PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 50 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi organique du 1er août 2001 est une loi d'origine parlementaire qui a recueilli l'assentiment quasi unanime de nos deux assemblées, ainsi que Jean Arthuis et Philippe Marini l'ont rappelé.
Elle réécrit la constitution financière de la France, qui n'avait pas été modifiée depuis quarante ans malgré trente-six tentatives de réforme.
Elle vise deux objectifs majeurs : réformer le cadre de la gestion publique pour l'orienter vers les résultats et la recherche de l'efficacité ; renforcer la transparence des informations sur les finances publiques et la portée de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement.
Je ne m'attarderai pas sur le premier objectif et rappellerai simplement que le budget de l'Etat se présentera désormais selon trois niveaux d'organisation budgétaire.
Tout d'abord, à chaque politique publique correspond une mission qui deviendra l'unité de vote du budget.
Ensuite, les missions sont composées de programmes ; le programme sera donc l'unité de spécialité, ce qui signifie que les crédits y figurant ne pourront être affectés à un autre objet que celui du programme.
Enfin, les programmes sont déclinés en actions.
Au sein d'un programme, le gestionnaire aura donc une liberté presque complète pour affecter les crédits dont il dispose entre les différentes natures de dépenses, sauf en matière de création d'emplois et de dépenses de personnel : la fongibilité des crédits est dite asymétrique.
En contrepartie de cette plus grande liberté, les gestionnaires de chaque programme devront élaborer chaque année des « projets annuels de performance », assortis d'objectifs et d'indicateurs de performance précis sur le respect desquels ils s'engageront. A l'issue de l'exercice budgétaire, dans le cadre de la loi de règlement, qui prendra toute son importance, ainsi que Jean Arthuis l'a souligné, ils devront rendre compte précisément de l'utilisation des crédits qui leur auront été confiés, mais aussi renseigner les indicateurs de performance et indiquer les raisons pour lesquelles ils n'auraient pas, le cas échéant, atteint les objectifs fixés par la loi de finances. L'examen de la loi de règlement de l'année précédente fournira donc aux parlementaires des enseignements précieux pour l'examen de la loi de finances de l'année suivante. L'obligation de rendre des comptes au Parlement est la contrepartie de la plus grande liberté de gestion accordée au Gouvernement.
Selon ce schéma, le budget général comprendra 45 missions et 150 programmes, à comparer aux 848 titres des budgets ministériels tels que nous les examinions jusqu'alors.
Permettez-moi d'aborder maintenant ce qui représente pour moi une grande avancée : le renforcement de la transparence de la gestion budgétaire et de la portée de l'autorisation parlementaire.
La LOLF renforce la transparence de la stratégie économique et budgétaire de l'Etat en l'inscrivant dans une perspective pluriannuelle. Le débat d'orientation budgétaire est institutionnalisé et renforcé.
En présentant la nomenclature budgétaire envisagée par la loi de finances de l'année suivante, le Gouvernement permettra au Parlement de participer davantage à la construction de la loi de finances. Le Parlement voit le champ de ses compétences élargi à des domaines qui lui échappaient. Il disposera d'une information précise sur la politique d'emprunt de l'Etat, les garanties qu'il accorde, les affectations de recette.
Une comptabilité de l'Etat modernisée permettra de mesurer le coût des actions et de mieux connaître la situation financière et patrimoniale de l'Etat, dont les comptes feront l'objet d'une certification par la Cour des comptes.
Les commissions des finances bénéficieront par ailleurs de nouveaux outils pour assurer leur contrôle sur les finances publiques et l'exécution des lois de finances.
Cette loi organique sera applicable au 1er janvier 2006.
Force est donc de constater que, s'il s'est écoulé près de trois ans depuis son adoption le 1er août 2001, il ne reste guère qu'un an et demi avant que son application ne soit effective. Il était donc judicieux, monsieur le président de la commission des finances, d'interroger le Gouvernement afin de savoir où nous en étions de sa mise en place, d'autant que, pour l'examen à l'automne du budget 2005, nous bénéficierons d'une double présentation qui sera un exercice à blanc de la nouvelle loi organique.
J'en arrive, monsieur le secrétaire d'Etat, aux questions qui se posent encore aujourd'hui.
Un constat s'impose tout d'abord : l'avancée inégale, le mot est faible, de la mise en place de la LOLF dans les ministères. Certains d'entre eux n'auraient même pas encore nommé leurs responsables. Comment pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, remédier à cette situation ?
Chaque ministère devait s'attacher à définir, avant le mois de juin 2004, comme l'a indiqué Alain Lambert en janvier dernier, les objectifs et les indicateurs de performance pour chaque programme. Les responsables doivent mettre en place les nouveaux modes de gestion, examiner les conséquences de la réforme sur la politique des ressources humaines dans l'administration, revoir les relations entre les administrations centrales et les administrations déconcentrées. Serons-nous prêts d'ici au mois de juin ?
Au demeurant, en tant que rapporteur spécial du budget de la jeunesse et des sports, je me plais à souligner l'implication de ce ministère dans la mise en place de la loi organique.
Aujourd'hui, le ministère a retrouvé son périmètre antérieur incluant la jeunesse et la vie associative. La logique politique a cédé devant la logique organisationnelle. La partition avait en effet compliqué les choses, les services déconcentrés demeurant au ministère des sports tandis que la jeunesse devenait une partie infime du ministère de l'éducation nationale, qui ne s'en souciait guère.
Suivant cet exemple, serait-il utopique, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'était la conclusion de Jean Arthuis, que, dans l'avenir, les compétences des ministères correspondent aux périmètres des missions ? J'en mesure la difficulté mais cela contribuerait à la simplification et à la transparence budgétaire.
J'en reviens à la mission Jeunesse et sports pour faire les remarques suivantes.
L'état d'avancement est très inégal entre les composantes jeunesse, d'un côté, et sports, de l'autre, en particulier s'agissant des indicateurs et de la ventilation des charges indirectes dans une perspective de coût complet. Seule la composante sports du ministère a opéré cette ventilation.
Le programme de soutien proposé apparaît trop large ; c'est d'ailleurs une remarque que l'on peut faire, me semble-t-il, pour de nombreuses missions.
