PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a fixé comme priorité au Gouvernement la lutte contre le chômage et le retour à l'emploi. Après avoir écouté le précédent orateur, il nous apparaît que telle n'est manifestement pas la priorité du parti socialiste, puisqu'il rejette les réformes de fond que vous proposez, monsieur le ministre,...
Mme Michelle Demessine. Ce ne sont vraiment pas des réformes de fond !
M. Philippe Goujon. ...et pense surtout à chicaner le Gouvernement. J'estime que, s'agissant de l'emploi, on aurait pu espérer autre chose qu'un simple procès d'intention. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
M. Philippe Goujon. Pourtant, il va sans dire que la création d'emplois réels ne peut émaner que des entreprises et que tout doit être fait pour sauvegarder ces dernières et accroître leur nombre, préalablement à celui de leurs salariés.
C'est la raison pour laquelle je me réjouis des bons résultats obtenus ces derniers mois en matière de créations pures d'entreprises, grâce à la mise en oeuvre de la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, qu'il faut saluer. Cette loi, dont vous avez été l'inspirateur, monsieur le ministre, a été un véritable catalyseur de l'initiative individuelle.
Il importe aujourd'hui d'amplifier et de consolider le mouvement en élaborant un cadre juridique et financier favorable à l'esprit d'entreprise.
Tel est l'objet du projet de loi qui nous est soumis, dont j'approuve l'essentiel des dispositions : elles sont audacieuses tout en s'inscrivant dans une continuité. Les rapporteurs, qui ont fourni un travail considérable sur ce texte, nous les ont fort bien exposées, aussi n'y reviendrai-je pas - certains de mes collègues s'en chargeront - et me bornerai-je à évoquer pour ma part un aspect spécifique et un peu particulier de la création d'entreprises.
En effet, je souhaiterais insister sur l'une des sources de la création d'entreprises, aussi méconnue finalement qu'elle est prometteuse pour l'emploi, à savoir ce que l'on appelle l'« essaimage »,...
Mme Michelle Demessine. Parlons-en !
M. Philippe Goujon. ... notion ancienne qui trouve peut-être son origine dans la pratique plébiscitée du compagnonnage et qui recouvre des situations très variées, dans lesquelles la création d'une activité nouvelle par un salarié est soutenue par son entreprise.
On peut considérer qu'il y a essaimage dès lors qu'un salarié en activité ou licencié bénéficie d'un appui de la part de son entreprise d'origine en termes d'informations, d'apport d'expertise, d'aides financières éventuelles, de parrainage, voire de transferts de brevets ou d'activité en vue de la création d'une entreprise nouvelle.
Bien conduit, l'essaimage peut ainsi constituer un levier puissant pour la création d'entreprise et, progressivement, devenir une pratique de gestion dynamique des ressources humaines et de développement économique.
Si, dans ce que l'on pourrait qualifier de pratique « défensive », l'essaimage vise, comme c'est malheureusement souvent le cas, des salariés dont l'emploi est en passe d'être supprimé, dans sa version « offensive », dans laquelle il est conçu en dehors de toute situation de gestion de sureffectifs, il est un contributeur net à la création d'emplois.
Ainsi, on estime à 5 000 le nombre d'entreprises nouvelles créées chaque année en France par l'effet de pratiques d'essaimage offensif. Rapproché du total des créations et des reprises d'entreprises dans l'Hexagone, ce chiffre témoigne de l'ampleur de l'oeuvre qui reste à accomplir.
J'appelle d'autant plus fortement votre attention sur ce phénomène que le taux de réussite à l'horizon de cinq ans des entreprises issues d'un essaimage est généralement supérieur à la moyenne nationale. Les responsables d'entreprises pratiquant l'essaimage avancent que ce taux varie, selon les cas, de 70 % à 90 %. Le nombre d'emplois engendrés au bout de trois années d'existence est de l'ordre de cinq en moyenne par entreprise essaimée, alors qu'il n'est que de trois en moyenne pour l'ensemble des entreprises créées.
Mme Michelle Demessine. Mais c'est normal !
M. Philippe Goujon. Je vous remercie de m'approuver, ma chère collègue !
Le vivier est donc considérable, puisque près de 13 millions de Français marquent un intérêt pour la création d'entreprise. Près de la moitié des salariés du secteur privé envisageraient même de créer leur propre activité.
Que cet attrait pour la création d'entreprise corresponde à un besoin légitime d'indépendance ou à une volonté affichée de construire, il mérite sans aucun doute d'être cultivé.
Or, bien qu'elles ne soient plus confidentielles, les pratiques d'essaimage, principalement de type offensif, restent l'apanage de quelques grands groupes, les pionniers s'étant réunis au sein de l'association DIESE pour le développement de l'initiative et de l'entrepreneuriat chez les salariés des entreprises.
Par ailleurs, en dehors des actions intéressantes engagées à La Poste et dans l'armée, l'essaimage est pratiquement inexistant dans le secteur public. Le manque de communication, tant sur les pratiques que sur l'exemplarité de certaines démarches, est donc patent.
En 1990, le rapport Bertherat préconisait déjà une politique de promotion et de valorisation des pratiques d'essaimage, afin que celui-ci devienne un « phénomène banal » dans les entreprises françaises.
Pour parvenir à ce résultat, monsieur le ministre, encore faudrait-il, sans nul doute, faire évoluer l'environnement juridique, fiscal et social de l'essaimage. En effet, l'« essaimé » licencié bénéficie aujourd'hui d'un traitement fiscal et social nettement plus favorable que l'« essaimé » démissionnaire ou en congé pour création d'entreprise, ce que l'on peut d'ailleurs bien sûr comprendre.
Ainsi, les dons et subventions versés par l'entreprise d'origine aux « essaimés » représentent, pour l'administration fiscale, un acte anormal de gestion, puisqu'elle ne les considère pas comme étant effectués dans l'intérêt de l'entreprise. Présentés sous cet angle, ils sont donc rarement déductibles fiscalement pour l'entreprise d'origine et constituent un produit imposable pour le bénéficiaire. De fait, les entreprises qui mettent en place des incitations à l'essaimage sont obligées, vous le savez, monsieur le ministre, de procéder à des « licenciements déguisés » pour ne pas être pénalisées sur le plan social, ou même fiscal.
Aussi serait-il certainement opportun de reconnaître la spécificité de l'essaimage en instituant un nouveau cas de résiliation du contrat de travail pour création d'entreprise. Un tel dispositif peut paraître un peu complexe, mais pourquoi ne pas y réfléchir ?
La mise en oeuvre de cette procédure pourrait résulter d'un accord entre l'employeur et le salarié porteur d'un projet de création d'entreprise, sous condition d'ancienneté, et ne serait pas juridiquement assimilée à un licenciement. Le salarié créateur d'entreprise pourrait alors bénéficier d'un statut social et fiscal équivalent à celui de salarié licencié, tant pour les indemnités légales et conventionnelles que pour la possibilité de demander l'ouverture des droits aux prestations des ASSEDIC pendant la période de finalisation du projet de création ou de reprise, ou de retrouver le solde de ces droits en cas d'échec de l'entreprise créée dans les conditions de droit commun.
Telle est la proposition que je souhaitais formuler, monsieur le ministre. Je vous remercie par avance de bien vouloir nous faire part de vos réflexions et de vos intentions sur ce sujet, tant il paraît essentiel de tout mettre en oeuvre, comme y visent d'ailleurs les dispositions du texte que vous nous présentez ainsi que les amendements que défendront les différents rapporteurs, pour permettre aux vocations entrepreneuriales de s'exprimer et aux 500 000 chefs d'entreprise qui partiront prochainement à la retraite d'être remplacés dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est à juste titre que le Gouvernement se préoccupe du développement et de la pérennité des entreprises, notamment des PME, car c'est bien là que réside notre principal gisement d'emplois pour les années à venir. En particulier, les PME et l'artisanat portent à l'heure actuelle les espoirs d'industrialisation dans nos départements ruraux.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui constitue, me semble-t-il, un ensemble cohérent, comportant de très bonnes mesures, allant de l'appui à la création ou à la reprise d'une entreprise à l'accompagnement de sa transmission ou de sa reprise, en passant par son développement, ainsi que des dispositions plus que salutaires concernant les conjoints collaborateurs.
J'ajoute que ce volet législatif devrait être complété par un ensemble d'autres mesures de soutien à l'activité des PME et du commerce, parmi lesquelles une augmentation des crédits destinés au développement de l'artisanat et du commerce, notamment du commerce de proximité.
A ce sujet, monsieur le ministre, je remarquerai que le commerce de proximité ne concerne pas uniquement les centres-villes, mais également les bourgs ruraux.
M. Claude Biwer. Alors, de grâce, n'oubliez pas de consacrer, par exemple, une part significative des crédits majorés du FISAC, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, au maintien de la présence commerciale en milieu rural, car vous savez mieux que quiconque combien l'absence de commerces peut concourir à la désertification de nos campagnes.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Claude Biwer. Toutefois, à la vérité, je souhaite mettre plus particulièrement l'accent, dans mon intervention, sur le volet relatif à la modernisation des relations commerciales de votre projet de loi : c'est d'ailleurs, assez injustement, celui dont la presse s'est le plus fait l'écho.
C'est peu dire que les relations commerciales, c'est-à-dire celles qui concernent les producteurs et les distributeurs, participent en France d'une sorte d'« exception culturelle » dont on ne peut pas être particulièrement fier et que je ne conseillerais à aucun autre pays d'adopter.
Votre prédécesseur avait lui-même parlé de « dérives » et de « pratiques commerciales opaques ». Il n'est donc nul besoin d'insister sur ce point ; cependant, je voudrais rappeler que, dès avril 2004, avec les membres de mon groupe, nous avions déposé sur le bureau du Sénat une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle des centrales d'achat dans la fixation des prix à la consommation et les délocalisations d'entreprises. Nous espérons avoir un jour l'occasion d'en reparler.
M. Daniel Raoul. Parlons-en maintenant !
M. Claude Biwer. Il faut replacer cette initiative dans son contexte : l'un des principaux responsables d'un puissant groupe de la grande distribution venait de mener une campagne de presse laissant entendre que les Français avaient subi une baisse de leur pouvoir d'achat en 2003, alors que les pouvoirs publics prétendaient le contraire, et qu'il convenait, dans ces conditions, de réformer, voire d'abroger la loi dite « Galland » afin de faire baisser les prix. Nous avions ensuite constaté l'action vigoureuse menée par un récent ministre de l'économie et des finances en vue d'imposer, en quelque sorte, une baisse des prix, qui a été malheureusement dans une large mesure répercutée sur la production.
Quoi qu'il en soit, cette campagne de presse habilement conduite s'appuyait sur un fait avéré : le niveau de l'inflation perçu par les consommateurs depuis deux ou trois ans et aujourd'hui encore semble très largement supérieur à celui qui est mesuré de manière scientifique par l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques.
Nos compatriotes sont, par exemple, très sensibles à l'augmentation des loyers, des prix des carburants ou des produits de consommation courante - je rappellerai ici l'évolution des prix des fruits et légumes au cours de l'été 2004 - et ils ont bien du mal à admettre que l'inflation puisse être, conformément aux chiffres officiels, contenue à 1,8 % en France.
A cet égard, il me semble que le panel utilisé par l'INSEE n'est plus tout à fait adapté à la situation actuelle et ne reflète pas suffisamment, par exemple, les évolutions technologiques ou l'envolée des prix de l'immobilier : n'a-t-on pas pu lire récemment que les loyers le composent à concurrence d'environ 15 %, alors qu'ils constituent désormais, en moyenne, 24 % des dépenses mensuelles des Français, et bien plus encore dans certaines régions, notamment en Ile-de-France ?
S'agissant de la loi Galland, celle-ci avait pour objet louable de rééquilibrer les rapports entre la grande distribution et les entreprises de production, mais il faut croire que, décidément, toute loi a vocation à être contournée,...
M. Claude Biwer. ... car, à la lumière de l'expérience, il semble que ces relations soient toujours aussi déséquilibrées compte tenu de l'extrême puissance de la grande distribution, regroupée au sein de cinq centrales d'achat, face, notamment, aux PME, voire aux coopératives ou aux producteurs agricoles.
C'est ainsi que le développement exponentiel des « prestations de coopération commerciale » a totalement contrecarré la volonté du législateur. Parmi ces dernières figurent bien entendu en bonne place les fameuses « marges arrière », qui représentent, affirmez-vous, de 30 % à 35 % du prix des produits, ce pourcentage pouvant même atteindre, selon une étude récente, 60 % dans certains cas.
Le coût de ces « services » s'est naturellement toujours ajouté à celui des marchandises. Comment, dès lors, s'étonner que les prix, notamment ceux des produits alimentaires, aient progressé plus vite que la moyenne au cours des dernières années ? La commission présidée par M. Canivet a d'ailleurs été très claire sur ce sujet : c'est bien le consommateur qui a été le grand perdant de l'instauration par la loi Galland du mécanisme d'interdiction de revente à perte et de son détournement.
Si l'on y ajoute le fait que la puissance des centrales d'achat place leurs fournisseurs dans une très grande position de vulnérabilité, que les marges arrière payées par ces derniers, notamment par ceux qui représentent les grandes marques, ont eu comme conséquence paradoxale de financer l'expansion des marques de distributeur - chacun comprendra aisément, compte tenu de leur positionnement dans les linéaires, qu'ils doivent induire de confortables marges - et, que, au final, cette loi, tout comme les lois relatives à l'urbanisme commercial qui l'ont précédée, n'offrira pas réellement aux petits commerces en milieux urbain et rural la protection attendue, on en déduit qu'il y a bien urgence à mettre en place un certain nombre de mesures visant à moraliser les pratiques commerciales et à moderniser la législation relative à l'équipement commercial.
Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en reparler lorsque nous examinerons la proposition de loi déposée par notre collègue Alain Fouché.
S'agissant des pratiques commerciales, vous proposez, monsieur le ministre, une limitation plus stricte des accords de gamme, une réglementation plus claire en matière de différenciation tarifaire, un traitement plus rapide des litiges commerciaux, et surtout une lutte plus sévère contre les marges arrière, afin de pouvoir faire baisser les prix.
A cet effet, vous envisagez de sanctionner les marges arrière injustifiées, c'est-à-dire la fausse coopération commerciale, et vous limitez leur montant à un seuil de 20 %. Vous espérez que ce dispositif produira, à moyen terme, un effet durable sur les prix au profit des consommateurs, en réintroduisant une concurrence par les prix de vente aux consommateurs entre les grandes enseignes.
Il est inutile de vous dire que votre texte, qui a été fraîchement accueilli par la grande distribution, est considéré comme sympathique par certains fournisseurs. Toutefois, il n'a pas suscité une franche adhésion du côté des PME qui travaillent avec la grande distribution.
M. Daniel Raoul. C'est un euphémisme !
M. Claude Biwer. Selon elles, la loi Galland avait finalement introduit une montée en puissance des produits de marque de distributeur, essentiellement fabriqués par les PME. Si le rapport de force est actuellement très défavorable aux producteurs, le débat se situait, selon les PME, non pas entre ces dernières et la grande distribution, mais entre elles et les grandes multinationales.
Les PME craignent surtout que le plafonnement à 20 % des marges arrière n'incite tous les opérateurs à s'aligner sur ce pourcentage, alors que celui-ci n'a pas toujours été atteint s'agissant, notamment, des marchés relatifs aux marques de distributeur.
Certains auraient souhaité la suppression pure et simple des marges arrière. Toutefois, dans une certaine mesure, je comprends la prudence de votre prédécesseur sur ce sujet, monsieur le ministre, car la guerre commerciale qu'une telle décision aurait sans doute provoquée aurait laissé de nombreuses victimes sur le champ de bataille.
Il est vrai que le problème des relations entre distributeurs et fournisseurs est complexe dans la mesure où il existe une multiplicité d'intervenants aux intérêts souvent divergents. Toutefois, il serait tout de même paradoxal que votre projet de loi, qui a pour vocation originelle, je le rappelle, de développer les petites et moyennes entreprises, aille à l'encontre du but recherché dans son volet relatif aux pratiques commerciales ! A moins que la grande distribution ne cherche, finalement, à développer plus encore ses produits de marque propre, afin d'échapper aux nouvelles contraintes imposées par votre texte en matière de coopération commerciale. Cela pourrait, au contraire, favoriser les PME au détriment des grands groupes industriels !
