répète, qu'une petite partie de la plus-value réalisée par les propriétaires de terrains rendus constructibles par une décision du conseil municipal ou du conseil de la structure intercommunale revienne aux maires bâtisseurs. Nous proposons de retenir un taux de taxation effectif d'environ 6 %, ce qui reste très inférieur à ce qui se pratique dans la plupart des autres pays européens.
Par ailleurs, je remercie M. Jarlier d'avoir retiré son amendement au profit de celui de la commission des affaires économiques. Le dispositif que nous préconisons est plus simple, plus souple parce que non obligatoire, et aussi plus compatible avec le système fiscal que nous connaissons : l'objection déterminante opposée à la rédaction que nous avions initialement présentée portait sur ce dernier point.
Enfin, je voudrais souligner que nous avons été guidés, dans notre travail, par le souci de respecter la diversité de nos territoires. Cela est très important pour les élus que nous sommes, car nous savons fort bien qu'un dispositif, surtout quand il s'agit de taxation, ne peut être appliqué uniformément partout, quelles que soient les situations locales, sans que cela porte atteinte à sa crédibilité. Des exceptions doivent être possibles, et c'est pourquoi nous avons prévu que sa mise en oeuvre serait facultative. Les maires, les élus locaux sont, à notre avis, les mieux à même de percevoir les difficultés qui peuvent se présenter à l'échelon communal. Le cas échéant, s'ils estiment que les obstacles sont trop grands, ils pourront tout simplement décider de ne pas mettre en place le dispositif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas s'y tromper, il s'agit là d'une première : que la taxation d'une plus-value puisse alimenter le budget communal, cela est sans précédent dans le système fiscal français.
La disposition présentée découle d'une analyse de la situation foncière en France qui avait été faite par un certain nombre de professeurs et de chercheurs, avant d'être exposée dans le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat : la France présente l'une des plus faibles densités de population en Europe et c'est néanmoins l'un des pays où le problème foncier est le plus grave. Avouons-le, cela est paradoxal !
Quand on examine de près les choses, on constate que, alors que des terrains sont disponibles, tout est fait pour qu'ils ne soient pas affectés à la construction.
Premièrement, la fiscalité sur les plus-values est dégressive.
Deuxièmement, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi Besson, aucune autorité publique n'arbitrait au profit du développement du secteur locatif la gestion des terrains appartenant à l'État ou à des organismes parapublics.
Troisièmement, aussi absurde que cela puisse paraître, avant que n'apparaissent les prêts sur cinquante ans de la Caisse des dépôts et consignations, il n'était pas possible de financer des acquisitions de foncier sans financer en même temps une opération d'aménagement.
Quatrièmement, la taxe sur le foncier non bâti était presque inopérante ou quasiment inexistante.
Par conséquent, jusqu'à présent, eu égard à la rareté des terrains, le choix rationnel, pour une commune, n'était pas forcément de rendre ceux-ci constructibles, d'autant que la taxe locale d'équipement avait un rendement très faible et qu'aucune participation à la plus-value n'était prévue en sa faveur, tandis qu'elle devait supporter les coûts inhérents à l'accueil de nouveaux habitants.
Dans ces conditions, tous les éléments d'une crise du foncier étaient en place, en dépit de la bonne volonté des uns et des autres, et je laisse de côté le fait que les riverains des terrains disponibles préfèrent que l'on y réalise des espaces verts plutôt que de nouveaux logements. De même, je passe sur les complications liées à l'application d'un certain nombre de dispositions relatives, en particulier, au coefficient d'occupation des sols.
Il y a donc tout un ensemble de mesures qui constitue, à mon sens, une révolution foncière.
À cet égard, je ne reviendrai pas sur les prêts sur cinquante ans de la Caisse des dépôts et consignations, que j'ai évoqués à l'instant, ni sur la mobilisation de terrains appartenant à l'État pour permettre la réalisation de 20 000 logements en trois ans. Je relèverai plutôt que vous avez voté hier une réforme à la fois de la taxe locale d'équipement et de la taxe sur le foncier non bâti, qui incitera les propriétaires à envisager de céder leurs terrains.