Il tempère la portée réformatrice de la LOLF. Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne saurait rester en l'état. Il faut autant que possible ventiler les dépenses de personnel et d'équipement dans les deux autres programmes selon une logique de comptabilité analytique et éviter qu'une fonction support ne représente plus de 20 % des crédits de rémunération.
Dans un ordre général, je veux aussi revenir sur l'importance des indicateurs. Pour bien éclairer le Parlement, ils doivent être suffisamment nombreux sans être pléthoriques et il convient de se demander comment se fera l'évaluation.
Je ferai encore une remarque : il importe que les responsables de programme soient nommés rapidement. Eux seuls sont susceptibles de prendre le relais de la motivation en interne, car il importe que l'administration s'implique sans inertie, que ce soit au niveau central ou dans les services déconcentrés.
Dernière question, monsieur le secrétaire d'Etat, dont vous mesurerez l'importance : qu'en est-il du système ACCORD 2, dont la mise en place est indispensable à la mise en oeuvre de la LOLF ? Je partage totalement à ce sujet les préoccupations de Jean Arthuis.
En conclusion, j'émettrai le souhait que la maquette modifiée par la commission des finances du Sénat et qui vient d'être présentée par M. le rapporteur général soit largement prise en compte par le Gouvernement. Des modifications pertinentes ont été apportées dans la composition des missions, qu'elles soient ministérielles ou interministérielles.
J'ai commencé mon propos en rappelant l'initiative parlementaire qui avait permis le vote de cette loi organique. J'espère donc que le Parlement sera entendu jusqu'au bout. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement agricole, je ne peux que me réjouir de ce débat portant sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF. A cet égard, je tiens à saluer l'initiative de notre collègue et ami Jean Arthuis, auteur, avec mon groupe parlementaire, de cette question orale avec débat et l'un des éminents artisans de la réforme de 2001.
Rappelons que cette réforme a été le résultat d'une réflexion dépassant les clivages politiques. La modernisation des finances publiques et de l'Etat est indispensable à l'heure de l'approfondissement de la construction européenne, dans un contexte de mondialisation croissante de l'économie. Grâce au consensus des principales forces politiques de ce pays, nous voilà dotés avec la LOLF d'un outil permettant une gestion moderne de l'Etat, pour des raisons économiques mais aussi afin d'améliorer le fonctionnement de la démocratie.
La transparence budgétaire est le gage dans les prochaines années d'un contrôle parlementaire plus efficace et d'une plus grande implication de nos concitoyens dans les affaires publiques. On ne peut que s'en réjouir alors que la montée de l'abstention et du rejet du politique menacent toujours notre système démocratique. L'intervention de l'Etat génératrice de prélèvements ne va plus de soi depuis plusieurs années : elle doit être légitimée, expliquée aux citoyens. A cet égard, la nouvelle LOLF peut être particulièrement utile.
Parmi les grands enjeux de cette réforme, comme l'a très justement dit Jean Arthuis, figure la responsabilisation des gestionnaires. Nous avons en effet à faire accepter une nouvelle culture de gestion des services de notre administration. Il ne faut pas avoir peur de parler d'amélioration de la production administrative. La rémunération au mérite est certes un instrument « adjectif » pour moderniser nos administrations. Il faut toutefois veiller à ne pas altérer la qualité du travail de certains services ; je pense notamment aux services de police ou à ceux de la justice. Je crains en effet une dérive de la culture du résultat au détriment d'un service de qualité pour nos concitoyens.
C'est pourquoi nous devons chercher d'autres moyens d'adapter l'administration aux évolutions des missions de l'Etat. La répartition des effectifs constitue selon moi, et comme le précise le rapport du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, un outil moderne de gestion de ces services. Leurs responsables doivent pouvoir répartir leur effectif en fonction de la diversité des situations.
C'est notamment le cas pour le personnel de l'éducation nationale. On ne peut envisager sérieusement d'avoir les mêmes besoins pour une classe de trente élèves de milieux familiaux éduqués et attentifs et une classe de trente élèves dont le milieu familial ne favorise pas les études et qui ont pris du retard les années précédentes. Il faut avoir une démarche pragmatique fixant des objectifs, démarche qui s'inscrit dans la logique de la LOLF.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je me permettrai de vous interroger sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : la place accordée à la recherche et à l'enseignement agricoles. Je vous serais donc très reconnaissante de m'indiquer leurs références dans la nouvelle nomenclature du budget de l'Etat et, par voie de conséquence, leur rattachement ministériel. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette loi du 1er août 2001 qui est d'origine parlementaire et qui bouleverse complètement la constitution financière de notre pays a découlé d'une série d'excellentes intentions. Je pense qu'il faut rendre hommage à ceux qui l'ont conçue, comme à ceux qui ont voulu ce débat au stade actuel de la mise en oeuvre de cette loi.
Les excellentes intentions, c'était la définition claire de grandes politiques et leur présentation à la fois au Parlement et au pays.
C'était cette culture, que l'on voulait greffer sur l'administration française, de la performance, de l'efficacité, avec son corollaire qui est celui de la nécessaire souplesse permanente d'adaptation aux situations telles qu'elles se présentent au fil du temps.
C'était aussi l'information plus complète du Parlement sur la réalité du budget, puisqu'on discutera désormais à partir du premier euro et non plus à partir des services votés : aujourd'hui, 94 % des crédits - excusez du peu - sont reconduits quasi automatiquement, 6 % seulement du budget général étant soumis à nos discussions quelquefois un peu futiles.
Au rang des excellentes intentions figurait une réforme de la comptabilité, qui est la conséquence de toutes celles que je viens d'énumérer. Elle introduit la notion de bilan à la place de la notion de recettes-dépenses et nous fait ainsi entrer de plain-pied dans le monde moderne.
On peut également se féliciter de l'apparition de la notion des patrimoines de l'Etat, toujours passés sous silence et dont on pourra apprécier l'évolution au cours du temps, la bonne ou, éventuellement, la mauvaise utilisation, que traduit parfois la passivité d'un certain nombre de placements sans intérêt.
La transparence des comptes spéciaux et le rattachement des budgets annexes s'inscrivent aussi dans cette série d'excellentes intentions dont il faut, encore une fois, se réjouir.