En fait, seul l'avenir nous dira quelles seront les conséquences pratiques de votre projet de loi.
Cette loi entraînera-t-elle une baisse des prix des grandes marques de 5 % au moins, comme vous l'espérez, ce qui voudrait dire que la distribution rognerait sur ses marges,... ce dont on peut tout de même douter ?
Va-t-elle véritablement moraliser les pratiques commerciales ? Pour ma part, je le souhaite de tout coeur.
Sera-t-elle plus favorable aux grands groupes industriels ou aux PME ? Tout dépendra de l'attitude adoptée par la grande distribution !
Enfin, permettra-t-elle d'éviter de nouvelles délocalisations d'entreprises ou la déferlante de produits asiatiques dans les linéaires ? Telle n'est, assurément, pas sa vocation, mais il s'agit tout de même là d'un problème très grave auquel nous devons prêter la plus grande attention. En effet, nous ne pouvons pas demeurer les bras croisés face à la perspective que les entreprises françaises victimes de la concurrence chinoise, par exemple, doivent supprimer plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
Telles sont les réflexions que m'inspire votre projet de loi, monsieur le ministre.
A mon avis, il vient en discussion en temps et en heure, car il faut effectivement se préoccuper du devenir de nos PME. Par ailleurs, je souscris pleinement à votre objectif tendant à moraliser les pratiques commerciales.
Sous réserve des modifications que nous proposera la commission des affaires économiques, visant notamment à renforcer cette moralisation, j'apporterai personnellement mon plein et entier soutien à votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 29 mai dernier, nos concitoyens ont exprimé un non ferme et majoritaire à une Europe ultralibérale et antisociale.
Mme Michelle Demessine. Après les manifestations qui se sont déroulées au cours de l'été 2003 et le 10 mars dernier, après le double camouflet électoral subi au printemps 2004, avec un Président de la République au plus bas dans les sondages, votre légitimité politique est largement remise en cause.
Les Français ont désavoué vos politiques européenne et nationale, empreintes d'injustice et d'inégalité sociale. Ils vous demandent de rompre avec ces politiques et de mettre la richesse produite au service de la création d'emploi, de l'investissement, de la formation, de la recherche.
Mais, face à cette expression démocratique, vous répondez ordonnances et procédure d'urgence. Face à la colère populaire, vous encouragez le sous-emploi, vous exonérez les entreprises de leurs responsabilités salariales. Comment osez-vous afficher un plan de bataille pour l'emploi alors que vous accélérez les privatisations et détruisez ainsi bon nombre d'emplois ?
Le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, premier texte présenté par votre gouvernement, est un véritable déni du message des Français ! Les mesures proposées encouragent les acteurs économiques les plus forts et écrasent les plus vulnérables, qu'il s'agisse des petites entreprises ou des salariés.
M. Gérard Le Cam. C'est la seule bonne mesure !
Mme Michelle Demessine. Les Français en ont assez de voir les profits s'envoler, alors que leurs salaires stagnent et que la misère augmente. Ils veulent des emplois, une revalorisation des salaires, des minima sociaux. Ils vous demandent de leur rendre leurs droits et leurs libertés.
La France doit prendre un certain nombre de mesures vitales pour la relance de notre économie. Cette relance passe par le contrôle et la régulation des puissances d'argent, de la spéculation stérile. Elle nécessite un encouragement financier des investissements réalisés pour l'emploi, le développement, la recherche. Elle suppose l'introduction d'une justice fiscale et l'abaissement des prélèvements indirects pour aider les ménages les plus modestes. Elle implique de revenir sur la casse du service public et des emplois publics.
Votre texte en faveur des PME ne propose, en réalité, aucune mesure efficace susceptible de relancer l'emploi et l'économie. Au contraire, vous poursuivez, monsieur le ministre, votre politique d'inégalité sociale et de casse du droit du travail. Vous abandonnez les entreprises aux dangers de la dérégulation et de la concurrence sauvage, et vous faites des travailleurs les esclaves des temps modernes. Par vos effets d'annonce, vous semez des illusions dont le revers peut être lourd de conséquences pour notre démocratie.
Ce texte n'est pas à la hauteur des attentes et de l'enjeu économique et social que représente ce secteur, qui emploie près de 60 % de la population active et qui représente plus de la moitié de la valeur ajoutée de l'ensemble des secteurs de l'industrie, du commerce et des services.
A cet égard, je souhaite aborder quatre thèmes : tout d'abord, l'insuffisance de vos mesures visant la création et la pérennité des entreprises ; ensuite, le volet formation et les lacunes qu'il présente ; puis le titre honteux relatif à la grande distribution au détriment des PME ; enfin, l'aspect fondamental du droit du travail, un droit largement anéanti par vos propositions.
S'agissant du premier volet, nous savons que le tissu très riche des PME, particulièrement des TPE, les très petites entreprises, est un atout pour notre économie. Or ce secteur est touché de plein fouet par les effets de la dérégulation et la concurrence sauvage entre les grands groupes de la distribution. Comment les PME et les TPE, ainsi que leurs salariés - qui sont d'ailleurs quasiment absents du projet de loi - peuvent-ils survivre dans un système où la valeur du capital a remplacé celle du travail et dans lequel les délocalisations se multiplient ?
Vous semblez vouloir lier la création d'entreprise à la création d'emplois.
Tout d'abord, quoi qu'on en dise, la récente loi pour l'initiative économique, qui porte votre nom, monsieur le ministre, n'a pas permis une progression sensible du nombre de créations d'emplois.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. C'est nouveau !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Vous niez la réalité !
Mme Michelle Demessine. En effet, en 2004, s'agissant des créations d'entreprise, on a tout simplement retrouvé la moyenne historique.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Où trouvez-vous vos sources ?
Mme Michelle Demessine. De plus, il serait illusoire de croire que la multiplication seule du nombre de créations d'entreprise permettrait de réduire le chômage. En fait, les années 2003 et 2004 ont enregistré des destructions nettes d'emplois.
Ensuite, il faut que les nouvelles entreprises puissent être pérennisées.
M. Gérard Cornu, rapporteur. C'est justement ce que cherche à faire le projet de loi !
Mme Michelle Demessine. Or les statistiques nous apprennent que, trois ans après avoir créé ou repris une activité, près de quatre PME et TPE sur dix ferment leurs portes.
M. Gérard Cornu, rapporteur. C'est pour cette raison qu'il faut promouvoir la formation !
Mme Michelle Demessine. Nous ne pouvons pas accepter un discours démagogique...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Qui fait de la démagogie ?
Mme Michelle Demessine. ... qui ne trompe pas les Français, un discours qui voudrait faire croire que les entreprises, notamment les TPE, n'embaucheraient pas en raison du manque de flexibilité du droit du travail. Nous le savons, les chefs d'entreprise embauchent parce qu'ils ont besoin de personnels et que la croissance est là. Or, pour le premier trimestre de 2005, notre taux de croissance est seulement de 0,2 %. La France a fait moins bien que la zone euro, dont la progression du PIB est de 0,5 %. Ce mauvais résultat annonce un taux de 1,5 % seulement pour cette année. Avec une croissance aussi basse et une activité économique aussi atone, toutes les simplifications du monde resteront lettre morte.
Alors, malgré tout le battage médiatique fait, mercredi dernier, à l'occasion de la déclaration de politique générale du Gouvernement, comment croire que ce projet de loi serait capable de répondre aux difficultés des PME, et tout particulièrement des TPE ?
En effet, ce texte ne prévoit aucune mesure forte visant à encourager l'activité économique. Les entreprises ont besoin de moyens financiers pour se lancer et se conforter. Une de leurs difficultés réside dans le poids des charges financières qu'elles supportent et dans l'incapacité des banques à répondre efficacement à leur besoin de financement. Rappelons que la moyenne des taux d'intérêt exigés par les banques aux plus petites entreprises est de 6 % à 8 %, alors que les grands groupes bénéficient, pour leur part, de taux d'intérêt de 2 % pour mener à bien leurs opérations financières.
Alors qu'il faudrait agir pour changer le comportement des banques, des grands groupes, rien n'est fait, ou si peu. Les mesures envisagées dans votre projet, alléchantes pour les familles les plus aisées, restent de la poudre aux yeux. En effet, le projet se contente de faciliter les donations familiales les plus importantes et d'encourager les exonérations fiscales pour les acteurs économiques les plus forts.
J'en viens maintenant au deuxième volet de mon intervention : la formation.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Ah !
Mme Michelle Demessine. Pourtant essentielle dans la pérennité des entreprises, ...
M. Gérard Cornu, rapporteur. Eh oui !
Mme Michelle Demessine. ... la formation ne fait l'objet d'aucune politique sérieuse. Un investissement massif en matière de formation est indispensable pour répondre aux défis actuels. Cela suppose la mise en oeuvre d'une politique volontariste de la formation accompagnée d'une revalorisation des métiers de l'artisanat auprès des jeunes.
Au contraire, vous affichez aujourd'hui, monsieur le ministre, une politique visant à encourager la formation dans la transmission des entreprises sans vous en donner les moyens.
Ainsi, dans le cadre de la création et de la reprise d'entreprise, les dépenses nécessaires à la formation sont imputées sur les fonds d'assurance formation des travailleurs, alors même que votre gouvernement avait réduit, en 2003, le taux de cotisation à ce fonds, le faisant passer de 0,29 % à 0,24 % du plafond annuel de la sécurité sociale. Il s'agit là, encore une fois, du principe des vases communicants : on donne aux uns pour retirer aux autres.
Ces dispositions remettent en cause le principe même du droit à la formation professionnelle et risquent de réduire les possibilités de formation des chefs d'entreprise.
Pour conclure sur ce volet, nous ne pouvons que regretter que la volonté affichée du Gouvernement de proposer une législation en faveur des PME ne se traduise pas en pratique.
Aider les PME, c'est avant tout proposer un programme de relance économique, favoriser une hausse de la croissance.
Aider les PME, ce n'est pas légaliser les pratiques commerciales honteuses de la grande distribution, encore moins casser notre droit du travail ! C'est pourtant la voie que vous avez choisie, monsieur le ministre, en proposant un projet de loi fourre-tout, sans réelle cohérence, qui ne se départ toutefois pas de la logique ultralibérale en cours qu'a pourtant massivement rejetée la majorité de notre peuple le 29 mai dernier.
Le troisième volet de mon exposé portera sur la grande distribution. Le titre VI du projet de loi prévoit de légaliser des pratiques plus que critiquables en ce domaine.
Actuellement, les grands groupes industriels mènent une véritable guerre pour imposer aux PME des baisses de prix massives de plus en plus intenables. Et la réforme annoncée de la loi Galland ne protège en rien les entreprises producteurs ou fournisseurs. Les accords de gamme sont prétendument encadrés, alors qu'il aurait fallu les interdire. La pratique des marges arrière est désormais tolérée sans être véritablement plafonnée.
Mme Michelle Demessine. Celles-ci ont atteint des niveaux inadmissibles, traduisant bien plus un rapport de forces en faveur de la grande distribution que de réels services de coopération commerciale.
Les dispositions du projet de loi resteront impuissantes dans la lutte contre les effets pervers de cette pratique. Certes, vous améliorez le dispositif juridictionnel, monsieur le ministre, mais on sait combien il est rare qu'un fournisseur ose s'attaquer à ces grands groupes, car, nous le savons, les représailles peuvent lui porter un coup fatal !
Pis encore, le seuil de revente à perte est assoupli par le passage d'une partie des marges arrière en marges avant, laissant seulement la possibilité à la grande distribution de baisser les prix.
En vérité, la baisse des prix est un effet d'annonce. M. Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, n'a pas su tenir ses promesses à ce sujet. De plus, monsieur le ministre, croyez-vous sincèrement que les actionnaires de ces grands groupes vont renoncer à une partie de leurs gains au profit du consommateur, comme l'a souligné mon collègue Gérard Le Cam en commission ?
Accepter la revente à perte, c'est permettre la pratique de prix abusivement bas, qui seront obligatoirement répercutés sur les prix d'achat aux producteurs et fournisseurs. Or on ne peut pas accepter que les prix soient décidés par les grands groupes ! On ne peut pas accepter que la valeur du travail soit déconnectée de la valeur des biens produits ! Cette situation conduit inéluctablement à l'asphyxie des PME et à leur disparition.
Encore une fois, monsieur le ministre, vous déplacez insidieusement le problème. La baisse des prix n'a jamais été une révolution sociale et elle ne profite jamais, sur le long terme, aux milieux les plus modestes.
Les prix des biens d'équipement de haute technologie enregistrent des baisses importantes, tout en restant chers. Aussi, ce sont les ménages les plus aisés qui en bénéficient. A l'inverse, les prix des produits de première nécessité augmentent et pénalisent les catégories les plus modestes.
Pour notre part, nous affirmons que les prix doivent correspondre à une réalité économique capable de faire vivre les producteurs et que seule l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages permettra de relancer la consommation et l'économie. Or, depuis 2002, avec une hausse de 0,4 % par an en moyenne, le pouvoir d'achat du salaire mensuel a quasiment stagné. De plus en plus de salariés n'arrivent plus à vivre de leur travail !
Comme le dénoncent les organisations humanitaires, à l'heure où tous les indicateurs montrent que la pauvreté s'accroît, les revenus financiers du capital ne cessent de croître. Les salaires faramineux des P-DG accompagnent les hausses exponentielles des profits. Les indemnités du P-DG de Carrefour en témoignent, qui représentent, faut-il le rappeler, l'équivalent de 2 815 années de SMIC !
Enfin, j'en viens au dernier volet de mon exposé - mais pas le moindre ! -, volet qui, je l'observe, n'a pas vraiment eu sa place jusqu'à présent dans les différentes interventions : votre politique dévastatrice continue le démantèlement du code du travail, au point d'éradiquer les dernières protections des salariés contre l'arbitraire patronal.
Votre action en ce domaine est anti-démocratique et anti-sociale. Vous n'avez en rien pris la mesure des exigences sociales exprimées dans les mobilisations et dans les urnes au cours de ces derniers mois. Vous passez outre le dialogue social, outre la négociation avec les syndicats, outre le débat parlementaire en décidant de modifier les droits sociaux par ordonnances.
Mais croyez-le, monsieur le ministre, les 7 millions de Français qui se trouvent privés d'emploi ou qui sont dans des situations précaires, les millions de travailleurs qui sont sous-payés et tous ceux qui craignent pour l'avenir et pour l'insertion des jeunes ne tolèrent plus ces pratiques.
Votre gouvernement aggrave encore la politique ultralibérale en répondant au chômage par une ultra précarisation des salariés.
Vos arguments pour lancer un « chèque emploi pour les très petites entreprises », en remplacement d'un « titre emploi-entreprise » mort-né, sont inacceptables. En vérité, le « chèque emploi pour les très petites entreprises », comme le « chèque emploi-service universel » annoncé par votre collègue M. Borloo, généralise l'insécurité dans le travail. Comment les travailleurs pourront-ils défendre leurs droits sans feuille de paie en bonne et due forme, sans contrat de travail ? C'est la porte ouverte à toutes les dérives, à la précarisation accrue ! C'est aussi permettre aux employeurs de s'affranchir des conventions collectives !
Ensuite, le « contrat nouvelle embauche », auquel vous ne faites absolument pas référence dans vos propos aujourd'hui, monsieur le ministre, alors que le Premier ministre a souvent cité les PME pour le justifier, signe l'arrêt de mort du contrat à durée indéterminée. Avec deux ans de période d'essai, un licenciement sans préavis ni indemnité, le contrat à durée indéterminée est entièrement vidé des garanties qu'il offre aux salariés !
En effet, mais peut-être faut-il vous le rappeler, monsieur le ministre, le salarié en période d'essai est démuni de la quasi-totalité de ses droits, notamment en matière d'indemnités ! En fait, le « contrat nouvelle embauche » n'est qu'un CDD au rabais, sans la prime de précarité. En troquant le droit à un travail contre le droit au chômage, votre gouvernement crée un véritable droit de licencier librement.