Au-delà, il convenait d'élaborer un dispositif permettant que la cession d'un terrain devenu constructible soit une opération profitable au propriétaire comme à la collectivité territoriale concernée. Un énorme travail a été mené à cette fin, d'abord par la mission parlementaire, puis au cours d'entretiens que nous avons eus pendant l'été et au sein de la commission. Des échanges avec le ministère des finances ont bien entendu été également nécessaires, je ne vous le cache pas, avant que nous puissions déboucher sur cette avancée conceptuelle que représente la création d'une taxe sur les plus-values liées à la cession de terrains rendus constructibles, dont le produit sera affecté non pas au budget de l'État, mais directement au budget communal, ce qui est justice.
Je pense que, grâce à cette innovation, nous allons atteindre un équilibre « gagnant-gagnant », ce qui permettra une reprise de la construction de logements dans ce pays. Il s'agit d'ailleurs davantage, dans l'esprit, d'un partage de la plus-value que d'une taxation.
On peut certes débattre du taux à retenir, mais il convient de sauvegarder l'équilibre. Le taux prévu est très inférieur à ce qui se pratique dans des pays qui ont toujours appliqué une taxe de cette nature, mais il s'agit d'une telle révolution dans le nôtre que je vous demande instamment, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas aller au-delà de la proposition de la commission. Il faut bien avoir conscience de la portée du dispositif au regard de la fiscalité, du droit de la propriété, des finances locales.
En outre, je voudrais souligner que le texte de la commission repose sur le principe du respect de la libre administration des collectivités territoriales puisque, dans l'hypothèse où le dispositif se révèlerait localement peu applicable ou inapplicable, voire contre-productif, le conseil municipal pourra décider de ne pas le mettre en oeuvre. La commune pourra donc vraiment conduire sa politique d'urbanisme en toute liberté.
Par ailleurs, monsieur Delfau, l'exonération du prélèvement que vous prévoyez, avec l'amendement n° 286 rectifié bis, au bénéfice du cédant ayant édifié sa résidence principale sur le terrain faisant l'objet de la plus-value n'est pas pertinente puisqu'il s'agira, par hypothèse, d'un terrain nu.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 280 rectifié bis et la possibilité d'attribuer le produit de la taxe aux EPCI ayant compétence en matière d'urbanisme, je ne puis y être favorable.
Tout d'abord, monsieur Delfau, adopter cette proposition risquerait de compliquer le dispositif et de provoquer des tensions.
Surtout, il ne s'agit pas ici d'un accompagnement de la délégation aux EPCI de la compétence en matière d'urbanisme ; il s'agit du financement d'équipements communaux, de bureaux d'aide sociale, d'infrastructures d'accompagnement scolaire et d'encadrement des enfants pendant les vacances, bref de toutes les charges qu'entraîne, pour une commune, l'arrivée de nouveaux résidents sur son territoire.
C'est pourquoi je crois vraiment préférable, pour des raisons de simplicité et du fait de la nature même de la taxe, que le produit de celle-ci soit versé exclusivement à la commune.
En résumé, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 46 rectifié, et défavorable aux autres amendements, ainsi qu'aux deux sous-amendements.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 280 rectifié bis.
M. Gérard Delfau. J'ai bien écouté les objections formulées tant par M. le rapporteur que par M. le ministre. Elles sont pertinentes, et le maire que je suis ne peut qu'y souscrire.
Néanmoins, je voulais qu'il soit clairement dit au cours de ce débat, et même s'il s'agit d'un élément secondaire, que la coopération intercommunale bien comprise, qui est susceptible de concerner aussi des équipements de première nécessité, par exemple les écoles, doit pouvoir continuer à se développer. Dans cette perspective, il pourrait être nécessaire de lui affecter, le moment venu, le produit d'une taxe telle que celle dont nous débattons.
Pour en revenir au thème principal de notre discussion, je voudrais que vous nous éclairiez, monsieur le ministre, sur ce qu'il adviendra dans le cas de la mise en place d'une zone d'aménagement concerté, où interviennent l'opérateur d'aménagement, la commune et le propriétaire foncier. Que deviendra alors le prélèvement que, je l'espère, nous nous apprêtons à instituer ?
En tout état de cause, je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 280 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 369 rectifié.
