compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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DÉMISSION D'UNE SéNATRICE
M. le président. M. le président du Sénat a reçu une lettre par laquelle Mme Brigitte Luypaert déclare se démettre de son mandat de sénatrice de l'Orne, ce mardi 1er juin à minuit.
Acte est donné de cette démission.
Je tiens à dire en cet instant combien nous avons apprécié le charme de notre collègue, sa délicatesse et ses compétences au sein de notre assemblée.
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RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR D'UNE QUESTION ORALE
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 514 de Mme Josette Durrieu est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
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Questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Encadrement et sécurisation des manifestations sportives et culturelles dans les petites communes
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 506, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis bien conscient de certaines contraintes inhérentes à l'emploi des forces de l'ordre. Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est offerte pour saluer et encourager les efforts menés par votre prédécesseur et par vous-même dans la lutte contre la délinquance.
Il est certain que les effectifs de police et de gendarmerie ne sont pas extensibles à l'infini. Je sais par expérience que des quartiers sensibles nécessitent la présence des forces de l'ordre, les habitants la sollicitant à bon droit. La menace terroriste exige également un effort spécifique de la part des forces de l'ordre.
Cependant, pour les collectivités locales, et plus particulièrement pour les communes de taille modeste, il serait très préjudiciable de supprimer totalement l'encadrement - par exemple la sécurisation du parcours, l'organisation des déviations - que les maires pouvaient solliciter et obtenir lors de manifestations sportives, culturelles et autres qui animent nos villes et nos villages.
Que les dossiers présentés soient examinés avec une plus grande sélectivité, c'est une chose. Que l'encadrement ne soit plus automatiquement accordé, je vous le concède, monsieur le ministre, compte tenu du fait qu'il convient de traiter en priorité les objectifs précédemment évoqués. Mais de là à remettre totalement en cause une telle assistance ! Je pense qu'un juste milieu peut être trouvé.
Tel est le but de ma question, car, dans cette éventualité, les animations en question seraient remises en cause. En effet, ces bénévoles, vous ne l'ignorez pas, prennent des risques sur leurs biens personnels.
Quel bénévole acceptera la responsabilité d'assurer une telle protection si, pour un oui ou pour un non, les usagers, alors qu'ils ont commis eux mêmes une imprudence, portent plainte contre les organisateurs ?
Je comprends l'état d'esprit de ces bénévoles, qui consacrent leur temps libre, s'investissent énormément dans l'organisation de manifestations et qui, si l'application des textes devait rester en l'état, pourraient beaucoup plus qu'auparavant voir leur responsabilité engagée. Ils sont actuellement démotivés.
Les maires des communes de taille modeste ne disposent pas, bien évidemment, des moyens ad hoc pour suppléer cette absence. Prenons l'exemple d'un défilé carnavalesque qui doit traverser une route nationale. Qui aura l'autorité et la compétence pour stopper la circulation pendant une demi-heure, si ce n'est celui qui porte un uniforme ?
Je vous l'accorde, monsieur le ministre, ce problème n'est pas crucial, mais ces manifestations participent, à leur niveau, à la cohésion nationale.
Je pense, monsieur le ministre, qu'un aménagement est possible et je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien porter à cette question.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous posez, comme à votre habitude, une question très légitime fondée sur l'observation du terrain, et vous êtes bien placé pour pouvoir témoigner des difficultés que rencontrent les élus locaux en la matière.
En effet, lorsqu'il s'agit d'organiser des manifestations comme celles que vous évoquez, qu'elles soient sportives ou culturelles, pour qu'elles puissent se dérouler dans les meilleures conditions possibles, tant pour les spectateurs que pour les participants, il est nécessaire de mettre en oeuvre des mesures de sécurité adaptées. Il est alors assez légitime que les municipalités se tournent vers les forces de l'ordre pour assumer cette mission de surveillance et de protection.
Dans ce domaine, une réflexion d'ensemble est menée et, vous le savez bien, ce débat a eu lieu lors de la discussion de la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
A cette occasion, une nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles a été définie qui confie aux préfets de zones de défense la gestion des unités implantées sur le territoire de leur ressort. Il leur appartient de gérer la mise à disposition des forces mobiles en fonction des impératifs prioritaires et, naturellement, dans la mesure du possible, l'utilisation des forces de l'ordre pour assurer la sécurité lors des festivités locales.
Néanmoins, la mise à disposition d'agents de l'Etat et de matériels constitue, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un service d'ordre en faveur d'un événement sportif ou culturel, une prestation payante. Dans le cas d'événements d'envergure ou régulièrement répétés, une convention vient préciser la répartition des rôles entre l'Etat et les organisateurs, notamment au regard des textes imposant à ces derniers des obligations en ce domaine.
L'Etat ne se soustrait donc pas à certaines de ces missions, mais il intervient aussi en fonction de leur caractère prioritaire, parce que, vous l'avez dit vous-même, les moyens ne sont malheureusement pas extensibles.
L'Etat reste mobilisé et le préfet a la responsabilité d'autoriser ou non certaines manifestations, d'accorder ou de refuser, au besoin de quantifier la présence des forces de l'ordre.
La mise en place, très prochainement, de la réserve de la police nationale, instituée par la loi d'orientation pour la sécurité intérieure, pourrait permettre un renforcement des missions de service d'ordre au profit de certaines manifestations.
Il nous faut réfléchir ensemble à des solutions alternatives, telles que le développement du bénévolat ou le recours aux services municipaux, dans le cadre d'un partenariat qui permette à chacun de bien comprendre sa mission. Je sais par exemple que, lors d'une réunion sur la mise en place d'un contrat local de sécurité, le maire d'une commune voisine de la vôtre a regretté que la gendarmerie n'ait pu assurer la circulation à l'occasion d'un carnaval. Ne s'agit-il pas là d'une mission qui peut être assurée par des gardes champêtres ? S'ils ont des pouvoirs strictement encadrés, ils peuvent exécuter les directives que leur donne le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police !
Par ailleurs, les attributions des agents de police municipale permettent à ceux-ci d'exécuter, sous l'autorité du maire, les missions relevant de sa compétence, notamment en matière de surveillance du bon ordre, de la sécurité, de la salubrité publique. De plus, l'intercommunalité peut éventuellement, dans ce domaine, contribuer à une réflexion sur ce sujet, notamment zone rurale.
La pleine participation de l'ensemble des acteurs de la sécurité aux missions d'encadrement des manifestations culturelles ou sportives est ainsi le gage d'une efficacité accrue de la police nationale et de la gendarmerie nationale, pour lutter contre la délinquance ou contre les violences urbaines qui, malheureusement, compte tenu de la situation de notre société, sont aujourd'hui les priorités majeures définies par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, malgré toute l'amitié - et vous savez que ce n'est pas un vain mot - que je vous porte, j'ai quand même l'impression que nous ne nous sommes pas compris.
Vous me suggérez comme solution alternative le développement du bénévolat, mais, précisément, tout ce qui est fait en ce moment aboutit à tuer le bénévolat, et non pas à l'encourager.
Vous me parlez d'une convention payante mais, monsieur le ministre, il s'agit de petites localités qui n'ont pas de moyens, qui ne font pas payer de droits d'entrée, qui n'ont d'autre ressource que le dévouement de leurs bénévoles. Alors, proposer aux maires une convention payante, le proposer aux comités des fêtes, dont les membres sont généralement très âgés parce qu'on ne trouve plus, ni dans les campagnes ni dans les villes, de bénévoles en pleine force de l'âge pour faire ce genre de travail, ne me semble pas être une proposition adaptée.