De plus, vous comptez financer ce plan pour l'emploi précarisé et sans avenir par l'ouverture, dès le 23 juin prochain, du capital de Gaz de France, par la relance de la privatisation des autoroutes, ou encore par la cession d'au moins 6 % du capital de France Télécom ! Quel gâchis !
Votre politique ultralibérale d'allégement des charges sociales des entreprises, de casse du code du travail, de précarisation des emplois, d'exploitation des travailleurs les plus faibles n'est pas la réponse attendue par les Français. Elle est même le contraire !
Nous venons de le voir, ce projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, pas plus que la politique annoncée par le Gouvernement, ne répondent aux attentes des nos concitoyens.
Pourtant, nous l'avons rappelé maintes fois dans cette enceinte à l'occasion des débats sur les retraites et la sécurité sociale, une autre logique existe, qui pourrait s'articuler autour d'une vision associant résolument efficacité économique et efficacité sociale.
Ainsi, une action résolue et efficace en faveur des PME et des TPE doit passer par la sécurisation des parcours professionnels. A ce titre, nous proposons la mise en place graduelle d'un système de sécurité d'emploi ou de formation, en lieu et place de la précarisation.
De plus, le progrès social suppose une réforme de la taxe professionnelle, avec la mise à contribution des actifs financiers des entreprises et des banques ainsi qu'une modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction des créations d'emplois.
Enfin, il nous paraît nécessaire de réviser profondément le calcul des cotisations sociales patronales pour encourager l'emploi et pénaliser les placements financiers.
Les amendements déposés par le groupe communiste républicain et citoyen vont dans ce sens. En effet, nous prévoyons des mesures pour faciliter l'accès au financement des entreprises. Nous demandons la mise en place d'une véritable politique de la formation. Par ailleurs, nous nous opposons fermement aux pratiques de la grande distribution, en proposant des amendements visant à interdire tous les abus rendus aujourd'hui possibles. Enfin, nous demandons le retrait des dispositions entérinant le démantèlement du code du travail et nous proposons des mesures visant à aboutir à une lutte efficace et effective contre le travail illégal.
En conclusion, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en raison de l'état actuel du texte, en raison du recours inacceptable aux ordonnances, le groupe CRC opposera un non catégorique à ce projet de loi. Nous pensons, en effet, que le Gouvernement doit entendre le message délivré dans les urnes le 29 mai et doit, après une sanction aussi forte de sa politique, changer largement l'orientation de ce premier texte, afin qu'il réponde aux préoccupations des Français sur le déficit démocratique de nos institutions, la précarité sociale et les moyens de la relance économique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé fait suite à la loi de 2003 pour l'initiative économique. Particulièrement attendu par les entreprises de notre pays, il comporte des mesures intéressantes visant à favoriser la création et le développement de l'entreprise, à donner un statut réel au conjoint de l'entrepreneur, à faciliter les transmissions, à mieux appréhender les nouvelles formes d'activités et à améliorer le régime juridique des relations entre fournisseurs et distributeurs.
Depuis plus de deux ans, le Gouvernement s'est attaché à aider les entreprises, spécialement les très petites entreprises. Il a raison ! L'entreprise est, par définition, l'endroit où se crée l'emploi, où se prépare la conquête des parts de marché, où s'élabore la perfection des produits, où s'exerce la recherche constante de la satisfaction du client.
L'entreprise est donc, par excellence, le lieu où peut s'exercer l'apprentissage concret, aux côtés de ceux qui maîtrisent leur savoir-faire et sont donc le mieux à même de le transmettre.
Je rappellerai que l'amélioration constante du service du client est, certes, l'un des buts de l'apprentissage, mais que l'exercice de sa pratique est aussi l'un des meilleurs atouts pour que l'apprenti s'élève dans l'échelle sociale.
A ce propos, je constate avec satisfaction que la commission des affaires économiques de notre assemblée a adopté un certain nombre d'amendements qui tendent à améliorer le texte. J'en félicite son rapporteur, notre collègue Gérard Cornu.
M. Jacques Pelletier. Voilà quelques semaines, mon groupe avait déjà attiré l'attention du gouvernement sur la nécessité d'abroger la mesure introduite par l'article 130 de la loi de finances pour 2005, qui interrompait, à la date de l'obtention du diplôme ou du titre préparé dans le cadre du contrat d'apprentissage, la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales patronales dues au titre des salaires versés aux apprentis ou aux élèves de l'enseignement technologique lors de leur stage. Je suis heureux que cette initiative ait été reprise par la commission des affaires économiques et son rapporteur.
Des enquêtes réalisées récemment ont largement mis en lumière la bonne image générale dont bénéficient les PME auprès des Français. Cela est tout à fait important. De manière générale, les PME représentent des structures vers lesquelles nos concitoyens, notamment les jeunes, s'orienteraient volontiers.
M. Jacques Pelletier. C'est pourquoi ce projet de loi, par l'ensemble des mesures juridiques, fiscales et administratives qu'il propose, met l'accent sur la nécessité de valoriser davantage l'image de l'entreprise et de l'entrepreneur.
Outre cette demande en termes de valorisation et de souplesse administrative, les dirigeants d'entreprises expriment régulièrement de fortes attentes pour travailler très en amont à la prévention des difficultés, améliorer les possibilités de rebond et accélérer le développement de la formation professionnelle continue.
En outre, quand on demande aux chefs d'entreprise s'ils pensent créer des emplois dans les mois à venir, près de la moitié déclarent envisager de le faire. Il était donc urgent de répondre à leurs attentes, et le présent projet de loi constitue un réel progrès à cet égard.
Beaucoup parmi nous pensent qu'il y a une morosité française, qui vient encore de s'exprimer lors du référendum sur la Constitution européenne. Il me semble indispensable, même si des menaces pèsent sur la croissance, de ne pas déprimer davantage notre économie...
M. Jacques Pelletier. ... et il est réjouissant de constater que les dirigeants de PME gardent majoritairement le moral.
Ainsi, il est particulièrement significatif de voir ces mêmes dirigeants placer en tête de leurs préoccupations la valorisation de leur image et celle des entreprises auprès des jeunes De la sorte, ils expriment, avant toute revendication corporatiste, la volonté d'être reconnus comme les acteurs majeurs du développement économique et social de la France. Ils admettent la nécessité absolue d'engager un réel dialogue social avec les plus jeunes, c'est-à-dire les salariés et les entrepreneurs de demain.
Le texte qui nous est proposé est volontariste et efficace. Au-delà de décisions conjoncturelles, il faut donc maintenant donner la priorité à la réforme de notre système économique. II n'y a pas d'autre moyen de résoudre le problème du chômage de masse.
Ces réflexions engagées depuis plusieurs semaines arrivent à leur terme en pleine actualité, quand le Gouvernement annonce une grande mobilisation en faveur de l'emploi.
Le pari est double : il s'agit à la fois d'enrayer le chômage, fléau social, et d'encourager nos compatriotes à entreprendre.
Enfin, je conclurai mon propos en rappelant que plusieurs membres de mon groupe ont déposé un certain nombre d'amendements tendant à assouplir l'extension du champ d'application des forfaits en jours sur l'année aux salariés non-cadres, par exemple, ou à modifier le régime des contreparties aux heures de repos choisies.
Conscient des réels progrès économiques et sociaux que génèrent les mesures proposées par le Gouvernement et les commissions de notre assemblée, le groupe du RDSE, dans sa majorité, votera ce projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, en espérant qu'un certain nombre des amendements qu'il a présentés pourront trouver grâce aux yeux du Gouvernement et de la commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a évoqué tout à l'heure mon collègue Bernard Dussaut, les conditions dans lesquelles nous abordons ce débat ne me semblent pas optimales face aux enjeux de cette loi et, une fois de plus, le travail indispensable d'étude des textes ne peut être réalisé de manière sérieuse par les parlementaires. Et je ne parle pas ici uniquement de l'urgence déclarée, monsieur le ministre !
Certes, ce texte a le mérite de combler les faiblesses que nous avions eu l'occasion de signaler lors de l'examen de la première loi qui nous a été soumise : je veux parler de la formation, de l'accompagnement, et tout particulièrement de la transmission - je préfère en effet le mot « transmission » au mot « reprise », parce que, dans certains métiers, la reprise suppose au préalable un accroc (Sourires) - et je fais allusion, en particulier, à la transmission, dans le domaine de l'artisanat, aux principaux compagnons de l'artisan.
A la fin de la semaine dernière, nous avons appris par différentes voies, monsieur le ministre, que vous alliez faire évoluer votre projet sur le titre VI et que de nouvelles solutions seraient envisagées en ce qui concerne la loi Galland. De plus, nous entamons aujourd'hui la discussion générale d'un projet de loi dont nous n'avons pas encore étudié les amendements en commission.
Est-ce ainsi que le Gouvernement souhaite s'affranchir de la collaboration essentielle des parlementaires qui, confrontés chaque jour sur le terrain aux difficultés croissantes de nos concitoyens, aux problèmes de maintien des petits commerces à la fois dans le monde rural et dans les quartiers, connaissent particulièrement bien le nécessaire équilibre qui doit exister entre les différentes formes de commerce ?
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je ne crois pas un instant que l'exercice du prétendu contrôle des prix aboutisse à faciliter la vie et, surtout, les achats quotidiens des plus modestes d'entre nous, et favorise un redémarrage de la croissance. Les grandes surfaces, quelles que soient la loi et les politiques tarifaires, n'arriveront jamais à concurrencer les hard discounters.
Le Gouvernement tente de répondre à un problème structurel par une baisse des prix, comme d'autres mettent un cautère sur une jambe de bois. Vous ne tromperez personne, et le message du 29 mai ne semble pas être parvenu jusqu'à vos oreilles.
En déclarant l'urgence sur ce projet de loi, le Gouvernement interdit que puisse être menée une réflexion de fond sur une réforme aussi importante, qui pourrait menacer des milliers d'emplois : je fais ici allusion à l'exemple des Pays-Bas, où 15 000 emplois ont été supprimés ! Une certaine prudence s'impose donc, et une étude d'impact aurait été nécessaire.
Alors que vous nous présentez un projet de loi « en faveur des petites et moyennes entreprises », je constate, ce qui m'inquiète, que des réponses sont apportées aux problèmes des grandes surfaces concentrées en une poignée de groupes internationaux, tandis que nos PME ont des attentes réelles dans la régulation de leurs activités commerciales.
Je souhaite profiter de cette discussion générale pour aborder avec vous l'ensemble des questions liées aux relations entre les Français et leurs commerçants, et je tiens à ce que ces questions soient envisagées sous tous leurs aspects, sans omettre l'avenir des différentes structures commerciales.
Lorsque l'on parle de la loi Galland, et plus particulièrement aujourd'hui du VI relatif à la modernisation des relations commerciales, il est bien souvent trop facile de regarder les choses par le petit bout de la lorgnette tant le sujet est vaste et compliqué. M. le rapporteur lui-même ne nous a-t-il pas dit tout à l'heure que le dispositif proposé, notamment l'article 31, était « inutilement complexe » ?
Mais cela ne doit en rien cacher la réalité : il s'agit bien ici de l'avenir du commerce en France en ce qui concerne aussi bien les formes de commerce que les pratiques tarifaires ou commerciales. Au-delà de ces données macroéconomiques et microéconomiques, c'est chaque Français qui est concerné, et ce quelle que soit la règle ou la politique des prix pratiquée.
Si cette question des prix semble obséder actuellement tout le microcosme politique, il ne faut pas s'y tromper : ce n'est pas la politique des prix, même avec de fortes baisses, qui augmentera le contenu du porte-monnaie.
De son côté, le Gouvernement attend une baisse des prix à la consommation, ce qui, selon lui, contribuerait à augmenter le pouvoir d'achat des ménages. Or, dans le budget des ménages, les dépenses fixes - électricité, gaz, loyer - n'ont cessé de grimper, et cela découle directement de la politique menée par le Gouvernement depuis trois ans.
En outre, face à une réalité de plus en plus difficile, les Français dont les revenus sont les plus modestes n'ont pas attendu de connaître ou de comprendre le phénomène des marges arrière pour aller faire leurs courses là où les produits sont les moins chers, c'est-à-dire chez les hard discounters. Ces commerçants ne s'y sont pas trompés dans leurs choix géographiques d'installation !
La politique actuelle du Gouvernement ne me semble pas aller dans le sens d'une inversion de la problématique. Gageons que ce n'est pas avec une période d'essai portée à deux ans, sans aucune garantie d'embauche, que les plus modestes d'entre nous auront des comportements différents ! Et ce sera d'autant plus vrai si le pouvoir d'achat continue de stagner pour les classes moyennes, voire de diminuer pour certaines catégories.
Vous l'aurez compris, je crois plus à une solution tendant à accroître les rémunérations liées au travail qu'a une hypothétique baisse des prix. Mais le Gouvernement ne veut pas aller à l'encontre de la politique du MEDEF ; il préfère, au contraire, s'aligner sur celle-ci.
En outre, ce texte n'offre pas, une fois de plus, une grande lisibilité, mais il est vrai que vous nous avez habitués à de véritables patchworks législatifs.
Permettez-moi de citer l'exposé des motifs du projet de loi : « Le Gouvernement a fait de la lutte contre la vie chère une de ses priorités. Les prix des biens de consommations courante sont l'un des paramètres essentiels qui déterminent le niveau du pouvoir d'achat, et qui influent sur la confiance des ménages. »
Par ailleurs, la loi Galland nous est toujours présentée comme une « loi qui empêche la baisse des prix » et nous devons constater qu'effectivement, aujourd'hui, le phénomène des marges arrière atteindrait en moyenne 35 %. Cette remise en cause de la loi Galland s'est toutefois réalisée dans un contexte très particulier, marqué par une sous-estimation du taux de l'inflation par les ménages.
Notons que, d'un point de vue strictement économique, l'inflation n'est pas néfaste en soi. Au contraire, de nombreux économistes pensent qu'elle est profitable à la croissance économique tant que son taux n'atteint pas des sommets. Elle a pour premier effet de dévaloriser les dettes, donc de favoriser l'endettement, donc l'investissement, donc les dépenses, donc la distribution de revenus, donc l'épargne. Il s'agit là du « cercle vertueux » !
Le rapport de notre collègue député Jean Gaubert sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le niveau et le mode de formation des marges et des prix dans le secteur de la grande distribution ainsi que sur les conséquences de l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages - notre collègue Claude Biwer y a fait allusion tout à l'heure - fait observer que, « faute de mettre en oeuvre une vraie politique des revenus, afin de garantir le pouvoir d'achat des ménages, le Gouvernement actuel a affiché des mesures destinées à faire baisser les prix. » Je parle ici de l'accord Sarkozy du 17 juin 2004, vous l'avez bien compris, mes chers collègues. Et le rapport Gaubert de poursuivre : « Il est donc crucial d'en mesurer la portée, alors que le décalage entre les chiffres officiels de l'inflation et la perception qu'en ont nos concitoyens ne fait que s'aggraver. »
Je crois comme lui que, si la baisse des prix pour les consommateurs est un objectif louable sur lequel tout le monde peut s'accorder, il ne faut pas oublier que ces derniers sont aussi des salariés et des contribuables. L'essentiel réside dans la politique des revenus, la politique de baisse des prix conduisant inévitablement à des comportements dangereux pour les salariés et pour les sous-traitants et fournisseurs, en particulier pour les PME et les TPE.
Nous aurons l'occasion de l'évoquer de nouveau dans la suite de la discussion, mais gardons toujours en mémoire l'exemple des Pays-Bas, où la guerre des prix dans le secteur de la grande distribution s'est traduite par une disparition de 10 000 à 15 000 emplois.
Nous ne pouvons que faire observer que c'est Nicolas Sarkozy qui a mis le feu au poudre en s'attaquant à la relance de la consommation par le biais d'une prétendue baisse des prix. Il se félicitait, lors du débat au Sénat, en juillet dernier, sur le projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement, que la consommation des ménages ait permis à la France d'échapper à la récession, alors que les investissements et les exportations diminuaient...
Doit-on encore souligner que l'endettement des ménages approche les 40 % du PIB et que certains d'entre eux sont surendettés ? Sur le plan macroéconomique, l'endettement des ménages répond logiquement à l'insuffisance d'investissement des entreprises. Cette situation est, à terme, explosive !