Toutefois, un certain nombre de difficultés étaient prévisibles dès le départ. J'en donnerai quelques exemples.
Première difficulté : la notion de mission, qui, dans ce texte, est d'ordre budgétaire, vient fatalement concurrencer quelque peu la notion de grande politique, ces deux notions n'étant pas forcément adaptées l'une à l'autre ni non plus adaptées à la structure gouvernementale.
A cet égard, tant M. le président de la commission des finances, Jean Arthuis, qui espère qu'à terme la structure du Gouvernement rejoindra les structures des missions, que le rapporteur général, Philippe Marini, qui, dans ses propositions, a multiplié les missions interministérielles par rapport à celles qui figuraient dans la première maquette fournie par le Gouvernement, ont bien senti où était la difficulté de ce double affichage entre mission budgétaire et réalité de grande politique décidée. Nous allons, à un moment ou à un autre, être obligés de travailler au rapprochement de l'une et de l'autre.
J'en viens à la deuxième difficulté de la réforme, à savoir la hiérarchie entre la notion de programme et celle d'action tout en restant à l'intérieur du système, ne serait-ce que pour connaître le niveau de fongibilité.
Troisième difficulté : la « culture de résultats » implique nécessairement l'appréciation des résultats, ce qui pose le problème des indicateurs de performance. Je partage - sur un mode plutôt majeur que mineur, je vous le dis très honnêtement, monsieur le secrétaire d'Etat - les réserves qui ont été émises tout à l'heure à propos du choix de ces indicateurs de performance. Qui les définira ? Si, au bout du compte, les administrations proposent à un gouvernement qui les acceptera des indicateurs de performance qu'elles auront elles-mêmes suscités, calculés, présentés et, évidemment, qu'elles exploiteront ensuite sans que la représentation nationale ait son mot à dire - je pense plus particulièrement aux rapporteurs spéciaux des différents budgets -, il est évident que l'on passera à côté de 95% de l'objectif de la réforme.
Une fois ce problème résolu, restera celui de l'exploitation de ces indicateurs de performance par rapport aux objectifs affichés. J'ai été très sensible aux propos tenus par M. Arthuis sur la loi de règlement. Nous avons déjà longuement discuté de ce problème. Pour ma part, je déplore, que, dans la loi organique, aient été maintenus les délais de discussion de la loi de finances initiale et que rien ne soit précisé concernant le temps de discussion de la loi de règlement.
Certes, la loi organique précise - et c'est une excellente chose - que la loi de règlement doit être discutée avant la loi de finances de l'année n+1, ce qui fait n+2 en réalité. A mon sens, la loi de règlement doit être discutée à fond et à temps. Autrement dit, nous devons pouvoir en discuter avant la fin du mois de mai, c'est-à-dire avant le moment où le Gouvernement rend ses arbitrages internes pour la loi de finances de l'année n+2, quitte à y consacrer une partie du temps que nous réservons à l'examen de la loi de finances initiale. Ainsi, pour préparer le budget, le Gouvernement pourra prendre en compte les leçons de la loi de règlement et des indicateurs de performances, qui, sinon, ne serviraient à rien. Parallèlement, le Parlement pourra contrôler que cette prise en compte est effective.
La définition de grandes politiques pose le problème de l'adéquation des compétences ministérielles. Sur ce point, je rejoins les propos de M. Arthuis.
On mise sur la souplesse, la performance et l'autonomie des chefs de programme, bien ! Mais qu'en est-il du rapprochement de ces notions intéressantes et de la lourdeur de gestion des grands corps de l'Etat ? Par exemple, dans le domaine du logement, j'ai l'impression que nous sommes en train de traverser une épreuve en ce moment.
Ainsi, pour ce qui est des grands corps, de leur autonomie, leur souplesse et leur responsabilisation, quelles sanctions ou quelles récompenses pourra-t-on appliquer à ceux qui auront la gestion des programmes et des missions ?
Le 21 janvier dernier, nous avons reçu une maquette extrêmement intéressante et, d'une certaine manière, extrêmement révélatrice concernant les différents programmes et missions proposés. Je remercie encore la commission des finances, et en particulier M. le rapporteur général, d'avoir mis le doigt, sans indulgence, sur un certain nombre de faiblesses de cette maquette.
Par exemple, en tant que rapporteur spécial du logement, j'avais été stupéfait de l'accueil qu'avait réservé, au mois de décembre dernier, une partie du gouvernement au souhait de tous les rapporteurs concernés par les problèmes du logement de voir créer une mission interministérielle entre les ministères de l'équipement et de la ville. Il m'avait semblé qu'une partie du gouvernement était favorable à ce projet. Or, aujourd'hui, la maquette gouvernementale comporte un programme extraordinaire Logement et tourisme, par lequel le ministère de la ville, qui bénéficie d'un programme Evolution et rénovation des villes, n'est absolument pas concerné.
J'ai donc constaté avec satisfaction la proposition de création d'une mission Urbanisme et logement, qui me semble infiniment plus logique que la précédente. L'adoption de la proposition de la commission des finances sera peut-être facilitée grâce aux nouvelles structures gouvernementales. Quoiqu'il en soit, cette situation pose de nouveau le problème de l'adéquation entre les grandes politiques, les structures gouvernementales et la réalité.
J'évoquais tout à l'heure les inquiétudes à propos des grands corps s'agissant des évolutions évidentes que contient en filigrane la loi organique. Je crois savoir que l'administration du logement, qui fait partie du ministère de l'équipement, a quelque mal à s'adapter à la restructuration gouvernementale qui vient de se mettre en place. Le fait que, sur le terrain, ce soient toujours les DDE, les directions départementales de l'équipement, qui sont hiérarchiquement dépendantes du ministère de l'équipement, lui-même dépouillé des politiques du logement et de la ville, qui gardent la main sur la question ne va pas faciliter la situation. Ce problème est l'une des joies que nous réservent les années qui viennent.
Autre exemple, sur lequel je m'interroge beaucoup plus gravement : la défense civile. Dans la première maquette figurait uniquement la sécurité des personnes, qui comprenait la sécurité civile, au sein du ministère de l'intérieur.