Si nous ne pouvons compter sur l'aide et la compréhension des forces de l'ordre et du préfet, nos villes et nos villages ne seront plus du tout animés, alors que ces manifestations contribuent à la cohésion nationale et donnent un peu de couleur au tourisme que nous souhaitons tous développer. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Souvet, comme vous avez eu la gentillesse de me dire que vous aviez de l'amitié pour moi, je ne peux imaginer, évidemment, que vous avez écouté ma réponse de façon sélective. Vous avez bien compris que, lorsque j'évoquais les différentes solutions alternatives, je pensais, certes, au bénévolat, mais aussi au rôle des polices municipales sous leurs formes diverses, ou encore aux réserves de police qui sont en cours de constitution. Je rappelle qu'il y a des années que ces questions n'ont pas été traitées et que les retards se sont accumulés en termes d'effectifs et de moyens.
J'ajoute une autre piste : j'ai prononcé à dessein le mot d'intercommunalité ; il y a sur tous ces sujets des moyens de coopération auxquels nous pouvons travailler ensemble. Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, je suis à votre disposition pour en reparler.
Occupations illicites de logements
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, auteur de la question n° 504, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité locale et des libertés locales.
M. Philippe Nogrix. Je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention et celle de M. de Villepin sur le problème des squats et de la recrudescence d'actions d'occupation illicite de logements.
Je me fais aujourd'hui l'interprète de la fâcheuse mésaventure dont a été victime un citoyen de la ville de Fougères, où je réside.
Cet enseignant retraité a acheté, dans le courant du mois de janvier dernier, un studio à Villejuif pour y loger son fils, qui est étudiant à Paris. Le temps d'y effectuer quelques travaux, il s'est retrouvé face à un couple d'inconnus détenteur d'un faux bail, couple qui occupe le logement depuis près de quatre mois maintenant.
Nombre de propriétaires sont ainsi privés de leurs biens par la présence inopinée de squatters, dont l'expulsion se révèle longue et coûteuse.
Monsieur le ministre, cela constitue une attente grave et manifestement illégale au droit de propriété, dont il n'est pas ici nécessaire de rappeler la valeur constitutionnelle.
Je suis conscient qu'une telle situation résulte le plus souvent d'une extrême précarité des occupants illégaux et je sais combien il est difficile de concilier un tel droit fondamental avec l'objectif d'un droit au logement pour tous.
Le propriétaire fougerais a accompli de nombreuses démarches dans les règles, en respectant les procédures, et il se retrouve aujourd'hui seul devant l'impuissance des pouvoirs judiciaires et des pouvoirs publics. Il a déjà engagé 7 000 euros de frais - huissier, serrurier, EDF, allers-retours multiples entre Fougères et Paris - et il doit, de plus, loger son fils à l'hôtel alors qu'il lui avait acheté un studio.
Il est frappant de constater la multiplication sur Internet de nombreux sites proposant des « guides juridiques de l'occupant sans titre », expliquant toutes les astuces pour retarder au maximum une expulsion. Il faut en exiger la fermeture, monsieur le ministre, car ils incitent à la fraude et à l'illégalité.
La loi de mars 2003 pour la sécurité intérieure a créé, en son article 57, un nouveau délit afin de punir très sévèrement les trafiquants qui organisent ces squats. Les responsables sont punis, mais au bout de combien de mois ? Et que fait-on pour les victimes qui se trouvent dépossédées de leurs biens ?
Monsieur le ministre, quelles dispositions envisagez-vous afin d'éviter que de tels faits ne continuent à se produire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Nogrix, comme vous avez raison ! Vous venez de résumer un de ces nombreux épisodes de vie quotidienne que l'on connaît lorsque l'on est élu local et que l'on a l'occasion d'évoquer ces questions avec nos concitoyens. Ce que vous évoquez pour la commune de Fougères, nous le connaissons dans toutes les circonscriptions.
Deux cas de figure peuvent se présenter : soit les squatters ont pénétré dans les lieux et les ont occupés par voie de fait, soit les occupants ont été abusés et ont signé un faux bail.
En cas d'occupation par voie de fait, la procédure d'expulsion peut être très rapide puisque les dispositions législatives relatives, d'une part, au délai de deux mois permettant au préfet de saisir les services sociaux des situations des personnes susceptibles d'être expulsées et, d'autre part, à la trêve hivernale pendant laquelle les expulsions ne peuvent intervenir, ne sont alors pas applicables.
En revanche, dans les autres cas, le propriétaire du local occupé doit en premier lieu se tourner vers la justice. La loi du 9 juillet 1991 et la loi du 29 juillet 1998 disposent en effet qu'une décision de justice est nécessaire.
Pour sa part, le Gouvernement a voulu compléter ces dispositions législatives en créant, comme vous l'avez rappelé, un nouveau délit afin de punir les trafiquants qui organisent l'arrivée des squatters dans des logements.
Afin de mettre un terme rapide à l'occupation des lieux, la juridiction peut être saisie par voie de référé avec demande de statuer d'heure à heure. Le concours de la force publique ne peut être accordé que deux mois après la notification de la décision de justice.
A cet égard, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour accorder le plus souvent possible le concours de la force publique. Des instructions ont été données en ce sens. Alors que seules 48 % des demandes de concours étaient honorées en 2000, ce chiffre est passé à 58 % en 2003, malgré une forte hausse des demandes d'intervention, qui sont passées dans le même temps de 33 000 à 41 000.
Pour ce qui est des droits des victimes, notamment de leur indemnisation, je précise que la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée dès lors que le concours de la force publique n'a pu être accordée pour mettre en oeuvre la décision d'expulsion. Concrètement, cela signifie que près de la moitié des crédits que le ministère de l'intérieur consacre aux frais de contentieux et de réparation civile sont utilisés à l'indemnisation des refus de concours de la force publique, ce qui représente une somme de 63 millions d'euros.
S'agissant, enfin, de la situation que vous évoquez à Villejuif, permettez-moi de vous apporter un certain nombre d'éléments.
D'abord, un jugement a été rendu récemment et les occupants du studio de Villejuif devraient avoir quitté les lieux au début du mois de juin. Afin d'être sûre que le propriétaire recouvrera la jouissance de son bien, la préfecture a proposé aux occupants, manifestement abusés et qui ont signé un faux bail, un relogement dans la ville de Gentilly.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, j'avais bien évidemment anticipé votre réponse, qui est celle que l'on fait toujours en la matière : « Le problème va être réglé, il n'y aura plus de difficulté ».
Or cela fait cinq mois que la personne en question a acheté son logement, a commencé les travaux et s'est retrouvée face à des gens qui se sont introduits par voie de fait dans les lieux. Ceux-ci, soi-disant, avaient un bail signé par un certain M. Abdoulkader, demeurant à Saint-Nazaire, que l'on a recherché mais qui n'existe pas !
Aujourd'hui, on dit au propriétaire : « Ne vous inquiétez pas, on s'occupe de vous. » Il est vrai que le précédent ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, avait essayé de faire quelque chose. Mais ce qui est déplorable dans notre pays, c'est que même le ministre de l'intérieur n'a pas le pouvoir de déloger quelqu'un qui s'est introduit chez vous par effraction.