M. Gérard Le Cam. Je voudrais souligner à mon tour que notre sous-amendement n° 497 a disparu entre dix-sept heures trente et dix-huit heures trente... Cela étant, nous nous y attendions un peu dans la mesure où il ne pouvait pas se rattacher à la nouvelle version de l'amendement de la commission.
Quoi qu'il en soit, les membres du groupe CRC se réjouissaient de voir enfin instaurer une taxation des plus-values réalisées lors de la cession de terrains devenus constructibles à la suite d'une décision de la collectivité territoriale concernée, inscrite dans un PLU ou dans la carte communale.
Même si la rédaction initiale de l'amendement de la commission restait timide en ne prévoyant qu'un taux de 20 %, il faut reconnaître qu'elle allait dans le bon sens. Adopter une telle disposition pouvait, d'une part, contribuer à moraliser les ventes et, d'autre part, apporter un complément financier non négligeable aux collectivités territoriales, que celles-ci auraient pu utiliser au bénéfice, notamment, du logement social.
Toutefois, la nuit et Bercy sont passés par là, et c'est maintenant un outil peu performant, voire insignifiant, qui nous est présenté.
Tout d'abord, l'assiette a été modifiée. Adieu la référence à la plus-value : il paraît que c'est trop compliqué pour Bercy ! Nous connaissons pourtant des myriades de cas dans lesquels Bercy sait très bien taxer les plus-values.
En outre, le taux est passé de 20 % à 10 %, et la taxe ne s'appliquera que sur les deux tiers du prix de cession du terrain. Elle représentera donc environ 6 % de celui-ci.
Cela signifie, en français dans le texte, que les collectivités territoriales rurales, où le prix de cession des terrains situés sur leur territoire est en moyenne dix fois supérieur au prix d'acquisition, percevront à ce titre quelque 300 euros par hectare. Nous ne demandons pas l'aumône, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous élus ruraux qui devons, de surcroît, vendre nos terrains viabilisés à un prix bien inférieur à leur coût de revient - sinon, nous ne vendons pas ! -, la moins-value allant de 50 % à 80 %.
Par ailleurs, le dispositif de l'amendement n° 46 rectifié amoindrit également de manière significative les perspectives de rentrées financières pour les collectivités territoriales plus urbaines, bien que le prix des terrains puisse y être multiplié par 100.
Il conviendrait d'ailleurs, monsieur le ministre, de définir avec précision le prix d'acquisition. S'agira-t-il du prix moyen de la terre agricole ou du prix de vente moyen des terrains à bâtir ? Dans la seconde hypothèse, la portée, déjà faible, de l'amendement de la commission s'en trouverait annulée.
Le sous-amendement que nous avions déposé tendait à prévoir un prélèvement de 30 % sur la plus-value, au lieu de 20 %, quand l'acquéreur des terrains concernés est la collectivité territoriale, un organisme d'habitation à loyer modéré, une société d'économie mixte gérant des logements sociaux ou un organisme mentionné à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation. Vous le voyez, les communistes sont restés plutôt raisonnables dans ce débat, de crainte d'effrayer leurs collègues de droite ! D'ailleurs, nous nous serions accommodés d'un taux de 20%
Nous souhaitions en outre que le prélèvement soit porté à 50 % - ce que personne d'autre n'a proposé - quand il s'agit de lotisseurs privés qui, comme cela se passe de plus en plus fréquemment, font de la surenchère dans le cadre de leurs opérations d'acquisition et empêchent ainsi les collectivités locales de conserver une certaine maîtrise de la gestion future du type de constructions qu'elles souhaitent voir naître.
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Gérard Le Cam. Quant à notre proposition de supprimer le texte présenté par l'amendement n° 46 pour l'article L. 331-2 du code de l'urbanisme, elle se justifiait par le fait que sa rédaction pouvait laisser entendre que la construction du cédant « pour lui-même » n'était pas exclusive et que le propriétaire pouvait vendre, autour de sa construction, cinq, dix ou quinze lots. En revanche, si la construction était exclusive, cette disposition n'avait, à notre avis, pas lieu d'être puisqu'il n'y avait pas vente.
Enfin, l'adoption de notre sous-amendement aurait eu le double mérite de favoriser le financement du logement social par le prélèvement sur la plus-value et de donner une plus grande maîtrise foncière à nos collectivités locales.