Notons encore que c'est à juste titre que le rapporteur s'interroge sur le lien qui est fait entre la réforme de la loi Galland et celle de la loi Raffarin, ce qui ressemble à un échange de bons procédés dans lequel la baisse des prix serait récompensée par la possibilité d'augmenter les surfaces de vente. Les garanties actuellement envisagées pour les PME, les producteurs agricoles et le petit commerce ne nous paraissent pas suffisamment réalistes.
A cette idée qui domine selon laquelle la baisse ou la faiblesse du pouvoir d'achat des ménages serait liée à une hausse des prix nécessitant une déréglementation, s'ajouterait ainsi l'idée que la solution à une trop forte concentration du secteur de la distribution consisterait à assouplir les conditions d'installation des grandes surfaces. Cela ne manquerait pas, à terme, de contribuer à la disparition des petits commerces de proximité et de renforcer le poids des cinq grandes centrales d'achat.
L'article 31 est, en fait, une réforme de la loi Galland et légalise des pratiques pour le moins douteuses. Et c'est un euphémisme !
L'Institut de liaison et études des industries de consommation, l'ILEC, dont les chiffres sont largement admis, montre que les marges arrière ont progressé, depuis 1998, de 22 % à 32 % en moyenne, alors que la dispersion est très forte : de 5 % à 60 % selon les secteurs.
Le conseil de la concurrence a lui-même rappelé en octobre 2004 que, les marges arrière étant négociées de façon bilatérale, elles ne sont pas publiques, et que le seuil de revente à perte conduit à distinguer deux volets dans ces négociations : le premier volet, ce sont les conditions générales de vente, les fameuses CGV, qui sont communiquées à toute personne qui les demande ; le second volet, ce sont les réductions hors facture et les accords de coopération commerciale, qui se caractérisent par leur opacité.
Ces pratiques reposent par ailleurs sur des manières pour le moins contestables, dans un rapport de forces qui est complètement déséquilibré par la puissance des cinq grandes centrales d'achat et des hard discounters. Un collègue d'un département du Nord ne me disait-il pas récemment que 80 % des produits laitiers relèvent dorénavant du hard discount ?
Le rapport Canivet sur la grande distribution a dénoncé des pratiques qui maquillent la réalité économique et a constaté que la loi en vigueur était peu respectée.
Enfin, les MDD, les marques de distributeur, qui semblaient séduisantes a priori et dont la part de marché ne cesse d'augmenter, ont pour effet de transférer au distributeur le contrôle du produit et de la marque, alors que, traditionnellement, ce dernier est du ressort du producteur et des PME, ce qui a pour effet de créer un nouveau statut d'indépendants interdépendants. Dans le même temps, le profit du distributeur, lui, lors de l'introduction d'une marque de distributeur, continue à augmenter au détriment du producteur.
Avant de prendre une décision, le législateur doit disposer d'informations exactes - je suggère qu'elles lui soient fournies par une commission inter-assemblées -, ce qui permettrait d'éviter que, une fois encore, sa volonté ne soit détournée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous demanderons, par la voie d'un amendement, la suppression de l'article 31.
M. Daniel Raoul. Peut-être !
M. Daniel Raoul. Je vous laisse vos certitudes, monsieur le ministre !
M. Charié, député de la majorité, monsieur le ministre, a conclu que la priorité des pouvoirs publics devait être d'appliquer les lois existantes et de pénaliser les contrevenants à la loi actuelle, avant de légiférer.
Le rapporteur de notre commission des affaires économiques lui-même, qui a eu bien du mérite à essayer de suivre les évolutions de cet article - à la lecture de la presse, en tout cas - trouve ce dispositif « inutilement complexe », en dépit du fait que, apparemment, nous en soyons revenus au texte initial.
Monsieur le ministre, faites donc respecter d'abord la loi, tout particulièrement le SRP, le seuil de revente à perte !
En novembre 2004, M. Jacob, votre prédécesseur, déclarait : « Il n'y a eu aucune reprise de la consommation à la suite de l'accord du 17 juin 2004. Pour la relance de la consommation, le prix n'est qu'un élément parmi d'autres. Il faut restaurer un climat de confiance. » C'est donc qu'elle avait disparu !
N'ouvrez pas la boîte de Pandore ! Si vous respectez le travail parlementaire, suivez la proposition de création d'une commission d'enquête qui vous est faite avant de légiférer, et écoutez les représentants des PME et des TPE, que vous voulez défendre, ainsi que ceux des industries alimentaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui vise le développement et la pérennité des PME et, par là même, l'amélioration de l'aménagement de notre territoire.
Je tiens à rappeler le rôle majeur joué par les entreprises et les professions libérales dans l'économie des zones rurales.
Au côté du monde rural, qu'elle complète, et avec lequel elle collabore souvent, l'entreprise constitue un acteur vital.
Je me réjouis donc, comme les représentants de nos collectivités locales, de ces dispositions très attendues, visant à soutenir le tissu économique de notre pays, qui est constitué par toutes ces énergies communes.
J'ai moi-même participé avec enthousiasme, comme M. Gérard Cornu, rapporteur - je le félicite pour le travail accompli - aux auditions liées à la préparation du volet social de ce texte, qui, j'insiste sur ce point, est un texte très concerté, fruit d'échanges et de dialogues au cours desquels tous les points de vue se sont exprimés.
Le ministre d'alors, M. Christian Jacob, à qui je rends hommage pour sa capacité d'écoute et d'adaptation, avait, en effet, mis en place deux groupes de travail : « Financement, développement et transmission » et « Statut de l'entreprise, de l'entrepreneur et du conjoint », dont nous recueillons les résultats aujourd'hui.
Des rencontres hebdomadaires avec les organisations professionnelles - la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CIDUNATI, la Confédération intersyndicale de défense et Union nationale d'action des travailleurs indépendants, le MEDEF, la CAPEB, la confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment, l'APCM, l'assemblée permanente des chambres de métiers - ainsi qu'avec des organismes comme l'UNEDIC, des créateurs d'entreprises, des représentants des professions libérales - notaires et avocats - et des juristes nous ont permis de jeter les bases du projet actuel.
Je souligne que les mesures arrêtées ont été adoptées à l'unanimité par les personnes auditionnées.
Plus de 224 000 entreprises ont été créées au cours de l'année 2004, soit une hausse de 30 % en un an.
Ces chiffres traduisent l'objectif fixé par M. le Président de la République de création d'un million d'entreprises nouvelles de 2002 à 2007. Ils s'inscrivent aussi dans les priorités du Premier ministre, M. Dominique de Villepin, qu'il a exprimées dans sa déclaration de politique générale.
Monsieur le ministre, vous qui connaissez bien ce secteur des PME, vous nous assurez de cette continuité dans l'action courageuse et déterminée du Gouvernement en faveur des entreprises.
En tant qu'élus des territoires, nous nous en réjouissons.
Dans un contexte économique mondial où la concurrence fait rage, il était nécessaire de faciliter encore le financement, le développement et la transmission des entreprises, dont il ne faut jamais perdre de vue la dimension humaine. Les hommes et les femmes qui ont fait le choix de l'initiative et du risque, en concrétisant leur désir d'entreprendre, méritent d'être encouragés. Ils attendent du Gouvernement des procédures simplifiées et des mesures incitatives.
Ce projet de loi devrait lever leurs inquiétudes et les engager dans une logique de succès.
J'ai retenu quelques mesures particulièrement pertinentes, et je souhaite les mettre en lumière.
En matière sociale, j'évoquerai, tout d'abord, le contrat de collaborateur libéral.
Les jeunes professionnels libéraux qui débutent leur carrière ne sont pas toujours en mesure de monter d'emblée un cabinet autonome, car ils n'ont ni clientèle, ni expérience de la gestion d'entreprise, ni moyens financiers.
Si certains dispositifs, différents selon les professions, se sont développés pour leur permettre de garder le statut d'indépendants, la situation, tant des employeurs que de leurs collaborateurs, est cependant fragilisée par l'absence de cadre juridique sûr et général.
Les professionnels libéraux souhaitaient la mise en place d'une forme d'exercice distincte du salariat pour permettre aux jeunes de se préparer à l'exercice libéral et pour offrir aux professionnels réglementés la possibilité de débuter en qualité de collaborateur libéral d'un praticien ou d'un groupement de praticiens plus expérimentés.
Grâce au contrat de collaboration libérale, le débutant pourra se familiariser à la gestion pratique d'un cabinet et verra son installation ultérieure favorisée, car il n'aura pas à assumer dès le démarrage des investissements lourds. Le collaborateur libéral pourra soit s'installer, soit s'affirmer comme le successeur potentiel d'un professionnel en fin de carrière, ou encore intégrer comme associé le cabinet qui l'a accueilli.
Ce contrat est aussi un moyen de répondre aux difficultés qu'éprouvent de nombreux professionnels libéraux, notamment de santé, installés en milieu rural pour trouver un successeur ou un associé.
En matière de soutien au commerce, ce texte vise à engager la lutte contre les marges arrière afin de faire baisser les prix.
Depuis dix ans, une dérive inflationniste s'est progressivement installée dans les relations entre fournisseurs et distributeurs. Les magasins vendent leurs produits aux consommateurs quasiment au prix d'achat. Pour constituer leurs marges, ils facturent aux fournisseurs divers services de plus en plus cher : coopération commerciale, catalogue, tête de gondole, promotions, droit de référencement, instruments promotionnels, à savoir chèques cadeaux ou cartes de fidélité.
En France, les marges arrières sont plus élevées d'environ 30 % que chez nos voisins européens.
Pour payer ces services, les fournisseurs augmentent leurs prix au détriment du consommateur.
Le prix des grandes marques est donc également plus cher en France.
Pour corriger ces abus, le projet de loi prévoit, tout d'abord, de sanctionner les marges arrière injustifiées en renforçant la loi Galland de 1996.
Il s'agit de protéger les PME fournisseurs des demandes de paiement pour des services inexistants ou relevant de l'activité normale du distributeur : définition légale de la coopération commerciale, formalisation du contrat de coopération commerciale, inversion de la charge de la preuve dévolue désormais au distributeur.
Le projet de loi prévoit, ensuite, de fixer un seuil de 20 % du prix net facturé pour les marges arrière : 20 %, est-ce le bon pourcentage ? On serait tenté de se rapprocher du 0 % idéal.
Toutefois, une marge arrière zéro nuirait très certainement au commerce de proximité. Par défaut, ce taux de 20 % me paraît, compte tenu des pratiques en cours chez nos partenaires européens, un juste équilibre.
Cette « moralisation » salutaire des pratiques commerciales me semble très bénéfique pour l'activité de nos PME.
Par ailleurs, afin de moderniser les relations commerciales, le projet de loi prévoit de mieux encadrer les pratiques des « accords de gamme ». Ces derniers peuvent, en effet, conduire, dans certains cas, à l'éviction des PME du marché. La vigilance préventive instaurée par la loi permettra d'éviter les abus susceptibles de fragiliser les PME.
J'ai moi-même déposé un amendement sur ce sujet, qui vise à prendre en compte le régime particulier des accords de gamme s'appliquant aux entreprises automobiles.
Ces quelques exemples sont de nature à rassurer les entrepreneurs sur leur avenir. La confiance des Françaises et des Français dans l'acte de création d'une entreprise et dans la coopération des pouvoirs publics s'avère, en effet, essentielle pour les inciter à se lancer dans l'aventure.
Le double aspect de ce projet de loi, à savoir, d'une part, un train de mesures en faveur des PME et, d'autre part, une réforme pour une meilleure application de la loi Galland s'agissant de la loyauté et de l'équilibre des relations commerciales, témoigne d'une volonté d'aborder les problèmes de l'entreprise dans sa globalité, de la création de l'entreprise jusqu'à la commercialisation des produits.
Ce caractère exhaustif constitue une garantie quant à l'efficacité des dispositions qui sont soumises à notre approbation.
Pour avoir côtoyé moi-même, dans ma région et notamment dans mon département, de nombreux patrons de PME dans lesquelles, très souvent, leur propre famille est impliquée, je ne peux que me féliciter de ce texte, qui fait écho à l'ensemble de leurs préoccupations non seulement économiques et financières, mais aussi, et surtout, sociales.
Tout le mérite de ce projet de loi réside, en effet, dans le lien étroit établi entre les considérations économiques et le souci de l'humain.
C'est pourquoi je me prononce résolument pour l'adoption de ce projet de loi, qui devrait recueillir un vote majoritairement favorable sur les travées de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, tout d'abord, comme d'autres orateurs l'ont fait avant moi, à saluer l'initiative gouvernementale qui consiste à engager devant notre assemblée une réflexion en profondeur sur la place de nos petites et moyennes entreprises dans un contexte de mondialisation de notre économie, d'autant que le poumon économique de nos territoires, notamment ruraux, s'appuie très fortement sur ce tissu diversifié.
Nous le savons tous : ce sont ces mêmes entreprises qui participent pleinement à la croissance, à la richesse nationale, mais aussi, et surtout, à la création d'emplois.
L'année 2005 semble marquer la fin d'un cycle et l'entrée dans une ère nouvelle, le début d'une période où les grands groupes ont réalisé des bénéfices, où nos petites et moyennes entreprises ne créent plus d'emplois, où la Chine inquiète autant qu'elle fascine, où l'Europe suscite la crainte alors qu'elle a si longtemps fait rêver, où les prix bas dictent la loi du commerce et où tout le monde cherche à fuir le risque.
Ne tombons pas dans l'excès d'une guerre des prix, en évitant la dérive qui fragiliserait encore plus le tissu de nos petites et moyennes entreprises !
C'est dans la modération des prix qu'il nous faut rechercher une ouverture pour apporter un peu d'oxygène à notre société de consommation.
Nous devons tous nous féliciter de cette volonté d'éclaircir un chemin de plus en plus complexe. Bien souvent, nos chefs d'entreprise sont soumis à de nombreuses contraintes, mais ils font le maximum pour maintenir le cap et pour assurer l'essor économique souhaité.
Cette réforme est nécessaire, dans la mesure où elle vise à créer une relation plus équilibrée entre les industriels et la grande distribution, notamment.
Il est important de rendre l'application de la loi effective en modernisant et en renforçant les dispositions relatives au contrôle et aux sanctions.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, l'arrêt de la dérive des marges arrière est un bon objectif. En effet, le consommateur doit aussi pouvoir bénéficier des avantages concédés par les industriels aux distributeurs.
Cette réforme, chers collègues, est nécessaire, car elle répond aux attentes de nos chambres consulaires, fondées par la loi du 9 avril 1898, soit voilà plus d'un siècle. Elle constitue une adaptation indispensable aux évolutions actuelles de notre monde économique.
Le berceau de l'initiative est à la petite et à la moyenne entreprise ce que le creuset de la démocratie est à la commune. En effet, la proximité, l'enracinement dans un territoire donnent à l'entreprise à la fois toute sa dimension et un savoir-faire de grande qualité. Dans mon département, la Haute-Loire, l'exemple du plastique en témoigne de façon très significative, monsieur le ministre.
Les acteurs de la vie économique locale répondent avec leurs moyens, parfois limités, mais que compensent leurs compétences et leur volonté permanente de répondre aux besoins de notre société. C'est la raison pour laquelle ils doivent être prioritaires, être encouragés et compris. Ils vivent en permanence une sorte de « loi de la jungle économique » qui, souvent, ne leur permet pas de continuer à produire sur le site de leur choix. Oui, leur combat est permanent et, ils le savent, inachevé, au sein d'une société qui ne veut pas toujours les comprendre.
La réforme de la taxe professionnelle doit permettre une meilleure prise en compte de leur situation et de leur engagement. Au moment où nous traitons la question des petites et moyennes entreprises, il est dommage que ne soit pas abordé en parallèle le sujet fondamental qu'est la fiscalité locale, afin de répondre aux attentes de ceux qui animent notre vie économique. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur le calendrier de cette réforme, monsieur le ministre ?
Nos engagements publics nous permettent régulièrement de mesurer la volonté des acteurs de la vie économique locale, l'énergie dont font preuve les entreprises, mais aussi leurs inquiétudes. Nous savons tous, dans cet hémicycle, qu'ils sont des acteurs incontournables de la vie économique, mais aussi sociale et humaine. En tant que représentants des collectivités territoriales, nous y sommes donc tous très attachés, car ils accompagnent les projets de nos communes, les initiatives de nos communautés de communes, les investissements de nos départements et les réalisations de nos régions.