Après cinq mois, le couple dont je parle occupe toujours illégalement ce studio. Une décision de justice a effectivement été rendue, mais la femme du couple qui occupe les lieux, qui est enceinte, sait pertinemment que lorsque viendra le moment de faire exécuter le jugement, on n'expulsera pas une mère qui vient d'accoucher.
Comment voulez-vous, dès lors, que les citoyens aient confiance dans l'Etat et dans la justice ?
Qui plus est, pour faire exécuter la décision de justice, le propriétaire sera obligé de faire appel à un huissier, dont le premier mouvement sera de demander un acompte de 1 000 euros sur ses émoluments. Qui remboursera cet argent ?
Comment expliquer tout cela à nos concitoyens, que de telles situations poussent parfois vers les votes extrêmes ? Nous devons donc trouver des solutions pour des cas aussi flagrants. Etre dépossédé d'un bien et voir d'autres en jouir, ce n'est pas supportable !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, pardonnez-moi de reprendre la parole, mais je veux dire à M. Nogrix que, sur ce point précis, il ne doit pas douter de la détermination totale du Gouvernement.
Les choses sont en effet difficiles, mais sachez que la préfecture a reçu sur ce point des consignes très précises. Nous suivons ce dossier au plus haut niveau.
Monsieur Nogrix, je suggère donc que vous consacriez une prochaine question orale sans débat à acter que, sur ce point, l'Etat a assumé ses responsabilités et a clairement veillé à l'application de la loi.
politique de lutte contre les inondations
M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 493, adressée à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Jean Besson. Monsieur le ministre, ces dernières années, le Rhône - qui vous est cher, monsieur le président, ainsi qu'à notre collègue M. Michel Mercier - et ses affluents se sont retrouvés à la une de nos journaux en raison des dégâts causés par plusieurs inondations catastrophiques. Les noms de nombreuses villes et villages sont aujourd'hui tristement connus.
En réaction à cette situation, les élus locaux se sont regroupés au sein d'un établissement public, « Territoire Rhône », présidé depuis 2001 par le député de l'Ardèche, Pascal Terrasse. Mais les initiatives restent encore modestes face à l'ampleur des problèmes et des enjeux.
Aujourd'hui, la conception des actions de lutte contre les inondations catastrophiques a évolué. Aux grands barrages, on préfère désormais une approche plus respectueuse de l'environnement.
Les débats à propos de l'aménagement de la Loire ont entraîné une modification sensible des priorités. On souhaite « faire la part de l'eau ». On parle de « culture du risque ».
La multiplication des plans de prévention des risques naturels est un outil destiné à inscrire cette nouvelle conception dans les documents d'aménagement locaux, même si l'on peut regretter qu'ils laissent parfois les communes sans possibilité de développement, notamment dans les secteurs de montagne.
La lutte contre les inondations passe aussi par le renforcement des protections. Lors des dernières crues du Rhône, en septembre 2002 et décembre 2003, nous avons tous constaté le mauvais état de certaines digues situées en aval du défilé de Donzère et jusqu'à la Camargue. Là encore, beaucoup reste à faire, ou plutôt à refaire. Le renforcement de ces digues est indispensable.
L'étude globale sur les crues du Rhône, publiée en 2003, a également démontré que l'efficacité des déversoirs destinés à dévier une partie de l'eau des crues sur des terrains qui ne sont pas ou sont peu urbanisés et qui sont réservés essentiellement à l'activité agricole était liée au bon état de ces digues.
De nombreux agriculteurs de mon département m'ont fait part de leur accord pour que leurs terrains soient temporairement inondés, mais il me semble important que cette solidarité à l'égard des populations situées en aval soit reconnue par tous, notamment par le biais fiscal.
L'article 48 de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a créé des « servitudes d'utilité publique sur les terrains riverains d'un cours d'eau ou de la dérivation d'un cours d'eau, ou situés dans leur bassin versant, ou dans une zone estuarienne ».
Parmi les objectifs de ces zones, il y a la « rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement » afin de « limiter les ruissellements dans les secteurs situés en aval ».
On peut se féliciter de ces dispositions, mais elles laissent entièrement à la charge des propriétaires des terrains inondés, ou de leurs assurances, les conséquences de ces inondations temporaires
Il existe pourtant un dispositif, qui pourrait être mis en place. L'article 53 du projet de loi sur le développement des territoires ruraux prévoit ainsi une exonération partielle ou totale de la taxe sur le foncier non bâti pour des propriétés situées dans certains espaces naturels distingués pour leur valeur patrimoniale.
Ce dispositif fiscal a l'avantage de faire reposer les conséquences de certains choix environnementaux sur l'ensemble de la collectivité et non pas seulement sur les particuliers ou les communes concernées.
Monsieur le ministre, je souhaiterais donc savoir si ce dispositif ne pourrait pas être étendu aux zones de servitude publique définies par l'article 48 de la loi du 30 juillet 2003.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Besson, votre question est relative à l'institution d'une exonération de la taxe sur le foncier non bâti pour des propriétés faisant l'objet d'inondations lors des crues, à l'instar de ce qui a été proposé pour les zones humides dans le cadre du projet de loi pour le développement des territoires ruraux.
Les terres agricoles des zones inondables, en accueillant les eaux en excès, contribuent naturellement à la limitation des débits des crues. Toutefois, lorsque cette situation résulte de la localisation de ces terres en bordure des cours d'eau, la valeur cadastrale en tient compte et on en tire les conséquences lors de la fixation de la taxe sur le foncier non bâti.
La question de la situation fiscale des terres en zone inondable a été abordée, vous vous en souvenez, lors des discussions préalables à l'adoption de la loi du 30 juillet 2003 sur la prévention des risques technologiques et naturels.
S'agissant des terres situées dans de telles zones et ne devant pas subir de contraintes autres que celles qui résultent de leur situation naturelle, il n'a pas été jugé opportun de leur appliquer un traitement différent de celui des autres terres subissant des handicaps naturels ; je pense aux zones de montagne ou aux zones de fortes pentes, aux zones de faible valeur agronomique, dont la contribution à la taxe sur le foncier non bâti tient déjà compte de leur faible valeur locative cadastrale.
En revanche, l'idée a été retenue d'apporter une indemnisation aux propriétaires et exploitants de terres non bâties ayant à supporter une submersion accrue à la demande d'une collectivité locale souhaitant ralentir la crue d'un cours d'eau. C'est ce que vous avez rappelé et c'est l'objet de l'article 48 de la loi du 30 juillet 2003.
Cet article prévoit que peuvent être créées des servitudes de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement par des aménagements permettant d'accroître artificiellement leur capacité de stockage afin de réduire les crues ou les ruissellements dans des secteurs situés en aval.
Ces servitudes font l'objet d'une indemnisation des propriétaires et exploitants ayant à supporter les effets de l'accroissement de la submersion de leurs terrains, versée par la personne publique au profit de laquelle est instituée la servitude.
Cette indemnisation ne rend donc pas nécessaire l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti, qui pénaliserait les collectivités percevant le produit de cette taxe.
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Nous continuerons toutefois à demander cette exonération, qui pourrait faire l'objet d'un projet de loi.
publicité pour les boissons alcoolisées et politique de santé publique
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 501, adressée à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, le Sénat a adopté, le mercredi 5 mai, l'amendement n° 169 visant à modifier le deuxième alinéa de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique. Cet amendement, qui assouplit les conditions formulées par la loi Evin en matière de publicité en faveur du vin, entraîne une terrible régression dans le domaine de la prévention contre l'alcoolisme.