Le général de Gaulle, en 1959, ne s'était pas contenté de prendre les ordonnances sur les lois de finance. En effet, à l'article 17 de l'ordonnance de 1959 portant organisation de la défense, on trouve la définition de la défense civile : celle-ci est, par nature, interministérielle. Certes, le pilotage en est confié au ministère de l'intérieur. C'est d'ailleurs de cet article que découle la présence de hauts fonctionnaires de défense dans tous les ministères. Je ne peux malheureusement pas dire que leur réputation, leur influence interne dans chaque ministère soient à la hauteur de la grande ambition que l'on pouvait avoir. Quoi qu'il en soit, intégrer la sécurité civile dans un programme Protection des personnes ne correspond absolument pas à la réalité du monde moderne !
A mon sens, il y a lieu de réfléchir. Monsieur le secrétaire d'Etat, la défense du pays ne concerne pas uniquement le ministère de la défense, ne concerne plus uniquement les militaires. Nous le savons bien ! La ligne de front peut se trouver rue de Tournon dans dix minutes ; il faut protéger les populations et anticiper la menace : c'est bien d'une conception générale de la défense qu'il s'agit. Faut-il trouver un moyen d'articuler défense militaire et défense civile, dont les préoccupations et les matériels sont parfois duals, même si la direction générale de l'armement a quelques difficultés à en accepter l'idée ?
Chers collègues de la commission des finances, je suis un peu déçu d'avoir retrouvé la sécurité civile au sein d'une mission Ecologie et maîtrise des risques. A mes yeux, la réflexion n'est pas terminée. Il nous faudra la reprendre complètement autour de la notion de défense civile.
Par ailleurs, le Parlement serait également friand de discuter des actions. Monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat examine en ce moment le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux qui, au vu du déroulement des débats, atteindra très certainement son objectif. Parallèlement, bien entendu, nous évoquons la promotion de l'agriculture et des territoires ruraux.
Je sais que la commission des finances s'interroge sur l'article 74 du projet de loi, qui prévoit la mise en place d'un établissement public national, afin de concevoir et de mettre en oeuvre la communication en matière agricole et rurale. En effet, la commission des finances n'est pas très favorable, en général, à la création de nouveaux offices, de nouveaux organismes permanents.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Paul Girod. C'est bien pour cette raison que je m'exprimais par litote, monsieur le rapporteur général.
Je pense qu'il y a lieu non seulement d'examiner les propositions de la commission des finances sur ce sujet, mais aussi de prévoir, monsieur le secrétaire d'Etat, une action spécifique et exclusive en faveur du développement rural. En effet, réunir la promotion de l'agriculture et celle du développement rural ne me semble pas suffisant au regard de l'importance d'un sujet aussi précis. Je sais que ce point tient particulièrement à coeur à un certain nombre de nos collègues.
Plus globalement, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que la démarche qui est suivie actuellement est bonne, sous réserve que n'ait pas raison un article de presse assez angoissant sur ce sujet. Pour ma part, je salue avec respect les efforts de la direction « biodégradable » de la réforme budgétaire, car je sais que son travail est extrêmement difficile.
Je souhaite cependant que vous multipliiez les réunions avec les commissions des finances du Parlement, afin que nous puissions vous apporter de plus en plus d'idées. Nous ne souhaitons pas vous compliquer la tâche mais au contraire faire en sorte que la présentation du budget soit une vraie démarche politique et non pas la fameuse « Litanie, liturgie, léthargie » que dénonçait Edgar Faure et qui explique que le public se désintéresse de la discussion budgétaire. De ce fait, la notion et la réalité du déficit ont totalement échappé à nos concitoyens, qui croient toujours à l'existence d'un trésor caché. Cette situation est probablement à l'origine de la situation globale dans laquelle se trouve le pays aujourd'hui. Bien que cette remarque s'éloigne de l'objet de notre débat, je crois qu'il était important de souligner ce point. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'argumentaire détaillé de M. le rapporteur général.
Si l'on dépasse la technicité du propos, il s'agit, à travers la question de notre collègue président de la commission des finances, de mesurer la souplesse et la célérité avec laquelle les gestionnaires de la dépense publique intègrent effectivement les données nouvelles de traitement budgétaire induites par la mise en oeuvre de la loi organique relative à la discussion des lois de finances et, de manière plus générale, à leur conception même.
Je vais m'efforcer d'exposer la conception de l'action publique telle qu'elle est traduite par les choix budgétaires assumés par le législateur et le gouvernement.
Au printemps et à l'été 2001, notre groupe parlementaire avait été le seul, alors que paraissait émerger un consensus entre les rapporteurs généraux de l'Assemblée nationale et du Sénat, à émettre les plus grandes réserves quant à l'adoption de la loi organique. A l'époque, nous avions souligné en particulier que bien des aspects de la loi organique posaient problème, qu'il s'agisse du traitement des dépenses de personnel, du principe même de la fixation des enveloppes budgétaires, de la logique de constitution des programmes d'intervention de l'Etat.
Dans son essence, la loi organique telle qu'elle a été conçue par ses auteurs, ou plutôt par ses coauteurs, apparaissait en fait comme un outil de gestion, la plus austère et la plus rigoureuse possible, des deniers publics, assorti de quelques menus sacrifices imposés par des choix conditionnés à la fois par la réalité de la situation économique et l'alignement de la politique économique et budgétaire sur les contraintes européennes qui servent de toile de fond à toute démarche publique dans notre pays depuis de longues années. A la vérité, si l'on peut admettre in fine que la nouvelle présentation des dépenses budgétaires sera susceptible de permettre une meilleure lisibilité des mouvements réels et une vision plus analytique de la réalité de l'intervention de l'Etat, les conclusions qu'en tire l'auteur de la question ne peuvent manquer, a posteriori, de justifier nos interrogations initiales.
En effet, que viserait spécifiquement la mise en oeuvre de la loi organique ?
Il s'agit de permettre, selon les termes de la question, l'émergence d'une culture de résultats et de performances et de favoriser l'instauration d'une rémunération au mérite des gestionnaires responsables, en dernier ressort, de programmes.
Où est le sens de l'action publique, du service public, de l'intérêt général dans cette affaire ?