Nous aurions évidemment été prêts à voter l'amendement initial de la commission assorti de nos propositions.
Malheureusement, cette quasi-révolution juridique qu'introduisait l'amendement n° 46 d'origine a « fini en eau de boudin » !
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Il ne faut pas exagérer !
M. Gérard Le Cam. De toute évidence, Bercy bloque la situation.
Cela étant, quand on n'a rien à offrir, c'est connu, on sème du vent au risque, comme chacun sait, de récolter la tempête.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le rapporteur m'a interpellé en disant que, si je le pouvais, je n'hésiterais pas à proposer un taux de 110 %. Non, monsieur Braye, je ne veux pas proposer une nationalisation des terrains ! Je propose simplement un taux de 50 %, comme on le verra quand mon amendement n° 457 viendra en discussion.
Si j'interviens maintenant, c'est pour revenir sur cette expression utilisée par M. le ministre : « On joue gagnant-gagnant ». Mais avec qui ? Pour qui ?
Quelle est la nature de l'enrichissement du terrain ? Par le seul fait de délimiter une zone, de tracer un trait sur un plan, on peut rendre une personne trois cents fois plus riche qu'elle ne l'était. Est-ce là récompenser le travail ? Non ! Est-ce récompenser un talent ? Non ! Qu'est-ce qui fait augmenter le prix du terrain ? La valeur que la collectivité locale, c'est-à-dire l'organisation sociale, lui a donnée.
Si travail il y a eu, c'est que les propriétaires ont intrigué pour que leur terrain devienne constructible en usant du lobbying qu'a évoqué M. Fortassin, voire en versant des pots-de-vin, ce qui est plus grave encore ! Hormis cette hypothèse, aucun travail, aucun talent ne justifie cet enrichissement. C'est bien pour cette raison que, dans certains pays - et je tiens les chiffres du rapporteur de la commission des affaires économiques -, la plus-value est taxée à 80 %.
Il n'y a donc de notre part aucune surenchère puisque les socialistes et les communistes proposent de la taxer à 30 %, les radicaux à 40 % et les Verts à 50 %. Nous sommes tous très loin des 80% !
Cela étant, j'estime qu'une taxation à 80 %, comme dans les pays nordiques, serait plus juste puisque c'est, non pas le travail individuel, mais la valeur sociale du terrain qui permet cet enrichissement.
J'aurai ultérieurement l'occasion d'exposer les raisons qui me conduisent à proposer une taxation à hauteur de 50 %, mais j'indique d'ores et déjà qu'un tel taux me semble juste et qu'il permettrait de parler effectivement d'un jeu « gagnant-gagnant ».
En revanche, si l'on retient la proposition de la commission, le propriétaire dont le terrain en zone agricole reste non constructible trouvera-t-il normal que d'autres deviennent 300 fois plus riches qu'avant ?
Quelles valeurs prétendez-vous promouvoir auprès des jeunes des quartiers à qui l'on dit qu'il faut se former, travailler, etc. si vous permettez que d'aucuns, d'un coup de crayon, deviennent 300 fois plus riches ? C'est cela l'argent facile ! Ce n'est certainement pas un modèle moral ou éducatif : c'est le mauvais exemple !
M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote.
M. André Vézinhet. Après avoir exposé mes arguments, je souhaiterais dresser un constat.
Il m'arrive parfois de piquer de grosses colères et de parler de « prédateurs sur le foncier ». Il y a effectivement un phénomène de prédation qui est très inquiétant.
Jamais, me semble-t-il, nous n'avions autant parlé du foncier dans cette assemblée. Il est vrai que le prix du foncier est devenu un véritable verrou qui bloque notre capacité à réaliser des logements.
Aujourd'hui, du fait de la charge foncière, il est indispensable que la puissance publique, notamment au travers des collectivités, intervienne pour équilibrer les opérations.
Vous avez dit avec beaucoup de justesse, monsieur le ministre, que c'était une réelle innovation que nous étions en train d'imaginer ensemble pour l'introduire dans la loi française. Eh bien, faisons preuve de suffisamment d'audace pour qu'elle corresponde aux besoins qui sont aujourd'hui les nôtres en matière de logement.