L'actualité nous en fournit plusieurs exemples : en effet, récemment, deux publicités ont utilisé des profils de jolies femmes pour faire la promotion du vin. En jouant ainsi sur l'irrationnel et la séduction, on vide la loi Evin de tout son sens et on encourage par ailleurs la consommation d'alcool.
Je tiens à rappeler que l'alcool est responsable chaque année de la mort de 45 000 personnes et qu'il représente ainsi 10 % de la mortalité générale. D'autre part, on sait que plus de la moitié des crimes et des délits sont commis en lien avec la consommation d'alcool, que celle-ci est aussi à l'origine des violences conjugales dans deux cas sur trois, qu'elle est aussi, avec la vitesse, la principale cause de mortalité dans les accidents de la circulation, et qu'enfin elle entraîne chez les femmes enceintes un syndrome d'alcoolisation foetale qui touche chaque année dans notre pays environ 7 000 bébés, fragilisés à vie à cause de l'alcool consommé par leur mère au cours de leur grossesse.
Le Gouvernement a affiché une vive détermination à lutter contre l'alcoolisme dans le cadre de la politique de santé publique : il appelle à une réduction de la consommation d'alcool de 20 % sur cinq ans. Mais la Cour des comptes s'alarme, dans son dernier rapport, car la France n'a accompli aucune avancée significative dans la lutte contre l'alcoolisme. Pis, elle signale certaines régressions.
C'est pourquoi je me permets de vous demander, monsieur le ministre, quelles réactions vous inspire l'adoption de cet amendement au regard de la politique de santé publique, qui reste une priorité majeure pour votre gouvernement, et quelles dispositions vous comptez prendre à l'avenir en matière de lutte contre l'alcoolisme, surtout en ce qui concerne la protection des femmes enceintes et de leur foetus. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Philippe Douste-Blazy, qui m'a demandé de le représenter ce matin.
Madame le sénateur, chère Anne-Marie Payet, je ne peux que partager vos préoccupations quant à la nécessité de lutter contre l'alcoolisme, sans relâcher notre vigilance. Même si la consommation d'alcool tend à diminuer en France, l'alcool est encore responsable de la mort de 45 000 personnes par an, soit 10 % de la mortalité générale.
Le Haut Comité de la santé publique évalue à 5 millions le nombre de personnes exposées, à cause de leur consommation d'alcool, à des difficultés d'ordre médical, psychologique et social, et à 2 millions le nombre de personnes dépendantes de l'alcool. L'alcool est aussi responsable, hélas ! de 2 700 décès par an sur les routes.
Le vin est, pour des raisons évidentes, le principal alcool consommé en France et représente 60 % des dépenses en alcool des Français. Il nous faut intégrer cette donnée si nous voulons lutter efficacement contre la consommation à risque en matière d'alcool, comme le préconise l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS.
Nous devons tenir sur ce sujet, madame le sénateur, un langage clair. Ce n'est pas le type de boisson alcoolisée qui est en cause, mais bien, vous l'avez compris, la quantité d'alcool consommée. Les seuils préconisés par l'OMS pour une consommation à moindre risque se situent, s'agissant de la consommation régulière, à deux verres - soit 20 grammes d'alcool par jour - chez la femme, et à un peu plus de trois verres de vin par jour chez l'homme.
A ce titre, l'encadrement de la publicité prévu par la loi Evin participe à la prévention de l'alcoolisme et il ne faut pas affaiblir cette disposition par des exceptions injustifiées sur le plan de la santé publique.
Je connais aussi, madame Payet, votre combat légitime pour alerter les femmes enceintes sur les risques de toute consommation d'alcool pendant la grossesse, en raison des dangers que celle-ci représente pour le foetus.
Prévenir, c'est d'abord informer nos concitoyens. Nous lancerons donc dès la rentrée, en octobre 2004, une campagne de prévention sur la consommation excessive d'alcool.
Celle-ci s'articule autour de trois axes : premièrement, faire prendre conscience aux buveurs réguliers excessifs qu'ils sont dans l'excès ; deuxièmement, faire évoluer les représentations masculines concernant l'alcool ; troisièmement, promouvoir l'abstinence pendant la grossesse, mesure très importante à laquelle vous êtes très attachée, madame le sénateur.
Les actions de prévention contre l'alcoolisme au volant menées depuis 2003 dans le cadre de la lutte contre l'insécurité routière ont eu un effet réel sur la baisse de la consommation.
M. François Autain. C'est vrai !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Cette action est d'ailleurs considérée par les experts comme l'une des plus efficaces pour lutter contre l'alcoolisme.
Toutes ces actions seront, bien sûr, poursuivies avec détermination.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse.
Mais je vous ai surtout posé cette question aujourd'hui pour que vous nous apportiez des éclaircissements sur les mesures concrètes qui seront prises afin de lutter contre le syndrome d'alcoolisation foetale. Ce fléau dure depuis trop longtemps et il touche chaque année, je l'ai dit tout à l'heure, 7 000 bébés, ce qui représente sept fois plus que la trisomie 21.
Il est urgent de se pencher sur ce problème. Des médecins spécialistes seront bientôt auditionnés par la délégation du Sénat aux droits des femmes, dont la présidente, notre collègue Gisèle Gautier, présentera au Gouvernement des propositions pour compléter les mesures que vous avez évoquées.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais j'aimerais préciser que le seuil de deux verres par jour dont vous avez parlé ne s'applique pas aux femmes enceintes. Les médecins recommandent plutôt pour celles-ci une consommation d'alcool égale à zéro. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
création d'officines et mise en place des réseaux de soins
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, auteur de la question n° 507, adressée à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques jours aura lieu l'ouverture, au nord-est de l'agglomération nantaise, de la clinique Jules-Verne, regroupant quatre cliniques mutualistes et privées, ce qui représente trois cents lits et quatre-vingt-dix prescripteurs.
Tous les professionnels de santé comprennent parfaitement la nécessité des regroupements hospitaliers pour améliorer la qualité des soins et favoriser l'accès des patients à des structures de haute technologie médicochirurgicale à des coûts maîtrisés.
Cependant, la demande qui a été formulée pour le transfert de la pharmacie mutualiste, petite structure située dans le centre de Nantes, pose, quant à elle, plus de questions.
En effet, il existe actuellement sept officines dans le périmètre de cette nouvelle clinique Jules-Verne et une autre officine très importante, à deux pas de là, dans un centre Leclerc.
Cette ouverture, si elle était acceptée, nuirait gravement à l'équilibre des structures existantes par le risque de création de pôles de santé hypertrophiés, et elle serait surtout en totale contradiction avec les « réseaux de soins », véritables lieux de liens sociaux attendus par les patients.
De plus, les pharmaciens de cette future officine étant des salariés, il n'est nullement prévu de gardes, comme les pratiquent les pharmaciens libéraux.
Se pose par ailleurs la question du respect des règles déontologiques, notamment en matière de dichotomie ou de compérage, compte tenu de la présence de médecins et de pharmaciens salariés d'une même structure.
En conclusion, j'espère, monsieur le ministre, sachant que vous allez être saisi sous peu de ce dossier - si ce n'est déjà fait -, que, par vos réponses, vous n'accepterez pas de créer une jurisprudence en contradiction parfaite avec la loi de répartition pharmaceutique, ce qui ne pourrait que conduire à déstabiliser aujourd'hui à Nantes, et peut-être demain sur l'ensemble de l'Hexagone, le tissu officinal français.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Madame le sénateur, la mutuelle Distri Santé a effectivement déposé une demande de transfert de la pharmacie mutualiste située dans le centre de Nantes, qui serait dorénavant installée en lisière du complexe formé par la nouvelle clinique mutualiste Jules-Verne.