Etre sérieux, c'est être conscient que notre pouvoir est limité. Nous pouvons toutefois créer des conditions plus favorables afin de propulser notre économie sur les chemins de la vitalité et du dynamisme. Là où il y a de la volonté, il y a - pas toujours, mais souvent - un chemin.
Ne nous y trompons pas : la réponse, en matière de création d'emplois, d'affirmation d'une véritable politique ouverte sur le travail et l'intégration professionnelle, ne pourra venir que du tissu des PME, en qui nous devons fonder beaucoup d'espoir. Nous devons donc leur accorder la place et l'attention qu'elles méritent.
Oui, dans ce que l'on appelle les territoires ruraux, le nombre d'entreprises diminue tous les jours. Les habitants se sentent peu à peu oubliés, désarmés. Le travail artisanal ou industriel est régulièrement, lentement mais sûrement, délocalisé. La tendance est malheureusement irréversible. Cela commence souvent par l'installation dans une zone d'activités urbaine, plus compétitive, y compris géographiquement. Il faut le comprendre.
La France rurale ne peut pas et ne veut pas se contenter d'être une spectatrice passive de son déclin. Au contraire, elle souhaite participer activement à son renouveau et à sa renaissance.
M. Gérard Le Cam. Elle l'a dit le 29 mai !
M. Jean Boyer. Les territoires ruraux demandent non pas des privilèges, mais la parité, par la compensation de leurs handicaps naturels ou économiques. Les PME s'installent et restent sur les sites sur lesquels elles considèrent que leur développement sera le plus positif et le plus pérenne, et c'est compréhensible.
Reconnaissons ensemble que, depuis des années, les gouvernements successifs n'ont jamais été assez courageux et déterminés.
Oui, défendre le monde rural requiert un certain état d'esprit, une parité, de la solidarité. Même s'il est silencieux, même s'il ne s'exprime pas dans les rues, s'il n'a pas de syndicat collectif, le monde rural, c'est la France de la terre. Or certaines zones ont déjà perdu l'essentiel d'une vie sociale digne de ce nom.
Il est dommage que ce texte, bien qu'il soit globalement très positif, ne prévoit pas un accompagnement spécifique pour le créateur ou le repreneur d'entreprise installée au coeur de ces territoires ruraux difficiles.
J'ai pleinement conscience qu'aménagement du territoire ne signifie pas industrialisation uniforme. Mais par quelles autres solutions peut-on mettre fin à ces disparités inquiétantes ?
Afin de démontrer au monde rural, qui nous regarde, que notre volonté se concrétisera par des actes, ne faut-il pas inciter nos artisans, nos commerçants à s'installer dans une commune rurale, y compris en zone de revitalisation rurale, grâce à l'attribution, par exemple, d'une dotation spécifique offerte à la création ou à la reprise d'activité ?
M. Gérard Le Cam. Ils ne le veulent pas !
M. Jean Boyer. Réfléchir au maintien d'un commerce, d'une activité économique dans certaines communes rurales, c'est aussi - pourquoi pas ? - imaginer des soutiens constructifs différents de l'assistanat, mais susceptibles de répondre aux besoins locaux.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Christian Jacob, après avoir été voilà quelques décennies un visionnaire en matière d'agriculture - j'ai eu à travailler à ses côtés - a été l'architecte de ce projet de loi.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez déjà démontré votre volonté, votre détermination et votre compétence lorsque vous avez exercé vos fonctions dans ce domaine, particulièrement à l'occasion du vote de la loi pour l'initiative économique, et je le dis sans aucune démagogie,...
M. Daniel Raoul. Quoique...
M. Jean Boyer. ... mais avec beaucoup de vérité.
Convaincus par vos actions et compte tenu du ministère dont vous avez la charge dans l'actuel gouvernement, nous pouvons, très objectivement, espérer des réponses à nos attentes.
Monsieur le ministre, je vous remercie de toute l'attention que vous voudrez bien porter à cette France entreprenante et active, engagée au service de notre développement.
Oui, la ruralité est une identité, mais elle est aussi une réalité pleine de vitalité, de promesses. Malgré les difficultés et la conjoncture, l'esprit d'entreprise continue en effet de s'exprimer dans le monde rural.
Merci, monsieur le ministre, de prendre en compte ce message. Nous avons confiance en vous. Quant à moi, je suis l'un de ceux qui voteront votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que présente le Gouvernement nécessiterait sans doute une recherche en paternité. En effet, issu de la scission d'un texte initial, dit « Gaymard-Jacob », ensuite présenté en conseil des ministres par le seul Christian Jacob, il est aujourd'hui défendu par vous-même, monsieur le ministre. J'ai d'ailleurs lu dans une gazette que vous revendiquiez pour ce texte l'appellation « Dutreil II », en référence à la loi pour l'initiative économique votée en 2003. J'en reparlerai. Par ailleurs, nous attendons que nous soit soumis un texte « Breton », pour « la confiance et la modernisation de l'économie ».
Dans cet éparpillement législatif, nous avons bien du mal à discerner une ligne de force, une politique économique.
Il s'agit là, pour nous, d'un premier motif d'inquiétude. Ceux-ci sont au nombre de quatre.
Le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui intervient après le changement de gouvernement et la déclaration de politique générale du Premier ministre. Celui-ci entend concentrer son action sur l'emploi, notamment dans les très petites entreprises, et étendre les contrats aidés - après les avoir refusés pendant trois ans ! Or il prévoit d'introduire plus de précarisation pour les salariés, avec le « contrat nouvelle embauche », sans être pour autant en mesure de nous dire si cette agression contre le code du travail aura un effet positif, eu égard à l'objectif proclamé, lequel est quantitativement flou, compte tenu, notamment, de la grande fluctuation des emplois dans les entreprises de moins de dix salariés.
Il n'est en effet pas fait allusion, ni dans ce texte ni dans aucune des velléités gouvernementales, au contexte économique et à l'atonie alarmante de la croissance. Or, nous le savons, en dessous de 2 % de croissance - les prévisionnistes hésitent entre 1,5 % et 1,7 % pour 2005 -, on ne crée pas d'emplois, ni dans les grandes ni dans les petites entreprises.
Si la croissance ne se décrète pas, elle s'organise. Vous ne l'avez pas organisée en 2004, vous ne le ferez pas en 2005, dans un contexte de ralentissement général.
Notre deuxième sujet d'inquiétude est l'absence de chiffrage de l'effet sur les finances publiques des quelques mesures que vous proposez, monsieur le ministre.
Les finances publiques vont en effet être très fortement mises à contribution en 2006, compte tenu des nombreuses exonérations et des dégrèvements prévus dans la loi de finances pour 2005, présentée, à l'époque, par M. Sarkozy. Je remercie d'ailleurs M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Cazalet, d'avoir fait l'effort d'en chiffrer le coût.
De plus, les dispositifs que vous proposez, monsieur le ministre, dans les articles 5, 6 et 8 du projet de loi sont sujets à caution. En effet, ils ne s'attaquent pas au coeur du problème, à savoir les besoins en financement des PME, qui sont confrontées à la frilosité de notre système bancaire et financier. Ces dispositifs contournent l'obstacle en exonérant les dons des droits de mutation et en supprimant la législation sur l'usure. Ainsi, avec l'article 5, vous créez une nouvelle niche fiscale, qui bénéficiera aux très petites entreprises les mieux dotées. Si les ministres changent, voire sont interchangeables, la philosophie demeure.
Notre troisième inquiétude est le silence assourdissant sur la mobilisation des leviers financiers pour aider les entreprises ou les commerces. Aucune allusion n'est faite au FISAC, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales,...
Mme Nicole Bricq. ...dont l'usage devient discrétionnaire et qui, si nos renseignements sont exacts, fait l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes.
Rien n'est dit sur les financements que l'on pourrait drainer vers les entreprises de moins de trois ans, qui sont pourtant les plus fragiles.
Nous ne savons rien, à l'heure où nous parlons - mais nous les redoutons ! -, des arbitrages budgétaires qui seront rendus s'agissant de la structure née du rapprochement, en début d'année, de la BDPME, la Banque du développement des PME, et de l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, sous le nom d'Oséo.
On le sait, le secteur privé ne s'engage pas suffisamment en faveur de ce segment d'entreprises. Les résultats du Fonds d'investissement de proximité, le FIP, censé canaliser l'épargne des ménages vers les PME locales, sont très mitigés.
En fait, ce sont de plus en plus les collectivités territoriales qui assurent l'effet de levier. Elles prennent les risques que ne prennent ni le secteur bancaire ni le secteur financier.
Notre quatrième et dernier sujet d'inquiétude - et d'étonnement ! - tient au caractère « hors sol » de votre texte.
Mon collègue Jean Boyer vient d'évoquer les collectivités locales en milieu rural. J'évoquerai, quant à moi, l'absence, dans votre texte, de référence aux collectivités territoriales que sont les départements et les régions, et qui, de par les lois de décentralisation, sont coresponsables du développement économique. La seule référence qui y est faite est très lointaine et concerne des dispositifs, au demeurant très contestables, applicables aux chambres de commerce et d'industrie, notamment l'autonomie financière qui leur a été accordée l'année dernière dans la loi de finances rectificative.
Pour conclure, monsieur le ministre, et nous y reviendrons au cours de la discussion des articles, quatre inquiétudes majeures pour un texte, c'est vraiment beaucoup, en tout cas beaucoup trop pour que nous le votions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention dans ce débat portera essentiellement sur mon engagement, dans ce texte, en faveur des professions libérales, quelle que soit la nature des activités concernées, qu'il s'agisse des lettres, des chiffres ou de la santé.
Monsieur le ministre, vous retrouvez un domaine qui vous est familier, et vous interviendrez dans ce débat, j'en suis convaincu, avec toute la compétence que vous avez acquise, non seulement au cours de votre vie professionnelle, mais également dans votre vie politique.
Votre prédécesseur, qui a été aussi votre successeur (Sourires), s'est efforcé de faire en sorte que ce texte, sinon atteigne la perfection, du moins apporte les réponses essentielles qu'attendent les petites et moyennes entreprises en général.
Les professions libérales sont aussi, et peut-être de plus en plus aujourd'hui, des entreprises. L'exercice de leur activité est singulier : elles entretiennent, en particulier, avec leurs clients une relation de nature profondément différente des entreprises commerciales, puisqu'elles ont vis-à-vis d'eux une indépendance et souhaitent la garder en raison même de leur autonomie garantie par leur appartenance, pour l'immense majorité d'entre elles, à des ordres structurés. Leur activité est donc singulière, libérale, mais elle est, d'abord et avant tout, de plus en plus une activité d'entreprise, qui suppose de réunir des capitaux afin de financer des investissements et de répondre à des risques de plus en plus lourds et de plus en plus nombreux.
Le projet de loi apporte de très nombreuses réponses à des questions qui sont communes à toutes les entreprises, même si elles sont abordées de façon singulière par les professions libérales. Ces questions sont très simples si l'on suit la chronologie de la carrière d'un entrepreneur : tout d'abord, accéder au statut d'entrepreneur libéral, puis développer son entreprise et, enfin, la transmettre. Votre texte fait très utilement progresser ces trois étapes de la vie de l'entrepreneur libéral.
J'ai néanmoins souhaité intervenir lors de la discussion générale et j'ai déposé un certain nombre d'amendements, qui n'engagent pas le groupe de l'UMP. Ils sont l'expression de la réflexion de quelqu'un qui croit profondément que les professions libérales procurent un apport à l'enrichissement global de notre pays par leur existence même et, peut-être aussi et surtout, par les services qu'elles rendent à l'ensemble de la population, qu'il s'agisse, pour prendre des termes d'aujourd'hui, du « b to b » ou du « b to c », c'est-à-dire du service aux entreprises ou du service au particulier.
Pourquoi ai-je déposé des amendements sur ce projet de loi ? Trois types d'interrogations se font jour : dissiper des doutes, clarifier un certain nombre de limites et exprimer des spécificités liées à l'exercice des professions libérales, particulièrement des professions juridiques.
Il s'agit tout d'abord de dissiper des doutes, car ce texte, qui améliore la condition des professions libérales, n'indique pas toujours à quoi elles ont droit et si elles sont bien considérées comme des entreprises, au même titre que les entreprises de services, les entreprises industrielles et les entreprises commerciales ou artisanales.
A cet égard, j'évoquerai cinq articles : l'article 2 relatif à la formation, l'article 8 concernant la provision pour investissement, les articles 18 et 19 relatifs au tutorat, et l'article 23 sur la société civile artisanale à responsabilité limitée, dont la commission nous propose la suppression. Mais si cette proposition était adoptée par le Sénat, cette forme de société serait-elle étendue aux professions libérales ? Je suis convaincu que le débat permettra d'éclairer cette question.
En revanche, il y a un domaine dans lequel le doute n'est pas permis : les professions libérales semblent être écartées définitivement de la perspective de location d'actions. C'est la raison pour laquelle, sur les articles 20 et 22, j'ai déposé des amendements, qui permettront d'approfondir le débat.
Par d'autres amendements, je propose de clarifier les rôles respectifs des organismes collectifs et des entreprises. L'entrepreneur a besoin d'un environnement d'organismes collectifs : associations, syndicats ou chambres consulaires. Il est normal que les chambres de commerce et d'industrie, les chambres régionales mènent des actions de solidarité ; de même, les groupements de gestion agréée réalisent des actions de solidarité et d'information. Encore faut-il - exercice toujours très difficile - fixer la limite entre les activités d'information et de conseil.
C'est l'objet des amendements que je présenterai sur les articles 7 et 39, afin que soit défini, au cours du débat public, où s'arrête l'information et où commence le conseil. Si l'information est indispensable, le conseil, lui, engage la responsabilité de celui qui le délivre. C'est assurément une ligne de partage claire.
Enfin, d'autres amendements que j'ai déposés ont un caractère plus corporatiste, je le reconnais, monsieur le ministre. Personne n'est parfait ! (Sourires.) Il arrive à des élus de la République d'épouser des causes particulières. Vous ne serez pas surpris que, dans mon cas, j'épouse la cause des professions libérales, pour différentes raisons dont certaines m'amènent à soulever la question du conjoint collaborateur, traitée dans les articles 10 et 11.
Selon l'article 10, il semble que le conjoint du gérant d'une société civile ne bénéficie pas des mêmes statuts que celui du gérant d'une société d'exercice libéral. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez ce point particulier.
En revanche, pour ce qui concerne les professions libérales, le fait d'être conjoint ne donne pas nécessairement accès à la compétence, qui n'est pas transmise par le mariage (Sourires), lequel est pourtant un sacrement respectable. Dans le cas d'activités traditionnelles, on imagine le commerçant, l'artisan dans son laboratoire, pendant que l'épouse tient la caisse. En revanche, le conjoint d'un avocat n'est pas forcément un très bon juriste, mais il peut être en mesure de gérer en effectuant des actes d'administration. Il faut donc préciser le rôle du conjoint et définir ce qu'il peut faire et ce qu'il ne peut pas faire.
L'article 15, quant à lui, traite du collaborateur libéral. Ce texte constitue indéniablement un progrès et apporte une clarification. Pour garder le statut de travailleur non salarié dans les sociétés d'exercice libéral à ceux qui ne sont pas gérants, des règles doivent être définies. Je suis persuadé que le débat auquel donnera lieu l'examen des amendements que j'ai déposés sur ce sujet permettra de fixer les règles du jeu.
J'évoquerai deux derniers sujets de préoccupation spécifiques aux professions libérales et qui sont peut-être vécus différemment, je le reconnais, par les professions juridiques et par certaines professions médicales.