Laissons au conseil municipal le soin de fixer la barre, de manière que les spécificités du terrain puissent être toujours prises en compte. Il se peut que, ici, aucune taxe de cette sorte ne soit requise, mais que, là, il soit justifié d'en appliquer une au taux de 30 % ! Acceptons-le ! C'est ainsi que chaque commune pourra rendre compatible l'évolution du foncier sur son territoire et sa volonté politique en matière de logement.
Du progrès que vous avez évoqué, monsieur le ministre, passons à l'audace, et je suis sûr que tout le monde saluera cet effort !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. A l'occasion des auditions auxquelles avait procédé le groupe de travail consacré à la crise de l'immobilier, nous avions rencontré un certain nombre d'experts fonciers qui nous avaient indiqué que, dans le passé, des solutions telles que celles dont nous parlons ce soir avaient été suggérées à maintes reprises. Ils nous avaient d'ailleurs aussitôt recommandé d'écarter toute idée de ce type au motif que jamais le législateur n'avait osé franchir le pas.
Si j'en crois ce qui semble se dessiner, un petit pas est susceptible d'être franchi. Je parle bien d'un «petit pas », car, élu d'un département où, d'un trait de crayon, un conseil municipal peut effectivement faire passer du jour au lendemain le prix d'un terrain de 1 euro à 160 euros le mètre carré, sans que le propriétaire ait apporté par son travail la moindre plus-value justifiant un tel bond, je trouve la solution proposée par M. le rapporteur vraiment « homéopathique ».
Notre sous-amendement laisse la possibilité au maire, tout particulièrement dans les zones où le marché du foncier est très tendu, de solliciter du cédant une contribution légèrement supérieure. Quel que soit le montant du taux, y compris avec un taux de 30 %, si d'aventure le conseil municipal le votait, le cédant serait beaucoup plus riche - évidemment pas autant que si l'on maintenait les choses en l'état - que si son terrain était resté classé en zone agricole ou en zone verte.
Je demande donc à mes collègues de ne pas s'effaroucher.
Notre groupe maintient ce sous-amendement pour que l'audace soit à une hauteur plus proche de celle que nous attendions.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Je ne souhaitais nullement me livrer à un exercice de surenchère. Je me fondais simplement sur les exemples qu'offrent un certain nombre de pays européens.
A ce stade de la discussion, je vais retirer mon amendement n° 186 rectifié, non que je le considère comme injustifié, mais parce que je soupçonne - peut-être à tort - que, si la commission et le Gouvernement, loin d'avoir fait preuve d'audace, ont même montré une certaine frilosité, cela tient au fait que, dans les rangs de la majorité, d'aucuns souhaitaient que rien ne bouge.
Je ne voudrais donc pas leur complaire en maintenant un amendement qui risquerait d'émietter les voix ! (Sourires.)
M. Robert Bret. C'est l'esprit radical ! (Nouveaux sourires.)
M. François Fortassin. Sans enthousiasme, mais en saluant malgré tout l'ouverture de cette petite brèche, je voterai l'amendement de la commission, qui a reçu l'accord du Gouvernement.
Soyez néanmoins convaincus que nous regrettons, surtout après l'initiative prise hier soir, qu'on ne soit pas allé un tout petit peu plus loin. Il aurait fallu, me semble-t-il, bousculer les choses, et chacun aurait pris ses responsabilités.
M. Josselin de Rohan. Avec Fabius, tout changera !
M. le président. L'amendement n° 186 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. À mes yeux, l'amendement n° 46 rectifié présente un double avantage : il laisse aux maires et aux conseils municipaux la possibilité de ne pas appliquer cette mesure et, à l'inverse, il permet aux maires bâtisseurs de trouver un apport financier complémentaire.
C'est un amendement sage dans la mesure où il offre une certaine souplesse et laisse une large place à la volonté politique dans ces territoires de proximité, où les élus se doivent de consulter la population s'ils veulent être reconduits dans leurs mandats.
Nous pouvons faire confiance à nos élus locaux pour prendre avec sagesse la bonne décision
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 369 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur l'amendement n° 46 rectifié.
M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne serais pas honnête avec moi-même si je ne vous avouais pas les interrogations que fait naître en moi cet amendement n° 46 rectifié.