Cette demande est actuellement étudiée par nos services. Si ce transfert était accordé, il soulagerait le centre ville de Nantes, très largement excédentaire en officines. Mais, parallèlement, il créerait un fort risque pour les pharmacies situées dans le quartier d'accueil de voir leur chiffre d'affaires diminuer de manière importante alors que, contrairement à la pharmacie mutualiste, ces pharmacies sont astreintes à des exigences de permanence régulières.
En outre, cette pharmacie serait située en lisière d'un pôle mutualiste de cliniques regroupant trois cents lits d'hospitalisation, qui comportera également un centre de vaccination, un centre de protection maternelle et infantile, un centre d'optique, des activités de chirurgie plastique et esthétique, ainsi qu'un plateau d'imagerie médicale.
Une centaine de médecins prescripteurs exerceront dans cette importante structure gérée par la mutuelle Distri Santé.
Je vous rappelle que la décision concernant les demandes de création ou de transfert des pharmacies mutualistes est prise par le ministre de la santé, après avis du Conseil supérieur de la mutualité et du Conseil supérieur de la pharmacie.
Madame le sénateur, dès que le ministre de la santé aura connaissance de cet avis, qui devrait lui parvenir à brève échéance, il vous fera connaître en priorité sa décision.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Il n'était pas question dans mon propos de mettre en cause la création de cet établissement hospitalier. Je pense, au contraire, que celle-ci est importante dans le cadre du rééquilibrage géographique des officines de pharmacie de l'agglomération nantaise. Mais je pense qu'il faut s'interroger en amont sur les conséquences de la décision qui sera prise.
Si j'ai bien compris votre réponse, le Conseil supérieur de la mutualité et le Conseil supérieur de la pharmacie doivent rendre un avis.
Je poserai donc une question très précise : en l'occurrence, qui va trancher ?
Mme Gisèle Gautier. Dans quel délai cette décision pourrait-elle être envisagée ?
M. le président. M. Philippe Douste-Blazy vous répondra, madame Gautier !
Mme Gisèle Gautier. Je regrette qu'il ne soit pas là ce matin ! Quoi qu'il en soit, je reviendrai lui poser la même question.
M. François Autain. Il est très pris : une réforme de l'assurance maladie est en cours !
délai de parution des décrets d'application de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse
M. le président. La parole est à M. François Autain, auteur de la question n° 515, adressée à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.
M. François Autain. Monsieur le ministre, je souhaite vous poser une question relative à l'application de la loi du 4 juillet 2001 portant la durée légale pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse, ou IVG, de dix à douze semaines.
Cette loi est venue fort opportunément compléter la loi du 17 janvier 1975, relative à l'interruption volontaire de grossesse. Tout le monde peut se féliciter de la mise en application de cette dernière loi. Malheureusement, celle-ci ne peut pas être pleinement appliquée puisque certains décrets et arrêtés ne sont toujours pas parus au Journal officiel trois ans après sa promulgation.
Il en est ainsi du décret qui permettrait la pratique de l'IVG médicamenteuse en ville, ce qui est particulièrement regrettable. Cette solution est en effet beaucoup plus rapide et plus légère que l'IVG classique, puisqu'elle permet à des jeunes femmes de faire l'économie d'une intervention, toujours traumatisante.
Monsieur le ministre, quelles sont les raisons du blocage qui retarde la parution de ces décrets ? Seront-ils publiés un jour et, si oui, quand ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, il est clair que l'interruption volontaire de grossesse est une conquête essentielle pour les femmes. Je ne puis d'ailleurs m'empêcher de souligner, monsieur le sénateur, que c'est un gouvernement que nous soutenions qui a permis le vote du texte de 1975...
Cela étant rappelé, la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 a porté la durée légale pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse de dix semaines à douze semaines et a institué la possibilité de pratiquer l'IVG hors établissements de santé.
Contrairement à ce que vous avez indiqué, un premier décret d'application de cette loi a été pris dès l'entrée en fonction du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, le 3 mai 2002. Ce décret posait les principes réglementaires de l'IVG médicamenteuse en ville et incluait les recommandations de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, lesquelles ont été contestées par des associations de médecins revendiquant le libre choix de la posologie de ce médicament.
Cette contestation a donné lieu à de multiples concertations entre les associations de médecins, d'une part, et les autorités sanitaires, d'autre part. En définitive, un consensus s'est dégagé sur les conditions d'administration de ce médicament. Le décret a dû être modifié en conséquence et a été approuvé par le Conseil d'Etat le 2 décembre 2003.
Afin de préciser les conditions de la pratique de l'IVG en dehors des établissements de santé, l'élaboration d'une série de mesures techniques visant notamment à garantir l'anonymat pour les femmes qui le souhaiteraient et à tarifer l'ensemble de ces actes était également nécessaire.
Sur ces sujets, monsieur le sénateur, il a fallu assurer la coordination de l'ensemble des acteurs institutionnels, dont la Caisse nationale d'assurance maladie et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que les associations de médecins ou de planning familial.
Il a en outre fallu négocier avec les industriels le prix du produit, ce qui est un point très important.
Aujourd'hui, je puis vous indiquer que le projet d'arrêté relatif au forfait afférent à l'interruption volontaire de grossesse a été signé par le ministre de la santé et de la protection sociale. Il doit maintenant l'être par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avant d'être soumis, dans de brefs délais, au Premier ministre.
En tout état de cause, il sera publié avant la période des vacances estivales et permettra d'améliorer l'accueil des femmes demandant une IVG, ce qui répond à votre préoccupation, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le ministre, votre réponse me donne, bien entendu, satisfaction. J'espère toutefois que le Gouvernement sera en mesure de tenir la promesse que vous venez de faire.
Cela étant, je voudrais apporter une précision en ce qui concerne le vote de la loi de 1975. Bien sûr, ce texte a été défendu par un gouvernement que vous souteniez, mais il n'a pu être adopté que grâce au vote des députés de l'opposition. C'est un point d'histoire que je tenais à rappeler.
M. le président. Certains avaient alors fait pleurer Mme Veil !
M. François Autain. C'est vrai, et il faut lui rendre hommage !
Plan de renforcement de la recherche dans la région Nord-Pas-de-Calais
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, auteur de la question n° 503, adressée à M. le ministre délégué à la recherche.
M. Bernard Frimat. En février 2001, après sa décision d'implanter le projet Soleil en Ile-de-France, le ministère de la recherche a arrêté un plan de renforcement de la recherche dans le Nord-Pas-de-Calais.
Ce plan prévoyait, grâce à l'effort conjoint de l'Etat et de la région, ainsi qu'à la mobilisation des fonds européens, et via la création de trois instituts ou groupements de recherche, des moyens supplémentaires importants en termes de bâtiments et d'équipements, à hauteur de 37 millions d'euros sur six ans, et en termes d'emplois de chercheur ou d'ingénieur.
L'attribution de ces emplois nouveaux, au nombre d'une centaine environ, constituait à la fois le pivot du plan et la condition essentielle de sa réussite, compte tenu de la faible implication, le cas de l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité étant mis à part, des organismes de recherche dans le Nord-Pas-de-Calais et des conséquences de cette situation sur l'effectif régional des chercheurs à temps plein.