Quels seraient les indicateurs les mieux à même de mesurer l''efficacité de la dépense publique ? La faculté de remplir une mission au moindre coût, en effectuant les gains de productivité les plus importants en termes de frais de personnel, de fonctionnement ? La diligence à sous-traiter des pans chaque fois plus larges de telle ou telle mission à des opérateurs privés ?
Si l'on appelle culture de résultats et de performances le démantèlement progressif des services publics quels qu'ils soient, leur marchandisation effrénée, cela doit être clairement exposé. Et si la loi organique offre l'opportunité de considérer ainsi l'action de l'Etat et de ses services, que ce soit dit !
Et nous aurions eu raison, sur le fond, d'avoir quelques réticences initiales sur l'adoption, en ces termes, de ladite loi organique.
Comment mesurer, par exemple, l'efficacité de la mission Education de l'Etat ? Par la dégradation du ratio enseignants/enseignés ou par la constatation de l'obtention d'un diplôme général ou professionnel par les jeunes ?
Pour notre part, nous sommes, sans la moindre hésitation, du côté des fonctionnaires de l'Etat, que ces conceptions profondément libérales de l'intervention publique révulsent au plus haut point et qui sont susceptibles, mes chers collègues, de vous le faire savoir. Ceux du ministère des finances vous l'ont d'ailleurs déjà fait savoir en 2003 pour la réforme des retraites et pour la décentralisation.
Quant à la question de la rémunération des cent quatre- vingts gestionnaires de programme, soyons clairs : premièrement, cette rémunération n'est pas excessive ; deuxièmement, ces deux millions de fonctionnaires ne sont pas payés à leur juste valeur.
Les choix budgétaires en cours sont également en cause, et force est pour nous d'y revenir.
La situation des comptes publics est en effet particulièrement critique.
La dette publique est parvenue à un niveau jamais atteint, dépassant les 1 000 milliards d'euros, et les choix opérés depuis 2002 n'ont pas réussi à modifier la donne, loin de là !
La progression de la dette publique est d'ailleurs plus importante que celle de la richesse créée, ce qui montre que nous sommes bien loin de la croissance qui nous était promise lors de la déclaration de politique générale du printemps 2002.
La mise sur le marché du nouveau produit d'épargne retraite participe de cette orientation, puisque le traitement réservé à l'épargne concernée et notamment le fait qu'elle soit bloquée permettraient a priori de capitaliser une bonne partie de la dette publique sur les engagements pris par les banques et les compagnies d'assurance gérant les plans.
Mais permettez-moi d'inclure dans cet intéressant débat le grave problème posé par les mesures de gel annoncées la semaine dernière. Tous les secteurs, ou presque, de l'action publique sont en effet directement concernés par ces mesures de gel, mesures dont nous avons dit qu'elles anticipaient probablement des mesures d'annulation pure et simple des dépenses.
Ce sont en effet 7 milliards d'euros de dépenses publiques qui sont ainsi mis en réserve. Et, 7 milliards d'euros, cela représente beaucoup ! On se rappellera, par exemple, que les dépenses nouvelles votées au titre des moyens des services et des interventions publiques s'élevaient, dans le cadre de la loi de finances, à environ 5,3 milliards d'euros.
Par conséquent, indépendamment des efforts demandés au budget de la défense, dont on a beaucoup parlé la semaine dernière, c'est la quasi-totalité des dépenses nouvelles des ministères civils quiest directement frappée par l'orientation fixée.
Dans cette logique, il n'y aurait donc plus de sanctuaire ni de domaine préservé, tous les éléments de l'action publique étant directement concernés par la mise en oeuvre de cette orientation.
Est-ce là la réponse aux attentes sociales si fortement exprimées par nos concitoyens ?
Derrière le prétendu « courage » budgétaire, que voit-on ? Les fermetures d'écoles primaires en zone rurale, la limitation de la dépense d'action sociale, le retard dans la mise en chantier des logements sociaux, l'interruption des travaux d'aménagement de voirie, le ralentissement des procédures de classement des sites protégés, la réduction progressive de l'implantation des services publics dans les villes et les campagnes,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut augmenter le déficit ! C'est la seule ressource que vous connaissiez !
Mme Odette Terrade. ...la stagnation du pouvoir d'achat des fonctionnaires, la réduction des postes offerts aux concours de recrutement, la remise en cause du droit à réparation des anciens combattants, l'abandon du soutien à la création artistique vivante et au développement des activités physiques et sportives, de la lutte contre l'exclusion, contre les pandémies de notre époque...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tout !
Mme Odette Terrade. Non, la liste pourrait être encore longue !
Tel est le tableau général de la politique de réduction de la dépense publique que nous voyons aujourd'hui mise en oeuvre.
Je l'ai dit, nous pourrions multiplier les exemples, parce qu'il ne se passe pas de jour sans que nous ne soyons saisis par une association, des citoyens ou des élus locaux de tel ou tel retard dans l'exécution d'engagements public pris par l'Etat.
Je ne sais pas s'il convient de se féliciter qu'une amélioration de la modernisations de la gestion de la dépense publique conduise ainsi au reniement de la parole donnée, donc à la persistance des inégalités et des discriminations sociales, mais le fait est là.
A ce stade du débat, tout concourt à justifier pleinement la position que nous avions adoptée lors de la discussion de la proposition de loi organique relative aux lois de finances. Comment, en effet, ne pas lier in fine ce débat à celui qui persiste sur le sens de la construction européenne, actuellement à l'oeuvre, et le rôle si particulier que l'on fait jouer à son instrument monétaire, la Banque centrale européenne, dont nous parlions il y a peu ?
Telles sont les quelques observations que le groupe communiste républicain et citoyen ne pouvait manquer de formuler, au risque d'apparaître quelque peu en décalage avec le contenu même de la question, mais ce décalage est pleinement assumé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de vous dire combien je me réjouis que le groupe de l'Union centriste m'ait donné l'occasion de dialoguer avec chacune et chacun d'entre vous sur cette question centrale de la réforme budgétaire, que Mme Terrade a un peu oubliée au fil de son discours. Je remercie Jean Arthuis, président de la commission des finances, d'en avoir pris l'initiative.
Je veux dire aussi ma reconnaissance à tous les membres de la Haute Assemblée, notamment aux orateurs qui sont intervenus cet après-midi, pour leur contribution au débat.