Bien entendu, je suis pleinement d'accord pour considérer que, dès lors que des cédants réalisent une plus-value importante, alors même que d'une certaine façon ils créent des charges supplémentaires pour la commune, il n'est pas anormal qu'ils apportent une contribution pour aider cette commune à réaliser des investissements. C'est tout à fait légitime.
Je regrette simplement que, chaque fois que l'on aborde ces problèmes, l'on en traite les effets et non pas les causes. Or il nous faudra bien pousser notre réflexion jusqu'aux causes, car, le jour où l'offre de foncier sera suffisante, la situation sera bien différente.
Je disais hier et je maintiens aujourd'hui que, malheureusement, des familles qui, il y a dix ou quinze ans, pouvaient accéder à la propriété ne le peuvent plus actuellement.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Charles Revet. Or le fait que nous votions l'amendement n° 46 rectifié ou un autre ne changera rien à leur situation : elles n'auront toujours pas accès à la propriété. C'est pourtant une politique que nous voulons développer, dans l'intérêt de nos concitoyens.
Je m'interroge d'abord sur la première partie de l'amendement. J'aurais préféré que, à l'image de ce qui se fait pour la taxe locale d'habitation, la commune n'ait pas à délibérer pour dire qu'elle ne veut pas de la taxe créée par le législateur, mais qu'elle ait simplement la possibilité de choisir la solution qu'elle juge la meilleure pour elle.
Pour autant, ce n'est pas sur ce point que je veux centrer mon propos.
Vous avez tous parlé de plus-value, mais certaines ventes ne généreront pas de plus-value ! Or, qu'est-il écrit au paragraphe III de l'amendement ? « La taxe est assise sur un montant égal aux deux tiers du prix de cession du terrain [...]. La taxe est égale à 10 % de ce montant. Elle est exigible lors de la première cession à titre onéreux du terrain intervenue après son classement en terrain constructible. »
M. André Vézinhet. Alors, il n'y a pas de problème !
M. Jean Desessard. Pas de plus-value, pas de taxe !
M. Charles Revet. Si, il y aura une taxe puisqu'elle est assise non pas sur la plus-value, mais sur le prix de la vente !
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est le conseil municipal qui en décidera !
M. Charles Revet. Je suis navré de vous contredire, mes chers collègues. Certes, le conseil municipal décide s'il institue ou non une taxe, mais celle-ci porte sur un montant égal aux deux tiers du prix de cession du terrain.
Je le dis très simplement, j'aurais préféré que nous adoptions l'amendement que M. Jarlier a retiré, visant à prélever, au profit des communes, une taxe sur les plus-values réalisées lors de la vente des terrains. Cela ne me choquait pas !
Dans certaines petites communes rurales, l'application de la taxe, si le conseil municipal ne s'y oppose pas, portera sur les deux tiers du prix de vente, et celui-ci ne sera pas forcément supérieur au prix de revient du terrain, aménagement compris. Parce qu'il n'y a pas toujours une plus-value !
Compte tenu des dispositions que nous avons votées hier soir, mes chers collègues, nous allons nous retrouver dans une situation paradoxale. Prenons le cas du propriétaire d'un terrain que le conseil municipal a classé en zone constructible : s'il refuse de le vendre, il paiera chaque année une taxe et, s'il vend, il risque de perdre de l'argent puisqu'il devra reverser 10 % des deux tiers de la valeur du terrain ! On ne sait d'ailleurs pas si, dans ce cas, faute d'autre acquéreur, la commune sera obligée d'acheter.
Alors, monsieur le ministre, je comprends qu'il faille agir, mais j'aurais préféré que nous débattions de l'amendement de M. Jarlier. En tout état de cause, je souhaite vivement que l'application de l'amendement n° 46 rectifié soit évaluée d'ici à la deuxième lecture. Je suis sûr que nous n'en mesurons pas pleinement les conséquences. Le résultat que nous obtiendrons risque d'être contraire aux objectifs que nous visons !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je serai bref, mon collègue Charles Revet ayant pointé avec beaucoup de pertinence une difficulté que posera l'application de cet amendement.