A l'heure actuelle, en ce qui concerne tant les aspects scientifiques que les dotations d'équipements ou le lancement des programmes de construction, le plan de renforcement de la recherche entre en application progressivement, malgré certains retards inhérents à la complexité des opérations mises en oeuvre. Vous venez d'ailleurs de me confirmer, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre, les engagements financiers de l'Etat et la programmation budgétaire de ceux-ci.
Les premiers résultats scientifiques découlant de la mise en place du plan de renforcement sont tout à fait remarquables, et l'intérêt des projets concernés est reconnu à l'échelon de la communauté scientifique internationale.
Or cette opération, dont nul ne conteste l'excellence scientifique et qui est appréciée des services du ministère de la recherche, est aujourd'hui menacée.
Si un effort significatif, bien qu'inférieur à ce qui était prévu, a été consenti en 2002 et en 2003 avec la création d'une vingtaine de postes de chercheur ou d'ingénieur, l'évolution s'annonce catastrophique pour 2004, de l'avis des responsables des projets, dont les demandes ne sont pas prises en compte. Il serait regrettable que, faute de moyens humains suffisants, les efforts consentis antérieurement soient annihilés.
Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, me donner l'assurance que l'effort engagé depuis trois ans pour doter le Nord-Pas-de-Calais des moyens humains nécessaires à la réussite du plan de renforcement de la recherche sera poursuivi, notamment par le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, et que les engagements seront tenus ? A l'heure où des postes doivent être répartis, nous serons très attentifs à votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Comme vous l'avez souligné dans votre question, monsieur le sénateur, le ministère de la recherche a pris, en 2001, l'engagement de consolider la recherche dans la région Nord-Pas-de-Calais par de grands projets. Cette région a d'ailleurs depuis très longtemps manifesté son intérêt pour le développement de la recherche, au travers de plusieurs instituts et établissements qui en font aujourd'hui l'une des principales régions françaises en matière de recherche.
Ces projets annoncés en 2001 sont tantôt interdisciplinaires et relatifs à des technologies de pointe, comme celles qui sont développées au sein de l'Institut de recherche en composants logiciels et matériels pour l'information et la communication avancée, l'IRCICA, et de l'Institut de recherche interdisciplinaire, l'IRI, tantôt orientés vers des préoccupations plus locales, que celles-ci soient économiques et très liées au tissu industriel régional, s'agissant par exemple de la qualité et de la sécurité des transports terrestres, ou environnementales. Il s'agit là d'un bon compromis.
Tout cela s'accompagne de la mise en place du pôle ICARE, qui constitue un élément déterminant pour la communauté scientifique impliquée dans l'étude du cycle de l'eau et des interactions entre les aérosols, les nuages et le rayonnement.
Cela étant précisé, l'engagement du ministère en faveur de la région Nord-Pas-de-Calais s'étend sur la période 2001-2006.
Les deux premiers programmes, l'IRCICA et l'IRI, sont les plus importants en termes de moyens financiers et humains.
Le premier consiste en la création et le développement d'un institut de recherche sur les composants pour l'information et la communication avancée.
Le second porte sur la création à Lille d'un institut interdisciplinaire de physique et de biologie.
Le projet IRCICA vise à mettre en synergie les compétences des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens du laboratoire d'informatique fondamentale de Lille, de l'Institut d'électronique et de microélectronique du Nord et du Centre européen sur les lasers et leurs applications.
En ce qui concerne l'IRI, il s'agit de développer, dans le domaine des sciences du vivant, un institut de recherche réunissant sous un même toit biologistes, physiciens, mathématiciens, informaticiens, chimistes et ingénieurs, pour travailler sur des sujets relatifs à l'intégration des composants moléculaires dans des systèmes biologiques complexes.
Je dresserai maintenant un rapide bilan.
En octobre 2003, l'IRCICA comptait déjà 76,3 postes permanents, répartis entre 58 postes de chercheur, dont 11 chercheurs du CNRS, 45 enseignants-chercheurs et 2 chercheurs de l'INRIA, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, et 18,3 postes d'ITA - ingénieurs, techniciens, administratifs -, dont 12 ingénieurs du CNRS, 6 personnels IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service - et 0,3 poste d'ITA de l'INRIA.
Alors que le plan de développement initial prévoyait 80 postes nouveaux pour la période 2001-2006, avec un objectif à terme de 130 postes permanents, nous pouvons constater que, à mi-parcours, en octobre 2003, la mise en oeuvre du projet n'avait pas pris de retard.
Je souhaite d'ailleurs préciser que le CNRS finance à hauteur d'un million d'euros la construction immobilière, ce qui n'était pas prévu dans le plan d'origine.
En outre, les projections de l'INRIA, pour lequel l'IRCICA représente un projet majeur, permettent pour la fin de 2004 d'anticiper 5 postes de chercheur fonctionnaire, 3 postes de chercheur pour l'accueil d'enseignants-chercheurs, 3 postes de personnel ITA fonctionnaire et une dizaine de postes de chercheur ou d'ingénieur contractuel, c'est-à-dire de doctorant ou de « post-doc », affectés en plus au cours de l'année sur le site de Lille pour les seuls postes relevant de l'INRIA.
Enfin, il est prévu que l'IRI commence cette année son déploiement en termes de moyens humains, mais celui-ci interviendra surtout à partir de l'année prochaine et en 2006, lorsque le bâtiment prévu aura été construit.
Je peux donc réaffirmer ici, monsieur le sénateur, que la consolidation de la recherche publique dans la région Nord-Pas-de-Calais est bien une préoccupation forte et constante du ministère, comme le montre la diversité des projets scientifiques qu'il soutient. Ce qui est prévu au titre de 2004 sera fait, notamment en ce qui concerne les postes que vous avez évoqués tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et des éléments chiffrés qu'elle comporte. Ceux-ci seront communiqués aux responsables des projets, et j'espère qu'ils seront de nature à apaiser leurs inquiétudes.
Je pense que notre intérêt à tous est de voir ces projets structurants aboutir et permettre le développement de la recherche dans le Nord-Pas-de-Calais, non pas à des fins régionales, puisque les deux projets sur lesquels vous avez mis l'accent se situent très en amont dans des domaines relevant de la recherche fondamentale, notamment en ce qui concerne l'IRI.
Les présidents d'université qui ont inscrit ces projets parmi les priorités de leurs établissements par souci de cohérence attendent beaucoup de l'arbitrage que vous allez rendre sur la répartition des postes de chercheur. J'espère que cet arbitrage traduira votre souci du bon développement de la recherche dans la région Nord-Pas-de-Calais et répondra à leurs préoccupations.
Délocalisation du Centre national de la documentation pédagogique de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 491, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, voilà dix-huit mois, le Gouvernement annonçait sa décision de délocaliser le Centre national de la documentation pédagogique de l'enseignement supérieur et de la recherche à Chasseneuil-du-Poitou, dans la Vienne, à la grande stupéfaction et à l'indignation, je dois le dire, des salariés, de la communauté éducative et des élus franciliens.
L'aménagement du centre et l'affirmation de son rayonnement ne nécessitaient nullement une telle décision. Si elle devait être appliquée, la structure même et la qualité du travail du CNDP, qui remplit une mission de service public, se trouveraient sapées, d'autant que, depuis mars dernier, la mise en oeuvre de la délocalisation s'est accélérée, avec la saisie de certains locaux et les notifications de fin de contrat et de transfert.