En effet, pour ce qui concerne les professions juridiques, comme, peut-être, les professions d'expertise comptable, M. Arthuis ici présent peut en témoigner, la prestation revêt une forme internationale. Ce caractère est d'ailleurs demandé par le client qui a lui-même une activité de caractère international : il entend alors que ses conseils aient la même dimension, ce qui suppose que leur soit donnée la possibilité de s'ouvrir, de partager, de s'associer plus largement que ne doivent le faire, par exemple, les professions libérales médicales exerçant leurs compétences sur un marché, pour l'essentiel, local, mais je tiens ces propos avec une grande prudence, ne connaissant pas tous les secteurs. C'est la raison pour laquelle la transposition par la loi du 11 février 2004 d'une directive européenne relative à l'exercice des professions libérales mériterait sans doute une clarification, et j'ai déposé des amendements en ce sens.
Il en est de même pour l'article 45, qui limite les participations croisées et rend sans doute plus difficile l'émergence de grands cabinets français de conseil juridique ou de conseil en gestion exerçant dans le domaine libéral.
Je terminerai mon intervention par un sujet difficile : la location d'actions. J'ai dit qu'elle est interdite aux professions libérales. La disposition prévue par le projet de loi risque de faire perdurer une confusion entre celui qui loue et qui renonce à la gestion, et celui qui est preneur à bail et qui risque d'être confronté au droit de regard du bailleur sur les politiques de dividendes. Le débat devrait permettre de clarifier ce point.
Ayant choisi d'intervenir sur le plan technique, je regrette de ne pas avoir pu reprendre les thèmes qui ont été excellemment développés avant moi, notamment par MM. Claude Biwer et Jean Boyer. En effet, au-delà des professions libérales, le projet de loi tient compte de l'espérance du monde rural, auquel nous sommes tous associés. Celui-ci trouvera certainement, au travers de la plupart de ces dispositions, un soutien, des conditions plus favorables à l'exercice et au développement des activités des PME de toute nature ainsi que des prestataires de service.
C'est pourquoi, sans aucune réserve, et après le débat que suscitera l'examen des amendements que j'ai déposés, je voterai bien sûr ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le tissu des petites et moyennes entreprises est sans doute l'un de nos meilleurs atouts pour retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Jean Arthuis. Je me réjouis, monsieur le ministre, de votre ardeur, de votre enthousiasme pour propulser les petites et moyennes entreprises. Je veux également rendre hommage au rapporteur au fond de la commission des affaires économiques, Gérard Cornu, ainsi qu'aux trois rapporteurs pour avis, Catherine Procaccia, Auguste Cazalet et Christian Cambon. Ils ont cadré et éclairé notre débat.
Je voudrais vous faire partager mon analyse, mes craintes et mes propositions au sujet de la modernisation des relations commerciales, autrement dit de la réforme de la loi Galland. Je voudrais être sûr qu'au terme de ce débat nous aurons su débusquer les hypocrisies.
Je salue, bien sûr, la volonté du Gouvernement d'engager toutes ses forces pour gagner la bataille de l'emploi. Mais j'ai bien noté aussi qu'il entend mener une action volontariste en faveur de la baisse des prix dans la grande distribution. Aussi, je m'interroge sur la compatibilité entre ces deux objectifs. A chaque fois que les prix varient à la baisse, ce sont les fournisseurs, c'est-à-dire les producteurs, qui en font les frais.
M. Daniel Raoul. Bienvenue au club !
M. Jean Arthuis. Nous avons, au fil des ans, laissé se concentrer les centrales d'achat. Elles se comptent aujourd'hui sur les doigts d'une main. Le rapport de forces est tel qu'elles jouissent d'une position dominante et qu'elles en usent au détriment de tous ceux qui tentent encore de produire sur notre territoire national.
Souvenez-vous, monsieur le ministre, de la taxe sur l'équarrissage instituée dans la loi de finances de 2004. Elle devait être supportée par les Français, par les consommateurs, puisqu'il s'agissait d'une contribution à la sécurité alimentaire, ou par ceux qui mettent sur le marché. En fait, elle a été répercutée sur les producteurs et, à défaut des producteurs, sur les contribuables.
Cette remarque vise à vous faire observer qu'il s'agit de relations contractuelles et que la loi est souvent vaine lorsque les forces en présence sont excessivement déséquilibrées.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Jean Arthuis. Entre 1998 et 2004, les fameux accords de « coopération commerciale », c'est-à-dire les marges arrière, ont donné lieu à des versements par les fournisseurs de la grande distribution qui ont progressé, en valeur, de plus de 80 % alors que, dans la même période, les tarifs des prix facturés par les fournisseurs variaient d'à peine 20 % et que leur chiffre d'affaires « net-net », c'est-à-dire ce qu'ils facturent à la grande distribution, déduction faite de ces marges arrière, ne progressait que de 5 % ? Telles sont les pratiques.
Dans ce processus implacable, vient un moment où ceux qui produisent cherchent leur salut dans l'exil. Comment se fait-il que toute relance de la consommation se solde, depuis quelques mois, par un déficit croissant de notre balance commerciale ? Entre l'enclume de nos réglementations, des charges sociales, des contraintes environnementales, de notre droit de la concurrence, et le marteau des prix, l'espace pour produire s'étiole. Je veux vous y rendre attentif, monsieur le ministre, et constater avec vous que la prohibition des ententes ne s'exerce pas de la même façon selon qu'il s'agit de ceux qui produisent ou de ceux qui distribuent.
Dans une économie largement mondialisée, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, n'est compétente qu'en France. Mieux vaut donc, lorsqu'on produit, s'entendre hors du territoire national.
La limitation des taux des marges arrière à 20 % est-elle la solution ? C'est sans doute une solution de très court terme.
A cet égard, monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire à propos de cette nouvelle et étrange pratique de plusieurs grandes enseignes qui consiste à conclure des accords internationaux en vue de percevoir en Suisse une redevance, payée par leurs fournisseurs, calculée sur 1 % à 2 % du montant de leurs approvisionnements destinés à la consommation en France ? Il est permis de penser que le montant de cette « ponction » s'est situé entre 500 millions et 600 millions d'euros en 2004. Qu'en serait-il, mes chers collègues, si toutes les enseignes se laissaient aller à cette pratique ? J'espère que les précisions que ne manquera pas d'apporter notre débat éclaireront ce qu'il faut entendre par « contrat de coopération commerciale ».
Au demeurant, j'exprime des craintes sur le plafonnement législatif des marges arrière. Il faut, en cette matière, privilégier la transparence et nous interroger sur le sort de cette évaporation de 500 millions à 600 millions d'euros de revenus dont l'impact, en termes d'impôt sur les sociétés, n'est pas neutre.
Enfin, sans mésestimer la portée de l'exercice auquel nous nous livrons, mes chers collègues, nous devons nous demander si nous disposons des bons moyens pour faire respecter les principes que nous transcrivons dans nos lois. Autrement dit, monsieur le ministre, aurez-vous la capacité de contrôler les opérations qui se dénouent dans d'autres pays que le nôtre ? Imaginons une « coopérative de distribution européenne » dont le siège social est établi en Italie, en Allemagne ou au Luxembourg. Quelles seraient alors les prérogatives et les capacités d'action de la DGCCRF ? Il convient donc de s'extraire du champ national lorsque nous légiférons en cette matière et de s'investir avec opiniâtreté dans la gouvernance économique de l'Union européenne, quelles que soient les circonstances.
Nos travaux ne sauraient en aucune façon laisser place à la présomption d'illusionnisme, monsieur le ministre. Votre agenda européen sera chargé, et je vous encourage à passer beaucoup de temps à Bruxelles sur ces questions pour que les beaux principes que nous énonçons ici se vérifient dans la réalité.
Si nous voulons gagner la bataille de l'emploi, nous devons impérativement rééquilibrer les forces en présence et combattre effectivement tous les abus de positions dominantes.
Les amendements que je présenterai avec les membres de mon groupe, MM. Jean Boyer et Claude Biwer notamment, sur le titre VI, intitulé « modernisation des relations commerciales », visent précisément à redonner à ceux qui produisent et créent des emplois un espace de liberté et d'espoir de réussite, et à leur éviter la confiscation de leurs espérances au moment où ils passent dans la « chambre secrète » des centrales d'achat.
Le problème, monsieur le ministre, ce ne sont pas les mètres carrés ; lorsqu'on en est aux mètres carrés, les jeux sont faits pour les petites et moyennes entreprises. Ce qui compte, c'est la concentration des centrales d'achat et l'abus de position dominante.
En outre, les pouvoirs publics ne peuvent se montrer fatalistes face aux crises que traversent certaines filières autres que celle de l'agriculture. La défense des consommateurs ne peut avoir pour conséquence l'exclusion de ceux qui produisent des biens et des services. Cessons de tout attendre des entreprises. Elles se doivent d'être créatives, innovantes, compétitives. La solidarité, quant à elle, est bien la responsabilité de l'Etat. Veillons à ce que les plus puissants n'écrasent pas les plus petits. Permettons à ces derniers, lorsqu'ils sont employeurs, de vivre et de prospérer dans une compétition devenue internationale. Ne les décourageons pas lorsqu'ils s'entendent pour la bonne cause, celle de la croissance et de l'emploi. C'est à cette condition que nous contribuerons au progrès économique et à la cohésion sociale.
J'espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement se montrera attentif à nos amendements et, sous réserve des quelques modifications que nous souhaitons, nous soutiendrons bien sûr ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'annonce, par le Premier ministre, de la création d'un nouveau « chèque emploi TPE », qui s'inspire en réalité d'une vieille recette et qui figure déjà dans le projet de loi, est bien le symbole de la continuité des politiques malgré la rotation des hommes. D'ailleurs, monsieur le ministre, même si le temps vous est compté, rien ne change dans le texte qu'a déjà présenté votre prédécesseur.
Toutefois, afin de débuter sur une note positive, je commencerai par souligner les quelques avancées de ce texte, comme l'amélioration du statut des partenaires conjoints des commerçants et artisans.
Le travail de conjoints de commerçants et d'artisans représente une réalité majeure dans notre pays. Les deux tiers des conjoints des dirigeants de PME travaillent dans l'entreprise de leur mari ou de leur femme. Parmi eux, on estime à 300 000, bien souvent des femmes, le nombre de personnes travaillant au sein de l'entreprise sans aucun statut, sans le bénéfice d'aucun droit social.
Dans les très petites entreprises, près d'un quart des conjoints, soit 100 000 personnes, ne seraient rattachés à aucun des statuts existants.
Le groupe socialiste enregistre positivement le fait que ce projet de loi, inspiré de celui que défendit en 2002 François Patriat, prévoit de rendre obligatoire l'adhésion des conjoints collaborateurs au statut de conjoint collaborateur, de salarié ou d'associé.
M. Roger Madec. Cela faisait également longtemps que les commerçants et artisans attendaient la reconnaissance de droits propres en matière d'assurance vieillesse, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience.
Cependant, la condition des conjoints partenaires est encore perfectible. Le groupe socialiste propose que les conjoints soient représentés au sein des chambres de métiers et de l'artisanat et que le bénéfice de ces statuts protecteurs soit étendu aux concubins et aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité avec le chef d'entreprise.
Vous avez souhaité insérer dans ce projet de loi des dispositions relatives au travail illégal. Naturellement, le groupe socialiste ne peut que partager les objectifs affichés par le Gouvernement dans ce domaine, même si, pour l'essentiel, les moyens à mettre en oeuvre dépassent largement le cadre de ce projet de loi.
Avec un détournement de 4 % du PIB, comme l'a rappelé Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et des pertes pour les finances de l'Etat de l'ordre de 55 milliards d'euros, le travail illégal constitue aujourd'hui un véritable fléau.
Les travailleurs concernés en sont les premières victimes. Faible rémunération, absence de protection sociale, conditions de travail déplorables et indignes, précarité et exclusion sociale en sont les principales conséquences.
Mais les personnes travaillant dans la légalité sont aussi touchées de plein fouet par le manque à gagner pour les caisses de sécurité sociale et par la concurrence déloyale qui pèse sur des pans entiers de l'économie. Dans le bâtiment, l'hôtellerie-restauration, l'agriculture et le spectacle, des emplois sont menacés par le dumping résultant du travail illégal.
C'est pourquoi toute mesure de lutte contre le travail illégal est la bienvenue. Votre projet de loi, monsieur le ministre, tend à renforcer, d'une part, la coopération entre toutes les administrations pouvant aider à détecter des formes de travail illégal et, d'autre part, les sanctions à l'égard des employeurs contrevenants.
L'intention est bonne, mais d'autres pistes auraient pu être explorées. Qui sera chargé de coordonner les échanges d'information ? Ces échanges seront-ils rendus systématiques ou dépendront-ils du volontarisme de chaque administration ? La suppression des aides publiques aux entreprises qui sont dans l'illégalité sera-t-elle une mesure suffisante ? Voilà des questions qui méritent des réponses. L'impératif de la lutte contre le travail illégal justifie au moins l'augmentation des sanctions financières à l'encontre des employeurs contrevenants.
Monsieur le ministre, je tiens à vous rappeler que le 23 novembre dernier, devant la commission des affaires sociales, votre prédécesseur s'était engagé à créer 180 postes supplémentaires à l'inspection du travail. Je considère, en effet, que toutes les mesures de coopération administrative et toutes les sanctions financières resteront sans effet si la présence des inspecteurs du travail sur le terrain n'est pas renforcée.
La situation est ubuesque : selon le ministère, au 31 décembre 2002, on dénombrait seulement 1 291 agents de contrôle de l'inspection du travail pour faire face à 1,5 million d'établissements et quelque 15 millions de salariés. Quant aux contrôles des salariés étrangers travaillant en France, les agents de contrôle n'ont bien souvent même pas d'interprète à leur disposition pour traduire les contrats de travail.
Aussi, le groupe socialiste sera extrêmement attentif au respect des engagements pris par votre prédécesseur. Nous n'accepterons pas l'excuse de l'austérité budgétaire, car la perte de 55 milliards d'euros pour l'Etat et les destructions de centaines de milliers d'emplois engendrées par le travail illégal méritent un effort financier de l'Etat et la création de 180 postes budgétaires, pour éradiquer ce fléau.
S'agissant des dispositions relatives aux affaires sociales, monsieur le ministre, votre projet de loi ne contient que des mesures mal ficelées, voire des atteintes graves au droit du travail.
Concernant les créateurs et repreneurs d'entreprise, vous nous dites, monsieur le ministre, qu'il est indispensable de mieux former les futurs chefs d'entreprise au moment de la création ou de la reprise d'une PME. S'il partage entièrement cet objectif, le groupe socialiste déplore, en revanche, que le financement de ces actions de formation ponctuelle entre en concurrence frontale avec la formation professionnelle continue des artisans et des commerçants. Les fonds d'assurance formation sont déjà trop pauvres pour prendre en charge la formation professionnelle continue et vous voulez leur faire assumer en plus le financement de l'accompagnement des créateurs et repreneurs d'entreprise.
Monsieur le ministre, donnez-vous les moyens d'une politique plus cohérente. Apportez des ressources propres à ces nouvelles mesures d'accompagnement. Utilisez les dispositifs existants tels que le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, ou les fonds habituellement accessibles aux salariés, mais ne financez pas la formation des nouveaux chefs d'entreprise au détriment de la formation professionnelle continue.
Par ailleurs, monsieur le ministre, le flou des mesures proposées ne permet pas d'assurer que les bénéficiaires du fonds d'assurance formation de l'artisanat cotisent un jour eux-mêmes à ce fonds, faisant ainsi peser sur les seuls artisans le financement d'actions de formation d'un public plus large.
A terme, c'est donc à la fois l'aide aux nouveaux chefs d'entreprise et l'aide à la formation professionnelle que vous mettez en danger si vous ne proposez pas un financement cohérent et plus offensif, adapté à ces objectifs.
La même maladresse, le même manque d'idées vous conduisent à pérenniser et à étendre un mécanisme qui ne fonctionne pas : le titre emploi entreprise. Selon le rapporteur, dans les dizaines de milliers de petites entreprises susceptibles d'être intéressées, seuls 14 300 employés en ont bénéficié.
Actuellement, ce dispositif permet simplement à certains employeurs de faciliter les formalités sociales à l'embauche. Vous nous demandez aujourd'hui de le rebaptiser « chèque emploi très petites entreprises » et de lui conférer la valeur de véritable titre de paiement.