À mon sens, il faudrait mettre à profit la deuxième lecture pour améliorer la rédaction, car cette disposition pourrait se traduire par un renchérissement de la valeur du foncier, ce qui n'est pas, me semble-t-il, le but recherché par la commission et par le Gouvernement. J'ai en effet cru comprendre que l'on tentait, par ce projet de loi, de favoriser la disponibilité du foncier, afin de faciliter la construction de logement social ou de maisons en accession sociale à la propriété.
En outre, je suis toujours des plus réservés, par principe, chaque fois que l'on crée une taxe nouvelle. M. le rapporteur a fait valoir que la France était l'un des rares pays européens à ne pas prélever la totalité de la plus-value réalisée par les cédants sur leurs propriétés foncières, mais il convient de comparer le poids des prélèvements obligatoires et de la fiscalité dans sa globalité ! Il faut donc relativiser, et je reste dubitatif sur une mesure de cette nature.
Monsieur le rapporteur, dans la rédaction initiale de l'amendement, vous préleviez une partie de la plus-value au profit des collectivités pour les alléger des dépenses qu'elles auraient à supporter en matière d'équipements publics. Vous aviez réussi à ne pas peser sur les prélèvements et à faire progresser le montant de la taxation, et vous procédiez à un partage de la plus-value entre l'État et les collectivités territoriales : l'inspiration était bonne et permettait de satisfaire un besoin des collectivités. Si vous orientiez votre rédaction en ce sens, elle pourrait plus facilement faire ici l'objet d'un consensus.
Je suis donc très réservé sur cet amendement et je serais tenté de m'abstenir pour ne pas voter contre. Néanmoins, si l'engagement de le faire évoluer d'ici à la deuxième lecture est pris, je suis prêt à me rallier à la position du Gouvernement et du rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Au fur et à mesure que la discussion avance, le dispositif qui avait été conçu à l'origine me semble à la fois plus opérationnel, plus juste et plus efficace pour les collectivités territoriales.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je crains que Bercy - si c'est vraiment Bercy qui impose ce changement de pied - ne place le Gouvernement et le Parlement dans une situation très délicate et, pour tout dire, je crains que l'on ne nous incite à approuver un mécanisme qu'il sera extrêmement difficile de faire à exister réellement.
Cela étant, il faut avancer dans ce domaine et, si le Sénat se séparait ce soir sans avoir fait un pas, si petit soit-il, sur le partage de la plus-value foncière, alors, nous aurions régressé et, en fait, abdiqué.
Sans enthousiasme, en espérant que la deuxième lecture viendra rapidement, qu'elle nous permettra d'améliorer ce texte et que le décret d'application sortira sans délai, monsieur le ministre, comme vous avez su le faire en d'autres occasions, à ces trois conditions, avec ces trois espoirs, j'approuverai, avec le groupe du RDSE, l'amendement qui nous est soumis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce débat est fort intéressant : il porte sur un problème de fond, qui touche à la fois au droit de propriété et aux ressources des communes. Nous sommes évidemment tous concernés et des propos fort pertinents ont été tenus sur toutes les travées.
Nous sommes devant une question essentielle, mettant en jeu une triple exigence : de vérité, de transparence et de justice.
Dès lors, les membres du groupe UC-UDF ne sauraient s'opposer à l'avancée qui nous est proposée.
Cependant, comme toute mesure quelque peu innovante, celle-ci peut avoir des effets pervers, et notamment une hausse du foncier, l'acheteur payant en réalité la taxe, ainsi que M. Vasselle vient de l'expliquer. Cela va plutôt à l'encontre de ce que nous recherchons dans la mesure où notre objectif est d'encourager le logement social.
Je pense néanmoins qu'il faut passer outre, car les réformes, d'une façon générale, ne vont pas sans une prise de risque.
Je pense aussi que l'on a balayé un peu rapidement la question de l'intercommunalité. Je suis moi-même le président d'une communauté urbaine qui, de plus en plus, au-delà de la conception de l'urbanisme, intervient dans l'aménagement de zones de logements et de zones d'activité. Ce sont pourtant les communes qui perçoivent la taxe sur le foncier bâti et, en l'occurrence, nous allons leur affecter une ressource supplémentaire alors qu'elles ne seront pas intervenues dans l'aménagement.
Il eût été préférable de rédiger l'amendement de façon que la taxe soit instituée sauf délibération contraire du conseil municipal et de l'EPCI.