Monsieur le ministre, depuis que M. Fillon et vous-même avez pris vos fonctions, aucun changement significatif n'est intervenu. Je crois que vous ne mesurez pas l'état de crispation et d'exaspération des personnels.
La semaine dernière encore, j'ai appris que des pressions avaient été exercées sur les employés afin de les inciter à partir rapidement ; cela rend le climat intenable. Il faut absolument revenir au plus vite à un traitement humain de cette situation.
J'insisterai sur trois points, monsieur le ministre.
Il y a tout d'abord de quoi s'interroger sur le coût de cette délocalisation pour la collectivité, alors même que le Gouvernement s'engage dans la voie d'une réduction drastique des dépenses publiques. En effet, ce coût est important, en raison notamment de l'achat du bâtiment Arobase 4, sur le site du Futuroscope.
La France connaît ensuite une situation sociale hautement dégradée : plans de restructuration, licenciements, précarité. Le CNDP, si les mesures actuelles sont maintenues, s'inscrira dans ce contexte.
En effet, la deuxième tranche du transfert concerne 108 personnes et leurs familles ; elle a lieu dans des conditions inacceptables. Ce n'est pas la lettre du 24 mai dernier émanant du cabinet du ministre de l'éducation nationale qui peut calmer les angoisses, bien au contraire. Elle n'annonce que des « mesurettes » dont nous ne sommes même pas certains qu'elles puissent être appliquées. Ainsi, les agents et les personnels techniques seraient reclassés dans les trois CRDP de la région parisienne - je demande à voir ! Quant aux CDD, ils sont d'ores et déjà certains de se retrouver au chômage, car, dites-vous, ils seront accompagnés dans leur recherche d'emploi pendant six mois. Ce sont donc 108 familles qui se trouvent confrontées à une situation de perte d'emploi, alors même que le Président de la République et le Premier ministre avaient annoncé que cette année serait celle de l'emploi ! De plus, il leur faut trouver une école pour leurs enfants.
L'angoisse fait maintenant place à l'indignation. Monsieur le ministre, je vous demande donc de nommer de toute urgence un médiateur. Il n'y a plus de discussion possible entre la direction générale et le personnel tant le climat s'est détérioré.
Enfin, monsieur le ministre, depuis des mois, certaines activités du CNDP ne sont plus assurées. La mission de service public a été interrompue : allez-vous laisser faire ? Nous ne pouvons accepter cette dégradation des activités du centre. Nous resterons très vigilants sur son avenir, car de fortes inquiétudes pèsent notamment au sujet de l'immixtion du secteur privé pour assurer certaines de ses missions. Cela peut préfigurer la casse du CNDP que je refuse, avec mon amie Nicole Borvo, sénatrice de Paris, et avec tous les personnels.
Pourtant, d'autres solutions existent, comme l'installation des locaux sur le site de Vanves et le renforcement des activités du CRDP de la Vienne, dont l'existence même pourrait être remise en cause par l'implantation du CNDP, ce qui serait illogique.
Ainsi, monsieur le ministre, en tant qu'élue francilienne concernée par les problèmes de notre région, en tant que membre du comité de suivi de la délocalisation du CNDP, aux côtés de l'intersyndicale et de nombreux élus - des parlementaires socialistes, des conseillers régionaux et généraux, des maires, dont certains appartiennent à votre majorité - dont je me fais aujourd'hui l'interprète, en tant que citoyenne soucieuse du sort du centre et de l'éducation en général, je vous demande d'urgence de procéder à un bilan financier, social, humain et intellectuel de cette délocalisation. Une nouvelle table ronde, à laquelle les élus franciliens et poitevins seraient conviés, pourrait alors être organisée.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Voilà un peu plus d'un an, le ministre de l'éducation nationale, à l'occasion d'une séance de questions, répondait favorablement à ma proposition de table ronde. Malheureusement, il n'a pas permis aux élus d'y prendre part. J'espère qu'à votre tour, monsieur le ministre, vous accepterez de réunir une table ronde élargie, seule à même de débloquer la situation.
Vous l'avez compris, mon but et celui des personnels du CNDP, présents dans les tribunes du public, n'est pas de remettre en cause toute décision visant à améliorer le service rendu par le centre, tant à Paris qu'à Poitiers, mais bien de tout mettre en oeuvre pour construire ensemble un projet ambitieux et cohérent pour son avenir, avec pour principale préoccupation la sauvegarde de sa mission première. C'est pourquoi nous attendons beaucoup de votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. Vous profitez toujours, madame Luc, du libéralisme - même si vous n'aimez pas le mot - de la présidence : vous vous êtes exprimée pendant plus de sept minutes !
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame Luc, actuellement retenu par la réunion des recteurs d'académie, M. Fillon m'a demandé de vous communiquer un certain nombre d'éléments sur la question que vous posez concernant le CNDP.
J'ai bien écouté vos propos. Avant de vous répondre, il me paraît important de reprendre devant le Sénat la chronologie du transfert progressif des services du Centre national de la documentation pédagogique vers la Vienne.
C'est à l'occasion de sa réunion du 13 décembre 2002 que le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire a retenu le projet de délocaliser le CNDP, en continuité avec les politiques de délocalisation des établissements publics menées depuis plus de dix ans par l'ensemble des majorités parlementaires.
Un arrêté du ministre en charge de l'éducation nationale, pris le 26 juin 2003, fixe dorénavant le siège juridique de l'établissement à Chasseneuil-du-Poitou, dans la Vienne. Un transfert progressif de service est en cours depuis le mois de septembre 2003. Contrairement à ce que vous laissez entendre, cette délocalisation n'a rien d'autoritaire,...
Mme Hélène Luc. Ça alors, si ce n'est pas autoritaire !
M. François d'Aubert, ministre délégué. ... mais s'est au contraire accompagnée de nombreuses réflexions, concertations et discussions à la fois au sein des instances réglementaires, telles que le comité technique paritaire ou le conseil d'administration, et au sein du groupe de travail, au cours desquelles les organisations syndicales ont été régulièrement invitées à s'exprimer.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Des personnels ont d'ores et déjà rallié le nouveau site du CNDP, où travaillent actuellement plus d'une trentaine de personnes ; d'autres doivent les rejoindre à la rentrée de cette année.
Les personnels ne sont en rien « livrés à eux-mêmes », pour reprendre les termes de votre question, puisqu'un travail très approfondi est mené par la direction des ressources humaines afin que ceux qui souhaitent rejoindre la Vienne y soient accueillis dans les meilleures conditions et que les autres bénéficient du meilleur reclassement possible en prenant en compte l'expérience et les compétences acquises.
Pour ce qui est, enfin, des conséquences du départ du CNDP de la région parisienne, l'opération est évidemment complexe, mais elle n'a jamais eu pour finalité de faire disparaître les activités de l'établissement, ni de remettre en cause ses missions d'édition, de production et de documentation pédagogique, pour lesquelles cette institution garde toute sa place, ni bien sûr ses missions de service public.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, vous avez fait l'historique du CIADT, mais je vous assure que je le connais !
Je le répète, cette opération a été menée de manière autoritaire puisqu'il n'y a pas eu de véritable concertation avec les personnels. C'est pourquoi vous me voyez très en colère, monsieur le ministre !
Je vous avoue ma déception devant une intervention qui ne répond pas du tout aux attentes des employés du CNDP et des élus. Certains employés ont rejoint le centre de Poitiers, mais ni moi ni les personnels ne renonçons à conserver le CNDP à Choisy-le-Roi.