La qualité de l'échange que nous avons aujourd'hui manifeste, une fois de plus, l'intérêt que vous portez, mesdames, messieurs les sénateurs, à la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF. Naturellement, votre rôle dans l'émergence de cette nouvelle « Constitution financière » a été décisif. Et, au moment où celle-ci doit se traduire concrètement, je souhaite que votre implication n'en soit que plus forte. Après vous avoir entendus, j'en suis certain.
Avant de revenir sur les différents points que vous avez soulevés, sans être complètement exhaustifs, je souhaite resituer notre propos dans un contexte plus large, en rappelant les grandes orientations du Gouvernement sur cette question.
Je profiterai aussi de l'occasion que vous me donnez aujourd'hui pour détailler le programme de travail que Nicolas Sarkozy et moi-même avons devant nous. C'est une feuille de route très serrée et nous devrons sans doute accélérer la cadence. Mais au sein du Parlement comme dans l'ensemble de l'administration, je crois que nous pouvons compter sur l'engagement de chacun pour être prêt dans les délais imposés.
Quel est le sens profond de cette réforme qui mobilise tant d'énergie sur les bancs des assemblées et, je le souhaite, dans les bureaux des ministères ? Il s'agit avant tout - vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général - de redonner au Parlement les moyens de remplir pleinement son rôle central historique : donner un consentement éclairé à l'impôt et à la dépense. Nous voulons que les parlementaires puissent voter le budget de l'Etat au premier euro et qu'ils se voient dotés de moyens leur permettant de sortir de l'assujettissement tacite dans lequel l'exécutif les tient parfois, en les noyant d'informations finalement trop peu exploitables.
Ce que nous voulons, mesdames, messieurs les sénateurs -et c'est une exigence évidemment partagée- c'est que le Parlement soit un véritable coacteur dans la « fabrication » et le vote du budget, et non plus seulement un partenaire au rôle limité. Au-delà, ce sont tous les citoyens et, naturellement, les contribuables que nous souhaitons réconcilier avec l'Etat et l'action publique.
Grâce à cette réforme budgétaire que nous ciselons ensemble, nous discuterons bientôt de vraies politiques publiques, auxquelles seront assignés des objectifs clairs, sanctionnés par des résultats mesurables. En sortant du jargon de spécialistes, en instaurant une vraie culture du résultat, sans dogmatisme excessif - vous l'avez souligné, madame Férat - nous permettrons à chaque Français d'être juge de la manière dont l'argent public, c'est-à-dire le fruit de son travail, est utilisé. Naturellement, madame Terrade, nous souhaitons le faire sans démanteler le service public. C'est ainsi, et pas autrement, que nous réhabiliterons l'impôt.
Cette réforme est un vrai tournant dans l'histoire de l'Etat : elle donnera à tous ses gestionnaires une vision claire de l'avenir ; elle incitera tous les ministres à agir comme s'ils étaient leur propre ministre des finances au sein de leur ministère ; elle donnera au travail gouvernemental, par delà les structures, un esprit sans doute plus coopératif ; enfin, elle permettra aux deux millions d'agents de l'Etat, qu'il faudra progressivement mais fortement sensibiliser à la réforme, former à ses objectifs et à ses méthodes, d'améliorer leurs compétences dans l'accomplissement de leurs missions au service de nos compatriotes.
Ces évolutions - vous l'avez toutes et tous indiqué - transformeront en profondeur notre façon de travailler. La nouvelle « Constitution financière » sera l'instrument d'une nouvelle approche plus stratégique de la dépense et de l'action publiques. Ces objectifs, la quasi-totalité d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, s'est battue, au-delà des opinions de chacun, pour les faire graver dans le marbre de la loi. Il faut maintenant nous battre ensemble pour les inscrire dans le quotidien de l'Etat et dans le fonctionnement de nos administrations.
Pour faire de la LOLF un succès dès 2006, vous pouvez compter sur l'engagement énergique de l'ensemble du Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je le dis d'une manière très solennelle, car, vous l'avez rappelé, les choses ne sont pas évidentes : nous tiendrons les délais fixés, quelles qu'en soient les difficultés. Et, s'il faut redoubler d'efforts pour être prêts à l'heure, nous le ferons. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE.)
L'année 2004 - vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général - est une année décisive dans la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001. Dans quelques mois, nous discuterons du projet de loi de finances pour 2005 dans le cadre en vigueur depuis 1959. Néanmoins, nous serons en mesure de vous soumettre la nouvelle présentation par mission et par programme, intégrant des indicateurs de performance. Cela ne sera pas un simple ravalement de façade : nous voulons vous présenter une première version de la stratégie des programmes, articulée autour d'objectifs politiques clairement identifiés et d'indicateurs de performance pertinents ; M. Paul Girod y a fait allusion.
Bref, l'oeuvre à accomplir dans chacun des ministères reste importante et toutes les énergies doivent se mobiliser pour que ce premier grand rendez-vous, dont vous serez les acteurs privilégiés, soit une réussite. Si nous rations ce premier rendez-vous, c'est un peu la première étape de la LOLF qui serait en danger.
Dans ce calendrier serré, notre débat de ce jour revêt une grande importance. Nous avons un intérêt commun à ce que la maquette de la nouvelle nomenclature budgétaire puisse être rapidement arrêtée, en respectant naturellement, monsieur Arthuis, le travail de la commission des finances, qui est maîtresse de son calendrier. Nous devons agir vite et bien, et nous avancerons dans le plus grand respect des intuitions - nombre d'entre elles ont été exprimées à cette tribune - des observations, des préoccupations et des propositions des parlementaires.
Alain Lambert, qui a tant oeuvré avec vous pour que cette réforme puisse voir le jour, a présenté cette nouvelle maquette du budget de l'Etat le 21 janvier dernier. Dès son élaboration, ce projet avait tenu grand compte des observations du Parlement, et en particulier de celles qui avaient été formulées dans les rapports spéciaux du projet de loi de finances pour 2004.