Sous le bénéfice de ces remarques, avec les collègues de mon groupe, je voterai l'amendement n° 46 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Le groupe socialiste avait proposé que le conseil municipal puisse porter le taux de la taxe à 30 %. Nous souhaitions précisément éviter les écueils qui viennent d'être évoqués par notre collègue, car, au bout du compte, la taxe supplémentaire n'est que de 6,66 %, ce qui peut susciter chez le cédant une volonté de récupération.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Jean-Pierre Plancade. Nous considérons malgré tout qu'une brèche est ouverte : c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je veux bien voter dans le sens souhaité par le Gouvernement et les commissions, mais j'aimerais comprendre la logique de cette taxe.
L'objectif est de faire plus de logements sociaux, et nous sommes tous d'accord sur ce point.
Pour le reste, je ne suis pas certain que renchérir le prix des terrains soit la meilleure façon de procéder pour permettre aux offices de toutes sortes d'acheter des terrains afin de construire. Il faudrait, à mon sens, leur donner financièrement les moyens d'acheter les terrains.
Mais si vous me dites que vous y arriverez, c'est parfait ! Je suis ouvert à toutes les suggestions ! Il me semble toutefois qu'il faut se méfier des idées les plus belles.
Par ailleurs, je souhaite que nous agissions en parfaite cohérence. Nous allons aujourd'hui adopter un impôt nouveau. Une taxe de 10 % du prix de cession sera acquittée par le vendeur, mais elle pèsera peut-être en fait sur l'acheteur, c'est-à-dire notamment les organismes bailleurs de logement social. Cela revient à dire qu'elle sera payée par la classe moyenne, des gens qui ont des moyens somme toute ordinaires.
Je veux donc m'assurer que, dans quelques jours, on ne nous demandera pas de supprimer un impôt acquitté par des gens qui ont cent fois ces moyens-là. Nous devons rester dans une logique fiscale cohérente et empreinte d'équité !
Je veux bien voter en faveur d'une telle disposition aujourd'hui. Mais j'aimerais que, d'ici à la deuxième lecture, nous débrouillions un peu cette affaire, afin d'y voir clair avant d'arrêter une position définitive.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je veux rassurer M. Mercier : les terrains cédés aux bailleurs sociaux seront exonérés de la taxe.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Sur une innovation de cette importance, des inquiétudes peuvent voir le jour, de même que des propositions tendant à frapper plus fort.
Les inquiétudes portent sur des effets secondaires ou sur le choix de la méthode : taxer directement la plus-value ou, indirectement, une fraction du montant de la cession.
L'excellent rapporteur pour avis Pierre Jarlier, en retirant son amendement, a finalement essayé de réaliser un consensus dans l'innovation.
Intellectuellement, il est préférable de taxer la plus-value elle-même. Mais comment opérer techniquement ? Projetons-nous un peu dans la réalité : jusqu'à combien d'années faudra-t-il remonter pour évaluer le prix moyen d'acquisition d'un terrain nu ? Douze ans ? Quinze ans ? Dix-sept ans ? Et ce sera le prix moyen en amont ou en aval ? Exposé au sud ou au nord ? Avec ou sans peupliers ? Ce type de pratique est une source majeure de contentieux.
Par ailleurs, l'idée étant que les collectivités locales trouvent un intérêt à examiner vraiment quels terrains elles peuvent ouvrir à la construction, en harmonie avec leur stratégie urbaine, entre la première et la deuxième proposition, autant choisir celle qui permet de percevoir le plus rapidement possible le partage de la plus-value, même s'il ne s'agit pas d'une taxation de la plus-value au sens strict !
Le nouveau cadre proposé permet de percevoir le partage de cette plus-value immédiatement. Si nous avions suivi l'autre proposition, il aurait fallu attendre neuf ans pour percevoir une part de la plus-value, et cette perception se serait faite de manière progressive.
Intellectuellement, la première rédaction était la bonne. Techniquement, au regard de la simplicité de la procédure, de l'intérêt de nos communes et de la perspective de libération des terrains - élément qui pèse de manière déterminante sur le prix du terrain et donc sur le coût des opérations -, c'est la seconde qu'il faut retenir.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4, et les amendements nos 346 et 286 rectifié bis n'ont plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)