C'est pourquoi je renouvelle ma proposition de nommer immédiatement un médiateur et d'organiser une table ronde en vue d'organiser une véritable concertation.
La précipitation dans laquelle s'est opérée cette délocalisation était liée, il faut bien le dire, à la préparation des élections régionales. Nous comptons sur la nouvelle présidente du conseil régional de Poitou-Charente pour aider les personnels du CNDP, puisqu'elle leur avait apporté son soutien.
Monsieur le ministre, avec mon amie Nicole Borvo et les parlementaires, les conseillers généraux, les élus, nous restons à la disposition des personnels du CNDP pour continuer la lutte et faire en sorte que le Centre reste en région parisienne, où il y a tant de choses à faire dans toutes les académies.
Fermeture du collège Yvonne-Le TAc dans le XVIII e arrondissement de Paris
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 513, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur la situation du collègue Yvonne-Le Tac, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, symbole d'une politique de gestion des postes aberrante et de la résistance des parents et des enseignants face à cette situation.
Le 3 mars dernier a été annoncée, à l'occasion du conseil d'administration de ce collègue, la diminution de trente-sept heures et demie de la dotation horaire, laquelle faisait suite à une baisse de vingt heures l'année précédente. Les parents et les enseignants, opposés à cette décision, se sont adressés au ministère de l'éducation nationale.
Il faut rappeler qu'à Paris plus de 4 000 heures d'enseignement sont supprimées dans les collèges et les lycées, soit l'équivalent de 250 postes, alors que les effectifs sont globalement stables. Cette suppression va bien au-delà des 98 postes prévus dans le budget 2004. En quelque sorte, le ministère s'acharne !
A Paris, vous le savez, le collège public et la mixité sociale sont en réalité en jeu. En effet, en raison de ces diminutions de dotations horaires, des options sont supprimées et les parents qui en ont les moyens sont tentés de se tourner vers l'enseignement privé pour que leurs enfants continuent à suivre ces options. Cette situation, combinée à la suppression progressive du soutien scolaire, met en péril la mixité sociale dans de nombreux quartiers parisiens.
Malgré plusieurs rencontres au rectorat et au ministère, les revendications de la communauté scolaire du collège Yvonne-Le Tac se sont heurtées à une fin de non-recevoir. Je pourrais d'ailleurs citer le cas d'autres établissements qui relèvent de la même logique néfaste, comme le collège Elsa Triolet dans le XIIIe arrondissement, ou les lycées professionnels, pourtant si utiles, qui n'ont plus l'heur de plaire au ministère de l'éducation nationale.
C'est à la suite de ce refus que les parents d'élèves du collège Yvonne-Le Tac ont occupé les locaux de manière pacifique, en respectant la sécurité, les personnes, les biens et le bon déroulement des cours.
Sur trois cents parents, deux cents ont signé une pétition et soixante-dix participent activement à l'occupation des locaux. Ces parents d'élèves ont été reçus six fois au rectorat et une fois au ministère de l'éducation nationale. A chaque fois, il leur a été indiqué qu'on leur donnerait une réponse en juin. Eh bien, nous y sommes !
Par conséquent, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour rétablir dans les collèges parisiens, en particulier au collège Yvonne-Le Tac, des dotations horaires à la hauteur des besoins et donc au moins égales à celles qui étaient antérieurement attribuées ?
Il me semble nécessaire que cette situation soit prise en considération et fasse l'objet, le cas échéant, d'un collectif budgétaire ; on ne peut tout de même pas accepter que le ministère de l'éducation nationale soit en train de liquider les collèges publics et la mixité sociale dans les arrondissements parisiens.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame le sénateur, M. Fillon connaît parfaitement la situation du collège Yvonne-Le Tac. Pétitions, manifestations, occupation et évacuation des locaux, dépôt d'une plainte de la principale du collège pour harcèlement moral : évidemment, tout cela ne passe pas inaperçu !
C'est la raison pour laquelle le cabinet de M. le ministre a reçu le 3 mai dernier une délégation de parents d'élèves du collège. Qu'en ressort-il ? Si votre souci de justice sociale et scolaire est louable, madame le sénateur, il aura néanmoins quelques difficultés à trouver un juste écho au sein de cet établissement qui, bien que situé dans le xviiie arrondissement de Paris, est plus favorisé que l'ensemble de la moyenne académique.
Bien évidemment, ce seul argument n'est pas recevable. Il l'est d'autant moins que le traitement réservé à ce collège par les services académiques est celui qui est appliqué à tous les autres établissements parisiens. L'académie de Paris traite en effet les collèges avec équité, puisqu'elle continue, de manière inchangée, à déléguer les heures en fonction d'une répartition des établissements en cinq groupes - du plus favorisé au moins favorisé -, de sorte que les collèges les plus défavorisés se voient octroyer nettement plus d'heures par élève que les établissements les plus favorisés.
Dans cette logique, le collège Yvonne-Le Tac a été traité avec équité, puisqu'il s'agit d'un collège beaucoup plus favorisé que les autres collèges de l'arrondissement.
Ainsi que vous le savez, la dotation globale est calculée par rapport à une prévision d'effectifs. Il va de soi que, à la rentrée, chaque situation sera réexaminée en fonction des effectifs réels. Le collège Yvonne-Le Tac, madame Borvo, ne fera pas exception à cette règle de bon sens.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Effectivement, monsieur le ministre, le rectorat de Paris a souvent été obligé de corriger ses erreurs au moment de la rentrée scolaire. Depuis de nombreuses années, ses prévisions sont erronées, mais il est vrai que Paris est une grande métropole... Quoi qu'il en soit, le rectorat à toujours tendance, curieusement, à faire des estimations à la baisse - il prédit constamment des diminutions d'effectifs et une perte substantielle de jeunes pour la capitale - qui se révèlent infondées dès la rentrée.
Le nombre des élèves n'ayant pas diminué, il me semble que vous serez obligé de changer votre vision des choses assez rapidement.
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Nicole Borvo. Par ailleurs, et j'y insiste, le ministère de l'éducation nationale ne prend absolument pas en compte le fait que les suppressions de postes à Paris sont plus nombreuses qu'ailleurs. Je sais bien qu'il est de coutume d'opposer Paris à la province, mais à Paris se pose le problème de la mixité sociale au sein des quartiers les plus populaires. Et si, effectivement, les quartiers populaires ont bénéficié de surdotations, ce n'est plus le cas à l'heure actuelle. De plus, les suppressions de cette année concernent également des zones d'éducation prioritaire et des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Je le disais tout à l'heure, les options supprimées dans les collèges du fait de la diminution des dotations horaires entraînent obligatoirement des départs d'élèves vers le privé et une réorganisation de la carte scolaire. C'est bien entendu dommageable pour la classe populaire, mais c'est aussi extrêmement dommageable pour le reste de la population : cela va à l'encontre de la volonté affichée par tous de maintenir une mixité sociale au sein des établissements scolaires.
La spécificité de la capitale est donc irréductible, et je m'empresse d'ajouter qu'il faut connaître le xviiie arrondissement de Paris pour savoir combien il mérite mieux que ce que vous nous proposez !
Mme Hélène Luc. Ah oui alors !
Mme Nicole Borvo. Quant à la stigmatisation de la conduite des parents d'élève, elle ne me semble pas pertinente. Une telle mobilisation n'est pas si fréquente et, s'ils se sont largement et amplement mobilisés, c'est pour défendre, à juste titre, la mixité sociale.
Mme Hélène Luc. Très bien !