Depuis le 21 janvier dernier, le même esprit a prévalu. Le Gouvernement veillera scrupuleusement à ce que la voix du Parlement soit entendue. Le Premier ministre a personnellement souhaité que les commissions chargées des finances des deux assemblées puissent se concerter et discuter de ce projet de maquette d'ici à la fin du mois d'avril prochain ; nous y sommes.
L'état d'esprit du Gouvernement est très clair sur ce point : il sait tout ce que cette réforme doit au Parlement. Par conséquent, dans la continuité du travail accompli, il fera en sorte qu'elle puisse faire la plus large place aux idées des parlementaires, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition.
En quelques semaines à peine, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez travaillé sur la maquette du Gouvernement ; vous vous l'êtes appropriée. Je me réjouis que les conclusions que M. le rapporteur général vient d'esquisser puissent être rendues publiques prochainement. De ce que vous avez bien voulu nous en dire, je note qu'elles se signalent par une hauteur de vue qui fait honneur à votre assemblée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Vous avez su appréhender l'ensemble des enjeux posés par cette nouvelle architecture, sans vous arrêter à des points de détail, que nous aurons d'ailleurs le temps d'apprécier ensemble dans les mois et les années à venir.
Soyez en, d'ores et déjà, sincèrement remerciés au nom du Gouvernement, et soyez assurés que votre voix sera entendue et, mieux encore, écoutée.
L'Assemblée nationale nous a déjà fait connaître son sentiment cette semaine. Elle valide globalement la maquette que lui a soumise le Gouvernement et formule, comme vous, d'intéressantes propositions.
Dans l'ensemble, vos suggestions seront, par principe, et je dirai : naturellement, accueillies favorablement, et Nicolas Sarkozy et moi-même souhaitons pouvoir en discuter sereinement avec vous, dans l'état d'esprit constructif qui a guidé votre démarche. Vos propositions et vos remarques, monsieur Marini, seront appréciées dans un esprit le plus ouvert possible !
Sur la base de ces contributions, le Premier ministre a souhaité lancer une dernière consultation des ministères.
Notre objectif est de parvenir le plus rapidement possible à une réponse d'ensemble pour que soit arrêtée la maquette budgétaire définitive qui servira de base à nos prochains travaux et dans laquelle nous reprendrons certaines de vos idées. En particulier, j'ai noté le voeu de Mme Férat de voir l'enseignement supérieur et la recherche agricoles figurer dans la mission interministérielle Recherche. J'ai également pris acte des excellentes remarques de Paul Girod sur le caractère interministériel ou sur l'exercice par le Parlement de ses pouvoirs de contrôle, de même que j'ai entendu, récemment, M. de Rohan souhaiter que la promotion de la ruralité fasse l'objet d'une action dans le cadre des dispositions de la LOLF plutôt que d'un nouvel EPIC, comme cela était envisagé dans la discussion du texte présenté par mon collègue Hervé Gaymard.
Il n'est même pas besoin de vous rassurer sur la prise en compte de vos remarques dans l'élaboration de la maquette, car elle va de soi : nous ferons les choses ensemble et dans l'esprit qui a été le vôtre, c'est-à-dire un esprit d'ouverture et d'intelligence.
Maintenant, il faut passer à la phase d'accélération de la cadence pour être au rendez-vous du budget pour 2006.
Quelles sont les prochaines étapes de la feuille de route que, avec Nicolas Sarkozy, nous nous sommes fixée pour les semaines et mois à venir ?
Après la consultation du Parlement, qui a montré tout son intérêt, nous devrons présenter très rapidement une architecture budgétaire incluant sa contribution.
Nous devrons non moins rapidement faire en sorte que chacun puisse être préparé à la gestion des nouveaux programmes. C'est ainsi que nous devrons accélérer et peut-être élargir le mouvement des expérimentations dans les ministères. Les différents volets de la réforme devront être inclus dans ces expérimentations : la fongibilité du budget global, la constitution de budgets opérationnels de programme, la nouvelle gestion des effectifs et des dépenses de personnel, ou encore la gestion des autorisations d'engagement. Notre ambition est que chaque administration, qu'elle soit centrale ou déconcentrée, soit en mesure de commencer à travailler selon ces nouvelles règles dès le début de l'année 2005.
Au coeur de la réforme figure également un autre élément très important, que vous avez tous évoqué : le pilotage de la performance. D'ici à la fin du mois de mai, nous mettrons au point un guide partagé sur la performance qui est appelé à faire référence. Nous voulons le concevoir dans le plus grand consensus, en liaison avec les deux commissions parlementaires chargées des finances et avec la Cour des comptes.
Je tiens donc, monsieur le président de la commission des finances, à vous rassurer sur ce point, qui est en effet tout à fait essentiel : le Parlement, comme vous le souhaitez à juste titre, sera pleinement associé à la préparation du cadre méthodologique dans lequel seront produites les informations sur la performance. Nous serons d'autant plus attentifs à la préparation de ce document que la définition d'indicateurs pertinents et incontestables détermine le succès opérationnel de la réforme.
En matière de comptabilité et de procédures, l'arrêté interministériel établissant les nouvelles normes de comptabilité de l'Etat sera publié et les nouvelles modalités d'exercice du contrôle financier arrêtées dans le même délai d'un mois.
L'étape suivante, en juin prochain, sera le débat d'orientation budgétaire. Les ministères, monsieur Sergent, auront alors désigné tous les responsables de programme : c'est un nouveau métier qui verra le jour au coeur de l'Etat, et nous devrons lui accorder une grande importance.
Je souhaite également confirmer, en réponse aux questions du président de la commission et du rapporteur général, qu'il y aura bien un responsable par programme et un seul. Sur ce point, les choses sont claires.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, la question de la modernisation de la gestion des ressources humaines qu'implique la LOLF, en particulier celle des moyens d'introduire de nouveaux modes de récompense et de sanction des responsabilités managériales, ou encore celle de la rémunération au mérite, paraît essentielle au Gouvernement, comme à vous-mêmes. Chaque ministère doit donc apporter sa part à la réflexion sur sa mise en place ; le ministère de l'économie et des finances se montrera volontaire et, je le souhaite, exemplaire en la matière.
D'ici au débat d'orientation budgétaire - j'essaie d'être le plus précis possible -, les ministères auront donc réfléchi aux moyens concrets de piloter ces programmes.