Certes, il est louable de s'inspirer du succès du chèque emploi service pour les emplois à domicile et du titre emploi simplifié agricole dans le domaine agricole, mais c'est en réalité une fausse bonne idée, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, contrairement au CES et au TESA, le chèque emploi pour les très petites entreprises, du fait de la multitude de conventions collectives et d'organismes sociaux collecteurs qui seront concernés, sera une véritable usine à gaz.
Ensuite, la simplification des formalités administratives ne doit pas avoir pour objet de contourner le code du travail. L'Union professionnelle artisanale, par exemple, qui se bat depuis longtemps pour la simplification du bulletin de salaire, considère que les mécanismes du type chèque emploi TPE ne sont pas la solution.
Les organisations professionnelles craignent également des effets d'aubaine importants et le remplacement des contrats d'intérim et des CDD par un nouveau type de contrat encore plus précaire.
En effet, ces chèques emploi qui servent à la fois de déclaration préalable à l'embauche, de contrat de travail, de feuille de paie et de titre de paiement distendent le lien entre l'employeur et l'employé, diluent la responsabilité de l'un par rapport à l'autre, et in fine le code du travail et les conventions collectives sont perdus de vue.
Enfin, vous laissez la porte ouverte à la généralisation des chèques emploi TPE au-delà même des TPE puisque vous supprimez le plafond de dix salariés.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, le groupe socialiste ne peut que déplorer que le chèque emploi TPE soit érigé par le Gouvernement en élément essentiel de la prétendue mobilisation générale pour l'emploi.
Dernière mesure du projet de loi concernant les affaires sociales, l'extension du forfait en jours aux salariés itinérants non cadres ne paraît pas acceptable. Cette mesure, qui n'a rien à faire dans un projet de loi sur les PME, est en plus totalement injustifiée. Le code du travail prévoit pour ces salariés la conclusion de conventions de forfaits horaires annuels, disposition déjà d'une grande souplesse. A la différence des cadres, ces salariés ne sont pas maîtres de leur emploi du temps. Le passage au forfait en jours aurait donc pour conséquence, encore une fois, d'augmenter indirectement leur temps de travail et de revenir sur les 35 heures. D'ailleurs, sans surprise, la concertation promise à ce sujet lors de l'examen du texte tendant à la révision des 35 heures n'a pas eu lieu.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à rappeler la position du groupe socialiste au sujet du travail des apprentis mineurs le dimanche. Alors que la Cour de cassation a récemment rappelé l'interdiction de faire travailler des apprentis les dimanches et jours fériés, la commission des affaires économiques propose d'ouvrir cette possibilité. Sans dogmatisme, monsieur le ministre, nous vous mettons en garde contre la tentation de laisser entrer par la fenêtre une mesure libérale mise à la porte par la Cour de cassation.
La protection des mineurs, de leur santé et de leur épanouissement personnel s'opposent à l'idée même de travail les dimanches et jours fériés sans compensation importante.
En outre, l'objectif annoncé par le Premier ministre de former 500 000 apprentis en cinq ans ne sera jamais atteint sans un effort pour améliorer l'image et l'attractivité des métiers de l'artisanat. Or nous ne pensons pas que le travail des apprentis mineurs les dimanches et jours fériés non assorti d'une compensation importante soit un gage d'attractivité pour les jeunes.
Si la formation des apprentis mineurs exige leur présence sur le lieu de travail pendant les dimanches et jours fériés, cette présence doit être strictement encadrée et limitée à l'impératif pédagogique.
Monsieur le ministre, je sais bien que vous avez hérité du dossier voilà quelques jours seulement, à l'occasion du remaniement, mais je me dois de vous dire - vous l'aurez d'ailleurs compris - que ce texte n'a pas beaucoup de vertus à nos yeux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre d'un texte important traitant de l'entreprise.
Le présent projet de loi reconnaît en effet la place centrale et éminente qu'occupent les entreprises et les entrepreneurs dans la société et dans la bonne marche de l'économie. Mettre l'entreprise au coeur des préoccupations du Gouvernement est un acte politique de grande portée, que je tiens à saluer à sa juste valeur.
Faut-il souligner que ce ne fut malheureusement pas toujours le cas ? Le gouvernement Jospin a, en effet, multiplié les obstacles sur la route des créateurs d'entreprises : application autoritaire, dogmatique et coûteuse des 35 heures, accroissement des rigidités administratives par la loi dite de modernisation sociale et alourdissement des charges pesant sur les salaires.
La France tournait alors au ralenti et le nombre de créations d'entreprise avait baissé. Pour inverser cette tendance, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, auquel je tiens à rendre hommage, a su proposer des solutions réactives pour remettre notre pays en route.
M. Jean-Marc Pastor. C'est réussi...
M. Dominique Mortemousque. Force était en effet de constater que les Français ne s'engageaient plus suffisamment dans l'aventure entrepreneuriale. En 2002, on ne comptait que 175 000 créations ou reprises d'entreprise. Il devenait urgent de lever un grand nombre d'obstacles à la création ou à la reprise d'entreprises.
L'engagement du Premier ministre se traduisit, seulement trois mois plus tard, par l'annonce de mesures nouvelles figurant dans le projet de loi « Agir pour l'initiative économique » et insufflant par là même un contexte culturel de réhabilitation de l'entreprise.
La détermination dont le gouvernement Raffarin a fait preuve résultait d'un constat d'urgence : il fallait offrir à ceux de nos concitoyens qui souhaitent créer, développer ou reprendre une entreprise la faculté de le faire parce que la création d'entreprises est le moteur de la création d'emplois.
Avec mes collègues du groupe de l'UMP, nous nous sommes félicités du dépôt en décembre 2002 de ce projet de loi dont les dispositions, adaptées à la diversité des entreprises et des entrepreneurs, allaient profiter à l'ensemble des activités économiques, quels que soient leur secteur et leur forme juridique, en rompant avec le désintérêt progressif pour l'initiative constaté sous le précédent gouvernement.
Nous nous en sommes d'autant plus félicités que ce projet de loi s'inscrivait dans un ensemble cohérent de textes législatifs traitant de l'entreprise et de l'entrepreneur, textes qui ont été adoptés par le Parlement durant les trois années de gouvernement Raffarin.
Les chiffres de 2004 sont très significatifs : 223 995 créations pures, 54 004 réactivations et 42 266 reprises, soit un total de 320 265 créations ou reprises d'entreprises. On est loin des 175 000 de l'année 2002 ! Si on prend en compte l'emploi du créateur et ceux qui sont engendrés par son entreprise, on peut estimer à 631 000 le nombre d'emplois liés à la création d'entreprises en 2004. Qu'ajouter de plus ? Ce constat parle de lui-même !
Notre pays a retrouvé le goût et l'envie d'entreprendre. La politique menée pendant trois ans par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a permis d'obtenir des résultats tangibles. Ce sont les meilleurs chiffres de la création d'entreprises depuis plus de quinze ans et ils nous placent au-dessus de l'objectif fixé en 2002 par le Président de la République de créer un million d'entreprises nouvelles en cinq ans.
Ce renouveau de l'esprit entrepreneurial est un signal très encourageant. Cependant, les défis subsistent...
Mme Michelle Demessine. Ah, tout de même !
M. Dominique Mortemousque. ...et il faut redoubler d'efforts pour assurer la pérennité des entreprises existantes et leur développement.
L'artisanat, le petit commerce, les petites entreprises attendent beaucoup du projet de loi que le nouveau gouvernement, qui ne souhaite ni les décevoir ni perdre de temps dans la relance de l'esprit d'entreprise, a repris.
Bien évidemment, notre nouveau ministre Renaud Dutreil...
Mme Michelle Demessine. Ancien ministre !
M. Dominique Mortemousque. ...ne manquera pas de nous faire des propositions complémentaires pour enrichir et dynamiser ce texte, en fonction du nouveau contexte que nous connaissons et des engagements pris mercredi dernier par Dominique de Villepin.
Ce projet de loi a pour objet d'améliorer le statut de l'entrepreneur et de son conjoint, de faciliter plus encore la transmission de l'entreprise, de conforter sa pérennité et de favoriser son développement, ainsi que de revaloriser l'apprentissage.
Il contient bon nombre de mesures positives, parmi lesquelles un vrai statut pour le conjoint du chef d'entreprise.
Les conjoints, ou plutôt les conjointes puisque la majorité des conjoints collaborateurs sont des femmes, apportent une contribution décisive à la bonne marche de l'entreprise. Cependant, moins de 10 % d'entre elles se constituent des droits sociaux, notamment des droits à la retraite. Les dispositions de ce texte vont donc aider au renouvellement de l'image du secteur des métiers et inciter les jeunes couples à se lancer dans un projet d'entreprise.
La deuxième mesure positive est la transmission préparée et facilitée. Pour faire face au vieillissement démographique, qui concerne également les chefs d'entreprise, il faut absolument préparer la transmission des entreprises et des savoir-faire : 50 000 entreprises sont concernées chaque année.
Au rang des satisfactions figurent également les mesures relatives au tutorat. Le projet de loi prévoit en effet de développer le tutorat en entreprise, assuré par le cédant au bénéfice du repreneur, avec la mise en place d'une prime de transmission accompagnée, à la charge de l'Etat.
Le développement de l'apprentissage est aussi un moyen de prévoir la relève en formant des chefs d'entreprise qui reprendront demain des entreprises, notamment dans le secteur artisanal.
Trop de PME rencontrent des difficultés à l'embauche. Il y a, en effet, trop de métiers qui manquent de jeunes formés et, dans le même temps, trop de jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification.
Le texte prévoit en outre des moyens pour financer les investissements des entreprises individuelles. Il tend ainsi à faciliter l'autofinancement de certains investissements réalisés par les entreprises individuelles dans les trois premières années de leur création ou de leur reprise, par l'institution d'une provision pour investissement.
Ce projet de loi est un nouvel encouragement pour les entrepreneurs de ce pays. C'est le premier texte du gouvernement Villepin inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat : c'est dire l'importance que ce gouvernement attache à la création d'entreprises dans notre pays, ainsi qu'à la pérennité des entreprises existantes, lesquelles ne doivent plus être pénalisées dans la compétition européenne et internationale.
L'autre grand volet du projet de loi concerne la modernisation des relations commerciales.
L'économie générale du texte du gouvernement tend vers la recherche d'un nouvel équilibre des relations commerciales entre industriels et distributeurs, sans remettre en cause les acquis de la loi Galland de 1996. Cette loi a permis de protéger le commerce de proximité ; elle a également permis de protéger les petits fournisseurs disposant d'un faible pouvoir de négociation contre des distributeurs peu nombreux et puissants.
Le souci du Gouvernement de relancer l'activité économique par une revalorisation du pouvoir d'achat des consommateurs a remis l'accent sur l'intérêt de modifier le cadre réglementaire afin de permettre aux distributeurs de baisser leurs prix de vente aux consommateurs.
Les dispositions du titre VI visant à l'adaptation de la loi Galland sont le résultat d'un intense processus de concertation et de négociation. La définition des seuls principes de la coopération commerciale telle que proposée à l'article 28 paraît à même de garantir aux opérateurs une certaine sécurité juridique tout en permettant une grande adaptabilité du texte aux évolutions des pratiques de vente. Les études menées par le groupe de travail ont fait ressortir l'attachement de la majorité des acteurs concernés à la définition légale de la coopération commerciale et au principe du renversement de la charge de la preuve des services rendus. Ces mesures devraient en effet permettre de réellement moraliser les pratiques relevées en ce domaine.
Le projet de loi vise également à mieux encadrer les accords de gamme dits « offensifs » présentant un caractère abusif et susceptibles de fragiliser les PME, voire de les écarter du marché.
Il tend aussi à améliorer certaines pratiques liées au lancement d'enchères à distance, notamment les enchères électroniques inversées, afin de créer un cadre juridique stable et clair qui protège les fournisseurs de certains comportements déloyaux et qui assure une meilleure transparence de ces enchères.
Votre texte, monsieur le ministre, tend vers un encadrement plus juste des conditions de vente, une meilleure fixation des prix de revente et un contrôle de l'application de la loi plus efficace.
Si ces objectifs sont tout à fait louables, je me permettrai cependant d'émettre certaines réserves sur les dispositions proposées à l'article 31 dans son texte initial,...
M. Daniel Raoul. Quand même !
M. Dominique Mortemousque. ...article qui prévoit une modification de la définition du seuil de revente à perte.
En effet, les dispositions de l'article 31 pourraient, me semble-t-il, avoir des conséquences dommageables en termes de coûts pour les fournisseurs de la grande distribution. Ce dispositif vise à plafonner à 20 % le montant des avantages financiers versés aux distributeurs qui ne pourra pas être répercuté au consommateur. De ce fait, le texte incite involontairement tous les opérateurs à s'aligner sur ce taux de 20 %,...
M. Daniel Raoul. Vous avez bien compris !
M. Dominique Mortemousque. ...ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour de nombreux marchés, notamment pour les produits premiers prix ou à marque de distributeurs.
Je ne suis donc pas certain que le dispositif proposé initialement aboutisse au résultat souhaité. Je pense qu'il faut rester très prudent et bien prendre en compte l'extrême difficulté que représente la définition d'un nouveau seuil de revente à perte corrélé au niveau des marges arrière.
J'ose espérer que le débat qui va s'instaurer sur ce sujet lors de la discussion des articles sera constructif et débouchera sur une solution équilibrée au regard des différents acteurs et objectifs pris en considération. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que nous saurons trouver un terrain d'entente.
La commission des affaires économiques, saisie au fond, propose au Sénat un certain nombre d'amendements, tous aussi pertinents les uns que les autres, qui viennent enrichir et compléter le texte du Gouvernement. Je tiens à rendre hommage à son rapporteur, M. Gérard Cornu, pour l'excellent travail accompli.
Les commissions saisies pour avis ont également apporté leur pierre à l'édifice, chacune dans son domaine de compétences, et je souhaite également leur rendre hommage.
Le groupe de l'UMP adoptera sans réserve ce projet de loi parce qu'il est important de redonner aux Français, en particulier aux jeunes, le goût d'entreprendre et le droit de réussir.
La reprise, la transmission, la création, le développement des entreprises sont des actions concrètes et ce texte leur donne corps et force. Il est destiné à l'ensemble des PME de notre pays, tout particulièrement aux plus petites d'entre elles, qui jouent un rôle majeur dans le développement et la pérennité de l'emploi, contribuant ainsi au développement rural et à l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera sur les seuls articles 49 et 52 du projet de loi. Depuis maintenant deux ans, le secteur du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel connaît une crise sans précédent.
Nous avons tous en mémoire le facteur déclencheur de cette crise : la signature du protocole d'accord du 26 juin 2003, par des organisations minoritaires du secteur, remettant gravement en cause le régime d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle.
Quelques semaines plus tard, le 6 août 2003, le gouvernement, faisant fi de toutes les règles d'usage en matière de négociation paritaire, avait apposé son agrément sur ce protocole, donnant ainsi satisfaction au MEDEF, qui n'a eu de cesse, depuis des années, de faire abolir les annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC. C'est pour contrer cette pression que nous avions, avec Lionel Jospin, fait adopter une loi, le 5 mars 2002, confirmant le maintien des annexes 8 et 10 jusqu'à ce que les partenaires sociaux parviennent à un véritable accord.
Depuis lors, les intermittents, dont la situation sociale s'est dégradée avec l'application du nouveau dispositif, ont multiplié les initiatives afin de rétablir leurs droits acquis.
On connaît les quelques avancées obtenues grâce à la persévérance du comité de suivi, qui a réuni, chaque semaine, des professionnels du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel ainsi que des parlementaires.
On connaît surtout l'obstination du gouvernement dans son refus d'inscrire à l'ordre du jour des assemblées la proposition de loi visant à renvoyer les partenaires sociaux à la négociation, en vue de pérenniser un régime d'indemnisation chômage pour les intermittents sur des bases saines. Je rappelle que ce texte, émanant du comité de suivi, a été déposé dans les deux assemblées, par des parlementaires de tous bords.
Après avoir donné aux professionnels beaucoup d'espoir en renouant le dialogue rompu par son prédécesseur, le ministre de la culture a choisi de bloquer l'affaire en répondant « hors sujet » à ce dépôt de proposition de loi et a soumis aux intéressés un projet de charte s'articulant autour de trois axes : le soutien à la création, un meilleur encadrement des contrats d'usage et un contrôle de leur utilisation.