Ce nouvel état d'esprit doit naturellement se diffuser dans l'ensemble de l'Etat : si la réforme est imposée d'en haut, elle ne marchera pas. Nous devons, au contraire, faire le choix du « sur-mesure » et de la souplesse. Chaque ministère, par la façon dont il fera vivre la réforme dans sa propre administration, devra apporter sa pierre à l'édifice commun.
Par ailleurs, chaque ministère devra définir un ambitieux programme de formation, dont bénéficiera chacun de ses agents. Un dispositif d'animation et de suivi de la réforme devra aussi être mis sur pied à l'échelon territorial, sous l'autorité des préfets - vous avez pris connaissance du décret qui a été adopté hier par le conseil des ministres - et des trésoriers-payeurs généraux.
En juillet sera arrêtée la maquette définitive des projets annuels de performance autour de ces programmes. Ils remplaceront les « bleus ».
A la rentrée, nous déposerons devant le Parlement, en complément du projet de loi de finances pour 2005, un document indicatif présentant les crédits selon la nouvelle architecture du budget. Puisque les ministères, par définition, auront fait leur travail, nous serons présents au rendez-vous fixé au paragraphe I de l'article 66 de la loi organique. Nous irons même, je le souhaite, au-delà de la lettre de la loi en vous proposant un vrai document sur les performances associées aux programmes, en préfiguration des projets annuels de performance.
Cette précision répond pleinement, je l'espère, au souhait que vous venez d'exprimer, monsieur le président de la commission des finances : à l'automne, les ministères seront en mesure de fournir au Parlement, outre les documents officiellement exigés par la LOLF, une première version des futurs « projets annuels de performance », qui se substitueront l'an prochain aux « bleus budgétaires ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. En janvier 2005, nous lancerons en grandeur réelle les expérimentations de budgets préfigurant les programmes. Nous avons pour ambition qu'à cette date aucune administration ne puisse plus ignorer ou faire semblant d'ignorer les exigences et les objectifs de la LOLF. Il nous aura fallu, pour ce faire, définir les périmètres exacts et désigner les responsables de tous les futurs budgets opérationnels de programme.
Tels sont le schéma et le calendrier. Naturellement, nous n'allons pas réussir en si peu de temps une réforme qui change près de cinquante ans de pratique budgétaire. Elle demandera des efforts sans précédent, pour casser les habitudes - ce n'est pas le plus simple -, pour déplacer les « cloisons » des actuels budgets et pour passer d'une culture de moyens à une culture de résultats, mais toujours, madame Terrade, dans l'intérêt du citoyen et du contribuable.
Nous serons peut-être appelés - soyons humbles - à tâtonner. Car malgré nos efforts et notre persévérance, nous commettrons sans doute des imprécisions, voire des erreurs. Et si la commission des finances veut bien l'accepter, il ne nous sera pas interdit de corriger des points qui seraient inadaptés, de préciser, d'améliorer notre travail. Ce qui nous est interdit, en revanche, ce qui ne serait pas pardonnable, car cela contreviendrait à l'esprit de la loi que vous avez votée, ce serait l'immobilisme.
Naturellement, il est un point épineux, évoqué par M. Arthuis et par M. Sergent : le volet informatique de la réforme, dont il a beaucoup été et dont il sera certainement encore beaucoup question.
Le marché informatique ACCORD 2, dont tout le monde reconnaît la très grande complexité, a en effet subi un incident de procédure très sérieux du fait de l'avis négatif rendu voilà un mois par la Commission spécialisée des marchés informatiques.
Le Gouvernement a demandé l'avis d'experts, en l'occurrence de quatre inspecteurs généraux, sur les suites à donner à ce marché et sur la meilleure solution technique, juridique et financière qui permettra de respecter le calendrier de la LOLF. Leur rapport est attendu dans les prochains jours.
Nicolas Sarkozy a eu l'occasion de rappeler mardi matin, devant l'Université des finances publiques, que, sur la base de cet avis, nous prendrons une décision très rapidement. Les parlementaires seront tenus informés de l'évolution de ce dossier, essentiel aux yeux du Parlement comme du Gouvernement.
Quoi qu'il advienne, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif politique d'appliquer la LOLF dès 2006 ne sera pas remis en question. Même si mon propos peut vous paraître optimiste, l'informatique n'est qu'un outil, dont nous veillerons qu'il permette d'appliquer le coeur des fonctionnalités de la LOLF dans des conditions satisfaisantes dès 2006, quitte à développer ensuite une application plus complète. Pour parler plus clairement encore : nous attendions une Rolls, si l'on nous livre une C5 - et ce pourrait être pire -, nous ferons avec, et cela marchera. La LOLF sera appliquée et nous procéderons à des améliorations au fur et à mesure que nous le pourrons.
D'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui connaissez bien le monde de l'entreprise, pouvez-vous me citer un établissement qui aurait réussi à remodeler d'un seul coup tout son système d'information financière sans accrocs ? L'Etat semble avoir eu la présomption d'y parvenir ; soit ! Mais nous devrons certainement, en la matière, procéder par étapes, comme le bon sens nous le recommande, sur la base d'expérimentations. Néanmoins, l'objectif politique d'appliquer la LOLF dès 2006 ne sera pas remis en question.
Cette précision étant apportée - et elle était d'importance, puisqu'elle répondait à vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs -, j'insisterai sur le fait que chacun d'entre nous, Gouvernement, Parlement, fonction publique, doit redoubler d'ardeur pour permettre à ce changement culturel majeur de se concrétiser dans les délais qui nous sont imposés. Je sais que vous partagez cet objectif, et le Gouvernement a besoin de vous pour l'aider à surmonter les difficultés, les conservatismes, pour l'aider à réaliser une montée en puissance sereine mais efficace, étape après étape. D'ici au mois de septembre 2005 et à l'examen du projet de loi de finances pour 2006, qui inaugurera cette réforme, nous ne devons perdre aucun instant dans la préparation très concrète de cette révolution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, par la mise en oeuvre de la LOLF, le Parlement, travaillant conjointement avec le Gouvernement, a voulu relever un défi : celui de la réforme. L'Etat compte fortement sur vous pour être, avec vous, pour vous, et pour nos concitoyens, au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.