Il est indéniable que l'on ne pourra faire longtemps l'économie d'une réflexion renouvelée sur le soutien au spectacle vivant et la recherche de nouveaux partenaires financiers pour ce secteur, aux côtés de l'Etat. Il est, en revanche, inacceptable que le Gouvernement se dérobe dans ce débat et laisse en jachère des problèmes sociaux aussi graves. Chaque jour, en effet, de nouveaux artistes ou techniciens sont boutés hors du système et se retrouvent dans une situation de total dénuement.
Il est encore moins acceptable - et j'en viens au dispositif même des articles 48, 49 et 52 du projet de loi - qu'au détour d'un texte qui concerne les petites et moyennes entreprises le Gouvernement introduise des cavaliers législatifs, en catimini - les professionnels du spectacle, de la culture et de l'audiovisuel n'ont été ni consultés, ni même avertis de l'introduction de ces articles - afin d'appliquer la seule partie répressive de son projet de charte, au demeurant refusé par les collectivités territoriales.
L'article 49 de ce projet de loi autorise ainsi les agents de l'inspection du travail, du Centre national de la cinématographie, des directions régionales des affaires culturelles et de l'Agence nationale pour l'emploi à croiser leurs fichiers afin de vérifier si les contrats d'usage délivrés aux intermittents dans les « secteurs des spectacles, de l'action culturelle, de l'audiovisuel, de la production cinématographique et de l'édition phonographique » présentent les caractéristiques de tels contrats et ne sont pas des CDD abusifs.
L'article 52 du même projet de loi assortit de sanctions, pour les entreprises du cinéma et de l'audiovisuel fraudeuses, l'emploi abusif de contrats d'« usage », ces sanctions s'échelonnant du simple avertissement à des restrictions d'accès au compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle, pouvant durer cinq ans.
Je suis de ceux qui ont toujours condamné l'emploi abusif d'intermittents et préconisé davantage de contrôles, notamment par le biais des croisements de fichiers.
Mais je ne peux cautionner le dispositif que vous nous proposez d'adopter, au détour d'une loi qui, théoriquement, ne concerne que les PME. Dès lors, monsieur le ministre, nous direz-vous si les principales entreprises du secteur, France-Télévisions, TF 1 ou M 6, entrent dans le champ d'application de cette loi ?
Je ne peux non plus cautionner ce dispositif pour des raisons de fond et de déontologie.
D'abord, parce que le Gouvernement met vraiment la charrue avant les boeufs : il propose un dispositif coercitif avant d'émettre des propositions en termes sociaux et en termes de soutien à la création. Mettre un gendarme derrière les professionnels du spectacle et de la production ne suffira pas à redynamiser ce secteur ni à mettre un terme au conflit social qui le mine. Nous aurions dû être alertés par les reculades du ministre de la culture : dans un premier temps, par l'élaboration de sa charte, il a noyé la question prioritaire du régime d'indemnisation chômage dans celle du soutien à la création et, dans un second temps - celui du présent projet de loi -, il l'a réduite à la mise en oeuvre d'un arsenal répressif pour lutter contre la fraude et l'emploi abusif.
Je ne peux non plus cautionner ce dispositif parce qu'il crée un précédent dangereux en matière de droit du travail, en autorisant des agents à effectuer leur propre police dans leur secteur d'activité et à devenir ainsi juge et partie. C'est le rôle dévolu au Centre national de la cinématographie par le texte que vous nous présentez.
Je note aussi que vous instituez une disparité de traitement entre les différents secteurs d'activités culturelles qui ont recours à des intermittents ; si le texte prévoit que l'ensemble de ces secteurs seront soumis aux contrôles, en vertu de l'article 49, les sanctions assortissant ces contrôles ne sont, en revanche, prévues que pour les seuls secteurs de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, conformément à l'article 52.
On pourrait, enfin, discuter du fait que le soutien à l'industrie de programmes soit désormais conditionné au respect de certaines règles de droit social, à l'heure où, dans ce secteur, les intermittents attendent toujours une réponse du Gouvernement en termes sociaux.
Monsieur le ministre, pour toutes les raisons que je viens d'exposer, les sénateurs socialistes, pourtant très soucieux de lutter contre l'emploi précaire, ne sauraient cautionner cette partie du texte, un dispositif tellement partiel - je devrais dire partial - au regard de la situation actuelle des intermittents du spectacle, qui n'attendent, en fait, qu'un seul geste de la part du Gouvernement : l'inscription, à l'ordre du jour prioritaire, de la proposition de loi relative à la pérennisation du régime d'assurance chômage des professions du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma, dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle.
Puisque le ministre de la culture va rencontrer les partenaires sociaux de ce secteur le 16 juin prochain, nous vous posons deux questions, monsieur le ministre : le Gouvernement va-t-il enfin traiter ce problème autrement que sous le seul angle de la répression des fraudes ? Va-t-il enfin considérer les intermittents du spectacle comme des travailleurs respectables et indispensables à la vie culturelle de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de cette discussion générale, je tiens tout d'abord à saluer la qualité des observations qui ont été faites sur ce texte important, touchant aussi bien aux PME qu'à la réforme de la loi Galland.
Le rapporteur, M. Gérard Cornu, dont j'ai salué le travail tout à l'heure, a mis l'accent, à juste titre, sur l'un des chapitres essentiels de ce texte : la transmission d'entreprises, aspect sur lequel nous n'avons peut-être pas suffisamment insisté. Il a évoqué une réforme fiscale très attendue : l'alignement de la fiscalité relative aux plus-values des entreprises sur le régime des plus-values immobilières.
Je le redis : le Gouvernement est favorable à cette réforme, même si elle ne pourra trouver sa place dans le présent projet de loi.
M. Daniel Raoul. Ah !
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Premier ministre souhaite que cette modification importante puisse voir le jour, sans doute à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.
J'indique également, à la suite des suggestions de M. le rapporteur, que le Gouvernement est favorable à la suppression de l'article 23 du projet de loi, qui définit la société civile artisanale à responsabilité limitée, la SCARL.
En effet, il me paraît important de pouvoir définir mieux que nous ne l'avons fait jusqu'à présent le statut de l'entreprise individuelle, afin de répondre à l'une des aspirations fortes des travailleurs indépendants constituant les toutes petites entreprises, qui n'ont pas la forme de société anonyme à responsabilité limitée.
Certes, cette aspiration forte se heurte à des obstacles juridiques tout aussi forts, voire à l'opposition de certaines de nos administrations. Pour autant, il ne faut pas y renoncer. Je souhaite donc que le débat sur l'article 23 permette de lancer un travail de réflexion, auquel le Sénat doit être tout particulièrement associé, sur le statut de l'entreprise individuelle tel qu'il est ressenti par un très grand nombre de travailleurs indépendants, notamment dans le domaine de l'artisanat. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite le retrait de l'article qui définit le chèque emploi pour les très petites entreprises. Ces dispositions trouveront mieux leur place dans le projet de loi en cours d'élaboration sur les mesures relatives à la relance de l'emploi, qui fera l'objet de concertations avec les partenaires sociaux et sera soumis au Parlement avant l'été. (M. Daniel Raoul s'exclame.)
De nombreuses interventions ont porté sur la loi Galland. J'ai parfois eu le sentiment d'entendre des contradictions, au demeurant compréhensibles compte tenu de la difficulté du sujet.
La principale d'entre elles est exprimée par ceux qui, parfois depuis de très nombreuses années, se battent contre la dérive des marges arrière - et chacun sait à quel point elle est dénoncée - mais qui refusent la modification de la loi Galland, telle que nous la proposons à l'article 31 du projet de loi.
C'est là une contradiction majeure. De deux choses l'une : ou bien on considère que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes depuis 1997, auquel cas on ne fait rien et cela signifie que cette dérive des marges arrière se poursuivra, sans y opposer aucun frein ; ou bien on considère - et je crois qu'il existe un consensus sur ce point - qu'il faut rebasculer une grande partie de ces masses financières considérables vers l'avant pour que le consommateur en bénéficie et pour que le commerce fonctionne plus librement et, dans ce cas, il faut trouver un dispositif législatif nouveau. Nous aurons également l'occasion de revenir sur ce sujet.
Madame Tasca, ce projet de loi comporte de nombreuses dispositions sur le travail illégal. Il n'est pas anormal de peigner les différentes anomalies qui ont été constatées. Il en existe dans le secteur des intermittents du spectacle. Il était donc naturel que les dispositions relatives au contrôle des intermittents du spectacle figurent dans ce texte.
S'agissant de la création d'entreprise, divers points ont été évoqués. M. Philippe Goujon a parlé d'essaimage. C'est un sujet important. Nous pouvons effectivement réfléchir à ce qui permettrait d'améliorer le statut des essaimés, ceux qui, partant d'une situation de salariés et préparant un projet de création d'entreprise, veulent parfois, pour favoriser leur projet, garder un lien avec leur entreprise d'origine. L'essaimage est une réalité en France, tant dans de très grandes entreprises que dans de toutes petites, et le cadre juridique qui entoure cette activité un peu particulière doit en effet être amélioré. Nous pourrons y travailler.
Je remercie M. Jacques Pelletier d'avoir insisté sur la dimension sociale de ce texte.
Ce projet de loi comporte de véritables avancées sociales. Il donne un statut à toutes ces femmes qui travaillent dans des petites entreprises et qui, lorsqu'elles sont confrontées à un accident de la vie - un décès ou un divorce - se retrouvent privées de droits sociaux. Ces dispositions permettront d'apporter une réponse très précise à toutes ces femmes qui découvrent, lorsqu'il est trop tard, qu'elles ne disposent d'aucune garantie.
J'ai été étonné par certaines affirmations de Mmes Michelle Demessine, Nicole Bricq et de M. Daniel Raoul sur la création d'entreprise et selon lesquelles la loi pour l'initiative économique n'aurait pas eu de résultats. On ne peut pas dire de telles choses. Tout le monde reconnaît ses bienfaits, y compris la Banque mondiale, qui a félicité la France pour sa réussite en matière de création d'entreprises. Le Wall Street Journal, dans un article qui a fait sa une, a même salué cet essor des entreprises en France. (Mme Nicole Bricq s'exclame.). Le parti socialiste est à peu près le seul au monde à nier le fait que, depuis 2002, notre pays a connu un véritable engouement en matière de création d'entreprises, qui doit être salué.
De même, les sénateurs socialistes ont critiqué la mise en place d'incitations fiscales pour favoriser les créations et les transmissions d'entreprise. De deux choses l'une : ou bien ces incitations fiscales ont un coût budgétaire et c'est la preuve que cela fonctionne,...
Mme Nicole Bricq. Pas forcément !
M. Renaud Dutreil, ministre. ...que des emplois ont été sauvés, que des entreprises ont été transmises ou créées ; ou bien ces dispositions sont sans effet et elles ne coûtent rien. Je ne vois donc pas les critiques que l'on peut adresser à ce type de dispositif qui n'expose à aucun risque les finances de l'Etat. Les effets vertueux de telles incitations fiscales ne sont plus à démontrer. De surcroît, ces incitations entraînent moins de bureaucratie que les subventions, qui génèrent souvent beaucoup de travail administratif.
Monsieur Roger Madec, on ne peut pas vouloir soutenir la création d'entreprise sans se poser la question de la formation et de l'accompagnement des créateurs. En effet, ceux qui échouent sont des créateurs qui n'ont pas été accompagnés ou qui n'ont pas été formés. Dès que la formation est mise en place, le succès est au rendez-vous. Il semble donc légitime que le futur artisan puisse bénéficier, lorsqu'il crée son entreprise, des fonds qui sont collectés pour former les artisans. C'est en effet à ce moment-là qu'il a le plus besoin de formation. Nous connaissons très bien la vie des artisans. Nous savons que les ressources collectées par les fonds d'assurance formation, les FAF, ne sont pas totalement utilisées. En raison de leur vie trépidante, les artisans n'ont en général pas suffisamment de temps à consacrer à leur formation, même s'ils sont de plus en plus nombreux à se former. Nous sommes également conscients qu'il ne faut pas trop tirer sur les FAF artisans. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur ce point lors de l'examen d'un amendement présenté par M. le rapporteur.
M. Gérard Longuet a évoqué les professions libérales. Au cours de la discussion des articles, je préciserai le champ d'application des dispositions que nous mettons en place afin, chaque fois que c'est possible, d'y intégrer les professions libérales. Elles font partie du monde des entreprises, elles se développent et sont de plus en plus nombreuses ; elles embauchent, elles créent de l'activité, elles font partie de ces très petites entreprises qui, selon nous, pourraient utiliser le futur « contrat nouvelle embauche », lequel sera mis en place avant le 1er septembre. Elles méritent donc toute l'attention du Gouvernement, et notamment lors de ce texte.
J'en viens aux remarques de M. Jean Arthuis sur la loi Galland.
Aujourd'hui, le commerce est régi par deux types de rapports de force : le fort au fort et le fort au faible. Lorsque de grands distributeurs négocient avec de grands industriels - qu'ils produisent de la confiserie, des boissons gazeuses, des cosmétiques ou des produits détergents -, il s'agit bien de rapports de fort à fort et de négociations entre des groupes internationaux. Or ces groupes élaborent des stratégies mondiales, notamment en matière d'achats, comme le montre l'apparition de centrales d'achat délocalisées, qui sont parfois implantées en Suisse.
C'est une situation qui m'avait préoccupé lorsque j'étais secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, en 2002-2003. Je n'avais pas trouvé de solution juridique pour empêcher ces pratiques, qui sont parfois pénalisantes pour l'économie française. Il en résulte notamment des pertes de substance fiscale, des transactions se déroulant au-delà de nos frontières, c'est-à-dire à l'extérieur du territoire sur lequel les impôts sont prélevés.
Nous devons approfondir notre réflexion sur ces centrales d'achat extraterritoriales. Mais nous ne pouvons le faire que dans le cadre du droit communautaire, comme M. Jean Arthuis l'a dit. Il s'agit en effet d'un commerce qui concerne des entreprises implantées dans tous les pays d'Europe mais qui ont de plus en plus des stratégies mondiales.
Monsieur Jean Arthuis, nous avons bien sûr le sentiment que la relance de la consommation bénéficie davantage à des produits étrangers. Lorsque l'on analyse de façon fine la composition de la consommation, on constate que le choix des consommateurs français se porte de plus en plus sur des produits importés, comme le montre l'essor des ventes d'écrans plats.
Cela doit nous conduire à réfléchir - et c'est l'objectif du Gouvernement - à la spécialisation de notre appareil de production industriel.
En effet, lorsque la croissance de l'économie des pays émergents est importante, nos exportations n'en profitent pas, en tout cas elles en bénéficient moins que les exportations japonaises ou allemandes. Par ailleurs, quand la consommation intérieure progresse, cela n'entraîne pas une augmentation du même ordre de la production française. C'est toute la question de la spécialisation de l'industrie. Le Gouvernement s'engagera totalement afin que nous puissions vraiment adapter notre appareil industriel à la nouvelle demande des consommateurs, qu'ils soient français ou étrangers.
Tout cela nous éloigne de ce projet de loi, qui ne comporte que des mesures concrètes d'application immédiate. De nombreux orateurs ont rappelé qu'elles ont fait l'objet d'une très grande concertation, même si elle n'a pas toujours apportée la lumière. Nous l'avons vu à propos de la réforme de la loi Galland qui a donné lieu à des analyses contradictoires, notamment en ce qui concerne les objectifs visés.
Nous devons prendre maintenant nos responsabilités pour mettre un terme à un certain nombre de pratiques qui pénalisent tout le monde. Le Gouvernement n'a pas l'intention de prendre parti contre tel ou tel. Il considère que, dans notre économie, chacun a sa place, qu'il s'agisse de la grande distribution, du commerce de détail, des PME, des multinationales qui sont présentes sur le territoire français, ou des consommateurs. C'est notre devoir de trouver une synthèse entre tous ces intérêts qui ne doivent pas être opposés les uns aux autres, mais qui doivent s'inscrire dans un cadre légal nouveau, plus simple, plus lisible, plus sûr sur le plan juridique et qui permette d'affecter les ressources à l'essentiel, à savoir la création de valeur et la création d'emplois. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces points au cours du débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.